Survivre à Gantz

Chapitre 11 : Le regard tourné vers demain

4523 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/10/2020 19:04

Brutal, sauvage et furieux, le monstre réapparut dans la clairière, détruisant tout sur son passage. Les troncs se brisaient face à sa charge, le sol était littéralement labouré par ses nombreuses pattes. Il revint vers nous avec la folie et la colère de l'animal blessé. Il n'avait plus rien à perdre et il voulait notre peau. Je me tenais seul au milieu de la clairière, sabre à la main, prêt à le recevoir, prêt à protéger mes deux alliés. Je devais en finir vite, en un seul coup si possible. John ne survivrait pas bien longtemps et Lucie pouvait mourir dès le premier assaut. Mais le monstre, comme je l'espérais, fonçait vers moi, ses yeux semblant tourner sur eux mêmes, ses barbillons produisant une sorte de mousse blanche. Et enfin, l'assaut commença.


Il arriva sur moi aussi vite qu'une flèche et je fus stupide. Car, cherchant à en finir au plus vite, je lui donnait un coup sur sa pince restante. Mais face à la violence de son assaut, je ne fus ni assez rapide ni assez violent. Ma lame s'enfonça de quelques centimètres dans sa carapace et y resta bloqué. Le scorpion donna un coup en revers, me fauchant au niveau du ventre et me projetant au loin. Je m'écrasais lourdement au sol, au loin, mais me relevais aussitôt malgré la sonnerie de ma combinaison m'indiquant qu'elle était à sa limite. Mon katana était toujours coincé dans sa carapace. Pourtant, peu importait la peur qui m'étreignait le ventre, peu importait les douleurs qui parcouraient mon corps, je retournais à l'assaut. Je ne réfléchissais plus, j'agissais par instinct, tout mon esprit était tourné vers deux tâches, tuer et survivre. La créature se tourna vers moi, m'ayant certainement identifié comme son plus redoutable ennemi, le seul pouvant encore réellement la mettre en danger. Ses pattes cliquetèrent lourdement au sol tandis qu'elle arrivait sur moi. Mais je campais lourdement mes jambes dans le sol, et évitait son attaque. Sa pince claqua juste au dessus de ma tête alors que je me baissais. Je pliais les genoux, prenant appui sur mes deux jambes, renforçant tout mon corps grâce à la combinaison et lui portait un redoutable uppercut.


Ma frappe la toucha à la base de la tête et la souleva du sol avant de la faire retomber sur le dos. Je savais qu'en un instant elle réussirait à se remettre sur ses pattes alors je bondissais sur elle, profitant de ces quelques secondes de confusion pour récupérer mon sabre. Posé sur elle tandis qu'elle s'agitait, ma main droite se referma sur le sabre, l'extirpant de la carapace où il était logé. Puis, d'un bond, je m'évadais. Mais je fut retenu, car le monstre avait fait claquer sa pince qui s'était violemment fermé sur mon bras gauche. Aussitôt, afin qu'il ne soit pas soudainement coupé, je concentrais de la force dans mon bras, sentant lentement mais sûrement les petits crochets de la pince entailler la combinaison. Tout en me secouant dans sa pince, la bête se retourna enfin sur ses pattes, me cognant ça et là contre le sol. Et ma combinaison céda à son tour...


Le monstre me tenait, la pince levé, mon bras coincé, mon corps entier à deux bons mètres du sol. Sa pince se refermait brutalement sur mon bras, le déchirant aussi facilement qu'un morceau de papier. Une lueur qui passait presque pour de la satisfaction passa dans le regard du monstre géant tandis que j'agonisais. La douleur était insupportable, le sang s'écoulant de mon bras couvrait mon visage et le haut de mon corps. J'étais à deux doigts de perdre connaissance...mais je ne pouvais pas. Dans un cri de rage, je plantais le sabre à la base de son cou, mais, sans les forces de l'armure, la lame ne pénétra pas profondément. Face à cette nouvelle menace, le monstre ferma violemment sa pince, arrachant ainsi mon bras. Mais exactement en même temps, l'adrénaline continuant de faire fonctionner mon corps, je relevais mes jambes, les enserrant à la manière d'un cochon pendu autour du cou de la bête. Ma prise était sûre et ferme, je posais la paume de ma main sur le bout du manche du katana. Et alors qu'il tourna sa pince vers mon corps...


