De feu et de braise (Diluc x Varesa)

Chapitre 5 : Varesa

1570 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

— Dites, Monsieur Ragnvindr, vous comptez rester dans le coin ? Parce que, voyez-vous, Varesa, elle a

du caractère, hein ! Mais elle a aussi un grand cœur. Et vous... vous avez l’air d’un homme fiable. Bien

que certes un peu sombre... Mais enfin, j’imagine qu’on pourrait facilement arranger cela en ajoutant

un peu de couleurs à votre tunique.

Je crois que j’avais perdu l’usage de mes jambes. Ou peut-être de mon cœur. Ou des deux. L’un ou

l’autre venait de faire un triple salto arrière et je manquais de renverser mon assiette. Alors que je

m’exclamais pour lui dire d’arrêter, Mamina continuait ses insinuations, rendant la situation encore

plus malaisante qu’auparavant. Je sentais mes joues chauffer. Maman, toujours à parler sans gêne.

Je regardai Diluc, un peu gênée, et essayai de garder la tête haute, de faire bonne figure. Après tout,

c’était un noble, et je ne voulais pas passer pour une gamine maladroite. Évidemment, son expression

n’avait pas changé. Toujours aussi calme, toujours aussi impénétrable. Ce serait presque frustrant s’il

n’était pas aussi... bon. Inutile de mettre un mot dessus. Ça ne ferait qu’aggraver mon état.

Flûte ! Je venais de faire l’erreur de le regarder un peu trop longtemps, et comme si je n’avais pas

assez chaud, et que mes joues ne bouillonnaient pas assez, nos regards se croisèrent. Mon cœur se

mit à battre encore plus vite (je ne sais pas comment cela était possible d’ailleurs ?). Je voulais rester

digne, juste être à la hauteur, lui montrer que je pouvais être sérieuse. Mais, au fond, c’est comme si

je n’y arrivais pas vraiment. J’étais juste... moi. Naturelle, spontanée, parfois maladroite. Bref ! La

seule chose que je réussis à faire à cet instant fut d’afficher un petit sourire forcé et de détourner

rapidement mon regard du sien avant que cela tourne au ridicule.

Afin de reprendre le dessus sur ces émotions qui m’envahissaient malgré moi, je baissai les yeux au

sol et commençai à nourrir Vanana. Depuis le début du petit déjeuner, je pense qu’elle avait englouti

au moins autant de nourriture que moi et elle n’avait probablement plus faim du tout. D’ailleurs, j’eus

la sensation, entre deux bouchées, qu’elle allait instantanément vomir sur le plancher. Néanmoins,

n’étant pas capable de réfléchir à ce moment-là, je continuais de la nourrir poignée après poignée.

— Vanana a toujours faim, elle n’est jamais rassasiée !

Je m’exclamai ainsi afin de combler le blanc qui s’était installé dans la conversation, le regard toujours

tourné sous la table en direction de Vanana.

Bon... ! Il fallait que je me ressaisisse, que je tente une sortie noble pour mettre fin à ce petit


déjeuner le plus vite possible. Je me redressai donc, et tentai de prendre mon air le plus digne (peut-

être me rendais-je encore plus ridicule que quelques secondes auparavant ?), et me tournai vers


Diluc avec un sourire que j’avais voulu mystérieux mais qui devait plus ressembler à un mélange

d’indigestion et de gêne absolue.

— Nous devrions y aller, monsieur Ragnvindr. Mondstadt attend.

Je regrettai aussitôt le ton beaucoup trop pincé. On aurait dit que j’imitais une noble constipée. Pas

vraiment le charme naturel que j’espérais.

Il acquiesça, se leva en silence et nous quittâmes la table. J’entendis ma mère soupirer et je la sentis

nous porter un regard d’exaltation comme si elle venait de marier sa fille à un prince... Enfin, nous

allions quitter l’habitation ! Je commençais à avoir bien trop chaud...


Dehors, l’air sentait le matin, la terre chaude et la sève fraîche. C’était un jour parfait pour partir en

mission héroïque avec un chevalier ténébreux. Dommage que je ne sois ni héroïque ni mystérieuse...

Un jour, peut-être, j’apprendrai à être autre chose qu’un tourbillon de maladresse.

Alors que nous franchissions les limites du verger, un bruit sourd résonna dans le sol. Je m’arrêtai net.

— Tu entends ça ?

Diluc hocha la tête, les sourcils froncés. Vanana s’était déjà camouflée dans les buissons. Mon cœur

accéléra. J’eus un frisson.

« Encore l’Abîme ? » murmurai-je, plus pour moi que pour quelqu’un d’autre. Pas encore... Pas

l’Abîme. Pas ici.

