Histoires entre vivants et esprits

Chapitre 12 : Enquête dangereuse, première partie

5641 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 31/10/2023 01:15



5 janvier 2006, appartement de Carl Neely et de Melody Spengler-Neely, 11h.


Carl Neely est dans la cuisine. Melody s'occupe de leur fils, Daniel, bientôt un mois; elle le berce doucement, et regarde discrètement sa fille du premier mariage, Caitlin, jouer au salon. Maria, Sara et Samuel, qui ne se réjouissent pas de passer les vacances de Noël avec leur père, préfèrent s'enfermer dans leur chambre pour être tranquilles. Ils n'apprécient pas la venue de leur demi-frère, qu'ils voient comme une concurrence. Ils partagent l'avis de leur mère : « Papa est tombé sur la tête ! » D'ailleurs, à l'instigation de leur mère, ils tentent une fois en décembre d'étouffer leur demi-frère dans ses couvertures, ou encore en le serrant fort entre leurs bras, sauf que leur belle-mère, alertée par les pleurs du bébé, accourt et leur ordonne de le lâcher. Les enfants du premier mariage n'osent plus faire des tentatives similaires, car Melody s'en est plaint à Carl, qui a bien sermonné Maria, Sara et Samuel... Et quand il est fâché, attention ! Les enfants, honteux, se tiennent tranquilles depuis.

Mais revenons à Carl Neely. Il prépare des böreks. Tout à coup, un esprit se manifeste derrière lui. Il se retourne, ayant repéré une odeur forte de vin. Or, il sait que la seule bouteille de vin est dans le réfrigérateur.

Carl Neely dit en anglais : – S'il vous plaît, Veuillez décliner votre identité.

L'esprit répond dans la même langue d'une voix avinée : – On voit bien que vous n'avez pas perdu vos réflexes de policier...

– S'il vous plaît, répondez à ma question !

– Vous devez le savoir, Monsieur le policier !

Un autre esprit apparaît : David Neely. L'esprit à l'odeur de vin disparaît alors.

Carl, étonné : – Père, qui est cet esprit ivrogne ?

– Fiston, malheureusement, mon propre père...

« Donc, mon grand-père » pense Carl.

– Exactement... Son misérable nom est Orpheus. Aussi salaud que mon frère... N'oublie pas qu'Orpheus et Zachary (mon grand-père), connaissaient Alexis Gordon, le père de Thomas Gordon. C'est pourquoi, par la suite, Oswald est ami avec Thomas. Le seul conseil que je peux te donner... ET ÉCOUTE-MOI POUR UNE FOIS !... C'est de faire l'enquête sur la famille en évitant de te confier à ta vipère d'épouse... Je ne voudrais surtout pas que tu me rejoignes... S'il te plaît, sois un gentil garçon !

– Oui, papa ! Et Merci du conseil !

Et l'âme du pilote disparaît de son nez. C'est tellement bizarre de parler à son fils plus âgé que lui... David conserve le même aspect qu'à sa mort (il a alors l'apparence et la voix d'un jeune homme de vingt-sept ans); Carl a trente-deux ans, bientôt trente-trois.


Le passeur d'âmes soupire et prend une feuille du livre de recettes, feuille qu'il déchire pour y inscrire les noms. Il pense : « Je ne suis plus un gamin depuis longtemps... Ah ! Ça ne me rajeunit pas... Mais bon... Qu'est-ce qu'il m'a dit ? Une enquête ! Je verrai si je n'ai pas perdu mes habitudes policières... »

Il range la feuille dans la poche gauche de son pantalon. Il revient à ses böreks. L'enquête patientera !


En après-midi, il travaille. Au cours de sa patrouille routinière (on voit le jargon policier), Carl, tout en roulant le long du rez-de-chaussée de la Bibliothèque et archives du Canada, réfléchit par où commencer cette enquête de famille. Dans tous les cas, il demandera l'aide de Paul Eastman qu'en dernier recours. Un esprit apparaît devant lui, de sorte qu'il freine brusquement : Orpheus Neely. L'esprit lui suggère de regarder dans les archives de Londres, où leur famille a vécu. Carl, nerveux, tripote son icône portative qu'il traîne toujours avec lui. L'esprit errant disparaît de son nez. Par contre, il ne remarque pas l'influence pernicieuse d'Andrew Lewis, de Calvin Byrd et de François Janet sur ses pensées. Depuis qu'ils ont trouvé la distance efficace pour l'influencer, mais sans être repérés olfactivement, ils s'amusent lorsqu'ils le peuvent sur leur nouveau cobaye... De sorte qu'il se rend à son avis, car c'est logiquement la seule manière de débuter l'enquête. Et il se dit à lui-même qu'il n'oubliera ni son icône portative de l'Archange Michel ni de renouveler les brindilles de charme et d'aubépine qu'il y accroche sur l'icône en protection supplémentaire. Sauf que, depuis ses fiançailles avec Melody, il a un peu négligé cette protection. Il se rattrape. Il renouvelle les brindilles séchées et le tour est joué.




