Réinterprétation et autres histoires
Chapitre 16 : Deuxième partie, Mariage et secrets familiaux
7034 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour il y a environ 2 mois
16. Mariage et secrets familiaux
Cassandre observe Élie qui demeure prostré dans le cadre de porte ne cessant de murmurer :
— Mais c’est impossible ! Je ne peux y croire ! Mon père est défunt ! Mes parents sont défunts ! Pourquoi ? Pourquoi ? se lamente-t-il. Pourquoi maintenant ? Qu’avaient-ils à me dire de si important ? Que gardent-ils de si secret en leurs âmes ? Pourquoi errent-ils encore ?
— C’est effectivement perturbant, Élie, que ton père vient de mourir ! commenta la jeune femme, versant quelques larmes. Mais tu ne peux… continue-t-elle d’une voix larmoyante, demeurer… ainsi, viens ! Quittons l’endroit !
Elle le tire gentiment par la manche de sa chemise.
— J’arrive, dans quelques instants ! Laisse-moi seul, un peu seul en ce moment. Je dois encore réfléchir pour mieux me confronter à cette réalité si soudaine et imprévue ! C’est difficile à appréhender ! Je veux être seul pour ne pas être distrait !
Cassandre opine du chef et sort de la maison, laissant la place aux ambulanciers. Élie parcourt une dernière fois du regard la salle, ce charmant salon aux murs brun clair, au centre de laquelle trône une immense table en bois laqué entouré de quatre chaises du même matériel. Au fond, une immense bibliothèque remplie de livres les plus divers cache partiellement le passage vers la cuisine. L’immense fenêtre à l'est apporte une douceur avec les rayons solaires qui illuminent la pièce. Abasourdi du cadavre de son père encore sur la chaise, le professeur n’ose pas le déplacer. Il demeure ainsi, aussi raide qu’une bougie et aussi immobile qu’une statue, fixant le vide.
— Émilie, tu es encore là ? s’étonne la voix forte de René près de la fenêtre.
Le professeur de Psychologie tourne sa tête vers le son, fronçant les sourcils à la question de son père.
— René, tu pensais quoi au juste, que je sois partie ? réplique cyniquement l’interpellée derrière le dos de son fils. Que nenni ! Tu connais bien la raison !
— Ne me la rappelle pas, les Schwartz ! Et notre fils nous entend ! L’ignorais-tu ?
— Père et mère, dites-moi quelle est cette histoire, ce lien avec mes futurs beaux-parents ou, au moins, avec l’un de cette famille ? Je suis dans une grande confusion… Vous êtes très énigmatiques…
— Heu… Disons, des vieilles histoires qui ne méritent pas d’être déterrées, hurle la mère de l’entendeur d’esprits, agressive. Et j’ignorais que notre fils nous entendait !
— Ce n’est qu’un détail, mais là n’est pas l’essentiel ! Tu veux cacher des vérités ! C’est ce que nous verrons, ma chère ! réplique son mari. D’ailleurs, il semble que tu me caches une vérité troublante si tu es si hystérique et si tu demeures encore parmi les vivants.
— Attendez, un peu ! s’écrie d’une voix plus aiguë que voulue leur fils, sorti de sa réflexion par leur voix. Mère, je pensais que tu étais partie dans la Lumière, qu’est-ce qui te retient ? Je peux t’aider… Je ne suis pas psy pour rien ! Et père, je ne comprends pas l’allusion au Schwartz ? Vos mots à peine voilés me laissent perplexe, pouvez-vous un peu éclairer ma lanterne ?
Puis un silence gênant s’instaure dans la pièce, laissant Élie incertain de sa compréhension de la situation. Comme il n’entend plus ses parents, il parcourt toute la maison en quête d’indices, en vain.
Il rejoint sa fiancée à l’extérieur de la demeure familiale et lui annonce, essuyant prestement les larmes qui perlent le coins de ses yeux :
— Je pense qu’il sera mieux de déplacer notre mariage. Question que j’aie le temps de faire le deuil comme il le faut et que j’enquête sur mes parents ! Je te propose le 10 octobre.
Lueur d’étonnement dans ses sombres yeux, Cassandre lui demande :
— Cela me convient pour le déplacement de notre mariage, mais pourquoi une enquête sur tes parents ? Pour le deuil, je comprends, mais pour une enquête, c’est bizarre…
— La dernière phrase de mon père avant son arrêt cardiaque me laisse croire qu’il y a une vérité qu’il voulait me dire, mais qu’il n’y est pas parvenu…
— Qu’est-ce que ton père t’a dit ? Dans quelle circonstance ? Je ne me rappelle pas lors de notre visite qu’il ait mentionné une phrase incitatrice à la recherche. Serait-ce lors de tes conversations téléphoniques antérieures, où, rétrospectivement, tu discernes une énigme ?
— Je peux le dire ainsi, confirme le psychologue, remerciant sa fiancée qui lui fournit un alibi pour ne pas devoir lui expliquer son don maintenant. Selon son ton, ceci doit être important, puisqu’il ne se réjouit pas que tu sois ma fiancée, continue-t-il dans un souffle… Donc j’essayerais de comprendre le passé de nos parents par une enquête, à défaut de mieux.
