Le Boucher

Chapitre 13 : La traque

3013 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 09/11/2016 03:04

Mors Westford marchait en faisant flotter sa vieille cape noire de patrouilleur. Jaime Lannister le précéda au fil d’une succession confondante d’escaliers en pierre et de longs couloirs tortueux. L’intérieur du Donjon Rouge était beaucoup plus étendu que ne le suggérait son aspect extérieur. De nouveau, il sentit qu’une grande partie des murs et des escaliers étaient étrangers à la construction externe d’origine – peut-être des ajouts apportés après que les portions d’origine se furent écroulées à force d’âge. On pouvait toujours reconnaître le mur extérieur à son architecture cyclopéenne – des blocs mégalithiques de basalte, habilement jointoyés. Elever une telle muraille avait dû exiger un génie de la construction d’un degré inconnu en cette ère.

 

Enfin, ils s’arrêtèrent devant une lourde porte de chêne cloutée de fer. Jaime frappa bruyamment, et la porte fut ouverte par un autre garde royale. Franchissant le seuil, Mors entra dans une antichambre spacieuse – le terme de boudoir semblait inapproprié à une telle salle. La pièce était brillamment éclairée et décorée de singulière façon. Tywin Lannister était assis sur son bureau et rédigeait des notes tout en ignorant son visiteur. Mors fit quelque pas et regarda le plus puissant seigneur des sept couronnes travailler comme si le deuil qui touchait la capitale ne le touchait pas, et pourtant Joffrey était son petit fils.

 

- Avez-vous réfléchi à ma proposition ? Demande Tywin froidement.

 

- Oui j’ai réfléchi, réplique Mors en le regardant dans les yeux.

 

- Eh bien ?

 

- Si j’ai bien compris, j’ai été convoqué pour commander vos forces contre Stannis. À ce stade, toutefois, je ne sais pas clairement pourquoi vous ne vous en remettez pas à l’un de vos propres généraux pour ce faire. Mace Tyrell semble estimer clairement que le poste de commandement devrait lui revenir.

 

- Les Tyrell ne vous pardonnent pas d’avoir corrigé le Chevalier des Fleurs. Et ce dernier vous hait d’usurper la position qu’il tenait pour acquise.

 

- De quelle position me hait-il d’avoir usurper ? Dit Mors froidement. Je n’ai encore rien décidé, de plus je reste attaché a la garde de nuit, je n’ai aucune ambition ni même un titre à valoir sur un champ de bataille, ou dans une coure d’intrigues.

 

- De cela vous semblez sous estimer votre rôle grandissant. Un ancien chevalier des terres de l’ouest réputé qui s’apprête a guidé une armée réunissant les Tyrell et les Lannister, J’aurais voulu que Jaime en prenne la tête mais mon fils ne peut plus combattre, il reste alors mon ancien homme lige tout désigné pour cette tache.

 

« Ainsi Littelfinger avait raison, je suis une pièce dans un énorme échiquier, sauf que la pièce se trouve entre les crocs du Lion. »

 

- Assez parler des Tyrell, vous aurez autorité sur eux, au même temps que le commandement du reste de mes forces.

 

« Les Tyrell pourraient ne pas avoir dit leur dernier mot sur ce sujet ». Songea Mors, il enchaina :

 

- Si j’en prends le commandement, je pourrais en disposer selon mes souhaits, c’est bien cela ?

 

- Dois-je comprendre que vous acceptez Ser Mors ?

 

- Pour un an, je vous aide à reconstruire votre armée, plus les troupes que je compte expédier au mur. Combien d’hommes avez-vous besoin pour l’année prochaine ?

 

- Deux mille cavaliers et dix mille fantassins.

 

- C’est trop, trancha Mors. Ils ne seraient pas assez bien entraînés. Contentez-vous de six mille fantassins ; cela devrait être suffisant pour affronter Stannis. Quel est l’état de votre trésorerie ?

 

- Les mines du Roc sont presque épuisées, sans parler de la Banque de Fer qui doit à la couronne une somme plus que colossale.

 

- Avec le concours des Tyrell vous pourrez tenir environ deux années de campagne, et puis les mines d’or toute aussi épuisées peuvent subvenir aux deux armées.

 

- Vous me donnez de bons conseils Ser, mais vous ne m’avez pas encore dit si vous acceptez de vous joindre à moi.

 

- Une année, fit Mors gravement.

 

- Très bien, fit Tywin en secouant la tête. Mais tel que je vous connais vous ne vous en tiendrez pas là n’est ce pas ?

 

- En effet, Et maintenant, voyons les termes de mon contrat. Dès demain, j’aimerais rencontrer vos officiers qui se trouvent actuellement à Port Real. Je serai général en chef et je n’aurai à répondre de mes actes que devant vous. Je n’accepterai aucune critique quant aux méthodes que j’utiliserai pour former vos hommes, fussent-ils paysans ou nobles. Vous me soutiendrez en tout point pour ce qui concerne l’entraînement. Cela vous agrée-t-il ? 

