Le détective Carl Neely

Chapitre 5 : Trois ans plus tard, fuite et poursuite

5011 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/09/2024 18:41


Ville voisine de Grandview.


Le lendemain, Carl Neely comprend que son supérieur immédiat l'a dénoncé. Une heure après que tous les membres de la maisonnée se sont réveillés, des coups forts se font entendre à la porte de leur appartement. L'ancien détective regarde par le judas. Il voit trois policiers d'âge mûr qui attendent que leur porte soit ouverte. Carl fait signe à Maria, François et Mathieu de ne pas ouvrir la porte ; seul lui doit régler son cas avec les policiers. Lorsqu'ils se sont éloignés dans le salon, en accompagnant Lada dans sa chambre, Carl Neely, entendant à nouveau les coups de poings des policiers sur la porte, l'entr'ouvre et dit : – Messieurs, qui êtes-vous et qui cherchez-vous ?

Les policiers s'entr'observent et l'un d'eux lui répond calmement : – Puisque vous semblez habile à poser des questions, nous vous répondrons. Nous sommes trois simples policiers qui recherchent Monsieur Carl Neely.

– Je vous demande de décliner votre identité puis je vous dirais où se trouve Monsieur Neely.

Le premier policier : – Je suis Samuel Salomonovitch Petrovitch.

Le second : – Je m'appelle Bertrand Lavanille.

Le dernier : – David Schpigel.

L'ancien détective : – Je suis Carl Neely.

Samuel Salomonovitch Petrovitch : – Monsieur Neely, pouvons-nous entré, afin que l'immeuble au complet ne soit pas témoin de notre présence ?

Carl Neely : – Bien sûr, entrez, messieurs.

Après ces paroles, il ouvre la porte et laisse entrer les trois policiers dans son appartement, en précisant de déposer leurs armes sur la table du salon. Maria et ses fils se rendent alors à la cuisine, qui est une pièce voisine, afin de pouvoir écouter la conversation. Les quatre hommes sont assis sur les canapés, Neely en face des trois autres. Ceux-ci ont déposé comme voulu leurs armes à feu, menottes et matraques sur la table ; chacun n'a qu'un calepin et un stylo.

Après quelques minutes, David Schigel dit : – Monsieur Carl Neely, nous avons reçu l'ordre de la part de notre supérieur de vous amener à la station de police pour une interrogatoire.

Carl Neely : – Qui est votre supérieur ? Et pour quelle raison voulez-vous m'amener à la station ?

Bertrand Lavanille répond : – Notre supérieur est Monsieur Harald Young. C'est lui qui nous a donné cette mission, en précisant que nous devons être armés, car vous êtes un ancien détective potentiellement dangereux. Pourtant, notre rencontre prouve tout le contraire.

Carl Neely : – Je répète : pourquoi voulez-vous m'amener à la station de police ? Vous saviez que depuis trois ans j'habite cette ville, où je travaille comme plongeur dans le restaurant français de mon quartier, à savoir Belle Vue. Vous saviez bien que je n'ai aucun dossier.

Samuel Salomonovitch Petrovitch : – En raison de votre passé de détective à Grandview... Il semblerait, selon les informations dont notre supérieur dispose du chef policier de Grandview, Wiliam Schultz, et de l'ancien chef policier, John Wellington, que vous avez tué votre belle-fille, Caitlin Mahoney, ainsi que sa mère, Marianne Bazra de son nom de jeune fille. Et toute la police de la ville voisine vous recherche.

Carl Neely réplique, irrité : – Pourtant, les deux chefs policiers savent que c'est une fausse accusation qu'ils ont eux-mêmes fabriqué de toute pièce pour m'éliminer !

David Schpigel, calmement : – S'il vous plaît, calmez-vous. Nous vous rapportons seulement ce que nous savons. Déjà, à mon avis, votre irritation envers ses souvenirs témoigne de votre culpabilité. Le tout doublé d'une mythomanie.

