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Chapitre 4 : Le don de Carl Neely 1

7618 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/06/2023 15:35




« Post tenebras lux » ; « Après les ténèbres la lumière »

Devise de la Réforme protestante de Genève, 1571.






Janvier 2009, département de police de Grandview.



Carl Neely est à son bureau, occupé à une enquête de meurtre. En tout à coup une vision à distance se manifeste à son esprit. Un vieil homme s'approche de lui, brandissant un couteau sanguinolent dans sa main gauche, couteau qu'il dirige dangereusement vers lui. Fin de la vision. Après, le policier s'amuse toujours à deviner à quoi se rapporte la vision à distance. « Mes enquêtes sont des poupées russes! » pense-t-il alors. « Mais, celle-là, c'est une menace directe! À mon Dieu! Qu'est-ce que je peux faire? »

Carl Neely, âgé de quarante ans, s'est habitué à voir des choses qui sont éloignées physiquement de lui, même s'il trouve ceci bizarre. Au moins, il est rassuré que ses visions à distance ne sont point des hallucinations. Il a déjà vécu de telles visions dès 1997, sauf qu'il était émotivement trop choqué pour y prêter attention. Elles s'intensifient en 1999, ce qui le poussa à consulter le psychiatre Andrew Blackwoood, mais remarquant les effets secondaires des médicaments antipsychotiques, il préfère alors se confier au fils aîné de son premier mariage, David. Les visions à distance lui permettent d'éviter des situations dangereuses, mais aussi de résoudre des enquêtes insolubles à ses collègues. C'est ainsi qu'il remarque l'utilité de son don mystérieux.



Un jour de janvier, à son bureau dans sa maison, Carl Neely pense : « J'ai connu deux mariages qui ont mal terminé, j'ai été à deux doigts de mourir plusieurs fois et je dois vivre avec un don bizarre mais utile... Je sais que dans la famille, il y a forcément un trait de caractère qui se retrouve chez mes parents, ma sœur et moi, ce qui expliquerait tous mes malheurs passés et présents [Cf. Georges Méautis, Aspects ignorés de la religion grecque, Paris, E. de Boccard, Éditeur, 1925, p. 45-46]. Mais lequel? Peut-être l'alcoolisme, la dépression, la mélancolie, ou encore autre chose? Que sais-je? » Il soupire. Il préfère mieux ne pas y penser. Le policier se console avec son fils, David, qui habite sous le même toit, ce qui brise sa solitude et fait de lui son confident de ses visions à distance. Il continue ainsi à résoudre des enquêtes. Il s'encourage aussi en pensant à Tricia Berbari qu'il trouve très charmante. Carl pense alors à tous les plans possibles et imaginables pour lui faire la cour.



En février, Carl Neely voit au cours de ses visions à distance les mêmes images : le Docteur Andrew Blackwood, entouré d'hommes masqués ; une réunion d'hommes masqués en discussion animée autour de sa photographie et de celle de son fils ; une réunion du Docteur Blackwood avec des hommes masqués et des hommes en noir. Le policier, en avertit son fils David lorsqu'il revient de ses cours à l'Université Rockland (il a débuté en septembre 2008 son Baccalauréat en criminologie).

Carl Neely dit en serbe : « Mon cher fils, pour ta sécurité, je te recommanderais de porter un gilet pare-balles et de toujours avoir ton icône de Sveti Sava avec toi. »


Son fils suit les conseils de son père, mais il est quand même la victime des tireurs d'élite, alors qu'il était en route vers l'Université. Il est gravement atteint à la tête, mais heureusement, l'âme errante qu'est Sara Blumenfeld-Neely, sa mère, l'influence de manière à ce qu'il évite la balle meurtrière. De plus, Daniel Miloshevitch agit sur un passant qui appelle aussitôt les ambulanciers. Jim Clancy et Tim Flaherty, influencés par Aiden et Daniel Clancy (qui sont venus dans un flot de lumière), sautent immédiatement dans un véhicule et ramènent le blessé à l'hôpital Mercy.


En après-midi, Carl Neely revient chez lui. Étonné qu'il y a un message vocal, il l'écoute, inquiet. Il s'agit d'un message de la secrétaire de l'hôpital Mercy qui l'informe que son fils David Neely est hospitalisé. Inutile de dire la rage du détective, car il comprend que des espions sont derrière le coup. De colère, il raccroche violemment le téléphone. On dirait un fauve blessé. « Ça », pense-t-il, « c'est impardonnable! » Et il dit à voix haute en serbe : « Ako imate mude, ubite me, ali nemojte mi dirati sina [Si vous avez des couilles, tuez-moi, mais ne touchez pas à mon fils] ! » Et Carl Neely court jusqu'à l'hôpital Mercy, où Jim l'attend. Son ami ambulancier le rassure au sujet de l'état de son fils. Le policier insiste quand même pour le voir. Inquiet, il s'assied sur une chaise à côté du lit de son fils, qui est allongé, inconscient. Il le regarde, ou plutôt le fixe, se refusant à dormir tant que David ne reprendra pas conscience.

Trois heures plus tard, le jeune homme ouvre ses yeux. Remarquant son père à ses côtés, il lui murmure : – Oprosti, tata. Sledeći put, ću biti pažljiviji [Désolé, papa. La prochaine fois, je serais plus prudent].

Carl Neely, ému, réplique : – Nisi kriv [Tu n'es pas fautif].

