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Chapitre 5 : Le don de Carl Neely 2

12323 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/08/2024 18:56

À Sightview, Carl Neely/Hermann Ehrlich y trouva un appartement à bas prix, mais qui est à une autre adresse que la première quand il est venu dans cette ville après son divorce d'avec sa seconde épouse, Marianne Bazra, en février 2004. Une fois installé dans son nouvel appartement, appartement qui se trouve au troisième étage d'un immeuble, sous son pseudonyme, Carl Neely/Hermann Ehrlich pense tristement en allemand : « J'ai l'impression que l'histoire se répète! Sauf avec cinq ans et dix mois d'écart... » Ses deux épouses et ses ancêtres l'accompagnent, car le pseudonyme ne les empêchent pas de le persécuter et de lui inspirer de sombres pensées, pensées très pessimistes sur lui-même. Ainsi, le policier conclut qu'il est un incapable, un mauvais mari, un mauvais père et un mauvais homme qui ne mérite pas de vivre. Il se dit à lui-même en allemand : « Tu n'es qu'un misérable bon à rien! Un homme perdu qui croît se sauver de son passé, alors que tu oublies que tout le monde connaît tout le monde! Arh! Tous « les hommes ont le choix entre la vertu et le vice » [Athénagore, Supplique au sujet des chrétiens, introduction et traduction de Gustave Bardy, Paris, Éditions du Cerf ; Lyon, Éditions de l'Abeille, 1943, XXIV, p. 134], et tu choisis le vice, en espérant te faire pardonner? Tu es stupide de raisonner ainsi! » Cependant, Daniel Miloshevitch, Ivan Prorokić, Victor Ferbovani, David Lévêque, Francis Mandeville, Lada Bogdanović, Sara Blumenfeld-Neely et Caitlin Mahoney le suivent, pour lui remonter le moral et l'encourager à poursuivre sa lutte pour la vie: il doit conserver son esprit combatif, au moins pour son fils, mais aussi pour Tricia Berbari (cf. Boris Novković, Za tebe se borim). Lorsque le policier franchit le seuil de son appartement, il retire aussitôt ses lentilles; il ne souhaite point voir ses yeux verts (sinon, il sursauterait à chaque fois qu'il doit raser sa barbe naissante) ; il laisse ce spectacle aux autres. Ce n'est que lorsqu'il se déplace à l'extérieur, pour une promenade, pour le travail ou pour faire des commissions que Carl Neely/Hermann Ehrlich remet ses lentilles vertes. Il en a assez de se teindre les cheveux avec un colorant lavable lorsqu'il doit les couper. Ceci explique pourquoi le mystérieux policier allemand roux aux yeux verts est imberbe et qu'il est si inexpressif des yeux (sauf s'ils sont rougis de larmes pour avoir trop pleuré sur lui-même ou de son manque de sommeil). Quand à son icône portative de Sveti Mihovil (Saint Michel), il la laisse sous son oreiller.



C'est ainsi que Carl Neely/Hermann Ehrlich rencontre Jim Clancy/Sam Lucas en décembre 2009 à Sightview. Persécuté par les vingt-deux âmes de ses ancêtres et de sa seconde épouse, qui lui inspirent de sombres pensées, il essaie sans succès diverses tentatives de suicide, avec son arme de fonction (tantôt en tirant avec l'une ou l'autre main) ou avec les couteaux de cuisine, ou encore avec des bris de verre (puisqu'il lui arrivait, sous l'influence d'Adrian Neely, de briser un verre pour se blesser intentionnellement), ou encore par défenestration, faisant de lui un client régulier de l'hôpital de Sightview. D'ailleurs, le policier essaya même de se pendre, subissant trop l'influence de sa seconde épouse, sauf qu'il oublie de calculer la fragilité du lustre de sa chambre, qui lui tombe sur la tête sous son poids. Les pleines lunes et les journées pluvieuses lui sont particulièrement dangereuses, car elles influencent beaucoup sur sa dépression. Cette dépression est en partie due à un rituel du psychiatre, puisqu'il dispose de toutes les informations pour savoir quand il peut agir sur lui (car Andrew Blackwood consulta des astrologues pour avoir la carte du ciel de Carl Neely). Avec un cercle de magiciens et de nécromanciens, le psychiatre s'entend inconsciemment pour rendre fou le détective de Grandview, en connaissant les journées au cours desquelles leurs actions néfastes peuvent être maximalement efficaces. Les journées les plus pessimistes sont celles où son signe zodiaque traverse la maison de Saturne. Les journées les plus optimistes, elles, sont les ensoleillées; les esprits bienveillants qui le suivent agissent au maximum sur sa bonne humeur.



En janvier 2010, Carl Neely/Hermann Ehrlich rencontre à nouveau Jim Clancy/Sam Lucas, pour l'avertir du danger que représente une infirmière blonde à laquelle le nouveau docteur a refusé de partager sa couche, danger que le policier a vu dans une vision à distance intense. Comme il comprend que certaines visions à distance se manifestent encore malgré la prise de médicaments, il décide de les consommer régulièrement. Dans ses visions à distance, le policier sait que son fils prie pour lui devant son icône de Sveti Sava. Cette scène l'émeut toujours. Pour le reste de ses aventures à Sightview, nous l'avons déjà expliqué précédemment. Simplement, il faut préciser que Adrian Neely, Elvin McNeilly/Neely, Romano et Marianne Bazra-Neely sont les principaux responsables de ses idées suicidaires; ainsi, à peine s'est-il remis d'une tentative qu'il en essaie une autre. S'il ne dort pas, c'est en raison des cauchemars que lui occasionnent ses ancêtres et sa seconde épouse, le laissant mort de frayeur. Inutile de parler des effets de ses tentatives de suicide, combinées avec sa prise continuelle de médicaments et son manque de sommeil : le détective est considérablement affaibli (car il ne faut pas oublier les cicatrices de ses auto-mutilations lors du pacte d'un an, dont certaines sont ré-ouvertes par ses récentes tentatives, ce qui le fait beaucoup souffrir physiquement et mentalement; il est à deux doigts de vivre une autre crise cardiaque par l'effet cumulatif des médicaments) et presque sur le bord d'une dépression nerveuse.

Si Carl Neely/Hermann Ehrlich obtient le poste de policier détective à Sightview, c'est en raison de la complicité du chef policier de cette ville avec le réseau de contre-espionnage de Paul Eastman. Il sait que Hermann Ehrlich est son pseudonyme. Le chef policier, un certain Mathieu Delangel, le tolère malgré ses régulières hospitalisations, car il le prend vraiment en pitié.

Un jour de janvier, alors que le détective est revenu de l'hôpital, le chef policier décide de discuter avec lui pour essayer de le motiver dans son travail. Mathieu Delangel invite Carl Neely/Hermann Ehrlich à son bureau. Intrigué, il se pointe en uniforme. Les deux hommes se saluent respectueusement.

Une fois assis, Delangel dit : – Monsieur Hermann Ehrlich, je suis au courant de vos hospitalisations régulières pour tentatives de suicide. Ceci fait en sorte que je ne vous vois pas souvent au travail, m'obligeant à laisser des enquêtes que vous aurez du faire à l'un de vos collègues, ce qui me déçoit un peu. Je voudrais bien que vous me prouviez votre intégrité en menant à bien la prochaine enquête. Si vous avez des problèmes personnels, au lieu de les garder pour vous, vous pouvez bien en discuter avec moi; je suis ouvert à la discussion.

Carl Neely/Hermann Ehrlich, fixant ses pieds, demeure silencieux. Après quelques minutes de silence lourd, il dit : « Je vous assure, Herr Delangel, que je vais bien... Seulement un peu de mauvaise humeur.. C'est seulement ma solitude qui me tombe lourd... »

– Ne vous en faites pas! Encouragez-vous! Relevez-vous le moral, mais surtout, ne commettez pas l'irréparable, s'il vous plaît.

Étonné, Carl Neely/Hermann Ehrlich lève les yeux vers son interlocuteur, le fixant de ses yeux inexpressifs.

Il dit : – Merci, Herr Delangel, mais vous devez savoir que ma mauvaise humeur est peut-être passagère, à moins que ce soit une mélancolie chronique, que sais-je? Mais je m'en sortirais et je ferrais de mon mieux pour reprendre mon travail. D'ailleurs, si vous me jugez inapte au travail, renvoyez-moi! Et vous serez tranquille avec moi.

– Monsieur Hermann Ehrlich, calmez-vous! Ne vous inquiétez pas, je ne vous juge pas incompétent.

– Merci beaucoup, Herr Delangel.

Les deux hommes se quittent en silence. Mathieu Delangel le regarde depuis la fenêtre de son bureau jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue. Il pense : « Que Dieu l'éclaire dans ses pas! » Et il revient s'asseoir sur la chaise de son bureau.


En effet, le policier s'occupe à l'enquête en question, sauf qu'il se laisse déconcentrer par ses pensées déprimantes...