Bertrand Lavanille réplique : – David, tu as tort ! Ceci signifie peut-être que Monsieur Neely n'apprécie pas ses anciens supérieur et collègues.

Samuel Salomonovitch Petrovitch : – S'il vous plaît ! Reprenons où nous étions dans notre interrogatoire préliminaire... Monsieur Neely, aviez-vous des preuves qui vous innocenteraient ?

Carl Neely, temporairement possédé par un bon esprit qui se trouve à sa droite, répond : – Oui. Demandez à John Wellington où il a rangé mon compte-rendu de l'enquête sur ma belle-fille, car il a sans doute remis sa version de l'enquête, puisqu'il est complice du crime.

Samuel Salomonovitch Petrovitch, étonné : – Sérieux ?

Carl Neely, encore possédé : – Oui. Demandez à John Wellington de décrire dans quel état il a trouvé ma belle-fille.

Le bon esprit sort de corps de l'ancien détective.

Bertrand Lavanille intervient : – J'ai tout noté. Mais dans tous les cas, venez quand même avec nous à la station de police.

David Schpigel ajoute : – Et nous devons vous mettre les menottes, selon la procédure.

Carl Neely commente : – Je préciserais qu'elles sont superflues. Je vous suis de ce pas à la station.

Samuel Salomonovitch Petrovitch : – David, Monsieur Neely a raison. Allons maintenant à la station !

Les quatre hommes se lèvent de leur place. Carl rassure sa femme (car les beaux-fils surveillent Lada qui joue dans sa chambre) et suit les policiers, qui ont récupéré leurs armes.

L'ancien détective comprend que David Schpigel est accompagné d'un mauvais esprit, reconnaissable à son odeur putride qui lui cause une nausée, mais ne laisse rien paraître. Heureusement, Samuel Salomonovitch Petrovitch conduit la voiture. David Schpigel est co-conducteur, tandis que Bertrand Lavanille est sur l'un des sièges arrières, à la droite de Carl Neely. Ils se rendent à la station, où Harald Young les attend.

Étonné de voir Neely sans menottes, il s'écria : – Quelle négligence de votre part ! De promener un homme dangereux d'une manière libre !

Samuel Salomonovitch Petrovitch réplique : – Monsieur Young, cet homme n'est pas du tout dangereux. Au contraire, Monsieur Neely ne clame que son innocence et dit que ce sont des fausses accusations. Pourquoi le garder plus longtemps ?

Harald Young : – Ce n'est parce que vous avez parvenu à parler avec lui qu'il n'est pas susceptible de récidiver.

David Schpigel approuve d'un geste affirmatif. Carl Neely tourne le regard vers Bertrand Lavanille, qui ne réagit pas. Samuel Salomonovitch Petrovitch est consterné ; Neely est hors de lui. Il ne sait pas ce qui l'irrite le plus : passer un temps à la station avec des menottes à la mains ; ou les mauvaises odeurs qui accompagnent David Schpigel et Harald Young. Il prend de grandes inspirations pour se calmer et commande mentalement aux mauvais esprits de ne pas le déranger. Ces esprits font en sorte que les deux policiers s'agitent encore plus et l'entraînent de force dans une salle pour procéder à l'interrogatoire, sans oublier de lui mettre les menottes, malgré l'opposition de Neely, qui n'hésite pas à les griffer aux poignets lorsqu'ils s'approchent de lui. Bernard, lui, est sorti discrètement de la pièce. Samuel, qui est encore dans la pièce, maîtrise son collègue et l'entraîne loin de l'ancien détective. Ce dernier dû seulement lutter contre le chef policier, qui appelle des renforts pour lui mettre des menottes. Ainsi, Carl Neely, encadré de trois policiers, suit Harald Young jusqu'à la salle d'interrogatoire. Une fois assis sur une chaise face à face, le chef policier fait signe aux autres de se tenir dans la pièce, de manière à avoir le suspect à l'œil.

