Réinterprétation et autres histoires

Chapitre 11 : Deuxième partie, Et il est impossible de les esquiver, seconde partie

7830 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/08/2024 01:25

11.Et il est impossible de les esquiver, Seconde partie




Mélinda et son mari arrivent à l'adresse de l'ancienne demeure familiale des Gordon. Celle-ci est une grande maison de pierres envahie par des lierres avec des fenêtres aux volets fermés et décolorés, lui donnant un air sinistre. Le sentier et le petit jardin sont envahis par les mauvaises herbes, ajoutant un aspect inquiétant à la demeure. L'ambulancier promène son regard de la maison à la chuchoteuse d'esprits.

— Mél, tu veux absolument y aller dans cette maison ? l'interroge-t-il, lueur d'inquiétude dans son regard. Ne préfères-tu pas changer d'avis, ça n'a pas l'air accueillant ?

L'interpellée, intriguée et ignorant la question de son mari, traverse, sans la moindre hésitation, la porte délabrée. En l'ouvrant, un grincement résonne dans tout le vestibule. La maison est vide de presque tous les meubles et de toute forme de vie, pas un esprit ne rôde, pas un vivant ne l'habite. Le seul meuble, recouvert de noire poussière, est un armoire en cerisier vide dans la cuisine. En montant aux chambres à l'étage, Mélinda remarque son oncle au sommet qui l'avertit :

— Fuyez ! Fuyez ce lieu maudit ! Le chêne doit être abattu !

Ressentant un mal de tête engendré par les Ombres cachées dans l'une des chambres qui s'approchent d'elle, la nièce de Paul recule d'un pas, fermant les yeux. Jim lui lance un regard interrogateur, inquiet, plaçant ses bras autour de ses épaules pour la réconforter et lui éviter une chute des escaliers.

— Paul m'avertit que l'endroit est maudit... informe-t-elle son mari à voix basse. Et que le chêne doit être abattu ! J'ai le vertige... Descendons !

Jim soulève son épouse pour l'amener dans la cour arrière, patientant que son vertige passe. Un silence s'installe entre le couple, s'observant un long moment. Mélinda rompt le silence.

— Jim, je pense qu'il faut observer et fouiller près du chêne là-bas !

Elle désigne d'un geste de la main l'immense arbre de Zeus qui trône au milieu du jardin — à l'instar d'un roi au milieu de ses sujets — projetant son ombre dans toute la cour.

— Il semble y exister des indices concernant mon oncle... J'ignore comment, mais allons-y !

Le couple s'approche de l'arbre et l'esprit errant se manifeste devant la jeune femme, lui chuchotant :

— Mélinda, la grande pierre au pied de l'arbre est l'indice...

Étonnée, promenant son regard de son oncle à la pierre, l'interpellée demande :

— Pourquoi ? Que cache cette pierre ?

— Déterre ce qu'elle cache... Et tu auras une partie des réponses... N'oublie pas de demander à ma chère et douce Anne mes lettres et mes documents d'enquête... En espérant qu'ils n'ont pas été perquisitionnés par ton père !

Perplexe, la jeune antiquaire informe son mari des propos de son oncle. Jim, dans une petite cabane adjacente au chêne, trouve une pelle et commence à creuser près de la mystérieuse grande pierre grise polie sous le regard attentif de son épouse.

Une fois que l'ambulancier creuse un trou d'un mètre de largeur, de deux mètres de longueur et d'un mètre de profondeur, il constate des restes humains. Mélinda, tremblante, s'approche pour mieux analyser ces os. Frappée de stupeur, horrifiée au-delà de l'imaginable, elle recule de quelques pas, lorsqu'elle réalise que la pierre est une pierre tombale. Une nausée lui monte à la gorge à la vue du cadavre, du crâne décharné aux orbites vides qui la fixe. Se tournant vers Paul — matérialisé à sa droite — une terreur glaciale lui hérisse ses cheveux et se reflète dans ses grands yeux bruns, celle-ci l'interroge d'une voix blanche :

— Ton cadavre est enterré sous ce chêne ?

Il opine du chef pour toute réponse et disparaît. La nièce du défunt s'agite de tous ses membres comme des feuilles d'un arbre agitées par un violent borée.

— Jim, ce cadavre, murmure-t-elle d'une voix hésitante, est... celui de... mon oncle...

Elle marque une pause dans son discours pour ramasser ses pensées éparses, pour vaincre son envie de vomir et le tremblement de sa voix.

— ... Je ne comprends guère comment il se retrouve ici, ... alors qu'il est mort d'une crise cardiaque ? Pourquoi n'est-il pas enterré dans un cimetière ? Que cache sa mort pour qu'il ne soit pas enterré comme tout le monde ?

— Bonne question, mais il est évident que quelque chose d'étrange entoure les circonstances de sa mort... J'ignore quoi, mais aucunement bon, c'est certain ! ...

Se tournant vers son épouse, lueur d'inquiétude dans ses yeux bleus, il commente :

— ... Mél, je pense que pour aujourd'hui, nous avons suffisamment enquêter sur ta famille... Revenons à la maison et essayons de comprendre tes visions et le sens des restes de ton oncle, que son âme repose en paix ! , sous un arbre.

— Tu as raison, Jim ! D'ailleurs, Paul ne repose pas encore en paix... Il est manifestement fâché contre mon père ! J'ignore la raison et je ne comprends guère le sens de ma vision.

Le couple revient à leur maison, perplexe, intrigué et inquiet.


Au même moment, Gabriel suit depuis quelques jours déjà son autre demi-sœur, Mélanie. Il l'observe et est ravi de trouver une occasion de discuter avec elle. Au marché, rempli des divers marchands qui vantent leurs produits — légumes, fruits, meubles, viandes et poissons — des femmes empressées de faire les emplettes, des retraités qui médisent leurs voisins, des hommes qui discutent nonchalamment des évènements sportifs et de la météorologie et des amateurs de sport qui s'enthousiasment pour le prochain match de football dimanche prochain, Mélanie se fraye un chemin dans cette foule pour faire le plus rapidement possible ses achats. Gabriel, suivi des esprits errants De Larochefort et Vasseur, s'approche de la sœur de Mélinda. Les deux esprits errants déplacent certains objets des paniers de la jeune femme, permettant à Gabriel d'intervenir en évitant une chute des aliments achetés.