- Crève !


Je poussais de mes forces restantes le sabre qui perfora la tête de la bête, ressortant au dessus. Il ne bougea plus, commençant à trembler. Moi même, mes forces épuisées, le sang s'échappant de mon corps, je tombais lourdement au sol sur le dos. Et le monstre s'affaissa, tomba doucement sur le côté. Un instant passa, de calme intense. Je réalisais, alors que je sentais la vie s'échapper de mon corps, que je n'avais plus peur. Je m'étais battu avec tout ce que j'avais pour la première fois et je ne regrettais pas l'issue du combat. En cet instant, j'avais l'impression que d'avoir sauver la vie de Lucie et John était le plus bel accomplissement de ma vie. Je pouvais partir en paix...j'avais réussi quelque chose de grand !


- Accroche toi !


Mes yeux vitreux s'ouvrirent une dernière fois, apercevant une Lucie totalement paniquée, pressant ses mains contre la plaie béante de mon épaule gauche. Elle cherchait donc à me garder en vie avant le transfert. Elle me parla encore mais je ne l'entendis plus, sombrant doucement dans l'inconscience. J'étais heureux...quel drôle de sensation vu les circonstances.


Puis je me réveillais dans la pièce, comme une nouvelle naissance. Je me tenais alors debout, sabre à la main, comme si j'allais commencer le combat. Face à moi se tenait Lucie qui me sauta littéralement dans les bras, bientôt suivie par John qui me donna une violente claque dans le dos. Nous avions réussi.


- Tu l'as fait, tu as battu cette abomination, cria John.

- Je croyais qu'on allait te perdre toi aussi, ajouta Lucie les larmes aux yeux.

- Je...je croyais aussi que c'en était fini de moi, mais j'étais heureux de vous savoir sains et saufs.

- Et en plus, ces mouvements, cette façon de se battre, c'était stupéfiant, continua Lucie, je n'ai jamais vu personne se battre comme ça.


Le rouge me monta aux joues tandis que je lui expliquais que je n'avais pas vraiment réfléchi. En réalité, je n'avais fait qu'agir à l'instinct, laissant presque mon corps prendre le volant. Je n'avais pas l'impression d'avoir fait quoi que ce soit d'extraordinaire. Je m'étais simplement laissé aller, et j'avais tout fait pour m'en sortir. Mais alors que nous partagions le bonheur d'être revenu en vie,e le jingle annonçant les résultats résonna dans la pièce. On s'approcha aussitôt de la sphère, attendant tous les trois avec impatience de voir nos scores. A n'en pas douter, on avait tous empoché un sacré pactole. On le méritait, cette soirée avait été la pire !


Lentement mais sûrement le visage de John s'afficha.


John, Pas très utile, 0 Points, Tu en as 35, Est-ce que tu essaies vraiment de faire quelque chose ?


Nous étions médusés, aucun de nous ne réagit, pensant à une mauvaise blague. Mais le visage de John disparut pour laisser s'afficher celui de Lucie.


- Attends, ce n'est pas possible..., dis-je avec une colère perceptible.


Lucie au cœur brisé, 0 Points, Tu en as 81, A ce rythme là tu n'es pas prête de partir !


- Qu'est-ce qui se passe, continuais-je de plus en plus colère.


Et mon visage s'afficha.


Alessio qui se réveille enfin, 50 points, Tu en as 60, Il était temps !


Je restais comme pétrifié alors que les scores disparaissaient, ne laissant plus face à nous que la surface lisse et brillante de la sphère noire. Puis je hurlais, attrapant les bords de la boule entre mes mains et la secouant violemment.


- Gantz ! Qu'est-ce que c'est que ces conneries ! Zéro points pour Lucie et John ! Tu dois être détraqué, donne leur leurs points, rends nous John et Déborah, espèce d'enfoiré !


Emporté par ma rage je secouais la sphère, lui donnant des grands coups de poings et de pieds sans que celle ci ne bouge vraiment. Je n'arrivais pas à y croire, je ne voulais pas le croire. C'était injuste, c'était horrible ! On avait tellement perdu durant ces deux dernières missions et nous pensions pouvoir nous en tirer à bon compte durant celle ci. Mais le destin jouait contre nous et je n'y comprenais rien. J'étais juste plein de dépit et de rage et je la déversais contre cette sphère qui dictait nos vies, nos morts, notre survie. J'aurais continué à la frapper encore longtemps si les bras musculeux de John n'étaient pas venus m'attraper, m'éloignant avec force de Gantz.


