Le Boucher
Chapitre 3 : leçon d'épée et recommandations.
2351 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour 08/11/2016 22:01
Mors traversa la cour à grandes enjambées, faisant flotter sa cape noire usée. La tête toujours couverte de sa capuche sombre. Il était tel un spectre de la nuit. Chaque membre de la garde s’écartait de son chemin, tous craignaient sa fureur, et tous évitaient de croiser son regard bleu glacé. Lorsqu’il arriva devant les écuries, il trouva le blondin Harse. Il le héla brusquement :
- Harse ! Prépare ma monture avec le plein de provision, et demande à l’armurier d’aiguiser mes couteaux et mes carreaux d’arbalète. Je pars pour le sud. Dépêches toi ! Aboya-t-il froidement.
- Fort bien messire. Dit Harse vivement.
« Ce ne sont que des gamins, face aux sauvageons je ne donne pas cher de leur peau. Thorne a beau être une merde, il a quand même raison. Je dois amener une armée au plus vite, et Tywin Lannister possède la plus grande, que les sept me donnent la force de le regarder dans les yeux sans que je ne lui arrache les boyaux. »
Un éclat d’épée attira son attention, sans surprise il trouva Jon Snow entrain d’entrainer les recrus. Mors approuva d’un hochement de tête, bâtard ou pas, le gamin montrait tous les signes d’un dur à cuire, un Stark né du mauvais côté des draps, mais un Stark tout de même. Snow se battait bien, même très bien, il était rapide et possédait un bon jeu de jambe, ses coups, feintes et bottes faisaient montre d’une singulière absence d’hésitation. Une fois pleinement investis dans une manœuvre, Jon Snow ne vacillait jamais. Jamais il ne reconsidérait une action entamée. Ses coups portaient exactement là où il l’avait décidé. Et il visait toujours des points situés au-delà de son adversaire de manière à trancher net ces derniers. Mors Westford lui-même en excellent bretteur, savait reconnaître et déchiffrer une technique ou un style particulier. Snow a beau être un bon épéiste, il n’était pas invincible, car l’imprévu pouvait encore confondre ces combattants incapables de comprendre le concept de finesse. La victoire souriait souvent à des adversaires moins expérimentés n’ayant jamais entendu parler des stratégies traditionnelles. Un virtuose du combat, un artiste pouvait être vaincu par un paysan ne cherchant rien d’autre qu’à mettre fin à un différend au plus vite, sans se soucier le moins du monde l’emporter avec grâce ou élégance.
Snow était bon, mais pas assez bon. Mors ne pouvait en supporter davantage.
- Assez ! Aboya-t-il froidement en s’avançant à grandes enjambées jusqu’au milieu du cercle d’entraînement.
Lorsqu’il fut certain d’avoir capté l’attention de tous, il se tourna vers Jon.
- Tes mouvements puissants, t’ont bien servis contre des sauvageons armés une fourche ou de lances, mais je ne donne pas cher de ta peau contre des gaillards armés d’une hache ou d’un fendoir. En garde mon garçon.
Jon se mit en garde en tenant Grande griffe. Mors Tira sa vieille épée en acier Valyrien et la tournoya rapidement. D’un simple mouvement de bras il désarma Jon qui resta pétrifié sur place, surtout quand la lame du boucher sa plaça entre ses deux yeux.
- Finesse. Adresse. Économie. Fit Mors en rangeant son épée. Garde toujours ton équilibre, et ne sautilles pas quand tu bloques une attaque, et cela vaut pour vous autres aussi. Ajoute-t-il en les fusillant de son regard. Reprenez l’entrainement avec un minimum de discipline – je ne demande pas l’impossible.
Mors et Jon restèrent un moment silencieux a observer les recrus reprendre l’entrainement.
- Toi, tu viens avec moi. Dit brusquement Mors.
