De feu et de braise (Diluc x Varesa)

Chapitre 3 : Varesa

1296 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Le ciel de Natlan était clair, piqué d’étoiles. L’air sentait la terre humide, les feuilles froissées et les braises éteintes. Je marchais en direction du verger de mes parents, et Diluc me suivait, silencieux. Enfin… presque silencieux. Il traînait un peu les pieds, le pas plus lourd qu’à l’accoutumée, mais toujours digne. Même ivre, il gardait cette allure droite et impressionnante.

Arrivés à destination, j’ouvris le portillon d’entrée. Un grincement familier se fit entendre. Je ne dis rien et ouvris le chemin. Vanana sautillait entre les rangées de fruits et de légumes malgré l’heure tardive, en émettant de petits cris rauques de contentement. Papa et Maman devaient déjà être en train de dormir. Heureusement, leur chambre ne donnait pas de ce côté-là du verger. C’était très bien comme ça, je ne voulais pas les inquiéter par la présence d’un invité comme Diluc à cette heure-là.

Nous n’allions pas rentrer dans l’habitation tout de suite. Avec les événements de la journée, je n’avais pas pu effectuer les tâches quotidiennes du verger. D’un geste de la main, je fis signe à Diluc de s’installer sur un petit replat entre deux arbres. C’était le coin de Vanana, habituellement, mais il était plus sage qu’il s’asseye avant de tomber, vu son état. Au sol étaient installés une vieille couverture et un coussin. Bien qu’un peu plat, cela ferait l’affaire ; ce n’était pas un lit de prince, mais un joli coin tranquille.

Droit comme un piquet, un peu trop fier pour admettre qu’il vacillait légèrement, il acquiesça mais me suivait du regard tout en fronçant les sourcils :

— Que comptes-tu faire ? Travailler, maintenant ? Je vais t’aider !

— Non non, je n’en ai pas pour longtemps. Deux ou trois bricoles, c’est l’histoire de quelques minutes… Et puis tu ne ferais que me ralentir ! conclus-je d’un air taquin.

À ce moment-là, je crois qu’il voulut protester, vraiment. Cependant, l’hydromel commençait à gagner la bataille. Je ris intérieurement en pensant que c’était un comble pour un vigneron. Alors, il croisa les bras, puis finit par s’asseoir au ralenti, continuant de me fixer avec ses yeux mi-clairs, mi-sombres.

Mon estomac fit une cabriole. Avais-je encore faim ? Ce n’était pas le moment, j’avais du pain sur la planche. Je commençai alors mes tâches habituelles, légèrement éclairée par les lanternes suspendues aux branches, soufflées de lumière Pyro.

Je filai entre les rangées. Cinq arbres fruitiers à arroser, un filet à remettre en place, deux pierres déplacées à replacer — Vanana avait encore creusé, cette crapule ! — et un contrôle de tout le reste. Tout ça, je le fis en courant. Pas très loin du sol, juste assez vite pour que mes cheveux fouettent l’air. J’adorais cette sensation. Comme une course avec le vent. Je fonçai. L’arrosoir sur l’épaule, je passai d’un arbre à l’autre en quelques secondes. Les vergrains avaient soif. Je leur parlais parfois. Ce soir, je n’en avais pas la force. Mais je les arrosai bien.

Puis je courus jusqu’au champ de pimentosa, vérifiai les attaches, nettoyai quelques feuilles rongées. Une figuépice mûre me fit de l’œil : je la grignotai d’un air distrait.

Alors que j’en mâchais une, puis une seconde, mes pensées ralentirent.

Le retour de l’Abîme. L’attaque, les cris, l’odeur de la confiture mélangée à la terre. Et lui. Cette fraction de seconde où je l’ai vu trop lent pour réagir au coup de hache qu’il allait recevoir, et où mon cœur avait bondi dans ma gorge. Ensuite, mes jambes avaient bougé toutes seules. Je n’avais pas pensé, ni réfléchi, j’avais juste foncé. Que se serait-il passé si je n’avais pas réagi si vite ? Une épouse aurait-elle pleuré sa mort ?

Pff ! Mais quelle question idiote ! Avait-il une épouse ? Un homme aussi influent que lui ne pouvait pas être seul… J’avais entendu qu’une certaine Donna lui tournait autour, mais leur relation était-elle officielle ? Et puis mince ! Pourquoi est-ce que je me posais ce genre de questions ?

Je terminai une dernière figue en me léchant les doigts. Le goût sucré et épicé me ramena un instant à l’auberge. Aux plats par dizaines. À l’hydromel et aux sourires discrets que j’étais sûre de l’avoir vu esquisser. Je ne suis pas certaine, mais il me semble l’avoir même entendu rire. Il n’avait pas ri fort, mais il avait ri.

Je revins à la réalité et sortis de mes pensées. J’avais terminé le travail du verger en moins de cinq, ou peut-être six minutes. Je décidai alors de revenir aux côtés de Diluc, qui devait être en train de jouer avec Vanana, sans doute. Il était temps que je lui indique la chambre d’amis afin qu’il se repose quelques instants avant la longue journée qui nous attendait.

Quelle ne fut pas ma surprise quand je revins vers lui ! Il était là, toujours assis. La tête un peu tombée en arrière, les yeux clos. Endormi. Sous la lumière des étoiles, il avait l’air moins rigide. Plus humain. Sa respiration était lente, régulière. Sa main droite reposait sur la garde de son épée, même dans le sommeil. Toujours prêt, même inconscient. Quelle drôle de façon d’être.

Vanana s’était glissée tout contre lui et émettait un ronronnement étrange, la tête posée sur son bas-ventre. Une scène étrange, surréaliste presque, que je suis sûre que ma copine Charlotte aurait adoré immortaliser avec son étrange appareil à faire des images.

Je restai un moment debout, à les regarder, à la fois fascinée par la beauté de la scène et piquée par une pointe de jalousie envers Vanana. À cet instant précis, j’aurais adoré être à sa place.

Je m’accroupis à côté de Diluc, le regardant sans trop penser. Juste... observer. Il avait de la suie encore sur la joue, une miette de Tataco sur le col. Et malgré tout, il dégageait ce calme, ce feu tranquille. Ça m’échauffait un peu le ventre. Pas comme une fièvre, plutôt comme... une braise douce. Je ne connaissais pas ce sentiment. C’était nouveau. Je demeurai un instant ainsi, étrangement troublée, puis finis par m’asseoir à côté d’eux.

Le sol était tiède. L’air sentait le fruit mûr, la terre, et un peu... lui.

Finalement, je me pelotonnai à mon tour. Pas contre lui, mais juste à côté, sur la couverture que je tirai légèrement sur mes genoux. Il me sembla entendre Vanana émettre un petit glapissement de contentement. Alors, je commençai à fermer les yeux.

Je n’étais pas fatiguée. Ou en tout cas, pas vraiment. Mais c’était calme, et je crois que j’aimais bien cela.

Je repensai à son regard dans la salle de cours. À la façon dont il m’avait observée. Comme si... j’étais un mystère. Ou une énigme qu’il n’arrivait pas à résoudre. Ça me faisait quelque chose dans le ventre. Un truc étrange. Pas désagréable. Mais nouveau.

Je n’avais pas de mot pour ça. Juste... une drôle d’envie de rester encore un peu.

Et c’est ce que je fis


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