Le 8 janvier 2006, 9h30.

Radoslav Neely, très inquiet pour son jeune frère, frappe à la porte de son appartement. Carl lui ouvre la porte et l'invite, d'un geste de sa main droite, à entrer. Melody le salue et prend par la main Caitlin pour l'amener dans sa chambre. Ainsi, les deux frères peuvent parler sans être dérangés. Bien sûr, elle feint d'être occupée à la cuisine, alors qu'elle écoutait attentivement la conversation. Mais déçue qu'elle soit en bulgare (car elle ne sait que l'anglais et le français), elle cesse de les espionner.


Le poète avertit son frère. L'affaire est sérieuse, car il s'agit d'un danger comme dans les cinquante-quatre premiers vers de la chanson bulgare traditionnelle Georges l'infirme, ce qui n'est pas rien.

Voici le texte :

Разболђ ся бодђн Герги

болђн лежи,злђ умра

от девет рани крошумени

десета-та с нож боднжта,

бре злђ боли, в огън гори.

Отговара Гергювица:

ой та теби болђн Герги,

как си лежиш девет годин,

не умираш не оздраваш,

дай ми да ся женъж,

да залибъж друго либе,

имаш сестра Ангелина,

нека тебе тя гледа

както съм те аз гледала

девет годин и половина,

десета-та ша ся сключи.

Отговара болђн Герги:

ой та тебе, Гергювице,

Гергювице хубавице,

давам воля да ся жениш

да залибиш друго либе

друго либе тъй юначно

тъй юначно тъй прилично,

то на мене да прилича.

Зарадва ся Гергювица

плеснж ръцђ засмђла ся й,

зела си ключове-те

да отвори сандци-ти

да извади премени-ти,

премени ся, натъкмй ся,

те отиде у мамини си.

Кат` ъж видђ бре мама й

плеснж ръцђ засмђла ся й:

че умре ли болђн Герги?

Отговара Гергювица:

нето умре нето оздравђ,

даде воля да ся женъж

да залибъж друго либе

друго либе като него,

тъй юначно тъй прилично

то на него да прилича.

Че си станж Гергювица,

пъсти стовни зе на ръцђ

че отиде на чюшма-та

да налђй`студена вода.

От долу иде Гръцко чело,

на глава му ясен мђсец.

Отговаря Гергювица:

ой та тебе, Гръцко чело,

хайде двама да ся мђним

да ся мђним да ся женим

и в недђля да й сватба-тал

Мђнихж ся годихж ся

и в неделя ша й сватба-та.


Voici la traduction dans la langue de Molière:

Georges est devenu malade, infirme,

il gît malade il souffre cruellement,

de neuf blessures faites par des balles,

la dixième provenant d'un coup de sabre,

il souffre cruellement, la fièvre le consume.

La femme de Georges se met à dire:

écoute, Georges l'infirme,

voilà neuf ans que tu es couché,

tu ne meurs ni ne guéris,

donne-moi la permission de me marier,

d'aimer un autre époux,

tu as une sœur, Angélina:

qu'elle à son tour te soigne,

comme je t'ai toi-même soigné

neuf années et une demie,

la dixième va être révolue.

Georges l'infirme répond:

écoute, femme de Georges,

femme de Georges, la belle,

je te permets de te marier,

d'aimer un autre époux,

un autre époux aussi vaillant,

aussi vaillant aussi honorable,

qu'il ne soit pas inférieur à moi.

La femme de Georges se réjouit,

elle battit des mains elle éclata de rire,

elle prit les clés

pour ouvrir les coffres

pour en tirer ses beaux atours,

elle s'ajusta elle se para

et s'en alla chez sa mère.

Quand sa mère l'aperçut

elle battit des mains, elle éclata de rire:

est-ce qu'il est mort, Georges l'infirme?

La femme de Georges lui répond:

il n'est ni mort ni guéri,

il m'a permis de me marier,

d'aimer un autre époux,

un autre époux semblable à lui

aussi vaillant aussi honorable,

qui ne lui soit pas inférieur.

