Le détective Carl Neely

Chapitre 6 : Trois ans plus tard, errances

4630 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/09/2024 18:44


Le lendemain matin, jamais autant dispos, l'ancien détective embrasse sa femme et lui raconte son rêve, content comme un enfant. Elle aussi se réjouit. La solution consiste à un duel avec son propre père puis un déménagement définitif dans un autre pays.

En après-midi, quelqu'un frappe doucement à la porte de l'appartement. Carl regarde par le judas : il reconnaît Samuel Salomonovitch Petrovitch en civil. L'ancien détective en avertit aussitôt sa femme, dit à sa fille de rester dans sa chambre et il file se cacher dans son bureau. Maria entr'ouvre un peu la porte et lui demande : – Monsieur, qui êtes-vous et qui cherchez-vous ?

– Je suis Samuel Salomonovitch Petrovitch, policier de métier. Et je voudrais parler à Madame Maria Neely au sujet de votre mari.

– Entrez, alors.

Le policier entre et salue respectueusement la femme et les deux fils, qui sont dans la cuisine en train de faire leurs devoirs. Maria lui propose de discuter au salon.

Une fois assis, Samuel Salomonovitch Petrovitch dit calmement : – Madame Neely, je vous dit, pour commencer, que je prends un grand risque en venant chez vous, mais j'assume tout le risque, Je ne crains rien ; ce qui m'importe, c'est la justice. Et j'ai réalisé, depuis ma dernière visite chez vous, que votre mari est honnête. Je sais (et vous aussi sans doute) qu'il est recherché et que mon supérieur veut le placer de force dans l'Hôpital psychiatrique, d'où il s'est échappé. Je sais aussi que vous êtes sur écoute ; la police est contre votre mari. La plupart de mes collègues se sont vendus pour des primes. Au Diable l'argent ! Mais, ne vous inquiétez pas, j'ai trouvé les point faibles de caméras, qui sont postées un peu partout dans votre appartement... Comme mon frère se connaît un peu en informatique, il les a brouillées, les rendant défectueuses. C'est pourquoi je suis venu.

– Merci. Et remerciez votre frère.

– Il n'y a de quoi. Et bien, si jamais je savais où se trouve votre mari...

Et Carl Neely sort de son bureau, à l'étonnement de Samuel Salomonvitch Petrovitch.

Ce dernier enchaîne aussitôt : – Monsieur Neely, tous mes respects pour avoir réussi à s'évader de l'Hôpital psychiatrique ! Et bien, je vous recommande, pour votre sécurité, de rester chez vous, en attendant que la situation se calme. Car mon supérieur a ordonné de faire le quadrillage et la fouille de la ville pendant deux mois, à partir de demain, afin qu'il vous soit impossible de leur échapper. Cependant, je suis sûr que vous pouvez vous cacher chez moi lorsqu'ils fouilleront votre appartement.

Carl Neely intervient : – Mais s'ils fouillent la vôtre ?

– La fouille est déjà faite.

– Vous n'oubliez pas qu'ils peuvent forcer les portes n'importe quand, même sans votre consentement et sans les clés ?

– Je n'ai pas pensé à cette possibilité... Mais j'imagine que vous pouvez dans ce cas vous cachez à l'extérieur de la ville en vous faisant passer pour un mendiant ?

Pensif, Carl Neely sent une odeur agréable et l'esprit qui se trouve à sa droite communique mentalement avec lui : « Morate slušati ovaj čovek tako da spasite živu glavu. On vam daje taj savjet jer vaš prijatelj djeluje na njega. [Vous devez écouter cet homme afin de sauver votre tête. Il vous donne ce conseil en raison de l'influence que votre ami a sur lui] » L'ancien détective comprend qu'il s'agit de Jim Clancy. Il remercie celui-ci et l'esprit.

Après cela, il s'exclame : – C'est une bonne idée ! Merci beaucoup !

Les deux hommes se donnent une accolade amicale et le policier sort discrètement en saluant respectueusement le couple.