D'ailleurs, si Jim Clancy/Sam Lucas a trouvé les boîtes de médicaments et la feuille de prescription illimitée, c'est en raison de l'action de Sara Blumenfeld-Neely, qui voulait que le docteur sache l'état du policier. Elle agit sur son mari de manière à ce qu'il laisse les boîtes de médicaments et la prescription dans l'une des poches de son uniforme. D'ailleurs, la lettre de prescription illimitée met la puce à l'oreille à Jim Clancy/Sam Lucas, qui pense que le mystérieux détective pourrait être Carl Neely, « sauf qu'il est trop pessimiste », pensa-t-il, « ce qui ne ressemble point à Carl ».



Si Carl Neely/Hermann Ehrlich est très dépressif en mars 2010, c'est en raison de l'influence de Marianne Bazra-Neely et de Romano qu'il subit. Ils lui soufflent la pensée qu'il est responsable de la mort de ses deux épouses; c'est pourquoi le policier se considère comme un meurtrier. Il conclut donc qu'il ne peut pas être normal, puisque toute tentative de vie normale est détruite par sa propre faute... Ce constat le déprime encore plus. C'est pourquoi en mars et en avril, il tenta un suicide avec son arme de fonction à son bureau et s'est même résigné à l'idée de terminer sa misérable vie en psychiatrie... Heureusement pour lui, l'intervention de Jim Clancy/Sam Lucas lui a remonté un peu le moral, touché par ses propos, à la joie des bons esprits qui le suivent.




En mai 2010, Carl Neely/Hermann Ehrlich revient à Grandview. Le policier demeure prudent lorsqu'il remarque qu'il est encore recherché par l'Institut psychiatrique de la ville. Il est d'ailleurs étonné de la présence de Tricia Berbari, mais il se réjouit en son cœur en pensant sous son pseudonyme lui faire la cour si elle est encore seule. À la mi-mai, il est embauché comme détective et revient à son ancien bureau. « C'est bizarre de revenir dans un lieu familier sous un pseudonyme et sous une autre apparence » pense le policier. Évidemment, son supérieur immédiat est encore John Wellington, qui a seulement un peu vieilli entre-temps. De même, il reconnaît la plupart de ses anciens collègues. Il s'intègre bien parmi eux avec son pseudonyme; Carl Neely/Hermann Ehrlich persiste néanmoins dans son excentricité à ne pas conduire seul un véhicule de fonction. Il comprend au cours d'une vision à distance très intense (la journée précédant l'entrevue) que son supérieur, en réunion avec des hommes masqués en noirs, compte bien savoir si le policier allemand est un double espion ou non, en lui offrant un verre de vin de bienvenue dans lequel est dissous une substance illicite... Notre policier refuse simplement le verre, sous prétexte de ne pas boire d'alcool. Dans ce cas, Wellington pose des questions qui semblent banales, mais qui dans les faits, lui permettre d'évaluer le nouveau policier. Comme les réponses sont assez vagues, il est relativement satisfait. Malgré que les tests physiques sont relativement satisfaits (en raison de sa consommation de médicaments antipsychotiques, consommation qui l'affaibli quelque peu), Carl Neely/Hermann Ehrlich est embauché. Par ailleurs, au cours de son examen médical, la consommation de la clozapine, de la thioridazine et de l'halopéridol est notée dans son dossier. Bien que ces éléments le désavantagent, il obtient le poste, car le poste est vacant depuis décembre 2009. De plus, il fait attention pour ne pas rencontrer Mélinda Eastman-Clancy, car le policier sait qu'elle saura qu'il est Carl Neely, étant donné les esprits errants qui l'accompagnent... Il parvient à l'éviter pour un certain temps, mais jusqu'à quand? Par contre, il sait très bien que les espions des États-Unis, du Royaume-Unis, de la ex-Yougoslavie, de l'Allemagne, d'Israël et du Liban rôdent dans les parages, ce que le policier voit d'un mauvais œil. Certains de ces agents le rencontrent dans son bureau, d'autres font irruption dans son appartement. Différentes offres lui sont proposées, mais il les refuse au bout d'un certain temps, fatigué de leurs visites, en sachant très bien qu'il s'expose à leurs armes, mais il s'en moque pour sa propre vie, tellement qu'il est dépressif. Par ailleurs, il est blessé plusieurs fois, nécessitant autant d'hospitalisations. Heureusement pour Carl Neely/Hermann Ehrlich, il ne tombe pas entre les mains des docteurs complices avec les espions, qui l'auront sans doute reconnu en retirant ses épaulettes et ses coussins. Les docteurs, qui font simplement leur travail, s'étonnent de ce déguisement, mais ne se posent aucune question. Par ailleurs, ils ne reconnaissent point la silhouette du détective de Grandview, ce qui lui sauva plusieurs fois la vie.




Entre-temps, à Grandview, David Neely est très inquiet pour son père. Il évite les policiers de la ville, qui veulent lui arracher les dernières nouvelles de son père. Au moins, le jeune homme n'a connu qu'une seule interrogatoire le 12 décembre 2009. Comme il ne sait pas où se trouve Carl Neely, ses informations n'ont aucune valeur. Par contre, en mars 2010, David comprend l'essentiel la situation de son père, en raison de la visite de sa mère en rêve: son père est pris dans les filets d'un sombre cercle de magiciens qui collaborent avec le Docteur Andrew Blackwood. Ces liens magiques ne prennent fin que dans trois ans, car ils sont des professionnels, à moins que le Ciel ne le délivre plus tôt. Depuis ce rêve, David prie devant son icône portative de Sveti Sava pour son père, en espérant le revoir de bonne humeur. De plus, Sara Blumenfeld-Neely et Ivan Prorokić informent deux autres hommes de confiance de la situation du détective, à savoir Éli James et Paul Eastman. Ce dernier en informe indirectement sa fille lors d'une visite chez elle. Aussi, David Neely suit le conseil que lui donne Paul Eastman, alors de passage dans la ville, à savoir de vendre la maison de son père, qui est hantée puis de s'installer dans un petit appartement près de l'Université Rockland. Il habite dans ce petit appartement depuis janvier 2010.




En juin 2010, pour faire changement de ses enquêtes et de ses idées suicidaires, Carl Neely/Hermann Ehrlich courtise Tricia Berbari (avec ses lentilles vertes, au cas où il aura ainsi plus de succès). La chanson Potraži me u predgrađu lui trottait alors dans la tête. Voyant que sa dulcinée ne manifeste point d'intérêt, il la courtise en retirant ses lentilles le mois suivant, mais elle ne manifeste pas plus d'intérêt. Il pense alors qu'il n'a aucune chance de la conquérir. Il pense tristement en allemand : « Toi, dernier des salauds, tu oses courtiser une si noble dame. Elle peut choisir meilleur mari que toi! Tu ne la mérite pas, t'es même pas bon pour être son tapis! » Carl Neely/Hermann Ehrlich l'évite alors, bien qu'il la file de loin. Il remarque qu'elle est seule et qu'elle s'occupe de sa fille, Natalie Mylord. Depuis décembre 2009, Tricia demande à ses parents ce qu'ils savent à propos de Carl Neely. Comme sa mère est juive (elle sait donc ce qui se passe dans la communauté juive), elle est au courant du premier mariage du détective à Longview avec Sara Blumenfeld en 1989, mais aussi de l'accident de voiture du 12 juillet 1997, dont le policier et son fils aîné sont les seuls survivants. D'ailleurs, il circule deux versions des faits : soit Carl Neely est responsable de la mort de son épouse et de leurs enfants; soit la famille est victime d'un complot dans lequel est mêlé la ville de Longview.



En juillet, au cours d'une vision à distance intense, Carl Neely/Hermann Ehrlich comprend que John Wellington et Karl Neely se sont réunis avec des espions masqués en noir pour préparer un attentat contre David, sa prunelle... Ceci l'enrage. Hors de lui, le policier décide de filer son fils pour le protéger. Le jeune homme remarque que le policier allemand le suit. « Il semble bien honnête, mais ses yeux verts ne m'inspirent guère confiance. D'ailleurs, pourquoi s'intéresse-t-il à moi? » pense David Neely. Le jeune homme dit : – Monsieur, qui êtes-vous et qu'attendez-vous de moi? Le mystérieux policier lui répond : – Je suis Hermann Ehrlich, policier de métier. Mein Sohn, ich muss dich beschützen [Mon fils, je dois vous protéger].

– De qui?

– D'hommes malintentionnés.

Et le policier se place derrière le jeune homme. Après quelques minutes de route, Carl Neely/Hermann Ehrlich ressent une balle heurter son gilet pare-balles dans son dos puis une autre qui le blesse à l'épaule gauche. Il pousse alors David Neely, qui se retourne, mais le policier lui fait signe de poursuivre son chemin. Heureusement, le jeune homme se retourne et, voyant une balle vers lui, l'évite. La promenade se poursuit jusqu'à ce que le policier reçoit une balle dans la tête, l'étourdissant, faisant en sorte qu'il tombe sur David. Le jeune homme s'extirpe de sous le policier allemand, qui, avec le peu de forces qui lui restent, à moitié conscient, à moitié possédé par Daniel Miloshevitch, le rattrape et lui dit de courir au plus vite ou qu'il se cache sous son corps. David opte pour la course et file aussi rapidement que le pouvait ses jambes. Une fois rendu près d'une cabine téléphonique, le jeune homme appelle les ambulanciers et leur décrit le blessé. Carl Neely/Hermann Ehrlich est aussitôt transporté à l'hôpital Mercy. Il n'en sort que deux semaines et demi plus tard.



