Histoires entre vivants et esprits

Chapitre 5 : ... À devenir fou

7171 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 15/10/2023 13:59





« La folie est le propre de l'homme » (Blaise Cendrars)





25 septembre 2001.

Carl Neely se rend à la station de police. Il est un peu hors de lui en raison des mêmes cauchemars qui se répètent nuit après nuit. Toujours le même thème : une atteinte à son intégrité, que ce soit une attaque armée, une balle perdue ou un accident de voiture. Et avec la vampire de Karen Blavatsky-Neely à ses pieds, il est plus fatigué le matin que le soir lorsqu'il s'est allongé dans son lit.


À la station de police, le jeune policier salue son collègue Paul Eastman. Cette fois, ils décident de visiter l'ancien asile de Grandview, converti depuis une dizaine d'années en l'école primaire My Lord School. Paul commente : « Je ne connais pas cette école primaire, car j'avais envoyé mes enfants à l'autre école primaire, la Family School, qui n'est pas hantée. Mais voilà l'occasion pour débarrasser l'école de ses anciens habitants pour ainsi dire... » Carl hoche de la tête. Ils s'y rendent à pied. Rendus à la réception de l'école, les deux agents de l'ordre montrent leur mandat en expliquant qu'ils voudront au cours de la semaine visiter les archives secrètes de l'école et le sous-sol. La réceptionniste leur remet sans plus tarder une clé en argent usée en précisant qu'ils peuvent faire l'exploration des lieux qu'après 15h05, lorsque tous les enfants quitteront l'école, sauf pour les archives. Un esprit, visiblement un ancien patient psychiatrique dans une camisole de force à l'odeur ferreuse apparaît derrière elle. Il la possède temporairement. L'esprit, par la voix de la réceptionniste, dit d'un ton effrayé : « Faites très attention, Messieurs, lorsque vous visiteriez le sous-sol, car l'école est hantée par des esprits... » L'esprit sort de la réceptionniste; cette dernière, mine de rien, comme si elle ne sait pas ce qu'elle a dit, les salue et leur souhaite bonne chance dans leur enquête. Nos policiers la remercient et visitent les archives de l'école. Paul Eastman ouvre la porte, qui grince avec le même terrible bruit qui terrorise tant Carl Neely, qui s'efforce de rester de marbre. Au moment où la porte s'ouvre, Jane Lawrence-Gordon apparaît devant eux et dit : « Je vais vous guider jusqu'aux documents qui peuvent être pertinents à votre enquête, afin de ne pas vous perdre dans les nombreux dossiers présents dans cette salle. »

Lorenzo Romano, Giovani Baldini, Andrew Lewis, Calvin Byrd et François Janet apparaissent derrière les deux policiers. Les deux vivants se retournent; les méchants esprits rient.

Les trois psychiatres disent à l'unisson : « Vous saviez, Messieurs, ce qui vous attend lorsque vous franchissez cette porte ! ».

Ils tournent en rond en sens anti-horaire autour des vivants, mais disparaissent lorsqu'ils passent à quinze centimètres de Karl Pulluow et de Maurice Solms. Seuls Byrd et Janet ne sont pas identifiés par les deux passeurs d'âmes.

Carl Neely et Paul Eastman ignorent les remarques des sombres esprits et entrent dans les archives. Cette fois, la salle est mieux éclairée que dans l'Hôpital Général d'Ottawa. Jane Lawrence-Gordon les guident jusqu'à la rangée de documents qui concernent leur enquête. Ils feuillettent rapidement les dossiers, repèrent les plus intéressants, qu'ils amènent avec eux dans l'intention d'en faire des photocopies.

Lorsque les deux policiers reviennent à la réception, ils remarquent aussitôt la présence de Romano, de son associé, des trois esprits psychiatres et... d'Oswald Neely, ce qui fait sursauter Carl. Paul Eastman décrit à son collègue l'apparence des esprits; ainsi, le juge est un homme vers la cinquantaine, à moitié chauve, vêtu de sa toge noire de juge. C'est l'esprit errant qu'est David Neely qui grogne sur lui... Le jeune policier comprend aussitôt que son oncle est déjà venu dans ses cauchemars, ce qui le rend nerveux. Oswald s'approche de Carl, lui causant un mal de tête.

Le jeune policier pense : « Que le Diable t'emporte, toi et ton âme puante ! »

L'âme du juge rit de sa menace et passe à travers Carl, lui coupant le souffle. David le foudroie du regard. Les deux frères s'affrontent du regard, face à face. Silence lourd. Le jeune policier, étourdi, titube; son collègue le soutient. Ils se tiennent un peu à l'écart des esprits.

David : – Frère, tu penses sérieusement que j'ignore ton « ami » Thomas et tes saloperies de manigances envers MES fils ?

Oswald : – Je sais que tu le sais... Mais ça ne m'empêchera pas pas d'atteindre mes buts ! N'oublie pas une chose, frère: ton Carl, qui fait une belle façade en tant qu'agent de l'ordre, n'est qu'un pauvre miroir brisé... Il est fragmenté, déchiré...

David et Carl à l'unisson : – Tu te la fermes !

– Qu'est-ce qui je disais ? Carl, mon chou, reconnais-le : tu n'est qu'un pauvre orphelin désorienté qui croit représenter la Loi avec son uniforme... De surcroît, tu es veuf... Attention de ne pas perdre tes enfants ou toi-même... C'est inévitable, car tu n'a aucune chance... de réussir ! Tu es trop insouciant et trop naïf... Tu...