Et la femme de Georges se leva,

elle prit à la main des cruches bigarrées,

et s'en alla à la fontaine

pour puiser de l'eau fraîche.

D'en bas vient un jeune Grec,

sur sa tête la lune brillante.

La femme de Georges se met à dire:

écoute, jeune Grec,

viens, fiançons-nous,

fiançons-nous et marions-nous

et que dimanche soit la noce.

Ils échangèrent les anneaux ils se fiancèrent,

et la noce devait avoir lieu le dimanche.


Radoslav Neely termine son avertissement en ces termes (en bulgare comme le reste de la conversation) : « Ceci signifie qu'ils veulent te réduire à rien, te rendre dysfonctionnel... Ça ne sert à rien de vivre si c'est pour être dans un état encore plus lamentable ! Et que tu devras divorcer au plus vite, pour éviter une situation malheureuse ou une adultère... Par contre, les salauds oublient la suite de la chanson... Georges l'infirme demande à sa sœur Angélina de lui faire ferrer son cheval puis de faire aiguiser son sabre. En disant qu'il paiera une fois guéri. Sauf que le maréchal voulait le corps d'Angélina, et le coutelier, ses yeux. Et Georges se venge en tranchant la tête des deux hommes puis de sa femme (pour l'apprendre à se marier alors que son époux est encore vivant) et sa belle-mère. Mais, s'il te plaît, soit prudent ! Et la première chose à faire, c'est de divorcer... S'il te plaît, pense à Maria, Sara et Samuel... »


Cet avertissement a quelque peu dégrisé Carl, lui qui est encore sous l'euphorie de son récent mariage. Il commence alors à imaginer tous les pires scénarios... La pensée de laisser ses propres enfants dans des famille d'accueil l'enrage tout particulièrement... Il remercie son frère de l'avertissement, mais il est perplexe. Radoslav revient dans son appartement.

Une fois son frère aîné sorti, Carl pense : « On ne panique pas... On se calme... Analysons la situation, puis voyons voir ce que nous pouvons faire ! J'ai une enquête sur la famille de mon père, bon, d'accord. Mais je dois éviter de me confier à ma femme, qui s'occupe très bien des enfants. Je n'ai rien à lui reprocher. Sa voix est toujours aussi admirable... D'ailleurs, il semblerait que notre fils, notre Daniel (un vrai ange) tempère bien son caractère de vipère... Je ne m'inquiéterai pas inutilement... Donc, je ne divorcerai pas... Je n'ai pas envie d'être seul après... Même pas un an de mariage... Allez, Carl, reprends-toi ! Je commencerai alors mon enquête demain et je commanderai les documents d'archives sur mon salaud de grand-père... Mais, par prudence, je ne dirai rien à Melody. (Par ailleurs, je ne suis plus policier, de sorte que mes enquêtes officieuses sur les esprits errants doivent passer inaperçues). Seulement, ça me désoriente de ne pas me confier à mon épouse, comme je le faisais avec ma Hana... Je trouve que le poids des enquêtes se partage mieux à deux... Ensuite je verrai ! Pourquoi trop penser à l'avance ? »

Content de son idée, Carl se rend dans la cuisine, où Jane Lawrence-Gordon apparaît devant lui.

Elle dit : « Faites attention, car les salauds, quand ils consomment Dieu-sait quelles drogues, ils s'inspirent de la vie de Charlemagne pour faire faire un enfer de votre vie... »

Carl lui fait un geste de la main de poursuivre son explication.

« ...Ils pensent vous empoisonner, comme le frère de Charlemagne a été empoisonné. De plus, à l'instar de cet Empereur, ils veulent faire circuler des fausses rumeurs sur votre compte, dans le but de vous isoler de tous... Aussi, ils veulent vous aveugler, comme certains de ses enfants et petits-enfants... Et finalement, ils sont fermement décidés à faire de vous un mort-vivant, ce qui est un clin d'œil morbide au déplacement du corps de Charlemagne dans la tombeau de Proserpine... Je ne sais pas quand ils débuteront leurs sordides plans, probablement au cours des jours suivants... Faites très attention à vous... Et que Dieu vous protège ! »

Puis l'esprit errant disparait, laissant le pauvre passeur d'âmes étonné, perplexe. En bref, dépassé par la méchanceté de ses ennemis, qu'il ne connaît point (ou à peine). Il a l'impression que tout le dépasse...