Vers la fin juillet, le policier de Grandview provoque en duel son supérieur, car Carl Neely/Hermann Ehrlich ne lui pardonne point de vouloir fomenter un attentat contre un innocent étudiant de la ville (il est question de son fils) ; d'ailleurs, tout le Département de police est au courant du duel, car il le provoque depuis quelques jours en présence des autres policiers. John Wellington, étonné de cette froideur du nouveau policier allemand à son égard, accepte de l'affronter en duel à son bureau le 30 juillet. Les conditions sont les suivantes: ne pas bénéficier l'aide d'autrui; le vainqueur est le premier qui tire; interdiction de porter son gilet pare-balles; une seule arme dans laquelle se trouve une seule balle doit être utilisée. À tous les jours, lorsque le policier revient chez lui, il pense : «  Je fais ce qu'il ne faut pas faire! Les juifs n'ont-ils pas un proverbe qui dit que «préméditer le péché est plus grave que le commettre» (Yoma 29 a) ou encore «ne préméditez pas le jour afin de ne pas être impurs la nuits» ? Arhh! Je suis dans tous les cas un pécheur, un mécréant! Un peu plus ou un peu moins, ça m'est égal! Dans tous les cas, je brûlerais en enfer! ».

À la date convenue, vers 9h, Carl Neely/Hermann Ehrlich se pointe à la porte du bureau de son supérieur. John Wellington le reçoit avec un faux sourire aux lèvres et l'invite à s'asseoir sur la chaise en face de lui. À peine assis, les deux hommes, se fixant froidement, sortent leur arme de fonction respective, pointée vers l'autre, l'index droit prêt à appuyer sur la gâchette. Chacun des hommes est accompagné d'une cohorte d'esprits : John Wellington est accompagné de sombres esprits; Carl Neely de ses ancêtres paternels et maternels, ses deux épouses, sa belle-fille Caitlin Mahoney, Ivan Prorokić, Victor Ferbovani, David Lévêque, Francis Mandeville, Lada Bogdanović et Daniel Miloshevitch. Carl Neely/Hermann Ehrilch, temporairement possédé par Daniel Miloshevitch, ne rate pas son coup. John Wellington tombe sur sa chaise, mort. Cependant, son âme, ayant compris que le policier allemand est Carl Neely, décide de le hanter (voilà qu'il se trouve avec une âme errante malintentionnée de plus). Ce geste étonne le policier lui-même, qui est saisi d'effroi devant l'horreur de son geste. « Me voici homicide! » pense-t-il. Et il sort en trombe du bureau de son supérieur. Il voulait fuir, fuir de la scène, fuir... Mais, à peine ouvre-t-il la porte que ses collègues, qui sont accourus devant la porte au coup de feu, l'attendent. Il n'a pas d'autre choix que de s'y rendre.


Remarque : cet homicide est survenu en raison de la conjonction de Saturne et Mars, moment propice à ce genre d'événement. D'ailleurs, en circonstances normales, sans l'intervention de l'esprit policier, Carl Neely, désordonné comme il est en raison de sa consommation d'antipsychotiques, aurait raté son coup et il serait mort, puisque John Wellington aurait tiré plus rapidement. Sauf que cette situation ne plaît point aux bons esprits qui protègent le policier de Grandview. C'est pourquoi Daniel Miloshevitch décide d'agir au moyen d'une possession temporaire.


Lorsque Karl Neely entendit la rumeur de la mort de John Wellington, il s'inquiète pour lui-même, mais il est néanmoins intrigué par le mystérieux policier allemand. Il décide donc de venir fréquemment à Grandview, pour l'observer de loin.



Évidemment, Carl Neely/Hermann Ehrlich doit subir une interrogatoire puis un jugement. Il est jugé, mais aussitôt libéré car reconnu non-coupable. De plus, comme le poste de chef policier est libre, tous les policiers de Grandview se réunissent pour décider qui sera leur prochain chef. Unanimement, Hermann Ehrlich est désigné au poste, malgré ses protestations. Ce n'est pas qu'il manquait de candidats, mais simplement parce qu'un vieux policier du réseau de contre-espionnage (qui était, d'ailleurs, un ancien chef policier), Gérard Jung, 55 ans, a arrangé les choses, de manière à ce que le policier allemand obtienne le poste, puisqu'il a reçu de tels ordres de la part de Paul Eastman. D'ailleurs, le lendemain de la nomination du nouveau chef policier de la police de Grandview, Gérard Jung fait une visite surprise à Carl Neely/Hermann Ehrlich avec tous les respects, pour lui dire certaines tâches rattachées à sa nouvelle fonction et dit en guise de conclusion : « Je sais, Monsieur Hermann Ehrlich, votre protestation à l'exercice de votre fonction de chef policier, mais la ville de Grandview a besoin d'un chef policier intègre. En ce sens, il est préférable, pour la sécurité de tous, que vous occupiez ce poste plutôt qu'un autre qui est susceptible de se vendre pour une prime. Sachez que vous pouvez me faire confiance sur le terrain. » Gérard Jung le salue, laissant Carl Neely/Hermann Ehrlich perplexe. Depuis qu'il est devenu chef policier, il ne cesse de penser à l'horreur de sa situation : « Tu es un menteur de première classe! Comédien et salaud! », pense-t-il en allemand, « Tu te présentes avec un pseudonyme, car tu n'as pas les couilles de te présenter avec tes vrais noms! À la fin, tu te feras prendre dans ton propre jeu, car un jeu de rôle ne peut pas durer indéfiniment! De plus, tu te parjures, car tu t'es promis de ne plus jamais devenir chef policier! Parjure, salaud et menteur! »

Une fois rendu dans le petit appartement où il s'est installé depuis son retour à Grandview, Carl Neely/Hermann Ehrlich, de rage, après avoir ôté les lentilles vertes, crache sur le reflet que lui renvoie le miroir dans la salle de bain. De plus, il se frappe bien solidement la tête contre le mur de la cuisine. Sonné, le nouveau chef policier se dirige vers sa chambre, où il s'allonge sur le lit pour se reposer.


Le lendemain de sa nomination, le chef policier allemand reçoit, à son bureau, une visite inattendue de Paul Eastman. Le policier de Verylongview lui dit simplement de faire attention à l'égard de certains policiers, se signe trois fois et revient dans le véhicule de fonction dans lequel il est arrivé. Auparavant, Paul Eastman fait le tour du Département de police pour faire savoir qu'il ne doit pas manquer un seul cheveu à Hermann Ehrlich, sinon, il s'expose à de lourdes conséquences. C'est l'âme tranquille que le père de Mélinda revient chez lui.



Depuis que Carl Neely/Hermann Ehrlich est devenu chef policier de Grandview, une grande femme aux yeux verts et aux cheveux blond miel cherche à le séduire, une certaine Esther Walsh, car elle prétend trouver charmant ses yeux verts (il conserve par prudence ses lentilles), alors que c'est son portefeuille qu'elle aime le plus. Sauf que l'ancien détective n'a pas compris qu'elle est une vipère, trop assommé par les médicaments antipsychotiques qu'il consomme... Sara Blumenfeld-Neely et Caitlin Mahoney, d'un commun accord, décident de jouer des tours à Mademoiselle Walsh : elles ouvrent et ferment les portes avec fracas, ferment celle du bureau de Carl Neely/Hermann Ehrlich lorsqu'elle s'y pointe devant. Elles parviennent même à la pousser en bas des escaliers, la blessant dans la chute; Esther Walsh se traîne avec difficulté jusqu'à l'hôpital Mercy, où un docteur s'affaire à la soigner. Une semaine plus tard, rétablie, la demoiselle n'ose plus déranger le nouveau chef policier, car elle a peur de subir un autre accident de la sorte. Au moins, Carl Neely/Hermann Ehrlich ne la revoie plus jamais; il exerce tranquillement ses fonctions de chef policier, principalement dans son bureau, avec un contact minimal avec les autres policiers de la ville. Parfois, il se garde certaines enquêtes pour lui, car il ne perd pas l'habitude d'un détective. Son supérieur immédiat est alors le sergent George Anderson, qui le trouve bien sympathique malgré ses yeux verts. Par ailleurs, Carl Neely/Hermann Ehrlich est bien informé de ce qui se passe grâce à la loyauté de Gérard Jung, qui est son conducteur personnel lorsque des déplacements nécessaires, puisque le chef policier refuse de conduire seul un véhicule de fonction. ll s'est assuré lui-même de la confiance du policier, qui est, en quelque sorte, ses oreilles et ses yeux au Département de police de Grandview. Par ailleurs, c'est Gérard Jung lui-même qui recommande à son supérieur de diminuer ses doses de médicaments, car une fois, alors que le policier allait prendre sa place pour conduire, son supérieur s'est évanouit; heureusement, il parvient à le réanimer après quelques minutes. Sauf qu'il ne l'écoute qu'à moitié. Carl Neely/Hermann Ehrlich diminue pendant deux semaines, mais trop agacé par des visions à distance intenses (dans lesquelles il voit des hommes en noir en cercle autour de lui; il comprend qu'ils font un rituel de magie noire sur lui), il reprend ses pilules pour ne pas voir les horribles scènes. Grâce à Gérard Jung, Carl Neely/Hermann Ehrlich connaît les noms des policiers qui collaborent avec le FBI, à savoir Daniel Peterson, Frédéric Constantin, Jack Wrongonski et Denis Emerson.


