Survivre à Gantz

Chapitre 9 : Entomophobie

5402 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/08/2020 19:24

- Où sommes nous, fut ma première réaction.


Lorsque nous nous retrouvâmes tous à l'extérieur je fis comme à mon habitude un tour des lieux d'un simple regard, et j'admis aussitôt que je n'avais pas la moindre idée de notre position. Pour une raison qui nous échappais, Gantz nous avait envoyé sur une sorte de colline, tombant vers une plaine cultivée et bordée par une épaisse forêt. En haut de la colline se trouvait un champ d'éolienne, et loin, au delà de la plaine, nous la vîmes enfin. Elle s'étendait à l'horizon, projetant ses lumières à travers le ciel sombre, donnant au paysage une étrange lueur orangée. Elle était encerclée par plusieurs routes et depuis notre hauteur nous avions même vu sur deux autoroutes se jetant vers elle et se déversant sur le périphérique. C'était notre ville, on pouvait la voir distinctement, elle était là, immense, superbe et si calme vue de loin. Ceux qui parmi nous avait les meilleurs yeux étaient même capable de discerner un ou deux de nos grattes ciels les plus reconnaissables. Gantz ne nous avait pas envoyé en ville, mais bien dans un bout de campagne environnant. Bien vite, le groupe commença à se désolidariser. La petite resta aux côtés de Roman mais le groupe de businessmen pesta et commença à descendre la colline.


- Attendez, dit John en les rattrapant, il ne faut pas nous séparer...


Il continua à les suivre, tentant de leur expliquer la bombe, mais ils s'éloignèrent bientôt tellement qu'ils furent presque en bas de la colline. Lucie de son coté était déjà concentrée et grimpa en direction du champ d'éolienne, suivie par la serveuse craintive. Elle devait se sentir mieux aux côtés d'une femme. Le médecin resta en revanche non loin de moi...me donnant une entière confiance bien qu'il ne me connaissait guère et que j'avais moi même la tête pleine de doutes.


- Il faudrait peut-être se diriger vers la forêt, commenta Roman.

- Pourquoi, lui demandais-je, tu as vu quelque chose ? Sur le radar peut-être ?

- Non...après cette conversation avec Lucie je n'ai pas pensé à en prendre un...non c'est plutôt une intuition.

- Je ne pense pas qu'une intuition puisse vraiment nous aider, commentais-je.

- Non mais...tu te rappelles de ce qu'à dit Gantz à propos de la cible ?

- Vous voulez dire les commentaires étrange à son sujet, demanda le médecin juste avant que je ne le fasse.

- Oui...généralement, globalement, ces phrases n'ont que peu d'importance, c'est presque une forme d'humour noir venant de cette machine...mais parfois ça peut-être utile, expliqua Roman, et ce soir Gantz a expliqué que notre cible aimait les insectes pas vrai ?

- Oui...mais je ne vois...


Mais je m'interrompais et tournais les yeux vers la forêt avec un peu d'espoir mais surtout beaucoup d'inquiétude. Effectivement si l'on pouvait trouver des insectes un peu partout, dans un environnement urbain comme le nôtre ils n'étaient pas non plus forcément très répandus. Voilà pourquoi Gantz nous avait envoyé ici...si la cible était une sorte d'entomologiste, alors il devait fureter dans le coin. Et une forêt comme celle ci devait être bourrée d'insectes en tout genre. Nous en étions là de nos réflexions lorsque John revint, suivit par le groupe de businessmen. Si John semblait tout à fait normal, quoiqu'un peu énervé, les trois autres étaient inquiets et quelque peu essoufflés.


- Ces imbéciles ne me croyaient pas à propos de la bombe...ils se sont presque chier dessus lorsque l'on a commencé à entendre l'alarme, commenta-t-il.

- Une bombe, quelle bombe, demanda le médecin.


J'entreprenais de lui expliquer cette nouvelle situation, précisant au mieux que nous devions rester ensemble et ne surtout pas s'éloigner. Roman lui aussi se pencha vers la petite afin de lui expliquer au mieux ce point important. Mais il devait s'en sortir car une fois ces explications terminées la petite se rapprocha encore plus de lui en commentant avec un simple.


- Je ne crains rien si je reste près de vous alors.

- Il n'y a rien là-haut, les alarmes se sont mises à sonner, alors on est revenu...vous avez trouvez quelque chose, fit Lucie qui revins enfin vers nous.