Une fois leur invité sorti, Maria embrasse tendrement son mari. Il l'enlace et la berce doucement pour la rassurer ; il saisit qu'elle a peur de le perdre et qu'elle ne sait pas si c'est la dernière fois qu'elle le voit. Il comprend qu'elle craint de rester veuve. Et c'est surtout pour leur fille qu'elle s'inquiète, car elle ne reverrait peut-être plus son père. Carl Neely rassure sa femme et sa fille, afin que cette dernière ne commence pas à pleurer. C'est seulement après le souper qu'il décide de quitter l'appartement, sans oublier un dernier échange avec sa femme, sa fille et ses beaux-fils. Ils prient pour lui que tout se passe bien. Carl Neely lui-même prie avec ferveur devant sa petite icône portative et fait le signe de la croix avec les trois doigts de sa main droite. Il place l'icône de Saint Michel sous son gilet pare-balles, par-dessus lequel il revêt un vieil habit beige avec une grande capuche, qu'il fait exprès de salir. Sans oublier qu'il ôte ses lunettes de lecture pour les ranger dans leur boîte qu'il cache dans une grande poche interne de l'habit. Dans une autre poche, l'ancien détective place son revolver. De plus, il se griffe le visage, afin d'être méconnaissable. Il ajoute une vieille bague en or avec un chaton représentant l'aigle bicéphale serbe sur sa main droite, bague qu'il a acheté en 1994, sauf qu'il ne l'a jamais porté, car elle lui rappelle douloureusement la mort de sa première femme et de leurs enfants. Mais cette fois, avec la distance temporelle, puisqu'il a surmonté sa douleur, il en décide autrement : elle lui permettra de ne point être reconnu par les policiers qui passeront près de lui. De plus, il amène quelques tranches de pain et des fruits secs dans un petit sac qu'il amènera avec lui. Carl Neely bénit sa femme, sa fille et ses beaux-fils. Inutile de dire que la fillette regarde son père avec des yeux étonnés. Maria la rassure. Et l'ancien détective-plongeur sort discrètement de l'appartement. Il déambule dans le noir, guidé par la seule lumière des lampadaires. Il se rend ainsi sur un banc dans un parc, sur lequel il s'endort. Son sommeil est profond, sans nulle visite indésirable.

Le lendemain, Carl Neely, réveillé par les rayons du soleil, se lève doucement du banc sur lequel il était allongé et regarde attentivement autour de lui. Il fait semblant de ne pas savoir où il se trouve. Il remarque en effet des groupes de quatre policiers se promener dans la ville. L'un d'un, s'arrêtant devant lui, lui demande de décliner son identité et de lui dire s'il n'aurait pas vu Carl Neely, un ancien détective dangereux devenu plongeur dans le restaurant français Belle Vue. Le policier montre au pseudo-mendiant une photographie de l'homme recherché. Carl Neely joue l'étonné, forçant le policier à répéter sa question. Après s'être éclaircit la voix, il répond, avec un fort accent serbe : « Excusez-moi, mon cher monsieur, mais je ne connais pas ce Monsieur Neely que vous recherchez. Je suis un pauvre émigré serbe, Bogdan Popović, qui a perdu son emploi depuis trois semaines. En attendant d'en trouver un nouveau, je suis réduis à mendier de ville en ville. » Le policier, ému, lui donne un billet de cinq dollars, le salue et continue son quadrillage avec ses autres collègues. Notre ancien détective, lui, déambule dans les rues de la ville. Il se promène ainsi toute la journée. Lorsqu'il arrive devant un restaurant (Délices européennes), il remarque un papier accroché à la porte sur lequel il est écrit : « Personnel recherché : Cuisinier, plongeur et serveur à temps partiel ! » Carl Neely entre et se présente avec sa fausse identité, pour savoir s'il peut être embauché. Son interlocuteur le regarde, méfiant. Il le renvoie sans plus d'explications. Carl Neely poursuit donc sa promenade dans la ville, ce qui lui permet de constater avec zèle les policiers font le quadrillage et la fouille. Il comprend alors pourquoi seule la pseudo-identité de Bogdan Popović lui permet de circuler incognito. Ses maigres repas se composent des provisions qu'il a amené; lorsqu'elles sont épuisées, il cherche dans les poubelles des restaurants des restants de plats. Du reste, il s'impose une sorte de jeûne, car il n'a même pas si faim, étant donné l'odeur putride de mauvais esprits qui accompagnent les policiers qu'il a rencontré sur sa route. Le soir, il est sorti de la ville ; il décide de dormir sous un arbre à quelques mètres de l'entrée.