— Mais comment penses-tu t’informer sans aucun indice ? Et pourquoi cherches-tu sur tes parents et sur les miens ?
— Parce que je doute qu’il puisse y exister un rapport de ma famille avec la tienne, commente-t-il, petit sourire au coin des lèvres.
Il espère en son for intérieur qu’elle le croit dans son explication improvisée.
— N’oublie pas que nous étions voisins depuis notre tendre enfance jusqu’au lycée.
— Tu as raison, mais je ne comprends guère ce qui peut lier tes parents aux miens ?
— Telle est la question, soupira-t-il, haussant les épaules. Nous verrons plus tard… Tout s’éclaircira, je l’espère ! Mais il n’y a aucune garantie !
Le jeune couple quitte l’endroit une fois que le professeur de Psychologie a expliqué aux ambulanciers et aux policiers, arrivés entre-temps, ce qui s’est passé avec son père, taisant son interaction avec lui une fois défunt.
Le lendemain matin, à l’appartement du jeune couple.
Assis sur une chaise en bois, à table, tournant l’eau dans son verre, Élie ne sait guère par où commencer son enquête, alors qu’il n’a aucun indice. Il soupire.
— Cassandre, j’ignore ce que je dois chercher, ni comment trouver l’information qui pourrait être révélatrice. Celle qui pourrait me permettre de comprendre la dernière volonté de mon père.
— Peut-être en interrogeant mes parents, lui conseille l’interpellée. Ils sauront nécessairement répondre à tes questions.
— Peu probable à toutes, commente-t-il d’un air songeur, yeux dans le vague. À certaines questions, j’y crois bien ! Je ne suis pas naïf ! Mais c’est l’unique option. Avant d’interroger tes parents, je vais fouiller toutes les informations possibles que je puisse obtenir, autant dans les journaux, que dans les enquêtes et les autopsies officielles des coroners.
Sa fiancée roulant des yeux d’exaspération se lève et embrasse chastement Élie sur les joues avant de le laisser mener son enquête.
Le professeur fouille dans les journaux, mais ne trouve rien de significatif, hormis la page de nécrologie où il est mentionné que sa mère est décédée il y a dix ans d'anévrisme à la suite d’une chute à la maison des Schwartz. Elle s'était cogné la tête contre l'évier en tombant. Bref, un accident. Mais Élie James est certain que sa mère doit avoir un lourd secret sur son âme pour demeurer parmi les vivants après autant d’années. Par contre, il ne pouvait le dire et il n’avait guère envie de se perdre en vaine conjecture. Perdu dans ses pensées, Élie sursaute lorsque sa mère murmure à sa gauche :
— Mon enfant adoré, mon petit Élie ! Pourquoi m’ignores-tu alors que tu m’entends ? En fait, m’entends-tu ? D’ailleurs, tu n’as rien à craindre, tu peux marier Cassandre !
— Mère, comprends-tu que je ne veux pas que ma bien-aimée me prenne pour un fou à parler au vide !
— Mais fiston, tu n’auras pas le choix !
— Je le sais, ne me le rappelle pas !
Il se tourne vers la fenêtre, observant les passants. Il commente d’une voix plus brisée que voulue :
— Et je crains tellement… d’être rejeté ou… tourné au ridicule par ma fiancée… J’ai peur que mon mariage ne soit… annulé parce qu’elle… me prend pour un fou… Ou pire que je sois interné dans une psychiatrie … parce que … personne ne me croit ! Ce n’est pas simple ! C’est lourd… trop lourd !
Son dos se voûte comme si un poids invisible s'ajoutait sur ses épaules.
— Et en plus, non seulement j’entends les esprits, mais je suis le Gardien du Livre ! Même moi je ne peux encore pleinement concevoir ce qu’implique cette lourde responsabilité. Et je dois reconnaître que si un patient m’arrivait avec un tel propos, je ne pourrais le croire immédiatement !
Un silence accueillit l’angoisse d’Élie. Celui-ci, corps tremblant comme si un violent froid s’insinue dans la moelle de ses os, ne se meut pas d’un millimètre de sa position. Son cœur bat la chamade, ne cessant de passer en revue dans son esprit les moults options. S’il n’informe jamais sa fiancée de son don, il aura un travail incalculablement plus délicat de passer inaperçu lorsqu’il doit régler un cas d’esprit errant. S’il l’informe maintenant, il craint qu’elle ne le prenne pour un fou ou un mégalomane et ne l’interne dans un asile, lui empêchant de dissiper son doute concernant ses défunts parents. Par contre, s’il l’informe une fois son enquête terminée, la seule menace, telle une épée de Damoclès, est l’internement à vie et une annulation du mariage.
Élie s’assied lourdement sur la chaise, se tenant la tête entre ses mains de désespoir. Il décide néanmoins de se rendre à son cabinet pour un rendez-vous avec l’un de ses patients réguliers.
