De feu et de braise (Diluc x Varesa)

Chapitre 11 : Varesa

1508 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Je fixais mon assiette vide comme si elle allait, d’un instant à l’autre, me révéler les mystères de l’univers. Autour de moi, tout le monde semblait absorbé par un semblant de normalité : Chasca, toujours droite comme un piquet, découpait son fruit avec une précision chirurgicale ; Diluc terminait son jus de pomme avec le sérieux d’un diplomate en pleine négociation de paix ; Mualani, elle, virevoltait avec un sourire trop joyeux pour être innocent. Moi ? J’essayais simplement de me souvenir si j’avais, oui ou non, tenté de séduire Diluc dans une source chaude la veille au soir.

Ce n’est qu’au moment où mes doigts effleurèrent ceux de Diluc, en lui tendant un nouveau verre de jus de pomme comme Mualani me l’avait demandé, que tout me revint d’un coup.


Un flash. Ma mains sur sa cuisse. Son regard fixe, brûlant. Mon souffle court, incertain. Ce n’était pas un souvenir net, plutôt une sensation, un écho. Mais suffisant pour que mon estomac se retourne et que je manque de lâcher le verre, mes joues virant au cramoisi alors qu’une quinte de toux mal maîtrisée me secouait sur place.


— Tout va bien, ma petite allume-braise ? gloussa Mualani, une main faussement inquiète sur mon épaule.


Je hochai la tête, rouge comme un piment grillé. Diluc m’observait à présent — ou plutôt, il jetait des coups d’œil furtifs dans ma direction, comme s’il craignait de croiser mon regard trop longtemps. Je ne savais pas ce qui me rendait le plus nerveuse : l’absence de souvenirs, ou le fait qu’il semblait, lui, s’en rappeler parfaitement.


J’avais chaud. Très chaud. Et pas à cause du thé fumant que je tenais entre mes mains tremblantes. Il y avait quelque chose dans l’air. Une tension étrange, palpable. Chaque fois que Diluc passait près de moi, j’avais l’impression que mon cœur faisait une pirouette. Comme si mon corps avait compris quelque chose que ma tête refusait encore d’admettre.


Une autre image me traversa l’esprit : ma main sur son torse. Ma voix, chuchotante. Mon regard planté dans le sien, trop sûr, trop franc. Une vague de honte me submergea. Et si j’avais dit quelque chose de ridicule ? Ou pire... d’ambigu ? Avais-je été... aguicheuse ? Mon estomac se noua à cette idée. J’avais peur d’avoir été déplacée. Peur qu’il me regarde différemment. Peur de l’avoir mis mal à l’aise. Ou pire, qu’il ait deviné des choses que je n’avais même pas osé m’avouer à moi-même.

Chasca, qui jusque-là n’avait pas prononcé un mot, lança soudain :


— Tu sembles encore un peu vaseuse, Varesa. Tu es sûre que tu ne devrais pas rester allongée un peu ?


Sa voix sonnait douce, presque bienveillante, mais ses yeux disaient autre chose. Elle me scrutait comme si j’étais une menace déguisée en petit-déjeuner.


— Je vais très bien, merci, répondis-je un peu trop vite.


Je n’osais pas regarder Diluc. Parce qu’au fond, j’avais peur. Peur de voir du dégoût. Peur de lire dans ses yeux la confirmation que j’avais franchi une ligne. Peur d’avoir été ridicule. Peur qu’il pense que j’étais une fille facile... ou pire, inconséquente.

Et pourtant, chaque fois que nos regards se frôlaient, c’était comme une brûlure douce. Une attraction que je ne comprenais pas, mais qui me tirait vers lui, encore et encore. Une partie de moi voulait s’excuser, se justifier. Une autre... espérait qu’il n’avait pas été totalement insensible.

Mualani revint à la charge avec une assiette de crêpes au miel.


— Allez, un petit remontant ! Et puis il faut reprendre des forces pour la journée.


Je lui lançai un regard noir, mais elle me répondit avec un clin d’œil appuyé. Elle savait. Évidemment qu’elle savait. Et elle adorait ça.

Quand elle déposa l’assiette devant moi, elle fit mine de trébucher, renversant légèrement son pichet d’eau glacée. Le liquide s’étala jusqu’au bord de la table, forçant Diluc à se pencher pour éviter d’être éclaboussé. Dans le mouvement, nos mains se frôlèrent. Juste un effleurement.