Carl Neely, courroucé, lui coupe la parole : – Au lieu de raconter des inepties, préoccupes-toi de toi-même... D'ailleurs, depuis quand tu t'intéresses à moi ?

David répond : – Le salaud s'intéresse à toi depuis très longtemps, avant même ta naissance.

Oswald foudroie David du regard puis marmonne : « Tu me la paieras ! »

Et l'âme disparaît de leur vue, car elle regagne son corps propre.

Carl, étonné : – Mais...

David : – Cette histoire, elle est très très longue, comme je te l'ai déjà plusieurs fois répété... Quant à savoir pourquoi... Je préfère rien dire ! Ce n'est pas parce que je veux te cacher la vérité, mais parce qu'elle est très lourde cette vérité... Disons, pas pour toutes les oreilles... Je peux seulement dire : fiston, garde toujours ton icône portative sur toi, sans oublier les petites branches d'aubépine et de charme. Car il semble que tu es très loin d'en finir avec ce salaud...

L'esprit soupire puis réconforte paternellement le jeune policier qui est simplement sidéré par les menaces sous-entendues. Paul Eastman regarde la scène, touché malgré son air froid. L'esprit errant du pilote rejoint sa femme, qui est derrière leur fils. Les deux âmes errantes se serrent les mains.

Les deux vivants, eux, font les photocopies des dossiers qui les intéressent puis les remettent à leur place. Chemin faisant, lorsque nos deux policiers reviennent vers la réception, ils remarquent au travers une vitrine d'une salle de classe (les enfants sont en classe à cette heure-là), l'esprit errant d'une jeune femme vêtue d'une robe blanche, aux cheveux bruns clairs cendrés et aux yeux noisettes. Son odeur : le lys. Cet esprit chante Sur le pont d'Avignon. Ils entendent le refrain :


Sur le pont d'Avignon,

On y danse, on y danse.

Sur le pont d'Avignon,

On y danse tout en rond.


Les enfants, en cercle autour de la jeune femme, répètent après elle le refrain. L'enseignante tente de les ramener en vain à l'ordre. Paul Eastman pense : « Une comptine que ma chère épouse chantait à nos enfants pour leur apprendre le français... Ça ne va pas me rajeunir ! » Carl Neely pense : « C'est la comptine que ma chère Hana chantait à Maria, Sara et Samuel ! » L'âme de son épouse se manifeste et l'enlace tendrement, le laissant très nostalgique pour leurs moments passés ensemble. Nos deux policiers commencent même à répéter mentalement le refrain. Ils arrivent à la réception, où Paul Eastman remet la clé et ils reviennent à leur bureau respectif après s'être partagés les documents à lire.


Et lorsque chacun arrive à son bureau, la première chose à faire est de manger son repas du midi, car ils ont faim (aux environs de midi); l'enquête attendra un peu ! Après le repas, chacun se penche sur les papiers. Sauf que notre pauvre Carl Neely est déconcentré par une puanteur (malheureusement) familière : Lorenzo Romano. Notre jeune policier soupire. Le sombre esprit le nargue pendant une heure, en insistant sur son incapacité à sauver sa femme. Le souvenir du corps de sa Hana attriste Carl Neely, mais il s'efforce de ne rien laisser paraître. Cette tristesse réjouit l'esprit, qui le torture à ce sujet, en y ajoutant que s'il était si capable que ça, il saurait mieux choisir son destin. Notre pauvre policier, étonné de sa méchante audace, lui réplique des jurons et sort de son bureau, sauf que son ennemi juré tient la poignée de l'autre côté de la porte. L'esprit la lâche après avoir dit ironiquement : « Prouvez-nous, Carl, que vous êtes le Grand ! Votre Altesse l'Empereur ! » Ainsi parle Romano puis il disparaît. Le policier regagne sa place. « À qui mes ennemis me comparent ? Comme je suis nul en histoire, il faudrait que je m'amuse à fouiller dans les archives... Ça sent une autre enquête ! Mais après ! » Carl évite soigneusement de faire plusieurs enquêtes en même temps, questions d'organisation et d'ordre. Il préfère plutôt faire une enquête à la fois, en y établissant un ordre de priorité. Content de son idée, il se concentre pour lire les documents.

Tout à coup, quelqu'un frappe discrètement à la porte de son bureau ; Carl lève les yeux des feuilles, regarde en direction de la porte et dit : « Qui est-ce ? »

– Votre collègue Paul Eastman.

– Entrez !

Le vieux policier entre discrètement; le plus jeune lui désigne du menton une chaise en face de lui puis dit : « Vous voulez me résumer les documents que vous avez lu ? »

– Exactement. Et pas seulement...

– Je comprends: des visions accordées par des esprits errants et des observateurs...

Paul Eastman hoche discrètement de la tête, puis dit : – Il semble que les docteurs Andrew Lewis, Calvin Byrd et François Janet ont travaillé ensemble dans l'ancien asile de Grandview... Apparemment, ils se connaissent un peu trop pour des collègues...

– Merci, épargnez-moi les détails ! Je n'ai pas envie de les imaginer...

– C'est correct...

À ce moment, les trois esprits errants des psychiatres mentionnés se manifestent dans le bureau, visiblement très en colère. Karl Pulluow et Maurice Solms se manifestent aussi auprès de leurs protégés, pour le soutien moral.

Les deux esprits protecteurs disent à l'unisson d'un ton sévère : « Déclinez votre identité, puis expliquez-nous ce que vous trouvez de fâchant dans cette enquête ».

N'osant pas s'y opposer, les trois psychiatres se présentent d'un air hautain.