Deux jours plus tard, les fiancés arrivent à la maison des Schwartz,
Élie et Cassandre sont accueillis par Anne et Dominique, les parents de la fiancée. Lorsque le jeune couple arrive au salon, René commente, soudainement, non loin de son fils :
— Élie, c’est là-bas que j’ai surpris une bien étrange scène…
— Tais-toi ! s’insurge son épouse. Lorsque tu ne sais rien, tais-toi !
— Comment parles-tu ainsi à ton mari ? Avoue que tu …
— René, tu ne sais même pas toi-même la vérité ! Alors ne raconte pas n’importe quoi !
— Attends, s’étonne le défunt, comment je ne sais pas la vérité ? Ces pétales et ces bougies …
— René, peux-tu concevoir que tu n’as rien vu, ni compris quoique ce soit ! Et ne pense pas que j’ignore ton aventure avec…
— Femme, la coupe René abruptement, ton colérique. Ne me rappelle pas cet épisode ! Ne m’avais-tu pas pardonné ? D’ailleurs, tu ne devrais pas commenter, chienne !
Élie fait un immense effort pour ne pas demander à ses parents plus de détails ou pour afficher une mine étonnée.
— Notre futur gendre, l’invite poliment Dominique à s’asseoir sur le canapé vert forêt d’un geste de la main, nous sommes ravis que vous allez enfin marier notre fille !
Bien que troublé par l’échange de ses parents, Élie, feignant ne pas l’avoir entendu, sourit aimablement à son futur beau-père, enlaçant de la main droite Cassandre sous une vague de protestation du père.
Le professeur, réfléchissant à l’étrange discussion, écoute distraitement les paroles des vivants. Si son père et sa mère semblent s’accuser mutuellement d’infidélité… Ce qui clairement se présente de manière assez ouverte entre son père et une femme, probablement Anne, si les paroles allusives de sa mère sont exactes. Donc, ce qui explique l'opposition de son père à vouloir approuver son union avec Cassandre… Elle serait sa demi-sœur ! Horrible, impossible ! Il ne peut y croire ! Sinon il devrait rompre avec elle ! Il ne pourrait pas la marier ! Mais il a l’impression qu’une autre réalité se cache, mais quoi ? Il ne peut encore mettre le doigt sur le terme exact. Tout est encore trop obscur.
— Papa et maman, précise Cassandre, sortant son fiancé de ses réflexions, je vous apprends la triste nouvelle que mon beau-père, le père de mon cher Élie, René, est décédé récemment. Nous rapportons notre mariage dans quelques mois.
— Que lui est-il arrivé ? s’enquit Dominique.
— Il a eu un arrêt cardiaque soudain lui répondit Éli d’un ton traînant, encore sonné par l’événement. Alors qu’il voulait me donner une information si importante… Il n’approuve pas mon union, mais je ne saurais le dire pourquoi. Est-ce que vous le saurez, beaux-parents ?
Le couple s’entr’observe, échangeant un regard complice.
— Pour être honnête, nous n’en avons pas la moindre idée, répondit les Swartz à l’unisson.
— Menteurs ! s’offusque René. Dominique, tu le sais ! Ne joue pas à l'innocent !
— Je n’en suis pas certain, commente Éli.
Dominique baisse les yeux, refusant de confronter le regard de son gendre.
— Je vous le dis que nous l'ignorons, murmure-t-il entre ses dents serrées.
Un silence oppressant et gênant de quelques minutes s'installe entre les deux couples.
— Merci pour votre aide ! conclut le professeur de Psychologie pour qui l’attitude de son beau-père n’a pas échappé, mais il ne veut pas insister plus que nécessaire.
Il cache une vérité, songe-t-il. Il ne veut pas formuler une vérité douloureuse… Une vérité qu’il doit formuler et reconnaître… Une infidélité ?, probable. Mais avec qui ? Peu importe, ce serait une trahison envers son épouse, mais, s’il l’a trompé avec sa mère, c’est un acte de trahison à l’amitié entre les deux femmes et amies qu’ont été Anne et Émilie. Ce pourrait expliquer l’éloignement des deux familles depuis le lycée. Sauf s’il y a des activités illégales, qui sait ?
Le grand homme aux traits délicats qu’est Élie se lève et remercie chaleureusement d’un geste de la tête ses beaux-parents. Il enlace Cassandre et l’entraîne à l’extérieur de la maisonnée.
Sur le chemin du retour, Élie est distrait par les centaines d’idées qui se succèdent dans ses pensées. Comment allait-il informer sa bien-aimée de son don ? Va-t-elle le croire ? Va-t-elle le prendre pour un fou ? Il est conscient qu’il ne peut plus la laisser trop longtemps dans l’ignorance. Perdu dans ses réflexions de plus en plus pessimistes, Cassandre le sort de sa rêverie et l’interroge de sa douce voix :
— Éli, qu’est-ce qui te préoccupe tant l’esprit ?
— Cette enquête dont je ne sais pas par où commencer ! Bien qu’elle ne soit pas mon unique tracas ! Sans indice en plus pour cette intrigue ! Que faire ?
— Bonne question ! Je ne saurais que dire !