Le policier embrasse paternellement son fils sur le front. Le jeune homme regarde du coin de l'œil son père, ému. Le père veilla toute la nuit. Seul David dort d'un sommeil profond. Carl Neely pense en serbe : « Il est vraiment un ange! Sa présence me rappelle nostalgiquement ma jeunesse, qui est loin derrière moi... » Il soupire. « Fiston, s'il te plaît, ne quitte pas ton père! Tu sais que je mourrai de chagrin. Je préfère que tu restes en vie, car tu es encore à vivre, tandis que moi, mes meilleures années sont derrières moi... »

La porte de la chambre d'hôpital s'ouvre discrètement. Le détective se retourne rapidement : deux hommes masqués en noir y entrent.

Carl Neely les interpelle en anglais : « Messieurs, sortez immédiatement si vous ne voulez pas voir ce que c'est qu'un policier enragé! » Il sort son revolver de sous sa veste, qu'il pointe sur l'un des deux hommes, qui pointent à leur tour leurs armes vers lui. La voix de son père et le cliquetis des armes réveille David, qui, encore embrumé par le sommeil, ne comprend pas ce qui se passe. Il regarde son père et les deux intrus, étonné.

Le policier dit d'un ton sévère : « Sinko, ne mići se [Fiston, ne bouge pas] ! » Le jeune homme obéit aux ordres de son père et s'allonge tranquillement dans le lit en fixant le plafond de la chambre.

Carl se lève de la chaise sur laquelle il est assis et se positionne face aux espions, entre eux et son fils. Puis il s'adresse aux deux espions en anglais : « Messieurs, je vous propose un duel, un contre un, mais laissez mon fils en paix! »

Les deux hommes masqués éclatent de rire et tirent sur leur interlocuteur, qui, heureusement, a toujours son gilet pare-balles sur lui. Carl tire à son tour, mais par terre, afin de faire reculer ses opposants. Devant l'attitude du policier de Grandview (qui tremble de rage), ils ont compris qu'ils ont réveillé un terrible fauve prêt même à les tuer froidement pour défendre son fils. Les espions prennent donc leurs jambes à leur cou. Le reste de la nuit est tranquille pour les Neely. Néanmoins, Carl ne dormit pas de la nuit, car il craignait que les espions reviennent profiter de leur sommeil pour les tuer. David Neely ne sort de l'hôpital Mercy que deux semaines plus tard. À chaque jour, son père, inquiet, venait à son chevet après son quart de travail. Le manque de sommeil se voyait sur son visage, ce qui effraya quelque peu David, qui dit à son père de ne pas s'inquiéter pour lui; le policier rassure le jeune homme qu'il ne pouvait pas dormir lorsqu'il sait son fils en danger. « D'ailleurs, fiston », ajoute-t-il en serbe, « ne t'inquiète pas pour moi, car je suis habitué à peu dormir, surtout lorsque je travaille de nuit ». Père et fils reviennent ensuite dans leur maison.



D'ailleurs, au début de février, simultanément à ses visions à distance répétitives, Carl Neely reçoit un jour la visite à son bureau du professeur Éli James. Étonné, le policier lui demande la raison de sa visite.

Le professeur répond : – Vous, Monsieur Carl Neely, pour un conseil amical.

– À propos de quoi ?

– De votre fréquentation de mon collègue le Docteur Andrew Blackwood. Je vous avertis qu'il est malintentionné et qu'il compte bien faire de vous son cobaye dans l'Institut psychiatrique de Grandview, car il a compris que vous possédez une aptitude parapsychologique. J'ai compris ceci à partir de plusieurs rêves et coïncidences qui confirment mon raisonnement. S'il vous plaît, ne vous laissez pas faire!

Le détective, atterré, demeure silencieux; il n'ose croiser le regard de son interlocuteur. Il se contente de murmurer des propos incompréhensibles en serbe et en allemand, puis remercie Éli James de son avertissement. Le professeur sort discrètement du bureau. Carl Neely est perplexe : il ne sait que penser de sa situation, qu'il ressent comme une fatalité du Destin.



À la mi-février, tout se gâte pour le détective : fatigué de voir les mêmes images lors de ses visions à distance, épuisé de ne pas dormir les nuits et fatigué du regain d'intérêt des agences de renseignements secrets des États-Unis, du Royaume-Unis et de la ex-Yougoslavie, auxquelles s'ajoutent celles de la Pologne, d'Israël et du Liban. Il se sent poursuivit. Certains des agents font irruption dans son bureau ou chez lui lorsque son fils est à l'Université. Ils essaient même d'exercer une forme de chantage sur lui, ou parfois, le blessaient intentionnellement et déguerpissaient avant qu'il n'a le temps de bouger du petit doigt. Il a l'impression d'être seul (ou presque, au moins, il se confie à David). Il est déprimé et pense qu'il est (très) nerveux. Carl Neely, sans en avertir son fils, décide de consulter le Docteur Andrew Blackwood, qui lui administre à nouveau les médicaments antipsychotiques que sont la clozapine, la thioridazine et l'halopéridol. Au bout de certain temps de consommation des médicaments antipsychotiques, le policier ressent les même effets secondaires que la dernière fois quand il les a pris : étourdissements, évanouissements, somnolence, troubles cardiaques (qui lui occasionnent parfois une perte de conscience), perte d'équilibre, raideur musculaire, mouvements saccadés, parfois des tremblements, et des troubles du sommeil. Sauf qu'il n'en a cure, surtout quand il comprend dans une vision à distance que le Docteur Blackwood s'est réuni avec un cercle de magiciens pour le rendre fou... Carl Neely est simplement désespéré face à une telle situation, d'autant plus que lors de sa dernière visite chez le psychiatre pour renouveler sa prescription, celui-ci lui a même proposé de se reposer dans l'Institut psychiatrique... Il est enragé, mais au moins les antipsychotiques le rendent moins colérique. Il remarque moins le danger dans lequel il se trouve, lui donnant l'impression de vivre une vie quelque peu « normale ».



