La dernière âme

Chapitre 14 : Une confiance marchandée

2398 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 22 jours

Pour la première fois depuis fort longtemps, Springtrap avait passé une bonne journée. Son enfer personnel avait été complètement déserté par ses fantômes. Il était resté assis seul à son bureau, à se questionner sur l'existence de cet endroit. Il les avait attendus, longtemps, mais personne n'était venu le tuer. Il s'était même risqué à se promener dans les différentes salles. Aucun Animatronique. Cependant, au lieu de le rassurer, cet état de fait l'angoissa encore plus. Où étaient-ils ? Quelque chose avait changé, il le sentait. Non pas que mourir dans d'atroces souffrances en boucle lui manquait, mais il craignait que ce silence anormal cache un événement qui lui échappait.


Et puis il fut happé. Il se redressa dans un placard à balais bien trop petit pour lui. Il avait dû caser les seaux à la hâte sur ses oreilles la veille, en s'apercevant bien trop tard que les six heures allaient sonner. Il écarta les ustensiles de nettoyage et ouvrit la porte d'un coup de pied bien placé. Un seau s'écrasa au sol dans un brouhaha assourdissant avant de finalement s'arrêter contre une porte.


"Il y a quelqu'un ?" appela une voix masculine.


Springtrap se figea. Toujours vérifier qu'il n'y avait pas de présence dans les environs. Où avait-il la tête ? Il resta immobile un instant, les yeux rivés sur son torse. Un morceau de métal s'était encore décroché et avait arraché encore un peu plus sa fourrure. Il traînait tristement à terre. Le robot se décomposait d'années en années. Il avait beau être un ancien génie de la robotique, celle-ci avait tellement évolué pendant son long sommeil qu'il ignorait comment réparer tout ça, ni même si c'était seulement réparable. Tant que son exosquelette tenait bon, il ne s'en inquiétait pas.


"Ce n'est rien, Frederic, chantonna la douce voix d'Elisabeth. C'est sûrement le vent.


— Le vent ne claque pas les portes. Et depuis quand tu parles toi ?"


Le lapin passa prudemment la tête hors de la porte. Le couloir menait directement sur la salle principale. Un homme en costume violet éclairait le corridor de sa lampe torche. Un gardien de nuit, sans aucun doute. Le robot hésita. Ce n'était pas une grosse menace, il pourrait s'en débarrasser facilement. Il avait besoin de parler à sa fille. Il gonfla un peu le torse, fit briller ses yeux d'un éclat rouge inquiétant et s'avança. Au premier pas, la lampe torche se braqua sur lui, l'éblouissant.


"Qu'est-ce que... Elisabeth ? Il y a un autre robot dans la pizzeria ?


— Non, mentit-elle d'une voix adorable. Il n'y a que toi et moi, Frederic. Fais-moi confiance."


Le gardien de nuit renifla, méfiant. Puis il commis une erreur fatale : il tourna le dos à Springtrap. Le lapin saisit un seau et le lança de toutes ses forces vers l'homme. Le rebord du métal claqua violemment derrière sa tête. Il s'écroula au sol, sonné et lâcha sa lampe qui disparut sous la scène de Circus Baby. Il chercha à se relever, mais une main mécanique le saisit brusquement à la gorge et le souleva de terre. Dans le regard de fer de son agresseur ne brillait pas l'once d'un remord. L'employé de la pizzeria avait compris qu'il allait mourir. Mais... Springtrap n'avait pas envie de le tuer tout de suite. Il lâcha l'homme sur le sol carrelé, avant de lever sa jambe et d'écraser tout son poids sur son genou gauche. Les os émirent un bruit semblable à l'éclatement d'une coquille d'oeuf, alors que la victime se mettait à pousser des cris de douleur terrifiant.


Le lapin regarda autour de lui. A l'entrée, derrière une vitre, se trouvait une hache à incendie. Il détruisit le boîtier rouge d'un coup de poing et se rapprocha tranquillement de la scène, son arme à la main. Elisabeth, silencieuse, le regarda faire sans bruit.


"Lis', ma puce, appela le lapin d'une voix doucereuse. Est-ce que tu m'aimes ?


— Oui, Papa. Mais...Pourquoi veux-tu tuer Frederic ? Il n'a rien fait de mal. On ne faisait que jouer.


— Nous vivons dans un monde dangereux, sucre d'orge. Et eux, accusa t-il d'un ton rageur en pointant le gardien de nuit, te manipulent depuis le début. Ils ne te veulent pas du bien. Ils te mentent parce qu'ils te pensent naïve et innocente. Et ils finiront par te détruire dès qu'ils en auront marre de jouer avec toi. Mais tu es ma fille, Elisabeth. Tous les deux, nous pourrions partir d'ici. Devenir une vraie famille.