— Au contraire, commente froidement Émilie, il y a une solution ! N’enquête pas fiston ! Ne réveille pas les vieux démons du passé ! Sinon tu pourras le regretter !
Éli ignore la voix de sa mère et tourne un regard suppliant vers la vivante.
— L’abandonner, lui suggère sa fiancée d’un ton légèrement plus rauque que d’habitude. De toute manière, si ce sont des vieilles histoires du passé de tes parents, je ne verrai guère l’intérêt de les déterrer.
Soupçonnant une influence, voire une possession de la part de sa mère, Éli décide d’ignorer la suggestion. Il soupire, désapprouvant l’avis donné. Le couple termine dans un silence angoissant leur retour jusqu’à l’appartement.
Dès leur arrivée, le professeur est hanté par sa crainte de la réaction de sa fiancée. Il se promet de repousser au plus tard le jour de l'annonce. Il s’assit sur le canapé beige, passant en revue ses hypothèses à partir des paroles de ses parents et de la réaction de ses beaux-parents.
Après un silence assourdissant où les hypothèses se succèdent à une vitesse vertigineuse dans la tête du professeur, Cassandre interroge Élie :
— Quel est ce souci qui t'obsède ?
— Mon enquête sur nos parents et surtout la réaction de tes parents, particulièrement de ton père à l’une de mes questions !
— Quelle a été sa réaction ? Et quoi est-ce un indice pour comprendre ce que ton père voulait dire ? D’ailleurs, ce n’est peut-être pas en rapport avec mes parents ?
— Ton père a refusé d’affronter mon regard lorsque je l’interroge et l’échange visuel entre tes parents est des plus étranges ! Une complicité, comme s’ils partagent un secret, mais qu’ils ne veulent rien dire ! Un secret entre nos parents ! Des échangistes ? Des infidélités mutuelles ? Des collaborateurs pour des activités illégales ? Des trafics sur le marché noir ? Quoi d’autres ?
— Je ne peux pas, malheureusement t’aider, répondit-elle en haussant les épaules. Mais ne sois pas si farfelu ! Personnellement, laisse tomber cette enquête qui est vouée à ne pas être, puisque personne ne collabore !
— Demain, j’ai un cours à donner à l’Université, donc peut-être qu'une idée surgira dans mon esprit ! Mais je dois reconnaître que l’option d’infidélité me semble la plus perturbante !
— Incorrigible, Élie ! Arrête de penser à cette recherche qui n’a aucun sens !
Et le couple se prépare à manger un repas frugal, puis part dormir d’un sommeil réparateur.
Le soir, dans la chambre du couple, au moment où le professeur s’apprête à enlacer sa fiancée à ses côtés, il entend son père qui lui avoue, d’une voix plus rauque que d’habitude :
— Élie, mon fils, je ne veux pas gâcher ton mariage, mais je vais devoir t’avouer une information concernant les Schwartz et Cassandre ! Je ne pourrais pas partir tant que tu ne saches pas la vérité.
L’interpellé, intrigué, suspend son geste et se lève prestement du lit, soucieux de ne pas réveiller sa compagne. Il sort de la chambre pour s’arrêter au salon pour discuter avec le défunt. Il lui murmure :
— Père, dis-moi ce que tu as à me relever de si important !
— C’est la raison pour laquelle je m’oppose à ton mariage…
Son fils l’incite d’un geste de la main à continuer sa pensée. René soupire bruyamment avant de reprendre d’une faible voix et tremblante.
— Je m’oppose parce que … j’ai eu une aventure avec … Anne Schwartz … Et …. Et je suis certain… que … ta fiancée… Cassandre… est … ma fille… Ma fille de cette union extraconjugale… Elle est… donc ta … demi-sœur !
Ces mots foudroient le professeur sur place. Il refuse de croire, espérant que cela soit une blague de mauvais goût, tournant énergétiquement la tête en signe de négation. Devenu muet pendant quelques minutes sous le choc de l’annonce, ses mains tremblent. Il ne trouve que la force pour répéter :
— Cela n’est pas vrai ! Cela n’est pas vrai ! Ça doit être une farce !
— Non… Malheureusement.
— Alors qu’en est-il des fleurs et des bougies que tu as mentionné ?
— Les fleurs et les bougies sont des traces du passage de ta mère chez les Schwartz. Elle a eu une affaire avec …
— Tais-toi mari, s’offusque la voix criarde d’Émilie derrière le dos de son fils, lorsque tu ne sais pas la vérité !
Les paroles de la nouvelle venue font sursauter Élie qui se retourne, bien qu’il ne discerne personne dans son champ de vision.
— Femme, reconnais que tu m’a été infidèle avec Dominique ?
— Les fleurs et les bougies ce n’est pas pour celui à qui tu penses ! réplique-t-elle.
— Alors, pour qui et pourquoi ? interroge leur fils qui s’est mis en mode psychothérapeuthe, malgré l’heure tardive, sortant un petit cahier avec une couverture en cuir de la bibliothèque et prenant en note les réponses des défunts.
