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Chapitre 3 : Le don de Jim Clancy

9048 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 28/05/2023 15:12


Grandview, mai 2009.


Jim Clancy est au travail, à l'hôpital Mercy. L'ambulancier, alors âgé de quarante-deux ans, commence à remarquer quelque chose de bizarre : il évalue très bien les premiers soins à donner aux blessés, ce qui étonnent même les docteurs. S'il est si infaillible, c'est en raison de la rétrocognition qui débute à se manifester timidement. Sauf que le mari de Mélinda explique ceci par son expérience. D'ailleurs, il en parle ouvertement avec son épouse. Elle lui suggère la possibilité d'une capacité parapsychologique qu'il ne devrait point ignorer. Jim se rend à son avis, en raison de la certitude avec laquelle il connaît certains détails du passé médical des patients qui se trouvent en sa présence.



Un jour, alors qu'il voit Bobby Tooch ramener à l'hôpital Mercy un blessé, le mari de Mélinda commente au sujet des premiers gestes administrés, lui lançant la remarque suivante au passage : « Pourtant, Bobby, tu sais qu'il faut toujours savoir si un patient est allergique aux piqûres avant de lui administrer ainsi une bonne seringue d'antidouleur, sinon, il s'évanouira. »

Booby lui réplique : « Je sais très bien ce que je dois faire. Mêles-toi de tes affaires! »

Pourtant, il se révélera que Jim a raison; à peine le blessé est transféré sur un lit d'hôpital qu'il s'évanouit, nécessitant une intervention rapide des ambulanciers pour le réanimer. Booby jette un regard bizarre à Jim et pense : « Jim doit jouer le malin, simplement parce qu'il a jeté un coup d'oeil au dossier du patient. Et il me fait la morale. Quelle attitude! » Et les deux ambulanciers se retrouvent dans la salle du personnel sans échanger un seul mot.


Pour Jim Clancy, il s'habitue à vivre avec des certitudes qu'il sait spontanément certains détails du passé de certains individus qu'il rencontre lorsqu'il a à se déplacer pour une intervention d'urgence en tant qu'ambulancier, ou encore lorsqu'il se promène avec sa femme et leurs trois enfants. De plus, l'ambulancier remarque qu'il peut ainsi connaître intuitivement certains détails sur le passé des esprits que sa femme aide. Ainsi, ensembles, ils parviennent à régler plus rapidement les cas des esprits errants qui recherchent l'aide de Mélinda. Cependant, Romano et d'autres sombres esprits de la même espèce n'apprécient point le travail de la petite famille... Et ils décident de venir visiter les enfants, encore en bas âge, pour leur faire vivre des cauchemars. Pavle, Aiden et Marie-Anne se réveillent en pleurant, mais Mélinda accourt aussitôt les calmer. Et les enfants s'endorment à nouveau, rassurés.




En juillet 2009, l'ambulancier rencontre son ami policier Carl Neely. Il l'attend dans une rue perpendiculaire à l'entrée de l'hôpital Mercy, tout en étant dans un angle mort des caméras postées autour de la bâtisse. Il est en uniforme et semble quelque peu inquiet, malgré tous les efforts qu'il fait pour ne rien laisser paraître.

Les deux hommes se saluent et le policier, le regard dans le vague, dit : « Très sérieusement, Jim, fais attention à tes collègues, car plusieurs d'entre eux complotent contre toi... Sois prudent ! Parmi eux, je peux te dire qu'il en un au teint basané aux cheveux noirs et aux yeux bruns, qui est un misérable ver de terre. Un autre est un grand blond aux yeux bleus. » Et le policier lui donne ainsi la description des collègues de Jim Clancy, car il les voit dans une vision à distance. Jim, par la description détaillée, parvient à identifier précisément ses collègues, ce qui, jusqu'à un certain point, l'étonne. Le premier est Bobby Tooch, le second Patrick Discoiani. Les autres sont les suivants : Mathieu Belœil, Richard Voizard, Paul-Émile Benhammou, Henry Cooper, Francis Taylor, Charles Galton, Vincent Blair, Marc-André Tremblay, Vincent Volgyi, Christine Langelier, Alfred Duffy, Serge Brel, Robert Saint-Germain, Andrée Bouchard, Andrew McCafte, Martin Duval, Émile Clermont, Georges Chénier et William Kinsey. Fin de la vision à distance.

Et Carl Neely ajoute aussitôt : « Pour ta sécurité, je te recommande de quitter Grandview. Bonne chance! »

Avant que Jim puisse ajouter quoi que ce soit, le policier le salue et se rend à la station de police.

L'ambulancier, perplexe, entre dans l'hôpital, où les collègues mentionnés l'attendent. Ils se saluent et Jim décide de se tenir un peu à l'écart, question de les avoir à l'œil. Il n'a quand même pas oublier les techniques policières que lui a enseigné son beau-père pour filer discrètement quelqu'un. Comme une intervention d'urgence est exigée à l'extérieur de Grandview, Bobby Tooch propose à Jim et à Francis Taylor de le seconder. Jim refuse poliment, ayant l'impression que c'est un piège. Le regard complice que se jettent Bobby et Francis confirme son impression. Mais les deux collègues de Jim n'essayent pas d'insister et ils embarquent dans une voiture d'ambulance. Ils reviennent rapidement avec un « blessé », mais le mari de Mélinda comprend aussitôt qu'il n'est pas vraiment blessé, mais seulement endormi. Par prudence, il préfère faire semblant de ne pas remarquer ce « patient » et se tient loin de lui. Lorsque Jim revient le soir chez lui, vers 22h30, ses enfants et sa femme dormaient depuis un certain temps. L'ambulancier s'endort aux côtés de sa femme, en l'enlaçant tendrement.




Le 18 juillet, Carl Neely et Jim Clancy se rencontrent à nouveau ; le policier a encore vu au cours d'une vision à distance les vingt-et-un collègues en réunion avec des espions, ce qui lui fait craindre le pire pour son ami. Jim comprend qu'il doit faire confiance au réseau de contre-espionnage de son beau-père. Cette rencontre sera la dernière entre l'ambulancier et le détective.



Deux jours plus tard, Jim a congé et profite de la journée avec sa famille. Les enfants sont amenés dans le parc de Grandview, où ils jouent dans le module à jeux. Les parents sont assis sur un banc et regardent leurs enfants, des lunettes fumées sur le nez. Sur le banc voisin, un vieux couple les salue en russe : Mélinda leur rend leur salutation. Ce sont ses parents. Paul Eastman lui dit en russe : « Mon gendre, je te conseille de quitter cette ville, si tu ne veux pas mourir. » Et Paul et Élizabeth sortent du parc avant que leur fille ne puisse ajouter un seul mot.