Andrew Lewis ajoute : « Ces policiers ne devront pas mettre leur nez dans des choses qui ne les concernent pas... »

Calvin Byrd ajoute : « Car toute vérité n'est pas bonne à entendre... »

Et François Janet ajoute : « D'ailleurs, on ne dit pas pour rien que la curiosité a tué le chat... »

Pulluow réplique d'un ton militaire : – Messieurs, ne pensez nous effrayer avec vos menaces !

Calvin Byrd commente, avec une pointe d'ironie dans la voix : – Pourquoi ? Monsieur le militaire souffre d'un délire de persécution et d'un délire paranoïaque ?

Pulluow d'un ton froid : Merci, mais je ne vous ai pas demandé un diagnostic !

Calvin Byrd : – C'est pourquoi je suis psychiatre...

Andrew Lewis dit à Calvin Byrd et à François Janet : – Ces policiers, ils sont plus têtus que des ânes... Mais ils oublient que d'un côté la carotte, de l'autre un bâton... Ah!Ah!Ah!Ah!

Calvin Byrd ajoute : – Vous oubliez une chose, Messieurs les policiers qui nous voient : ce don n'annule pas votre faiblesse humaine ! Ah!Ah!Ah!Ah!

Et les trois esprits errants que sont les psychiatres disparaissent de la vue et de l'odorat des passeurs d'âmes.

Paul Eastman reprend la parole : – Qu'est-ce que je disais ? Ah Oui! Ces trois satanés docteurs se connaissent intimement, d'où leur collaboration... Et il faut être très prudents avec eux, car ils sont des habiles manipulateurs. En tant qu'esprits errants, à mon avis, ils sont plus dangereux que vivants...

Maurice Solms complète la phrase : – Car ils peuvent faire passer aux vivants leurs pensées comme si elles sont les leurs.

Carl Neely, étonné : – Comme une suggestion ?

Maurice Solms : – En quelque sorte, voire même plus... Ce qui est très dangereux pour la santé mentale du vivant qui est alors convaincu d'avoir des pensées étrangères qu'il tient pour siennes.

Paul Eastman : – De mes années d'expérience en tant que passeur d'âmes, je peux vous confirmer, mon fils, que le Monde des Esprits a certains principes très très compliqués... Vous le saviez, tout comme moi, que naviguer entre deux mondes est dangereux. Voilà pour cela ! Mais pour revenir aux docteurs, chacun d'eux a écrit de nombreux articles scientifiques sur les soi-disant bienfaits de la lobotomie et de la thérapie par électrochocs. Aussi, ils ont écrit un livre ensemble (désolé, je ne me souviens pas de l'année ni du titre, mais j'en ai pris note dans mon résumé que j'ai laissé dans mon bureau).

Carl Neely : – Ce n'est pas grave. Mais merci beaucoup de l'information ! Moi de mon côté, je n'ai pas beaucoup lu, car notre ennemi juré m'a déconcentré... et... déprimé... Désolé de ma faiblesse...

Paul Eastman : – C'est correct. Je vous comprends mon fils... L'important, c'est de ne pas perdre courage et l'envie de lutter pour la vie !

Carl Neely sourit faiblement : – Vos sincères encouragements sont vraiment des baumes sur ma pauvre âme blessée... Avec un tel don oratoire, vous pourriez être aide-soignant ou animateur spirituel. Merci, mon père, pour vos encouragements... Mais ce qui m'a le plus intrigué dans les propos de notre ennemi, c'est qu'il me traite de « Votre Altesse l'Empereur », titre qui frôle la prétention, car je n'imagine pas avoir un rapport avec un membre de l'une des familles royales du passé... Mais dans tous les cas, je ferais cette enquête après la nôtre, car d'ailleurs, je compte bien en apprendre plus sur le nom de cet Empereur avec lequel nos ennemis me comparent.

– Tous mes meilleurs souhaits de réussite ! Mais comme vous le dites vous-même, une chose à la fois et chaque chose en son temps !

– Exactement ! Merci et passez une bonne journée !

– Bonne journée à vous aussi !

Et chacun revient chez soi; Paul rapporte les principaux éléments à sa Sara et salue leurs enfants, des jeunes adultes optimistes. Carl embrasse paternellement ses enfants; sa femme l'embrasse chastement sur les joues. Et il remercie la travailleuse sociale pour son dévouement.

Le téléphone sonne : son frère. Le policier s'excuse auprès des siens et soulève le combiné puis dit : « J'arrive ! » Il raccroche le téléphone et se rend chez Radoslav qui l'attend à la porte. Une fois la porte de l'appartement refermée, les deux frères s'asseyent au salon. Radoslav explique à Carl les derniers inquiétants poèmes le concernant : des menaces comme dans la chanson bulgare traditionnelle Le Pomak et la Samodiva, en particulier les neuf premiers vers.


Voici le texte en question :

Нодил юнак на нуста-та войска

на пуста-та войска татарийска,

ранили го триста дребни нушку

триста нушку, три стрђли татарки.

Паднж юнак ув дълбоко доле

ув дълбоко доле под дърво зелено,

на дърво-то пиле соколово,

юнак пищи от черна-та вемя

че се чюва до сийо-то небо.


Voici la traduction française:

Un héros est allé, un Pomak est allé à la guerre maudite,

à la guerre maudite, la guerre contre les Tatars.

Trois cents menues balles le blessèrent

trois cents balles, trois flèches tatares.

Le héros tomba dans une vallée profonde,

dans une vallée profonde sous un arbre vert;

sur l'arbre vert est un faucon.

Le héros gémit sur la terre noire

et sa voix s'entend jusqu'au ciel bleu.