Un silence est la réponse. Les quelques minutes semblent longues au professeur qui comprend que ces parents sont partis. Il revient dans sa chambre, se refusant à toucher Cassandre, laissant même un espace entre eux. Il ne ferme pas les yeux de la nuit, horrifié d’aimer sa demie-soeur sans qu’il le sache.
Le lendemain matin, à l’appartement du jeune couple,
Élie, cernes sous les yeux, fatigué de sa nuit blanche, demeure taciturne. Malgré le regard interrogateur de sa fiancée, il décide de ne rien lui dire. Il préfère patienter et consulter le Livre des Changements, ce livre véridique, qui saura lui apporter la réponse définitive à sa relation avec sa fiancée et à comprendre le secret de ses parents. Après le petit déjeuner, le professeur arrive à son bureau universitaire. Il fouille dans son imposante bibliothèque le fameux livre. Il le reconnaît entre mille, sa couverture brillante de vieux grimoire n’échappe pas à ses yeux d’aigle. Au moment où il consulte prestement les pages du Livre, il entend un grognement de ses parents.
— Que vous arrive-t-il, père et mère ?
— On n’arrive pas à lire ton livre, commentent-ils à l’unisson.
— Je vais vous lire ce qui est écrit ! D’ailleurs, il semble que n’importe qui ne puisse le lire.
Élie affirme d’une voix de stentor :
— Livre, veux-tu me dire qui sont les véritables parents de Cassandre Schwartz ? Est-elle ma demi-sœur ou non ?
Et si mon père a raison, je vais devoir annuler mon mariage, songe Élie. Mais il faudrait aussi lui annoncer mon don. Si mon père a tort, je peux marier Cassandre et l’infidélité de mon père est sans fruit.
Sur ces pensées, il feuillette frénétiquement l’ouvrage qui lui apportera réponse à toutes ses questions et à tous ces mystères, le cœur battant la chamade, les mains moites. Il faillit arracher des pages au passage.
Soudain, Charlie Luc Wogel apparaît dans la pièce, près de la fenêtre, observant et analysant la situation, lui aussi très intéressé par le dénouement de ses parents, en tant qu’il aura un indice pour évaluer la possibilité de l’entraîner dans son camp et celui de Gabriel et de Romano.
Sous les yeux du seul vivant dans la salle arrive la phrase suivante :
« Cassandra Schwartz, née le 24 mai 1972, est la fille issue de l’union de Dominique Schwartz et Anne Schwartz. »
Les traits du professeur se détendent à la lecture, il pousse un soupir de joie.
— Alléluia ! Je suis plus que ravi de cette information ! Alors cette infidélité de mon père est sans conséquence. Par contre, est-ce que Dominique et mère sont au courant de l'infidélité ?
Le professeur continue à lire, sous le regard inquisiteur de ses parents et froid du médecin collaborateur. Ces trois paires de yeux sont ressentis par le professeur comme une pression sur sa nuque. Il lit à voix haute les réponses du Livre qui apparaissent sous ses yeux en feuilletant l’ouvrage :
— Dominique connaissait l’existence de cette relation depuis le début. Il a informé mère avant de la consoler en s’unissant à elle…
Une nausée le prend, interrompant sa lecture pour commenter.
— … Vous êtes des échangistes ! … Et ce n’est pas tout ! …
— Fiston, non ! Ne cherche pas plus loin ! hurle sa mère.
Élie s’éloigne près de la fenêtre avec le Livre, malgré que sa mère cherche à le refermer, coinçant ses doigts sur une page.
— Qu’en est-il des fleurs et des bougies que tu as mentionné, père ? grimace sous la douleur son fils.
— Dis-le moi Élie, je suis bien curieux ! Je pensais que c’est pour mettre l’ambiance romantique avec Dominique, mais que dis ton livre véridique ?
Ouvrant le Livre sur une page, le Gardien la lit attentivement et change de couleur.
— Père, ces pétales et ces chandelles ne sont pas pour créer une ambiance romantique avec Dominique, mais avec Anne ! Mère est bisexuelle, connaissant à la fois Dominique et Anne !
— D’accord, avoue Émilie d'une petite voix, je le reconnais, mais je ne pouvais décider si je deviens amoureuse d’Anne ! Une femme tellement charmante et intelligente ! Tout comme son mari si séduisant !
— Mère, sache que je suis psychothérapeute, je pourrais t’aider ! Et non seulement toi, mais aussi mon père, ton mari ! Je vous offre la possibilité d’une thérapie de couple ! Même dans l’au-delà, il n’est jamais tard... Je vous entends, donc, on pourra s’entendre pour les séances.
— Non !, décline le couple à l’unisson sur un ton agressif. Nous n’avons pas besoin de thérapie, fiston !
— Très bien ! Alors vous partez dans l'au-delà ? Vous n’avez aucune raison pour rester, ni veiller sur moi, maintenant que je connais tous vos secrets et que je peux me marier avec ma fiancée sans inquiétude ?
— Nous ne partirons pas si aisément, nous te surveillerons encore !
Le professeur soupire, tournant négativement la tête. Ses parents quittent le bureau pour aller dans la maison de leur amant.