Jim lui murmure à l'oreille en russe : « Mél, je comprends que la menace dont m'a averti Carl est sérieuse. Je ne peux pas l'ignorer. Je dois alors quitter cette ville sous une fausse identité. Tu sais que je fais confiance à ton père. Je ne doute pas de son aide. » Puis il l'embrasse sur les lèvres, avant que sa femme ne puisse dire un mot. Et la famille revient dans leur maison, où Jim, après avoir envoyé les enfants dans leur chambre, partage avec Mélinda son plan.

Au moment où ils s'asseyent sur l'un des canapés au salon, quelqu'un frappe à la porte. Jim accourt au-devant et l'ouvre: c'est Paul Eastman en civil. Le beau-père entre et s'assied, à l'invitation de Jim, sur un canapé face au couple.

Il dit en russe : « Ma fille et mon gendre, je sais dans quelle situation délicate vous vous trouvez, déchirés entre la séparation ou la possibilité de la mort de l'un d'entre vous. » Il fixe intensément Jim et poursuit : « C'est pourquoi je suis venu maintenant, afin de t'aider, Jim. C'est un ami de mon réseau et Carl qui m'ont informé de ta situation. Le meilleur, c'est de simuler ta mort et de revenir à Grandview avec une fausse identité toute faite. »

Paul Eastman remet à son gendre une enveloppe brune scellée contenant un passeport, un certificat de naissance, une carte d'identité, des diplômes et un certificat de l'Ordre des médecins. Ce sont des papiers identifiés au nom du Docteur Sam Lucas. Il est le fils de Gerald Lucas et de Nancy Lucas et le frère aîné de Jordan. Il vit à Sightview, sa ville natale, où il a complété toute sa scolarité en médecine, mais il est en recherche d'emploi. D'ailleurs, il est né le 20 janvier 1970. Sam Lucas est un homme blond aux yeux bleus. Il est célibataire. Paul ajoute : « De plus, Jim, je t'invite à suivre deux cours-séminaires à l'Université de Sightview (auprès d'un médecin complice), afin d'être plus crédible dans ton jeu de rôle. Pour le reste, fais-toi confiance! » Puis il salue son gendre et sa fille et sort de leur maison. Paul Eastman revient chez lui à Verylongview.


Une fois Paul sorti, Jim dit en russe à sa femme : « Dieu merci, ton père est vraiment efficace ! Dans ce cas, j'exécute immédiatement notre plan: simulation de ma mort, en affaiblissant mes signes vitaux (ne t'inquiète pas, ma chérie, je sais très bien la dose à prendre), puis Tim, Éli James et un médecin complice m'aideront et le tour est joué! Et mon amour, je te promets que je reviendrais à toi. Tu sais que toi et nos adorables enfants, vous êtes ce qui est de plus cher dans mon cœur! » Évidemment, l'ambulancier montre furtivement à sa femme les papiers; au moins elle saura que si Sam Lucas est présent à Grandview, c'est son mari. Il embrasse Mélinda, qui commence à pleurer. Jim lui murmure doucement à l'oreille : « Console-toi, ma chérie! Tu sais que je ne t'abandonnerais pas et que notre amour est plus fort que tous nos ennemis réunis ensemble! » Il l'embrasse ensuite sur les lèvres, les joues et le front, ce qui la calme aussitôt, et elle sèche aussitôt ses larmes puis l'embrasse en retour sur les lèvres. L'ambulancier se lève du canapé et se rend dans la cuisine, où il sort de l'une de ses poches de pantalon deux petites boîtes de pilules qu'il dépose sur la table. Mélinda le suit et se tient dans le cadre de la porte de la cuisine, inquiète pour son époux. Ce dernier se verse un verre d'eau. Il se signe et avale quelques comprimés avec le verre d'eau, puis fait signe à sa femme de ranger les médicaments, ce qu'elle fait aussitôt, en les rangeant dans une armoire inaccessible aux enfants. Une fois que les médicaments ont faits leurs effets et que son époux s'est écroulé sur la table, comme raide mort, la jeune mère appelle les ambulanciers. Tim Flaherty (qui est complice, mais sans être dans le réseau de contre-espionnage, seulement parce qu'il veut que son ami soit en sécurité) et un autre collègue (qui ignore tout de l'histoire), étonnés, accourent aussitôt. Constatant l'absence des signes vitaux, ils concluent la mort de Jim et l'amènent à la morgue. Mélinda en informe les enfants lorsque les ambulanciers ont quitté la maison et tous pleurent à chaudes larmes. La mère, malgré ses larmes, tente du mieux qu'elle peu de rassurer Pavle, Aiden et Marie-Anne.


Le soir, Tim Flaherty, Éli James et un médecin complice du réseau de contre-espionnage se rendent dans la morgue pour donner à Jim Clancy ses faux papiers, une chemise à manches courtes de couleur grise, un pantalon d'uniforme gris, un sarrau blanc et un colorant à cheveux. L'ambulancier se teint ainsi les cheveux, qui deviennent blonds et revêt les vêtements d'uniforme médical. Ainsi déguisé, Jim Clancy est devenu le Docteur Sam Lucas. Le psychologue lui donne deux derniers conseils : changer son accent lorsqu'il parle l'anglais et changer un peu sa démarche et quelques habitudes, afin d'être certain de ne point être reconnu. Jim donne une accolade amicale à Tim et à Éli et les deux s'éclipsent. Le médecin, qui refuse de lui révéler son identité, l'accueille chez lui à Sightview.



Le médecin à aménager une chambre d'invité dans sa maison, afin d'enseigner quelques principes de base en médecine. Comme Jim Clancy/Sam Lucas se montre un très bon élève, la formation se termine en décembre 2009. De plus, il passe même des examens, car son professeur est très sévère, mais il les réussit très bien. L'ancien ambulancier en profite pour s'exercer à changer son écriture et son accent. Ainsi, il adopte une écriture presque illisible (caractéristique des gribouillis de docteurs) et un accent légèrement britannique. Entre-temps, Paul Eastman leur rend visite pour apprendre à son gendre les techniques policières pour maîtriser un homme (qu'il soit armé ou non). Étonné, Jim lui en demande la raison; le policier, un sourire énigmatique aux lèvres, répond : « Rien n'est inutile. » Aussi, il rend visite à ses « parents » et à sa « sœur », qui existent réellement et qui vivent à Sightview. En réalité, Gerald et Nancy Lucas ne sont que les parents de Jordan. Mais sont indirectement impliqués dans le réseau de contre-espionnage, d'où leur consentement au rôle de « parents » de leur « fils » Sam. Ils se parlent comme des familiers.