- Arrête Alessio, j'ai autant les boules que toi mais ça ne sert à rien !

- Il a raison, il faut réfléchir à ce qu'il s'est passé, continua Lucie, Gantz et ce jeu sont horribles mais les règles sont les règles, il n'y a pas d'arnaque là dessous, il y a forcément quelque chose que l'on a pas compris.


J'avais du mal à me calmer et fut tenté une seconde de m'échapper de la prise de John et de redonner des coups à la sphère, mais je savais que c'était inutile. Et aussi furieux que je fus, je ne pouvais m'empêcher de penser à ce qui avait bien put se passer. Qu'est-ce qui nous avait échappé durant cette mission ? Et la réponse à mes questions me vint aussitôt, aussi stupide et injuste qu'elle soit. Abattu par tout ceci, je me mis à rire, un rire bas, sarcastique.


- Les fourmis...l'enfoiré..., dis-je.

- Oui, j'ai pensé à la même chose, ajouta Lucie.


John me lâcha, demandant ce que nous avions compris.


- La cible était ce petit bonhomme, le scorpion, expliqua Lucie, et donc, pour Gantz, notre cible était ce monstre et ce qui sortait de ce corps, donc les scolopendres aussi.

- J'ai tué le scorpion, le boss, d'où mes 50 points, mais c'est Roman qui a vaincu le premier scolopendre, et la serveuse qui a tué le second...et il ne sont plus là pour récolter les points, continuais-je avec dépit.

- Et les fourmis, demanda John qui semblait comprendre la supercherie.

- Ce n'étaient pas des aliens, répondis-je avec véhémence, elles ont toujours été là, des petits insectes de notre monde, et donc pas des cibles !

- Le monstre, bien avant notre arrivée, les a sûrement simplement modifiées, et utilisées contre nous...aussi dangereuses soient-elles, pour Gantz, elles n'étaient pas des cibles...donc peu importe combien on en a tué, on en tire aucun point, termina Lucie.


Un silence lourd s'installa entre nous, l'espoir venait de retomber. La soirée avait été horrible et la récompense était dérisoire. C'est à peine si je me réjouissais d'avoir marqué autant de points en une seule fois. Mais on ne pouvait pas rebrousser chemin, nous devions aller de l'avant.


- Alors on va continuer, dis-je, Lucie tu es presque au bout du chemin, et je n'ai pas l'intention de partir d'ici tant que je n'aurais pas aidé John à ramener Déborah. Je refuse d'en rester là et de baisser les bras plus longtemps ! J'ai l'impression de n'avoir fait que ça toute ma vie, attendre que les choses arrivent, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, ne jamais rien faire pour améliorer la situation. Et c'est fini !


Je me tournais vers la sphère, pointant mon doigt vers elle.


- Tu m'entends Gantz, quoi que tu puisses nous envoyer, je continuerais de me battre jusqu'à ce qu'on l'on s'en sorte tous !


La suite fut étrange puisque nous partîmes tous les trois, à la fois motivés mais tout autant accablé par cette horrible soirée. Nous rentrions sans Roman, sans avoir pu ramener Déborah, et après avoir affronté certainement le pire monstre jusque là. Même Lucie ayant plus d'expérience que nous commenta que c'était certainement le pire monstre qu'elle ait affronté jusque là. Puis, alors que nous allions nous séparer, John releva la tête...certainement décidé à ne pas finir la soirée sur cette note. Il proposa de venir chez lui afin de boire un verre, précisant qu'il y avait suffisamment d'alcool chez lui pour nous saouler tous les trois. Nous étions techniquement encore samedi soir et je pouvais décuver le lendemain, j'acceptais volontiers. Lucie nous suivit à ma grande surprise, disant qu'elle n'avait rien de mieux à faire et avait bien besoin d'un verre. Il fallait croire que le temps et les épreuves avaient changé la mentalité du couple concernant les relations entre membres de Gantz.