De cette poésie, bien sûr, Radoslav Neely en fait un résumé à son frère, qui n'est que plus perplexe de la menace. Carl le remercie de l'avertissement et il revient chez lui. Pour se changer les idées, il regarde ses enfants s'amuser au salon.




La maison d'Oswald Neely, 22h50.

Le juge a convoqué son cercle d'amis vivants et défunts pour un autre rituel sur son neveu, maintenant qu'il sait qu'il poursuit son enquête. Oswald sait (à partir d'une technique divinatoire qu'il pratique assez souvent) que si son neveu réussit cette enquête, il s'attaquera ensuite aux histoires de famille... « Il faut alors qu'il échoue dans son enquête... Il faut le briser à tout prix ! » dit le franc-maçon à son cercle d'amis. Tous répondent d'un signe affirmatif : Carl, mort ou vif, doit être avec eux...



Au moins, le jeune policier a une nuit tranquille. Maurice Solms et Jane Lawrence-Gordon l'avertissent d'être prudent, car son oncle et sa compagnie agissent derrière son dos.




Le lendemain, Paul Eastman et Carl Neely décident de revenir dans l'école primaire My Lord School pour explorer son sous-sol. Chemin faisant pour s'y rendre, ils rencontrent en sens contraire, un groupe d'élèves de l'école secondaire (car elle est proche de l'école primaire). Un groupe de sept jeunes filles en discussion animée sur tout et rien. Seule une retient l'attention de Carl Neely par sa voix mélodieuse. Les policiers remarquent que des esprits les accompagnent, esprits à l'aspect acceptable, mais aux odeurs désagréables. L'un des esprits murmure quelque chose à l'oreille de la fille à la voix mélodieuse puis disparaît. Les deux policiers les ignorent. La fille à la voix mélodieuse regarde, ou plutôt fixe Carl Neely pendant quelques secondes, puis revient rapidement à l'une de ses amies qui la tapote sur son épaule droite. Carl Neely, un peu gêné, laisse son collègue passer devant lui. Les sept filles se mettent aussitôt en file indienne pour ne pas déranger les deux policiers. Chacun passe ainsi.


Les deux passeurs d'âmes saluent la réceptionniste et se dirigent tranquillement vers le sous-sol. Chemin faisant, ils voient l'esprit errant féminin à l'odeur de lys qui chantonne le refrain de Sur le pont d'Avignon. Puis elle ajoute : « Évitez de mettre en colère les docteurs, car ils sont très puissants ! » Paul Eastman et Carl Neely ne se laissent pas dissuader; ils demeurent de marbre et continuent leur marche. Leurs pas résonnent dans les corridors vides. Mais l'esprit errant apparaît à nouveau devant eux.

Paul Eastman, d'un ton calme : – Madame, quel est votre nom ?

L'esprit errant répond : – Je m'appelle Marie-France Beausoleil-Poulin.

– Pourquoi hantez-vous cette école ? Cet édifice n'est plus un asile...

– Je le sais. Mais je dois protéger ses enfants des docteurs.

– Pourquoi ?

– Pour...

Marie-France Beausoleil-Poulin regarde derrière les deux policiers d'un air effrayé et murmure « Il est là ! » Puis elle disparaît de leur vue. Le docteur Calvin Byrd se manifeste derrière eux. Les deux vivants se retournent, mais il disparaît aussitôt. Paul Eastman et Carl Neely continuent leur marche. Ils se rendent jusqu'à la vieille porte de fer qui conduit au sous-sol. Le vieux policier sort la clé de l'une des poches de la veste de son uniforme. Les trois psychiatres apparaissent derrière eux. Carl Neely fait un signe discret à Paul Eastman pour lui faire comprendre la présence olfactive d'ennemis. Le vieux policier se retourne. Les esprits errants disent l'unisson : « Bonne visite, Monsieur et Votre Altesse ! » Ainsi parlent ces esprits sombres puis ils disparaissent de leur vue et de leur nez. Paul place la clé dans la serrure. La clé fait un bruit terriblement métallique, mais la porte s'ouvre quand même. Cette porte, qui grince toujours avec le même bruit, toujours et encore le même bruit qui terrorise Carl Neely – qui, malgré sont air immuable, a la chair de poule à ce grincement. Et nos deux policiers entrent dans le sous-sol. Karl Pulluow se manifeste devant lui et dit : « Les salauds de docteurs ont averti Gabriel Lawrence que vous visitiez le sous-sol de l'école primaire. Lui et son père arriveront bientôt pour verrouiller la porte... »

Paul Eastman : – Nous avons la clé pour la débarrer, non ?

– Pas s'ils remplissent la serrure de pâte à bois et qu'ils appliquent de la colle à métal sur des parties de la poignée...

– Il nous restera alors qu'à la forcer, cette porte !

– Exactement... Heureusement que vous êtes des policiers...

Et l'esprit fait un salut militaire puis disparaît de sa vue.


En effet, les docteurs Calvin Byrd, Andrew Lewis et François Janet, lorsque les deux policiers se sont assez bien éloignés de la porte, apparaissent devant Gabriel Lawrence pour lui dire que les deux policiers visitent le sous-sol de l'école primaire My Lord School. Le mauvais chuchoteur d'esprits en avertit son père et tous les deux se rendent jusqu'à l'école pour barrer la porte conduisant au sous-sol, puis en plaçant dans le trou de la serrure de la pâte à bois, sans oublier une colle à métal sur la crémone et les gâches. Thomas pense « Maintenant, nous sommes tranquilles avec ces policiers ! » Et père et fils reviennent chacun chez soi.


