De feu et de braise (Diluc x Varesa)

Chapitre 2 : Chapitre 2 : Diluc

1411 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

L’odeur du bois ciré, mêlée à celle des épices piquantes et des viandes grillées, m’accueillit en même temps que le tumulte habituel de l’auberge. À la suite des événements qui venaient de se dérouler, Iansan, l’étonnante Varesa et moi avions décidé de nous rendre à l’auberge du Stade Sanctifeu afin de discuter du plan à suivre pour stopper l’Abîme, autour d’un repas.

L’auberge grouillait de monde. Je saluai d’un geste de la main mon amie Mavuika, l’Archon Pyro de Natlan. Nous finîmes par trouver rapidement une table ronde, légèrement en retrait, près d’un pôle à flamme nue, à laquelle nous nous installâmes. Perspicace, je me demandai si occuper une table pour six personnes alors que nous n’étions que trois n’était pas démesuré, mais j’allais vite comprendre que je me trompais.

Je m’installai en silence, mon esprit encore absorbé par les événements de la journée. L’attaque avait été brutale, inattendue, et d’une précision inquiétante. Mais quelque chose me tourmentait davantage. Une pensée résonnait dans mon crâne déjà embrumé par l’hydromel : elle m’avait sauvé la vie.

(Et elle avait toujours de la confiture dans les cheveux.)

Je détournai le regard. Cela n’avait pas de sens de m’attarder sur ce genre de détail. Ils n’étaient pas importants, et je devais conserver une attitude irréprochable.

Le premier service arriva rapidement. Au menu : des Tatacos débordant de crevettes grillées et de fromage fondu, des chips de granifruits croustillantes nappées de sauce épicée, et des crackers en forme de petits sauriens. Les quantités étaient astronomiques et les plats occupaient largement la table, bien qu’elle fût prévue pour six convives. Bien qu’affamé, je me demandai comment nous allions venir à bout de ce repas.

Varesa n’attendit ni que l’on trinque, ni que l’on commence à discuter. Elle attrapa un Tataco entier et le dévora à même la main, avant que je ne touche à ma coupe. La sauce lui dégoulina sur le poignet. Elle l’essuya d’un revers de manche en attrapant déjà une autre assiette remplie de boulettes de crevettes frites.

Je la regardai, interdit, puis versai enfin un peu d’hydromel. Une boisson douce, sucrée, mais qui, consommée sans mesure, fait fondre la vigilance comme neige au soleil.

Visiblement, la retenue ne faisait pas partie des attributs de Varesa.

— Ce ragoût de viande braisée est si bon ! essaya-t-elle d’articuler alors qu’elle venait de se fourrer une énorme portion d’un plat inconnu dans la bouche.

Sa main gauche s’avançait déjà vers une part de gâteau.

Je fronçai les sourcils.

— Tu comptes nourrir un escadron entier ?

— Non. Juste moi, dit-elle la bouche pleine, avant d’avaler une grosse bouchée d’un nouveau plat.

Je ne m’étais même pas aperçu que de nouveaux mets avaient été apportés sur la table. Visiblement, Varesa était une cliente régulière, et les patrons connaissaient bien son appétit surdimensionné.

Iansan éclata de rire. Je me demandai si elle réalisait à quel point cette fille était… anormale. Ce n’était pas qu’elle mangeait vite. Elle disparaissait littéralement dans la nourriture, corps et âme.

Et pourtant… il y avait quelque chose de fascinant dans cette énergie brute.

Elle mangeait comme elle se battait : sans peur, sans frein.

Moi, j’étais méthodique. Je coupais avec soin. J’essuyais l’assiette. Même ivre, je gardais cette foutue discipline chevillée à l’âme.

Mais ce soir… ce soir, quelque chose en moi vacillait.

La stratégie prenait forme. Iansan exposait, je nuançais, elle insistait. Varesa commentait entre deux bouchées, parfois la bouche pleine — mais elle comprenait. Bien plus qu’elle ne le laissait paraître.

Moi, je commençais à perdre le fil. L’hydromel s’infiltrait doucement dans mes pensées. Ma langue devenait pâteuse. Mes joues, chaudes. Ma chemise, entrouverte sans même que je m’en sois rendu compte.

