Coeur de Vampire
Dimanche 13 Juillet 2008
Bonjour tout le monde !!
Eh non, vous ne rêvez pas ! Le chapitre deux est bel et bien là !! Sans correction pour le moment, à part les miennes, mais j’espère que ça ira ^^.
Je m’excuse du temps qu’il a fallut pour l’écrire, mais on a rien sans travail… donc voilà ! J’espère récompenser votre patience !! J
Sur ce :
Titre : Cœur de Vampire
Auteur : Imari, aka Ima.
Disclaimer : Tous les personnages présents dans cette fic m’appartiennent et toute ressemblance avec une personne physique serait tout à fait fortuite, bien entendu.
Genre : Fantastique et Romance en premier lieu ^^
Rating : Hm… Pour une fois, je n’empêcherai que les petits enfants à lire, parce qu’il y a juste des écarts de langage, très peu mais bon, on ne sait jamais, et quelques passages… vous verrez. Très peu aussi, mais, je le répète, on ne sait jamais ^^ Donc AP !
Résumé : Année 3709, les vampires et les mortels cohabitent de manière pacifique depuis un millénaire. Lily, mortelle détestant les vampires, fait la rencontre de Johann, un jeune homme des plus mystérieux duquel elle tombe amoureuse. Mais… Mortel ou Vampire ?
Dédicace : A mes amies, mes chéries chouX que j’aime ! Pour une fois, je vais leur montrer un peu ce que je fais et ce que je sais faire ! En espérant qu’elles apprécient ^^ Et à celles et ceux qui m’ont aidé par leurs gentils commentaires, leurs encouragements, mais aussi leurs critiques !! Arigatô !! J
Note : Je vous propose d’aller sur le forum et de vous « abonner » au fil de discussion consacré à « Cœur de Vampire » dans la rubrique « Annonces Fics Originales ». Ca vous permettra de savoir quand les prochains chapitres sortiront ^^.
Note 2 : Pour les flemmards, je vais vous mettre ici les changements qui sont survenus dans le premier chapitre après une grande correction devenue possible grâce à Glorforil :
1) Des la première partie de l’histoire, l’explication du monde des Vampires, il est à présent question de la présence des Chasseurs de Vampires que je n’avais pas mentionné clairement. Pas besoin d’explication sur leur fonction je pense. Ils ont presque tous disparu depuis des années.
2) Un petit rajout a été fait en ce qui concerne la mixité des classes primaire/collège/lycée. Il paraîtrait que des jeunes vampires aient attaqué leurs camarades !
3) L’acceptation des Vampires par Lily, par l’entremise de Wylian est à présent plus longue car elle a du mal à se faire à sa présence, seuls tous les deux.
4) Une explication a été ajoutée quant à l’impossibilité de prendre le bateau et donc à se disparition : la mer est impure, l’air est impure, on a préféré mettre le bateau de côté pour ne s’occuper que des autres moyens de transport.
5) Enfin, quelques questions restent sans réponses que vous n’avez pas forcément remarqué xD. Et vous n’êtes pas les seuls, car même Lily n’a pas fait tilt encore. Bientôt, bientôt !
Bonne lecture !!^__^
Cœur de Vampire
Chapitre 2 : Du Bonheur à la Chute
***
« On le surnommait le « démon rouge ». » (Johann)
***
Quand la jeune femme descendit dîner, l’ambiance était on ne peut plus tendue. Son père avait-il parlé à sa mère ? Il se pourrait bien !
D’ailleurs… n’étions-nous pas mercredi ? Mercredi ! Et samedi était la soirée ! Elle n’aurait jamais le temps de trouver une robe en si peu de temps ! Mais pourquoi son père avait-il attendu si longtemps pour lui en parler ?!
Et la réponse lui vint naturellement : parce qu’il avait eu peur et de sa réaction, et de celle de sa femme… Quoi de plus naturel.
Lily soupira et sourit à son père qui le lui rendit, un peu penaud.
Quand enfin Lily se glissa dans son lit ce soir-là, un sourire flottait sur son visage. Bientôt… oui, bientôt elle pourrait en parler à son père. Elle en était sûre !
Elle s’endormait presque quand son portable se mit à vibrer sur sa table de chevet. Johann !
A cette pensée, elle sursauta et se leva d’un bond. Elle attrapa l’objet, ouvrit le clapet et le mit à son oreille en un rien de temps.
« Johann ?!
- Hello ma puce.
- Bonsoir…
- Oh, tu as l’air particulièrement en forme ce soir, dis-moi !