Fin février 2009.

Le policier, dans son bureau au Département de la police de Grandview, songe tristement : « La déchéance est proche! On dirait que je cours à ma perte et que je me retrouve en chute libre dans un gouffre sans fond! Adieu Grandview! Bonjour mes confrères les fous! Bonjour, compagnons d'infortune! Là c'est trop! Tu commences sérieusement à délirer! » Il soupire et n'a envie que d'une chose: appliquer un solide coup de poing sur la figure du Docteur Andrew Blackwood et de son cercle de magiciens. Carl Neely fait des efforts pour calmer sa colère ; après plusieurs inspirations, influencé par ses ancêtres, il pense : « Je dois me rendre à l'évidence: j'ai raté ma vie, et je ne suis qu'un jouet entre les mains de ces salopards. Adieu, mes jours heureux! Adieu, ma prunelle! Adieu ma vie! »

Un faible sourire aux lèvres, il s'assied sur sa chaise et se concentre sur une enquête en cours. Il ne parvient pas à se concentrer, car ses pensées vont dans tous les sens, des plus pessimistes aux plus optimistes. Le policier pense : « Je le sais très bien que le suicide est le plus horrible crime que je puisse commettre envers moi-même et envers le Très-Haut. Comme l'écrivit si bien Athénagore dans sa Supplique au sujet des chrétiens, «le mal est opposé à la vertu et la loi divine» [introduction et traduction de Gustave Bardy, Paris, Éditions du Cerf ; Éditions de l'Abeille, Lyon, 1943, III, p. 78]. Ah! Pauvre malheureuse créature! Mais enfin... Carl, ressaisis-toi! Tout n'est pas perdu! Tu es capable de tenir tête à ces salauds! » De rage, il serre ses mains en des poings fermés et frappe solidement sur le bureau, puis se frappe solidement la tête contre le bureau. Les feuilles, sous l'effet des coups, volent autour du bureau. Carl, étourdi par le coup de tête sur le bureau, se lève et ramasse les feuilles. Une fois rassis sur sa chaise, il range les feuilles dans un tiroir et sort son icône portative pour prier. Après quelques minutes, il la range, sort de son bureau et revient chez lui, où il s'allonge sur le canapé, perdu dans ses pensées, pensées qui sont celles de ses ancêtres et de sa Marianne, sa seconde épouse, ce qui le laisse quelque peu perplexe.


Rassuré que ses visions à distance se font plus rares (sauf les plus intenses), le détective continue ses enquêtes. Évidemment, il cache à son fils ses pilules, qu'il prend régulièrement. Il obtient même du Docteur Blackwood une prescription illimitée de ses médicaments, lui permettant toujours d'en avoir à portée de main simplement en montrant la lettre du psychiatre dans une pharmacie. Ceci inquiète Éli James, qui est au courant de la situation par des synchronicités alors qu'il rencontre sur son chemin le détective ou son collègue. Il en avertit Mélinda Eastman-Clancy, Jim Clancy et David Neely; le fils décide de distraire un peu son père, mais rien n'y fait. Et ce, les vingt-deux âmes de ses ancêtres et celle de Marianne Bazra l'influencent, contribuant à son pessimisme et à son désespoir. De plus, Carl Neely voit même des couteaux et des fourchettes volés vers sa direction dans sa cuisine lorsqu'il se pointe dans le cadre de la porte de cette pièce, ou encore des photographies ensanglantées jetées pêle-mêle dans le salon, le laissant perplexe et l'amenant à conclure sa mort prochaine. Ces phénomènes sont causés par Marianne Bazra-Neely, qui veut que son époux la rejoint, jalouse de l'amour qu'il a pour Tricia Berbari. Évidemment, ils ne surviennent que lorsqu'il est seul chez lui.


Le policier décide de passer dans la boutique d'antiquités de Mélinda Eastman-Clancy pour avoir son avis à ce sujet. Elle s'y trouvait, car Sara Blumenfeld-Neely l'a averti de la prochaine visite de son époux. Carl Neely, en civil, salue la jeune mère qui regarde discrètement ses enfants (Pavle, Aiden et Marie-Anne se promènent dans la boutique). Lorsqu'il se dirige vers le comptoir, Mélinda remarque aussitôt les esprits errants qui l'entourent, à savoir ses ancêtres paternels et maternels, ses deux épouses, sa belle-fille Caitlin Mahoney, Ivan Prorokić, Victor Ferbovani, David Lévêque, Francis Mandeville et Lada Bogdanović. La passeur d'âmes salue le policier en retour et lui demande la raison de sa visite. Lorsqu'il est devant le comptoir, face à elle, Mélinda remarque son regard vide.

Il répond d'un ton neutre : – Je soupçonne être poursuivi par des esprits, car je suis témoin depuis ces derniers temps de phénomènes bien bizarres, à savoir une attaque invisible de couteaux et de fourchettes dans ma cuisine, en plus des photographies sur lesquelles je suis encerclé de sang qui disparaît après quelques minutes. Je comprends ça comme des menaces... Pouvez-vous me confirmer la présence d'esprits chez moi?

– Bien sûr, Monsieur Neely. Seulement que je laisse la boutique à mon associée, Délia Banks, et allons-y tout de suite.

– Merci beaucoup, Madame Eastman-Clancy.