Jon le suivit vers la tour du mestre Aemon. Des feux brûlaient en ligne le long du Mur, dans des paniers de fer que supportaient des perches plus hautes qu’un homme. Le tisonnier glacé de la bise tourmentait les flammes si incessamment que leur sinistre lumière orange n’arrêtait pas de s’affoler en tourbillonnant. Des fagots de carreaux, de flèches, de lances et de dards de scorpions se trouvaient apprêtés partout. Des pierres étaient empilées en pyramides de dix pieds de haut ; de grosses futailles en bois d’huile de lampe et de poix étaient sagement rangées à côté. Châteaunoir, Bowen Marsh l’avait laissé fort bien approvisionné en toutes choses ; seuls y manquaient les défenseurs. Le vent flagellait les manteaux noirs des sentinelles épouvantails qui, pique au poing, bordaient le chemin de ronde.
Aemon était a l’image du mur. Vieux et fatigué, en s’asseyant à ses côtés. Mors lui prit la main et retira sa capuche. Et la Jon découvrit un Mors tout aussi vieux, mais débordant d’énergie comme l’était le défunt Mormont.
- J’ai appris que tu allais nous quitter mon ami. Dit Aemon d’une voix triste. Tu vas affronter la chaleur du sud.
- Oui, je pars pour Port Réal. Fit Mors d’une voix douce.
« Avec le mestre Aemon, il est plus chaleureux, plus humain. » Pensa Jon.
- Tu vas affronter de dangereux périples.
- Il nous faut une armée tout aussi forte et organisée que celle de Mance.
- Tu vas affronter le lion ?
Mors sourit amusé.
- Le lion à Port-Réal est un lionceau, et l’on sait que le Trône de Fer a déjà taillé des adultes en pièces.
- Je parle de ton ancien seigneur.
- Tywin Lannister ne me donnera rien sans quelque chose en retour.
- Et que vas-tu lui donner ?
- L’épée de Mors Westford a une certaine valeur.
- Elle a une grande valeur, confirme Aemon. Elle a servis les armées Lannister durant la rébellion de Robert Baratheon.
- Mais elle a refusé de tuer une femme et deux enfants innocents.
- Tu as bien fait Mors. Dit Aemon en lui serrant la main, nul ici ne doute de ta droiture, dis-moi ce qui te torture ?
- Elia Martel a quand même été tué par Gregor la montagne. Fit Mors d’un ton farouche, à quoi a servi donc mon geste chevaleresque ?
- A prouver que tu es plus honorable que la montagne ou Tywin. Crois-moi mon ami, ce geste te protégera a Port Réal, même Tywin Lannister ne peut rien contre toi.
Aemon sourit tendrement.
- Et comme dit l’adage de ta famille « Mieux vaut la mort que la souillure. »
- Oui, dit-il avec ironie.
Il garda le silence un moment puis :
- Je serais peut être obligé de faire des choses qui contre disent mes veaux de la garde de nuit, me mêler des politique, prendre parti.
- Ce ne sont pas ces veaux qui vont nous protéger de Mance Ryder, fais le nécessaire mon ami, et que les sept t’accompagnent.
Mors lui embrassa les mains, puis se releva et rabattit sa capuche, puis fit signe a Jon de le suivre, une fois dehors, Jon déclara vivement.
- Vous ne devriez pas nous quitter monsieur, pas avec les sauvageons aux portes. Nous aurons plus besoin de votre épée que les Lannister.
- J’ai réfléchi longuement, réplique Mors avec gravité. Même si je reste le résultat sera le même, nous avons besoin d’aide. Et si pour l'obtenir je dois faire des courbettes à ce chien de Tywin, alors soit.
- Mais la garde est sans commandant. Qui d’autre que le Boucher pour nous mener ? Moi je pense que vous jouerez ce rôle aussi bien que Thorne, et il y a d’autres qui pensent comme moi.
Les yeux de Mors se glacèrent tandis qu’il se penchait vers le jeune homme.