Le soir, trop anxieux, il ne parvient pas à dormir; même la voix de Melody ne parvient pas à le plonger dans le sommeil. Il décide de commencer avec le somnifère sans ordonnance qu'il s'est procuré, à savoir le Zolpidem. Ayant bien lu les effets secondaires (étourdissements, sautes d'humeur, vue brouillée ou trouble, somnolence au cours de la journée, troubles de comportement, hallucinations, troubles de la mémoire, amnésie, trouble de l'appétit, mouvements désordonnés, insomnie, faiblesse musculaire), il prend sa dose de 10mg avec un verre d'eau et trente minutes plus tard, il dort d'un sommeil profond. Au moins, il dort huit heures d'affilée ! Il sera vigilant demain s'il commence à somnoler... Et tant pis pour la dépendance qui peut en résulter ! Il sera prudent pour s'éviter une telle situation...



Le lendemain, Carl Neely, sous prétexte de se rendre plus tôt au travail, se rend au bureau de Paul Eastman. Le policier, étonné de le voir, l'invite à entrer. Carl lui demande s'il voudrait bien l'aider et lui indiquer s'il est possible d'avoir accès aux dossiers de la famille à l'extérieur du Canada. Paul lui répond que oui, pourvu qu'il fasse une demande officielle auprès des archives en question, même sans être policier. « Si ce n'est pas possible, je peux faire la commande pour vous... » L'ancien policier le remercie de son aide et il arrive au travail, content, malgré qu'il commence à somnoler; c'est l'apparition d'Hana qui le réveille.


Par contre, le soir est très agité pour le pauvre Carl Neely, qui est poursuivi, pourchassé, comme une bête par des chasseurs masqués... Il se réveille brusquement. Il remarque que l'âme d'Hana n'apparaît plus à ses côtés. Il enlace Melody pour se rassurer, ce qui la réveille. Il lui raconte son cauchemar; elle le câline doucement et le rassure de sa voix la plus douce. Il s'endort. Mais le cauchemar se poursuit... On dirait une chasse à l'homme avec des chasseurs invisibles... Carl se réveille en sueur et fixe le plafond de la chambre... Il préfère se forcer à rester éveillé plutôt que de s'endormir à nouveau. Là, il remarque à quel point sa Hana lui manque... Il regrette tellement d'avoir été rude envers elle alors que ce qu'il prenait pour de la jalousie féminine n'est qu'une bonne épouse qui se préoccupe beaucoup de son mari... Elle est vraiment adorable... Mais bon, le temps n'est pas aux regrets... Il a accepté de dormir avec une vipère, et bien qu'il fasse attention à sa morsure...



Le lendemain, alors que Melody fait les commissions, Carl Neely commande les documents relatifs à son grand-père. Au moment où l'archiviste prend en note les informations, l'esprit errant en question se manifeste. Il fixe son petit-fils pendant quelques minutes puis disparaît. Il en avertit Gabriel Lawrence, qui le dit à son père, qui le dit à Oswald Neely... Et ce dernier exige une réunion spéciale pour faire un sombre rituel sur son neveu... Le juge s'est bien décidé de l'empêcher par tous les moyens possibles et imaginables l'enquête... Deux jours plus tard, il contacte un homme masqué en noir (un habitant de Grandview sans scrupules), pour lui dire de remettre à Melody Spengler-Neely une dizaine de boîtes de médicaments contre l'insuffisance cardiaque, à savoir le Bénazépril, le Captopril et le Ramipril. L'homme masqué transmet les directives à l'épouse de Carl Neely lorsqu'il la rencontre au marché. Par contre, les effets secondaires de ces médicaments sont la sensation de vertige, la toux, et plus rarement, l'enflure des lèvres, du visage et de la gorge (qui nécessitent alors une intervention d'urgence). Melody reçoit les directives de dissoudre une dose de l'un des médicaments dans le vin de son époux. Et c'est ce qu'elle commence à pratiquer dès la journée suivant la réception des médicaments. Bien sûr, Jane Lawrence-Gordon en informe Carl, qui est incrédule... Mais il se montre prudent en s'efforçant de ne pas boire jusqu'à la fin son verre de vin, et en consommant davantage de l'eau.

Très anxieux le soir, il ne parvient pas à dormir. Et il prend sa dose de Zolpidem pour dormir d'un sommeil profond.



Le lendemain, Carl Neely se présente au travail. Il fait sa patrouille routinière, au cours de laquelle il remarque deux jeunes gens vers la vingtaine, visiblement des frères, dont l'un porte des lunettes fumées noires qui tient l'avant-bras de son frère. « Apparemment, » pense notre agent de sécurité, un homme qui conduit son frère aveugle... » Le frère, ayant repéré Carl, s'avance vers lui.