Charlie Luc Wogel, sourire aux lèvres, rejoint le couple défunt et leur demande mielleusement :
— Je suis un psychiatre reconnu et défunt depuis longtemps… Je constate une rancune encore en vous… Envers votre fils, sans l’ombre d’un doute…
Le couple s’entr’observe, intrigué, lueur d'étonnement et d’intérêt dans leur regard par l’énergumène qui les aborde ainsi.
— Certes, vous avez raison, lui répond Émilie. Mais comment pensez-vous évacuer cette rancune ?
Un sourire sardonique s’étire sur le visage de leur interlocuteur, levant sa main droite aux cieux pour énumérer une liste fictive.
— Uno, n’est-il pas dit qu’une pomme ne tombe jamais loin de son arbre ?
Émilie et René approuvent d’un petit mouvement de la tête, encore incertains du sens exact et de l’interprétation.
— Ce qui veut dire que votre fils a de forte probabilité d’être infidèle à son épouse, non ?
— Oui, mais comment en pouvez-vous être si certain ?
— Une petite aide n’est pas à exclure commente-t-il, éclat étrange dans ses sombres yeux.
— Pensez-vous que nous pouvons vous aider ?
— Oui, vous pouvez posséder une affinité psychologique avec votre enfant ! Secundo, j’ai aperçu une incertitude de son être avec la révélation de votre infidélité mutuelle… Une faille intéressante à exploiter, n’est-ce pas ?
— On peut vous prêter main-forte !
— Surveillez votre fils, je vais m’occuper d’enclencher la possibilité, je connais les candidats !
Et le médecin de la Seconde Guerre mondiale s’évapore, laissant planer un doute entre le couple qui quitte l’endroit, espionnant leur fils.
Au bureau du recteur, quelques minutes après la disparition du docteur Wogel de la maison des Schwartz.
Josué se prélasse sur son fauteuil et boit son énième verre d'alcool. Il ne sait plus que faire pour amener Élie James à sa perte et il est impatient que le tueur à gages se débarrasse enfin de Jim Clancy, le potentiel prochain Gardien du Livre.
— Mes amis, les Ombres, murmure-t-il, s'inclinant très bas en captant des paroles confuses à sa gauche. J’aurais bientôt le Livre, il ne manque que l’élimination d’un homme gênant et susciter la collaboration de l’autre.
— Comment susciter la collaboration de l’autre Gardien ? hurle une voix intemporellement démoniaque.
— Trouver son point faible, répond dans un souffle le recteur.
— Point faible, complète le médecin, qui peut-être les femmes. La fidélité ne semble pas être une force de sa famille, et il en est profondément ébranlé ! Nous n’avons qu’à jouer sur cette carte !
— Intéressant, confirme une Ombre. L’infidélité est la voie la plus simple !
— Vous avez raison, confirme Josué. Je n’aurais qu’à m’informer de la femme disponible pour causer sa perte ! Eh ! Eh !
Le recteur vide son verre et quitte son bureau pour frapper au bureau d’Aurélie Goujon. Il entre dans son bureau, accueilli par l’élégante femme. Promenant son regard dans la sobre pièce munit d’un bureau en chêne, d’un fauteuil en cuir rembourré et de trois fauteuils brun foncé, il tourne son attention sur la professeur vêtue d’un élégant tailleur, complet rouge.
— Mademoiselle Goujon, demandons conseil à Madame Hansen avant toute chose… et j’aurai une petite mission à vous confier !
L’interpellée opine du chef, intriguée. Dans la salle se matérialise, invisible de tous, René, Émilie et le médecin collaborateur, qui suivent la conversation avec intérêt.
— Votre tâche consiste à se rapprocher d’Élie James, à le séduire.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il est le Gardien d’un livre qui m’intéresse et que je recherche depuis longtemps. Si vous parvenez à connaître son emplacement exact, je vous en serais redevable !
— Pourquoi ne l’as-tu pas demandé à Élie en personne ?
— Il refuse de collaborer ! Donc en passant par votre charme féminin, vous obtiendrez plus facilement l’information.
Aurélie et Josué se préparent pour la séance spirite, sortant des planches ouija et des bougies. Ils invoquent l’âme de Greta Hansen à la lumière de quelques bougies rouges et noires, tirant le rideau pour bloquer toute lumière diurne.
La voix enrouée du recteur demande :
— Discernez-vous, chère Madame Hansen, un moment de faiblesse chez Élie James, moment que nous pourrons utiliser à notre avantage ?
La défunte pseudo-voyante fait bouger le pointeur vers « Oui ».
— Pouvez-vous donner une date ?
La réponse est immédiate : « Entre maintenant et le 6 octobre »
Aurélie, à la lumière des bougies, prend en note les réponses.
— Pensez-vous que le professeur ici présent aura un rôle-clé dans ce moment crucial ?
« Oui », puis le pointeur oscille vers « Non ».
Le recteur entend des Ombres ricaner derrière son dos, lui précisant :
— Oui et non, il y a aussi un autre volet à ne pas négliger.
— Lequel ?
— Un sort efficace et soyez prudent. Ayez à l'œil Richard Payne.
— Mais il part bientôt pour son congé sabbatique, au mois d’août ! s’étonne le vieil homme.