— Merci ! s'exclame, ravie la vingtenaire, en tendant la main pour récupérer les fruits tenus par Gabriel.

— Il n'y a pas de quoi ! s'exclame, affable, le chuchoteur d'esprits. Sinon, connaissez-vous Mélinda Gordon ?

Une lueur d'étonnement se lit sur le visage de son interlocutrice.

— Oui, mais je n'ai guère le temps maintenant !

— À la prochaine, alors !

— Avant de nous quitter, l'interroge, curieuse Mélanie, qui êtes-vous ?

— Je suis Gabriel Lawrence, pour vous servir !

Les deux demi-frères se quittent et le chuchoteur d'esprits remarque l'âme de leur père les observer, sans dire un mot. Le fils illégitime de Thomas sourit lorsque remarque les deux esprits errants qui le possèdent à intervalles réguliers afficher un sourire radieux à leurs visages austères, pensant y discerner un bon signe pour son entreprise d'interroger sa demi-sœur. Il revient dans sa maison aux esprits et attend la visite de Charlie Luc Wogel, pour connaître les dispositions de Carl Neely.


Soudain, le médecin collaborateur apparaît devant le chuchoteur d'esprits, l'effrayant quelque peu. Large sourire au visage, yeux brillants encore plus que d'habitude, il informe joyeusement le vivant :

— Monsieur Lawrence, Carl Neely est brisé... Il ne manque qu'à l'entraîner dans notre camp...

Étonné, son interlocuteur balbutie :

— Êtes-vous certain que vous ne criez pas trop tôt victoire ?

Charlie s'approche à quelques centimètres du vivant, lui réplique froidement :

— Est-ce moi qui connais la psychologie humaine ou vous ?

Il le fixe d'un regard inquisiteur, semant un malaise à Gabriel.

— Vous avez raison, vous connaissez mieux la psychologie que moi ! avoue-t-il à contrecœur.

Un sourire sardonique fend son visage austère, agitant sa main droite en direction du vivant.

— Donc si je vous dis que Carl Neely sera bientôt dans notre camp, j'ai raison !

— Oui, docteur Wogel, déglutit Gabriel, impressionné néanmoins de l'assurance du défunt.

Le médecin collaborateur s'en va, laissant l'homme extraordinaire très satisfait de la réussite du plan du défunt et néanmoins effrayé par sa certitude.



Le lendemain matin, Mélinda, dans sa boutique d'antiquités, attendant des potentiels clients, réfléchit au cas de son oncle, à ses récentes découvertes et à son étrange vision. Elle est très perplexe et ne comprend guère comment assembler les pièces du puzzle compliqué qu'est la vie de son oncle et les histoires de sa famille paternelle. Elle appelle sa mère pour lui donner rendez-vous à sa maison pour l'interroger sur certains détails importants. Élizabeth arrive immédiatement deux heures plus tard. Mélinda, entre-temps revenue chez elle, accueille sa mère affablement et l'invite au salon. Assise l'une en face de l'autre dans le petit salon au mur blanc, aux meubles et fauteuils beiges, la fille sert à sa mère un verre d'eau et boit son thé avant de prendre la parole.

— Mère, je n'aurais que quelques questions concernant Paul Gordon, mon oncle et le frère de mon père. Que sais-tu de lui ? Quelle était sa relation avec père ou avec toi ?

Mine pensive, Élizabeth évite le regard de sa fille, buvant une gorgée d'eau.

— Pour répondre à ta question, je sais que mon beau-frère Paul était avocat de métier et que sa relation avec Thomas était formelle et sérieuse.

Paul se matérialise dans la salle entre les deux femmes, assis sur le siège voisin et commente ironiquement :

— Rien d'autre à ajouter, Madame Maillard-Gordon ?

Élizabeth l'ignore, malgré une lueur d'agacement dans le regard au commentaire du défunt, et ajoute :

— Je n'ai rien à ajouter de plus.

Les yeux de Mélinda s'agrandissent d'étonnement, éberluée.

— Mère, tu vois et entend aussi les esprits errants, non ?

— Telle n'était pas la question, élude-t-elle, regard fuyant.

L'antiquaire soupire, croisant ses bras en-dessous de sa poitrine d'exaspération.

— Quel était ton rapport avec lui ? As-tu remarqué quelque chose d'étrange ?

La plus jeune chuchoteuse d'esprits fixe la plus âgée, à l'instar de Paul.

— Ne l'ayant vu que le jour de mon mariage, je ne peux considérer avoir un rapport avec lui...

Elle baisse ses sombres yeux et murmure entre les dents rapidement :

— ... Mais je regrette de ne pas l'avoir pour mari... J'ai raté ma chance...

Roulant des yeux, Paul réplique :

— Je ne l'aurais jamais pris pour épouse ! Qu'elle ne se fasse pas d'illusion sur ce point !

Instinctivement, Élizabeth tourne sa tête vers Paul, lui lançant un regard interrogateur.

— Merci Paul pour la précision ! commente Mélinda. Et donc mère, tu peux entendre et voir les esprits, n'est-ce pas ? Je n'ai pas besoin de te répéter ses paroles !

Vaincue, sa mère affiche une moue et répond à contrecœur :

— Oui, malheureusement ! Et ils me donnent des maux de tête ! Aussi, je doute que Paul et Thomas aient le même père, l'un ou l'autre est un enfant illégitime, mais je ne saurais dire lequel.

Les yeux marron de Paul lancent des éclairs de colère.

— Ça se voit de l'avion ! explose-t-il avant de disparaître.

Mélinda fixe l'endroit où a été son oncle, incertaine de comprendre le sens de ses paroles.

— Mère, peux-tu préciser ta pensée ?