Nous primes le même métro, dirigé par John. On passa à côté de mon quartier et nous continuâmes vers une zone plus commerçante en bordure du centre ville. Une fois sorti du métro nous rejoignîmes rapidement son appartement au troisième étage d'une résidence assez simple. Son appartement, ainsi que celui de Déborah, était assez grand, haut de plafond, mais avait le look parfait de l'appartement d'étudiant. John s'excusa auprès de nous, rangeant un peu le bazar traînant dans son salon, essentiellement des livres, des manuels, et de nombreuses feuilles de cours. Je supposais que John était aussi appliqué dans ses études qu'il semblait l'être pour le reste. Il nous invita à nous installer tandis qu'il disparut derrière le mini bar de sa cuisine ouverte sur le salon, ouvrant son frigo et sortant une bouteille de blanc. Une fois servi, on trinqua très naturellement à la mémoire de Déborah, celle de Roman et à notre résolution de les ramener.


- Alessio, dit alors Lucie très sérieusement, tu me dois une explication.

- Comment ça, dis-je ne sachant pas où elle voulait en venir.

- Roman te l'as dit avant de...avant de mourir, que tu devais m'expliquer quelque chose.


Le souvenir douloureux de la mort de mon mentor me revint ainsi que sa demande juste avant de succomber. Je savais ce qu'il voulait que je dise.


- Oui...je vois...John, écoutes moi bien toi aussi, c'est important.


Je leur expliquait alors longuement et en détails notre entrevue avec Roman au bar. Comment on s'était retrouvé en cachette, son explication sur ses retrouvailles avec un ancien Gantzer, les shots que nous avions bu, le problème de perte de mémoire, la décision qu'il avait prise à ce sujet, le fait que je n'étais pas d'accord avec lui. Et pour finir, histoire de finir sur une note plus amusante, le fait que j'étais rentré en me la mettant derrière l'oreille et frustré d'avoir croisé une inconnue aussi belle. Ceci fait, Lucie resta songeuse quelques instants, pesant ces nouvelles informations. John sembla en faire de même, mais de manière moins réfléchie. Pour lui la question de la mémoire était encore lointaine, son objectif principal étant de ramener Déborah.


- L'imbécile, dit alors Lucie, quel connard !


Elle s'énerva soudainement, un instant, frappant violemment sur la table...qui trembla fortement en raison de nos tenues de Gantz que nous portions toujours.


- Je comprends maintenant, continua-t-elle plus tristement, l'imbécile, pourquoi est-ce qu'il ne m'en a pas parlé ! Quel égoïste, que enfoiré ! Ah je le déteste !


Elle s'énerva encore ainsi quelques instants avant d'être agitée par de petits tremblements, laissant librement rouler ses larmes sur ses joues. Je ne savais trop quoi faire mais John se leva, lui massant un instant les épaules, sans un mot, lui tendant simplement une boîte de mouchoir. A croire qu'il savait bien mieux que moi gérer les chagrins d'une femme. Puis, une fois qu'elle se fut mouchée, elle se mit à rire doucement, de manière à moitié étranglée, pleurant encore un peu en même temps.


- Je vais le ramener cet idiot, et je vais lui mettre mon poing dans la figure...avant de le serrer dans mes bras et lui dire que ça aussi, on l'affrontera tous les deux.


On trinqua de nouveau à cette perspective, tous les trois amusés à l'idée d'une telle scène. John se lança lui aussi à dire ce qu'il aimerait faire une fois que Déborah serait de retour parmi nous. Les deux échangèrent des anecdotes de couples, plaisantant de faon sarcastique sur ce qui avait ou allait changer pour eux maintenant qu'ils étaient seuls. Se moquant de leurs partenaires défunts à propos de leurs petits défauts, leurs manies et ces petits trucs qui ne leur manquaient pas. Les ronflement de Roman, son toc à ranger la vaisselle exactement de la même façon, sa manière de rouler en voiture comme un papy. L'obsession de Déborah pour les animes, son amour pour le dessin malgré des résultats affreux, le fait qu'elle grignote sans arrêt sans jamais prendre de poids. Je ne participais pas, heureux simplement de voir mes deux partenaires gérer leur chagrin à leurs façons. L'humour étant, en l’occurrence, la meilleure chose qui puisse être. Nous rigolâmes beaucoup, ôtant de nos épaules la douleur et la pression de cette soirée, nous motivant pour la prochaine. Je pensais alors que je ne pouvais pas les laisser tomber, une telle entente, une telle ambiance, étaient des choses à chérir, et je mettais ma main à couper qu'une fois Roman et Déborah de retour parmi nous, les choses n'en seraient que plus amusantes.