Paul et Carl Neely explorent ce lieu sinistre, avec les anciens lits de l'asile alignés en rang d'oignons recouverts de poussière et de toiles d'araignées. À côté de certains lits, des sismothères. Des esprits les saluent; ils leur rendent leurs salutations et essaient d'engager la conversation avec d'autres.

Tout à coup, les trois psychiatres se manifestent derrière eux. Ils disent à l'unisson : « Votre Altesse, bienvenue dans la cour des grands ! »

Carl Neely pense : « Démons des Enfers, pourquoi me persécuter ? »

Calvin Byrd répond : – Ce n'est qu'une impression...

François Janet ajoute : – Nous voulons simplement vous aider...

Carl Neely, étonné, dit : – En quoi et pourquoi ?

Calvin Byrd : – Que vous admettez, Votre Altesse, votre problème psychologique...

Carl Neely, d'un ton brusque : – Pourquoi ce titre d'Altesse ?

François Janet : – Vous devez le savoir !

Carl Neely : – Merci, Messieurs les docteurs, mais votre diagnostic ne m'intéresse pas !

Calvin Byrd d'un ton hypnotique : – Pourtant, vous voulez le savoir... Et vous vous rendrez à l'évidence de notre diagnostic. Ne mentez pas à vous-même et tout ira mieux pour vous...

Carl Neely : – Je ne serais d'accord qu'avec votre dernière phrase.

Andrew Lewis intervient : – Et avec le temps, vous vous rendrez compte de la vérité de tous nos propos vous concernant, car depuis le temps que nous vous observons, nous vous connaissons mieux que vous-même. Nous ne sommes pas des psychiatres pour rien !

Paul Eastman intervient : – Pouvez-vous arrêtez avec vos suggestions pernicieuses !?

Calvin Byrd lui réplique : – Le Renard Russe, attendez votre tour pour votre diagnostic !

Paul Eastman : – Messieurs, pouvez-vous laisser mon collègue tranquille ?

François Janet : – Et vous, Monsieur le père sur-protecteur, pouvez-vous laisser cet orphelin, meurtrier indirect et veuf à lui-même ?

Pour toute réponse, Paul marmonne une prière à la Vierge; les mauvais esprits disparaissent de sa vue; Carl Neely est content qu'ils soient partis, car la phrase du docteur Janet lui réveille le cruel souvenir du corps mort de sa chère Hana, ce qui l'ébranle encore, en raison de son impuissance et de son impossibilité d'avoir pu faire quelque chose pour la sauver. Des larmes se pointent dans le coin de ses yeux. Il les sèche rapidement, mais sa réaction n'a pas échappé à son collègue. Les deux agents de l'ordre continuent leur exploration des lieux. En discutant avec certaines âmes errantes, ils apprennent certains détails qui sont vérifiés puis contre-vérifiés avec des propos d'autres âmes. Ils prennent beaucoup de notes. Nos deux policiers rencontrent des âmes errantes qui déambulent comme si elles sont encore vivantes. Visiblement, des anciens patients de l'asile. Parmi ces âmes, Colin Isager et Julie Dubuc. Colin Isager est un homme vers la trentaine, patient du docteur Calvin Byrd. Son diagnostic : schizophrénie avec hallucinations. Julie Dubuc est une femme vers la vingtaine, patiente du même docteur, qui a reçu le diagnostic suivant : délire de persécution et infanticide. Les policiers prennent en note leurs noms : ils fouilleront ensuite les archives pour en savoir plus, car, apparemment, elles ont très peur des psychiatres.


Voyant l'heure qu'il est, Carl Neely et Paul Eastman décident de terminer pour aujourd'hui cette partie de l'enquête. Ils reviennent à la porte, surpris de la trouver verrouillée. Ils tentent de la forcer, sans succès; Karl Pulluow apparaît derrière eux et dit : « Forcez plus ! Sinon, cassez la porte et ça serait tout ! » En se concentrant, ils parviennent, en s'aident de leurs matraques, à défoncer la porte. Ceci rend les lieux encore plus sinistre, dans la mesure du possible. Et les deux agents de l'ordre sortent, fatigués de leurs efforts. Et chacun revient chez soi.


Sauf que Carl Neely, alors qu'il se rapproche de l'appartement où il vit, remarque une voiture blindée. Il pense : « On dirait des espions qui me menacent... » Mais il s'efforce de ne pas s'inquiéter, en pensant qu'il exagère peut-être un peu. Mais le soir, allongé dans son lit, Carl reçoit la visite des trois psychiatres qui le narguent en le traitant de « meurtrier en uniforme », meurtrier qui désirait inconsciemment la mort de son épouse. Il tente de les chasser, mais eux, ayant compris qu'ils ont touché une corde sensible, tournent le couteau dans la plaie. Carl Neely, malgré tout son sang-froid, ne pouvait empêcher des larmes dans le coin de ses yeux. Il ne parvient à s'endormir qu'après avoir passé deux heures à ruminer de sombres pensées, pensées instillées en son âme par les trois psychiatres qui l'encadrent; il ne prête plus attention à leur présence olfactive tellement le pauvre policier est déprimé. Lorsqu'il s'endort, il sombre dans un sommeil sans rêve.



La maison d'Oswald Neely, 22h50.

Le juge a convoqué son cercle d'amis vivants et défunts pour un autre rituel sur son neveu...