Un jour, de retour de son quart de travail, le nouveau chef policier, assis sur la chaise dans la cuisine de son petit appartement, pense : « Tu es comme Saint Longin! Tu pèches, le plus horrible des péchés. Et tu espères que Dieu t'accorde la guérison de ta folie comme Longrin de sa mauvaise vision? Quelle mégalomanie! » Il se lève de sa chaise, mais, étourdi, se rassied aussitôt. Il pense : « On dirait que le proverbe l'instinct du mal renouvelle ses forces chaque jour (Kiddouchine 30 b) s'applique à moi! Au moins, ça me confirme que l'instinct du mal veille au cœur même de l'homme (Soucca 52 a). » Carl Neely/Hermann Ehrlich soupire.



En août, Carl Neely/Hermann Ehrlich voit au loin Jim Clancy/Sam Lucas, Mélinda Eastman et leurs enfants... Il sait qu'il est inévitable que la jeune femme le voit. Il salue Sam Lucas et le félicite d'avoir trouver une épouse. Ils se saluent et le chef policier continue son chemin. Il se dirige vers son nouveau bureau.

Comme ses amis ont compris son pseudonyme, ils en avertissent Tricia (d'une manière indirecte, en précisant qu'il consomme des médicaments antipsychotiques). Elle comprend que l'homme cher à son cœur ne peut pas revenir avec sa vraie identité, mais elle ne trouve pas séduisant son pseudonyme. Tricia l'accepte au moins comme ami. Elle invite alors souvent le chef policier allemand chez elle, dans le petit appartement où elle vit à Grandview, elle et sa fille Natalie. Néanmoins, Carl Neely remarque qu'il n'est plus que l'ombre de lui-même, ce qui le fait douter de son succès auprès de sa dulcinée. « En plus, tu es vraiment un salopard », pense-t-il, « pour la séduire avec un pseudonyme. Qu'est-ce que tu veux qu'elle pense de toi? Ma colombe ne peut penser que je suis de la même espèce de son putain de fiancé de Langowski. Comment peut-elle me croire? » Il soupire à cette pensée. Il préfère alors fuir la jeune femme. Il pense : « J'ai trop changé pour la mériter [cf. Boris Novković, Sve mijenja se]. Je ne lui arrive pas aux chevilles! Je pourrais bien lui demander un pardon de mon écart de conduite? Non, hors de question! Que faire? » Il accepte les invitations de Tricia Berbari, malgré sa gêne, car elle y insiste, afin de parler avec quelqu'un. Carl Neely/Hermann Ehrlich n'a pas le cœur de refuser ses invitations. Sa vue lui fait changer les idées. Il se sent moins seul depuis son retour à Grandview.



Une fois, au cours d'un repas, la femme lui dit : « Monsieur, vous devez savoir que vous êtes un bon ami pour moi. Un rare ami qui m'écoute et avec qui je peux parler. Depuis la mort de mon époux, Georges Mylord, que Dieu a son âme, je suis seule à élever ma fille, Natalie, qui est un vrai ange », dit-elle, le sourire aux lèvres. « D'ailleurs, vous me prouvez que je ne perds pas complètement ma confiance en la gent masculine, surtout depuis l'annulation de mon second mariage avec un escroc. Heureusement, un ami policier m'a éclairé au sujet de son arnaque, ce qui m'a évité un mariage malheureux. Je le remercie pour cela. » Elle lui fait un clin d'œil complice. Le chef policier, perplexe devant de tels propos, est silencieux. Il tient son regard baissé, n'osant regarder la femme aimée.

Carl Neely/Hermann Ehrlich pense : « Est-ce qu'elle sait ma véritable identité? C'est impossible... À moins que Mélinda lui a révélé la supercherie? Ah! Je voudrais bien être six pieds sous terre! Confirmé: tu n'es qu'un sale fieffé menteur! Adieu Tricia, mais sache que tu resteras chère dans mon cœur! » Il bredouille : « Vielen Dank, liebe Madame Berbari... Merci, chère Madame Berbari! À la prochaine! » Il se lève; la jeune femme se lève à son tour et le raccompagne jusqu'à la porte d'entrée.


En route vers son appartement, Carl Neely/Hermann Ehrlich pense en allemand : « Honte à toi! Tu laisses une femme te faire la cour! Attends de révéler ton identité puis fais-lui la cour! Allez, reprends-toi! Au moins pour ne pas paraître d'un mou et d'un pantouflard! » Une fois dans son appartement, il s'assied à la table de cuisine, sa tête entre ses mains, pensif. « Impie que tu es! Athénagore écrivit bien dans sa Supplique au sujet des chrétiens qu'«[i]l n'appartient pas à Dieu de faire faire des actes contre nature.» [XXVI, p. 142] D'ailleurs, tu es adultère, meurtrier et menteur! Tu te remaries, alors que tu as enterré ta première épouse, or tu sais que l'Écriture considère ça comme «un adultère déguisé» [Athénagore, Supplique au sujet des chrétiens, XXXIII, p. 162]. Tu es responsable de la mort de ta seconde épouse et tu ne penses qu'à te remarier à Tricia! Impie, adultère et débauché! Pourtant, tu sais très bien qu'aucun péché n'est pardonnable; même le plus petit péché reste un péché [cf. Athénagore, Supplique au sujet des chrétiens, XXXVI, p. 168] Je peux bien dire comme Sainte Théodore, «j'ai perdu mon âme». Pauvre malheureux que je suis! »

Nous pouvons aisément deviner que de telles pensées pessimistes sont celles que Marianne Bazra-Neely lui communique, en les faisant passer pour siennes (puisqu'elle apprécie beaucoup de l'influencer sur sa moralité, son sens du devoir et sa tendance à l'auto-culpabilisation). Sara Blumenfeld-Neely foudroie du regard Marianne Bazra-Neely et s'approche de leur mari pour l'encourager à avoir des pensées optimistes, mais rien n'y fait.



À la mi-août, Carl Neely/Hermann Ehrlich reçoit une invitation officielle du chef policier de Longview, Eduard Zaborov, qui veut discuter avec lui à Grandview. Le chef policier allemand demande l'avis de Gérard Jung. Le policier lui dit d'accepter l'invitation: aucun piège n'est planifié. Carl Neely/Hermann Ehrlich accepte alors de parler avec son collègue de Longview. La rencontre est fixée le 17 août. Les deux chefs policiers se saluent respectueusement.

Carl Neely/Hermann Ehrlich dit d'un ton sérieux (toujours avec son accent allemand), en fixant de ses yeux verts inexpressifs son interlocuteur : – Herr Eduard Zaborov, quelle est la raison de votre visite?

– Demander votre collaboration pour rechercher le détective policier Carl Neely. Avez-vous des nouvelles de lui?

– Non. Je sais seulement qu'il est porté disparu depuis un certain temps.

– Avez-vous alors pensé ouvrir une enquête?

– Oui, dès que j'en trouve le temps.

– Dans tous les cas, vous devez savoir que vous pouvez compter sur la collaboration des policiers de Longview, de Verylongview et de Sightview. En travaillant de concert, nous parviendrons à dénicher où se trouve Monsieur Carl Neely et le ramener à sa place.

– Bien sûr, Monsieur. Merci de votre collaboration!

– Merci à vous!

Les deux hommes se serrent la main droite et Carl Neely/Hermann Ehrlich ouvre la porte de son bureau pour laisser sortir son invité. Il fait de grands efforts pour ne pas refermer en tremblant la porte, puis se rassied sur sa chaise. Il pense tristement en allemand : « Voilà! C'est fini! Tu dois te rendre, Carl! À moins que tu redoubles de prudence pour ne pas te trahir! Bravo! Fieffé menteur! Avec un tel talent, tu peux devenir comédien! » Il se rend à l'évidence : il doit, tôt ou tard, révéler son identité.



D'ailleurs, Carl Neely/Hermann Ehrlich remarque que David a trouvé une petite copine, une certaine Katarzyna Nowakówna, qui étudie aussi en criminologie. Les jeunes gens se fréquentent depuis mai 2010. Son cœur de père est content. Il pense : « On dirait une future bru! Que Dieu les protège! » Il se signe en son for intérieur et poursuit son chemin, pour se rendre à son bureau. Par déformation professionnelle, il mène sa propre enquête sur Katarzyna Nowakówna. Elle est née en 1990, n'étant que trois mois plus jeune que David. La jeune femme est une polonaise d'origine juive, dont la famille émigra aux États-Unis en 1994. Son père, Jozef Nowak, quarante ans, est un honnête dentiste, sa mère, Elena Gronkowski de son nom de jeune fille, une modeste femme au foyer. Elena est la petite-fille de Friedrich Gronkowski, qui est un cousin paternel du guérisseur allemand Bruno Gröning (dont le nom de famille est Grönkowski). C'est pourquoi Elena sait l'allemand, par respect pour cet ancêtre, dont elle en est très fière. D'ailleurs, elle enseigna à ses enfants cette langue. Jozef Nowak et Elena Gronkowski-Nowakowa ont aussi un fils, prénommé Stefan, né en 1991. Aucun dossier suspect n'est rattaché ni à Katarzyna ni à ses parents ni à son frère. Katarzyna étudie à l'Université Rockland depuis septembre 2008 en criminologie. Elle est dans la même cohorte d'étudiants que son fils, ce qui expliquerait comme ils se sont rencontrés. Carl Neely/Hermann Ehrlich est content pour David. D'ailleurs, Sara Blumenfeld-Neely aussi approuve leur relation. Le chef policier file de loin les jeunes gens. David le remarque et, bien qu'il reconnaît le mystérieux policier allemand qui l'a sauvé en juillet d'un attentat; il le remercie pour ça, mais préfère néanmoins garder ses distances avec lui. Carl Neely/Hermann Ehrlich pense : « Mon fils, pourquoi fuis-tu devant ton père? » Et il continue à regarder les jeunes gens de loin.