— Leur physique et leurs yeux trahissent un père différent, malgré qu'ils ressemblent plus à leur mère... J'en suis certaine, mais je ne sais pas plus que cela.

— Merci mère pour ces informations ! Sinon, sais-tu quelle autre langue parle père ?

Étonnée de la question, Élizabeth répond brièvement. Le défunt est réapparu près de la fenêtre.

— L'anglais.

— Et le russe ? insiste sa fille.

— Ce n'est pas en connaissant dix mots de russe qu'il maîtrise nécessairement cette langue !

— Mon demi-frère est aussi un habile comédien, commente Paul, à la droite de Mélinda. Si sa femme ignore sa parfaite maîtrise de la langue de Tolstoï, alors il est digne de gagner le Palme d'or, l'Ours d'or et le Lion d'or avec un tel talent !

La plus jeune chuchoteuse d'esprits l'ignore et se tait, réfléchissant au meilleur moyen de lui annoncer la bonne nouvelle de sa maternité. Un silence de quelques minutes s'écoule entre la mère et sa fille avant que cette dernière ne reprenne parole.

— Merci mère pour ton aide très précieuse... Je continuerais mon enquête de mon côté... Mais passons à une autre thématique avant de se quitter... Une thématique beaucoup plus optimiste et joyeuse...

Sa mère, intriguée, lève ses sourcils d'étonnement et l'observe.

— La bonne nouvelle, lui communique-t-elle, regard brillant d'une lueur de joie, est que je suis enceinte ! J'aurais enfin un enfant !

Un sourire sincère se dessine sur le visage d'Élizabeth.

— Enfin, je serais grand-mère ! s'exclame-t-elle.

Mère et fille se donnent une accolade. La cinquantenaire revient chez elle, ravie. Mélinda est perplexe des réponses de sa mère.

— Serait-ce les photographies de famille que Paul m'a donné en indice ? réfléchit-elle à voix haute. Certainement ! Sa veuve saura m'aider, tout comme mes grands-parents, pour avoir accès aux photographies sans grand effort !

Mélinda appelle son grand-père paternel, encore vivant, Jean Gordon, pour l'informer de sa visite le surlendemain. Puis elle appelle Carl Neely, mais elle atterrit sur sa boîte vocale. Elle revient à sa boutique d'antiquités pour ne pas laisser tout le travail à son associée.



Le surlendemain, Mélinda arrive à la demeure de ses grands-parents paternels. Elle est accueillie par sa grand-mère, une grande et gracieuse septuagénaire aux yeux clairs et aux cheveux brun châtaigne parsemés de cheveux blancs, vêtue d'une ample robe bleu marine qui souligne la pâleur naturelle de ses bras et de son visage. Ses yeux brillent d'un éclat joyeux et elle agite sa main droite, sur laquelle trône une alliance d'or, pour l'inviter à s'asseoir sur un fauteuil vert du salon. Cette petite pièce au mur beige avec une grande fenêtre est ornée, en son centre en face de celle-ci, d'une icône de Saint Georges qui lance des reflets de la lumière solaire. Une élégante petite table en cerisier trône au milieu de la pièce chargée de fruits et de desserts les plus variés, en plus de trois tasses de thé vert et d'un vase rempli d'iris. Jean, son grand-père, un grand homme élégant aux yeux marron et aux cheveux sel et poivre, assis sur son fauteuil invite d'un geste de la main sa petite-fille à s'asseoir en face de lui, ajustant ses lunettes à la monture dorée au bout de son nez. Elle obtempère et note la présence de Paul près de l'icône qui se signe.

— Comme vous le saviez, je suis votre petite-fille de votre fils Thomas... Je sais qu'il y a longtemps que nous ne nous sommes pas vus... Et je m'excuse que je ne vienne maintenant pour des questions pratiques...

Intrigué, le couple, buvant leur thé, tourne leur regard vers elle.

— ... Je sais que votre fils, mon oncle, Paul, est décédé il y a plus de vingt ans...

Anna lâche une larme et sort un mouchoir.

— ... Je sais combien il doit être difficile.... Je ne parviens aucunement à m'imaginer une telle tristesse...

— Que Dieu vous protège de connaître une telle douleur ! s'exclame Jean.

Mélinda lui sourit et fronce des sourcils lorsque Paul s'arrête devant le meuble en cerisier près de la bibliothèque vitrée.

— ... Et votre fils est une âme errante, un esprit qui est encore parmi les vivants parce qu'il a des affaires à régler.... Et il veut que je comprenne des histoires de famille, puisqu'il est très fâché contre mon père.... Il me donne un indice : les photographies.... Et je pense que vous êtes les seuls à pouvoir m'aider !

Anna lui lance un regard interrogateur.

— Des photographies d'enfance ? Je ne comprends guère comment elles peuvent vous être d'une quelconque utilité !

Sa grand-mère échange un regard entendu avec son mari.

— Je ne le sais pas moi non plus, mais c'est l'unique indice de votre fils, soupire-t-elle.

Anna se lève et se déplace près de son défunt fils, ouvrant le meuble, sortant des photographies anciennes, et revient à sa place.

— Je suis bien perplexe de la raison de notre fils à rester parmi nous, s'étonne la vieille femme. Malgré que nos fils, depuis leur mariage, ne se contactent plus et semblent être à froid... Je ne comprends guère ce qui le retient...

Elle donne des photographies à sa petite-fille et échange quelques mots en russe à son mari.

— Merci, grand-mère !

Mélinda feuillette les photographies, en les observant, un détail la frappe : les yeux clairs de son père qui prennent une lueur machiavélique, l'effrayant. Elle lâche les photographies qui tombent sur la table.

— Ma petite-fille, l'interroge poliment Jean, que discernes-tu de si apeurant dans des photographies de famille ?

— Les yeux de mon père ! Ses yeux brillent d'une lueur étrange, calculateurs... Et j'ai remarqué des formes fantomatiques près de mon père et de mon oncle... Sans mentionner qu'ils ne se ressemblent pas comme tous enfants d'une même fratrie... J'ai une sœur et, petites, nous nous ressemblons beaucoup... Avec le temps, en grandissant, il y a des différences, mais aucun doute que nous sommes sœurs, d'un même père et d'une même mère.