- On va se diriger vers la forêt, lui répondis-je, Roman semble penser que c'est la meilleure idée...et vu que l'alarme se déclenche à la fois en haut et en bas de la colline, c'est certainement notre seule option.


Lucie regarda quelques instants la forêt, pesant certainement les différents éléments de notre situation. Mais vu son regard légèrement courroucé, elle devait se demander si elle appréciait de suivre docilement une idée de Roman. Je m'attendais presque à ce qu'elle s'entête et décide de vérifier autre chose. Mais il faut croire que je ne la connaissais pas si bien que ça, car elle finit par répondre avec beaucoup plus de calme que je ne l'aurais cru.


- Ça semble être une bonne idée, allons y.


C'est ainsi que notre joyeuse bande prit la direction de la forêt bordant la colline. Il était surprenant de penser que la nature bordait notre ville d'aussi près et que nous ne nous en rendions jamais compte. En réalité lorsque l'on marchait dans les rues on ne voyait que le bitume, le béton et l'acier. La seule chance pour admirer ce spectacle était certainement de s'élever dans les buildings. J'imaginais que de la haut on pouvait voir la colline sur laquelle on se trouvait, la forêt, l'immensité de la ville, le réseau de routes, de périphériques et de rocades s'étirant partout tel le système sanguin de notre territoire, et peut-être même que l'on pouvait observer le cours du fleuve qui traversait la ville jusqu'à sa sortie dans son estuaire. Peut-être, ou alors la vue devait être trop souvent obstruée par les nuages de pollution. Le temps de rêver et de penser à tout ceci, comme pour me décrocher de la réalité, oublier un instant que je me trouvais dans une situation périlleuse, et nous avions atteint le bord de la forêt.


Et quelle ne fut pas notre surprise, alors qu'il ne nous restait qu'une dizaine de mètre à franchir que notre cible surgit d'un seul coup d'un bosquet épais d'herbes sauvages et de fougères. Il était tel que Gantz nous l'avait montré, petit, rondouillard et l'air presque amical. Il portait une tenue étrange, une sorte de mélange entre le scout et le cliché de l'explorateur. Quoiqu'il en soit il s'avança doucement vers nous en sifflant un drôle d'air. On aurait dit une sorte de comptine mais l'air était répétitif, un peu comme si il chantait « Un kilomètre à pied... ». Il nous remarqua aussitôt et cacha dans son dos ses mains dans lesquelles il semblait avoir caché quelque chose. Que ce soit John ou moi, et même les vétérans Roman et Lucie, nous fûmes tous très surpris par sa réaction. L'alien semblait craintif...non il était même terrorisé. Le docteur avec nous resta sur la défensive mais remarqua vite notre hésitation. La petite fille ne bougea pas...de son point de vue d'enfant, le petit alien devait être un gamin lui aussi. La serveuse semblait imiter les gestes de Lucie et c'est pourquoi elle ne réagit pas non plus lorsqu'il se présenta à nous. Mais en revanche, les trois businessmen s'approchèrent de lui en tendant leurs armes. Celui à la cravate se mit à beugler.


- C'est lui, c'est bien le monstre, on peut tirer ?

- Oui allez, on le tue et c'est bon, répondit un de ses collègues.


Le chef du trio fit feu mais dans un cri de peur l'alien fit un bond maladroit sur le coté. Il tomba face au sol mais esquiva l'attaque. Le sol où il se trouvait jusque là explosa, projetant de petites mottes de terre un peu partout. Puis, comme un électrochoc, nous fûmes tous rappelés à la réalité. D'une manière ou d'une autre ce petit machin maladroit devait être dangereux. Nous n'avions jamais hésité jusque là à abattre nos cibles, alors pourquoi commencer maintenant. Se furent d'ailleurs Roman et Lucie qui attaquèrent en premier, se rappelant du peu de points les séparant de la barre des 100. Puis, lentement mais sûrement on se mit tous à tirer, chacun à notre rythme, de façon plus ou moins assurée et plus ou moins précise. Mais l'alien évitait nos attaques...et je ne pouvais deviner si c'était par chance ou par génie. Car il se mit à fuir dans la forêt, nous entraînant tous à sa poursuite. Il courait de façon erratique, trébuchant à certains moments, tombant même parfois, balançant ses bras dans tous les sens, criant tel un gamin apeuré. Et pourtant il semblait éviter chacunes de nos attaques. Lorsque nous le suivions de trop près il faisait un drôle de bond en avant, lorsque l'une de nos attaques le ciblait il prenait un virage soudain, lorsque nous pensions pouvoir le coincer, il tombait soudainement, nous obligeant à nous stopper net mais lui se relevait et repartait dans une autre direction avant que nous ayons le temps de réagir. Je ne savais pas combien de temps on le chassa mais il finit par s'arrêter, et je n'avais pas la moindre idée de où nous nous trouvions.