Mélinda appelle les enfants et leur explique en russe qu'ils iront en visite chez un ami. Ils affichent un air triste et Pavle dit en russe : « Maman, ton ami a une mauvaise compagnie, beaucoup de méchants! » Elle caresse affectueusement la tête du petit garçon, rassure ses enfants et appelle son associée, qui arrive aussitôt. Mélinda dit à Délia : « Madame Banks, je dois amener les enfants se promener. Je vous laisse vous occuper de la boutique. Je reviendrai plus tard pour la fermeture. » Son associée hoche de la tête pour toute réponse. Et Mélinda Eastman-Clancy, Pavle Clancy, Aiden Clancy, Marie-Anne Clancy et Carl Neely sortent de la boutique. Le détective amène les passeurs d'âmes chez lui.


Une fois entrée, la mère repère les esprits et confirme leur présence à son ami policier. Les enfants commencent à pleurer lorsque Marianne Bazra-Neely est près de son époux. Mélinda rassure ses enfants, qui regardent avec méfiance Marianne et les vingt-deux ancêtres à la gauche de Carl Neely. Puis, elle se tourne vers le policier, qui, au fur et à mesure des descriptions des différents esprits, s'assombrit. Il lui révèle leur identité. En s'adressant à Marianne, Mélinda lui demande pourquoi elle hante son second époux. L'esprit errant ne lui répond pas.

Adrian Neely réplique : « Madame, je vous recommande de nous laisser régler nos histoires de famille. Mêlez-vous de vos affaires! »

Les méchantes âmes approuvent les propos par un rire diabolique. Mélinda rapporte les propos de l'esprit au policier, qui ne sourcille point. Une autre âme errante s'ajoute à ce concert de rire : Romano. Cette apparition laisse perplexes Mélinda et ses enfants; la femme remarque que le policier trépigne d'impatience et de colère. Il attend que son amie dit quelque chose. Mélinda dit, après s'être éclaircie la voix : « Tous mes respects, Monsieur le détective Carl Neely, mais il semble qu'un sombre esprit sorti tout droit de l'Enfer s'intéresse à vous. Je vous recommanderais de vous armez de branches d'aubépine et de charme pour contrer son influence. »

Le policier, content de la visite de Mélinda, affiche un sourire et la remercie puis la salue avec respect. Ivan Prorokić dit : « S'il vous plaît! Sauvez-le! Vous êtes son dernier secours pour qu'il soit père, alors qu'il mérite d'être tranquille! ». Un esprit lumineux se tient derrière l'esprit errant et confirme ses propos d'un mouvement de tête. Pavle, dont le regard se promène de l'esprit errant à l'esprit lumineux (que Mélinda ne voit pas), comprend aussitôt qu'il est question de Carl Neely. Il fixe le policier puis s'approche de lui; son frère et sa sœur regardent d'un air sévère la scène, en guettant du coin de l'œil les mauvais esprits à la gauche du détective; les mauvais esprits n'osent point bouger, malgré leur rage. Carl Neely, ému à la vue du garçon, lui caresse affectueusement la tête et salue les enfants, qui agitent leurs petites mains en signe d'au revoir. Mélinda, tenant par la main Marie-Anne et Aiden et dit en russe à Pavle de les suivre. Elle salue le policier et les quatre chuchoteurs d'esprits reviennent chez eux.


Une fois les invités partis, Carl Neely s'assied sur une chaise à la table de la cuisine, la tête entre ses mains. Le policier pense bien qu'il est maudit, pour être poursuivi ainsi par des esprits errants et les agences de renseignements secrets (il n'a quand même pas oublié le pacte d'un an qui l'a démoralisé). Maintenant, il est vraiment à son niveau le plus bas. Il pense tristement : « Je suis fatigué de tout. Je ne peux que désirer tout abandonner [cf. Ibrica Jusić, Sit svega toga]. Pourquoi continuer à vivre? Pour attrister une troisième épouse et être responsable de sa mort? Égoïste! Au lieu de penser à une femme qui te fera le ménage parce que tu en as pas l'envie, tu devrais plutôt espérer que ton fils, ma prunelle, se marie et a au moins un enfant avec sa compagne! Ton meilleur temps, à toi, Carl, espèce de vieux salaud, est passé! Pour être si faible, tu devrais te punir comme Saint Bernard: se jeter dans un étang glacé jusqu'à en être presque mort. Ainsi, t'éteindras toute ardeur en toi! » Le policier soupire d'un air résigné. Il pense « On dit qu'un soupir brise à moitié le corps de l'homme [Brakhot 58 a] ». Puis Carl se lève de sa chaise et vérifie que ses boîtes de médicaments antipsychotiques sont à leur place, dans un tiroir sous clé, les sort et prend une pilule de chacune des boîtes et les avale avec un grand verre d'eau. Carl Neely remet les boîtes à leur place, sort son icône portative de Saint Michel et prie jusqu'à ce qu'il s'endort, vaincu par la monotonie de sa position. Son fils, David, le trouve dans cette position lorsqu'il revient de ses cours. Son front est appuyé sur la table de la cuisine, à quelques millimètres de ses mains, qui, elles, tiennent mollement son icône portative, qui est appuyée entre ses mains. Lorsque le jeune homme entre, le bruit de la porte d'entrée et sa voix qui le salue réveille Carl, qui se relève en sursaut et le salue d'une voix pâteuse.

David dit en serbe : – Papa, es-tu sûr que tout va bien? Tu sais très bien que je n'aime pas quand tu as un air si résigné. Reprend courage! Pourquoi es-tu si pessimiste ou déprimé? Mais enfin, qu'est-ce qui t'arrive?