La nuit est agitée pour Carl Neely, car son inconscient lui fait comprendre qu'il doit régler au plus vite son passé de policier, s'il ne veut pas avoir d'autres ennuis.

À Grandview, la famille Clancy a une journée tranquille. Jim travaille en après-midi à l'hôpital Mercy, Mélinda regarde les enfants jouer dans le salon. Un esprit lumineux les rassure au sujet de Carl Neely.



À l'extérieur de la ville voisine de Grandview.

Le lendemain matin, l'ancien détective prie Mihovil et continue sa route. « Au moins », pense-t-il, « je suis loin des policiers. » Il se repose, après un certain temps, au pied d'un arbre. Il sent une odeur familière... Celle de son ami ambulancier Jim Clancy. Neely, dérouté, pense : « Jim, rassures-moi, il ne t'est rien arrivé de grave ? » Jim lui répond mentalement : « Je vais bien. Je suis encore, Dieu merci, parmi les vivants. C'est plutôt moi qui s'inquiète pour toi. Puisque je suis venu à toi, me voilà rassuré. Mais je viens, à vrai dire pour te dire que tu dois absolument faire attention au vieil policier, car il est dans les parages. Il ne doit surtout pas te surprendre ! »

Neely commente : « Il s'agit de mon père ? »

La réponse : « Oui ! »

Neely : « Peux-tu alors m'expliquer comment nous pouvons communiquer de cette manière, alors que je sais que cela n'a lieu qu'avec les âmes errantes ? »

La réponse : « Je te l'expliquerais ce soir. »

Et l'âme de Clancy revient dans son propre corps.

Neely, lui, poursuit sa route. Il déambule lentement aux environs de la ville. Il rencontre d'autres mendiants, qui le regardent avec méfiance. L'un d'eux, visiblement mal intentionné, car entouré de mauvais esprits, dont leur odeur étourdit notre ancien détective-plongeur. Le mendiant, armé d'un couteau, cherche à le frapper dans le dos, mais Carl se retourne et réussit à le désarmer. Il remarque par là qu'il n'a pas perdu son habitude des techniques policières, ce qui le rassure. Étonné, le méchant mendiant le laisse en paix, sans lui poser une seule question. Le reste de la journée se passe sans incident. Le soir, Carl Neely reçoit la visite de son ami ambulancier en rêve. Celui-ci lui explique certains faits du Monde des Esprits.

Le lendemain, réveillé au lever du soleil, il se promène lentement dans la prochaine ville (qui n'est pas Grandview), où le seul incident est une bagarre avec deux autres mendiants ivres possédés par des mauvais esprits. Bien qu'il parvient à les maîtriser, il est un peu blessé. Heureusement, rien de grave. Des policiers sont intervenus, mettant fin à la bagarre. Carl Neely les remercie et les demande s'il est possible de trouver un emploi. L'un d'eux lui répond affirmativement. Au cours de la journée, il jeûne, comme les autres jours, car il réalise que cet état lui permet de mieux comprendre certaines choses du Monde des Esprits. Cette soudaine illumination l'étonne. Mais il se plie à cette exigence de son inconscient.