— Mais... Papa, où irions-nous ? Harry dit qu'il n'y a pas de place pour moi dehors. Il m'a déjà dit que je ne pouvais pas vivre dans une maison à cause... Enfin, parce que je suis un robot. Ce ne serait pas bien vu par les autres. Je ne serais pas acceptée."


Le lapin grimpa sur la scène et tendit une main vers la joue de sa fille.


"Sucre d'orge, ce fils de chien t'as dit ça pour te garder enfermée ici. Il veut que tu divertisses les enfants. Il ne veut pas que tu t'en ailles parce qu'il ne pourrait plus gagner sa vie. Il se fiche de ce que tu es tant que tu lui rapportes de l'argent. Les hommes sont tous comme ça. C'est à toi de leur prouver que tu es plus forte qu'eux. Que tu as compris leur jeu. Dans cette jungle urbaine, Elisabeth, c'est être prédateur ou mourir dans la souffrance."


Malicieusement, il lui glissa la hache dans les mains de sa fille. Il descendit et saisit le garde de nuit à la gorge, avant de le jeter aux pieds de Circus Baby, qui regarda le pauvre homme crier de peur sans comprendre.


"Tue-le, ordonna Springtrap. Libère-toi de leur joug. Tu n'es pas leur esclave. Montre-leur.


— Papa, je... Je ne sais pas. Je ne veux pas lui faire de mal. C'est... C'est mal. Lorsque les autres ont blessé Michael, je ne voulais pas qu'ils lui fassent du mal. Oh Papa, il criait tellement quand nous sommes rentrés à l'intérieur de lui. Je ne veux pas... Je ne veux pas que ça recommence. Je ne veux pas lui faire de mal."


Springtrap serra le poing, légèrement agacé par sa réaction. C'était prévisible, il n'en doutait point. Mais il espérait qu'elle soit plus facile à manipuler que cela. Il avait cruellement besoin d'alliés là tout de suite, et elle lui compliquait inutilement la tâche.


"Elisabeth, sucre d'orge. Ecoute-moi. Des... Des personnes me veulent du mal. Ils veulent m'arracher de toi, et je ne le permettrai pas. Je ne veux pas te perdre encore une fois. Je veux que tu m'aides à les combattre. Mais pour ça, mon ange, il faut que tu tues ce gardien de nuit. Montre-moi que je peux te faire confiance.


— Mais c'est mal, Papa ! Je ne veux pas lui faire mal !"


La petite clown lança la hache de toutes ses forces à travers la pièce. L'arme traversa la toile qui remplaçait temporairement la fenêtre que le lapin avait cassé la veille. Springtrap poussa un grognement qui surprit sa fille. Mal à l'aise, elle se mit à hoqueter et chercha à reculer. Springtrap remonta sur la scène. Elisabeth, piégée par ses chaînes, se mit à trembler.


"Elisabeth, gronda t-il, menaçant. Je t'interdis de me désobéir.


— Papa, tu me fais peur, gémit-elle.


— Je suis mort pour toi. Je suis... J'ai tout sacrifié pour toi. Tu vas me tuer ce gardien de nuit ou je te jure que..."


Il leva la main, un rayon d'énergie verte sortit des mains de Circus Baby et le projeta violemment en arrière, sur plusieurs mètres. Springtrap s'écrasa contre les portes en verre qui se fissurèrent sous son impact. Abasourdi, il releva la tête vers sa fille. Une aura verte luminescente se dégageait d'elle. Il pouvait la sentir jusqu'au plus profond de son âme. Elle était terrifiée. Frénétiquement, elle regardait ses mains, comme si elle venait d'être piquée par un milliard de frelons.


Mais son père ne lui en voulait pas, bien au contraire. Fasciné par les éclats de lumière, il voyait sa fille sous un nouveau jour : une arme puissante, manipulable, qu'il pourrait utiliser contre ses bourreaux pour se libérer de cet enfer.


"Papa, je... couina t-elle. Je ne voulais pas te faire de mal, je le jure, je... Je ne voulais pas que tu lui fasses du mal. Ne me force pas, s'il te plaît. Ne me force pas à le tuer, c'est mal."


Et tu as raison, intervint une nouvelle voix féminine enfantine dans leurs têtes. C'est mal.


Springtrap fit volte-face. Golden Freddy et la Marionnette venaient d'entrer par la toile arrachée. Le lapin voulut se relever mais l'ours le renvoya au sol d'un coup de pied bien placé dans la poitrine qui fit grincer son endosquelette. La Marionnette vola tranquillement vers la scène. et se plaça devant Circus Baby.


"Ne crois rien de ce qu'elle va te dire ! cria Springtrap, paniqué. Elle veut te manipuler !"


Je te trouves bien culotté de sortir pareilles sottises, William, répondit-elle sans se retourner. Dois-je te rappeler comment tu as abusé de la confiance de dizaines de petites âmes pour leur planter un couteau dans la gorge ?


"Je t'interdis d'en parler devant elle ! hurla le lapin, colérique. Je te préviens, si tu ouvres ta bouche, je te promets que..."