Harald Young, après quelques minutes de silence, dit : – Monsieur Carl Neely, vous êtes accusé de deux crimes, alors que vous étiez en fonction, en tant que policier. Ces crimes ont été perpétrés sur votre ex-belle-fille, Caitlin Mahoney, et de votre ex-épouse, Marianne Bazra de son nom de jeune fille. Reconnaissez-vous être l'auteur de ces crimes ?

Carl Neely répond calmement : – Non, je n'ai tué ni ma ex-belle-fille ni ma ex-épouse.

– Pourtant, vous saviez dans quel état se trouve votre belle-fille, selon les témoignages de chef policier de Grandview, Wiliam Schultz, et de l'ancien chef policier, John Wellington.

– Si je le sais, c'est parce que j'ai mené une enquête, car je ne l'ai pas vu à la maison depuis plusieurs mois. Cette absence m'a mis la puce à l'oreille. Et ensuite, les indices qui ont confirmé l'empoisonnement et le meurtre, puis finalement, la tentative d'empoisonnement de ma ex-épouse, m'occasionnant un arrêt cardiaque, duquel je survis à peine. Pour moi, le cas est clair : vous me parlez d'une fausse accusation de la part de mon ancien supérieur, Monsieur John Wellington. Comment pouvez-vous le croire, alors qu'il était lui-même impliqué dans ces crimes dont vous parlez ?

– Monsieur Neely, je vous demanderais de cesser tout de suite de projeter vos états sur Monsieur Wellington. Pouvez-vous me donnez plus de détails sur le mobile de ces crimes ?

– Je ne le sais pas, sauf celui de me discréditer.

– Merci, Monsieur, mais vous avez tout dit. Apparemment, vous semblez souffrir d'un délire de persécution. Je vous recommanderais peut-être de consulter un psychiatre qui pourrait statuer sur votre état mental, afin de savoir si vous pouvez poursuivre notre interrogatoire.

– Monsieur, vous devez savoir que je me passerais d'un tel service, car j'ai déjà rencontré un psychiatre à Grandview, alors que je doutais de mes capacités.

– Au contraire !

En s'adressant aux trois policiers, Harald Young dit : « Amenez-le chez le professeur Serber ! »

Et ceux-ci saisissent sans ménagement Carl Neely et sortent de la pièce. Il suffoque en raison de l'odeur des mauvais esprits qui l'entourent. Carl crie à pleins poumons : « S'il vous plaît ! Au moins, ayez la bonté d'informer ma femme. »

L'un des policiers le gifle et dit : « Bien sûr que nous l'informerons, afin qu'elle sache avec quel fou elle vivait ! »

Carl marmonne entre ses dents une malédiction. Rendus chez le psychiatre en question (ou plutôt, l'ancien détective traîné par les policiers), les trois policiers le déposent sans ménagement sur une chaise, lui retirent les menottes lorsque le psychiatre vient le prendre en charge. L'un des policiers explique la situation au professeur Serber. Ce dernier est un vieil homme sec aux lunettes rondes, vêtu sobrement d'une chemise blanche et d'un habit noir. L'ancien détective remarque une alliance sur sa main gauche, mais aussi une bague en or avec un chaton rouge sur lequel est gravé une figure sur l'annulaire de la main droite. Le professeur Serber dit : « Monsieur Neely, enchanté de faire votre connaissance ! Entrez dans mon bureau. »

Une fois assis sur une chaise que le professeur lui désigne de la main gauche. Carl Neely remarque aussitôt un mélange d'odeurs désagréables ; il prie en son for intérieur que Dieu le protège. Peu après, il se dédouble ; son âme est sortie de son corps, laissant place à un bon esprit qui se trouve à sa droite.