Mais mon cœur explosa dans ma poitrine comme une boîte de confiture oubliée au soleil.


Il se redressa aussitôt, plus raide qu’une épée. Moi, je tentai de faire semblant de rien, mais mes joues trahissaient mon affolement intérieur. J’avais encore cette chaleur au creux de la main. Et quelque chose qui battait trop fort, trop vite, dans ma poitrine.


Je sentais encore la chaleur de sa peau contre la mienne. Et je sus, au fond de moi, que ce n’était pas un simple frisson dû au froid. C’était autre chose. Quelque chose de vivant. De brûlant. Un frisson qui n’avait rien d’innocent.


Mualani tapota dans ses mains :


— Et si on allait faire un petit tour dehors, tous ensemble ? Un peu d’air frais pour se remettre ?


Je faillis refuser, mais Diluc s’était déjà levé. Ses yeux croisèrent les miens. Il n’avait pas besoin de parler. Il y avait quelque chose dans sa posture, dans la manière dont il me regardait, qui me donnait envie de le suivre.


Alors je me levai moi aussi, le cœur battant. Parce que malgré les doutes, malgré la gêne, malgré le vide dans ma mémoire, je voulais comprendre. Ce que j’avais dit. Ce que j’avais fait. Ce qu’il avait ressenti.


Et peut-être... ce que moi, je ressentais.


Je restai un instant en retrait du groupe, prenant une inspiration plus longue que nécessaire. Mualani guida le petit cortège vers les jardins adjacents, bordés de fougères épaisses et de bassins de vapeur. La lumière était douce, tamisée par la brume qui s’élevait du sol. À ma grande surprise, Diluc ralentit l’allure pour se caler à mon rythme.


— Tu veux marcher un peu à l’écart ? murmura-t-il, sans me regarder.


J’acquiesçai, et nous prîmes un sentier secondaire, un peu plus sinueux, qui s’éloignait du groupe. Le silence entre nous était dense, chargé de tout ce qu’on n’osait pas dire. J’entendais presque le martèlement de mon propre cœur.


Il finit par s’arrêter près d’un vieux bassin de pierre aux reflets nacrés. Il posa les yeux sur moi, et je vis cette hésitation qu’il dissimulait si bien. Cette brûlure contenue dans son regard. Et je compris : lui non plus n’avait pas oublié.


Il sembla chercher ses mots un long moment, les sourcils froncés, la mâchoire légèrement crispée.


— Ce que j’ai ressenti… c’était confus. Mais pas désagréable.


Il évita mon regard, fixant un point invisible au loin. Comme s’il craignait de trop en dire.


— J’ai surtout eu peur que tu regrettes. Que ce ne soit pas toi, pas vraiment… et que tu te réveilles ce matin en pensant que je t’avais laissé franchir une limite sans réagir.


Ses mots me percutèrent doucement, mais sûrement. Il n’y avait ni reproche, ni jugement. Juste une honnêteté brute, maladroite, mais vraie. Mon cœur battait fort, un peu trop fort.


— Et toi ? souffla-t-il enfin, plus bas. Est-ce que tu regrettes ?


Je n’avais pas la réponse. Je ne savais pas ce que j’avais ressenti, ni ce que j’avais dit exactement. Mais une chose était sûre : je n’avais pas peur de lui. C’était peut-être même ça, le plus troublant.


Je secouai légèrement la tête, le souffle court.


— Je ne sais pas encore… mais je crois que non.


Il acquiesça lentement, en silence. Un silence chargé, mais pas pesant.

Je sentis que quelque chose venait de se poser entre nous. Pas une promesse. Pas encore. Mais une possibilité.

Et sans rien dire de plus, Diluc tendit lentement la main, hésitante. Puis il effleura mes doigts, très doucement, comme s’il cherchait à réveiller en moi ce qui avait été perdu.

Un nouveau frisson remonta le long de mon bras. Je baissai les yeux sur nos mains. Il n’avait pas bougé, et pourtant, tout mon corps semblait vibrer.


— Tu veux essayer de te souvenir ? murmura-t-il.


J’ouvris la bouche, mais aucun mot ne sortit. Mon cœur battait si fort que j’avais peur qu’il l’entende.


Alors je me contentai d’hocher la tête. Oui. Je voulais me souvenir. Je voulais savoir si ce qu’il avait vu en moi… c’était bien réel.

Laisser un commentaire ?