- Je ne veux plus jamais entendre ce genre de commentaire, Snow. Ça ne sied pas à un frère de la garde. Aujourd’hui, nous repartons à zéro. Hier n’existe plus, et je ne veux pas qu'on fasse des commentaires en douce sur les uns et les autres.
- J’aurais cru que vous vouliez savoir la vérité, réplique Jon
- La vérité est une drôle de petite salope, mon garçon. Elle n’est jamais la même en fonction de la personne. Et maintenant, tais-toi. Comprend-moi bien, Snow, je t'apprécie beaucoup. Tu es un bon garde. Mais dorénavant, plus personne ne doit critiquer Alliser Thorne. Ce n’est pas bon pour le moral, et ce qui n’est pas bon pour le moral est bon pour les sauvageons. Nous avons suffisamment de problèmes.
- Vous avez raison, dit Jon en baissant les yeux.
- Bien ! Aboya Mors. Maintenant rends toi utile et prends des notes. Inscrits « Tarly » en haut de la feuille, c’est ton intendant. il va nous falloir des aides-soignants et des brancardiers. Les premiers, mestre Aemon pourra les choisir parmi des volontaires, mais les brancardiers vont avoir besoin de quelqu’un pour les entraîner. Je veux qu’ils puissent courir du matin au soir. Car, le Guerrier en soit témoin, ils vont vraiment avoir besoin de courir quand ça va commencer à chauffer par ici. Il va leur falloir aussi un cœur bien accroché. Ce n’est pas facile de courir quasiment désarmé sur un champ de bataille. Parce qu’ils ne pourront pas à la fois porter une épée et un brancard.
- Qui pourrait les entrainer ? Demande Jon qui enregistrait tout en mémoire.
- Cotter Pyke, ou Frostfinger feront l'affaire. Choisis-les toi même.
- Fort bien.
- Choisis aussi des volontaire qui devront servir de protection aux brancardiers du mieux qu’ils le pourront.
- Je m'incline devant votre logique, monsieur.
- Ne t'incline devant rien, fiston. Je fais autant d’erreurs que n’importe qui. Si tu penses que je me trompe, tu as intérêt à me le faire savoir.
- Comptez sur moi, monsieur. Fit Jon en souriant.
- Bien ! Et maintenant l'entrainement. Je veux que les hommes soient entraînés par groupes de cinquante. Il y aura un officier par groupe, et cinq hommes du rang, commandant chacun dix hommes. Ces sous-chefs devront être sélectionnés après les trois premiers jours d’entraînement. D’ici là, ils devraient avoir pris leurs marques. Compris ?
- Oui monsieur,
- Une dernière chose, je veux que tu distribues des oranges chaque matin aux soldats.
Jon fronça les sourcilles.
- Des oranges, pourquoi faire ?
- A ton avis ?
Jon réfléchit puis regarda Mors et sourit amusé.
- Si vous vous frottez les mains avec le jus, la transpiration ne fera pas glisser l’épée de votre main. Pareillement, si vous vous frottez les sourcils, la sueur ne vous coulera pas dans les yeux.
Mors lui ébouriffa les cheveux, mais sans lui rendre son sourire. Jon n'en éprouvait que plus d'affection pour ce vieux chevalier bourru au grand cœur.
- Juste une dernière question, monseigneur
- Accouche mon garçon.
- Vous pensez que le mur peut tenir ?
- Il tiendra. Fit Mors d'une voix menaçante. Dans le cas contraire, fais en sorte que Mance Ryder en paye le prix.
Jon Snow opina du chef, puis accompagna le boucher aux écuries. Ce dernier sauta sur son cheval et jeta un dernier regard à châteaunoir.
- Que les sept vous accompagnent, monsieur.
- Qu'ils t'accompagnent aussi, louveteau.
Mors s'élança et quitta le mur au galop. Jon l'observa s'éloigner, puis tourna les talons et aperçu Alliser Thorne qui l'observait froidement. Défendre le mur sera plus ardu que jamais.