En décembre 2009, Jim Clancy/Sam Lucas remercie son professeur et se trouve un petit appartement à Sightview. Une fois installé dans l'appartement, il pense : « Officiellement, je suis Sam Lucas... Désolé, le Docteur Sam Lucas, fils de Gerald Lucas et de Nancy Lucas et frère aîné de Jordan Lucas. Je dois m'habituer à ma nouvelle identité. Au moins, comme je suis ambulancier, je reste dans la branche médicale. Quelle manière de devenir d'une manière rapide docteur sans faire d'études universitaires. Je n'ai fait que des cours d'appoint (ce qui m'évite tout le blabla sur le système psychomoteur et en biologie). Vraiment, je remercie mon beau-père. Il est génial! Mais ça ne change pas: Ma Mélinda, tu me manques terriblement! De même pour Pavle, Aiden et Marie-Anne, mes enfants chéris! »

Et il sort de son portefeuille (par ailleurs, que Jim traîne toujours avec lui, dans l'une de ses poches internes de son uniforme lorsqu'il est au travail) une photographie de Mélinda et murmure en russe: « Mon amour, je t'aime! » Son alliance, elle est restée auprès de sa femme, afin de pouvoir se remarier avec la même bague.



Un jour de décembre, alors que le nouveau docteur se dirige à pied vers l'hôpital de Sightview, où il trouva un poste temporaire, il rencontre, en contre-sens, un homme costaud aux yeux verts et aux cheveux roux qui le fixe. En raison de son attitude, de sa démarche et de ses épaules imposantes (un vrai armoire), le docteur comprend qu'il est un policier en civil. Même si chacun continue leur chemin, le policier regarde discrètement Jim Clancy/Sam Lucas jusqu'à ce qu'il disparaisse de sa vue.




Pendant ce temps-là, à Grandview.


Officiellement, le 27 juillet 2009, les « funérailles » de Jim Clancy sont organisées. Mélinda décide de faire une cérémonie privée (à laquelle ne sont invités que Tim Flaherty, Carl Neely, ses parents et sa belle-mère, tous vêtus en bleu marin, pour respecter le code vestimentaire à un enterrement, à savoir des couleur sobres), afin d'éviter les collègues de son mari, qui sont étonnés de retrouver son nom dans la rubrique nécrologique des journaux locaux de la ville. Certains sont attristés (des collègues qui l'apprécient bien), d'autres (ceux qui complotent contre Jim) jubilent dans leur for intérieur et fêtent l'événement par une fête privée chez l'un d'entre eux avec du vin ou du whisky, selon les préférences. Ils se permettent cet petit excès, car ils ont trois jours de congé.


Après, la vie reprend son train-train quotidien : les ambulanciers poursuivent leur travail avec un collègue en moins; Mélinda s'occupe seule de leurs trois enfants et laisse la boutique à son associée Délia Banks, qui accepte de l'aider. De plus, elle en informe Faith Clancy et sa propre mère, qui viennent les fins de semaine garder leurs petits-enfants, permettant à Mélinda de s'occuper un peu des esprits errants. « Au moins, » pense la jeune mère, « en attendant le retour de mon cher mari, je peux bénéficier de l'aide de mon père et de nos amis Carl Neely et Éli James. Je ne suis pas seule pour régler les histoires des esprits errants. Mais, Jim, tu me manques! Pourquoi dois-tu me faire ce coup-là? » Le soir, elle serre l'uniforme d'ambulancier de son époux, ou encore l'oreiller du côté de Jim, en pleurant. Mais au moins, elle s'encourage pour bien élever leurs trois enfants, qui sont des vrais anges. D'ailleurs, elle leur apprend le russe et l'anglais, en plus de les encourager avec leur don de voir les esprits.



Il ne faut pas oublier qu'au mois d'août, de nombreux collègues de Jim, surtout Andrew McCafte, Martin Duval, Émile Clermont, Georges Chénier et William Kinsey, et le professeur Richard Payne (qui n'est pas parti en Orient pour enseigner) veulent essayer de convaincre la jeune « veuve » de choisir un époux. Même Délia tente de la convaincre, pour éviter de voir sa boîte aux lettres envahie de différentes demandes de mariage et d'autres lettres amoureuses. Mélinda demande à son ami policier d'enquêter sur les différents prétendants. Il accepte d'un air froid, ce qui étonne la jeune femme. D'ailleurs, Christian Eastman revient pour protéger sa petite-fille de ses prétendants; il lui conseille de ne lire aucune lettre. Mélinda suivra ce conseil.


En octobre, Carl Neely téléphone à Mélinda pour lui rapporter les fruits de ses recherches; elle remarque qu'il ne vient pas seul... Le policier est accompagné des vingt-deux âmes de ses ancêtres, de Marianne Bazra-Neely (qui a les traces de la corde avec laquelle elle s'est pendue) (qui sont à sa gauche), de Sara Blumenfeld-Neely, de Victor Ferbovani, de David Lévêque, de Francis Mandeville, de Lada Bogdanović et de Caitlin Mahoney (une fillette de huit ans, visiblement en colère contre sa mère) (qui sont à sa droite). De plus, des cernes sous ses yeux confirment son manque de sommeil.

Mélinda lui demande : – Monsieur Carl Neely, êtes-vous sûr que vous allez bien? On dirait que vous ne dormez pas bien depuis ses derniers temps?

Le policier répond d'un signe de tête positif et ajoute : – Ne vous inquiétez pas pour moi, Madame Mélinda Eastman-Clancy... Je vais bien... Enfin, plus ou moins bien... Mais j'ai trouvé tous les documents concernant les individus dont vous voulez que je mène des enquêtes.

Et il sort d'un grand sac bleu beaucoup de documents et dit d'un ton sec : – Bonne lecture!

L'une des âmes à sa gauche (nul autre que Elvin McNeilly/Neely, son pseudo-arrière-grand-père paternel) murmure quelque chose à l'oreille gauche de Carl Neely; Sara Blumenfeld-Neely le foudroie du regard. Le policier, dont la mine s'est assombrie, salue respectueusement Mélinda, qui lui explique la configuration des esprits autour de lui. Il hoche la tête et lève les épaules d'un air résigné et sort de la maison de son amie pour revenir chez lui. Cette rencontre serait la dernière entre Mélinda Irina Eastman-Clancy et Carl Neely.


Voici en résumé les informations concernant ses prétendants, dont certaines sont confirmées par des visions : Andrew McCafte est un ambulancier malhonnête recruté par un réseau d'espions indirectement rattaché à la CIA. Martin Duval est recruté directement par la CIA pour laisser mourir des gens sur commande. Émile Clermont est aussi sans scrupules, réputé pour tuer les patients sous sa responsabilité, sauf qu'il travaille pour la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, l'une des branches des services de renseignements français). Georges Chénier, lui, est coupable du meurtre de son épouse, Camille Labelle-Chénier, en raison de ses capacités de médium. William Kinsey, lui, est accusé d'agressions sexuelles sur des mineurs, sauf que son dossier criminel a été lavé par un espion du FBI, agence de renseignements qui l'a recruté pour tuer impitoyablement des individus indésirables. Quand à Richard Payne, Carl Neely trouve un document assez curieux, à savoir un document d'archives qui traite d'une correspondance entre le professeur et un interlocuteur non-nommé, qui est visiblement membre d'une confrérie secrète. D'ailleurs, une vision confirme à Mélinda Eastman-Clancy que le professeur s'est initié dans une confrérie occulte avec d'autres collègues de l'Université Rockland au cours d'un bal vénitien organisé dans le sous-sol de l'Université... La jeune mère décide de se tenir loin de ses prétendants. Lorsque Délia Banks se fait trop insistante, elle lui réplique : « Madame Banks, à mon âge, je sais comment agir! Mêlez-vous de vos affaires et de votre vie! S'il vous manque quelque chose, eh bien trouvez-vous en un mari, mais laissez-moi tranquille! » Son associée n'ose rien répliquer après de tels propos. Elle est même vexée. Depuis, les deux femmes sont un peu à froid, mais Délia aide néanmoins la jeune mère avec sa boutique d'antiquités. Son fils, Ned, vient les aider aussi.