Le psychiatre se présente : Georg Serber, professeur spécialisé en psychologie comportementale et en psychiatrie depuis cinquante ans. Il enchaîne ensuite : – Monsieur Carl Neely, vous êtes un ancien policier. Vous êtes accusé de meurtres. Mais moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir si vous êtes mentalement affecté ou non.

Georg Serber débute alors une série de tests ; heureusement, étant possédé temporairement par le bon esprit, Carl Neely déjoue les pièges du psychiatre. Ce dernier, exaspéré, compose un numéro : l'ancien détective, dont l'âme est revenue dans son corps, mais communique avec le bon esprit, comprend que le psychiatre appelle son propre père, parce qu'il ne veut pas le lâcher tant qu'il ne se débarrasse pas de lui, soit en le réduisant à rien avec l'aide de Serber, soit en le tuant. Carl Neely se lève de son siège et dit : « Monsieur Serber, puisque vous semblez parler à quelqu'un au téléphone, je vous quitte. »

Le psychiatre lui répond d'un signe de tête négatif, et lorsque Neely se retourne pour sortir de son bureau, il appuie sur un bouton. Peu de temps après, le pauvre homme est renversé par quatre agents de sécurité armés jusqu'aux dents. Ils le maîtrisent puis l'attachent à la chaise sur laquelle il était auparavant assis.

Le psychiatre, au téléphone dit : « Notre nouveau client est là, mais il refuse de reconnaître sa culpabilité... Par ailleurs, il semble très intéressant, mais je vous confirmerez plus tard... Oui, bien, sûr, c'est la prochaine étape... Je vous avertis dès que c'est fait. » Puis il raccroche le téléphone et dit aux agents de sécurité de l'amener dans la salle voisine.

Les agents de sécurité entraînent Carl Neely dans cette salle, dans laquelle se trouve un divan et une chaise. Ils l'attachent sur le divan, tandis que Georg Serber s'assied sur la chaise.

Le psychiatre fait signe aux agents de sécurité de sortir ; ils s'éclipsent aussitôt.

Se tournant vers l'ancien policier, il dit : – Monsieur Neely, pourquoi vous affirmez que votre supérieur vous aurait faussement accusé de meurtres ?

Après quelques minutes de réflexion, l'ancien policier répond : – Parce qu'il ne m'apprécie pas.

– Pourquoi ?

– Je l'ignore.

– Êtes-vous sûr de ne pas trouver une raison ?

– Je n'y pense pas, c'est tout.

Carl Neely comprend que le professeur Serber est frustré de sa réponse évasive, mais il ne se laisse pas faire. Le psychiatre se lève de la chaise et se dirige vers un petit bureau qui se trouve dans un coin de la pièce, Il sort une pendule, un verre et des comprimés.

L'ancien détective comprend qu'il est accompagné de mauvais esprits, dont l'odeur lui cause une nausée et un mal de tête terribles. Il espère que ce malaise passera vite. Vains espoirs ; il augmente lorsque Serber débute sa séance d'hypnose. Il remarque que ces maux passagers cessent lorsque son âme sort de son corps; il est alors possédé par un bon esprit. Il sait simplement qu'il n'est pas présent corps et âme dans la pièce. À ce moment, le psychiatre le regarde attentivement et prend des notes. Malheureusement, Carl Neely ne garde consciemment aucun souvenir de son échange avec le psychiatre au cours de l'hypnose, ce qui le frustre et l'inquiète, sauf qu'il ne laisse rien paraître sur son visage.

Après cette séance d'hypnose, les mauvais esprits sont encore dans la pièce, ce qui déstabilise et irrite l'ancien détective.