À ce moment, David Neely se manifeste à la droite de son fils et grogne vers la direction des deux jeunes hommes. Il dit : « Fiston, ils sont les fils du premier mariage d'Oswald, Richard et Stephan... Et ils ne viennent pas les mains vides... De plus, c'est une menace directe... Un conseil: évite-les! »

Puis l'esprit se concentre pour pousser le fauteuil roulant de son fils; Carl se déplace pour éviter ses cousins... Mais ils le suivent, Stephan traîne son frère. Carl remarque qu'ils sont accompagnés d'esprits à l'odeur très désagréable... Heureusement, l'agent de sécurité roule plus rapidement, exercé comme il l'est avec son fauteuil. De sorte qu'il parvient à les éviter, et c'est un autre collègue qui répond à leur question. Carl Neely, un peu plus loin, ralentit doucement pour ne pas heurter un usager de la bibliothèque. Il s'engouffre en vitesse dans un ascenseur, en s'excusant auprès de l'usager qui l'a ouvert. Ainsi, il échappe à ses poursuivants. Il se rend à l'étage supérieur. Entre-temps, ses cousins, déçus, reviennent auprès de leur père pour l'informer de l'insuccès de leur visite surprise. Deux heures plus tard. notre agent de sécurité commence un peu à somnoler sur son fauteuil roulant (en raison de l'effet du somnifère pris hier soir), lorsqu'il est brusquement réveillé par une odeur familière : ses parents.

Milena lui dit gentiment : « Notre petit fait sa sieste de l'après-midi ? »

David ajoute : « Alors que ce n'est pas le temps... »

Carl, froissé, pense : « Merci de me traiter comme un bébé ! »

David : « C'est vrai, fiston... Mais si tu étais plus pragmatique, tu devras arrêter de consommer le somnifère, pour ne pas avoir des ennuis supplémentaires... »

Carl pense : « Ne t'inquiète pas pour moi... Je prends le somnifère qu'en dernier recours... Et j'arrêterai après deux semaines. »

David, d'un ton ironique : « Je ne sais pas si je dois m'inquiéter pour toi à ton âge... Mais, peu importe ton âge et le nôtre, tu restes NOTRE fils, n'est-ce pas, Milena ? »

Milena : « Exactement ! »

Puis les deux esprits disparaissent de son nez. Au moins, cette conversation a complètement réveillé Carl Neely.


Le soir, Carl s'endort sans l'aide du somnifère. Mais un cauchemar le réveille brusquement. Il garde les yeux ouverts le reste de la nuit. Inutile d'insister sur son air fatigué au matin.



Melody Spengler-Neely, remarquant que son mari cesse complètement de consommer du vin, décide de dissoudre la dose de médicament dans son plat... Heureusement pour Carl Neely, l'âme de sa première épouse est au courant du plan machiavélique et en informe leurs enfants, qui s'arrangent, à l'apparition de leur mère, de passer « par hasard » dans la cuisine au moment où leur belle-mère s'apprête à sortir la pilule de l'un des médicaments. De sorte que la pauvre victime évite « sa dose » les fins de semaine et lors des congés. Après, lorsque Maria, Sara et Samuel sont à l'école, c'est la vipère qui est contente... Au moins, il aura sa dose... Et l'effet cumulatif au cours des semaines suivantes est à redouter... Ce sont la première épouse et les parents de Carl Neely qui sont très inquiets pour lui...



24 janvier 2006, appartement de Carl Neely, 12h.

Tous les enfants (Maria, Sara et Samuel sont venus pour la pause du midi, accompagnés de leur père) et les adultes se sont attablés; Melody a donné le biberon à Daniel avant de se joindre aux autres. Évidemment, elle n'a pas oublié de broyer une dose de Bénazépril dans le plat de son mari. Tous mangent sans se méfier de rien. Mais Hana agit sur Carl Neely de manière à ce qu'il ne termine pas sa portion, de sorte qu'il n'ingère point la dose de médicament au complet. Après avoir raccompagné ses enfants du premier lit à l'école, il regarde dans la case postale, car il attend avec impatience les documents sur son grand-père paternel : les documents commandés sont enfin arrivés !

Melody, voyant son mari revenir avec une pile de documents emmitouflés dans une enveloppe protectrice avec le logo de Poste Canada, lui demande d'une voix douce qui est l'expéditeur du paquet. Il lui explique que ce sont des documents pour répondre à la requête d'un esprit errant.

Elle dit : – Pourtant, tu m'en as rien dit...

Carl bredouille : – Ma chérie, je ne voulais pas t'embêter avec mes cas d'esprits...