 

- Par quoi allez-vous commencer ?

- Constituer une troupe d’élite, cinq cent hommes. Pour le reste je dois encore travailler dessus.

 

- J’imagine que ces cinq cent hommes vont vous suivre jusqu’en enfer !

 

- Vous n’avez rien perdu de votre esprit d’analyse, en effet, ces cinq cent hommes feront désormais partie de la garde de nuit, mais ils seront sous mes ordres et je les entrainerais personnellement.

 

- Fort bien, dit Tywin en se levant de son bureau et en remplissant du vin dans un calice de cristal qui le donna a Mors. Bon retour parmi nous. Ser Mors de la maison Westford.

 

« Bon retour oui, mais cette fois tu n’auras plus de dette à faire payer. »

 

- Merci monseigneur. Réplique Mors en vidant la coupe d’un trait.

 

Tywin lui tendit un document :

 

- Ceci va vous intéresser : des listes des vaisseaux de guerre sous les ordres de Stannis, le nombre des combattants qu’il peut rassembler, le statut actuel de mes propres forces – toutes ces choses sont consignées ici. Quelle fortune Stannis ne donnerait-il pas pour le lire !

 

Mors déposa sa coupe de vin et parcourut le document en fronçant                   les sourcilles.

 

- Vous avez accompli ici une tâche extraordinairement exhaustive pour réunir et assimiler l’information… Un excellent travail de compte rendu sur vos propres préparatifs, autant que de mise en lumière des forces et des faiblesses de votre ennemi. Je suis impressionné.

 

Tywin s’autorisa un bref sourire.

 

- Oui, j’ai des espions extrêmement efficaces. Il y a peu de choses que j’ignore, sur mes ennemis.

 

- Eh bien, tout ceci prouve que vous avez effectué des préparatifs complets.

 

- Je ne laisse jamais rien au hasard, réplique froidement Tywin.

 

- J’aurai besoin d’étudier l’ensemble de plus près, bien entendu…

 

- Faites donc, et n’oubliez pas de me donner un rapport détaillé sur vos activités.

 

- Assurément.

« Tu aimes les détailles n’est ce pas ? Comme au beau vieux temps. »

 

- J’ai entendu dire que Tyrion a était accusé du meurtre de votre petit fils.

 

- Oui il l’est, vous n’ignorez pas que mon fils n’avait pas le roi en estime, tout le montre comme premier suspect.

 

- Vous devriez rééditer votre liste de suspect, car tout le monde avait le roi en horreur et je pèse mes mots.

 

- Pesez-les avec prudence, Ser Mors ! Réplique froidement Tywin. N’oubliez pas qu’il était mon petit fils et un Lion de surcroit.

 

- Alors c’est un lion mort, et comme vous semblez l’ignorer, son assassin court toujours. Si Tyrion a tué le roi, il aurait réussi sans se mouiller de près ou de loin. Le nain est diablement intelligent.

 

« Tout comme son salopard de père ».

 

- Ce n’est pas ce que racontent les témoins, tout le monde a vu Tyrion donner la coupe de vin à Joffrey.

 

- Vous croyez Tyrion assez bête pour agir comme ça en vue de tous ? Je sais que vous n’avez jamais porté le nain dans votre estime, mais admettez tout de même qu’il y a quelque chose de louche.

 

- Ou voulez vous en venir Ser Mors ? Parlez avec plus de clarté je vous prie, je n’ai pas de temps a perde avec ces malices.

 

- Appelez cela mon intuition, en attendant laissez moi enquêter dans l’ombre, et faîtes retarder le procès, je dénicherais le vrai coupable, Tyrion sera innocenté et vous découvrirez le vrai instigateur du complot.

 

Tywin réfléchit un moment puis opina du chef :

 

- Fort bien Ser Mors, commencez votre traque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En sortant du bureau Tywin, il rencontra Jaime Lannister, ce dernier fit quelques pas a ces cotés.

 

- Ce qui devait être un jour de liesse s’est conclu par un bien triste épisode. Déclare Mors d’une voix râpeuse.

 

- Oui, réplique Jaime en poussant un soupire.

 

Arrives sur les lieux du crime. Mors s’agenouilla devant la marre de sang, et examina la tache avec un froncement de sourcille que Jaime avait mainte fois vu quand il traquait un animal ou un criminel en fuite

 

- Ce n’est pas un spectacle bien gai. Dit Jaime d’une voix blanche.

 

Mors le regarda froidement puis revint à son introspection.

 

- Le régicide a toujours constitué un point critique dans le devenir des hommes, tu devrais le savoir mon garçon.

 

- Père m’a demandé de mener une enquête sur ce crime. De découvrir ce que cache l’assassinat du roi. Fit Jaime avec gravité, voulez vous m’aider ? Tout cela me parait si absurde.