Le psychiatre, calmement, lui pose des questions, auxquelles il répond évasivement. Pour clore la séance de psychothérapie, le professeur Serber s'approche de lui et lui recommande de prendre des calmants et de poursuivre leur conversation demain. Il lui fait avaler de force des comprimés de toutes sortes, profitant de l'absence d'opposition de Carl Neely. Sauf qu'il ne prévoit point qu'il ne les avale, mais les recrache immédiatement, ce qui l'enrage. Les mauvais esprits s'approchent dangereusement de l'ancien détective, qui tente de se concentrer pour les faire fuir. S'abandonnant à sa bonne fortune, Carl Neely attend que les mauvais esprits et le psychiatre laissent son corps en paix ; il commence à étouffer sous leur influence. Son âme est temporairement sortie de son corps. Elle les supplie de le laisser tranquille, mais elle ne se laisse pas effrayer par les mauvais esprits : au contraire, elle se concentre pour les mettre en fuite, étant tout à coup illuminée par que sais-je quel génie. Les mauvais esprits déguerpissent et l'âme de l'ancien détective revient rapidement dans son corps. Il lève sa tête pour mordre les doigts du psychiatre, qui sursaute. Très en colère, il revient au bureau et sort une grosse seringue remplie de substances somnifères et d'autres drogues, qu'il plante dans l'épaule droite de Carl Neely, qui cesse de s'agiter, vaincu par l'effet des produits de la seringue. Il sombre dans un cauchemar. Il est dans un couloir sans lumière, poursuivit par le professeur Georg Serber, des ombres, ses parents et ses ancêtres paternels et maternels. Il court, sauf que Maria, ses fils et Lada l'aident, faisant en sorte qu'il parvient à leur échapper.

Grandview.

À ce moment-là, la famille Clancy reçoit la visite du bon esprit qui a possédé Carl Neely au cours de la séance d'hypnose. Jim et Mélinda comprennent le réel danger dans lequel l'ancien policier se trouve. Ils prient que les bons esprits viennent l'aider afin de trouver une façon de se sauver sans grands dommages.

Ville voisine de Grandview.

Le lendemain, à peine réveillé, un bon esprit communique à Carl Neely l'information que sa femme et ses parents viendront lui rendre visite au cours de la journée. Le premier qui arrive sera capital pour sa survie. Il se réveille attaché à un lit d'hôpital. Étonné, il regarde autour de lui. Il est seul dans une chambre. L'ancien détective pense : « C'est fini ! Je n'aurais peut-être pas dû quitter Grandview, puisqu'ils me rattrapent. » Il soupire.

Aux environs de midi, une jeune infirmière entre dans sa chambre.

Carl Neely l'apostrophe : – Mademoiselle, saviez-vous où suis-je ?

– Dans l'Hôpital psychiatrique universitaire de la ville.

– Qui m'a amené ? Et quand ?

– Ce sont les associés du Professeur Georg Serber qui vous ont amené, alors que vous dormiez, hier soir.

– Mais rassurez-moi : est-il possible de sortir de cet endroit ?

– Je ne peux pas vous répondre... Mais voici votre repas.

Et l'infirmière dépose devant Carl Neely un plateau sur lequel se trouve une soupe aux légumes, un morceau de pain et une cuillère. Elle libère les bras du patient des terribles liens. Il la remercie et elle se retire discrètement dans un coin de la chambre. Il vide lentement son assiette, car, à vrai dire, Carl Neely n'a pas faim. Une heure plus tard, l'infirmière ramasse le plateau et s'approche de l'ancien détective pour attacher à nouveau ses bras au lit.

Lorsqu'elle s'approche de lui, il dit : – Pourquoi me lier les bras ? Vous saviez que je n'ai rien fait de mal !

L'infirmière répond calmement : – Comme vous avez un diagnostic de délire de persécution avec psychose et agressivité, je suis obligée de vous immobiliser.

– Pourquoi pas alors une camisole de force ?

– C'est du passé !

Après une courte pause, elle dit : « Monsieur, voici votre dose de médicaments. »

– Lesquels ?

– Que sais-je ? Je ne suis pas responsable de la posologie, mais le docteur... Serber.