Elle s'approche de lui, lui prenant le paquet des mains, le dépose sur la table au salon, s'assied sur ses genoux, l'embrasse tendrement. Elle lui murmure à l'oreille : « Dans tous les cas, tu ne peux que te confier à moi... »

Carl, en câlinant son épouse, pense : « C'est vrai, elle a raison... »

Il s'éclaircit la gorge et dit : – Simplement une enquête à la demande de mon père...

– À propos de quoi ?

– Je ne le sais pas très bien moi-même... Désolé, Melody, mais je ne connais mon propre père qu'en tant qu'âme errante, de sorte que je suis un peu désorienté dans cette enquête...

– Désolé, je...

Il prend les mains de sa femme et lui dit : – Ne t'en fait pas, ma chérie... Étant un pauvre orphelin, je dois chercher sur cette famille que je ne connais pas... Ne t'inquiète pas, je débute mon enquête en lisant certains documents... Qui viennent d'arriver...

David Neely apparaît devant son fils et dit: « Tais-toi ! »

Carl Neely, surpris par le ton de son père, lâche les mains de Melody et lui fait signe de se lever; elle obtempère. Il lit les documents, étonné. Elle regarde discrètement par-dessus son épaule, mais Hana apparaît devant Daniel, qui la regarde avec ses grands yeux de bébé. L'esprit le taquine pour le faire pleurer. Melody accourt, mai il tend ses petites mains vers Hana... À croire que le fils apprécie plus la présence de sa belle-mère que celle de sa mère... Ralph Mahoney, étonné, regarde Hana. Il ne comprend pas comment elle peut trouver le bébé adorable : « Elle doit peut-être avoir le syndrome de Stockholm pour aimer le fils que son époux a avec une autre ? »

Hana le foudroie du regard et lui réplique : « Très drôle ! Il me fait penser à mon Samuel... Ça me rajeunit, en quelque sorte... Reconnaissez-le : il est vraiment mignon... Un vrai ange ! Ce n'est pas de sa faute si sa mère est une vipère... Dommage qu'il ne soit pas le mien ! »

Après ces paroles, elle disparaît pour réapparaître devant Samuel, alors à l'école.

Ralph Mahoney, étonné du raisonnement d'Hana Nasan-Neely, regarde discrètement Carl Neely et Melody Spengler pendant quelques minutes puis disparaît à son tour.



Voici la généalogie que Carl Neely parvient à dresser à la lecture des documents (et qu'il note sur une feuille de papier) :


Derek Neely (1850-1917) + Deborah Mitford-Neely (1862-1900) = John (janvier-mars 1881), Ashley (1883-1945), Grace (1884-1970), Zachary (1885-1960) et Adrian Neely (1886-1966)


Ashley Neely-Kent (1883-1945) + Bernard Kent (1880-1939) = Samuel (1903-1975) et Daniel (1904-1987)


Grace Neely-Rosenbach (1884-1970) Andrew Rosenbach (1875-1959) = Dave (1908-1909), Natalia (1909-1970) et Fanny (1910-1977)


Adrian Neely (1886-1966) + Audrey Reinach-Neely (1897-1970) = Mary Louise (1920-1989), Nicolas (1921-1947) et August (1922-1988)


Zachary Neely (1885-1960) + Megan Smith-Neely (1900-1970) = Robert (1919-1980), Orpheus (1920-1992) et Meredith (1921-1995)


Orpheus Neely (1920-1992) + Marjorie de Rothschild-Neely (1929-1990) = Oswald Neely (1949), David Neely (son père) (1950-1977) et Merry Neely (1951)


Robert Neely (1919-1980) + Diana Downey-Neely (1930-1998) = Emily (née en 1950), Kitty (née en 1951) et Martin (né en 1952)


Meredith Neely-Kennedy (1921-1995) + Damon Kennedy (1910-1988) = Jade (née en 1940), Melody (née en 1941) et Nicholas (né en 1942)



Carl Neely lira jusqu'en février les documents, qu'il cachait dans son bureau sous clé (qui contient aussi le coffre dans lequel se trouve son arme à feu de policier), en raison du travail et de la fatigue qu'il éprouvait par la visite d'Orpheus Neely, de Marjorie de Rothschild-Neely, de Zachary Neely et de Megan Smith-Neely. Ses grands-parents et arrière-grands-parents l'agacent verbalement et olfactivement, car les vampires satanistes lui soutiraient ainsi son énergie. Sans oublier les effets secondaires des médicaments de Melody glisse dans ses repas cinq jours sur sept : altération des sensations gustatives, diarrhée, diminution de la capacité sexuelle, diminution de l'appétit, fatigue inaccoutumée, nausée et troubles de l'élocution. Il met tous ces problèmes sur le compte de son enquête et du vampirisme de ses ancêtres.