L'endroit était bien plus dégagé. Une sorte de grand cercle vide ne comportant aucun arbre. Le sol était couvert de feuilles mortes mais l'on pouvait apercevoir deux profonds sillons marqués dans la terre, comme les roues d'un véhicule lourd ayant emprunté ce chemin plusieurs fois. En suivant les sillons du regard, ils partaient d'un coté vers une portion épaisse de la forêt, mais dans l'autre direction on apercevait plusieurs tas de tailles variés de bois coupé et de troncs empilés en triangle. Et l'alien s'était arrêté là, au milieu de ceci, haletant, et je jurais de l'entendre sangloter. Mais, je fus aussi effrayé de constater que nous n'étions pas tous là. John et moi même avions réussi à poursuivre la cible tout au long de sa course désordonnée. Roman était là aussi, avec la petite fille ainsi que le docteur. Mais il n'y avait aucune trace de Lucie, de la serveuse et des businessmen.


- Pas gentils, trop courir pour blesser moi...


L'alien s'était exprimé alors que nous reprenions tous notre souffle et que nous réfléchissions à la manière de l'attaquer. Puis il se tourna soudainement vers nous, les yeux plein de larmes plus épaisses que la normale et de couleur verte. Désarçonnés par son attitude aucun d'entre nous ne réagit lorsqu'il posa la main au sol.


- Vous voulez voir ma collection...vous pas méritez, mais montrer quand même.


Et alors le sol se mit à trembler, comme si quelque chose d'énorme venait vers nous. La petite fille en trébucha et nous eûmes, à dire vrai, tous du mal à garder notre équilibre. Le petit alien profita de ces instants pour sauter en l'air et se mettre à l'abri sur une pile assez haute de bois fendu. Puis il leva les bras en l'air.


- La collection...elle arrive !


John, Roman et moi même partageâmes un regard particulièrement inquiet car les tremblements étaient étranges, comme si nous nous tenions sur un sol instable, qui semblaient presque bouger sous nos pieds telle de petits vagues. Je n'osais imaginer ce qui allait se passer et pourtant l'inquiétude me gagna...car une idée saugrenue, horrible et cauchemardesque me vint. Et si cet alien était capable de contrôler les insectes...de faire des choses avec eux. Et alors que je me protégeais le visage de mes bras, la terre sembla entrer en éruption. Les feuilles mortes volèrent un peu partout dans des gerbes de terre, de poussière et de racines, lorsque des centaines de fourmis s'élevèrent hors du sol sous nos pieds, autour de nous...partout. Des fourmis de la taille de chats adultes. Je lâchais un cri sans pouvoir me contrôler, pas que je sois particulièrement effrayé par les insectes en règle générale mais en voir de cette taille c'était une autre histoire. On vivait un vrai film d'horreur de série B avec des insectes géants. D'ordinaire je préférais mâter ce genre de film en bouffant des chips et en ayant un coup dans le nez...pas vraiment le vivre. Le petite cria elle aussi et nous entendîmes plusieurs cris non loin de nous. Sans conteste il devait y avoir des fourmis partout et le groupe que nous avions perdu se faisait attaquer de son côté. Roman fut le premier à réagir, poussant la petite sur le côté alors qu'une fourmi s'approchait d'elle dangereusement. Une main occupée, il manquait de précision pour utiliser son arme alors il fut plus radical. Il leva son pied et écrasa la fourmi comme il l'aurait fait avec un insecte de taille normale. Je pus voir sa combinaison gonflée autour de sa jambe et s’abattre sur la créature. Sous le choc, la bestiole explosa ! Roman me regarda, je comprenais aussitôt, et je me tournais vers John.


- Elles sont faibles, on peut y arriver !