Irrité, le détective dépêche de se délier les jambes et saute à l'extérieur du lit. L'infirmière, elle, se dépêche d'appuyer sur son émetteur-récepteur radio mobile, sauf que l'ancien policier ne perd pas son habitude et la maîtrise. Il lui dit à voix basse : « Mademoiselle, vous m'aidez à sortir d'ici. Sinon je vous jette par la fenêtre, c'est compris ? »

Pour ajouter sur la menace, il la dirige vers la fenêtre ; la chambre se trouve au cinquième étage.

Tremblante, l'infirmière hoche de la tête. Elle fait signe à Carl Neely de ne pas bouger ; elle l'aide à mettre les cordes de manière à paraître l'attacher les bras et les jambes. L'infirmière sort de la chambre, qu'elle verrouille. À peine sortie, un bon esprit lui communique l'information mentalement, lui donnant l'impression de penser, que l'infirmière est une vipère qui le trahira au docteur Serber. S'il veut se sauver, il doit s'évader par la fenêtre et descendre doucement sur le sol, en faisant attention de ne pas être vu des caméras postées aux angles du bâtiment. L'ancien détective comprend qu'il n'a pas une seconde à perdre. Il ouvre grand la fenêtre et se glisse à l'extérieur, puis se déplace lentement en s'accrochant et en marchant doucement sur les avant-corps de la façade de l'hôpital psychiatrique. Lorsque l'esprit l'avertit qu'il s'approche de l'une des caméras, il se laisse prudemment glisser pour descendre de plus en plus vers le sol. Carl Neely parvient ainsi à se rendre au sol sur une face latéral du bâtiment. Il prend soin de rester dans l'ombre, afin de ne pas attirer l'attention des agents de sécurité et des psychiatres, qui se trouvent devant l'hôpital psychiatrique. À ce moment-là, son âme sort de son corps, qui se trouve alors possédé par l'esprit qui l'a aidé à s'évader. Il attend derrière un buisson près de l'hôpital psychiatrique afin de maîtriser et assommer un docteur qui semble avoir le même âge que lui, qui passe proche de lui, afin de substituer ses vêtements aux siens. Il laisse le docteur près du buisson et il se promène ainsi déguisé tranquillement, en faisant exprès de changer sa démarche afin d'être certain de ne pas être reconnu. Il se rend chez lui.

Nul besoin de dire l'étonnement de l'infirmière et des docteurs lorsqu'ils constatent la disparition de Carl Neely. Ils déduisent qu'il s'est blessé ou tué par défenestration. « Dans tous les cas », commente l'un des docteurs, « soit il est mort, soit il a les os cassés, ce qui est un bon débarras. Si nous vérifions quand même où est son corps, simplement pour confirmer ? » En communiquant avec les docteurs et avec les agents de sécurité qui se trouvent à l'extérieur, ils affirment n'avoir rien vu. Seul un agent de sécurité à vu le patient derrière un buisson (en fait, le docteur déguisé). Il le ramasse et l'amène dans sa chambre. Le docteur, revenu de son choc, proteste contre le mauvais traitement que l'homme costaud lui fait. L'infirmière, reconnaissant qu'il ne s'agit pas du patient, ordonne tout de suite à l'agent de sécurité de le lâcher. 

Elle dit : « Messieurs, le patient s'est clairement enfui ! Avertissons immédiatement le professeur Serber ! » Le psychiatre avertis aussitôt la police et Karl Neely.


Grandview.

Les enfants de Jim et Mélinda jouent avec leurs peluches. Ils cessent lorsque le détective parvient à s'enfuir de l'hôpital psychiatrique. Ils décident de jouer à cache-cache. Aiden se cache et Marie-Anne le cherche. Elle fait exprès de ne pas le trouver, car un esprit lumineux lui dit de faire ainsi. Intrigué, Jim, qui a entendu les propos de l'esprit, en demande la raison. La réponse : Pour pas que ses ennemis le retrouvent.