Les muscles de Diluc s’étaient tendus et sa main s’était portée sur la garde de son épée. Le bruit

grossit, un grondement puissant, un sifflement dans l’air. Nous nous regardâmes, prêts à réagir et à

défendre. Mais au lieu de l’ombre menaçante d’une créature de l’Abîme, une lueur rouge fendit le

ciel... Nous distinguions à présent une silhouette imposante et un énorme missile brillant qui fendait

l’air. Ils vinrent s’écraser à quelques pas de nous dans une grâce toute relative, faisant voler la

poussière au passage.

— Chasca !? C’est toi ? lançai-je, tentant de l’identifier dans le nuage de poussière qu’elle venait de

provoquer.

Elle descendit de son engin comme si c’était la chose la plus normale du monde. Toujours aussi

droite, sûre d’elle, le regard brillant de détermination. Même après un vol en missile, elle était

impeccable. Moi, mes yeux étaient brûlants, mes cheveux ternis par la poussière et j’avais une folle

envie d’éternuer.

— J’ai entendu parler du retour de l’Abîme, annonça-t-elle avec un sourire éclatant, l’air sûre d’elle,

comme toujours. Et il est hors de question que je reste sans rien faire. Je viens avec vous.

J’aurais pu sourire. J’aurais dû sourire. Mais mon estomac se tordit bizarrement.

— Avec plaisir, répondit Diluc simplement.

Bien sûr qu’il acceptait. Chasca, elle, avait tout. Grâce, autorité, stratégie. Elle ne trébuchait pas sur

des racines, elle ne mettait pas les pieds dans les flaques. Et elle parlait comme une ambassadrice

divine avec une voix grave et un peu trop posée pour être honnête.

— En réalité, reprit-elle, je pense que nous devrions d’abord avertir les représentants des autres

tribus. L’Abîme ne s’arrêtera pas là. Si nous voulons organiser une défense efficace, il nous faut des

alliés. Une armée, même.

Il y eut un silence. Je me mordis l’intérieur de la joue. Je sentis un mélange bizarre en moi. D’un côté,

la colère de devoir partager ce voyage avec quelqu’un d’autre, surtout quelqu’un d’aussi parfaite. De

l’autre, une pointe d’admiration. Chasca savait comment faire. Elle parlait d’aller prévenir les autres

tribus, de rassembler une armée contre l’Abîme. Ce nouveau plan, c’était beaucoup plus grand que ce

que j’avais imaginé.

Je lançai un regard à Diluc. Lui, il semblait réfléchir sérieusement, peser les mots de Chasca.


— C’est une idée pertinente, dit Diluc. Varesa, qu’en pensez-vous ?

Hein !? Diluc se mettait à me vouvoyer maintenant !? Je me raidis un peu... Il venait de me demander

mon avis mais sa question et l’intonation qu’il avait prise me donnaient envie de me cacher dans un

buisson.

— Oui... dis-je, les mains dans le dos et en me balançant maladroitement d’un pied sur l’autre. C’est...

une très bonne idée. Logique même.

Le ton de ma voix diminuait au fur et à mesure que les mots avançaient dans ma phrase. Je ne sais

même pas si la fin était audible. Je me détestais de ne pas avoir été celle qui avait proposé cette idée.

Le plan changeait. Fini Mondstadt pour l’instant. Nous allions parcourir les clans, prévenir, convaincre,

rassembler. C’était une bonne chose. Vraiment. Juste... un peu plus difficile quand on se sentait être la

note dissonante dans une symphonie de héros. Car, encore une fois, Chasca brillait. Et moi, j’étais là, à

essayer de sourire dignement en retenant un soupir.

Je voulais montrer à Diluc que moi aussi, je pouvais être à la hauteur, que je n’étais pas juste une fille

du verger un peu brute et maladroite, mais une alliée solide.

Je me redressai, tentant un sourire plus assuré, que j’imaginais être séduisant et noble. Mais à

l’intérieur, je savais que ça sonnait faux. Moi, ce n’était pas dans mon naturel.

Je me surpris à me demander si Diluc préférait vraiment quelqu’un comme Chasca, avec son calme et

sa maîtrise, plutôt que moi, avec mon énergie désordonnée et mes maladresses. C’était une

sensation nouvelle, étrange. Je n’avais pas encore de mots pour ça, juste un pincement, une petite

brûlure au fond de la poitrine.

Mais je me redressai. J’étais Varesa, héroïne masquée du collectif de l’Abondance. Moi aussi, à ma

manière, je faisais en sorte que l’ordre et le respect règnent au cœur de Natlan, moi aussi j’avais déjà

sauvé des vies (enfin une, celle de Diluc quelques heures auparavant). Et si je n’étais pas faite pour les

discours, au moins, je savais courir vite, frapper fort et aimer plus fort encore.

Peut-être qu’un jour, ce serait suffisant.

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