 

- C’est là que réside la clef de ce crime, affirma Mors. Dans son absurdité. Quel assassin aurait pu choisir une forme aussi grossière, un assassinat au en plein mariage, avec du vrai sang et du vrai poison.

 

Il se releva et fit face à Jaime.

 

- Ou est le corps du gamin ?

 

- Dans le septuaire de Baelor.

 

- Allons-y de ce pas, je dois l’examiner au plus vite avant qu’il ne                   soit lavé.

 

- Ne vaut-il pas attendre le jour, il fait nuit.

 

- Avant que l’aube se lève, il peut se passer beaucoup de choses.

 

Jaime ordonna aussitôt de sceller deux chevaux frais. Les deux cavaliers traversèrent la ville au galop, une fois arrivé devant le septuaire, ils trouvèrent un chevalier en armure blanche gardant les portes du septuaire, un grand pendard à barbe noire, larges épaules et nez crochu.

 

Ce dernier considéra Mors d’un œil mauvais, et Jaime lui fit signe de s’écarter. Une fois a l’intérieur ils trouvèrent les septas qui enlevaient les vêtements royaux de Joffrey. Jaime leurs fit signe de s’écarter et celles-ci obéirent sans rechigner.

 

Mors se pencha sur la dépouille du jeune garçon, puis enleva ses gants en cuire et examina les paupières.

 

- Les Iris sont rouges, fit-il avec gravité. Il faut dire que le cerveau n’a pas supporté la pression.

 

Délicatement il ouvrit la bouche de Joffrey et glissa deux doigts a l’intérieur, en les sortant il renifla un moment en regardant le vide.

 

- Le vin n’avait aucune autre odeur particulière.

 

Prudemment il porta l’un de ses doigts à sa bouche et Jaime sursauta en le voyant faire.

 

- Faîtes attention Ser, le poison peut encore agir.

 

- Sauf si c’est le vin qui était vraiment empoisonné.

 

- Que voulez vous dire ? Dit Jaime vivement.

 

- Le petit a bien été empoisonné, mais pas avec du vin.

 

- Par quoi alors ?

 

- Je n’en sais rien. Je dirais une forme agressive de Larme de Lys à plus forte dose.

 

Jaime le regarda sidéré.

 

- Comment savez-vous toutes ces choses Ser Mors ? Sur les poisons je veux dire ?  

 

- Les Westford ont toujours maîtrisé l’art de la traque sous toutes ses formes, disons que la chevalerie n’est pas la seule corde a notre arc.

 

« Pas étonnant que le Molosse soit l’emblème de votre maison. »

 

- Avez-vous une idée du meurtrier ?

 

Mors croisa les bras en regardant le dépouille du garçon.

 

- De nombreuses personnes avaient intérêt à tuer Joffrey. Nous devons continuer de recueillir des renseignements. La vérité, dans ce cas précis, pourrait être la somme du plus grand nombre d’indices en défaveur de l’un ou de l’autre suspect.

- Mais vous avez bien une idée non ?

 

- Une idée générale, Tyrion et Sansa Stark sont tout deux les premiers suspects de cette affaire, le premier a toujours été méprisé par le roi et Joffrey n’hésitait jamais a injurier son oncle et se moquer de lui en public, ce dernier en garda une rancune qui finit par grandir pour devenir une soif de meurtre, et puis Sansa Stark a toute les raisons du monde pour tuer le mioche qui a tué son père, elle et Tyrion on fomenté un coup ensemble et ils l’assassinent.

 

Mors laissa tomber sa main gauche avec un bruit sourd, comme pour accompagner le sens de sa conclusion.

 

Jaime examina ses yeux bleus qui brillaient d’une expression indéfinissable, hésitant entre la complicité et l’ironie.

 

- Vous y croyez ou faites semblant d’y croire.

 

- Mouais ! Cette histoire est tellement simple qu’elle parait ridicule.

 

Mors croisa les bras et regarda la statue du Guerrier.

 

- De nombreux éléments ne cadrent pas. Si les choses s’étaient réellement passées ainsi, pourquoi les offensés auraient-ils tant attendus avant d’exécuter leur vengeance, et pourquoi l’auraient-ils fait d’une façon aussi dangereuse ? Autre point, qui est le témoin fondamental de toute cette affaire ? Sansa. Or le hasard veut qu’elle disparaisse comme par enchantement.

 

- Donc ?

 

- Donc, l’instigateur de ce crime a probablement inventé cette histoire simple et relativement plausible, en rejetant la responsabilité sur un homme qui déteste la victime et que tout semble accuser, et une jeune fille qui, étant disparue, ne peut ni approuver ni démentir.

 

- Bref, on reste dans le noir.

 

- Peut-être. Mais on commence à entrevoir quelques éléments plus significatifs.

 

 

 

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