Mais, revenons à Jim...


Sightview, janvier 2010.


Jim Clancy/Sam Lucas est dans son appartement. Il travaille temporairement à l'hôpital universitaire, en tant que remplaçant, car le docteur qu'il remplace est en vacances jusqu'en avril. Jim Clancy/Sam Lucas est bien accueilli par ses collègues. Il se débrouille bien dans son nouveau métier. Il remarque que sa rétrocognition lui est très utile pour évaluer le patient devant lui, permettant de proposer les traitements appropriés. Au moins, il place son don sur le fait qu'il est un un bon étudiant, fraîchement sorti de l'Université. Jim Clancy/Sam Lucas passe ses journées entre le travail et son passe-temps, les promenades dans la ville de Sightview, ou encore à penser nostalgiquement à Mélinda et à leurs trois enfants dans son petit appartement. Sinon, il écoute dans ses temps libres des chansons russes, telles que Kalinka et Katioucha, afin de ne pas oublier son russe. De plus, il a beaucoup de travail pour éloigner les docteurs femmes, les infirmières et les femmes blondes qu'il rencontre et qui voudraient se glisser dans son lit... Le docteur Jim Clancy/Sam Lucas leur fait comprendre qu'elles ne sont pas a son goût. Il n'en a cure des rumeurs qui circulent entre ses collègues, qui murmurent qu'il serait un mysogyne et qu'il a peut-être une préférence pour les hommes.


Un jour, il rencontre sur son chemin à nouveau le policier roux aux yeux verts, qui lui lance au passage la remarque suivante (en parlant anglais avec un fort accent allemand) : « Faites attention à une infirmière blonde aux belles formes! Elle est une vipère blessée! » Jim comprend aussitôt qu'il fait allusion à l'infirmière Rachel Laffitte. Étonné, mais avant qu'il puisse demander à son interlocuteur quoi que ce soit, le policier lui intime le silence par un geste de la main et continue sa route comme si ce n'est rien. Le docteur est prudent lorsqu'il rencontre l'infirmière en question, ce qui lui évite un coup monté qui aurait nuit à sa réputation. D'ailleurs, il faut souligner que s'il parvient à échapper aux femmes qui cherchent à le séduire, c'est grâce à sa fermeté à demeurer fidèle à Mélinda et à l'aide de son père et son frère (qui, bien qu'ils sont partis dans la Lumière, sont revenus pour détourner de Jim des demoiselles en détresse et des vipères).



Vers la fin du mois de janvier, il voit qu'un policier en uniforme est transporté d'urgence à l'hôpital... Il remarque que c'est à nouveau le mystérieux policier roux aux yeux verts, qui est inconscient... Jim Clancy/Sam Lucas dit d'un air grave aux ambulanciers qu'il s'occupe de ce patient. En regardant de plus près, il comprend (grâce à sa rétrocognition) que des mauvais esprits l'ont poussé à faire une tentative de suicide, heureusement ratée, en s'entaillant les deux poignets avec un couteau de cuisine. Le docteur se dépêche alors d'agir. Il comprend, lui et ses assistants, que le blessé porte des épaulettes pour paraître plus musclé, ce qu'il trouve comique, mais n'en dit pas un mot à ce sujet.

Lorsque le policier ouvre les yeux, il sourit faiblement au docteur et le remercie de son aide. Jim Clancy/Sam Lucas remarque qu'il parle avec un fort accent allemand. Il lui demande de décliner son identité afin de constituer son dossier médical.

Le policier répond : – Hermann Ehrlich.

– Quand et où êtes-vous né ?

– Je suis né le 5 février 1964, à Siegen, Nordrein-Westfalen, euh.. Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Westdeutschland, Allemagne de l'Ouest, Bundesrepublik Deutschland...Euh.. République fédérale allemande... Désolé, aujourd'hui en République fédérale d'Allemagne.

– Quel est votre statut marital ?

– Je suis célibataire.

– Quelle est votre adresse ?

– 134, rue Westernest, à Sightview, appartement numéro 5.

– Merci beaucoup, Monsieur Hermann Ehrlich. Reposez-vous bien.

Vielen Dank, Herr Doktor... Merci beaucoup, Monsieur le docteur.

– Docteur Sam Lucas.

– Merci beaucoup Docteur Lucas !


Et le policier s'endort aussitôt, très fatigué. Jim Clancy/Sam Lucas comprend, grâce à sa rétrocognition, qu'il connaît ce policier... Il se souvient seulement de l'avoir vu à Signtview il y a un peu moins d'un mois. « Enfin, je ne vais quand même pas en plus enquêter sur un policier! Je suis docteur! Assez de changement de métier! » pense-t-il.



Lorsque Hermann Ehrlich se réveille le lendemain, effrayé, Jim Clancy/Sam Lucas le calme et lui demande la raison de son agitation. Il refuse de lui répondre. Il se lève à moitié sur son lit, terrorisé, mais le docteur le maîtrise, le forçant à se rallonger sur le lit. Étonné, le policier obéit. Le fixant de ses yeux verts, il lui demande où il a appris les techniques de maîtrise. Le docteur lui répond qu'une bonne connaissance les lui a appris. Cependant, Hermann Ehrlich refuse de manger et de dormir. Un jour, au cours de son rétablissement, lorsqu'il l'écoute distraitement, Jim Clancy/Sam Lucas comprend, malgré que le policier parlait en allemand, que des méchants esprits le persécutent. Le docteur le prend en pitié, mais il ne sait pas comment aborder la question avec lui. Il pense : « Ma Mélinda, tu me manques! Au moins, tu pourrais me confirmer les esprits autour de ce mystérieux homme. Soit il est leur victime, soit il les est appelé à lui et il n'est pas plaindre! Ah mon Dieu, j'espère que je comprendrai son cas! »

Le docteur se signe et prie en son for intérieur; il comprend intuitivement grâce à sa rétrocognition que le détective Hermann Ehrlich est la victime de plusieurs méchants esprits, en raison de l'action de quelques médicaments et d'un psychiatre qu'il a rencontré il y a quelques mois – c'est la combinaison de ces facteurs qui sont responsables de son état. Jim Clancy/Sam Lucas soupire. Il entre dans la chambre, faisant sursauter le détective qui le supplie de ne pas l'interner en psychiatrie. Il est tout à fait fonctionnel, mais seulement un peu désespéré et persécuté. « Je sais, Herr Doktor », ajoute Ehrlich, « que je ne suis pas tout à fait normal, car je parle avec moi-même en raison du fait que ma solitude me tombe très lourd. Si ça vous ennuie, renvoyez-moi de l'hôpital! »

Jim Clancy/Sam Lucas le rassure : – Monsieur, il faut simplement que vous reposez, et tout ira mieux. On dirait que votre crainte de l'internement se base sur votre passé... Sauf que je ne veux pas vous blesser...Au contraire, il ne faut pas trop faire confiance aux psychiatres, surtout lorsqu'ils sont malintentionnés.