Katarzyna, lorsque David lui explique ses craintes concernant son père, elle lui recommande de prier le Ciel et Bruno Gröning pour espérer que Carl Neely reviendra sain et sauf à Grandview. Les jeunes gens prient le matin et le soir pour lui, car ils n'ont aucune nouvelle. Leurs ferventes prières ne seront pas vaines : les anges et le guérisseur ont écouté leurs supplications, parvenant à abréger l'effet de la magie noire sur le détective, qui ne perdurera que jusqu'en janvier 2011.



En septembre, Tricia Berbari, en bonne amie, recommande à Carl Neely/Hermann Ehrlich de diminuer la fréquence de sa consommation d'antipsychotiques, car elle en soupçonne la consommation lorsqu'une fois, il présente des mouvements saccadés, bien qu'il les camoufle comme un tic ou une nervosité; une autre fois, le chef policier présente des tremblements incontrôlés, ce qui le força à lâcher la fourchette qu'il tenait (alors invité à un repas chez Tricia). Carl Neely/Hermann Ehrlich suit son conseil, se rendant à l'évidence des conséquences des médicaments sur son organisme. D'ailleurs, il aurait fait tout ce que Tricia lui dit, car il veut la séduire, sauf qu'il est désespéré de sa situation. Ainsi, il a même brûlé en sa présence le papier de prescription illimitée du Docteur Andrew Blackwood. Fin d'un Enfer. Néanmoins, Carl Neely aura à vivre avec une dyskinésie tardive (des mouvements involontaires et répétitifs de certains muscles, causant des tremblements incontrôlés au repos, ce qui est assez ennuyant pour lui) pendant six mois, soit jusqu'en mars 2011, le temps que les effets secondaires des médicaments antipsychotiques se résorbent complètement.

Néanmoins, les espions le suivent encore, intrigués par ce mystérieux Allemand parachuté de nulle part... Ayant compris sa dépendance des médicaments et son amour pour Tricia, ils décident même, dans leur audace, de demander à Tricia son point faible et de soutirer une collaboration à la mère monoparentale. Comme elle refuse, les agents ont payé des tireurs d'élite pour tuer Natalie, sauf que la fillette, alors âgée de douze ans, en route vers la Middle School de Grandview (alors à son Grade 7; équivalent de la première année du secondaire ou de la 5e du Collège), accompagnée de sa mère, est protégée par son père, Georges Mylord, qui lui permet d'éviter la balle fatale. Cette protection rapprochée fait sourire Natalie. Depuis, les espions la laissent en paix. Ils ne veulent plus la déranger, bien qu'un espion de la CIA tourne autour d'elle en civil, dans l'espoir de la marier... Tricia Berbari se plaint à Carl Neely/Hermann Ehrlich, qui rencontre l'espion en question. Les deux hommes eurent une conversation d'une heure au cours de laquelle le chef policier lui fait comprendre qu'il devrait mieux se comporter et ne pas déranger la dame, sinon, il aura affaire à lui... L'espion a compris la menace sous-entendue, disparaît comme il est venu. D'ailleurs, le 10 septembre, Carl Neely/Hermann Ehrlich apprend (car les rumeurs courent vite d'une ville à l'autre; le monde de la police est petit) que le chef policier de Longview Eduard Zaborov s'est suicidé par défenestration la veille car l'appartement où il vit se trouve au quatrième étage. Les policiers de Longview recherchent un chef policier...



À la mi-septembre 2010, alors que Carl Neely/Hermann Ehrlich se promène en civil à l'extérieur de Grandview, il croise sur son chemin Karl Neely. Au moment où il sort à l'extérieur de Grandview, sa chaussure gauche se déchire comme se déchira la sandale de Saint Marc à Alexandrie. Il pense : « Je ne dois pas encore quitter Grandview ». Les deux hommes se présentent; Karl Neely, un policier de Longview, Hermann Ehrlich, chef policier de Grandview. Évidemment, les esprits errants essayent de les influencer : le premier est possédé par Friedrich Neuman et influencé par John Wellington; le second n'est qu'influencé par Daniel Miloshevitch, qui conseille à Sara Blumenfeld-Neely, à Lada Bogdanović et à Caitlin Mahoney de se tenir à l'écart : « Ceci est une histoire entre hommes. Mesdames, éloignez-vous de cette scène d'horreur. Vous êtes trop délicates pour pouvoir assister à cet affrontement entre le père et le fils qui s'annonce très palpitant. Le vieux salaud, fils de pute est venu avec trois gardes du corps. » Les deux femmes et la fillette regardent de loin la scène, tout en encourageant mentalement Carl Neely.

Après un échange verbal qui se termine par une insulte, le vieux policier sort son arme de fonction, possédé par John Wellington, et tire sur le chef policier allemand, qui, heureusement, a toujours son gilet pare-balles sur lui. Offusqué, l'Allemand réplique en tirant aux pieds du policier. À ceci, trois policiers armés jusqu'aux dents, sortis des arbustes derrière lesquels ils sont cachés, se jettent sur Carl Neely/Hermann Ehrlich. Renversé, il essaie de frapper ses assaillants pour se libérer de leur pression. Il est presque à deux doigts de s'évanouir, surtout quand Karl Neely lui tire une balle sur la tête. De manière in extremis, sous l'impulsion de Daniel Miloshevitch, Ivan Prorokić, Victor Ferbovani, David Lévêque et Francis Mandeville, Carl Neely/Hermann Ehrlich se libère des trois policiers. Et l'un des policiers de Longview s'approche du chef policier, mais recule de quelques pas, car Gérard Jung, en uniforme, fait son apparition. Reconnaissant les hommes réunis (surtout Karl Neely et Hermann Ehrlich), il leur dit de ne pas bouger. Karl Neely, énervé comme l'est John Wellington qui le possède, lui lance une insulte, et dit : « Ce Boche est un bon à rien. On devrait l'interner, car il est un criminel arriviste! Je propose donc que je vous débarrasse de ce salaud une fois pour toutes! Un duel entre nous deux, et vous quatre, vous êtes témoins. »

Tous les vivants hochent de la tête ; Karl Neely et Carl Neely/Hermann Ehrlich, leur revolver à la main, s'affrontent du regard. Le chef policier pense tristement : « Voilà le coup de grâce: le parricide! J'espère que je crèverai avant ce fils de pute! Par ailleurs, rends-toi à l'évidence: tu n'es guère meilleur que lui! Autant mieux s'entretuer et tout le monde est tranquille! Adieu ma prunelle! Je suis désolé que t'as un salaud de mon espère pour père! »

Père et fils sont face à face, comme deux fauves, les trois policiers gardes du corps et Gérard Jung regardent un peu à l'écart le combat. Le père, impatient, tire le premier, blessant Carl Neely/Hermann Ehrlich à l'épaule droite; il prend alors son arme dans son autre main et vise, mais ses tremblements soudains font en sorte qu'il atteint son père au pied gauche. De rage, celui-ci tire une autre fois, mais rate son coup. Le fils réplique et tire sur son autre pied. Et les deux continuent à tirer jusqu'à épuisement des balles; Carl Neely/Hermann Ehrlich fait exprès de rater son père; Karl Neely, lui, rate ses tirs en raison des interventions de Daniel Miloshevitch et d'Ivan Prorokić. Père et fils, tous deux blessés, mais encore vivants, s'affrontent dans un corps-à-corps violent; c'est le chef policier qui administre le coup de grâce à son père, temporairement possédé par Ivan Prorokić; autrement, il serait mort, lui aussi, ce que l'esprit errant ne peut pas accepter. Lorsque Carl Neely/Hermann Ehrlich se penche au-dessus du visage du vieux policier, il remarque qu'il a rendu l'âme. Il murmure en allemand : « Désolé. » L'âme de Karl Neely, elle, ayant compris que son opposant est en réalité son propre fils, décide de le hanter pour un certain temps; de même pour Friedrich Neuman. Deux âmes errantes de plus qui suivent Carl Neely. Karl Neely influence alors l'un de ses policiers garde du corps pour le viser à la tête de dos, mais Gérard Jung entraîne son chef blessé à l'écart, faisant en sorte que la balle est perdue. Jung somme les autres de se rendre et de subir une courte interrogatoire à son bureau. Les trois policiers de Longview lâchent leurs armes. Gérard Jung appelle les ambulanciers, qui arrivent cinq minutes plus tard, accompagnés de policiers, qui, eux amènent les trois policiers de Longview. Carl Neely/Hermann Ehrlich est aussitôt transporté à l'hôpital Mercy. Une fois rétabli, il demande aux docteurs s'il est possible d'enterrer convenablement le corps du policier. Si le chef policier de Grandview ne dort pas, c'est en raison des esprits errants qui le hantent, lui murmurant qu'il est un sordide meurtrier, pour être responsable de la mort de sa seconde épouse et pour avoir tué de ses propres mains son supérieur immédiat pour prendre ensuite sa place ainsi que son père. D'ailleurs, il n'y a-t-il pas pire crime que le parricide? Il est mal vu de tuer l'auteur de ses jours. Carl Neely/Hermann Ehrlich, très déprimé de ce constat, refuse de manger la nourriture que lui apporte l'infirmière; d'ailleurs, tout le monde pour lui est suspect de collaboration avec ses ennemis... Les trois policiers de Longview reviennent chez eux après trois heures d'interrogatoire.