- Oui ! J’ai pu parler un peu vampire avec mon père… et il m’a invité à une soirée…
- Samedi ? coupa Johann.
- Euh… oui…
- Enfin ! J’ai cru que j’allais devoir le faire moi-même ! Superbe ! Et tu as déjà choisi ta robe ?!
- Johann, il vient de me l’annoncer il y a à peine deux heures !
- Dis… on ira la choisir ensemble, cette robe, demain ?
- … Oui, si tu veux… Tu seras là, samedi, alors ?
- Bien sûr ! Bon, en attendant, tu es bien réveillée ?
- Oui, pourquoi ?
- Que dirais-tu d’une virée nocturne jusque… chez moi ? », le ton s’était fait caressant, langoureux, sur les derniers mots. Le sous-entendu était… entendu, reçu, compris ! Le cœur de Lily précipita les battements.
- Main… Maintenant… ?
- Oui, mon amour. Tout de suite. Je suis à ta fenêtre, tu m’ouvres ? »
Lily se leva rapidement pour aller ouvrir les rideaux de sa fenêtre puis les carreaux. Elle l’entrevit grâce aux lumières des lampadaires – le couvre-feu n’étant pas encore passé – et il lui sourit avant d’éteindre son portable. Là, il s’approcha et sauta la barrière avec aisance. Deux mètres de haut passés aussi facilement !
Lily se rendit alors compte que c’était la première fois qu’elle voyait un vampire réellement en action, excepté quelques petits exemples de Wylian…
Arrivé devant sa fenêtre, Johann sauta à nouveau. Lily était persuadé que jamais il n’atteindrait sa chambre. Elle était au premier étage ! Mais au contraire, la silhouette du vampire apparu juste en face d’elle et resta suspendu un instant avant qu’il ne se pose sur le rebord et qu’il n’entre dans sa chambre.
Lily le fixa un instant, interdite, puis elle lui sourit et s’approcha. Ils échangèrent un long baiser que la jeune femme trouva grisant, avant que le blond ne la serre fermement dans ses bras.
« On va sauter ? », demanda Lily, curieuse. Après tout ce qu’elle en avait écouté de Wylian, elle attendait cet instant avec impatience !
« Oui, mon amour…
- Wylian m’a dit, le premier jour de notre rencontre, que très peu de personnes avaient eu le privilège de « sauter » avec un vampire.
- Il a dit vrai. Accroche-toi bien, hein ?
- Oui ! »
Ils passèrent le rebord de la fenêtre et Johann tira le vitrail vers lui avant d’enfin se laisser tomber et atterrir parfaitement sur le sol à plus de trois mètres sous lui. Il portait Lily comme si elle n’avait été qu’une plume posé subrepticement dans sa main.
Lily quant à elle, se sentait tout en confiance et agrippait fermement son vampire préféré.
« On va chez moi et ensuite je te ramène ici à l’aurore. D’accord ? »
Elle hocha la tête en murmurant un « oui » d’assentiment. Johann resserra son étreinte et huma l’air.
« Ton odeur… Elle me rend fou…, murmura-t-il en enfouissant sa tête dans ses cheveux longs.
- Moi, c’est toi qui me…
- Chut, pas maintenant, ou sinon je serais incapable d’attendre d’être arrivé à la maison… »
Ils eurent un petit rire, ensemble, avant que Johann ne la lâche avant de la reprendre, un bras sous ses genoux et l’autre derrière ses épaules. Instinctivement, Lily s’accrocha à son cou. Tentée malgré elle par la peau offerte, elle ne pût s’empêcher d’embrasser la pomme d’Adam de Johann. Celui grogna.
« Evite de faire ça avant qu’on ne soit arrivé ou je risque de faire une erreur… »
Avec un petit rire Lily se colla à son torse et Johann décolla, pliant ses jambes pour prendre son envol. Les plafonds des rues étaient extrêmement hauts, plus de cinquante mètres à certains endroits, les séparaient du sol. Pourtant, Johann atteignait parfois les murs au-dessus de leurs têtes, Lily pouvant les observer plus près que jamais.
Au premier décollage, Lily faillit crier. Elle vit défiler sa maison, la vit disparaître quand ils dépassèrent ses fenêtres et quelques secondes plus tard, qui lui parurent pour le coup éternelles, ils atterrissaient dans une nouvelle rue pour repartir aussitôt.
« Alors ? », demanda Johann à la jeune femme qui avait resserré son étreinte autour de son cou.
Lily finit par éclater de rire.