Ehrlich, dont sur son visage se lit l'étonnement, mais seuls ses yeux demeurent inexpressifs, dit : – Merci beaucoup de votre conseil, Herr Doktor.

Après, les deux hommes n'osent pas échanger un seul mot pour un certain temps, puisqu'il semble que le docteur a touché à une corde sensible chez le détective. Ce dernier sort de l'hôpital après deux semaines, soit le 12 février.



Depuis, Jim Clancy/Sam Lucas ne revoit pas sur son chemin ce mystérieux policier, sauf une fois, en uniforme, alors qu'il patrouille la ville. D'ailleurs, l'Allemand est le seul policier qui ne conduit pas de véhicule de fonction, ou bien qui insiste pour qu'un autre collègue conduit le véhicule; ceci fait de lui le détective excentrique de Sightview. S'étant reconnus, les deux hommes se saluent mutuellement; le docteur comprend intuitivement que le policier est déprimé, dépressif. Il essaie de le réconforter, malgré qu'il trouve ses yeux verts repoussants; il le trouve néanmoins sympathique, sans qu'il puisse s'expliquer pourquoi. Le détective Hermann Ehrlich le remercie et continue sa route. Jim Clancy/Sam Lucas le regarde discrètement. Il décide de filer ce mystérieux policier. Après son quart de travail, le détective se rend dans son appartement, qui est effectivement à l'adresse mentionnée dans son dossier médical, à savoir 134, rue Westernest, numéro 5. En observant, perché sur un arbre près de l'immeuble, avec des jumelles, Jim remarque que Ehrlich, même s'il ôte son uniforme, conserve toujours son gilet pare-balles sur lui. Il ôte ses épaulettes, ce qui diminue la largueur de ses épaules. Cependant, Jim ne remarque pas qu'il ôte rapidement des lentilles, puisque les jumelles ne lui permettent pas de voir si précisément (les jumelles ne sont quand même pas une longue-vue). Une fois assis sur une chaise dans sa petite cuisine, le policier allemand semble mener un monologue animé, en gesticulant beaucoup avec lui-même puis sort du réfrigérateur une bouteille de vin, dont il s'en verse un verre puis la range. Après avoir siroté son verre, il sort son revolver de son fourreau et le dépose sur la table. « On dirait un homme résigné, convaincu par des mauvaises suggestions, peut-être d'esprits malveillants », pense Jim Clancy/Sam Lucas, qui regarde de loin la scène, « En tout cas, il fait vraiment pitié! Pourtant, c'est un bon détective, bien que la couleur de ses yeux ne m'inspirent pas confiance, mais toute sa personne ne souffre pas de malhonnêteté. »

Ehrlich, après avoir joué avec son arme, la prend. Sa main droite tremble, mais il parvient néanmoins, d'une manière très froide, à tirer sur sa tempe. Il s'écroule sur la table. Heureusement, les voisins de l'appartement au-dessous du sien ont immédiatement appelé les urgences. Inconscient, le policier allemand est amené à l'hôpital, d'où il en sort une semaine plus tard, soit le 19 février. Comme les docteurs ont remarqué que la couleur de ses yeux n'est pas la même, ils ont vite fait circuler la rumeur qu'il est un agent double bizarre qui se camoufle avec des verres de contact de couleur verte, mais qu'il a les yeux noirs.



Quelques jours après cette dernière hospitalisation, Jim Clancy/Sam Lucas rencontre à nouveau à l'hôpital de Sightview le détective Hermann Ehrlich. Sauf qu'un autre collègue s'occupait de lui. Le détective sort de l'hôpital après deux semaines, le 8 mars 2010, très fatigué. Lorsque Jim Clancy/Sam Lucas le croise alors qu'il sortait de l'hôpital, il comprend qu'il n'a pas les yeux en face des trous en raison de terribles nuits cauchemardesques.


Dans la salle d'attente du personnel, Jim Clancy/Sam Lucas entend ses collègues discuter entre eux de Hermann Ehrlich. Ainsi, il apprend que le policier est un client régulier de l'hôpital depuis le mois de décembre, car il essaye diverses tentatives de suicide, tantôt avec son arme de fonction, tantôt avec un couteau de cuisine, tantôt en se blessant avec des bris de verre. Parfois, les ambulanciers l'ont retrouvé baignant dans son sang, en particulier lors des pleines lunes ou des journées pluvieuses. On dirait que la lune a une influence sur ses idées suicidaires disent à la blague les docteurs de l'hôpital. De plus, il semblerait qu'il consomme quelque chose, puisqu'il ne dort pas beaucoup. C'est un loup solitaire; d'ailleurs, quelle femme le trouverait charmant avec ses yeux verts? Peut-être est-il désespéré en amour (d'une femme ou d'un homme, qui le sais exactement ?), ou un espion louche de la Stasi (Staatssicherheit, les services d'espionnage et de contre-espionnage allemands, qui relèvent du Ministerium für Staatssicherheit (Ministère de la Sécurité d'État)). De plus, Hermann Ehrlich présente de manière épisodique des évanouissements, une perte soudaine de conscience, des troubles cardiaques, une perte d'équilibre, des mouvements saccadés et parfois des tremblements, ce qui en dit long sur des consommations de médicaments ou de quelques autres substances.