Un regard de John me fit comprendre qu'il n'avait pas besoin d'en savoir plus. Et le combattant qu'il était se mit au travail, donnant de grands coups de pieds, frappant celle s'approchant de trop près, cueillant à coups de poings les rares qui lui sautaient dessus, et lorsqu'il en avait le temps, il arrivait à en tuer une ou deux en utilisant son arme. Roman de son coté jouait lui aussi des pieds et des poings mais il n'était pas aussi efficace, protégeant en même temps la gamine il manquait parfois ses coups et se faisait attaquer. Les fourmis ne faisaient guère que mordre avec leurs mandibules, mais à entendre les cris de Roman, même avec la combinaison il devait le sentir passer. Alors je fonçais à ses côtés, car il avait besoin d'aide, et que nous ne serions pas trop de deux pour défendre la petite tout en se battant contre ce flot d'ennemis improbable. Je me battais moi aussi avec tout ce que j'avais, pas encore trop effrayé, certainement parce que les ennemis, bien que nombreux, étaient faibles. Et j'avais un brin d'espoir, car si chacunes de ces fourmis rapportaient des points, alors nous aurions tous un sacré jackpot. Entre deux trois assauts de fourmis, j'essayais de regarder autour de moi, analyser la situation, histoire de voir si une autre bestiole n'allait pas nous tomber dessus par surprise. Mais je ne voyais que des tas de fourmis, mortes ou vivantes...en revanche la cible avait disparu. D'une manière ou d'une autre il avait invoqué tous ces insectes pour se battre contre nous et en avait profité pour filer. Mais le médecin avait disparu lui aussi...je n'avais cependant pas le temps de m'en préoccuper. Au mieux il avait été entraîné ailleurs par le combat, au pire il était mort !


- Ah, enlevez les moi, enlevez les !


Tout en beuglant, l'un des acolytes du gars à la cravate déboula au milieu de la zone dégagée où nous nous trouvions. Il n'avait plus d'arme et courait presque à l'aveuglette, des fourmis sur tout le corps. Lourdement il s'étala sur l'une des piles de bois tout en continuant de hurler. Roman me poussa vers lui, comme pour me dire d'aller l'aider, car nous en avions presque fini. Je courais donc vers l'homme, suivi par John qui fut cependant ralenti par un trio de fourmi. Je fonçais donc seul, pour réaliser que l'homme se débattait comme un beau diable. Il n'avait aucun contrôle sur sa combinaison, il était totalement paniqué, se contentant d'arracher les fourmis qui le mordait et de les jeter au loin...mais elle revenait à la charge avec plus de hargne. A chaque fois qu'il en retirait une, elle emportait dans leur mandibule des morceaux de sa combinaison, et, à ma grande horreur, des lambeaux de chair. Utilisant mes mains, au lieu d'arracher les fourmis dont les mandibules étaient solidement plantées, je les écrasais une par une. Dans le même temps, dans un déluge de feu, de cris, et dans la panique la plus totale, les deux autres businessmen déboulèrent à leur tour, suivis par une nouvelle horde de fourmis, puis, plus loin, par Lucie et la serveuse. Le gars que j'essayais de secourir criait toujours autant alors qu'il ne restait que deux fourmis en vie. J'en écrasais une, et vit soudainement le liquide s'échapper de la combinaison du businessmen. Avec empressement j'attrapais la dernière fourmi qui se retourna aussitôt et me mordit violemment la main. Sous la douleur je reculais deux petites secondes à peine, mais elle eut le temps de se tourner vers l'homme, plantant se mandibules dans son cou.


- Noooaaarrghh...