Après trois semaines et demi, le 11 octobre 2010, Carl Neely/Hermann Ehrlich sort de l'hôpital, fatigué de ses nuits sans sommeil et amaigri de son manque de nutrition. Il se traîne jusqu'à son appartement. Une fois assis sur la chaise de la cuisine, il demeure pensif, ruminant plusieurs idées de suicide, car il est très influencé par Romano, Elvin Neely, Adrian Neely, Marianne Bazra-Neely, John Wellington, Karl Neely et Friedrich Neuman. Carl Neely/Hermann Ehrlich pense, un peu influencé par Sara Blumenfeld-Neely : « Que cesse ma vie avec les Philistins! » (Juges 16.30). Après plusieurs minutes, à nouveau influencé par les mauvaises âmes à sa gauche, il se sert un verre de vin, puis ôte son gilet pare-balles, saisit un couteau de cuisine très bien aiguisé de sa main gauche et se le plante avec violence dans la poitrine, en plus de se tirer une balle sur les tempes; il veut être sûr de ne pas rater sa mort. Son âme est sortie de son corps et regarde les autres âmes errantes qui l'entourent. Elle les fuit, après un dernier regard à son corps propre. Elle se trouve à l'extérieur de l'appartement. Trois âmes se dirigent vers lui : Sara Blumenfeld-Neely, Daniel Miloshevitch et Ivan Prorokić, qui lui ordonnent de revenir immédiatement dans son corps propre. L'âme du policier n'ose pas s'opposer à leurs propos et regagne à contre-cœur son corps. Carl Neely/Hermann Ehrlich, étonné d'être encore en vie et étourdi par le coup sur les tempes, se traîne avec difficulté, car il perd beaucoup de sang par ses blessures, jusqu'au téléphone pour appeler les urgences en leur expliquant qu'il vient de faire une tentative de suicide ratée. Les ambulanciers, parmi lesquels Jim Clancy, arrivent aussitôt et le transportent à l'hôpital, d'où il n'en sort que le 12 novembre.

Depuis son retour dans son propre corps, le chef policier remarque que ses visions à distance se présentent à nouveau à son esprit. Il pense : « Carl, assez de fuir de toi-même! Tu sais que tu ne peux pas te pardonner d'être menteur et meurtrier! Tu as du sang sur les mains! Tu dois vivre avec ce fait, parjure, menteur et salaud de la dernière espèce! Ordure du fond de la fosse septique! Avec autant de défauts, tu peux oublier de revenir avec Tricia! Ce n'est pas pour rien que l'on dit dans notre hymne «Proklet bio izdajica/ Svoje domovine!» [Maudit soit le traître / de sa patrie! [les deux derniers vers de l'hymne de la Yougoslavie Hej Sloveni]] Je suis bel et bien un traître! Je me suis trahi plusieurs fois! Parjure! Menteur! Voleur! » Il est rongé de culpabilité, à l'idée d'être un homicide et un parricide: ce sont deux crimes impardonnables à ses yeux. Cette mauvaise conscience fait en sorte que le chef policier de Grandview ne dort pas beaucoup, et boit un peu de vin lorsqu'il ne travaille pas, pour s'assommer, mais sans être ivre.



Carl Neely/Hermann Ehrlich évite même de rendre visite à Tricia Berbari au cours du mois de novembre, ce qui inquiète le sémite. Une fois, lorsqu'elle rencontre le chef policier lors d'une promenade avec sa fille, Tricia lui demande des nouvelles. Il la fixe de ses yeux verts inexpressifs et la salue respectueusement, éludant d'apporter une réponse. Elle le regarde jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue, inquiète de son visage creux, qui rend encore plus terrifiants ses yeux verts. Tricia pense : « Qu'Allah le protège! » Et elle continue sa promenade avec Natalie, qui regarde avec des grands yeux agrandis par la peur le policier. Tricia s'inquiète encore plus pour lui lorsqu'il refuse systématiquement ses invitations, malgré qu'elle y insiste.



Carl Neely/Hermann Ehrlich ne révèle sa véritable identité qu'en décembre 2010. Ainsi, les affiches sont retirées depuis un mois et demi, car personne ne parvient à retrouver le policier détective Carl Neely. De plus, les rumeurs de la mort du du policier circule depuis un certain temps à Grandview, Longview, Sightview et Verylongview. Ces rumeurs attriste David, qui refuse d'y croire, sa voix intérieure lui dit que dont père est vivant; il garde espoir de présenter sa future épouse à son père. Bien sûr, à la rumeur de la mort du détective, sa mère, Zora (récemment veuve de son mari), sa sœur, Emma, le mari de celle-ci et leurs enfants viennent à Grandview pour transmettre leurs condoléances à David Neely, en versant quelques larmes de crocodile, ce qui dégoûte le jeune homme, mais aussi Carl Neely, qui les regarde de loin. Il ne veut surtout pas venir de plus près, pour ne pas subir la colère de la veuve, car elle sait sans doute que le chef policier allemand de Grandview est le meurtrier de son mari.


Carl Neely relève son pseudonyme devant tous les policiers réunis pour une rencontre d'urgence. Inutile d'insister sur leur étonnement. Sans oublier que l'identité du mystérieux policier allemand (« le Boche » comme le surnomme la plupart des habitants de Grandview) fait vite le tour de la ville. Ses anciens collègues en sont d'autant plus étonnés lorsque Carl Neely se présente tel qu'il est, en retirant les lentilles vertes, les épaulettes et les coussins, mais aussi son gilet pare-balles. Il flotte dans les amples vêtements de son pseudonyme (les épaulettes et les coussins l'ont bien agrandis). Il reprend son icône portative avec lui. Et, lorsqu'il se pointe devant les policiers réunis autour de lui, il dit, ou plutôt crie d'une voix forte, en abandonnant son accent allemand : « Bonjour, chers anciens collègues! Je vous assure que moi, Carl Neely, que vous avez tant recherché, est vivant! Et bien, si quelqu'un est vraiment un homme, lapidez-moi, puisque je suis le plus grand imposteur de l'histoire policière de notre ville. Si vous avez des couilles, saisissez-moi, lapidez-moi et amenez-moi dans l'Institut psychiatrique! Allez-y! D'autant plus que vous devez en profiter, car je n'ai pas mon gilet pare-balles! » De plus, il soulève son uniforme, pour leur montrer qu'il n'a que sa chemise et sa camisole. Tous les policiers sont étonnés, même Gérard Jung – car bien qu'il fait part du réseau de contre-espionnage, il n'est pas au courant du pseudonyme. Un silence lourd suit les propos du chef policier. Personne n'ose agir. Même Daniel Peterson, Frédéric Constantin, Jack Wrongonski et Denis Emerson n'osent pas s'approcher de lui, car ils n'ont pas oublier la menace de Paul Eastman en cas d'attentat sur le nouveau chef policier...

Comme l'on pouvait entendre une mouche volée, Carl Neely ajoute : « Et bien, Messieurs, je donne ma démission! »

Tous les policiers, d'une seule voix, crient : « Non! »

Carl Neely, étonné, réplique : – Nemojte biti plašljive pičke! Désolé... Ne soyez pas des cons timides! À croire qu'il y a seulement moi qui a des couilles ici? Si ça fait votre joie, appelez Monsieur le directeur de l'Institut psychiatrique pour qu'il vienne me chercher en personne! Voilà! Je peux vous dire que tout dans l'homme est trompeur (Psaumes 116.11)! J'en suis la preuve vivante! Et dans ce cas, je me rends à l'avis de Monsieur le directeur: un tel fou ne peut pas circuler librement dans Grandview! Je vais le rejoindre de ce pas!

Gérard Jung s'approche de Daniel Peterson, de Frédéric Constantin, de Jack Wrongonski et de Denis Emerson, réunis dans le coin de la salle où se déroule la réunion, et leur dit à voix basse : « Je vous recommande de pas lever le petit doigt contre Carl Neely. Vous savez, tout comme moi, sa valeur pour le département de police de notre ville. »

Les quatre policiers, terrifiés par la menace sous-entendue, hochent de la tête.