— Nous n’avons aucun pouvoir sur cet homme ! Et, contre toute attente, il peut faire changer la donne ! Il est imprévisible.
— Au revoir ! commande sévèrement le recteur.
La réponse est « Au revoir, mais nous verrons bientôt ».
— Plus tôt que vous ne le pensez, complètent les Ombres d’un ton inhumainement glacial, traversant les vivants dans la salle, instillant un vent froid en eux.
Une fois qu’Aurélie a rangé le matériel lié à l'activité spirite, elle demande au recteur :
— Quand nous nous revoyons, Josué ?
— Dès que vous avez terminé votre mission ! Bonne chance !
Le vieil homme sort du bureau, accompagné de ses Ombres, s’arrêtant au bureau d’Élie James pour le fouiller, espérant trouver le Livre, avant de revenir au sien, penaud. Aurélie se prépare méticuleusement pour son projet de séduction, bien intéressée par le don de son collègue du Département de psychologie.
Et ainsi, au fil du mois, Aurélie se met en projet de séduire subtilement Élie James, voire même d’essayer un philtre d’amour. Elle prend toutes ses précautions pour que son collègue Richard ne remarque rien de suspect ou que le professeur de psychologie comprenne trop facilement ses intentions.
Soudain, la veille du départ de Richard Payne pour son congé sabbatique, au bureau d’Élie James.
Le professeur d’Histoire s’invite au bureau de son collègue, influencé par l’Observateur Konstantin Pavlovitch qui prend en pitié le Gardien du Livre, conscient qu’il tombe doucement et imperceptiblement sous l’influence pernicieuse d’Aurélie et il veut l’avertir avant qu’il ne soit trop tard, avant que l’irrémédiable ne soit commis.
— Élie, mon collègue ! Avant de partir en voyage, je dois te donner un livre qui t’aidera et t’éclaira pour la suite des choses, avant qu’il soit trop tard ! Lis-le et prends-le au sérieux, tout étrange que ce puisse te paraître !
Il lui donne un livre à la couverture vert émeraude et dorée au titre énigmatique en langue inconnue du professeur.
— C’est un livre très rare que j’ai traduit ! Je n’ai que quelques copies, donc comprenez-le bien avant qu’un malheur d’une ampleur plus importante ne vous atteigne. Que Dieu vous protège !
Et il se signe sous le regard éberlué de son collègue. Élie est étonné de cette manifestation de superstition et de religiosité chez son collègue au sens de l’humour douteux et à l'esprit scientifique et rationnel.
Et Richard cligne des yeux, comme sortie d’une possession ou influence étrangère. Il salue d’un geste de la main son collègue, lui souhaitant tous les meilleurs vœux pour son prochain mariage avec Cassandre. Il s’éclipse avant de terminer ses préparatifs.
Élie promène son regard de la porte au livre donné, perplexe. L’Observateur, près de la fenêtre, murmure :
— Il ne vous reste que peu de temps pour faire le bon choix !
— Qui êtes-vous ? se retourne-t-il. Quel choix ai-je à faire ?
— Je suis un incorruptible Observateur, Konstantin Pavlovitch Tcherevitchenko. Votre choix est rattaché à votre présente situation.
— C’est-à-dire ?
Un silence l’accueille. Il déduit que son mystérieux interlocuteur est parti. Le fiancé de Cassandre soupire, incertain du sens des énigmatiques paroles. Il lit le livre donné par son collègue. Ouvrage qui traite de l’influence de la magie noire sur le quotidien de l’homme. Élie est très sceptique, considérant cela comme une superstition tout juste bonne pour des hommes analphabètes et sans éducation. Charlie Luc Wogel, présent dans la salle depuis le départ de l’Observateur, influence l’attitude négative du vivant. Il essaie de l’hypnotiser pour qu’il ne remarque pas le comportement étrange d’Aurélie.
Plus les jours, les semaines et les mois passent, plus Élie subit le charme de sa collègue d’Histoire, lui racontant divers moments de sa vie et de son travail avec ses patients. Les trois défunts que sont le médecin collaborateur et les parents du professeurs de psychologie se réjouissent du progrès de la situation : infidèle en pensée, il ne manquait plus que l’acte. Mais le professeur est tiraillé entre deux états contraires, son désir de demeurer fidèle à sa fiancée et sa tentation de commettre l'infidélité, de goûter à ce fruit défendu. De cette guerre interne, il en sort plus incertain et fatigué. À cette lutte morale se joignent ses inquiétudes autour de l’angoisse de la révélation de son don et de son rôle de Gardien du Livre à Cassandre.
Un mois avant le mariage d’Élie et de Cassandre, début septembre, au bureau du professeur.
Élie, brûlant d’un ardent désir de posséder Aurélie, l’attend, impatient. La brunette lui demande dès son arrivée :
— Élie, mon cher, ne m’as-tu pas mentionné que tu es le gardien d’un Livre ? À quoi il ressemble ?
— Aurélie, c’est un livre particulier où tout est écrit sur n’importe qui, autant du passé, du présent que du futur.