Le soir, comme les autres soirs subséquents, le même rêve. Son père, secondé de Friedrich Neumann, le provoque et veut le tuer. Il cherche à leur échapper, ce qu'il y parvient in extremis. Carl Neely se réveille encore plus fatigué que lorsqu'il s'est endormi. Il déambule dans les rues, en traînant les pieds. Il pense : « Que Dieu protège Maria, Lada, François et Mathieu ! J'espère qu'il ne leur arrivera aucun mal ! » Il ne peut que prier ardemment Mihovil. Il prie pour lui et sa famille, car il craint que sa femme, sa fille et ses beaux-fils soient victimes de brutalité policière. Du coin de l'œil, Carl Neely remarque un passant qui se rapproche de lui ; Carl Neely le laisse passer devant lui. Il comprend que Adrian Neely le seconde, puisqu'il reconnaît l'odeur de son prétendu grand-père. Notre ancien détective-plongeur ne peut pas s'empêcher de jurer contre le mauvais esprit. Le passant, agité, le frappe au visage et déguerpit en vitesse. Carl Neely tombe sur l'effet du choc. Son nez saigne et est douloureux ; il a des ecchymoses autour des yeux. Heureusement pour lui, un autre passant, qui a vu la scène de loin, appelle immédiatement les ambulanciers, qui accourent pour l'amener à l'hôpital. Une fois rendu à l'hôpital, il est pris en charge par une équipe de médecins. Ils concluent, après examen, le diagnostic suivant : fracture de l'os du nez. De la glace est rapidement appliquée. Après cinq jours, ils replacent l'os du nez.



Grandview.

Au moment de la bagarre, le jeu des enfants de Jim et Mélinda change; il prend une tournure un peu violente, ce qui étonne les parents.



Ville voisine de Grandview.

Durant les mois d'avril et de mai, le quadrillage policier sème la terreur parmi les habitants. Personne ne pouvait dire où se trouve Carl Neely. David Schpigel vient lui-même fouiller l'appartement de l'ancien détective. Il aurait même oser frapper Maria, mais François l'en empêcha. Le policier, avide, accepte une fouille hebdomadaire de l'appartement. Pas besoin de dire que Lada pleurait à sa vue. Sa mère tente de la calmer, en vain. Schpigel, possédé par un sombre esprit, lève sa matraque pour frapper la fillette, sauf que Mathieu arrive au-devant lui et lui retient solidement son bras. Maria entraîne Lada loin des policiers, qui sont en bagarre avec ses deux fils. Ces derniers sont assommés par les policiers qui sont parvenus à les maîtriser. La fillette arrêtait de pleurer lorsque le policier et ses collègues sortaient de leur appartement. Elle réclamait son père. Maria la rassure du mieux qu'elle peut, en lui parlait de son père. Une fois les policiers sortis, elle appelle les ambulanciers en leur expliquant ce qui est arrivé. François et Mathieu sont amenés à l'hôpital, d'où ils en sortent à la fin du mois de juin.



Ville voisine de Grandview, où se trouve Carl Neely.

Six semaines plus tard, Carl Neely sort de l'hôpital. Il continue à déambuler dans les rues, toujours à jeun, et il parvient à trouver un emploi de plongeur à temps partiel dans un restaurant. Il décide alors d'ouvrir un compte bancaire sous le nom de Bogdan Popović. Il travaille ainsi pendant trois mois, car il perd son emploi en raison d'une faillite du restaurant. Le pseudo Bogdan Popović continue sa recherche d'emploi. De plus, avec le même rêve qui se répète avec des variations près à toutes les nuits qui l'épuisent, il ne peut que prier ardemment Mihovil. Il comprend qu'il rencontrera un jour ou l'autre son père : il demeure sur ses gardes.