Simultanément à la visite des deux policiers du sous-sol de l'école primaire My Lord School, Melinda Irène Gordon-Clancy et Jim Clancy passent leur journée ensemble, car il a congé. Avec leurs enfants, et ils sont vraiment comblés ! Calvin Byrd les observe discrètement, pour évaluer s'il est possible d'agir sur l'ambulancier... Évidemment, il observe la petite famille derrière Melinda, afin qu'elle ne le voit pas. Le docteur pense : « Ils s'entendent trop bien, ces deux-là, mais il est toujours possible de le laisser un peu à froid avec son épouse... » Le soir, depuis le coucher du soleil, le docteur Byrd influence Jim Clancy de manière à ce qu'il dise des blagues un peu déplacées, faisant en sorte que sa femme le boude et chacun dort dans son coin. Le psychiatre s'amusera ainsi pendant deux jours (car il ne faut pas oublier que Cassandre Haziza l'a remarqué et en avertit Melinda Irène). Ainsi découvert, il disparaît de la vue de la jeune passeuse d'âmes sans révéler son identité; il revient alors à Carl Neely, qui est un cobaye beaucoup plus fragile, et donc plus intéressant et plus manipulable...




Nos deux policiers chuchoteurs d'esprits reprennent leur fouille du sous-sol le lendemain. Et Paul Eastman a des visions des derniers moments de Marie-France Beausoleil-Poulin, qui est morte lors d'un traitement par électrochocs. Il demeure stoïque, habitué à une telle scène. Il décrit la vision à son collègue qui en prend note. Évidemment, les trois psychiatres les observent en silence. Mais ils disparaissent après quelques minutes, effrayés par Karl Pulluow et Maurice Solms. Un peu tard, Carl Neely repère une petite armoire en bois dorée, mais au moment où il approche sa main droite pour l'ouvrir, l'esprit militaire dit : « N'ouvrez pas ! »

Calvin Byrd apparaît à la gauche du policier et lui murmure sur un ton mielleux : « Votre Altesse, ouvrez cette armoire... Vous comprendrez tout ! » Il s'incline devant lui. Carl Neely est vraiment gêné. Mais, se méfiant de son ennemi, il préfère s'éloigner de l'armoire. Paul Eastman pense : « Il faudrait être bien protégé pour l'ouvrir... Que Dieu nous protège de leurs sordides machinations ! » Il fait un signe à son collègue et ils poursuivent leur exploration des lieux. Karl Pulluow apparaît devant eux et dit : « Monsieur Neely, soyez très prudent... Des espions vous guettent à l'entrée de l'école... » Il fait un salut militaire puis regarde les deux vivants. Lorsque les deux policiers sortent du sous-sol, une balle atteint Carl au pied gauche. Mais les esprits errants que sont Karl Pulluow et Maurice Solms agissent : ils possèdent deux des trois tireurs pour qu'ils s'entretuent. Carl Neely, appuyé sur Paul Eastman, se rend à l'Hôpital Mercy pour faire extraire la balle. Ils sortent de l'hôpital après quatre heures.


Lorsque Carl Neely revient chez lui, la travailleuse sociale l'informe que son frère l'a appelé et a laissé un message. Le policier l'écoute : encore un avertissement poétique. Il appelle en retour et lui dit qu'il arrive. Radoslav l'avertit de la menace très sérieuse de ses ennemis : comme les propos du faucon dans la chanson bulgare traditionnelle Le Pomak et la Samodiva, (les vers 11 à 13). Voici les vers en question :

умри юнак умри Помак,

ще ти поям ођло-то ти мђсце,

ще ти пмъж черно-то ти крђвє.


Voici leur traduction:

meurs, younak (pallicare), meurs Pomak,

je mangerai ta chair blanche,

je boirai ton sang noir.


« Apparemment, » commente Radoslav en guise de conclusion, « ils ont oublié la fin de la chanson.... Le héros appelle sa Samodiva (sa fée) qui le guérit rapidement puis il revient au combat... Simplement, frère, ne te laisse pas effrayer par leurs menaces ! »

Carl, ému, d'un ton froid : – Merci, frère, pour l'avertissement et l'encouragement...

Ils se quittent après une accolade fraternelle. Le policier est simplement perplexe. Il ne comprend pas pourquoi son oncle et sa compagnie le persécutent, pourquoi veulent-ils le tuer ou, au moins, le rendre invalide... Pourquoi cet acharnement ? Et pourquoi Calvin Byrd et ses collègues le nomment du titre d'Altesse ? Pour se changer les idées, il s'amuse avec ses enfants au salon.


Le soir, par contre, est très agité : premièrement, le jeune policier prend du temps à s'endormir, car Calvin Byrd, Andrew Lewis et François Janet l'influencent. Il commence même à douter si leurs conclusions seront exactes, tellement qu'elles sont convaincantes, malgré que ses parents et Maurice Solms lui disent de ne pas écouter leurs propos. « C'est vrai », pense Carl Neely, « je ne suis qu'un orphelin qui n'a connu que des parents adoptifs, mes vrais n'étant que des âmes errantes... Malgré que je me suis promis de jamais répéter la même histoire à mes enfants, j'ai failli parce que peut-être que je désirais la mort de ma chère Hana... C'est pourquoi je n'ai pas réagi à temps... Et peut-être parce que mon frère est, comme il le dit lui-même, un poète de malheurs... Dans les blagues la vérité, non ? Ah... Désolé, ma chérie... Désolé... » Il rumine ainsi pendant une heure de sombres pensées, ce qui le déprime. Il sait que son épouse est à ses côtés en tant qu'âme, mais ceci ne le rassure pas pour autant. Remarquant qu'il est seul dans le lit par sa propre négligence... Il fait de grands efforts pour ne pas pleurer sur lui-même et sa misérable vie, qui se résume en un mot : persécution... Carl Neely parvient à s'endormir après avoir prié une demie-heure devant son icône portative. Mais il fait un cauchemar dans lequel il est poursuivi par des hommes qui veulent le tuer, ses enfants et lui... Il se réveille en sueur. Hana tente de le rassurer du mieux qu'elle peut, mais sans succès, car il est assez déprimé par les propos des docteurs esprits pour reprendre son optimisme.


