La dernière âme

Chapitre 13 : Pomme pourrie

2156 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 1 mois

Perdue dans ses pensées, une petite âme regardait le soleil se coucher à la fenêtre d'une chambre d'enfant bien vide. La Marionnette et Golden Freddy étaient partis prendre des nouvelles de la petite Violet et leur avait demandé de garder un œil sur ce qui se disait dans la maison. Ils avaient donné rendez-vous à Bonnie là bas pour le rapport de mission. En attendant, Foxy, Freddy et Chica s'ennuyaient fermement. Ils n'avaient vu personne de la journée, ce qui était plutôt logique : les parents devaient être au chevet de leur fille.


"Tu penses trop, l'interrompit une voix enfantine derrière lui."


Foxy se retourna vers le fantôme de Freddy qui partit le rejoindre sur le rebord de fenêtre. Le renard haussa les épaules. Des quatre, Freddy était celui qui se chargeait de remonter le moral des troupes quand ils perdaient l'envie de survivre dans ce monde bien trop mortel pour eux. Cauchemar des gardiens de nuits, il pouvait se montrer très imaginatif quand il fallait faire peur à des mortels trop collants. Du temps où ils hantaient la pizzeria Freddy Fazbear, le renard et l'ours étaient toujours fourrés ensemble, à élaborer des plans tous plus loufoques les uns que les autres pour terroriser le pauvre garde embauché la veille et qui repartirait le lendemain la queue entre les jambes. Quand ils ne le tuaient pas. Au fond, ils ne voulaient pas vraiment leur mort, mais avoir un crochet pour main amène quelquefois à des situations embarrassantes où la tête de leur jouet de la nuit termine empalée. Ils faisaient ce qu'ils pouvaient.


"Tu penses à la Marionnette ? demanda Freddy.


— Oui. Pas toi ?"


Freddy baissa la tête.


"Moi aussi... Je ne sais pas comment prendre la nouvelle. Mais... Elle reste de notre côté, c'est l'essentiel, pas vrai ? Elle ne serait pas restée cent ans à nos côtés si ce n'était pas le cas. Pour moi, ça ne change rien. C'est notre amie, on ne va pas l'abandonner pour si peu. Et puis... On a tous notre jardin secret.


— Je sais... C'est juste que... Elle savait tout pour nous, depuis le début. Elle nous a regardé pendant des années et des années imaginer notre passé, sans jamais se dire que, peut-être, on aurait voulu savoir ?


— Et maintenant que tu sais, qu'est-ce que ça change ? Foxy, on est toujours morts. Mettre un nom sur nos visages n'y changera rien. Si nous avions des parents, il y a de fortes chances qu'ils ne soient plus de ce monde non plus. Ton identité, ce qui fait que tu es toi, ce n'est pas ton nom, et tu le sais comme moi."


Foxy détourna le regard. Dans le fond de la pièce, Chica s'amusait à faire sursauter le pauvre chat de la maison en passant à travers lui. Freddy avait raison. Ils n'avaient jamais eu besoin de noms pour rester soudés. Alors pourquoi le fait de le savoir maintenant lui faisait aussi mal ? Il ne le savait pas lui-même.


Il fut interrompu dans ses pensées par la sortie du mur de deux nouvelles âmes. La Marionnette les dévisagea un instant avec inquiétude. Elle savait que Foxy était le plus émotif des quatre et qu'il fallait le surveiller de près. Ce n'était pas sa première crise existentielle et elle avait appris à les gérer. Comme une maman. Il culpabilisa immédiatement de lui en avoir voulu. Ce n'était pas après elle qu'il devait en avoir, elle avait tout fait pour les mettre à l'aise et leur faire supporter cette nouvelle condition. Golden Freddy la suivait de près. Son âme, plus brillante que la leur, dégageait une forte aura d'inquiétude. Quelque chose n'allait pas.


"Nous avons un problème, dit-elle de but en blanc. Nous parlions hier du Circus Baby's World, il se trouve qu'il a réouvert. Springtrap y est. Et il a retrouvé sa fille. Il est urgent que je parle à Elisabeth avant qu'elle ne devienne une ennemie problématique. Elle ne sait rien de son père, s'il lui retourne la tête, nous aurons de gros problèmes. Elle n'en a probablement pas conscience, mais elle est aussi puissante que Golden Freddy ou moi. Si Afton le découvre, il va en faire une arme contre nous.


— Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Freddy.


— Golden Freddy va récupérer mon enveloppe et je vais m'y rendre. Chica, tu viens avec moi. Springtrap a besoin de plus de découragements, on a été trop laxistes. Bonnie n'arrive plus à garder le contrôle dessus. Foxy, la petite arrive demain. Son père a négocié un séjour chez elle, pour l'éloigner des médias. Attends la nuit et fais le premier contact. Il faut qu'elle sache qui nous sommes et qu'on ne lui veut pas de mal. Freddy, tu restes ici pour le prévenir si jamais les parents ou quiconque s'approche de la chambre. Je vous retrouverais ici à six heures du matin."


Personne ne contesta les ordres, ils en avaient l'habitude. La Marionnette faisait les plans, les enfants lui obéissaient sans sourciller. Foxy sourit à Freddy. Refaire équipe avec l'ours lui plaisait particulièrement. Minuit ne tarda pas à sonner au clocher d'une église dans le lointain. Foxy fut happé de la fenêtre et s'éveilla dans son costume. Il saisit le corps de la Marionnette et sortit de son armoire. Golden Freddy avait repris la forme de son costume d'ours. Il la récupéra. Chica grimpa sur son épaule et dans un "pouf", ils disparurent tous les trois.


Leur départ fit tomber un silence triste sur la salle. Foxy se laissa tomber sur le lit, Freddy s'installa à côté de lui.


Dommage que je ne puisses plus rien toucher, j'aurais bien fait une partie de cartes pour passer le temps.


Foxy ne répondit pas, le regard perdu dans le vide.


Tu penses qu'on va réussir à arrêter Springtrap ?


"Non. Moi pense lui plus fort. Lui être colère et colère point fort lui. Il capable battre nous si lui décider que nous pas danger car moi et Marionnette seuls. Toi et autres juste fantômes. Lui sait."


Je pense la même chose, répondit Freddy. Il prend de plus en plus de libertés. On n'aura bientôt plus le pouvoir de l'arrêter. Il ne manquerait plus qu'il réussisse à sortir de la prison de Golden Freddy.


"Possible ? s'inquiéta le renard."


Pour contenir l'esprit de Springtrap, bien plus fort que n'importe laquelle de leurs âmes, la Marionnette et Golden Freddy avaient mis au point un piège psychique où l'âme du meurtrier était prisonnière la journée. Les deux âmes, mais surtout Golden Freddy, s'amusaient à le tourmenter en l'attaquant de fantômes d'Animatroniques du passé. Ce petit stratagème suffisait à le dissuader de penser à un moyen de s'enfuir et de nuire. En effet, les esprits pouvaient techniquement continuer à vivre dans le costume de leur robot pendant la journée. La Marionnette l'avait formellement interdit après l'accident de 1987, dont Foxy était partiellement responsable. En revanche, les enfants savaient depuis longtemps que l'interdit ne faisait pas peur à Springtrap. Un Animatronique se promenant en plein jour attirerait forcément l'attention et tous craignaient de devenir des sujets de laboratoire. Ils avaient bien assez soufferts dans leur vie, et leur après-vie, pour finir de cette façon.


Je ne sais pas, lâcha Freddy. J'ai beau me montrer brave, j'ai toujours peur de lui. Bonnie a été bien plus brave que moi. Jamais je ne pourrais rester seul avec lui. Trop de mauvais souvenirs.


Cette confession à cœur ouvert toucha Foxy. L'ours ne se confiait que trop rarement. Il était plutôt "éponge à émotions" d'habitude, encore plus que lui. Il prenait la colère, la tristesse, les inquiétudes de ses compagnons jusqu'à l'explosion, le plus souvent sur le gardien de nuit ou la Marionnette. Les deux Animatroniques, malgré leur grande amitié, étaient rarement d'accord. Foxy se rappelait de colères effrayantes où Bonnie et Chica venaient se réfugier dans son Antre pour fuir les chaises qui volaient dans le restaurant avec rage. Plus les années passées, plus Freddy ressemblait à un vrai ours : tendre quand il le fallait, mais une force brute dès que la situation l'exigeait. Foxy avait un infini respect pour son ami, qu'il considérait comme un grand frère. Le renard l'aurait bien pris dans les bras, mais la forme spectrale de son ami l'en empêchait.


