Rhaenys

Chapitre 2 : La Conquête

2180 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/11/2016 19:37

Rhaenys.

Chapitre 2 : La Conquête 

 

Si quelqu'un m'avait dit un jour que je deviendrais Reine de Westeros, je l'aurais traité de fou. L'idée ne m'avais jamais effleuré avant qu'Aegon me déclare que nous partions. "Où ça ?", j'ai demandé. Je n'ai pas caché mon dépit à l'idée de devoir quitter Peyredragon. Certains diraient que la forteresse est triste et terne, d'autres diraient qu'elle est brisante, accablante, démoralisante et j'en passe. Pour moi, elle représentait mon enfance et les moments de bonheur que j'y avais passé. Jamais je ne pourrais oublier les soirs où, refusant d'aller au lit, je m'échappai par ma fenêtre et me réfugiai sur le toit pour regarder les étoiles. Et je ne pourrais encore moins oublier toutes ces après-midi, ensoleillées ou non, passées à dos de dragon. Il m'arrivait même de survoler la mer sur plusieurs milles malgré les interdictions de mon frère, mais jamais je n'avais osé aller jusqu'aux côtes de Westeros. Et pourtant, ce n'était pas si loin à vol de dragon, il me suffirait de trouver une monture adulte, tenace, infatiguable et qui n'ai pas froid aux yeux. Mais aucun des dragons à ma disposition n'avait ce profil.

Oui, j'aimais l'aventure plus que tout. La vie quotidienne m'ennuyait terriblement et il ne se passait pas une journée sans que je cherche à faire monter l'adrénaline. Visenya me trouvait trop tête brulée à son goût et répétait à qui voulait l'entendre que j'étais intenable et puérile mais Aegon, lui, ne disait rien. Il me regardait avec ces yeux qui voulaient tout dire, et où je lisais qu'il était fier de moi. Peut-être n'était-ce qu'une impression car je n'étais pas sans ignorer que, studieux comme il était, mon frère ne portait que très peu les poètes comme moi dans son coeur. Je voulais qu'il m'aime et je faisais tout pour m'en persuader.

Et voilà qu'à présent il me déclarait durement que nous devions quitter Peyredragon. Je le défiai du regard en espérant que ma rebellion le ferait changer d'avis, mais la culpabilité m'envahis aussitôt quand je lus la déception dans ses yeux. Je m'étais conduite comme une adolescente, alors que je venais d'atteindre ma vingt-cinquième année. Je l'avais déçus, et cette idée m'était insupportable. La lèvre tremblotante, je murmurai une excuse en espérant qu'il s'adoucisse. Sa mâchoîre carré ne se décrispa pas pour autant et ses yeux d'un violet profond ne me lâchèrent pas du regard. Il était si beau, si puissamment bati, et ses cheveux d'or et d'argent si irréels. Il se plaisait à dire que c'était notre physique presque inhumain qui nous dicernait des autres et nous rendaient si supérieur. C'est peut-être pour ça que je ne fus pas si surprise quand il répondit enfin à ma question.

"Westeros"

Quelque part, je savais que ce jour viendrait. Ce jour où Aegon, qui était destiné à devenir quelqu'un, en aurait marre de régner sur un îlot grisâtre et s'attaquerait à un plus grand projet. Un projet titanesque. Je nous imaginais déjà régnant sur cet immense continent, dans un immense palais d'or et d'argent, beaux, impressionnants, terrifiants. Mon coeur se serra quand je me rectifiai cependant : Ils seraient beaux, impressionnants, terrifiants. Je ne comptait pas dans la donne. Depuis tout petit, mon frère était destiné à épouser ma soeur car elle était l'aînée. Nous devions préserver la pureté de la race. Etant une des dernières familles issues de Valyria, nous ne pouvions ni souiller notre sang ni permettre que la lignée s'éteigne. Et c'est là que mes parents eurent la grandiose idée de marier Aegon et Visenya. Les futurs Roi et Reine de Westeros. Je ne cachai pas ma jalousie. "Et moi ? Qu'est-ce que je vais devenir ?", lui demandai-je en craignant sa réponse. Et il posa sa main sur ma tête. Surprise, je levai les yeux vers son visage. Il souriait. Et c'est là que je compris.

Je fus Reine, ainsi que Visenya. Aegon nous avait épousé toutes les deux et projetait de nous donner à chacune un fils. Visenya y avait été préparé depuis sa plus tendre enfance  et la tâche lui parut des plus banales. Mais pour moi, mon frère n'aurait pus me faire plus grand honneur et je n'avais jamais été si heureuse de toute ma vie. C'est la première fois qu'il me fit l'amour que je compris à quel point j'étais amoureuse de lui. Depuis que j'étais petite il représentait tout pour moi, autant la figure paternelle que la figure fraternelle. Je l'admirais depuis qu'il avait pris la responsabilité d'un père, après le décès de nos parents. Et je ne cessai de vouloir être importante à ses yeux, je n'attendais qu'une chose : qu'il me remarque. Alors je m'aggripai à lui pour ne pas qu'il parte mais à chaque fois l'orgasme passé et sa semance répandu en moi, il partait pour redevenir le Roi des Sept Couronnes. Nous passâmes en tout et pour tout dix nuits ensemble. Les plus belles nuits de ma vie.