Étonnés, Jim et Mélinda réfléchissent à l'explication de l'esprit. L'ambulancier conclut qu'il est question de Carl Neely. Ils ne leur restent qu'à prier pour qu'il soit sain et sauf.


Ville voisine de Grandview. Appartement de la famille Neely.

Maria, étant seule à la maison avec sa fille, qui joue tranquillement avec ses jouets. Elle s'inquiète pour son mari. Ses deux fils sont partis au collège de la ville et ne reviendront que pour le souper. N'ayant reçu que l'appel de l'Hôpital psychiatrique en avant-midi, elle craint le pire. Vers 15h, lorsqu'elle entend quelqu'un frapper discrètement à la porte de leur appartement, Maria comprend que son mari est de retour. Lada se dirige vers la porte, mais sa mère la ramène à ses jeux. Rassurée, Maria lui ouvre la porte. Mais voyant son déguisement, elle se ravise.

Elle demande : – Bonjour, Monsieur. Qui êtes-vous et qui cherchez-vous ?

L'inconnu, pour toute réponse, sort ses mains des poches de la blouse de docteur. Elle reconnaît son mari à son alliance. Contente, Maria le laisse entrer. Une fois la porte fermée, Carl Neely l'entraîne doucement dans le salon, où il ôte la blouse de docteur, la chemise et le pantalon. Sa fille le rejoint une fois qu'il a repris des vêtements que sa femme court chercher dans son armoire dans leur chambre. Il lui dit qu'il est parvenu à s'enfuir, mais que forcément tout l'hôpital, voire même la ville le recherche. Lorsque Lada saute de joie autour de son père, qui lui caresse la tête en signe d'affection, elle lui demande s'il veut se joindre avec elle. Comme il refuse en riant, elle fait semblant de se fâcher et quitte le salon pour regagner sa chambre. Carl s'excuse aussitôt de l'inquiétude qu'il a occasionné à Maria. Pour toute réponse, sa femme l'embrasse sur les lèvres. Content, il lui rend son baiser. Carl Neely dit : – Sérieusement, qu'est-ce que je peux faire, maintenant que toute notre ville et Grandview, mais aussi la ville où j'habitais avant (Longview) me recherchent ? Il me semble que tu as raison et que la seule option est un déménagement. Mais, es-tu sûr de vouloir déménager ?

– Oui ! Tu sais très bien que je te suivrais peu importe où tu vas, en particulier si c'est mieux ainsi pour nous.

Tout à coup, l'âme de Carl Neely sort de son corps, laissant la place à un bon esprit.

Ainsi possédé, il dit (même Maria perçoit le changement de ton) : – Et pour notre fille... Il faut vraiment faire attention pour qu'il ne lui arrive rien de mal. Je crains qu'ils ne veulent s'en prendre à notre Lada. Que Dieu la protège !

Une fois que son âme réintègre son corps, la conversation se poursuit : – D'ailleurs, je n'apprécie pas le fait d'être sans emploi. Cependant, j'essaierais de régler définitivement mon passé de policier, qui, je dois te l'avouer, commence sérieusement à me fatiguer.

Maria l'enlace tendrement pour le consoler. Il lui sourit faiblement. À son regard, elle comprend que son époux n'a qu'une idée : affronter les policiers de la ville, son père et ses anciens collègues et supérieur. Comme il fait un geste pour se libérer de son étreinte, elle se colle encore plus à lui. Étonné, il n'ose s'opposer à sa femme. Cette dernière lui demande doucement s'il veut l'aider à préparer le souper. Il accepte avec joie.

Le soir lorsque les fils du premier mariage de Maria reviennent de leur cours, ils saluent leur mère et leur beau-père, qui essaie de conserver un sourire forcé sur le visage afin de ne rien laisser paraître. L'aîné, François, étonné, dit : – Saviez-vous que Carl est recherché par toute la ville ? Les policiers et les psychiatres sont bien décidés à vous remettre de force dans l'hôpital psychiatrique. Mon frère et moi avons vu des affiches sur les autobus et sur des poteaux d'électricité lorsque nous sommes revenus de notre cours.