Anna murmure une imprécation en russe, fâchée que sa petite-fille ait trouvé la piste. L'ignorant, sa petite-fille interroge son grand-père :

— Jean, pouvez-vous m'informer sur les langues connues de vos fils ?

Étonné de la question, les yeux du vieil homme s'écarquillent :

— Je pensais que vous le saviez, ma petite-fille ! Le français, bien sûr, le russe et l'anglais. Pourquoi cette étrange question ? Ne saviez-vous pas le russe ? s'offusque Jean.

— Non, je ne connais pas cette langue et Paul a manipulé la radio pour qu'elle diffuse une chanson russe inconnue de moi, mais père semble comprendre le message.

— Nous ne pouvons pas vous aider, petite-fille, commente amèrement Anna. À la prochaine !

Mélinda les salue respectueusement et revient chez elle. De sa visite à ses grands-parents, elle conclut qu'il est évident que son oncle et son père n'ont pas le même père biologique, un remariage suivi d'une adoption lui semble l'option la plus acceptable.


Au même moment, Carl, rétabli de ses blessures, revient avec son épouse à la maison. Le trajet est dans le silence total, un silence lourd. Le seuil de la maison franchi, Sylvie s'emporte contre son mari :

— Carl, tu es responsable de la faute de nos enfants ! J'en suis tellement attristée que le divorce sera la meilleure solution ! Je ne peux pas supporter d'observer ces murs et ces pièces...

Elle éclate en sanglots.

— ... Sans penser à Catherine et à notre fils.

— Maman, s'énerve la fillette près de sa mère. Papa n'est pas fautif ! C'est le méchant esprit au fond du salon qui est le responsable ! N'accuse pas papa !

— Catherine, ne cherche pas à nous consoler, l'avise l'inspecteur, traits fatigués, cernes sous les yeux. Tu n'es plus corps et âme avec nous...

Il pleure silencieusement.

— ... Et Sylvie, je comprends ton avis ! Cette maison m'attriste tellement ! Quittons-la ! Et si tu veux le divorce, je ne m'y oppose pas...

Ses yeux se ternissent encore plus qu'auparavant, ses jambes flageolent, le forçant à s'asseoir sur un fauteuil. D'un côté, il est abasourdi de la réaction de Sylvie, encore plus blessé en son âme déjà meurtrie, à l'idée de l'abandon prochain de son épouse à un moment si important de leur vie commune, à un moment où il aurait le plus de besoin d'un soutien pour ne pas sombrer dans le gouffre de la tristesse et du désespoir. Mais, d'un autre côté, plus critique et compréhensif que son épouse, il comprend sa raison à ne vouloir pas vivre avec le meurtrier de leurs enfants... Rien ne peut remplacer l'irréparable... Le mal est commis par sa faute...

— ... Parce que tu as raison !

Il baisse ses yeux rougis de larmes, honteux.

— ... Je suis responsable de la mort de nos enfants, nos anges, nos rayons solaires ! Si je n'avais pas insisté pour une randonnée en famille, rien de tel ne serait arrivé ! Si seulement je n'eus pas cette idée folle ! Si seulement je ne l'avais pas fait à ma tête !

Il pleure abondamment avant de se calmer, séchant ses larmes.

Et le couple s'entend pour un divorce à l'amiable, se partageant la moitié des biens. Carl ne s'y oppose pas, rongé de culpabilité.



Le lendemain matin, le couple endeuillé valide leur divorce auprès d'un notaire. À midi, Sylvie quitte définitivement la maison, laissant Carl seul avec sa tristesse. Il appelle un agent immobilier pour qu'il s'occupe de la vente de la demeure, alors qu'il recherche une plus petite maison, voire un appartement pour y habiter. Obtenant un congé pour deuil, l'inspecteur, après les funérailles et l'enterrement des corps de ses enfants, reste dans sa maison, prostré, pleurant jour et nuit sur son malheur. Parfois, pour surmonter sa douleur, il se noie dans l'alcool, au grand désarroi de sa défunte fille qui demeure encore parmi les vivants, et sous le regard du médecin collaborateur qui affiche un sourire triomphant.


Au même moment, au marché de la ville, Gabriel attend sa demi-sœur, Mélanie, l'ayant espionné depuis plusieurs jours déjà.

— Bonjour Mélanie Gordon ! Si vous avez le temps, je ne voudrais avoir que quelques informations concernant votre sœur, Mélinda. Pouvez-vous m'aider ? l'interroge-t-il d'une voix hypnotisante.

Méfiante, l'interpellée l'observe attentivement et réplique :

— Comment saviez-vous que j'ai une sœur ? Pourquoi devrais-je vous aider ?

— Simplement parce que je veux parler avec votre sœur !

Étonnée, ses traits se détendent.

— Mais pourquoi n'allez-vous pas la voir directement à sa boutique près du parc principal de Grandeville ? Je vous préviens qu'elle peut vous paraître étrange, affirmant posséder un don depuis son enfance, celui de voir les esprits.

Le regard de Gabriel s'illumine à l'information.

— Merci, Mélanie Gordon pour votre collaboration !

Et le chuchoteur d'esprits part dans le parc de la ville sous le regard amusé de l'âme de son père.


Au même moment, au bureau du recteur, Josué attend, impatient le coup de fil de Roger. Dès que le téléphone sonne, il se précipite sur le téléphone.

— Alors, Roger, est-ce que tout fonctionne comme prévu ? l'interroge-t-il d'un ton indigné.

Le vieil homme vide son verre de cognac d'un trait.

— Ne te fâche pas ! Tout est sous contrôle ! Notre exécutant rôde près de la demeure de Jim Clancy, patientant le moment idéal pour accomplir sa tâche.

Josué capte le grognement des Ombres autour de lui.

— Très bien, mais qu'il se dépêche un peu ! Je n'ai pas l'éternité à attendre ! Plus vite il fait son travail, mieux c'est !