– Ce n'est rien, fiston. Ne t'inquiète pas pour moi.

Il se lève de sa chaise et s'empare de sa main droite de son icône portative pour la ranger dans l'une des poches de son uniforme, mais David lui retient fermement le bras droit. Leurs regards se croisent.

David commente en allemand : – Sérieux, père, avec tous les respects que j'ai pour toi, je constate bien depuis ses derniers temps que tu n'es pas dans ton assiette.

Carl Neely baisse les yeux, fixant la table, et bredouille : – Mêles-toi de tes affaires, mais je t'assure que tout est sous contrôle... Enfin... Presque...

Il se libère de la pression de son fils, prend son icône portative, la range dans l'une des poches de ses pantalons et file dans son bureau, qu'il ferme à double tour. Une fois la porte fermée, le dos appuyé contre la porte, Carl Neely pense : « Ah! Mon Dieu! Qu'est-ce qui m'arrive? » Vaincu, il se laisse glisser le long de la porte, pour s'asseoir par terre, le dos et la tête appuyés contre la porte. Marianne Bazra-Neely et Sara Blumenfeld-Neely l'encadrent, la première à sa gauche, la seconde à sa droite. Chacune essaie d'influencer leur époux. Ce dernier soupire, partagé entre des pensées de différents ordres: celles très pessimistes et celles optimistes. Pour mettre fin à ce conflit intérieur, il sort son icône et la fixe, dans l'espoir que ses pensées se remettront dans l'ordre; en vain. Après quelques minutes, son fils frappe doucement à la porte, ce qui le fait sursauter. Le policier se relève en s'appuyant par la poignée et se retourne vers la porte, la déverrouille puis l'ouvre. Père et fils se regardent : le père sort du bureau et referme la porte derrière lui; son fils lui dit que le souper est réchauffé, à savoir un strudel au fromage. Ils s'attablent dans un silence d'église; seuls s'entendent les bruits étouffés de la mastication. Le policier mange à contre-cœur en fixant son assiette. Il n'ose en aucun moment lever ses yeux vers son fils. Ce dernier, par ailleurs, remarque les mouvements saccadés des mains de son père. Il soupçonne immédiatement qu'il a recommencé à consommer les antipsychotiques.


Après le repas, David fait la vaisselle; son père l'essuie puis la range. Le jeune criminologue en formation voit d'un mauvais œil l'absence d'énergie et de détermination chez son père. « Merde! Papa a sans doute repris ses foutues pilules! Mais pourquoi? Qu'a-t-il encore vu? Il faudrait brûler son papier de prescription illimitée et tout ira mieux! Sauf... Où garde-t-il ce papier rabat-joie? »

Les deux sont près de la table. David Neely dit en allemand : – Papa, es-tu sûr de ne pas être en danger ses derniers temps? As-tu des ennuis avec les espions et des visions? Tu sais que tu peux te confier à moi. Je ne t'ai jamais trahi. C'est plutôt ton état qui m'inquiète...

Carl répond dans la même langue : – Mon cher fils, ne t'inquiète pas pour moi, c'est seulement une fatigue des espions, qui viennent me faire des visites surprises. De plus, je suis fatigué des menaces de mort dont ils me menacent... Je soupçonne qu'il y a aussi des esprits malfaisants qui influence sur ma mauvaise humeur, mais j'ai rien à cirer d'eux... Leur présence est, par ailleurs, confirmée par mon amie Madame Mélinda Eastman-Clancy.

Après quelques secondes de silence, le policier rugit : – Puis-je enfin avoir un peu de répit, espèce de salopards? Fils de pute, si vous avez les couilles, venez tout de suite en finir avec moi!

Carl prend de grandes inspirations pour se calmer. Après deux minutes, d'un ton normal, mais résigné, en hochant tristement de la tête, tout en fixant ses pieds, il ajoute : – Fiston, ne te préoccupe pas trop de moi, car je n'ai pas longtemps à vivre. Je veux seulement que tu sois en sécurité. D'ailleurs, je pense que je ne suis plus normal. Ne te fais pas du souci inutilement pour un pauvre con désespéré et bon à rien qui pense avoir une chance de se remarier, alors que...

Sa voix se brise. Il lève timidement son regard vers son fils, qui lève les sourcils d'étonnement.

David commente : – Père, s'il te plaît, reprends tes esprits! Je ne voudrais pas te perdre définitivement!

Le jeune homme, pour rassurer son père, l'enlace pour témoigner son amour filial. Le policier, touché en son âme paternelle, enlace les épaules de son fils d'un geste protecteur et, s'appuyant contre lui puis murmure en serbe : « Fiston, tu sais que je te protégera toujours. Tu es ce qui m'est de plus précieux dans cet univers. Vivant ou mort, ces salauds ne pourront jamais mettre la main sur toi! Je t'en fais la promesse! Si j'ai tort, tu peux dire comme la mère et la femme de Jacques l'Intercis à ce Saint: À partir de ce moment, tu peux m'être étranger. Je te comprends et je ne m'en fâche pas. Je suis seulement désolé d'être un rabat-joie... »