Autres faits intéressants que Carl Neely prend en note au fil de ses lectures : il semblerait qu'Orpheus Neely et Marjorie de Rothschild-Neely sont des adeptes de Satan. Ils entretenaient une correspondance avec le juge Alexis Gordon, le père de Thomas Gordon. De même pour Zachary Neely et Megan Smith-Neely. Adrian Neely, bien que sataniste, ne connaissait point le juge. Carl déduit alors que ses parents sont les victimes, les boucs émissaires, des péchés de la maudite famille Neely... Il soupire. Aussi, il semblerait que John Neely, le fils premier-né de Derek Neely et de Deborah Mitford-Neely, meurt noyé. Le premier enfant de Grace Neely-Rosenbach et d'Andrew Rosenbach, Dave, meurt d'une maladie infantile. Bizarrement, Orpheus Neely possède un château à Belview, qui est voisin à celui d'Alexis Gordon... Ceci lui rappelle le terrible guet-apens qui l'a rendu paraplégique... Derek, lui, possèdait un château en Angleterre, dans une petite ville à vingt kilomètres de Londres. Il semblerait que Nicolas Neely, le fils d'Adrian, fut froidement tué d'un couteau dans le cœur, mais son meurtrier n'était point identifié... « Une famille de fous... » pense notre enquêteur illégal.




Fin février 2006, Bibliothèque et archives du Canada, 17h30.


Carl Neely, fatigué, près d'un mur, regarde le va-et-vient des usagers. Rien de suspect. Il remarque un homme âgé vers la soixantaine, qui tient par la main, une femme vers la cinquantaine, visiblement son épouse. Le couple, étant donné leurs complets, sont forcément des professeurs ou des directeurs de banque, pense notre agent de sécurité. Jane Lawrence-Gordon apparaît devant lui; Carl sursaute.

L'esprit errant dit : « Ces deux-là, ce sont Monsieur Richard Payne, professeur d'Anthropologie de l'occultisme à l'Université Rockland (notre petite université de Grandview), et Ginette Baron-Payne, également professeur en sciences des religions à la même université. Ils viennent pour vous jeter un sort terrible qu'ils ont préparé avec votre salaud d'oncle et sa compagnie la nuit passée... Disparaissez avant qu'ils ne vous voient ! »

Carl Neely longe lentement un mur, mais Richard Payne le remarque, guidé par Lorenzo Romano. Le couple, d'un air innocent, interpelle notre agent de sécurité, qui l'ignore. Mais il est trop fatigué pour une course, de sorte qu'il ne peut pas les éviter. D'un air naïf, le professeur demande où se trouve la collection des livres d'anthropologie. Pendant qu'il parle avec lui, sa femme feint de sortir un mouchoir de son sac à main, mais en réalité pour jeter les sorts aux pieds de l'agent de sécurité, qui remarque son geste (il ne perd pas ses réflexes de policier).

Jane Lawrence-Gordon dit d'un ton triste : « Que Dieu vous protège ! » Et elle disparaît de son nez. Une fois que les universitaires le remercient de sa réponse, ils s'éloignent de lui. Carl est perplexe, mais il ne veut pas trop s'inquiéter. Par contre, il ne peut pas s'empêcher de les maudire, car il a compris qu'il ne peut pas éviter leur coup magique qui est très dangereux...