— C'est noté !

— À la prochaine !

Le recteur raccroche sèchement le combiné. Et se rend au bureau de Martin Ferry, l'invitant personnellement à un rendez-vous dans un restaurant. Un rendez-vous qui empêchera définitivement ce candidat d'être élu au poste de recteur.



Après deux semaines de deuil, l'inspecteur continue son travail avec le même sérieux qu'auparavant, mais ses yeux éteints et cernés trahissent sa tristesse et le gouffre du drame familial qui l'a atteint. Il est détruit, dévasté. Tout le désintéresse. Il effectue ses tâches comme un automate. Ainsi, il accomplit sa recherche sur la mort de Paul Gordon demandée par Mélinda, mais uniquement par routine, par habitude. Paul Eastman, informé par l'Observateur Russe, est très angoissé pour son collègue, mais ne sait trop que faire pour l'aider.



Le lendemain matin, Carl Neely frappe à la porte de la boutique de Mélinda. Celle-ci l'accueille poliment à l'intérieur. Les traits tirés, les cernes sous les yeux de l'inspecteur et ses yeux rougis des pleurs ne lui échappent pas, ni la présence de sa fille en retrait à sa droite, silencieuse.

— J'ai fait mon enquête sur votre oncle, l'informe-t-il d'une voix enrouée. Officiellement, votre oncle est mort d'une crise cardiaque. En réalité, il a survécu à la crise cardiaque et il est porté disparu, nous ignorons où il est. Je pense qu'il est défunt, puisque j'ai entendu sa voix, mais je ne connais rien aux circonstances de sa mort, ni à l'emplacement de son cadavre, ni à un quelconque indice.

Soudain, Paul possède l'inspecteur et griffonne sur le dossier d'enquête des lettres, puis cesse sa possession. Carl, confus, promène son regard de sa main au dossier.

— Mes excuses, j'ai eu froid ! Ignorez ces mots insensés sur la couverture du dossier.

Il donne les dossiers à la jeune antiquaire.

— À la prochaine !

Et il s'en va, avant que la jeune antiquaire n'ait le temps de placer un mot. Celle-ci lit le message sur la couverture. Il est écrit : « Chêne, complot et magie ». Feuilletant rapidement les résultats, rien de très significatif, elle réfléchit au sens du message codé, mais ne parvient à se faire une idée. Elle décide de s'occuper un peu de sa boutique pour se changer l'esprit de l'enquête de famille.



Le lendemain matin, la chuchoteuse d'esprits se rend à la demeure de la veuve de son oncle. Arrivée devant une grande maison en pierres au jardin bien entretenu avec des arbustes et des fleurs, arrachant un sourire à la jeune femme. Paul, devant la porte, sourit à sa demi-nièce. Anne l'invite au salon, une grande pièce au mur vert pastel et une grande fenêtre au sud, laissant la lumière du jour éclairée l'endroit. Les meubles bruns que sont les fauteuils et la table basse se marient à merveille avec le mur. Sur la table, un élégant vase en cristal avec des roses blanches ajoute une gracieuseté à l'austère pièce. Deux tasses en porcelaine de thé sont sagement installées près des fauteuils. La veuve de Paul invite, d'un geste de la main, la plus jeune femme à s'asseoir. Elle obtempère. Les grands yeux marron de la veuve brillent de curiosité. Ajustant sa robe bleu marine pour qu'elle ne soit pas froissée, elle l'interroge de sa belle voix mélodieuse :

— Mélinda Gordon, je suis intriguée de votre visite. Que voulez-vous savoir concernant mon défunt mari ? Qu'avez-vous à me dire ? En quoi puis-je vous aider ?

— D'abord, je ne suis pas une femme ordinaire, je peux communiquer avec les esprits depuis mon enfance et Paul Gordon est l'un d'eux. Il veut que j'enquête sur sa famille et sur mon père. Il est très fâché contre lui... Il m'a aussi mentionné des photographies de famille, des lettres et des documents. Ces derniers, vous les aurez en votre possession, si mon père ne les a pas perquisitionnés.

Le visage de la veuve demeure imperturbable, malgré une lueur de tristesse dans ses grands yeux pendant une fraction de seconde.

— Pour répondre, je confirme que les lettres et documents sont toujours en ma possession, les camouflant entre des lettres amoureuses que je garde dans un tiroir de mon chevet... Et je les ai lus, mais tous ces documents sont codifiés et je n'y comprends rien ! Ce qui l'a amené à enquêter sur son demi-frère, votre père, Thomas Gordon, a été la mort mystérieuse de Piotr Sergueïevitch Vetrov. Mon mari, avocat, a mené une enquête personnelle sur Thomas, parce qu'il pensait impliqué indirectement dans cette affaire de meurtre...

— Permets-moi de clarifier mon enquête, ajoute le défunt qui écoute la conversation depuis le début, présent, debout, près de la fenêtre.

— Je m'excuse de vous interrompre, l'informe la médium en tournant son regard vers la veuve, mais votre défunt mari est dans la salle et souhaite apporter une précision.

La jeune antiquaire, mine sérieuse, fixe son oncle. Anne, intriguée, boit une gorgée de thé.

— Paul, allez-y ! Je vous écoute, puis je transmettrais vos paroles à votre femme.

L'esprit errant affiche un sourire reconnaissant à Mélinda avant de reprendre la parole.

— J'ai enquêté parce que la mort monsieur Vetrov était étrange, impossible qu'elle soit naturelle. Mais, avant d'ajouter un mot de plus, lisez les documents !

Mélinda rapporte les paroles à la vivante et Anne part chercher les documents et revient au salon. La jeune antiquaire les lit attentivement, mais tous ces documents sont hiéroglyphiques pour elle. Tournant un regard suppliant vers le défunt, elle le prie en ces termes :

— Paul Gordon, vos documents et lettres sont très obscures, hiéroglyphiques... Je n'ai pas envie de jouer le Champollion avec vos écrits ! Veuillez bien m'aider, s'il vous plaît !