Au cours du mois de mars, Jim Clancy/Sam Lucas file le détective. Il découvre ainsi qu'il consomme trois sortes de médicaments. Une fois, en ayant oublié par mégarde les boîtes des médicaments dans les poches de son uniforme, alors qu'il s'est évanouit, Jim Clancy/Sam Lucas, en fouillant les poches de l'uniforme du policier lorsqu'il est ramené à l'hôpital, y trouve trois boîtes de médicaments antipsychotiques, à savoir la clozapine, la thioridazine et l'halopéridol et une lettre de prescription illimitée signée par un psychiatre (sauf qu'il ne parvient point à déchiffrer la signature). « Ces médicaments expliquent les étourdissements, les évanouissements, la somnolence, les troubles cardiaques, les pertes de conscience, la perte occasionnelle d'équilibre, la raideur musculaire, les mouvements saccadés, parfois des tremblements et les troubles du sommeil dont mon pauvre ami est victime. Vraiment, j'ai pitié de lui », pense Jim Clancy/Sam Lucas. Une fois qu'il s'est s'assuré que l'état de Hermann Ehrlich s'est stabilisé, il demande à ses collègues spécialisés en psychiatrie au sujet de l'administration des antipsychotiques. Ils lui répondent que de tels médicaments sont donnés aux patients schizophrènes, souffrant d'hallucinations, ou de tout autre trouble psychotique. Lorsqu'il revient dans la chambre du détective, Jim Clancy/Sam Lucas le prend vraiment en pitié et pense : « Peut-être que Monsieur Herman Ehrlich ne souffre d'aucun trouble psychotique, mais plutôt qu'il voit des choses que les autres ne voient pas, comme ma Mélinda. C'est vraiment dommage qu'il s'assomme avec des médicaments! Mais comment aborder une question aussi délicate? » Et tout à coup lui vient à l'esprit la pensée suivante : « Si j'ai pu découvrir les médicaments du détective, c'est en raison d'un esprit qui le prend en pitié et qui veut que je sache son état. Voilà! » L'ancien ambulancier soupire. Une fois entré dans la chambre, il remarque que le policier fixe le plafond. Il vérifie son état: assez stable. Il lui conseille seulement d'essayer de dormir. Ehrlich répond d'un signe négatif de la tête et continue à fixer le plafond de la chambre.


Le 24 mars, lorsque le détective s'est rétabli après une semaine et demie et que Jim Clancy/Sam Lucas lui permet de sortir, Jim lui demande naïvement : – Monsieur Hermann Ehrlich, pourquoi êtes-vous si pessimiste? Vous vous faites beaucoup de mal avec ces tentatives de suicide répétées. Je comprends que vous êtes célibataire (moi aussi, je le suis), mais je ne désespère pas à trouver la femme idéale pour moi. S'il vous plaît, reprenez courage! D'ailleurs, vous n'êtes pas seul, je peux bien être un ami pour vous. Vous n'êtes pas complètement seul.

Le policier demeure silencieux pendant quelques minutes, le regard baissé vers ses pieds. Il lève ses yeux verts inexpressifs vers le docteur et dit : – Herr Doktor Lucas, je ne recherche aucune pitié de vous, ni votre amitié. D'ailleurs, vous ne trouvez pas suspect un policier fou et paranoïaque? Je m'étonne comment vous ne m'avez pas recommandé de me faire soigner en psychiatrie! Mais j'ai horreur des psychiatres, diese Arschlöcher [ces trous de cul], car... Ils m'ont réduits à rien! Voilà! Je suis fini! Poursuivi par les services secrets, tout le monde est suspect d'être un double agent... J'ai perdu confiance en l'espèce humaine... Je suis misanthrope... Je ne crois à personne, ni à moi-même... C'est pourquoi je fuis l'homme, et... Je me fuis moi-même... Je ne suis qu'un sombre apatride qui veut régler ses comptes... Enfin! J'ai trop dit! Mais j'ajoute cependant : « Brève est la vie de l'homme, restreintes ses connaissances, les générations des hommes sont comme les feuilles des arbres qui se succèdent d'année en année, avait déjà dit Homère » [Georges Méautis, Aspects ignorés de la religion grecque, Paris, E. de Boccard, Éditeur, 1925, p. 135].

– En fait, peut-être que vous exagérez... Peut-être que vous avez ou voyez quelque chose que les autres n'ont ou ne voient pas... Mais pour passer à un autre sujet, puisque le monde de la police est petit, connaissez-vous le policier détective Carl Neely de Grandview?

Hermann baisse les yeux et dit : – Je n'ai jamais entendu ce nom.

– Merci de votre réponse, Monsieur Ehrlich.

Danke, Herr Doktor Lucas... Merci à vous, Monsieur le Docteur Lucas.


Et Jim Clancy/Sam Lucas revient dans la salle d'attente du personnel lorsqu'il s'est assuré que le détective est sorti de l'hôpital. Le reste de la journée est tranquille pour le docteur. Le détective, lui, est revenu dans son petit appartement, où il y reste pour le reste de la journée. Hermann Ehrlich demeure un homme mystérieux pour l'ancien ambulancier, mais les deux hommes sont néanmoins devenus amis. Lorsqu'ils se rencontrent au cours de leurs promenades dans les rues de la ville de Sightview, ils discutent de tout et de rien. C'est ainsi que Jim Clancy/Sam Lucas comprend que Hermann Ehrlich est amoureux d'une femme plus jeune que lui, mais qui semble être à son égard indifférente, ce qui l'exaspère. De plus, il comprend qu'il consomme les médicaments antipsychotiques pour se calmer et pour calmer des hallucinations qui le trouble beaucoup dans sa vie professionnelle et personnelle; ils permettent de sembler normal. Le docteur tente de le convaincre d'arrêter cette consommation en lui expliquant les effets secondaires. Hermann le regarde bizarrement, avec ses yeux verts toujours aussi inexpressifs, marmonne à lui-même quelque chose en allemand et le salue froidement. Il ne le revoit qu'une semaine plus tard, le 1er avril, visiblement dépressif (ce que l'ancien ambulancier comprend intuitivement grâce à sa rétrocognition). Le policier lui sourit faiblement, comme touché par sa bonté, mais conserve un masque de glace qui accompagne bien ses yeux inexpressifs. Il lui lance la remarque suivante : « Herr Doktor, la vie, c'est cette comédie dont nous sommes les acteurs, c'est cette comédie dont les anti-pseudo-héros se meurent. » [paraphrase des vers de la chanson La Vie d'Ibrica Jusić] Puis il court, comme pourchassé, vers la station de police. Jim Clancy/Sam Lucas est inquiet pour lui; il le suit. Le détective allemand ferme la porte de son bureau, où il fait un court monologue à mi-voix à lui-même, mais avant qu'il ne parvienne à pointer son revolver sur ses tempes, le docteur fait irruption et le maîtrise. Hermann Ehrlich le regarde, étonné, mais il n'ose pas manifester d'opposition. Le docteur éloigne l'arme et lui demande la raison de son geste. Honteux, le policier fixe ses pieds en marmonnant des propos quasi inaudibles en allemand. Il s'écrie : « Herr Doktor, pourquoi vous vous préoccupez ainsi de moi? Vous n'avez rien à en cirer qu'un pauvre fou se suicide! De surcroît, qui est un meurtrier! »

Jim Clancy/Sam Lucas répond calmement, en lui tenant les mains : – Et vous, Monsieur Ehrlich, sortez-vous de la tête cette idée de suicide, car elle vous fait plus de mal que de bien. La vie peut être dure, mais il faut lutter.