« C’est génial, Johann ! C’est… incroyable !
-Content de te l’entendre dire !
-J’ai l’impression de voler ! »
Il s’amusa de son enthousiasme jusqu’à ce qu’elle frissonne.
« Tu as froid ?
-Non, non…
-Tu mens !
-Comment le sais-tu ?
-Je le sens… C’est vrai, tu es en pyjama… J’aurais dû y penser !
-Tant pis ! »
Ils rirent doucement et enfin ils furent arrivés. Johann s’arrêta sur une grande résidence qui interpella Lily. Tout cela lui disait quelque chose.
« Je ne suis jamais venue, pourtant…, murmura-t-elle pour elle-même.
- Qu’est-ce qu’il y a ?
-Non, rien. »
La bâtisse avait quelque chose de reconnaissable, mais où avait-elle bien pu voir pareil endroit ? Le tout était immense. Il y avait trois maisons, collées, se rejoignant sur un petit jardin, dans lequel ils avaient atterris. Ces trois maisons étaient conséquentes, larges. L’une d’elle émettait une faible lumière.
Johann sauta et rejoignit cette dernière, atterrissant parfaitement dans la chambre. La largeur de la fenêtre ne l’ayant même pas gêné.
« On est arrivé dans mon antre, princesse », murmura-t-il en la déposant sur le sol.
La légère lumière venait d’une petite lampe de chevet, posé sur une table basse près d’un lit à baldaquin. Celui-ci attira d’ailleurs beaucoup l’œil de Lily : il était énorme !
« Ah oui, j’ai un lit conséquent, n’est-ce pas ? Ca a été mon seul caprice je pense. Je bouge beaucoup et j’ai besoin de place quand je m’endors, alors bon…
- Surtout quand quelqu’un vient te rejoindre, je suppose… », répondit Lily. Elle n’était pas dupe ! Elle savait bien que Johann, étant vampire, devait avoir eu des tas de partenaires… Mais la jalousie qu’elle ressentait à leur égard était énorme ! Elle, qui n’était que mortelle, que pouvait-elle lui apporter ? Elle n’avait jamais songé à cela…
Deux bras vinrent l’envelopper, la collant contre un corps chaud. Johann avait enlevé son blouson, elle pouvait sentir les pans d’une chemise glisser sur son dos, animés par le vent entrant par la fenêtre toujours ouverte.
« J’ai eu des amants, des amantes… J’ai fait le tour des vampires et des mortels sans distinction de sexe. J’ai connu des personnes qui m’ont attiré, d’autres qui ont fini par me rebuter… et puis je t’ai rencontré. Et je suis tombé amoureux. Sans crier gar.
- Vraiment ? », demanda Lily, se détendant peu à peu dans les bras chauds de Johann.
« Oui… Tu sais, on est aussi humain. Quand on tombe amoureux, on n’est pas prévenu ! Quand j’ai compris ce qui m’arrivait, j’ai vraiment flippé ! Je ne savais pas quoi faire, je voulais revenir en arrière, ne jamais t’avoir connu, toi et ton sale caractère !
- Hé ! s’insurgea Lily alors que Johann riait tout bas avant de continuer.
- J’avais peur de ce que cela impliquait. C’était trop. Je ne savais pas quoi faire… J’en ai discuté avec Wylian et Laura, ma sœur… D’ailleurs tu l’as rencontré si je ne me trompe pas ?
- Ah oui ! Laura… Elle est adorable !
- Elle m’a dit la même chose de toi, ça m’a fait plaisir. Mais revenons-en à mon problème ! J’en ai donc discuté avec Wylian et il m’a mis son poing dans la figure ! Ah ça ! Je peux te dire que je ne l’oublierai pas de si tôt ! Je guéris vite, mais j’oublie très mal ! Il m’a crié à la figure, on s’est un peu engueulé et puis on s’est calmé ; on se connaît bien. Et il a fini par me faire rentrer dans le crâne que ce qui m’arrivait était bien. Parce que tu étais bien. Je me suis sentie soulagé après ça, je ne te raconte pas ! »
Un soupir d’aise le prit et Lily sourit. Visant le lit, Johann toujours accroché contre son dos, elle lui fit faire demi-tour et le poussa. Ils s’écroulèrent tous les deux en riant comme des gamins.
« Chut, doucement ! Jel… Mon père risque de nous entendre… »
Il l’attira contre lui et ils s’allongèrent confortablement, enlacés. Il lui embrassa le cou, tirant sur son pyjama pour plus de peau offerte. Après quelques baisers, il finit par la retourner vers lui et ils se croisèrent du regard.