Après son quart de travail, il revient chez lui, très fatigué. Il ressent une lourdeur dans sa poitrine. Le soir, un cauchemar, dans lequel il comprend que son ancien supérieur, James Chisholm, lui passe les menottes aux mains... Carl se réveille, mais en ayant l'impression... d'être rapidement passer au travers son corps propre... Il a l'impression... De ne pas être dans son corps, de ne pas être allongé sur le lit. Étonné de sa légèreté, il comprend que son corps est là, à ses pieds. Il comprend que son corps a eu une crise cardiaque... Son âme regarde la chambre, mais regagne aussitôt son corps lorsqu'elle voit Daniel dormir paisiblement dans son berceau et Maria, Sara et Samuel dans leurs lits respectifs. « Des vrais anges ! » pense son âme en les voyant. Et Carl, ressentant une douleur dans la poitrine, serre un peu trop fort la main de Melody, ce qui la réveille. Effrayée de son air vitreux et sa respiration irrégulière, elle se lève et appelle les ambulanciers. Malheureusement, les ambulanciers, parmi lesquels se trouvent Bobby Tooch (car Jim Clancy et Bahman Mīzrā dorment paisiblement aux côtés de leur épouse respective), prennent du temps à arriver, en raison du délai pour recevoir et localiser l'appel. Ils arrivent vingt minutes après l'appel. De sorte que Carl Neely doit passer trois mois à l'Hôpital Mercy, sous la supervision d'un cardiologue. Évidemment, Karl Pulluow l'informe que les ambulanciers qui l'ont amené ont été payés par son oncle pour être certain qu'il meure d'un arrêt cardiaque provoqué par des voies occultes. Et l'esprit errant demande aussitôt à Hana de lui chanter une berceuse pour le calmer de la nouvelle; il doit éviter de s'énerver. La femme obtempère, de sorte que la rage de Carl Neely tombe. Et il dort, tranquille. Ses parents, attendris, main dans la main, murmurent : « Comme il est mignon, notre fils ! » Ils décident de veiller sur lui.

C'est ainsi que Paul Eastman visite son ancien collègue le 17 mars 2006 vers 8h, pour lui remettre la bague d'Илья Сергеевич Истман (Ilia Sergueïevitch Istman), son grand-père paternel, en lui précisant qu'il doit la porter pour se protéger de ses ennemis. Carl la place sur son majeur droit.


Note : La recherche de la bague d'Eastman est racontée au prochain chapitre.




Fin mai 2006, Hôpital Mercy, 9h30.


Le cardiologue permet enfin à Carl Neely de sortir. Seulement, il doit éviter de se surmener et doit prendre des médicaments (Propranolol Accord, Zestril, Clopidogrel, Bénazépril, et Inspra) pour réguler le travail cardiaque et pour prévenir une prochaine crise. Le cardiologue lui dit de les consommer pendant au moins trois mois. Sans oublier la visite mensuelle du médecin pour le suivi. De sorte que Carl ne pouvait reprendre son travail qu'en juin. Heureusement, Melody s'est arrangée, depuis son hospitalisation, de se trouver un emploi à temps partiel comme conseillère en mode dans une boutique locale de Grandview, question d'avoir quand même une source de revenu. Il ne faut pas oublier que Melody continue néanmoins à lui servir « sa dose » de Bénazépril, de Captopril et de Ramipril, qu'elle augmente entre-temps... Avec une telle combinaison de médicaments, le pauvre Carl est sérieusement fatigué, étourdi, en plus d'avoir la nausée et des troubles érectiles, ce qui n'améliore pas vraiment son état malgré le changement de la posologie... Il commence alors à soupçonner Marianne de lui être infidèle; il n'a quand même pas oublié qu'elle est dix ans plus jeune que lui... Il pense que peut-être elle s'est trouvé un amant... Mais il se dit à lui-même, sous l'influence des esprits errants psychiatres que sont Calvin Byrd, François Janet et Andrew Lewis, « Carl, calme-toi ! Ne commence pas à devenir un époux jaloux pour un rien ! » De sorte qu'il fait une longue pause de son enquête et de son travail en expliquant à son supérieur immédiat du mieux qu'il peut la situation. Ses parents l'encouragent du mieux qu'ils le peuvent... Les esprits psychiatres, eux, l'influencent depuis leur distance sûre... Jusqu'au jour où Maurice Solms, ennuyé de leur présence autour de son protégé, appelle Karl Pulluow et Илья Сергеевич Истман (Ilia Sergueïevitch Istman), leur nouvel ami, pour les mettre en fuite. Les sombres esprits laissent en paix Carl Neely depuis le printemps, deux jours avant que Paul Eastman remette à son fils spirituel la bague de son grand-père paternel.



Oswald Neely, lui, est content. Son plan marche comme prévu... Il pense : « Je te tiens, mon choux ! La marmite est proche ! Ah!Ah!Ah!Ah! » Tout ça, grâce à leur rôle féminin numéro un, Melody Spengler, qui gagne tous les oscars avec son talent de comédienne de la bonne épouse et de la bonne mère... C'est Hana Nasan-Neely qui a à l'œil les enfants, pour permettre à son mari de se reposer et de faire ses exercices de réhabilitation; au moins un point positif du fait que tous les enfants la voient. Par ailleurs, même Caitlin et Daniel trouvent sympathiques leur belle-mère. Ainsi, sa première épouse explique à Carl comment nourrir le bébé; mais pour les couches, c'est toujours le travail de la mère...




À suivre.


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