Puis je pensais soudainement à moi. Je n'étais pas triste d'être seul, j'avais, en eux, la meilleure compagnie possible. Je comprenais un peu ce sentiment de solidarité dans l'armée, ou dans les corps militaires de manière générale. En risquant nos vies ensemble nous étions soudés par quelque chose que personne d'autre ne possédait. Aussi dangereux que soit notre mode de vie actuel, il n'était qu'à nous, une chose que nous étions les seuls à partager. Peu importe nos horizons, nos croyances, notre pensée politique, nous étions obligés de nous serrer les coudes. Nous étions unis.


Puis je repensais à ce que j'avais accompli ce soir, comment j'avais survécu, lâcher prise au moment crucial. J'avais fait preuve d'instinct, de réactivité, de force, d'agilité ! Même avec la combinaison j'avais agi d'une manière dont je ne me croyais pas capable et j'en étais sorti vivant et victorieux. Je n'avais attribué ma survie jusque là qu'à la chance, mais je me rendais compte ce soir là que j'étais capable de me battre. Et je devais continuer, pour eux et pour moi. Mais il ne fallait pas prendre la grosse tête, ma survie était aussi en partie due à la chance, sans compter que je n'aurais certainement pas tenu jusqu'au bout si les autres n'avaient pas été là pour se battre à mes côtés. C'est donc avec ces informations en tête et cette nouvelle confiance en moi qu'il fallait que je continue ma route jusqu'à avoir ramené tout le monde et gagner mes 100 Points pour acheter ma propre liberté.


- Je ne sais pas à quelle sauce on sera manger la prochaine fois, lança Lucie, tu n'es pas d'accord avec moi Alessio ?


Je fus soudainement tiré de mes pensées par mon acolyte, sans que j'y fasse vraiment attention ils avaient changé le ton de leur conversation pour revenir sur Gantz. J'affichais une expression surprise, un peu gêné. Je n'eus même pas à expliquer que je n'avais pas fait attention à ce qu'ils disaient, trop perdu dans ma propre tête. Lucie le comprit sans que j'ai à le formuler et me sourit doucement. Elle reprit alors son explication.


- Je disais à John que, aussi sympathique que soit cette soirée, il ne fallait pas que l'on s'égare, car j'ai cru remarquer quelque chose.

- Quoi donc, demandais-je de nouveau concentré.

- Lorsque Roman et moi avons rejoint Gantz autrefois, les missions auxquelles nous avons participé étaient...difficiles, comment dire, presque aussi dures que celle de ce soir...puis ça a changé.


Je levais un sourcil, ne comprenant pas vraiment ?


- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?

- J'ai l'impression que Gantz choisit les missions chaque soirée en fonction du niveau, ou de l'expérience des membres présents...comment dire...


Elle avala une gorgée de vin avant de continuer.


- La dernière mission, avant que l'homme dont Roman t'a parlé gagne ses 100 points, a été particulièrement dangereuse. Nous étions...neuf je crois, cet homme, deux autres vétérans, Roman, quatre nouveaux et moi. Tous sont morts, à l'exception de cet homme et bien entendu, nous deux.

- Que s'est-il passé, demanda John cherchant à clarifier tout ça.

- Un monstre abominable, au moins aussi fort que celui de ce soir, capable de détruire les combinaisons en un coup, il nous a décimé. Cet homme nous a sauvé tous les deux, sinon je ne serais pas là aujourd'hui.

- Et après, continuais-je.

- La mission suivante il n'y avait plus que Roman et moi, et des nouveaux...et à ce stade là nous n'avions pas beaucoup de points...et la mission fut...beaucoup plus simple, en quelque sorte.


Je réfléchissais à mon tour, effectivement à n'en pas douter depuis le début de mon aventure sordide au sein de Gantz j'avais constaté une progression de la difficulté. Le scorpion de ce soir avait été une menace bien plus grande que les deux aliens obèses de la première fois.