Carl Neely rencontre son père le 16 août (la saint-Roch) en après-midi, alors qu'il déambule dans les rues d'une ville, en civil. La rue est déserte en raison de la chaleur. Heureusement, il le remarque en premier. Il comprend que son père ne le reconnaît pas (malgré qu'il ôte la capuche de son vêtement beige), mais qu'Adrian Neely, Sarah Neely, Friedrich Neumann l'ont repéré et qu'ils le guident vers lui pour le tuer. (Son père a toujours son arme avec lui). Carl Neely fait attention pour ne pas se trouver dans un cul-de-sac. Heureusement, il croise son père alors qu'il est en sens contraire, faisant en sorte que leurs regards se croisent. Carl Neely fait comme si il n'a pas remarqué la présence olfactive des mauvais esprits ; il prie Mihovil de déjouer leur plan sordide. Le vieil policier, possédé par Adrian Neely, dit : – Monsieur, si vous quémandez de l'argent, je peux seulement vous conseiller de trouver un emploi ! Moi, je refuse de donner à des gueux de votre espèce ! Je ne comprends pas comment la ville peut vous tolérer !

Il parvient presque à frapper l'ancien policier-plongeur, qui s'écarte à temps pour éviter le coup.

Carl Neely lui réplique, avec son fort accent serbe : – Monsieur, ne vous inquiétez pas, je ne pense nullement vivre sur le dos des autres. Je me promène à la recherche d'un emploi d'une ville à l'autre, car j'ai une femme et un enfant en bas âge à ma charge, mais j'ai perdu mon emploi. S'il vous plaît, ne me faites pas de mal, puisque je vous ai rien fait. Sinon, vous allez le regretter !

Karl, énervé (par l'agitation de l'esprit), lui réplique une insulte. Adrian sort de son corps ; Friedrich Neumann prend la relève. Il dit alors : – Kennen wir uns ? Sie können uns nichts tun ! [Nous nous connaissons ? Vous nous pouvez rien !]

L'esprit sort de son corps ; l'âme de Karl revient dans son corps.

Le pseudo Bogdan Popović réplique : – Moi, je ne vous connais pas !

– Moi non plus, mais vous m'agacer ! Si vous faites comme tout le monde, vous ne serez dans la situation dans laquelle vous êtes.

– Je vous agace ? Pouvez-vous me laisser passer et que nous nous rencontrons plus jamais ?

– Non, pas avant...

Karl Neely, possédé par Friedrich Neumann, sort son revolver et tire sur le pseudo Bogdan Popović, qui s'écarte à temps pour ne pas revoir la balle dans la poitrine. Il sort discrètement son revolver qu'il tient sous son ample vêtement. Karl tire à nouveau, l'atteignant au bras gauche. Ignorant la douleur, il prie rapidement l'Ange Michel et tire sur le vieil policier, l'atteignant au bras droit, faisant en sorte qu'il lâche son arme sous l'effet de la douleur. Le pseudo Bogdan Popović marche vers Karl Neely, qui le frappe d'un coup de poing dans le ventre. Il se dépêche de s'emparer de l'arme du vieil policier et de jeter les deux armes au loin. Une bagarre éclate entre les deux; chacun frappe l'autre. Au bout d'un certain temps, Carl Neely se lève ; il se penche au-dessus de son père. Ce dernier ne bouge plus en raison de la douleur, inconscient, mais encore vivant. Ceci est aussitôt confirmé par la présence olfactive de son âme. Notre ancien policier-plongeur, pris de pitié, bien qu'il sait qu'il se trouve au point déterminant pour sa propre survie, ne sait pas quoi faire. Il fait le signe de la croix (autant que ses membres perclus de douleur lui permettent) et attend une inspiration, qui ne tarde pas à venir. Il comprend que son ange gardien ne l'a pas abandonné. Il maîtrise le vieil policier, dont l'âme est revenue dans le corps. Mais n'oublions pas la présence d'Adrian Neely, de Sarah Neely et de Friedrich Neumann à ses côtés. Les esprits essaient d'agir sur le vieil policier, en vain. Le pseudo-mendiant fixe Karl Neely. Ce dernier comprend qu'il a affaire à un homme particulier. Perplexe, il dit d'une voix faible, presqu'en murmurant : « S'il vous plaît, terminons notre affrontement ! »

– Non, pas maintenant ! Je préfère appeler l'ambulance étant donné nos blessures.

Ainsi, le pseudo-mendiant traîne doucement Karl Neely jusqu'à une cabine téléphonique. Tout en l'ayant à l'œil, il compose le numéro des urgences et leur explique brièvement la situation.