Pour se consoler, il pleure sur l'épaule droite de son fils, qui tente de le calmer; après quelques minutes, Carl Neely sèche ses larmes, se ressaisissant, et murmure en serbe : « Désolé, fiston, de ma faiblesse. » Il se dégage de son étreinte et reprend un visage de marbre. Le policier s'assied sur une chaise; son fils s'assied en face de lui, le regardant discrètement. Silence lourd. Carl Neely, comme saisit d'horreur, se lève d'un bond de sa chaise, bredouille des excuses à son fils et file au salon, où il s'allonge sur l'un des canapés. Ses ancêtres et Romano l'influencent négativement, de manière à tuer dans sa rage son cher fils. Le policier est perplexe et fâché contre lui-même: « Comment de telles pensées peuvent me venir à l'esprit? » Il ferme les yeux pendant un certain temps, dans l'espoir de chasser de telles pensées de son esprit; en vain. Carl Neely sort son icône de Saint Michel. En la fixant, il se rend à l'évidence du conseil de son amie. Les mauvais esprits, ne supportant point la lueur qui se dégage de l'icône, déguerpissent. Au moins, ceci chasse les mauvaises pensées de l'esprit du détective. Content, il serre son icône portative contre lui, la range dans la poche droite de son pantalon et se lève d'un bond. Il sort de chez lui pour couper des branches d'aubépine et de charme, pour les placer dans plusieurs pièces de sa maison. David, lui, profite de ce délai pour fouiller discrètement dans les armoires de la cuisine, dans l'espoir de trouver le papier de prescription illimitée. Sauf qu'il ne le trouve pas, puisque son père le garde toujours sur lui, dans l'une des poches internes de son uniforme lorsqu'il est au travail, ou dans l'une des poches de son pantalon lorsqu'il est en civil. Ceci déçoit le fils du détective. Il revient donc à sa place initiale, dans la cuisine. Le policier lui explique le conseil de Mélinda; David Neely confirme sa compréhension d'un signe de tête positif.



Carl Neely, amoureux de Tricia Berbari, décide de lui faire la cour qu'en novembre 2009, soit un an après l'annulation de son mariage avec Robert Langowski. Elle habite à Hauteview avec sa fille Natalie. Le policier, en civil, la rejoint durant ses journées libres. Comme il travaille six jours par semaine, il doit vraiment être patient pour conquérir le cœur de Tricia. Il lui écrit des lettres et se fait gentil avec la jeune femme, ce qui lui permet d'oublier un peu sa situation désespérée. En attendant une réponse claire de sa part, il chantonne pour lui-même Balerina de Zdravko Čolić. Voici le texte :


Oči male balerine slučajno sam juče sreo

Čekao kroz godine i volio

Prolazila duga ljeta, al’ sam znao da će doći

Procvjetati poput cvijeta

Jedne ludo tople noći.


Jednu malu balerinu koja u mom srcu pleše

Ček’o sam kroz godine i volio

Prolazila duga ljeta, al’ sam znao da će doći

Jedne ludo tople noći.


Samo ne znam dal’ bi htjela onu igru koju ne smije

Il’ je možda zavoljela tužne rime moje pjesme

Samo ne znam dal’ me hoće, da li ona mene želi

U tom svijetu od samoće gdje smo čudom mi se sreli.




Voici la traduction :


Le regard d'une petite ballerine que j'ai croisé hier,

Je l'ai attendu pendant plusieurs années et aimé.

De longs étés passèrent, mais je savais qu'elle viendra

S'épanouir comme une fleur

Par une nuit incroyablement chaude.


Une petite ballerine qui danse dans mon cœur,

Je l'ai attendu des années et aimé.

De longs étés passèrent, mais je savais qu'elle viendra

Par une nuit incroyablement chaude.


Je ne sais pas si elle voudrait ce jeu auquel elle n'est pas autorisée à jouer.

Peut-être qu'elle aimerait les rimes tristes de ma chanson.

Je ne sais si elle me veut, si elle me désire,

Dans ce monde de solitude où nous nous sommes miraculeusement rencontrés.




Au moins, son amour pour Tricia le motive à rester en vie ; de même pour son sentiment paternel envers son fils. Autrement, il est démoralisé, car, d'un côté, le détective espère bien que la jeune femme l'aime, mais d'un autre côté, il n'est pas certain et pense qu'il a peu de chance de la marier, puisqu'elle ne semble pas manifester de sentiment envers lui. Persécuté par les âmes de ses ancêtres et de sa seconde épouse, Carl Neely est déprimé, à un tel point qu'il essaie une tentative de suicide avec son arme de fonction en mars 2009, alors que son fils était à l'Université; s'il y échoue, c'est en raison de l'intervention de Sara Blumenfeld-Neely, d'Ivan Prorokić, de Victor Ferbovani, de David Lévêque, de Francis Mandeville, de Lada Bogdanović et de Caitlin Mahoney, qui ont influencé le policier de manière à la rater. Malgré que le détective assomme ses visions à distance avec les antipsychotiques, celle du 18 juillet est particulièrement intense et survient au moment où il rencontre son ami ambulancier; et il lui fait une description détaillé du complot contre lui. Sinon, le reste du temps, Carl Neely le passe avec ses enquêtes, ses pilules et ses sombres idées. D'ailleurs, il ne dort pas beaucoup, car la chambre est hantée par Marianne Bazra, puisqu'elle s'était pendue dans leur chambre le 27 février 2004. La combinaison de tous ces faits le fatigue beaucoup; le détective est simplement dégoûté de lui-même, des effets des médicaments (auxquels il est devenu dépendant, en quelque sorte) et de la vie. Il n'y trouve aucun sens. Le détective pense simplement : « Sam mrtav. Ich bin tot. Je suis mort. » Il soupire.