Elle riait encore, d’une mission ratée à cause d’un gâteau volé… ou… je ne sais plus. En réalité, son rire avait remplacé ses mots.

Je me surpris à sourire. Un vrai sourire.

Quand elle se tourna vers moi, un reste de sauce sur la lèvre, elle haussa les sourcils.

— T’as les joues rouges.

— Hydromel, grognai-je.

— Ou moi ?

Je la fixai, en essayant de me concentrer pour que mes joues ne rougissent pas davantage.

Elle éclata de rire et reprit une bouchée de poisson grillé à la menthe.

J’eus un bref vertige. Comment pouvais-je être autant troublé ? L’alcool de Natlan ne devait pas avoir la même intensité qu’à Mondstadt. Il était si difficile de garder une attitude professionnelle.

Une fois le plan finalement établi, Iansan se leva. Elle eut à cet instant le regard qu’ont les généraux satisfaits d’une réunion efficace. Bien que ce ne fût pas l’adjectif qui qualifiait le mieux notre soirée.

Lorsqu’elle quitta l’auberge, un silence s’installa. L’atmosphère était plus lourde… ou plus intime, je ne sais pas. Mais la chaleur du poêle juste à côté de nous devenait difficile à supporter. Varesa continuait de manger, mais comment était-ce possible ?

Il y eut cet instant où les plats sur la table furent presque vides et où je réalisai que je n’étais pas en état de voler, encore moins de marcher jusqu’à Mondstadt. Et puis les points de téléportation, désormais équipés de tests d’alcoolémie depuis divers incidents, ne fonctionneraient pas dans mon état. Ma langue, pâteuse. Mes pensées, floues. Et ce poids… ce regard. Le sien.

Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle s’exclama, la bouche encore pleine :

— Tu peux pas rentrer comme ça.

Elle s’était rapprochée. Pas de façon séductrice. Juste... avec bienveillance.

— Tu peux venir au verger. Y a une chambre d’ami. Elle sent la framboise, mais elle est confortable.

— Framboise ?

Je n’étais visiblement plus capable de formuler des phrases cohérentes.

— Longue histoire. Vanana adore les confitures. Ou peut-être que c’est moi qui adore ça ?

Je la fixai un instant. Et pour une fois, je n’essayai pas de décoder. Je ne cherchai pas à comprendre, ni à disséquer le sens de ses paroles.

Je hochai la tête.

Elle se leva d’un bond.

— Allez, viens. Avant que tu t’endormes sur place.

Je me levai à mon tour, moins stable que je ne l’aurais voulu.

En sortant de l’auberge, l’air de la nuit me gifla doucement le visage. Froid, clair, presque apaisant.

Elle marchait devant moi, d’un pas souple, un peu dansant. Son rire résonnait encore dans ma mémoire. Elle était si libre, si désinvolte.

Une liberté que je n’avais jamais su m’offrir. Et pourtant, ce soir, quelque chose en moi vacillait.

Je ne savais pas encore ce que c’était. Je ne voulais pas le savoir. Pas maintenant. Pas avec l’esprit embrumé, et ce feu étrange au creux de la poitrine.

Alors je marchai simplement, en silence, guidé par une fille à moitié couverte de confiture...

Mais soudain, une bourrasque à mes côtés. Un courant d’air.

Je tournai la tête : elle avait disparu.

Avant que je puisse ouvrir la bouche, elle était déjà revenue. Un Tataco fumant à la main, dégoulinant de sauce et de fromage. Elle le croqua en marchant, comme si de rien n’était.

— Désolée. J’ai eu une pensée soudaine pour le steak sauce sucrée-épicée. Je pouvais pas laisser ça derrière moi.

Je haussai un sourcil. Elle me répondit avec un sourire satisfait, la joue gonflée par une bouchée énorme.

Je ne dis rien. Elle reprit sa marche à mon rythme, mâchant avec application. Un filet de sauce tomba sur sa manche déjà tachée, et elle l’essuya avec sa langue, comme si c’était parfaitement normal.

Et pour la première fois depuis longtemps, cela ne me sembla pas absurde.

Seulement imprévisible.

Et peut-être… dangereusement fascinant.

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