La Marionnette se retourna et s'approcha de lui. Dans ses yeux vides luisaient un scintillement de rage pure. Elle n'était pas contente, à n'en point douter. Springtrap repoussa sèchement Golden Freddy et se releva, pour lui faire face. L'ours le laissa faire, silencieux, comme à son habitude.


Que quoi, William ? répondit la Marionnette sur un ton désinvolte. Que tu me frapperas comme tu allais frapper ta fille ? Une chance qu'elle soit déjà morte, à coup sûr, tu l'aurais tuée, elle aussi.


Springtrap ouvrit la mâchoire, puis la referma. Il secoua la tête et se retourna.


"Je n'allais pas la frapper, dit-il d'un ton incertain. Bien sûr que non."


Bien sûr, répliqua la Marionnette sur un ton acide. Regarde-toi. Toi qui te vantait de ne pas vouloir ressembler à Henry Miller, tu tombes aussi bas que lui. Je t'ai offert cette deuxième vie comme un espoir de rédemption. Mais tu... Je ne sais même pas pourquoi je t'adresse la parole. Tu es un meurtrier, William. Et ce coup-ci, Henry n'est pas là pour couvrir tes actes. Nous en reparlerons.


La remarque coupa définitivement le clapet au lapin qui baissa la tête, déstabilisé. Ses poings fermés se mirent à trembler sous la comparaison. Oh oui. Elle savait parfaitement où frapper pour que ça fasse mal.


"Je ne suis pas Henry."


La Marionnette ignora ses pitoyables états d'âmes et se détourna de lui. Elle retourna vers Elisabeth, qui avait observé la scène en silence. Les poings serrés, elle paraissait perdue. A ses pieds, le pauvre gardien de nuit avait caché sa tête dans ses bras, terrorisé. Il pleurait comme un enfant.


Bonsoir, Elisabeth, dit la Marionnette d'une voix douce. Tu ne te rappelles peut-être pas de moi, mais moi, je me souviens de toi. Je me souviens de chacune des victimes d'Henry Miller et de William Afton. Tu es comme moi : une laissée pour compte. Mais c'est terminé désormais. Je suis là pour t'aider. Comme tu peux toi-même m'aider. Nous pouvons être libre, Elisabeth, tous.


Elle pointa Springtrap de son fin doigt noir.


Mais pour ça, nous devons l'empêcher de tuer la petite fille qu'il a laissé derrière lui au restaurant. Est-ce que tu es avec nous ?


Circus Baby lança un regard à son père, incertaine.


"Je ne veux pas lui faire de mal."


Fais-moi confiance.


"Non, répondit-elle. J'ai fait confiance, une fois. Et j'ai été laissée derrière. Je crois que tu essayes de me manipuler."


Elle tendit la main, un rayon vert puissant balaya la Marionnette. Golden Freddy se téléporta et la rattrapa avant qu'elle ne s'écrase contre le mur. Profitant de la diversion, Springtrap se releva et fila par la fenêtre, sans un regard derrière lui. La Marionnette se retourna vers un mur.


Bonnie, suis-le.


Une ombre fila à la suite du fugitif et disparut dans l'obscurité. La Marionnette se releva et se tourna vers Elisabeth.


Pourquoi ?


"Je me souviens de toi, dit-elle d'une voix fluette. C'est toi qui a dit aux autres de se débarrasser de moi, une fois qu'ils auraient tué Michael. Mais... Je ne suis pas une marionnette que tu peux utiliser comme tu le souhaites. Je sais ce que Papa a fait. Mais je sais aussi ce que vous avez fait à mon frère."


Golden Freddy s'approcha d'elle. Son apparence se modifia pour prendre celle d'un jeune garçon de huit ans à la peau luisant de manière surnaturelle. Ses yeux, remplacés par un vide s'accordaient parfaitement à ses cheveux noirs tâchés de sang fantômatique.


"Georges ? appela t-elle, perdue."


Je sais que tu n'as aucune raison de me croire, petite sœur, dit-il d'une voix déformée. Papa n'est pas celui que tu crois. Il n'a jamais cessé de te mentir. De nous mentir. Je te montrerais pendant la journée. Peut-être alors cesseras-tu de nous voir comme des monstres. Nous ne sommes pas des monstres. Nous cherchons à le sauver, juste comme nous voulons te sauver toi.


"Montre-moi d'abord."


Il hocha la tête. La Marionnette jeta un regard à l'horloge, les six heures approchaient. Elle se tourna vers Golden Freddy.


Rendez-vous à minuit. Je vais avertir Foxy et Freddy. On ne doit pas perdre sa trace.


Elle écarta deux planches de l'estrade et se glissa en dessous. Dès qu'elle les remis en place, une église dans le lointain sonna la fin de la malédiction. Golden Freddy récupéra l'âme de Circus Baby et l'entraîna vers son monde, celui que personne ne pouvait voir.

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