Parfois, lorsque Ivan Prorokić, Sara Blumenfeld-Neely et Caitlin Mahoney influencent positivement Carl Neely, ce dernier reprend espoir en la possibilité de marier Tricia Berbari. Il chantonne des chanson amoureuses pour s'encourager, telles U dobru i zlu de Boris Novković et Pisaću joj pisma duga de Zdravko Čolić. On pourrait très bien imaginer, dans sa grande joie, de chanter les vers : « Quand on a que l'amour / Pour unique raison / Pour unique chanson / Et unique secours » de Quand on n'a que l'amour de Jacques Brel s'il savait le français. Lorsqu'il retombe dans son pessimisme, Carl Neely qualifie Tricia « d'inaccessible étoile » (comme dans la chanson La Quête de Jacques Brel), et pense qu'il n'est pas à sa hauteur (comme dans la chanson d'Ibrica Jusić, Ljubi san vašu ćer, ou encore Mačka du même, ou encore Ti si svjetlo, ja sam tama de Zdravko Čolić). Ses périodes les plus pessimistes, au cours desquelles des idées suicidaires lui viennent à l'esprit s'expliquent par l'influence de ses vingt-deux ancêtres, de Romano et de Marianne Bazra-Neely, combinée avec le lever de Saturne. Ses périodes optimistes, elles, surviennent au cours des journées ensoleillées, journées qui favorisent le plus sa bonne humeur et l'influence des bons esprits qui l'accompagnent.




La nouvelle de la « mort » de Jim Clancy en juillet 2009 a bouleversé le policier, mais il comprend rapidement qu'il est encore en vie (grâce à une vision à distance très intense, qui le laisse surpris). Ainsi, il sait le camouflage de son ami, ce qui le fait sourire, sauf qu'il ne le révèle à personne, par précaution (car on dirait que les murs ont des oreilles à Grandview). C'est pourquoi il promet à Mélinda de la protéger, elle et ses enfants, du mieux qu'il peut. Elle le remercie de cette précieuse aide.



D'ailleurs, Carl Neely accepte, d'août à octobre 2009 de mener l'enquête que lui a soumis Mélinda sur ses prétendants. « Au moins », pense-t-il, « elles permettent de me changer les idées, pour briser ma triste monotonie et ces sombres idées qui me traversent l'esprit. » Il s'attèle à la tâche, avec sa rigueur habituelle.


À la mi-octobre, victime d'un attentat de tireurs d'élite, le policier est transporté, inconscient, par deux ambulanciers complices avec les espions, à savoir Charles Galton et Vincent Blair; heureusement, ils ne l'ont pas reconnu, faisant en sorte qu'ils l'ont sauvé à leur insu. Rendu à l'hôpital Mercy, une équipe de docteurs soignent ses blessures. Les docteurs sont complices avec les espions, d'autres avec le service de contre-espionnage; tous ont reconnu le détective. Au cours de sa période de rétablissement, les docteurs-espions veulent le convaincre d'aller en psychiatrie pour son grand bien, car, encore embrumé de l'anesthésie en raison de l'opération, Carl Neely a maudit les tireurs d'élite et surtout son père qui est derrière le coup. Comme il ne répond pas à leur proposition, les docteurs-espions veulent l'amener de force, mais ceux qui sont dans le réseau de contre-espionnage tentent de les dissuader, en affirmant que ce n'est pas l'homme qu'ils voulaient interner. À ce moment-là, Paul Eastman, averti par Sara Blumenfeld-Neely et Daniel Miloshevitch, fait irruption et menotte tous les docteurs présents; David Neely vole au secours de son père, car il le filait de loin pour les maîtriser (ce sont les seules techniques que son père lui a appris alors qu'il était adolescent), permettant à Carl de sortir, appuyé, tout confus qu'il est, contre Paul Eastman. Les deux policiers se rendent chez Carl Neely; ainsi, le plus âgé voit la présence des esprits autour de son collègue et ceux qui hantent sa maison. Il comprend aussitôt que Marianne Bazra-Neely, sa seconde épouse, et Caitlin Mahoney, sa belle-fille, hantent la maison; la première pour l'amener à elle, la seconde pour le protéger de l'influence de la première. Paul Eastman chuchote à son collègue : « Mon fils, je vous recommande de vous reposer sur le canapé du salon. Je veillerais jusqu'à votre rétablissement. » Son collègue lui obéit, n'ayant pas la force de s'opposer. Une fois le détective de Grandview allongé sur le canapé, Marianne Bazra-Neely s'approche de son mari; Sara Blumenfeld-Neely s'approche aussi. Les deux épouses s'affrontent du regard. Chacune comprend aussitôt que l'autre veut influencer Carl d'une manière différente; Sara veut l'encourager à tenir tête aux espions et à ne pas abandonner la partie si facilement; Marianne veut qu'il la rejoint (et donc, qu'il ne soit plus parmi les vivants, afin que son sang puisse laver les péchés de ses ancêtres et les siens). Paul Eastman regarde la scène sans rien dire, assis sur un canapé face au détective. Il est conscient qu'il ne peut pas faire quelque chose pour aider son collègue, sauf de s'assurer, dans la mesure du possible, un certain semblant de sécurité. Il décide alors d'appeler le Docteur Samuel Popovich, qui fait parti de son réseau, pour veiller sur son collègue. Carl Neely se rétablit deux semaines plus tard.



Le 20 octobre, le directeur général de l'Institut psychiatrique de Grandview décide de payer des employés pour placer des pancartes d'avis de recherche d'homme dangereux. C'est le policier détective Carl Neely. Une photographie accompagne le texte, en précisant qu'une prime de 1500 dollars est offerte à celui qui le livre. Le texte termine avec la phrase suivante : « Un homme souffrant de trouble psychotique avec hallucinations doublé d'un trouble de persécution ne doit surtout pas circuler librement dans notre ville! Merci, chers citoyens de Grandview, de votre précieuse collaboration. »


La journée même, c'est son fils David qui apprend au policier qu'il est recherché, ce qui le laisse désemparé. David le rassure, en lui rappelant qu'il n'est pas complètement seul, car il peut compter sur lui et sur ses amis Jim Clancy, Mélinda Eastman-Clancy et Paul Eastman. Carl remercie son fils de son soutien, mais il n'en est pas plus rassuré pour autant.