Son cri fut noyé dans son propre sang alors que la fourmi lui écrasais la gorge sous la pression formidable de sa morsure. Dans un élan désespéré, et faisant taire la douleur qui me lançait dans la main, j'attrapais la dernière bestiole et la réduisit en bouillie. Mais il était trop tard...car l'homme suffoqua quelques instants, son regard semblant me demander pourquoi je ne l'avais pas sauvé. Je ne le savais pas moi même, j'étais bouleversé, mais je ne pouvais pas me lamenter, car le groupe de Lucie avait rameuter un bon nombre de fourmis et nous courrions au désastre si nous n'agissions pas très vite. Je laissais derrière moi le corps de la première victime de la soirée pour repartir au combat. On se retrouva tous au centre de la petite clairière à former un cercle, abattant les insectes venant vers nous. Un travail d'équipe efficace, aidé par quelque chose. Car Roman, Lucie, John et moi même faisions notre part du travail, tuant les bêtes rapidement et efficacement. Les deux businessmen et la serveuse firent aussi des dégâts, bien qu'avec un peu plus de maladresse. Seule la petite restait au centre du cercle, à l'abri, et nous ne pouvions pas la blâmer. Mais certaines fourmis semblaient exploser, comme si on leur tirait dessus. Mais, au milieu du tumulte, je n'avais pas l'impression qu'un seul d'entre nous n'utilisait son arme. Et après un temps qui me parut une éternité, nous fûmes victorieux, un petit cercle de rescapés épuisés au milieu d'un tas de fourmis géantes en morceaux.


- Tout le monde va bien, demanda une voix familière semblant venir de loin.


Nous levâmes les yeux pour voir le médecin. Je ne savais quand, mais il avait réussi, au milieu de la panique à grimper sur une branche et y avait pris position pour faire feu. C'est donc lui qui, de sa position sécurisée, avait réussi à abattre autant de bestioles. Mais à en croire le petit tas de fourmis au pied même de son arbre, il y avait fort à croire qu'elles avaient essayées de l'atteindre, sans succès.


- On va bien, enfin...façon de parler, répondit John après avoir examiné notre groupe.


Lucie en revanche se retourna et s'avança avec hargne vers le gars à la cravate et lui envoya une droite magistrale. John fonça vers elle pour la retenir et je m'interposais entre elle et le businessman.


- Tu mériterais de crever comme ton pote espèce d'enfoiré !

- Lucie, qu'est-ce qui se passe, demandais-je.

- Elle est tarée celle là, pesta le gars en question.

- Tu te prends pour qui espèce de salope, envoya son acolyte.


Roman fit presque un bond vers le type et le choppa au col, le soulevant comme si il ne pesait rien. Lucie se débattait tellement dans les bras de John qu'il était certain qu'elle allait s'en prendre à nouveau au gars à la cravate qui était encore à terre. La gamine pleurait, le médecin nous criait de nous calmer, la serveuse restait en retrait, ne sachant que faire. Puis je hurlais, plus fort que tout le monde, plus fort que jamais. Et enfin, ce fut le calme.


- Roman, repose le, Lucie, calme toi ! Vous vous rendez compte de ce que vous êtes en train de faire ! Vous savez les risques que l'on prend, alors arrêtez d'agir comme des cons !


Roman reposa le gars, mais le poussa une dernière fois, échangeant un dernier regard mauvais avec lui. Lucie se calma, se dégageant doucement de la prise de John.


- Dès que les fourmis sont arrivées ces connards se sont aussitôt mis à fuir, nous laissant seules. On s'est battues comme des dingues pour les rattraper...mais les fourmis les avaient rattrapées avant nous. Ils nous auraient laissé mourir.

- Et notre pote alors, il est pas mort peut-être...qu'est-ce que j'en ai à foutre de ta gueule hein, commenta le gars à la cravate.


Alors qu'il se relevait, et moi même énervé par sa réaction, je le repoussais au sol.


- Ça va pas, qu'est-ce que tu me veux petit con !


Me sentant pousser des ailes de badass, je lui posais le plat de mon pied sur le cou, commençant à l'étouffer. Il avait beau se débattre et utiliser les forces de sa combinaison, il n'y était pas aussi habitué que moi et donc lentement mais sûrement j'étais en train de tuer ce type.


- Tu ferais mieux de te calmer, car Lucie que tu as abandonné est la plus expérimentée d'entre nous, en gros, si tu la gardes en vie et que tu travailles en équipe sans faire d'histoire, tu augmentes tes chances de survie...tu as compris.

- Je...j'ai...

- Je ne t'entends pas, dis-je en relevant un peu mon pied.

- J'ai compris, laisse moi...


Je relevais mon pied et il se tourna aussitôt, toussotant violemment et cherchant à reprendre son souffle. Je ne savais moi même pas quel démon venait de m'animer pour en arriver à une telle extrémité, mais je ne voyais pas d'autres solutions. Roman et Lucie étaient trop énervés pour jouer les chefs d'équipe comme ils le faisaient d'ordinaire. Et bien que John était plus imposant que moi physiquement, il n'avait pas le caractère adéquat. Je ne m'en croyais moi même pas capable, mais j'avais été contraint d'agir, autrement nous nous serions entre tués avant même de retrouver la cible. Je tendais donc la main au gars, qui l'attrapa, de façon surprenante, et je l'aidais à se remettre sur pied.