Le vieil policier rugit de colère et de douleur, et tente de s'esquiver, mais le pseudo-mendiant le retient au sol avec ses bras et lui murmure d'un ton sévère : – Monsieur, ne pensez pas vous sauver ! Surtout ne pensez pas que je porte la main sur vous. C'est l'un des commandements qui dit de ne pas tuer son prochain. Mais vous n'échapperiez pas à la justice dans l'au-delà. Et cette remarque est valide pour tous les mortels.

Tout à coup possédé par un bon esprit qui se manifeste à Carl Neely, il dit : – Monsieur, votre fin est proche, mais ne cherchez pas à abréger votre vie. Ce serait une action contre la Volonté du Très-Haut.

– Non ! Ça ne peut pas être vrai ! Ne me laissez pas crever comme un chien !

Pour toute réponse, le pseudo Bogdan Popović soupire. Les ambulanciers arrivent et placent de façon sécuritaire chacun des deux hommes sur une civière. Ils se rendent rapidement à l'hôpital, où ils sont immédiatement pris en charge par les médecins et les chirurgiens. Les policiers aussi accourent sur les lieux de la bagarre et ramassent les armes qui traînaient. Lorsque le père et le fils gisent inconscients sur leur table d'opération respective, leurs âmes sont sorties de leur corps et elles comprennent toute la situation. Elles s'affrontent du regard. Comme le père cherche à posséder un docteur afin de révéler la pseudo-identité de son fils, mais ce dernier l'en empêcha. Les deux âmes font e tour de l'hôpital, chacune dans son sens; le père en sens anti-horaire; le fils en sens horaire. Lorsqu'elles se rencontrent, l'âme du père s'éloigne de son fils. Elle lui dit télépathiquement : – On verra bien qui demeurera parmi les vivants !

Carl Neely réplique : – Peu importe qu'est-ce qui t'arrives, tu pleureras comme j'ai pleuré longtemps la mort de ma Sara et de nos enfants. Tu le regretteras de vouloir ainsi s'acharner sur moi. Je te prie, pour sauver ton âme, de ne pas empirer ton cas.

– Tu crois sérieusement me faire peur avec cette histoire d'un jugement dans l'au-delà ? »

– C'est un constat. Tu peux t'améliorer après cette sortie hors-corps. Ou bien abandonner définitivement le monde des vivants.

– Tu n'as quand même pas oublier la malédiction familiale qui pèse sur toi comme une épée de Damoclès ?

– Vas-t-en au Diable, toi et ta malédiction ! Juste pour ça, tu peux vivre longtemps dans la souffrance !

– Mais reviens un peu à TA situation ! Tu es traqué de toutes parts. Maintenant que je sais comment tu te caches, je peux te révéler aux policiers.

– Dans ce cas, que tu perds le don de la parole ! Que tu demeures muet jusqu'à la fin de tes jours!

– D'accord, fiston. Mais tu n'oublies pas que je peux montrer en rêve à ta petite fille chérie mon scénario idéal...

– Il n'en est pas question !

Et chacune des âme regagne son propre corps. Karl Neely, au cours de son rétablissement, reçoit la visite d'Adrian Neely, de Sarah Neely et de Friedrich Neumann. Ces mauvais esprits le font peur, le rendant à moitié fou. Ils sont furieux car il n'a pas réussi à tuer Carl. Le vieil policier ne peut pas supporter les horribles visions avec lesquelles les esprits lui font peur, il met fin à ses jours dans le monde ici-bas par défenestration après une semaine.

Le fils, prend du temps à se rétablir ; il lui fallu trois semaines pour se remettre. Une fois que les docteurs lui ont permis de quitter l'hôpital (le 7 septembre), il continue son errance, l'âme en paix.