Carl Neely, ressentant un crise de somnolence (il a encore à lutter contre les effets secondaires de sa consommation à long terme des antipsychotiques), il dit d'un air fatigué : « Eh bien, comme personne ne se porte volontaire pour m'amener à l'Institut psychiatrique, je rejoindra moi-même Monsieur le directeur. Merci à tous et passez une bonne journée! » Et il se traîne jusqu'à son bureau, mais s'écroule devant la porte, vaincu par sa crise de somnolence. Heureusement, Gérard Jung, qui le suit de près, le rattrape avant qu'il ne heurte sa tête contre la porte. Le policier déverrouille la porte du bureau de son chef grâce à une clé universelle, et dépose Carl Neely sur sa chaise de bureau. Il s'assied sur une chaise un peu en retrait, de manière à l'avoir à l'œil, mais aussi en voyant si quelqu'un entre dans le bureau. Après dix minutes, le chef policier se réveille en sursaut. Il murmure pour lui-même en allemand : « Où suis-je? » En regardant autour de lui, il aperçoit Gérard Jung. Effrayé, Carl Neely lui dit : – Herr Jung, comment je me retrouve ici? C'est fini pour moi!

– Calmez-vous, Monsieur Carl Neely! Vous avez des chances de conserver votre poste. S'il vous plaît, ne nous abandonnez pas!

– Pourquoi? Vous voulez garder un criminel à la tête de la police de Grandview? Hors de question! Choisissez-vous un autre chef policier, je me rends volontairement à l'Institution psychiatrique et nous sommes tous tranquilles!

– S'il vous plaît, Monsieur Carl Neely, ne dites pas ça! C'est une chose que vous avez tué John Wellington et Karl Neely... Mais ceci ne fait pas de vous un fou. Reprenez vos esprits.

Carl, un sourire faible aux lèvres, se lève de sa chaise. Il fixe son interlocuteur et dit d'un air résigné : – Tous mes respects, Monsieur Gérard Jung. Mais, au risque de vous décevoir, je ne suis plus le même Carl Neely que vous avez connu. Je suis un pauvre meurtrier fou... L'on ne dit pas inutilement que «[l]a voie de l'insensé paraît droite à ses propres yeux» [Proverbes 12.15]? Je ne suis plus normal après avoir commis l'irréparable...

Carl détache la ceinture autour de sa taille et la dépose sur le bureau, puis ôte les insignes de chef policier sur la veste de l'uniforme et les dépose à côté de la ceinture. Il dit : – Monsieur Jung, je vous nomme chef policier. Je démissionne!

– Mais vous reprenez votre fonction de policier ?

– Non! Un sombre idiot comme moi ne mérite pas de porter des armes. La seule chose que je peux faire, c'est démissionner, pour ne pas porter atteinte au Département de police de Grandview.

– S'il vous plaît, revenez sur votre décision. Ne laissez pas les criminels contrôler la police!

Carl Neely éclate d'un rire inhumain puis dit : – Vous parlez alors à la bonne personne!

– Ne soyez pas si cynique envers vous-même. Reposez-vous chez vous et revenez sur votre décision, s'il vous plaît.

– D'accord.

– D'ailleurs, au risque de paraître rabat-joie, les quatre policiers [c'est ainsi qu'il désigne Daniel Peterson, Frédéric Constantin, Jack Wrongonski et Denis Emerson] ont justement compté sur une démission de votre part pour vous attraper et vous amener de force à l'Institut psychiatrique.

– J'y vais alors moi-même!

Et Carl Neely se dirige vers la porte de son bureau, mais Gérard Jung, encore agile pour son âge, le maîtrise et lui dit à voix basse : « Monsieur Neely, vous saviez très bien que si vous entrez dans ce sinistre institut, vous n'en sortirez pas. »

Carl, sans sourciller, répond d'un signe positif de la tête. Le policier le libère. Carl Neely sort de son bureau, Gérard Jung le suit de loin. Et il se dirige vers l'Institut psychiatrique de Grandview, où il dit à la réceptionniste : – Bonjour, Madame, je suis Carl Neely, l'homme que toute la ville recherche depuis octobre 2009!

La réceptionniste, étonnée, dit : – Monsieur, partez, car le directeur qui vous recherchait n'est plus ici.

– Qu'est-ce qui lui est arrivé?

– Le directeur, le Docteur Jean-Jacques Russell, est décédé en novembre. Et le poste est à combler.

– Merci beaucoup de l'information!


Et Carl Neely revient chez lui dans le petit appartement. « Au moins, vieux salaud, tu ne termineras pas tes vieux jours en psychiatrie. Quelle piètre consolation! Mais personne ne peut te laver du sang que tu as versé! »



Le lendemain, comme les rumeurs circulent vites dans la ville, Carl Neely reçoit la visite dans son bureau de Gérard Jung et de Paul Eastman, qui parviennent à le convaincre de conserver son poste de chef policier (les deux ont même dû l'immobiliser afin qu'il ne s'enfuit pas). Carl Neely reçoit en après-midi la visite de son fils. David reconnu à peine son père tellement il a changé : l'homme qui se trouve en face de lui semble être âgé vers la cinquantaine, les cheveux bruns mais qui sont plus gris, le regard éteint, le visage mince, figé comme un masque froid, dévoré par des cernes dues sans doute à un manque de sommeil. Le chef policier l'invite à s'asseoir sur une chaise en face de lui.

Le jeune homme dit : – Herr Ehrlich, si vous êtes vraiment mon père, pouvez-vous me dire alors que signifie cette bague et à qui avez voulu en faire cadeau?

David sort de la poche droite de son pantalon la bague avec l'aigle bicéphale serbe.

Carl Neely, d'un ton qui se veut joyeux, en serbe : – Bien sûr, mon fils, ma prunelle! C'est une bague que Slobodan Majstorović, fils du feu Branimir Majstorović (que Dieu a leurs âmes) m'a donné avec l'icône portative de Sveti Mihovil. Je voulais te la donner comme cadeau à ton mariage. Et que Dieu vous protège et vous bénisse, ta copine et toi!

Étonné, David regarde attentivement son père et lui dit dans la même langue : – Père? Que le Ciel soit loué! Nos prières n'ont pas été vaines! Et, en parlant de mariage, j'épouse Katarzyna Nowakówna en juillet l'année prochaine, deux mois après la fin de nos études.

Da Bog vas blagosovi! [Que Dieu vous bénisse!] Mais maintenant, tu sais que ton père, c'est quelqu'un de tristement célèbre. Je suis désolé de te causer autant d'ennuis!

– C'est correct, père. Ne sois pas désolé! Mais sache que j'ai vendu ta maison sur le conseil de Monsieur Paul Eastman, car elle est hantée. J'habite depuis janvier dans un petit appartement.

– Je suis content pour toi! Tu es la fierté de ton vieux père! Pauvre toi, qui as un père meurtrier, et de surcroît, parricide! Pour ne pas entacher ta réputation, prends le nom de famille de ta mère. Je ne me fâcherais pas si tu le fais.

– Mais père, tu sais très bien que je ne peux pas faire ça, car tu restes mon père, indépendamment de tes actes. Père, tu dois savoir une chose: ce qui t'es arrivé ces derniers temps son les effets d'une sombre pratique occulte d'un psychiatre et de ses magiciens... J'espère que tu t'en sortiras bien.

Après quelques minutes de silence, Carl Neely fixe la surface de son bureau et dit d'un air résigné : – Sinko, znam da si ražočaran, jer sam se puno promjenio... Više nisam isti čovek... Sam samo neki luđak koji se umljiša da je važan... U istinu, sam ražočaran o samog sebe. Ako ne želiš više prićati sa mnom, u redu, neću se ljutiti [Fiston, je sais que tu es déçu de moi, car j'ai beaucoup changé... Je ne suis plus le même homme... Je suis seulement un fou qui se croit important... En vérité, je suis déçu de moi-même. Si tu ne veux plus parler avec moi, c'est correct. Je ne me fâcherais pas].

Après quelques secondes de silence, le chef policier ajoute : « Et bien, je me dis que toutes mes œuvres me tomberont sur ma tête [cf. « Comme tu as fait, il te sera fait ; tes œuvres retomberont sur ta tête. » (Obadia 15)] »

David, ému, n'ose rien ajouter. Un silence lourd plane entre les deux hommes. Le chef policier, de honte, n'ose lever son regard vers son fils. Il dit à mi-voix en allemand, en gardant son regard baissé sur la surface du bureau : « Magie ou pas, ça ne justifie pas mes mensonges et mes meurtres! »

En s'adressant à voix haute à son fils : – Fils, me pardonnes-tu mes erreurs, mes égarements?

Carl lève lentement les yeux vers le visage de son fils. Le jeune homme, étonné de la question, est perplexe. Un silence plane à nouveau.

Après quelques minutes, David Neely répond d'un ton calme : – Désolé père. Tu m'as trop bien élevé et j'ai un sens de la moralité. Par conséquent, je ne peux pas te pardonner tes horribles actes, bien que j'aie pitié de toi, mais tu répondras pour tes actes. Ezéchiel (18.20) disait bien que « [l]e fils ne portera pas la faute du père ni le père la faute du fils ».

– Merci de ta réponse. Passe alors une bonne journée avec ta bien-aimée!

Les deux hommes se saluent et le fils sort du bureau. Il revient dans son petit appartement, où Katarzyna Nowakówna l'attend, avide de nouvelles. David lui résume sa rencontre avec son père. Elle embrasse le jeune homme sur les lèvres. Il lui rend son bisou.