Le policier lève se yeux inexpressifs vers son interlocuteur et dit d'un ton froid : – Pouvez-vous me laissez en paix? Si je réussis enfin mon suicide, vous aurez un patient de moins. Soyez content que la Terre se débarrasse d'un salaud de mon espèce!

Jim Clancy/Sam Lucas, toujours aussi calmement : – Monsieur, le meilleur, pour l'instant, c'est le repos. Il faut absolument éviter de vous surmenez. Vous me comprenez bien ?

Ja, Herr Doktor... Oui, Monsieur le docteur.

Le docteur relâche le détective, qui le regarde fixement, ses yeux toujours aussi inexpressifs. Le policier marmonne d'un air résigné : « Herr Doktor, si vous pensez que je ne suis pas normal, amenez-moi chez vos collègues psychiatres et que j'y reste jusqu'à la fin de mes jours, si tel est mon destin! »

Il se lève de sa chaise; Jim Clancy/Sam Lucas lui fait signe de se rasseoir; il obéit aussitôt. Le docteur répond d'une voix calme (toujours avec son accent légèrement britannique) : – Soyez rassuré, Monsieur, je ne suis pas rapide à envoyer mes patients chez mes collègues psychiatres. Ce n'est pas parce que vous pouvez voir quelque chose que les autres ne voient pas que vous êtes automatiquement fou. Simplement, peut-être vous avez un don que les autres n'ont pas et vous ne devez pas chercher à nier ce fait. En un mot, acceptez-vous tel que vous êtes et tout ira mieux.

– D'accord, Herr Doktor.

Jim Clancy/Sam Lucas, une fois qu'il s'est assuré que le policier n'essayera pas une autre tentative de suicide, le salue chaleureusement, avec une bonne accolade amicale, et sort de son bureau. Hermann Ehrlich est perplexe, partagé entre deux idées, entre la vie et la mort. Il décide de s'attaquer à une enquête en cours puis après son quart de travail, de rentrer dans son petit appartement.




Pendant ce temps-là, à Grandview.


Mélinda vient de perdre un ami : le détective Carl Neely est porté disparu depuis le 10 décembre 2009, alors qu'il est recherché depuis le 20 octobre par l'Institut psychiatrique de Grandview, dont le directeur général offrait une prime de 1500 dollars à celui qui le livre. Évidemment, David Neely, criminologue en formation, se sent obligé, par respect pour son père, à aider Mélinda Eastman-Clancy dans ses enquêtes d'esprits. D'ailleurs, comme son père est ami de longue date avec Mélinda et Jim, il en informe son fils du don particulier de la jeune femme. David, assez triste de perdre une deuxième fois son père, ne fait que prier pour lui lorsqu'il en trouve le temps, temps partagé entre ses études, la cuisine et les travaux ménagers (faits de manière très sommaire).


Mélinda se console avec ses enfants et l'idée du retour de son mari. De plus, leur ami Éli James la seconde efficacement pour régler les histoires des différents esprits locaux, qui partent ainsi dans la Lumière. Bien que le professeur partage avec elle ses connaissances en philosophie et en psychologie, personne ne peut remplacer son cher Jim... De plus, en décembre, Tricia Berbari vient avec sa fille Natalie à Grandview. Elles s'installent dans un petit appartement pas cher. Tricia et Mélinda deviennent des bonnes amies. Ainsi, la sémite lui avoue qu'elle est amoureuse de Carl Neely, dont elle déplore la disparition... Elles se consolent mutuellement et s'aident pour résoudre les énigmes des différents esprits qui demandent l'aide de la passeur d'âmes. Chacune des femmes espère que l'homme cher à leur cœur reviendra vivant à Grandview.


Délia Banks, entre-temps, rencontre Francis Taylor, du même âge qu'elle et veuf de sa première épouse depuis quelques années; ils se lient d'amitié puis deviennent amants en février 2010. Comme Francis Taylor travaille pour la CIA, il tente de convaincre Délia de se joindre à son activité (en lui vantant, bien sûr, les avantages); elle hésite... Pour finalement accepter son offre. Ceci fait donc de l'agente immobilière la première personne à dénoncer Carl Neely si elle le voit...







Sightview, 5 avril 2010.


Jim Clancy/Sam Lucas a officiellement terminé son emploi temporaire, puisque le docteur qu'il remplaçait est revenu de ses vacances. Une impression le tracasse : celle de connaître depuis longtemps Hermann Ehrlich. « Il est vrai que j'ai rencontré beaucoup d'individus en tant qu'ambulancier et en tant que docteur », pense-t-il, « mais un homme aussi particulier ne peut pas être oublié. Dans quel contexte l'ai-je déjà rencontré? D'où lui vient cette impression de familiarité? Je ne peux pas me l'expliquer. Par ailleurs, le manque d'expression de ses yeux me suggère qu'il n'a pas vraiment les yeux verts... Il porte alors des lentilles! C'est aussi ce que disent mes collègues docteurs. Mais qui est-il alors? De qui il se cache ainsi? Peut-être utilise-t-il le pseudonyme Hermann Ehrlich comme moi celui de Sam Lucas? Seul Dieu le sait. Mais je m'oblige à l'aider dans sa situation désespérée, car il fait vraiment pitié. »



Le 7 avril, le docteur est en recherche d'emploi et postule aux différentes offres aux villes environnantes de Sightview. À sa surprise (surprise feinte), il obtient un poste à l'hôpital Mercy de Grandview. Il en informe le policier détective Hermann Ehrlich, qui le félicite d'un air joyeux, joie qui n'est pas feinte. Les deux hommes se donnent une accolade amicale et Jim Clancy/Sam Lucas se rend à pied à Grandview.