— D'accord, soupire l'interpellé, roulant des yeux d'exaspération du peu de volonté de sa nièce. Mais je vous préviens que je ne vous dis que la vérité... En cherchant et encore plus en observant Thomas Gordon depuis mon décès, j'ai découvert que votre père fait appel à un certain Roger Portal, un criminel qui envoie ses hommes faire des tâches illégales sur commande. L'un des criminels a tué Piotr Sergueïevitch Vetrov pour la simple raison qu'il aurait témoigné qu'un homme très familier avec Thomas Gordon, Alexis Vladimirovich Anissimov, a une importante activité criminelle à Paris, dont Roger Portal n'est qu'une branche locale. Cet ami de Thomas, officiellement banquier, est responsable avec François Duguay, d'un réseau de prostitution et de contrebande d'alcool, de tabac et de drogue, en plus d'un groupe de criminels pour des basses œuvres. Et mon demi-frère, juge, a été au courant des activités de ce singulier personnage, mais il ne voulut pas que ces informations se sachent, ni qu'il soit associé à lui, bien qu'il ait recours à la branche locale de criminels. Et c'est l'un de ces criminels que votre père m'a envoyé à maintes reprises pour m'avertir de cesser mon enquête. Des méthodes aussi diverses que des pneus crevés ou une fenêtre brisée... Bien sûr, l'attentat sur ma personne n'est pas seulement en raison de mon enquête, mais aussi pour se rapprocher de mon épouse ! Il pensait que veuve, elle se donnerait à lui ! Il se trompe lourdement ! Aussi, un peu avant ma mort, j'ai survécu à une crise cardiaque créée par des voies occultes, dirais-je, puisque rien dans mon état de santé laissait entrevoir une telle difficulté.

Mélinda, yeux agrandis d'étonnement, bredouille :

— Mais, Paul, je ne comprends guère pourquoi mon père ferait usage de l'art occulte, art qui me paraît incertain et charlatanesque, lui un homme rationnel et sérieux !

Affichant un faible sourire, Paul secoue son abondante chevelure en signe de désapprobation et réplique amèrement :

— Mélinda, ma chère demi-nièce, je suis très sérieux dans mon affirmation ! Des sombres démons habitent dans la chambre de l'ancienne demeure ! Et ne croit pas aux apparences ! Je pense que cet ami de Thomas, Alexis Vladimirovitch, est porteur du mauvais œil et votre père a commerce avec des sombres démons !

La femme extraordinaire rapporte les paroles à la veuve. Celle-ci opine du chef et ajoute, courroucée :

— Votre père m'a courtisé cinq ans après la mort de mon mari ! Quel affront !

— Thomas a essuyé un échec parce que je veillais sur mon épouse ! Je ne voulais pas qu'elle soit amante de mon demi-frère pour la simple raison qu'il la désire à tout prix ! Quitte à faire usage de charme et de philtre !

— Avez-vous d'autres détails à ajouter ? interroge poliment Mélinda à la fois à Anne et à Paul, malgré sa fatigue et sa difficile digestion des nouvelles informations concernant son père.

— Non, je n'ai rien à ajouter, répond le couple à l'unisson, arrachant un sourire à la jeune antiquaire.

Celle-ci se lève de son siège, rapporte les paroles du défunt à son épouse et la remercie de sa patience et de son attention. Elle revient dans sa boutique pour se changer les idées de son enquête de famille.


Au même moment, Gabriel espionne Jim et Mélinda et remarque la présence d'un homme qui file l'ambulancier. Intrigué, il le suit, mais abandonne rapidement son entreprise pour ne pas être repéré et pour demander à Charlie Luc Wogel l'identité de l'inconnu. Celui-ci lui répond qu'il ignore son identité, ni sa mission, mais il est certain qu'il est un tueur à gages qui rôde près de Jim Clancy. Le chuchoteur d'esprits est ravi qu'il n'a pas à se faire de soucis pour éliminer le mari de son ennemi. Il décide de suivre Carl Neely, très curieux de savoir ses dispositions et affinités envers sa cause et son camp.


Au même moment, Paul possède Thomas et le force à rater un suicide avec un couteau de cuisine bien aiguisé. Élizabeth, qui a été dans le jardin lors de l'acte, revient dans la cuisine très joyeuse. Mais sa mine change rapidement lorsqu'elle constate l'état de son mari et son sang qui salit le plancher. Constatant Paul qui observe froidement la scène, elle lui hurle :

— Paul Gordon ! C'est votre vengeance sur mon mari ! Que vous a-t-il fait pour que vous agissiez ainsi pour le rendre fou ?

— Je ne le rends pas fou, la corrige-t-il. Je ne lui envoie qu'un avertissement en le possédant ! Il faut établir des nuances, madame Gordon. Je ne souhaite pas l'avoir sur ma conscience !

Angoissée, paniquée, les mains tremblantes et les yeux en larmes, elle appelle les urgences. Le demi-frère de Thomas s'en va.

Et l'équipe de son gendre arrive rapidement. Thomas est amené à l'hôpital local, pris en charge par une équipe de médecin. Élizabeth se rend au chevet de son mari, très attristée et angoissée. La mère de la chuchoteuse d'esprits décide de ne pas perturber sa fille, préférant attendre que son mari se rétablisse. L'un des médecins lui affirme sérieusement :

— Madame Gordon, vous n'avez pas à vous faire de soucis pour votre mari ! Sa tentative ratée de suicide n'est pas si dangereuse qu'elle en a l'air. Il sera complètement rétabli dans deux jours. Par contre, il devra faire attention à certaines activités trop exigeantes pour son cœur et pour ses bras.

L'interpellée opine du chef et continue à fixer Paul Gordon dans un coin de la chambre, confuse sur sa raison d'agir.



Deux jours plus tard, terminant son petit-déjeuner, l'antiquaire entend le téléphone sonner et son mari se précipite vers l'appareil, le donnant à son épouse. Intriguée que son père l'appelle, elle répond immédiatement et Thomas, d'une voix caverneuse et rauque, lui répond :

— Mélinda, viens à la maison... Je dois t'expliquer des détails concernant mon demi-frère...