Maria tourne le regard vers son mari, qui devient pâle comme linge. Il bredouille : – Je suis désolé de vous causer autant de troubles. Les garçons, si vous le voulez, bien que je vous apprécie comme si vous étiez mes fils, je ne suis que votre beau-père... Vous n'êtes pas dans ce cas... Obligés de rester avec votre mère. En allant chez votre père, l'atmosphère sera mieux pour vos études, non ?

Maria réplique : – Quel père ! C'est parce qu'il m'a trompé avec une plus jeune femme que nous avons divorcé ! Et toi, tu enverrais mes fils chez un père qui est loin d'être exemplaire ?

Carl Neely : – J'ai compris ! C'est seulement j'ai oublié ce détail. Désolé ! Je retire mes paroles. Faites comme si je n'est rien dit !

Maria ajoute, en voyant que Lada commence à pleurer lorsque son père hausse la voix : – S'il vous plaît, nous pouvons parler de ça plus tard ? Lada, zlato moje [mon or], ne pleures pas. Prenons notre repas. Et que Dieu nous bénisse.

Tous les membres de la famille mangent lentement le repas.

Seul Carl ne mange pas beaucoup. Il se retire dans son bureau, perdu dans ses pensées. Maria demande à ses fils s'ils veulent bien faire la vaisselle et s'ils veulent envoyer Lada dans sa chambre pour y jouer ; ils acceptent avec joie, comprenant qu'elle veut parler avec leur beau-père. Elle frappe doucement à la porte du bureau. Carl lui ouvre la porte : elle entre et il referme la porte. Vu son regard féroce, la femme comprend qu'il s'est armé. Elle lui touche le bras droit pour l'inciter à la patience ; il l'enlace tendrement et lui murmure : « Je dois agir ! » Il s'assied à son bureau et sort du tiroir une petite icône portative de Sveti Mihovil (l'ange Michel), le protecteur de la police. Carl explique à Maria que c'est le seul souvenir qu'il garde de son ancien métier. Il est très attaché à cette icône qu'il avait acheté au marché principal de Belgrade en 1994, alors cinq ans de mariage avec Sara Blumenfeld, sa première épouse, et père de trois enfants. C'était par ailleurs un ancien policier qui lui l'a remis, pour le protéger dans son travail. « D'ailleurs », ajoute Carl Neely, « je remarque que lorsque j'amène sous mon gilet pare-balle l'icône de notre protecteur, je me sens mieux. Parfois, en cas de situations difficiles, je me surprends moi-même avec quelle ferveur il m'arrive de prier ! » Après une courte pause, il enchaîne : « Et maintenant, plus que jamais, j'ai besoin de la protection de Mihovil ! S'il te plaît, Maria, veux-tu me laisser seul dans la pièce ? » Elle opine du chef et se retire discrètement du bureau. Une fois la porte fermée, Carl place l'icône de l'ange Michel face à lui et le prie de l'aider à trouver la meilleure solution à sa situation. Il prie tellement qu'il s'endort, s'affalant sur son bureau, face à l'icône. Maria entre doucement dans son bureau après une heure, car elle passe son temps avec leur fille puis lui chante une comptine pour l'endormir. Elle sourit quand elle voit son mari dormir tranquillement. Elle sort aussitôt pour ne pas le réveiller et dit à voix basse à ses fils de ne pas faire trop de bruit, afin de ne pas déranger leur beau-père. D'ailleurs, le reste de la maisonnée dort une heure et demi plus tard.

Au cours de ce sommeil, Carl Neely voit en rêve la solution à sa situation. Il remercie, à son réveil, le Ciel de ne pas l'avoir abandonné.


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