La maison d'Oswald Neely, 22h50.

Le juge a convoqué son cercle d'amis vivants et défunts pour un autre rituel sur son neveu, fâché qu'il ne soit pas mort...




Le lendemain, nos deux policiers reprennent leur enquête. Cette fois, sur le conseil de Maurice Solms et de Karl Pulluow, ils se rendent directement jusqu'à une étagère sur laquelle figure les différents dossiers des patients de l'asile. Nos enquêteurs repèrent rapidement ceux de Marie-France Beausoleil-Poulin, de Julie Dubuc et de Colin Isager. Entre leurs lectures des dossiers, des visions, puis, plus tard, des rêves, ils parviennent à comprendre les histoires de ces trois esprits. Ces esprits hantent l'école primaire : les deux autres se joignent à Marie-France Beausoleil-Poulin et chantent Sur le pont d'Avignon pour protéger les enfants de l'influence maléfique des psychiatres. Le docteur Calvin Byrd était parvenu à convaincre chacun de ces patients de la vérité de leur diagnostic. Mais ce ne sont qu'en tant qu'âmes errantes qu'ils ont compris les machinations du docteur; c'est pourquoi, malgré leur peur du docteur, ces âmes veulent à tout prix protéger les enfants de leur influence.


Les policiers se réunissent au bureau de Carl Neely pour mettre au clair leurs conclusions la semaine suivante. Entre-temps, le jeune policier est victime d'un attentat, malgré des avertissements bienveillants : une voiture le percuta alors qu'il traversa la rue. Ce coup lui fut assez rude : il resta une semaine et demie à l'Hôpital Mercy. Ceci lui affaiblit ses jambes, ce qui le déprime un peu. Il sort de l'hôpital avec une marchette. Mais il arrive quand même à son bureau, où son collègue le salue, étonné. Un sourire faible aux lèvres, il s'excuse de l'avoir fait patienter. Mais au moins, les deux policiers sont là, avec leurs esprits protecteurs. Voici en résumé, les conclusions auxquelles ils parviennent : Le docteur Calvin Byrd est diplômé d'un doctorat en médecine, orientation clinique, à la Washington University en 1947. Il collaborait dès les années 1950 avec la Central Intelligence Agency. Et il était en bons rapports avec les docteurs Andrew Lewis et François Janet, avec lesquels, il met au point des techniques de contrôle mental qui sont présentées comme des « méthodes thérapeutiques » – parmi lesquelles figurent les électrochocs, lobotomies, bains froids, flagellations, entre autres pratiques. Bref, le docteur Byrd était un habile manipulateur. François Janet, lui, était formé à l'hôpital de la Salpêtrière de 1950 à 1957. Puis il trouva un emploi en tant que professeur à l'Université du Québec à Montréal. Depuis son arrivée au Canada, il se lia d'amitié avec un cercle de psychiatres, qui l'ont présenté à Calvin Byrd et à Andrew Lewis. François Janet était aussi inhumain envers ses patients que ses deux collègues.


À peine les deux policiers ont tiré leurs dernières conclusions, les trois esprits errants que sont les psychiatres se manifestent, visiblement courroucés. Ils tournent autour de Carl Neely en sens anti-horaire, s'inclinent devant lui et disent à l'unisson : « Votre Altesse Charlemagne ! Nous sommes vos humbles serviteurs... Prêts à vous servir ! Vive le Roi ! »

Puis Calvin Byrd ajoute d'un ton sérieux : « À condition de ne pas trop fourrer votre nez dans nos affaires... Malheureusement, vous n'avez pas écouter nos conseils... Une conséquence s'ensuit... »

Les trois psychiatres éclatent d'un rire diabolique; un frisson parcourt l'échine de Carl Neely malgré son air stoïque. Les trois esprits disparaissent. À leur place arrivent... Lorenzo Romano et Giovani Baldini. Carl pense : « La cerise sur le Sundae ! Ce n'est pas ensoleillé ! »

Leurs ennemis jurés observent silencieusement les deux policiers et disent : « Votre Altesse Charlemagne, cet accident n'est qu'un avertissement... La prochaine fois, c'est plus grave... »

Les deux sombres esprits disparaissent après avoir ri méchamment. Carl Neely soupire. Paul Eastman, ses parents, son épouse, le Français et le militaire tentent de le rassurer; au moins, il s'efforce de faire bonne mine, malgré qu'il soit déprimé. Évidemment, les esprits en informent Paul lorsque Carl revient lentement avec sa marchette chez lui.


Paul Eastman décide alors de convaincre Marie-France Beausoleil-Poulin, Julie Dubuc et Colin Isager de rejoindre la Lumière. Il leur explique ses conclusions. Rassurées, les âmes partent dans la Lumière après avoir vu leurs enfants et petits-enfants. Seule Jane Lawrence-Gordon refuse de partir. Elle donne au policier sa raison : elle n'apprécie pas l'intérêt de son époux pour Carl Neely. Elle veut donc avertir ce dernier des plans machiavéliques de Thomas Gordon et compagnie. « Par ailleurs, » ajoute Jane, « Depuis ces derniers temps, je trouve que ces salauds de psychiatres tournent trop autour de votre jeune collègue... À cause d'eux, sa vie est plus difficile, le pauvre... Ce qui m'inquiète le plus, c'est l'influence qu'ils ont sur lui... » Puis elle disparaît de la vue du vieux policier.


