Histoires entre vivants et esprits

Chapitre 7 : Vérités sur les esprits protecteurs

2335 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 18/10/2023 13:50


Rappel de la situation de nos trois chuchoteurs d'esprits en juillet 2002.


Carl Neely, vingt-neuf ans, est veuf depuis le 15 décembre 1999. Entre-temps, au printemps, il décide de déménager dans un autre appartement, car celui qu'il occupait avant lui rappelle la triste fin de sa chère Hana, ce qui lui ravive de mauvais souvenirs. Il s'occupe seul (avec la collaboration de la travailleuse sociale, qui lui apporte un bon coup de pouce surtout lorsqu'il est au travail ou à l'Hôpital Mercy) de ses trois enfants, Maria (huit ans), Sara (sept ans) et Samuel (six ans). Il travaille beaucoup, très occupé entre des enquêtes locales, des patrouilles et quelques cas banaux d'esprits errants. Son frère, Radoslav, âgé de trente ans, s'est marié avec sa petite copine, Marianna Radziwiłł (dix-huit ans), en mai. À leur mariage étaient invités Carl Neely et ses enfants, Jim Clancy et sa famille, sa belle-mère, Karine d'Arenberg-Radziwiłł (qui est veuve depuis 1995), une femme élégante de trente-neuf ans, ainsi que Renata Radziwiłł, la sœur benjamine de Marianna. Parmi les esprits errants, David Neely, Milena Vladikin-Neely (les parents de Radoslav et de Carl) et Alojzy Radziwiłł (le père de Marianna, dont l'odeur est métallique). Tous les esprits errants sont très cyniques envers les nouveaux mariés. Carl Neely et Melinda Irène Gordon-Clancy les ignorent; seuls les trois enfants du policier répétaient à leur oncle les propos des esprits. Entre-temps, ils savent qu'ils voient les âmes errantes.


Melinda Irène Gordon-Clancy, elle, à vingt-trois ans, est une femme et une mère comblée : son époux, Jim Clancy, travaille beaucoup (du huit heures par jour) pour qu'elle puisse s'occuper de leurs deux enfants, Aiden (deux ans) et Mary (dix mois). De plus, elle est enceinte de quatre mois de leur troisième enfant. L'ambulancier dit à la blague qu'il devra se faire castrer pour ne pas faire d'autres enfants; elle sourit à sa blague. Bien sûr, elle est toujours accompagnée de Cassandre Haziza, qui la protège encore. Le frère de l'ambulancier, Daniel Clancy, mariera Nora Sutherland le 19 juillet 2002. Évidemment, Jim, sa femme et leurs enfants sont invités. De même pour Tricia et les siens.


Paul Eastman, cinquante-deux ans, est toujours un policier averti. Il continue ses enquêtes avec sérieux; de même pour son aide aux âmes errantes. Sa femme, Sara Benamou-Eastman, à quarante-cinq ans, est une bonne femme au foyer. Parmi leurs enfants, seul le fils benjamin, Samuel, vingt-et-un ans, vit avec une petite copine dans un petit appartement. Leur fille aînée, Myriam (vingt-deux ans), vit encore chez ses parents, mais elle ne désespère point de trouver un époux.





Par une belle journée ensoleillée de juillet, appartement de Melinda Irène Gordon-Clancy, 9h30.


La jeune mère berce Mary, tout en ayant à l'œil Aiden qui joue au salon avec ses petites figurines de soldats. Le garçon est vraiment adorable. Tout à coup, un esprit familier se manifeste à la droite de Melinda Irène : Cassandre Haziza. Les deux femmes se saluent.

La passeuse d'âmes chuchote : – Pourquoi ne partez-vous pas dans la Lumière ?

L'esprit errant sourit puis dit : – Je ne pars pas dans la Lumière tant que vous n'êtes pas en sécurité de votre maudite famille...

– Pardonnez ma question stupide, mais pourquoi me protégez-vous et de qui ?

– Vous auriez pu poser cette question plus tôt...

