De feu et de braise (Diluc x Varesa)

Chapitre 10 : Diluc

1021 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Le silence de la source fut rompu par le bruit précipité de l'eau éclaboussée. Varesa venait de quitter le bassin, sans un mot, sans un regard. Un instant plus tôt, elle s'était pressée contre moi, plus proche qu'elle ne l'avait jamais été, son souffle chaud glissant dans le creux de mon cou, ses gestes hésitants et séduisants à la fois. Puis, comme prise de panique, elle s'était esquivée.


J’étais figé. Son parfum m'enveloppait encore, sucré et sauvage, mêlé à la vapeur de la source. Mes mains étaient restées près de la surface de l'eau, trop tendues pour oser les tendre vers elle. Et maintenant qu'elle n'était plus là, la chaleur qu'elle avait laissée contre moi semblait décuplée, cruelle.

Je ravalai un souffle sec et me redressai lentement. Le froid me heurta alors même que j'étais encore dans l'eau chaude. Un vide absurde. Je ne savais pas ce qui s'était passé. J'avais senti sa main trembler contre la mienne, ses mots flous, ses gestes désinvoltes, sa bouche si proche. Et je n'avais rien fait. Rien dit. Parce que tout était faux ? Ou parce que j'avais eu peur ?


Je sortis de l'eau sans un bruit, récupérai une serviette, m'essuyai rapidement et me rhabillai. Mon esprit tournait. L'image de Varesa, dans ce maillot trop simple pour elle, dans ce rouge que j'avais toujours porté comme une armure, me hantait. Ce rouge lui allait mieux qu'à moi. Il était vif, vivant, incarné. Et sur elle, il prenait une dimension que je n'avais jamais vue. Une sorte d'évidence.


Mais elle n'était pas elle-même. Je l'avais compris, juste à temps. Ce regard flou, ces gestes un peu décalés, cette confiance inhabituelle dans sa façon de me frôler… Ce n'était pas la Varesa que j'avais croisée dans les vergers, ou affronté l'Abîme avec. Elle était troublée, peut-être malade. Et moi… moi, j'avais réagi comme un imbécile. Mon corps avait répondu à son appel avec une intensité que je ne me connaissais pas. Mon souffle s'était coupé. Mes mains avaient tremblé. J'avais eu envie de l'embrasser. Viscéralement. Aveuglément.


Mais je ne l'avais pas fait. Parce que quelque chose clochait. Parce que, dans son regard fuyant, dans son rire un peu décalé, il y avait une faille. Une alarme. Et j'avais préféré l'honneur au désir.


Cette nuit-là, je dormis mal. Très mal. Je me tournai longtemps dans les draps offerts par Mualani, incapable d'éteindre les échos de la soirée. Quand le sommeil m’emporta enfin, ce fut dans un rêve agité, terriblement vivant. Nous étions encore dans la source, seuls, entourés de vapeur. Mais dans ce songe, Varesa ne s’éloignait pas. Elle se penchait vers moi, ses mains sur ma nuque, sa bouche contre la mienne. Elle m’embrassait. Longtemps. Et puis plus encore. Je sentais la chaleur de sa peau contre la mienne, son souffle précipité, ses gestes impatients. Le désir, brut, brûlant. Mon rêve allait trop loin, trop vite, me laissant au réveil dans un trouble inavouable.

Je m’éveillai tendu, fiévreux, honteux. Ce n’était pas réel. Ce n’était pas elle. Et pourtant mon corps s’en souvenait. Je passai un long moment sous l’eau froide, essayant d’éteindre ces sensations obsédantes.


Alors que je sortais de la salle de bain commune, une silhouette surgit. Varesa. Encore en maillot, les cheveux en bataille. Elle semblait surprise, confuse. Elle ouvrit la bouche, referma les lèvres. Je la saluai, la voix un peu rauque. « Tu vas mieux ? » Elle hocha la tête sans trop de conviction. Mais je n’osai pas croiser son regard. Mes yeux se fixèrent sur l’encadrement de la porte. J’avais peur que mes pensées ne trahissent ce que je ressentais encore. Je me glissai hors de la pièce en silence, le cœur battant.

Au petit déjeuner, l’atmosphère était lourde. Chasca semblait sur ses gardes, distante, méfiante même. Varesa arriva après moi. Lavée, mais pas remise. Elle évitait les regards. Je la sentais mal à l’aise, comme si elle devinait que quelque chose s’était passé.


Mualani rayonnait, bien trop enthousiaste pour être innocente. Elle servit le repas avec des œillades complices, multipliant les allusions voilées. Et comme si ça ne suffisait pas, elle fit tomber une cuillère entre nous. Quand Varesa se pencha en même temps que moi, nos mains se touchèrent. Et la chaleur de sa peau contre la mienne me parcourut comme un choc électrique.


Je me raidis aussitôt. Elle aussi. On se redressa en même temps. Je vis ses joues se colorer. Et mon souffle s’emballa.


Elle ne disait rien. Mais tout son corps criait l’inconfort, le doute. Et moi… moi, je voulais comprendre. Je voulais savoir si, même un instant, elle avait voulu ce qui s’était passé dans la source. Ou si elle me fuyait parce que j’avais franchi une limite.


Quand Mualani proposa une nouvelle tournée de jus, elle insista pour que je passe le verre à Varesa. Elle aurait pu le faire elle-même. Mais non. Je lui tendis le verre. Nos doigts se frôlèrent à nouveau. Et ses yeux s’accrochèrent aux miens, l’espace d’un souffle.


Je ne saurais dire ce qu’elle y lut. Mais j’y sentis la même incertitude que dans mon propre cœur.


Je terminai à peine mon assiette. La nourriture n’avait plus aucun goût. Mon esprit était ailleurs, à revivre ce rêve, à ressasser ce moment dans la source, à essayer de démêler ce qui était vrai de ce qui ne l’était pas.


Et je n’étais pas certain d’en avoir envie. Car si tout cela était réel… je ne pourrais plus jamais la regarder de la même façon.


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