Un bruit de pas dans le couloir les figèrent sur le coup. Ils se regardèrent l'un l'autre. Ils savaient que Foxy n'aurait pas le temps de se cacher dans l'armoire avant que l'intrus entre. Le renard se jeta sous le lit et tira légèrement la couverture pour cacher la luminosité de ses yeux. Un homme ouvrit la porte, le père de Violet.


"Il y a quelqu'un ? demanda t-il d'une voix incertaine et rongée par la fatigue."


Foxy fit attention à ne pas bouger ses parties métalliques. Son exosquelette grinçait toujours à cause de la rouille, il se ferait repérer en quelques secondes. La porte du placard était restée ouverte. L'intrus s'était arrêté devant elle, méfiant.


"Putain de chat, souffla t-il. Toujours là où on lui interdit d'aller."


Une masse s'abattit sur le matelas, au dessus de lui. L'homme poussa un soupir. De toute évidence, il ne trouvait pas le sommeil. Foxy ne l'avait même pas entendu rentrer. Était-il rentré seul ? L'homme se coucha tranquillement sur le lit. Le renard baissa ses oreilles pour éviter qu'elle ne le touche à travers la mousse. Freddy, fou d'inquiétude, était assis contre le mur, le regard sur lui.


C'est de ma faute, je n'ai pas fait attention... Il lit le livre que tu as trouvé hier.


L'homme respirait bruyamment au-dessus de lui. Peut-être même pleurait-il.


"Papa, mais qu'est-ce que tu as fait.... chuchota t-il, la voix brisée."


L'homme se releva. Foxy le vit mettre une main à son pantalon, il sortit un téléphone et tapa un numéro. La tonalité emplit la chambre, puis une voix fatiguée et âgée répondit.


"Allô ?


— Papa ? C'est moi. Je... Tu as vu les informations ?


— L'accident du musée ?


— Oui. La survivante, c'est Violet. Elle va bien. Elle va bien, elle s'en sortira. Mais ton père s'est échappé. J'ai foncé sur les lieux dès que j'ai pu, mais il était trop tard."


Foxy lança un regard anxieux vers Freddy. La Marionnette avait visé juste, le père de Violet était bien impliqué dans la compagnie Fazbear Entertainment.


"Tu as retrouvé sa trace ? demanda la voix à l'autre bout de l'appareil.


— Non. Mais ce n'est pas le plus inquiétant. Les caméras ont capté Foxy et la Marionnette sortir du musée. Je les ai tout de suite supprimé, bien sûr. Mais eux aussi sont dans la nature. Je pense qu'ils protègent Violet. C'est... C'est le renard qui a déposé Violet à l'hôpital, j'en suis sûr.


— Méfie-toi, répondit son interlocuteur. Ne leur fais jamais confiance, tu sais ce qu'ils m'ont fait. Et Elizabeth ?


— Elizabeth n'est au courant de rien. Elle est enchaînée au restaurant. Elle n'a pas compris pourquoi, mais au moins, je suis certain qu'elle ne bougera pas. Mais elle s'y fera."


Un silence flotta dans l'air.


"J'ai peur pour Violet, reprit-il. Si jamais il la poursuit...


— C'est un avantage.


— Papa...


— On a enfin une occasion de le piéger, il ne faut pas le négliger. On doit l'arrêter, tu le sais comme moi. On ne peut pas le tuer, mais on peut le contenir. Et on peut aussi piéger la Marionnette avec lui. J'ai un projet à te montrer, le dernier cadeau d'Henry Miller. Je prends le premier train pour venir demain. On se retrouve au restaurant.


— Papa, je ne veux pas mettre Violet en danger.


— Elle fait partie de la famille Afton. Son destin est maudit. Comme le tiens, comme le mien. Elle devra s'y faire."


L'interlocuteur raccrocha. Le père de Violet donna un grand coup de pied dans le pied du lit. Foxy n'osa pas bouger, inquiet. Puis il sortit de la pièce en claquant la porte. Le renard et l'ours poussèrent un soupir de soulagement.


Voilà qui devrait intéresser la Marionnette, rit Freddy. Elle aurait dû rester quelques minutes de plus.


Foxy s'extirpa du dessous du lit. Il préféra ne pas jouer avec le feu et retourna dans l'armoire, Freddy sur les talons. Il garda le silence. Cette histoire prenait des proportions inattendues. Le fils de Michael Afton était donc toujours sur la trace des Animatroniques. Voilà qui compliquerait grandement leur marge de manoeuvre.


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