Cassandre murmure pour elle-même : « On dirait qu'il y a un temps pour la haine, un temps pour l'amour, et moi j'ajouterai qu'il y a aussi un temps pour savoir ».

Melinda Irène : – Je n'y avais pas pensé.

– D'accord. Et bien, pour répondre à votre question, je vous protège, Madame Gordon-Clancy, en raison d'une dette envers vous. Une histoire d'une vie antérieure, dont je me souviens très bien. Je ne me prénomme quand même pas Cassandre pour rien...

– Mais quelle est cette histoire ?

– J'y arrive... Vous m'aviez alors conseillé de me protéger contre deux sorcières qui voulaient alors me tuer. C'était en 1800. Dans cette vie antérieure, vous et moi étions des amis; j'étais alors Ève-Marie Sauvé, et vous, Rémi Deslauriers. Comme vous m'aviez protégé, je dois maintenant vous protéger. Vous comprenez ?

– Oui, mais par rapport à nous, dans cette présente vie, comment m'avez-vous retrouvé ?

– Bien vu ! Je vous ai retrouvé, car vous êtes toujours la même bonne âme qui m'a aidé. En tant normal, nous nous serions rencontrés de mon vivant, sauf que mes salauds de la famille (des oncles et des tantes paternels et maternels) m'ont tué, en provoquant par des moyens occultes un accident alors que je traversais la rue de Crimée dans le 19e arrondissement. Une voiture me percuta et je décéda des suites de l'opération. Je suis morte le 2 janvier 1995. De nationalité, Française, de religion, juive. Je suis la fille de Samuel Haziza et d'Eva Marouani-Haziza. Mes parents sont encore vivants. Ils sont inconsolables, car je n'ai ni frère ni sœur. Voilà, maintenant c'est plus clair ?

– Oui. Merci Cassandre Haziza.

– Il n'y a de quoi ! Je fais ce que je dois faire, même d'outre-tombe... Heureusement que vous nous voyez, vos enfants et vous...

Puis l'esprit errant disparaît de sa vue.

Lorsque Jim Clancy revient du travail, son épouse lui rapporte la discussion qu'elle a eu avec Cassandre Haziza. Il sourit et l'enlace tendrement; elle se blottit dans ses bras. La petite famille s'attable pour le souper : de la soupe aux légumes.



Par une journée ensoleillée de juillet 2002, station de police de Grandview, bureau de Paul Eastman, 15h.


Le policier a terminé son quart de travail aujourd'hui. « Une journée banale de plus », pense-t-il. Il n'a eu qu'à donner des billets de contraventions à deux conducteurs stationnés aux mauvais endroits au cours de sa patrouille avec Sam Blair, qu'il apprécie comme sa fille policière. « Sauf que ma collègue est trop optimiste et insouciante... » Il sourit devant sa naïveté. Il sort de ses pensées par un esprit familier; Karl Pulluow se manifeste devant le bureau, en garde-à-vous. Paul Eastman lui fait un salut militaire; l'esprit hoche de la tête et lui rend son salut.

Le policier dit en russe : – Camarade Pulluow, puis-je vous poser une question ?

– Oui, bien sûr. Vous voulez savoir pourquoi je vous protège, vous et votre fils spirituel Carl Neely ?

– Exactement, vous avez lu mes pensées.

– Et bien. Je réponds à votre question. J'étais le compagnon d'armes de votre père, feu Ivan Ilitch Eastman. Nous avons bravement battu les Nazis.

– En effet, mon père m'a mentionné les différentes batailles auxquelles il a participé...

Après une courte pause, le policier continue avec un air nostalgique : – Invoquer les actes militaires de mon père ne va pas me rajeunir... Il m'en avait tellement parlé au cours de mon enfance... Il était parmi ceux qui ont délivré l'Europe du nazisme... Par contre, il ne m'a pas nommé toute la longue liste de ses compagnons d'armes. Ce qui est normal, puisqu'elle comprend de nombreux hommes qui ont perdu la vie pour l'idéal de la Liberté et pour la Sainte Russie.