Au cours du mois d'octobre, le détective se fait discret pour ne pas être repéré par les employés de l'Institut psychiatrique. Même si son supérieur, John Wellington, collabore avec l'Institut, Carl Neely leur échappe grâce à l'aide de son fils David et de son collègue de Verylongview, Paul Eastman, informé de sa situation grâce à son réseau de contre-espionnage. En temps normal, s'il n'aurait pas consommé les antipsychotiques, le détective aurait vu le danger dans une vision à distance. Sauf que ses visions à distance se font plus rares depuis qu'il a recommencé à prendre régulièrement ses pilules. Cet état des choses ne l'inquiète point; c'est plutôt son fils qui s'inquiète à son sujet, surtout depuis qu'il a compris dans un rêve au cours duquel Sara Blumenfeld-Neely, sa mère, l'informe du danger dans lequel se trouve son père. David, bien sûr, en avertit son père. Le jeune homme trouve simplement malheureux que son père soit si résigné face à un coup monté: il essaie alors de lui relever le moral, mais rien n'y fait.



Au cours des mois de novembre et de décembre, les visions à distance se font plus intenses : des collègues et son supérieur, John Wellington, qui complotent contre lui, planifiant sa mort, mais aussi de son fils, de différentes manières. Carl Neely comprend que la menace est très sérieuse, surtout lorsqu'il rencontre en chair et en os son propre père. « Ah! Ce fils de pute est là! Je ne veux pas qu'ils s'en prennent encore à ma prunelle, à mon cher David! Que le Diable l'emporte! » Par ailleurs, son père le suit. Le détective de Grandview, plus démoralisé que jamais, décide d'accompagner discrètement son fils lorsqu'il se rend à l'Université Rockland. Cette garde rapprochée permet à David Neely d'éviter un guet-apens de cinq criminels payés par Karl Neely en personne; ils ont dû affronter Carl, qui les maîtrise avec l'aide de son fils. De plus, il est assez déprimé et affaibli par les médicaments qu'il consomme, dans l'espoir de mettre fin aux horribles visions qui lui hantent l'esprit... Sans oublier les sombres idées mélancoliques que lui inspirent les vingt-deux âmes de ses ancêtres paternels et maternels, auxquels se joint sa seconde épouse, Marianne Bazra-Neely, qui est une âme qui hante la maison depuis son suicide par pendaison, mais aussi Romano aux moments les plus critiques... Le pauvre détective à l'impression que le ciel lui tombe sur la tête et il pense qu'il est peut-être né sous une mauvaise étoile pour vivre autant de malheurs. À la fin novembre, hanté par l'idée de sa mort prochaine, Carl Neely rédige son testament et le fait savoir à son fils. « Voici, ma prunelle, » ajoute-t-il en serbe, « mon testament. Comme ça, peu importe ce qui m'arrivera, je suis tranquille, car tu es mon seul héritier. » David, attristé de la phrase sous-entendue, console son père, mais rien n'y fait; le détective est inconsolable et est profondément déprimé.



Mais le 10 décembre 2009, le policier quitte Grandview. Paul Eastman et son réseau de contre-espionnage lui fournissent toutes les pièces d'identités de son pseudonyme, à savoir le détective Hermann Ehrlich, né en Siegen, en Allemagne le 5 février 1964. Il a même une carte de service de la police fédérale allemande, du Service de police du Land de la Nordrein-Westfalen (Rhénanie-du-Nord-Westphalie), qui atteste de sa formation de détective. Il a émigré à Sightview, aux États-Unis d'Amérique en 1990, où il exerce le même métier. (Évidemment, il a des faux papiers d'immigration qui sont très crédibles, en raison d'un complice dans le Ministère de l'Immigration). Hermann Ehrlich est un homme aux yeux verts et aux cheveux roux ; pour ce faire, le détective est obligé de porter des verres de contact et de se teindre les cheveux. De plus, il change son uniforme pour une couleur bleue marine, auquel il ajoute des épaulettes et des coussins autour de sa taille pour paraître plus imposant. Et il revêt une grande cape avec une capuche pour cacher son camouflage. Il place les verres de contact de couleur verte dans la poche de la veste de son nouvel uniforme, ses boîtes de médicaments et la lettre du Docteur Blackwood dans une autre poche. Sans oublier son icône de Saint Michel, qu'il glisse dans une autre poche intérieure de l'uniforme. Évidemment, avant de partir, il bénit son fils et lui dit qu'il doit quitter la ville pour une durée indéterminée (sans lui révéler son pseudonyme). Il ajoute, en guise d'au revoir, en serbe : « Fiston, sois prudent et que Dieu te protège! »


Son fils lui réplique dans la même langue : « Père, que Dieu te protège et reviens bien vivant! »



Et le détective sort de la maison après s'être signé trois fois. Dehors, la nuit noire est sa complice, même pas la lune ne brille ; seuls les lampadaires éclairent sa route. Dans un coin, quelques rues plus loin, il ôte la grande cape, qu'il jette dans une poubelle d'un restaurant, et place les verres de contact sur ses yeux. Voilà Carl Neely devenu Hermann Ehrlich. Ainsi déguisé, il se rend à Sightview à pied.






À suivre.

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