- Ne t'en fais pas pour ton pote, on peut le ramener à la vie.

- Hein, comment ça ?


Il me regarda étrangement, ainsi que son pote, mais je pouvais sentir que le médecin et la serveuse en faisait autant.


- Ces missions fonctionnent presque comme un jeu vidéo, plus on tue de monstres, plus on gagne de points. Et quand on à 100 points on a plusieurs choix possibles, l'un d'entre eux est de ramener à la vie quelqu'un mort pendant une mission.

- Mais...ce n'est pas possible, dit-il.

- Pas plus que de se battre contre des fourmis géantes, répondis-je avec sarcasme, et pourtant regarde autour de nous.


Il sembla juger la situation, et effectivement, l'idée de pouvoir ramener quelqu'un à la vie ne semblait pas si fou que ça.


- Lucie et Roman participent à ces missions depuis plus longtemps que nous tous, ils sont très proches des 100 points...mais vu le nombre de monstres qu'on a déjà abattu...

- Oui, je vois où tu veux en venir, me coupa Roman, même si ces fourmis ne valent chacunes qu'un seul point, alors on en a déjà tous gagné beaucoup.


Tout le monde se regarda, réalisant qu'effectivement nous étions sur la bonne voie. Je pouvais presque les voir se mettre à compter mentalement le nombre de fourmis anéanties. Moi même je ne pouvais donner un chiffre exact, mais j'imaginais être entre 40 et 50...à vue de nez. Un rayon d'espoir nous traversa alors l'esprit et ce fut peut-être ce qui cimenta cette équipe totalement défragmentée.


- Maintenant, préparez vous, la cible n'est plus là, elle est peut-être partie plus loin dans la forêt et il faut la retrouver.

- Vous voyez quelque chose de là haut, demanda John au médecin qui n'avait pas quitté son poste en hauteur.

- Non, il fait trop sombre et la forêt est dense...je ne vois rien au delà de la clairière.

- Il faudrait peut-être se séparer, dis-je alors sans aucune certitude.

- Mauvaise idée, commenta Lucie, si il nous envoit encore une aussi grande masse d'insectes ils ne feront qu'une bouchée de nous si nous sommes séparés.

- On bouge en groupe alors, continua Roman.


Un silence s'installa le temps que nous décidions de la direction à prendre, mais nous fûmes alors tous surpris par un bruit étrange et anodin au milieu de cette forêt. Des pleurs, de véritables lamentations, douces et basses, comme venant d'un enfant.


- Il est là, cria le médecin.


Derrière nous, la cible était revenue d'elle même, errant au milieu des cadavres de fourmis, pleurant à chaudes larmes.


- Ma collection, vous avez cassé ma collection...


Le médecin, en hauteur, et sans aucun doute très bon tireur, saisi l'occasion et fit feu. Mais de manière toujours erratique, juste avant d'être touché, le petit bonhomme trébucha sur le côté, esquivant l'attaque. Cela ne faisait plus de doutes, il n'avait pas évité toutes nos attaques par chance. Il était bien plus doué qu'il ne le semblait.


- Je vais vous montrer...mes plus belles pièces, pour me venger...


Il se mit à crier, très fort, trop fort, un cri totalement inhumain. Le bruit était strident, suraigu, comme une alarme intense. Le bruit était si dérangeant qu'il nous fit tous plier sous la douleur. Pour ma part je me retrouvais, un genou à terre, les mains sur mes oreilles tentant d'amoindrir le bruit, sans grand succès. J'entrouvrais mes yeux malgré la douleur pour voir la cible. De sa main gauche il se tenait le bras droit, et, son cri atteignant son paroxysme, il s'arracha purement et simplement le bras qu'il jeta vers nous. Mais il n'en resta pas là, il plongea ensuite profondément ses dents dans son bras gauche, mordant encore et encore et s'arracha son deuxième membre. Nous reprenions à peine nos esprits, n'ayant plus qu'un sifflement dans les oreilles, regardant avec incrédulité ce petit alien nous regarder avec haine. Pourquoi avait-il fait cela...pourquoi avoir arraché ses bras.