Karl Pulluow continue : – Comme j'étais mort sous les coups de feu d'un salaud Nazi lors de la bataille de Moscou le 29 octobre 1941. Je suis un esprit errant depuis. Pour information, je suis le fils aîné de feu Vladimir Vladimirovitch Pulluow et de feu Natalia Pavlovnaia Lebedevaïa-Pulluow. Je suis né à Moscou le 2 février 1901. Mon frère benjamin, Nicolas, a aussi participé à la Guerre (sauf qu'il a survécu, Dieu merci, et est mort de vieillesse). Ma sœur, Irina, s'est mariée après la guerre à l'un de mes compagnons, Boris Ivanovitch Vetrograd. Au moins, je m'encourage en disant que nos ennemis avaient essuyé une défaite. De plus, en grande âme, j'ai protégé votre père jusqu'à la fin de la guerre, pour qu'il revienne sain et sauf, afin de pouvoir fonder une famille. Je le trouvais bien sympathique, jeune, plein de vie et très enthousiaste. Par la suite, je vous protège de vos ennemis dans le Monde des esprits, qui sont plus dangereux que les balles.

– Je suis tout à fait d'accord avec vous.

– Et tant que vous n'êtes pas complètement en sécurité, je ne pars pas dans la Lumière. Je sais que c'est la prochaine étape, votre mère me l'a déjà dit. Par ailleurs, je sais que mon épouse, ma chère Ivana m'attend dans la Lumière. Sauf que je ne perds pas l'habitude militaire et je termine ma dernière mission, à savoir votre sécurité, la vôtre et celle de Monsieur Carl Neely. Je vous comprends: il est adorable, sauf qu'il doit se protéger de ses ennemis qui ne sont pas tranquilles... Le pauvre, à cause d'eux, il a la vie plus dure que ce qu'il le mérite... Voilà ! Maintenant, vous comprenez pourquoi je suis encore un esprit errant et que je ne me presse pas de regagner la Lumière...

– Oui. Merci.

L'esprit militaire sourit et ajoute : – Camarade Eastman, terminons notre discussion avec une joyeuse chanson...

– Свяще́нная война́ [Guerre sacrée] ?

– Oui !

Et voilà le policier et le militaire qui chantent à l'unisson, de leurs belles voix masculines la chanson russe anti-fasciste. Voici le texte :


Вставай, страна огромная,

Вставай на смертный бой

С фашистской силой тёмною,

С проклятою ордой.


Пусть ярость благородная

Вскипает, как волна!

Идёт война народная,

Священная война!


Дадим отпор душителям

Всех пламенных идей,

Насильникам, грабителям,

Мучителям людей!


Пусть ярость благородная

Вскипает, как волна!

Идёт война народная,

Священная война!


Не смеют крылья чёрные

Над Родиной летать,

Поля её просторные

Не смеет враг топтать!


Пусть ярость благородная

Вскипает, как волна!

Идёт война народная,

Священная война!


Гнилой фашистской нечисти

Загоним пулю в лоб,

Отребью человечества

Сколотим крепкий гроб!


Пусть ярость благородная

Вскипает, как волна!

Идёт война народная,

Священная война!



Voici la traduction française:


Lève-toi pays de la grandeur!

Lève-toi pour la bataille!

Face au Fascisme, à la terreur,

Face à la horde de canailles.


Laissons l'immense noble rage

Monter comme une pointé!

Une guerre populaire s'enrage

Une guerre sacro-sainte!


Nous repousserons les massacreurs

Des idéaux ardents,

Tous les violeurs, tous les voleurs

Tous les bourreaux-tyrans!


Laissons l'immense noble rage

Monter comme une pointé!

Une guerre populaire s'enrage

Une guerre sacro-sainte!


Les ailes noires ne doivent pas

Survoler la Patrie!

L'ennemi juré ne doit pas

Piétiner nos prairies.


Laissons l'immense noble rage

Monter comme une pointé!