- C'est vrai que l'alien à la guitare et aux ondes de chocs était...plus simple à battre, commenta John, en quelque sorte.

- Effectivement, et au fur et à mesure que Roman et moi gagnions des points, la difficulté semblait augmenter, de missions en missions...et ce soir, lui et moi approchions les 100 points.

- Tu crois que Gantz envoi les gens selon leur expérience...en gros il envoi des équipes de vétérans vers des monstres plus dangereux, demandais-je.

- Techniquement, on ne sait pas d'où vient Gantz, ni même si la technologie vient de notre monde, mais elle agit comme un général, envoyant des soldats attaquer telles ou telles cibles...il est presque logique qu'elle envoi des soldats plus expérimentés vers des ennemis plus dangereux.


Elle n'avait pas tort et il y avait de la logique dans son raisonnement. Cependant je n'appréciais guère la finalité de tout ceci.


- Cela veut dire que la prochaine mission sera au moins aussi difficile, si ce n'est plus, que celle de ce soir, concluais-je.


John serra son verre, réalisant la même chose que moi. A partir de maintenant, Roman en moins, les choses n'iraient pas en s'arrangeant, et nous allions tous les trois devoir nous battre comme de beaux diables si nous voulions arriver à nos fins.


- En effet, ajouta Lucie, mais avec Roman en moins, le total de nos points a un peu baissé, on peut toujours espérer que cette sphère noire sera clémente avec nous.


Elle leva son verre, un faible sourire aux lèvres. John leva le sien.


- Si tant est que cette boule de métal sache faire preuve de clémence !


Puis je levais le mien à mon tour.


- Et si ce n'est pas le cas, on réglera tout ça comme on l'a fait ce soir !


Nos verres cliquetèrent les uns contre les autres et on continua la soirée. Lucie fut la première à partir, cherchant à attraper l'un des derniers métros pour rentrer chez elle. Je restais avec John bien plus tard, à tel point qu'une bouteille fut terminée, ainsi qu'une autre. Après tout ceci, les soucis de Gantz semblaient bien loin derrière nous. Une fois qu'il en eut assez de parler, il me posa des questions, me taquinant presque sur le fait que j'étais célibataire. Plutôt hébété par l'alcool je ne réussis pas à lui répondre correctement, si ce n'est lui dire d'aller se faire foutre ! Tel deux alcooliques nous nous mîmes, au bout d'un moment, à parler très près l'un de l'autre, baragouinant plus qu'autre chose des propos à moitié articulés. Je me souvins juste lui avoir dit à un moment que je couchais encore à droite à gauche, ce qui n'était pas très vrai en l’occurrence. Je parlais même à un moment du souvenir de cette fille du bar, en disant que je n'en avais pas vu de plus belle...et le reste de la soirée fut bien plus sombre et confus.


Au matin, je me réveillais avec une gueule de vois d'enfer qui me rappela non sans un certain frisson le jour de ma première mort. Je dormais dans le canapé et vit aussitôt que Roman s'était déjà levé. Lui qui habituellement avait tout du beau gosse avait désormais une gueule pas possible, le teint cireux et des poches énormes sous les yeux. Pour ma part, hormis la tête qui me cognait, je me sentais assez bien mais avait une faim de loup. Je me moquais de lui ouvertement, ricanant que je gérais mieux les lendemains de fêtes que lui. Sa réponse tint alors plus du grognement qu'autre chose lorsqu'il me servit un café et me montra du doigt une boîte de cachet. Dimanche était déjà bien entamé et, presque sans un mot, nous nous installâmes presque sans un mot devant la télé. Et alors que nous entamions le visionnage d'un vieux dessin animé, je pensais que la vie n'était pas si différente. Si nous ne nous étions pas battu et avions risqué nos vies la veille au soir, on aurait simplement dit deux potes essayant de se remettre d'une soirée décidément beaucoup trop arrosée. La douleur de mon crâne s'estompant doucement, le café remettant un peu d'ordre dans mon corps, je me demandais de quoi demain serait fait. Une chose était certaine en tous les cas, je n'imaginais pas une seconde en croisant seul à seul le fer avec ce scorpion que mon lendemain de mission se passerait ainsi. Si j'avais été maso, j'aurais presque préféré me battre à nouveau que vivre à nouveau une gueule de bois !

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