Il raccroche le téléphone, laissant sa fille très étonnée, ne sachant comment interpréter ce soudain changement. Tournant sa tête à sa droite, Paul l'observe, mine dubitative, et lui commente la situation :

— Mélinda, je m'inquiéterais de son soudain intérêt à vouloir tout vous révéler, mais rendez lui visite, je saurais vous confirmer ou infirmer ses propos.

L'interpellée opine du chef et informe son mari de l'étrange discours de son père et du défunt. Jim, guère rassuré, lueur d'inquiétude dans le regard, lui suggère qu'il viendrait avec elle. Ce qu'elle refuse, mais l'ambulancier se promet qu'il la suivra de loin.


Devant la maison familiale, la jeune future mère note la présence de Paul, courroucé, près des hortensias.

— Mélinda, faites attention, le tueur à gages embauché par votre père rôde près de la maison...

Blêmissant à l'information, les yeux écarquillés de frayeur, mains tremblantes, elle frappe à la porte. Thomas lui ouvre chaleureusement la porte, l'invitant à l'intérieur. Mélinda, intriguée, suit son père. Ce dernier lui annonce théâtralement :

— Ma fille, viens avec moi, dans la maison familiale à la rue Honoré Balzac. Je vais tout t'expliquer... Mais sache qu'il n'est pas bon d'être trop curieuse...

Perplexe, elle le suit dans sa voiture. Il conduit dans un silence absolu pendant une heure. Paul, depuis dix minutes, assis sur le siège arrière, sourire aux lèvres, affirme :

— Mélinda, j'ai réglé le cas du tueur à gages...

— Comment ? l'interroge à mi-voix sa demi-nièce, lueur de curiosité dans ses grands yeux.

— ... Il s'est suicidé avec son arme une fois que je l'ai possédé. Il ne pourra plus nuire à quiconque ! Il a disparu dans les noirceurs et les flammes de l'Enfer ! Qu'il y demeure pour l'éternité, Amin.

— Ma fille, tu parles avec un esprit ? Qui est-ce ?

Ouvrant la bouche pour répondre, aucun son n'y sort, puisqu'une chanson fuse de la radio, à savoir la strophe suivante :

Мой близкий враг родней чужих

Исподтишка летят ножи

И увернуться невозможно*


Traduction française

Mon ennemi proche est plus proche de moi que les étrangers

Les couteaux volent à la dérobée

Et il est impossible de les esquiver*


Thomas blêmit et éteint prestement la radio, main droite tremblante. Sa fille tourne sa tête vers Paul, assis nonchalamment sur le siège arrière, sourire au visage.

— Paul Gordon, je ne comprends pas votre jeu ? Que signifient ces paroles ? Quel message voulez-vous envoyer à mon père ?

— Ma fille, l'interrompt Thomas, yeux lançant des éclairs de colère, durcissant ses traits, ne pose pas trop de questions ! Ne sois pas trop curieuse ! ...

Il tourne son regard glacial vers elle, la mettant mal à l'aise.

— ... Si tu veux être encore vivante !

Elle déglutit sa salive, pétrifiée par ce regard inhumain de son père. Un silence oppressant plane entre le père et sa fille pour le reste du trajet. Seul l'esprit errant traduit les paroles de la chanson russe à la chuchoteuse d'esprits, la laissant encore plus angoissée qu'auparavant.


Une fois arrivés dans la maison, Thomas interroge sa fille :

— Te souviens-tu des moments passés à jouer dans ta chambre ?

— Non, pour être honnête, je ne me souviens pas de cette maison et de ces murs !

— Veux-tu venir à l'étage ?

Paul tourne négativement la tête, lui lançant un regard suppliant :

— S'il te plaît, ne monte pas à l'étage, les sombres démons de ton père t'attendent !

Mélinda se rend dans la cuisine et touche le cadre de la porte. Elle a une vision.

Thomas est appuyé contre la porte de la cuisine, serrant entre ses mains un bâton, très impatient que quelqu'un frappe à la porte. Il monte à pas de loup à l'étage et invoque des sombres esprits et entités pour l'assister dans sa tâche. Puis il sort silencieusement de la maison, cachant le bâton derrière son dos, affichant un faux sourire et faisant les cent pas, observant l'horizon. Mélinda rencontre son regard possédé, un regard froid et inhumain qui lui glace le sang dans les veines.

La chuchoteuse d'esprits est très effrayée de sa vision.

— Qu'a-t-il de si effrayant, mon enfant ? l'interroge d'une voix rauque le juge, la fixant avidement.

— Tu attendais quelqu'un... Un meurtre prémédité ? s'offusque-t-elle, les yeux encore plus grands, sa voix, habituellement mélodieuse, devient brisée.

— Viens à l'étage, ma fille, peut-être tu comprendras tout ?

Il laisse sa fille passer en premier, il la suit de près, fixant sa nuque, regard brûlant. Mélinda est très gênée par l'ambiance glauque qui se dégage des chambres dans l'obscurité. Les rideaux sont tirés, bloquant la lumière du jour, un mal de tête commence à se manifester. S'arrêtant dans le cadre de porte d'une chambre, elle a une autre vision.

De la fenêtre de la chambre, elle observe ce qui se passe en contre-bas. Son père, bâton derrière son dos, accourt vers Paul qui vient d'arriver.

— Thomas, pourquoi me faire venir ? Qu'as-tu découvert concernant mon père, notre mère et mon Anne ? l'interroge-t-il, angoissé.