Le 9 avril, heureux de revoir sa ville, qu'il feint de ne pas la connaître, le docteur déambule dans les rues et demande à un passant où se trouve l'hôpital Mercy. L'ancien ambulancier est étonné de savoir que son ami le policier détective Carl Neely est recherché pour être interné dans l'Institut psychiatrique de la ville... Les affiches sont encore là. Il s'inquiète pour lui, en espérant qu'il est sain et sauf. Jim pense : « Il me semble improbable que Carl Neely se cache sous le pseudonyme de Hermann Ehrlich, car un comportement si dépressif ne lui sied point. » Jim Clancy/Sam Lucas trouve un petit appartement à proximité de l'hôpital Mercy. « Maintenant », pense-t-il, « il ne me reste qu'à reconquérir ma Mélinda et à observer mes anciens collègues! » Une fois qu'il passe l'entrevue pour le poste de docteur généraliste, Jim Clancy/Sam Lucas apprit l'identité du médecin complice du réseau de contre-espionnage de son beau-père, car il menait l'entrevue : le Docteur Samuel Popovich. Une fois embauché, l'ancien ambulancier observe ses anciens collègues, en particuliers ceux qui ont comploté contre lui, à savoir Bobby Tooch, Patrick Discoiani, Mathieu Belœil, Richard Voizard, Paul-Émile Benhammou, Henry Cooper, Francis Taylor, Charles Galton, Vincent Blair, Marc-André Tremblay, Vincent Volgyi, Christine Langelier, Alfred Duffy, Serge Brel, Robert Saint-Germain, Andrée Bouchard, Andrew McCafte, Martin Duval, Émile Clermont, Georges Chénier et William Kinsey. Grande est sa surprise lorsqu'il trouve la boîte aux lettres qui explose de déclarations d'amour; il est vert de jalousie, surtout lorsqu'il lut les signatures des prétendants qui courtisent sa femme. Cependant, il remarque que Francis Taylor fréquente Délia Banks, tandis que Bobby Tooch est régulièrement l'objet d'accidents lorsqu'il conduit le véhicule de fonction. Les autres collègues mentionnés ont aussi une mauvaise réputation dans l'hôpital, puisque les patients qu'ils ramenaient mourraient après deux semaines. Jim est étonné de voir son amie Tricia Berbari dans la ville. « Peut-être qu'elle voulait seulement faire changement de Hauteview », pense-t-il. Les journées du nouveau docteur passent entre le travail, les travaux ménagers et la cuisine, en attendant l'occasion de rencontrer à nouveau Mélinda Eastman, à laquelle il pense à chaque jour.


À la mi-avril, Jim Clancy rencontre, au cours de l'une de ses promenades en temps libres, Mélinda et leurs trois enfants. « Des vrais anges! » pense-t-il à leur vue. Depuis, il commence à faire la cour à sa femme. « Ceci me rajeunit! » pense l'ancien ambulancier avec nostalgie. Ils se rapprochent en juin, pour, en juillet, prouver à Mélinda qu'il est de retour. Évidemment, il apprend à nouveau le don de sa femme, ce qui le fait sourire. Malgré qu'elle soupçonne qu'elle soit en présence de son mari, elle se montre quelque peu réservée. « Il est néanmoins possible qu'un espion utilise le même pseudonyme. Je dois donc être prudente », pense Mélinda Eastman, « afin d'être certaine que Sam Lucas est bel et bien mon cher Jim ». Au cours d'une conversation, Jim résout l'énigme qui lui permet d'être reconnu par sa chère Mélinda : lui raconter le contexte de leur première rencontre.



En mai, Jim Clancy/Sam Lucas remarque que Hermann Ehrlich est à Grandview. Il le rencontre alors qu'il déambule dans les rues, comme une âme errante. Les deux hommes, étonnés, se saluent respectueusement. Jim Clancy/Sam Lucas lui dit qu'il a trouvé un emploi à l'hôpital Mercy; le policier dit qu'il est en recherche d'emploi et qu'il veut savoir où se trouve la station de police de la ville. Il lui indique le chemin le plus court pour s'y rendre; l'Allemand le remercie et chacun continue sa route.


En juillet, étant reconnu par sa femme, Jim Clancy, officiellement Sam Lucas, déménage chez elle. Inutile de dire la joie des enfants lorsque Mélinda leur informe du retour de leur père. Évidemment, dans la ville de Grandview circule alors la rumeur que la veuve de l'ambulancier s'est rapidement consolée après la mort de son mari. Sauf que la petite famille et le policier allemand ne prêtent aucune attention à de telles rumeurs. De plus, Jim remarque que le policier commence à tourner autour de Tricia Berbari.


Début juillet 2009, Jim Clancy/Sam Lucas et Mélinda Eastman se (re)marient discrètement dans la rue de leur première rencontre, en la présence seule d'un prêtre et de leurs enfants. Voilà, officiellement, Mélinda Eastman se marie en secondes noces avec Sam Lucas.



Fin juillet, une rumeur circule dans la ville de Grandview : le mystérieux policier allemand Hermann Ehrlich a tué son supérieur immédiat, le chef policier John Wellington. Il est jugé pour homicide, mais il est rapidement libéré, car non reconnu coupable. Il n'était que temporairement fou. Comme le poste de chef policier est libre, le policier allemand occupe ce poste. Voilà : le nouveau chef de la police de Grandview est Hermann Ehrlich.


En août, lorsque Jim Clancy/Sam Lucas rencontre Hermann Ehrlich au cours d'une promenade, le policier évite son regard, mais l'ancien ambulancier l'apostrophe (toujours avec son accent légèrement britannique) : – Monsieur Hermann Ehrlich, comment allez-vous?

L'Allemand marmonne entre ses dents : – Ne me posez pas cette question! Laissez-moi tranquille!

Le policier passe près de lui, Jim/Sam le retient par le bras, le forçant à lever son regard vers lui. Hermann le regarde de ses yeux verts inexpressifs. « Il a encore remis ses lentilles » pense Jim. Les deux hommes se fixent pendant un certain temps, sans mot dire. Jim/Sam dit : « Pouvez-vous me dire ce qui se passe? »

L'Allemand, d'un air froid : « Régler des comptes avec des hommes indésirables. Mais il n'en demeure pas moins que je suis un meurtrier. »

Le policier se libère de sa pression et continue sa route d'un pas rapide. Jim Clancy/Sam Lucas le regarde jusqu'à ce qu'il le perde de vue et poursuit sa promenade. Il revient chez lui et rapporte la rencontre à son épouse.



Par la suite, il ne rencontre que le policier allemand au cours d'une promenade familiale. Mélinda, une fois de retour chez eux, lui révèle l'identité du policier en raison qu'il n'y a qu'un seul homme qui a une cohorte d'esprits errants. « Ceci explique le sentiment de familiarité que j'ai depuis un certain temps. » dit Jim à son épouse. Au moins, ils savent, grâce à Hermann Ehrlich, que Carl Neely est encore vivant, « car, » ajoute le policier, « lorsque vous m'avez demander si je connaissais Monsieur Carl Neely, j'ai fait une recherche et je peux vous confirmer qu'il est encore parmi les vivants ». Il fait un clin d'œil au couple et continue sa route.



À la mi-août, Jim Clancy/Sam Lucas révèle sa véritable identité à ses collègues docteurs et anciens collègues ambulanciers dans la salle d'attente du personnel. Les ambulanciers sont très étonnés, mais n'osent point s'opposer à lui. Entre-temps, certains de ceux qui complotaient contre lui sont défunts, tués par les espions pour lesquels ils travaillent. Francis Taylor fréquente Délia Banks. Les autres se tiennent tranquilles. Jim Clancy revient alors parmi les ambulanciers, en aidant parfois les docteurs pour évaluer certains patients à leur demande. De plus, il maintient son amitié avec Hermann Ehrlich, auquel il révèle être Jim Clancy, ambulancier de Grandview. Voilà comment l'ambulancier revient comme si ce n'est rien à Grandview. Néanmoins, il s'inquiète pour le détective Carl Neely, car il est encore recherché par l'Institut psychiatrique de la ville.



À suivre.

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