— Veux-tu me le montrer ? lui susurre-t-elle, s’approchant un peu trop près de lui.
— Oui, très certainement, je te fais confiance ! Déjà que tu m’acceptes avec mon don, alors je vais bien satisfaire ta curiosité.
Il se lève de son fauteuil et repère immédiatement le livre convoité sous le regard intéressé de Charlie Luc et de ses parents.
Il le lui montre et l’autorise à le feuilleter, mais elle ne peut rien comprendre. Seules des lettres hiéroglyphiques lui apparaissent sous les yeux.
— Élie, je ne parviens pas à le lire !
— Ah, oui ! Ce n’est pas n’importe qui qui peut y accéder, semble-t-il. Mes défunts parents aussi ne le pouvaient pas.
Il prend le livre avec précaution et le consulte. Ce qu’il lit le laisse blème :
« Il est trop tard ! Le mal est fait ! »
Avant de se lever pour ranger l’ouvrage à sa place, René influence son fils, l’obnubilant à posséder son interlocutrice. Et il finit même par posséder le corps de son fils pour sceller l’infidélité charnellement. L’âme d’Élie, spectatrice, se sent honteuse d’être si faible.
Peu après l’union consommée, l’âme regagne son corps, sous le rire moqueur de ses parents. Il congédie sa maîtresse et part donner son cours penaud de lui-même, mais en même temps conscient qu’il vient de franchir un point de non-retour.
Au bureau du recteur, quelques heures plus tard.
Aurélie assise en face du vieil homme, informe posément son interlocuteur :
— Monsieur Berthelot, j’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir. Je connais même l’emplacement du livre.
— Alors, vous me guiderez demain ! Je mettrai enfin la main sur ce Livre !
Et le duo se quitte en bon terme. Josué, seul, se frotte les mains de joie.
— Ne vous réjouissez pas si vite, commente amèrement une Ombre. Le Livre n’est plus dans la bibliothèque d’Élie James, mais bien plutôt chez le prochain Gardien !
Le vieil homme serre ses poings de rage : être si près du but, mais simultanément si loin ! Il se promet qu’il ne commettra pas deux fois la même erreur.
Deux jours avant son mariage, début octobre, dans l’appartement d’Élie.
Le professeur de philosophie et de psychologie, ces dernières semaines, ne cesse de tourner en boucle les diverses possibilités et probabilités de réponses de sa bien-aimée à l’annonce de son don. De ces idées, impossible de trouver le sommeil. Il a juré à lui-même de ne pas souffler mot de son infidélité, puisque Cassandre n’est pas au courant.
— Élie, quelle est la raison de ton agitation de ces derniers mois ?
— Disons, bredouille-t-il, évitant un confrontement visuel, que c’est … complexe… Rattaché à moi…
— Comment ? Qu’est-ce que c’est ?
Il soupire, certain qu’il doit prendre son courage à deux mains et l’informer de son don.
— Cassandre, je dois t’avouer un fait me concernant… Je peux entendre les défunts !
Il observe à la dérobée sa bien-aimée, sueurs froides dans son dos. Un petit sourire se forme sur ses lèvres avant qu’elle n’éclate de rire.
— Élie, une farce que tu viens de dire ?
— Non, la vérité.
— Tu es fou ! C’est impossible, reconnaît plutôt que tu es schizophrène pour entendre d’autres voix que personne d’autres ne perçoit !
— Non, je suis sérieux !
— Allez, abandonne-le ! Annule ton mariage !, l’encouragent à l’unisson ses beaux-parents derrière le dos de leur bru.
— Désolé, Élie, mais je ne pourrais te soutenir, ni vivre avec toi !
— N’écoute pas mes parents ! Ils ne veulent pas que nous nous marions !
Elle secoue tristement la tête.
— Je ne peux ! J’annule notre mariage et je plie bagage le plus rapidement possible.
Ces paroles résonnent longtemps dans l’esprit du professeur, complètement sonné. Il ne trouve rien de mieux que de s’avachir sur le canapé pour mieux digérer la malheureuse nouvelle.
Au même moment, au bureau du recteur.
Josué, fâché que le Livre convoité lui ait échappé de peu, appelle son ami Roger.
— Roger, est-ce que Robert Langowski arrive enfin pour éliminer le prochain Gardien du Livre, un certain Jim Clancy ?
— Selon les dernières nouvelles, il rôde assidûment autour de lui pour tâcher de repérer un moment propice, ce devrait être bientôt.
— Très bien ! Mais qu’il se dépêche, le temps m’est compté !
Et chacun raccroche le combiné. Le recteur est de plus en plus nerveux de l'attitude agressive des Ombres ces derniers jours. Ils lui coupent le souffle, parfois ils le possèdent, parfois ils exercent une pression autour de son cœur.
— Nous sommes près du but, mes chers, les interpelle-t-il.
— C’est ce que nous verrons !
Sur ces paroles, le vieil homme attend avec impatience la sonnerie du téléphone lui annonçant la nouvelle tant attendue. Il réfléchit au meilleur moyen de s’approcher du prochain Gardien pour repérer le Livre.
À suivre