Cependant, Karl Neely, devenu un esprit errant, flâne un peu sur terre, venant de temps en temps, lorsqu'il le peut, rendre visite en rêve à son fils et à sa petite-fille, leur présentant son scénario idéal de la fin de Carl Neely, ou parfois en leur présentant sa propre fin, comme s'ils étaient à sa place. Dans tous les cas, de telles nuits sont des cauchemars pour Carl et pour Lada. Il se réveille en sueur et maudit son père. Lada, elle, se réveille en pleurant; sa mère accourt la bercer et la consoler. La fillette s'endort peu après.



Grandview.

Au cours du combat entre le père et le fils, la famille Clancy ressent une tension dans l'air, ce qui rend Jim nerveux. Son ange gardien l'informe que le moment décisif se joue pour Carl Neely, sauf que personne ne doit l'aider. Ceci n'empêche pas à Jim et Mélinda de prier pour leur ami.



Ville voisine de Grandview.

Lada Neely, au moment du combat décisif entre son père et son grand-père, arrête de jouer. Elle semble attendre que quelque chose arrive. Sa mère lui demande ce qu'elle attend; Lada répond: « Papa ! Papa ! » Elle ne joue pas avec ses peluches pendant les cinq prochains jours, qui étaient critiques pour Carl Neely. Après, elle reprend joyeusement ses jeux enfantins.

Carl Neely continue d'errer. Maintenant qu'il comprend qu'il peut faire fuir les mauvais esprits, il est plus tranquille. Il s'est habitué à peu manger (la plupart du temps, il jeûnait) et à se laver dans l'eau des rivières ou des fontaines qu'il rencontrait sur son chemin. Il priait à chaque matin et soir. Une fois, en regardant attentivement son reflet dans l'eau d'un fontaine, Carl Neely s'étonne lui-même de son aspect physique. Âgé de 43 ans, il semble en avoir 53 : son visage est très mince, creusé de nombreuses rides, sans oublier des sombres cernes sous ses yeux fatigués. Il a l'impression de n'avoir que de la peau sur les os. Ses cheveux sont plus gris que bruns. De plus, il trouve pénible les changements drastiques du temps météorologique (à l'approche d'une pluie et des journées où le ciel est couvert de nuages), car les coutures des différentes opérations (au ventre et au bras gauche) lui causent une douleur insupportable, l'obligeant parfois à s'allonger sur un banc.

Il trouve un emploi temporaire en octobre comme balayeur de rues dans une ville. Bien que mal payé, il est néanmoins content de ce maigre salaire. Carl Neely-Bogdan Popović garde cet emploi pendant six mois, jusqu'en avril 2013. Après, il continue son errance, car il n'apprécie pas les policiers qui rôdent autour lui ; il comprend par là que son défunt père possède certains qui sont mal intentionnés. Ainsi, un jeune policier l'insulte et le frappe avec sa matraque ; Carl Neely-Bogdan Popović réplique avec son balai. Le policier, enragé, le frappe à nouveau, l'assommant. Il lui donne un coup de pied bien solide dans le ventre puis s'éloigne de lui. Le pseudo-mendiant ne repris conscience qu'après trois heures. Il se lève lentement, car tous ses membres sont perclus de douleur sous l'effet des coups. Étonné de la foule qui s'est attroupée autour de lui, Carl Neely-Bogdan Popović dit, toujours avec son fort accent serbe : « S'il vous plaît ! Est-ce que quelqu'un aurait la gentillesse d'appeler les ambulanciers ? ». La majorité de la foule s'éloigne ; seul un homme d'âge mûr le prend en pitié et appelle l'ambulance. Une fois rendu à l'hôpital, les docteurs agissent rapidement ; autour de l'un se trouve Karl Neely, qui voulait le diriger afin de faire périr le patient, sauf que le pseudo Bogdan Popović ne le laisse pas faire ; l'esprit déguerpit après une série de jurons et de malédictions. Il se rétablit des coups, qui, heureusement, ne lui furent pas fatals. À la fin du mois, Carl Neely-Bogdan Popović est sorti de l'hôpital.

Toutes les nuits sont tranquilles depuis que son père ne lui rend plus visite. Il peut afin se reposer.


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