Les trois psychiatres, eux, le mois suivant la fin de l'enquête, dépriment beaucoup Carl Neely le soir. De plus, ils agissent sur James Chisholm, son supérieur, pour qu'il varie les horaires des patrouilles. De sorte, encore une fois, que le jeune policier se tient loin de Paul Eastman. Patrouillant avec Arthur Davidson ou encore avec un autre collègue, Carl Neely n'est que plus déprimé, dépressif... Ceci lui rappelle douloureusement sa situation après la mort de sa chère Hana. Sans oublier les attentats alors qu'il était co-conducteur. Il devait alors passer plusieurs semaines à l'hôpital Mercy. Diagnostic : traumatisme crânien et lésions aux jambes. Les docteurs l'informent quant à la possibilité de demeurer invalide pour le reste de sa vie. Cette nouvelle l'ennuie quelque peu, mais il demeure optimiste, encouragé par ses parents, son grand-père maternel et sa chère épouse. Le jeune policier pense : « Il faut rester bien campé sur tes jambes, tu en auras longtemps de besoin ! » Heureusement, Maurice Solms et Karl Pulluow agissent sur les docteurs, parmi lesquels se trouvent Daniel Clancy – pour s'opposer à ceux sur lesquels Romano et Baldini agissent. Au moins, Carl Neely peut encore marcher normalement, seulement, il doit éviter de se surmener. À sa sortie de l'hôpital, le policier se rend directement chez lui; heureusement, il a congé. Mais sa dépression empire... Ses enfants sont très étonnés de ses sautes d'humeur (car sous l'influence des esprits psychiatres, il est très irritable); ils tentent de lui remonter le moral. Ils ne parviennent qu'à lui arracher un faible sourire. Sans oublier les menaces des espions, ce qui l'enrage beaucoup... Carl Neely n'a pas des nuits plus tranquilles, étant plus fatigué que rien d'autre, entre des nuits sans sommeil (en raison des idées noires qu'il remâche sans cesse sous l'influence des mauvais esprits) et ses cauchemars.


Carl Neely est tellement déprimé et dépassé par les événements qu'il pense en novembre consulter un psychiatre. Le policier parcourt rapidement le répertoire des psychiatres dans l'annuaire de Grandview. David Neely lui conseille de prendre rendez-vous avec le professeur Éli James. Carl suit son conseil. Il discute avec lui de ses problèmes d'insomnie, de sa dépression et du sentiment de persécution. Évidemment, Calvin Byrd, Andrew Lewis, François Janet, Lorenzo Romano, Giovani Baldini et Karen Blavatsky-Neely sont à sa gauche et l'influencent négativement; Hana Nasan-Neely, David Neely, Milena Vladikin-Neely, Dragomir Vladikin, Jane Lawrence-Gordon, Maurice Solms et Karl Pulluow sont à sa droite et l'encouragent pour garder son optimiste. Le pauvre policier, déchiré entre ces deux tendances, entre son pessimisme et son optimisme, pense : « Je dois simplement exposer ma situation à Monsieur James, en espérant qu'il ne travaille pas pour mes ennemis, sinon, c'est fini avec moi ! » Il soupire, mais il lui explique ses problèmes et il répond aux questions du psychiatre.

Évidemment, les mauvais esprits se permettent de glisser des commentaires négatifs à l'encontre du policier.

Carl Neely et Eli James disent à l'unisson : « Pouvez-vous arrêter de parler en même temps ? On établit un tour de parole, un à la fois ! » Patient et psychiatre s'entr'observent, étonnés de la réaction de l'autre; c'est ainsi que chacun apprend le don de l'autre. Eli James lui suggère de ne pas trop s'attacher mentalement aux propos pessimistes des méchants esprits qui le suivent. « Pour lutter contre le Mal », dit le psychiatre en guise de conclusion de leur séance, « il faut y répondre par des pensées positives. Voilà pour aujourd'hui. Merci, Monsieur Carl Neely d'être venu. Passez une bonne journée ! »

Carl d'un ton sérieux : – Bonne journée à vous aussi, Monsieur Eli James !

Et notre pauvre passeur d'âmes revient chez lui assez content. Il pense : « Papa, tu as raison : PAS DE CAPITULATION ! » À cette pensée, il remarque que les odeurs nauséabondes de ses ennemis sont disparues.


Les semaines suivantes, le jeune policier essaie de reprendre un peu son optimiste, malgré les menaces des espions; il veut continuer à lutter pour la vie, sa seule motivation étant ses trois enfants, qu'il veille comme la prunelle de ses yeux. Ceci fait en sorte que les espions tombent nez à nez avec lui alors qu'ils sont dans un parc de Grandview. Au moins, les enfants sont sains et saufs auprès de la travailleuse sociale, qui est comme une seconde mère (malgré la présence d'Hana Nasan-Neely) pour eux. Carl Neely dort tranquille dans son lit, sans oublier de prier les soirs devant son icône portative pour éviter de tomber sur l'influence des suggestions des docteurs, malgré que leur influence a déjà ses effets (il a accepté une partie de leur raisonnement pernicieux). Mais bon, au moins, il est moins déprimé. Il songe d'ailleurs à mener bientôt (en décembre) son enquête sur Charlemagne, afin de mieux comprendre son rapport (pour ses ennemis seulement) avec lui.




À suivre.


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