Une guerre populaire s'enrage

Une guerre sacro-sainte!


À chaque vermine fasciste pourrie

Une balle dans son front.

À cette engeance de mépris

Une forte rafale de plomb.


Laissons l'immense noble rage

Monter comme une pointé!

Une guerre populaire s'enrage

Une guerre sacro-sainte!



Une fois la chanson terminée, Paul Eastman et Karl Pulluow font un salut militaire puis l'esprit disparaît de sa vue. Le policier termine de ranger son bureau, verrouille la porte de son bureau et revient chez lui. Il explique en résumé à sa femme et à sa fille les propos de l'esprit errant. Par ailleurs, Karl Pulluow le dit la même journée à Carl Neely, alors que le jeune policier est à son bureau, penché sur une plainte locale déposée par un habitant de la petite ville.




Par un dimanche ensoleillé, dans un parc de Grandview, 11h.


Carl Neely a congé. Il regarde ses trois enfants jouer dans le parc. Lui, il préfère s'asseoir sur un banc. Tout à coup, une odeur familière de sauge lui pique le nez; il sait immédiatement que Maurice Solms est présent.

Carl, étonné : – Pourquoi vous me suivez encore ? Vous ne vous ennuyez pas à être un esprit errant ?

Maurice Solms, d'un ton calme : – Je ne m'ennuie pas avec vous... J'ai beaucoup de travail pour vous protéger...

– De qui ? De mes ennemis ? De mon salaud...

– Oui !

– Pourquoi ?

– Parce que je vous trouve bien sympathique... Je vous explique ma situation. Je suis né le 9 juillet 1932 à Nice, comme fils aîné de Stéphane Solms et de Marguerite Leroy-Solms. J'étais directeur de la petite entreprise familiale de meubles. Je succéda à mon père. Je me suis marié à Sophie Poulin en 1952, avec laquelle j'ai deux filles jumelles, Hélène et Marie, nées en 1954. Je suis mort en 1977 à l'âge de quarante-cinq ans, dans le même avion où se trouvaient vos parents, alors que je revenais d'un voyage d'affaires à Ottawa... Heureusement, ma femme est avec mes filles, qui ont bien grandi, qui se sont mariées et je suis même grand-père... Que Dieu les protège ! Comme j'ai remarqué que votre père s'inquiète beaucoup pour vous, je l'ai suivi. Lorsque je vous ai vu, votre frère et vous, en bas âge orphelins, ça m'a brisé le cœur...

– Merci, Monsieur Maurice Solms, de votre soutien...

– Il n'y a de quoi.


Puis l'esprit enlace paternellement Carl Neely, qui est simplement ému malgré son air sérieux. David Neely et Milena Vladikin-Neely apparaissent aussi aux côtés de leur fils. Les trois esprits errants se saluent puis disparaissent après avoir regardé un peu les parages. Le policier regarde ses enfants. Leur insouciance le fait sourire. Il décide de se joindre à leurs jeux. Maria, sa fille aînée, dit d'un air innocent à voix basse : « Papa, qui est le monsieur en complet beige ? »

Carl sourit à la question et répond : « Un gentil esprit qui me protège de nos ennemis. »

– Et pourquoi papi et mami le saluent ?

– Je te l'expliquerai plus tard.

En jetant un coup d'œil rapide à sa montre, il dit : « Mes anges, nous revenons chez nous ! Allez! Assez de jouer! Il faut manger... En tout cas, moi, j'ai faim, je ne le sais pas pour vous... »

Les trois petites têtes répondent d'un signe affirmatif. Ils reviennent dans leur appartement, où Carl Neely réchauffe le repas du midi, à savoir des kébé (sa femme l'aide dans la cuisine, tant qu'à être un esprit errant). Ils s'attablent, bien sûr, la travailleuse sociale, qui accepte avec joie la petite famille, malgré leurs bizarreries avec des esprits errants. Elle trouve les enfants bien sympathiques et a pitié du pauvre Carl Neely, qui se retrouve seul à les élever.

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