Carl Neely, dans son bureau, est complètement démoralisé. La tête entre ses mains, il pense tristement en allemand : « Arh! Misère! C'est bien ce que je pensais! Salaud criminel! Personne ne peut te pardonner ces meurtres! Personne ne peut te purifier! Et... Dans ce cas, oublie de t'approcher de Tricia, elle est trop noble pour toi! Tu ne la mérites pas. Ne souille pas une douce colombe de tes mains criminelles! »


Sara Blumenfeld-Neely, touchée du malheur de son mari, dit à Ivan Prorokić : « On ne dit pas pour rien qu'un juif (mais aussi tout autre croyant) sans épouse est un homme sans joie, sans bénédiction, sans bien, ni que l'homme n'épouse que la femme qu'il mérite. Il serait bien de remonter le moral à Carl Neely. Il fait vraiment pitié! De plus, vous saviez, tout comme moi, qu'il mérite bien un mariage heureux avec Tricia Berbari. »

L'esprit hoche de la tête pour toute réponse. Les deux esprits errants sont à la droite du chef policier et essaient de l'encourager en lui rappelant ses tentatives de séduction de Tricia, en lui soufflant à l'esprit qu'elle est peut-être intéressée par lui, c'est pourquoi elle l'accepte comme invité. Marianne Bazra-Neely apparaît à la gauche de son mari, accompagnée d'Adrian Neely, d'Elvin Neely, de Karl Neely et de Romano, qui, eux, l'influencent négativement, au sens où il est un bon à rien et qu'aucune femme ne le veut pour mari. Il doit s'estimer chanceux s'il peut payer une prostituée lorsqu'il a envie de connaître une femme... « Pourtant, », pense Carl Neely sous l'influence de sa première épouse, « les juifs ne disent pas pour rien que qui va voir une prostituée finira par quémander un morceau de pain ».

Partagé entre les différentes pensées, Carl Neely frappe de ses poings le bureau car il n'arrive pas à y mettre de l'ordre, passant de l'une à l'autre, naviguant entre l'optimisme et le pessimisme. Il décide alors qu'il a terminé son quart de travail et revient dans son appartement. N'ayant même pas enlever son uniforme, il se rend dans la cuisine où il s'assied sur une chaise après avoir sorti une bouteille de vin rouge du réfrigérateur. Il se verse un verre de l'alcool et le sirote lentement, pensif. Sara Blumenfled-Neely et Ivan Prorokić, d'un commun accord, laisse Carl Neely ; ils n'apprécient pas le fait qu'il boit de l'alcool, ce qui lui embrume les pensées au lieu de les éclaircir. Les deux âmes errantes décident alors d'informer Mélinda Eastman-Clancy de la situation du chef policier de Grandview.



Mélinda, elle, regarde ses enfants jouer dans le salon. Lorsque les deux esprits apparaissent devant elle, les enfants cessent leurs jeux trois secondes avant pour s'approcher de leur mère. Ainsi, Sara Blumenfeld-Neely et Ivan Prorokić font face à Mélinda Eastman-Clancy, Pavle Clancy, Aiden Clancy et Marie-Anne Clancy. Ils se présentent puis Ivan Prorokić, un policier en uniforme, prend la parole : « Nous venons vous informez au sujet de Monsieur Carl Neely, qui est, comme vous le savez, chef policier à son insu. Vous devez savoir qu'il se culpabilise beaucoup pour avoir tué son ancien supérieur, John Wellington, et son propre père, Karl Neely. D'ailleurs, il ne se pardonne pas plus d'avoir accepté d'endosser le pseudonyme de Hermann Ehrlich. Comme il a une conscience morale élevée, ce qui est rare dans ce monde laïc et profondément corrompu, il perd tout espoir de mener une vie normale. Pourtant, il n'est que temporairement sous l'influence d'une très sombre magie qui agit encore pour un certain temps; heureusement, le Ciel s'est montré clément à son égard. Nous remercions pour cela le Très Miséricordieux qui veille si bien sur nous tous et qui nous accorde de punir les méchants, les mécréants. Carl Neely est amoureux de Tricia Berbari, et vous n'ignorez pas les sentiments que cette noble dame a pour lui... »

Mélinda répond : – En effet, je le sais de ses confidences qu'elle m'a faites, il y a un certain temps.

Sara Blumenfeld-Neely intervient : – C'est pourquoi nous avons un proverbe qui dit « Un couple bien assorti est aussi rare que le miracle de la traversé de la mer Rouge ». D'ailleurs, Madame Tricia Berbari est une bonne âme, sauf qu'elle est malheureuse en mariage. De même pour Carl. Mais ensembles, ils méritent bien de vivre heureux en couple, comme lorsqu'il m'a connu... « Etre à deux vaut mieux que d'être chacun seul » [Ecclésiaste, 4.9]. D'ailleurs, un proverbe dit: « Une femme vertueuse c'est la couronne de son époux », tandis qu'un autre dit qu' « [u]ne épouse méritante est un bon cadeau ». N'est-il pas écrit dans le Tamuld de Jérusalem, Brakhot 49.5 que « [l']homme ne peut vivre sans la femme, la femme ne peut vivre sans l'homme et les deux ne peuvent vivre sans la présence divine » ? Que « [l]a bénédiction de Dieu c'est la paix » [Meguilla 18 a] et que « Dieu n'a rien créé de plus beau que la paix » [Méir de Guèr] ?

Ivan Prorokić : – Merci, Madame Neely, pour votre commentaire. Mais pour revenir à mon propos, vous devez comprendre que Monsieur Carl Neely est très désespéré de sa situation ; au moins, ses visions à distance lui sont revenues depuis une sortie hors de son corps alors qu'il voulait faire une tentative de suicide. Mais il est dommage qu'il ne puisse pas marier Madame Tricia Berbari, car avoir une seconde chance pour vivre avec une bonne épouse, ça ne se rate pas! Car il lui manque une présence féminine pour le tempérer, autrement, il sait être un peu irréfléchi. Surtout lorsqu'il subi l'influence de méchants esprits. Mais dites-lui qu'il n'a aucune raison de se culpabiliser pour la mort de son son ancien supérieur et de son père; c'est pour rendre ses comptes d'une vie antérieure. À lui de découvrir cette histoire avant qu'il ne soit trop tard! C'est une enquête très personnelle, très bouleversante, mais nécessaire pour sa propre vie. D'ailleurs, en ce qui concerne le cercle de magiciens et le Docteur Andrew Blackwood, qui travaillait pour rendre fou Carl Neely, ils ne peuvent rien contre lui ; ils brûlent tous en Enfer depuis un certain temps. Néanmoins, il peut se faire pardonner par Tricia; elle seule peut le purifier et parler ouvertement avec lui. Cependant, il doit encore un peu être vigilant, le temps que la sombre magie arrête d'agir, car malheureusement, elle a agit partiellement. Et je termine me propos avec l'encouragement suivant: Nema predaje !

Sara Blumenfeld-Neely ajoute : – Keine Kapitulation ! Pas de capitulation !

Ivan Prorokić approuve les propos de la première épouse du policier d'un mouvement de la tête. Les deux âmes errantes font un salut militaire à Mélinda et disparaissent de sa vue.


Mélinda dit aux enfants : « Reprenez vos jeux et quand votre père reviendra du travail, il vous surveillera le temps que je discute avec Tricia. C'est compris? » Pavle, Aiden et Marie-Anne manifestent leur compréhension d'un signe de tête et courent au salon pour continuer leurs jeux.


En effet, comme Jim Clancy travaille le matin, il revient en après-midi, vers 15h30, à la maison. Mélinda l'attend à la porte, l'embrasse chastement sur les lèvres en se mettant sur la pointes de ses pieds, le laisse entrer puis referme la porte derrière lui. Après qu'il a bu un verre d'eau, sa femme lui explique les propos des esprits errants. Jim lui recommande alors d'appeler Tricia pour en discuter au plus vite. Et c'est ce que Mélinda fait. La sémite, à l'autre bout du téléphone, accepte qu'elle vienne chez elle. Et la passeur d'âmes se rend rapidement dans l'appartement de Tricia, dont l'immeuble est assez proche de sa maison, quelques rues plus loin. Mélinda lui explique la situation: elle seule peut sauver Carl Neely d'une déchéance totale. Tricia confirme sa compréhension d'un hochement de la tête, lui assure de reprendre le plus tôt possible contact avec Carl Neely et la remercie de sa visite. Mélinda la salue et revient chez elle, contente d'avoir fait son travail, celui de relayer le message d'âmes errantes à un vivant.




Entre-temps, à la fin décembre, Daniel Peterson, Frédéric Constantin, Jack Wrongonski et Denis Emerson sont en hors d'état de nuire à Carl Neely : ils se sont entre-tuer, rendus fous par John Wellington et Karl Neely. Tous sont furieux de ne pas avoir réussis à interner le policier de Grandview.





Au moins, Carl Neely est tranquille avec les espions de la ex-Yougoslavie, des États-Unis d'Amérique et du Royaume-Uni, de l'Allemagne, d'Israël et du Liban ; ils ont compris qu'ils ont aucune chance de le convaincre de rejoindre leurs rangs. Mais il est loin d'avoir tout réglé avec les espions polonais qui le suivent avec intérêt.





À suivre.

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