- Mes belles pièces...elles vont s'occuper de vous...


Les plaies béantes où se trouvaient ses bras se refermèrent presque aussitôt, et il fit quelques bonds en arrière afin de disparaître dans la forêt à nouveau. Le médecin fit feu, suivit par Roman et Lucie qui furent les plus rapides à se remettre sur pieds. Mais le petit alien fit preuve de la même étrange agilité, semblant bondir de façon maladroite tout en esquivant les attaques. Et il réussit à s'échapper, disparaissant de nouveau au milieu de la dense végétation. Nous reprîmes tous nos esprits, prêts à se mettre à courir après lui car nous avions tous vu la direction dans laquelle il était parti. Mais un cri nous arrêta, celui de la serveuse. Je me tournais vers elle pour assister au début d'un nouveau chapitre du cauchemar...il n'avait pas arraché ses bras pour rien. Car les membres, sans que l'on y fasse attention, avait doublé de volume. Ils grossissaient à une vitesse alarmante, ils enflaient littéralement, et sous nos expressions médusées, ils explosèrent soudainement nous recouvrant de lambeaux de chair.


- Attention, cria Roman au milieu de la panique qui s'en suivit.


Dans l'obscurité de la clairière, nous ne vîmes pas ce qui s'était passé, masqués par l'explosion, des créatures venaient de naître des bras du monstre. Ou peut-être qu'elles avaient toujours été là, attendant d'être libérés. On se retrouva rapidement en cercle, tentant de trouver nos nouvelles cibles. Nous pensions tous qu'elles allaient se jeter sur nous...mais elles ne vinrent pas. Le médecin en hauteur scrutait les lieux, mais sans succès. Moi même, de plus en plus gagné par la panique, je n'osais pas imaginer quel nouveau cauchemar allait nous arriver dessus. Quoi que pouvaient être les choses étant nées des bras de la cible, elles étaient rapides, ayant eut le temps de fuir durant l'explosion et de se dissimuler. Aucun d'entre nous n'avait eut le temps de les apercevoir. Mais nous pouvions les entendre. Elles se déplaçaient autour de nous, en rampant très rapidement. On entendait la végétation être secouée sur leur passage. En se déplaçant elles produisaient une multitude de sons, comme des centaines de pattes frappant le sol tour à tour. Combien pouvaient-elles être ? Combien de temps encore allaient-elles nous tourner autour avant d'attaquer ?


- Là, cria John.

- Ici aussi, dit Lucie qui regardait dans une autre direction.

- Je les ai aperçus aussi, dit Roman, elles sont énormes...je ne sais pas ce que c'est...


Je me concentrais sur la végétation et aperçus alors quelque chose qui me remplis aussitôt d'effroi. C'était comme des anneaux, se mouvants les uns après les autres, attachés ensemble par un squelette robuste. La bestiole était bien plus grande que je ne l'aurais imaginé, comme si elle avait grandi très rapidement. Mais après tout l'alien avait réussi à faire grandir des centaines de fourmis en un instant. Mais de quel insecte s'agissait-il désormais ?


- Aaaaah !


Nous levâmes les yeux vers l'arbre où se trouvait le médecin et nous poussâmes tous un cri. Là, s'étant enroulée à tout vitesse autour du tronc, grimpant ainsi à la hauteur de sa première proie, la créature tenait le médecin entre ses larges mandibules qui s'enfonçaient facilement dans la combinaison. Elle était grande, bien qu'enroulée autour du tronc d'arbre il était difficile de donner une taille précise, mais le monstre devait faire dans les dix mètres. Un dos d'écailles noirs, agissant comme une véritable cotte de mailles, une queue où frétillait deux antennes, une tête épaisse arborant deux énormes crochets, un corps long agrippés par des centaines pattes sur l'écorce de l’arbre. Un scolopendre géant, réellement géant. Et alors que le médecin était à la merci de ce monstre, un deuxième, identique, jailli de la végétation et s'enroula autour de notre petit cercle, nous dominant sans problème de sa longueur. Sans nous attaquer ce deuxième scolopendre continua de nous tourner autour, faisant claquer ses immenses mandibules, comme pour nous menacer. Puis il se resserra soudain sur nous, plongeant au milieu du cercle.


- Sautez, cria Lucie !

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