— J'ai découvert que tu es trop curieux ! s'emporte son demi-frère, d'une voix caverneuse et inhumainement froide, ses yeux se glacent encore plus et il sort son bâton, frappant Paul au visage. Celui-ci riposte, mais, Thomas, lui abat un solide coup dans l'entrejambe avant de dégager le bâton pour le tuer définitivement. Il recouvre le cadavre d'un drap blanc et le transporte dans le jardin comme s'il n'est qu'un sac de pommes de terre. Le juge creuse un trou au pied de l'arbre et enterre son demi-frère, ravi, sourire malsain et sadique aux lèvres. Il revient dans la maison familiale, appelle un homme et ne lui dit d'un ton autoritaire :

— Camouflez le cas de Paul Gordon ! Pot-de-vin et autres méthodes... Surtout, empêchez Paul Eastman d'enquêter sur son décès... Attribuez ce cas à vous-savez-qui !

La fille du juge, s'accrochant au cadre de la porte, fixe le vide, les yeux encore plus grands de sa vision, très étonnée.

— Que viens-tu de voir, Mélinda ?

Il la fixe de ses yeux glacials, attendant une réponse.

— Tu as tué Paul Gordon, ton demi-frère et tu as camouflé son meurtre en achetant le policier chargé de l'enquête...

— Tu as trop vu ! Tu sais tout maintenant ! Je craignais tellement que tu saches tout !

Il s'approche d'elle et l'accule près de la rampe d'escalier.

— Paul, aide-moi ! panique-t-elle, agitant les bras.

— Ma fille, Paul Gordon est mon demi-frère, nous partageons la même mère, Ana, mais de père différent. Il est le fils légitime de Jean, version francisée d'Ivan, Pavlovich Gordon, version modifiée lors de son immigration de son nom Gordeev. Et il n'est pas mon père ! Mon père est Alexis Vladimirovich Anissimov, défunt depuis un an.

Tournant sa tête à gauche, il psalmodie des paroles en russe. Un esprit se manifeste à la droite de son père. Un grand homme élancé de soixante-et-dix ans aux même yeux glacial que Thomas, sauf en gris, aux cheveux châtains, presque blonds, promène son regard de son fils à sa petite-fille. Le défunt grand-père de Mélinda, vêtu d'un complet noir et d'une chemise blanche, agite sa main droite, dont l'annulaire est orné d'une alliance en platine, vers la chuchoteuse d'esprits. Son visage ridé par l'âge ne peut camoufler son étonnement lorsque sa petite-fille l'observe, étonnée.

— Paul Gordon, ne restez pas inactif ! Aidez-moi ! hurle, au bord du désespoir, les yeux agrandis de terreur et de crainte, la jeune antiquaire.

L'interpellé réagit immédiatement et possède son demi-frère avant que le père de celui-ci n'agisse. Il libère son étreinte de Mélinda et le pousse en bas des escaliers. Un coup fatal. L'âme de Thomas est très fâchée contre son demi-frère, mais n'ose pas agir, le craignant trop, et s'évapore.

À ce moment, Jim entre dans la maison, très angoissé que sa femme ne soit pas encore sorti. Notant le cadavre de son beau-père, il se penche au-dessus de son corps sur pour vérifier ses signes vitaux. L'ambulancier est interrompu par la voix de son épouse.

— Jim, il ne sert à rien de vérifier s'il est en vie, son âme a quitté son corps. Il est mort depuis peu !

Le réel grand-père de Mélinda s'évapore sans dire un mot. Seul Paul demeure encore au côté de la chuchoteuse d'esprits. Cette dernière appelle la police et Paul Eastman arrive immédiatement sur place. Il consigne la version de Mélinda, approuvée par l'esprit errant toujours présent et un Observateur.

L'inspecteur informe quelques heures plus tard Élizabeth de la mort de son mari, alors que Mélinda et l'ambulancier aux yeux bleus reviennent dans leur maison, très perturbés par les récents événements.



Le lendemain matin, l'Observatrice Myriam Berkowitz se présente dans un coin du salon, mine inquiète.

— N'avez-vous pas oublié mon message ? Dépêchez-vous de le comprendre, avant qu'il soit trop tard, jeune femme ! chuchote--t-elle d'un ton sérieux, regard rempli de tristesse.

— Ah, oui ! se souvient Mélinda, étonnée, votre énigme... Mais que voulez-vous me communiquer ? ...

Avant qu'elle ne termine sa question, l'entité invisible est partie. L'antiquaire soupire et fouille dans ses nombreux papiers.

— ... Le message disait « L'illégitime doit être découvert », c'est mon feu père ! Il est un fils illégitime !

Jim approuve d'un geste de la tête.

— « Plan machiavélique du défunt révélé », c'est Charlie Luc Wogel ? Le médecin psychiatre collaborateur qui voulait m'emprisonner sous la terre ! Et je ne suis pas devenue folle grâce à l'intervention de la patiente et de l'institutrice !

— Ou un autre esprit, l'homme en noir ? suggère-t-il.

— À ne pas exclure, note-t-elle, mine pensive... D'ailleurs, je devrais me renseigner sur son identité... Mais un esprit qui s'oppose à mon travail ! ... Et finalement « les véritables amis reconnaissables au signe », le soleil, la lune et l'étoile... Trois individus entre Rebecca Char, Paul Eastman, Carl Neely, Élie James et Gabriel Lawrence. Mais qui ? L'un d'eux est contre moi, voire deux d'entre eux s'opposent à ma mission... Deux hommes qui sont contre ma mission d'amener les âmes perdues dans la Lumière, mais qui est-ce ? Qui me haït à ce point qu'il trame un mal ?

Haussant les épaules, son mari soupire.

— Honnêtement, je l'ignore... Mais je pense que la prudence est bonne conseillère, non ?

— Tu as raison !

Sur ces paroles, mine inquiète, Mélinda fixe le message de Myriam Berkowitz. Dans ses yeux se lit une frayeur innommable, frayeur à la pensée de perdre son mari ou son enfant qu'elle porte depuis peu, se rappelant de l'avertissement d'Élie James. Jim l'enlace pour la rassurer, très angoissé lui aussi à l'idée de perdre son épouse et leur enfant et de la menace imminente, invisible et inconnue qui plane sur eux, alourdissant l'air, comme le ciel sombre avant un orage.




À suivre


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Strophe de la chanson Я никому не верю [Je ne crois personne] du groupe Би-2 [Bi-2].

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