Visenya me trouvait pathétique et enfantile. Il faut savoir que ma soeur et moi étions des antithèses. Autant j'étais joueuse, curieuse et poétique, autant elle était dure, provocatrice et guerrière. Je n'avais qu'une peur, c'était qu'Ageon la préfère à moi. Mais j'appris plus tard avec le coeur incroyablement léger qu'ils ne passèrent qu'une nuit ensemble, et cela suffit à mettre fin à mes tourments.

Je pris l'habitude de monter à dragon les jours où j'étais frustré ; Visenya disait que cette attitude ne seyait pas à une Reine, aussi immature soit-elle. Ce qui ne devait être à la base qu'une arme de guerre devint en quelque sorte un ami ; Meraxes -c'était son nom- m'avait été offert par Aegon le jour où il me déclara que nous partions. Une dragonne venait d'avoir une portée de trois dragons déjà redoutables pour leurs âges, et mon frère en fit notre propriété. Il les avait lui-même nommé Balerion, Vhagar et Meraxes, du nom de trois divinité Valyrienne. Mon frère et ma soeur ne les montaient que pour guerroyer et ne créerent aucun lien avec leur "monture". J'étais donc l'exception, la seule qui prenait plaisir à ne faire qu'un avec mon dragon et voler pendant des heures en toute liberté. Mon statut de Reine commençait à peser sur mes épaules fragiles et ceci était donc mon seul échapatoire. Je me promettai en secret de partir un jour explorer tous les territoires inconnus, et ces rêves d'aventures m'aidèrent à d'affronter le quotidien. Mon plus grand désir et mon plus grand défi fut, un jour, d'aller voir ce qui se trouvait au-delà des Mers du Crépuscule.

Je me mis à désirer mon frère de plus en plus souvent et cela commença à me ronger à petit feu. Je n'osai cependant pas venir vers lui car j'avais peur de sa réaction. C'était toujours lui qui faisait le premier pas, toujours lui qui franchissait la porte de ma chambre les soirs où il se sentait seul. Il ne disait rien, il faisait ce qu'il avait à faire en silence et il n'avais pas besoin de parler pour que je sache qu'il m'aimait. Mais voilà, cela ne suffisait pas à une jeune fille de mon âge. Je me mis à m'entourer de jeunes hommes, tous plus beaux les uns que les autres. Je m'arrangeais pour qu'ils me fassent penser à mon frère, d'une manière ou d'une autre. Aegon ne devait pas l'apprendre, ou je sais qu'il serait devenu fou de rage ; alors dès qu'il partait rejoindre Visenya pour parler de guerre, de stratégies et de je ne sais quoi d'autre, je m'abandonnais au plaisir de la chair. Je savais qu'Aegon nous avait toujours été fidèle, c'était dans ses principes ; quelque part, je voulais qu'il se doute de quelque chose. Serait-il jaloux ? Cette perspective m'enchantait plus que n'importe quoi. Je finis par être raisonnable et me sortis cette idée de la tête ; je devais perdre cette fâcheuse habitude de le provoquer, peut-être cela tournerait-il mal un jour.

Je fus la première à lui donner un fils, que je nommai Aenys, le mélange d'Aegon et de Rhaenys. Tout d'abord je fus morte de trouille à l'idée qu'il ne soit pas de lui ; je fus rassurée en voyant à quel point il ressemblait à son père en grandissant. Je vis la haine et la jalousie dans le regard de Visenya ; en effet, son fils ne sera que second dans l'ordre de Succession tandis que le mien montera sur le Trône de Fer après son père. Je me mis à adorer cet enfant ; il avait le regard rêveur d'un magnifique lilas pâle et je me reconnus en lui. Ma soeur cru que la maternité me rendrait plus responsable ; mais à son grand désarroi je continuai de monter Meraxes à chaque fois que j'en avais l'occasion. Elle eu un fils également peu de temps après moi, qu'elle nomma Maegor. Je trouvai cette prononciation particulièremment cruelle et, en grandissant, il devint brutal et sadique selon toutes les attentes. J'interdisais à Aenys de le fréquenter, car, gentil et doux comme il était, il avait de grandes chances de devenir le souffre douleur de la brute.

Mais vint le jour où on m'arracha mon fils pour l'élever parmis les hommes et le préparer à son futur règne. Je sombrai dans le chagrin et passai mes journées à dos de dragon pour oublier le triste quotidien. Je songeai de plus en plus à m'en aller, mais la perspective de m'éloigner d'Aegon me retenait toujours. Celui-ci sentait que mon état se détériorait et je le sentais blessé dans son amour-propre de ne pouvoir rien y faire. Il prit l'habitude de m'éloigner de la capitale en m'envoyant remplir des missions à dos de dragon. Je ne le remercirai jamais assez. Ces longues journées passées à voler, seule avec Meraxes, m'aidèrent à prendre du recul et à rester moi-même. Ainsi, dans le ciel, je me sentais puissante et je savais que j'étais faite pour ça. La délicate Rhaenys n'avait rien à envier à l'ambitieuse Visenya, je le comprenais enfin. J'aurais voulu passer ma vie dans le ciel.

Jusqu'au jour où Meraxes s'écrasa.

 

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