« Tu vas encore…, murmura Lily, mais Johann la coupa :
- Tu n’aimes pas ?
- Si… C’est juste qu’ensuite… je me sens bizarre… »
Johann eut un sourire avant d’approcher son visage du sien pour l’embrasser.
« C’est juste l’amour… »
Ils échangèrent un long baiser qui laissa Lily sans souffle alors que Johann recommençait déjà à l’embrasser de nouveau. Surprise, au lieu d’essayer de le pousser pour respirer, elle ne faisait que l’attirer encore plus près contre elle.
Johann quitta ses lèvres et lui embrassa la gorge, descendant jusqu’à l’échancrure du pyjama, en V. De là, il remonta et passa sa langue au creux de sa gorge. Lily gémit en resserrant son étreinte. Ses propres mains allèrent retrouver la peau chaude du dos de Johann, la caressant avec délectation. Repus de leur petite promenade, elles descendirent bien vite se perdre dans le pantalon large du blond, caressant ses fesses.
Là, à nouveau, Johann s’arrêta de l’embrasser pour gémir à son tour. Puis il revint à la bouche de la jeune fille et le baiser qu’il lui donna la laissa sans force. C’était brutal, aimant, fort… fougueux.
« Qui sème le vent… », lui chuchota Johann entre deux baisers dans son cou. Lily le prit au mot et le poussa contre le lit pour finir par s’asseoir sur lui. A peine fût-elle installée qu’un spasme la prit. Elle était assise au mauvais endroit… vraiment mauvais… C’était tout dur… Mon dieu !
Déstabilisée, elle ne reprit conscience que quand Johann glissa ses mains sur ses jambes jusqu’à son ventre, se relevant peu à peu sur son séant. Ses mains soulevèrent le haut de pyjama de la jeune femme qui leva les bras. Débarrassée de son haut, elle se sentit troublée et tira sur celui de Johann pour le cacher. Ils se retrouvèrent torse nu, comme la dernière fois.
Johann se rallongea et attira brutalement Lily vers lui. Elle se rattrapa de justesse sur ses mains et trouva la situation encore plus gênante qu’auparavant. Dans cette position, Johann avait une vue sur sa poitrine qui la fit rougir de gêne.
Celui-ci se releva sur un coude et vint lui embrasser la bouche avant de l’attirer à nouveau contre lui.
C’était ce qu’il devait se passer, c’était écrit. Elle devait lui appartenir, comme il devait lui appartenir…
Elle l’aimait, vraiment, de tout son cœur, de tout son être…
***
« Lily, ma chérie, tu es prête ?
- Oui, papa, j’arrive ! »
Lily jetait un dernier coup d’œil à son miroir. Etrangement, depuis sa rencontre avec Johann, elle avait perdu du poids, lui semblait-il. Elle aimait l’image que lui renvoyait la glace. Du moins, bien plus qu’avant !
Jeudi soir, après ses cours qu’elle avait à moitié séchés, Johann et elle étaient allés faire les boutiques. Lily avait appréhendé ces retrouvailles alors qu’ils s’étaient unis la nuit dernière. Elle ne savait pas pourquoi, elle s’était attendue à quelque chose de différent. Mais excepté le regard bien plus brillant de son compagnon et son baiser qui voulait dire « encore ! », rien n’avait changé ! Ils se chamaillaient toujours pour rien et avec toujours autant de joie. Peut-être était-elle plus à l’aise dans ces gestes de tendresse qu’elle lui adressait, elle se sentait en tout cas beaucoup plus réceptive à ceux qu’il lui offrait.
Ils avaient fait plusieurs magasins et choisis plusieurs robes avant d’enfin s’arrêter sur celle qui, d’un commun accord, était parfaite ! Elle était d’une couleur blanche éclatante, bordée de rose. Il n’y avait pas de bretelles, seulement un bustier, et elle descendait jusqu’à ses chevilles de manière évasée. Ils avaient alors compris qu’il fallait acheter les chaussures qui iraient avec la robe. Et ils étaient repartis en chasse.
Le temps avait rapidement couru sur les cadrans de leurs montres et ils avaient du se quitter en vitesse sur un baiser fougueux mais rapide. Il s’étaient séparés en riant, une première !
Et maintenant elle se regardait dans ce miroir, la robe lui allant parfaitement et les chaussures à talon aiguille parachevant le tout. Elles étaient noires et un fin tissu de soie s’enroulait sur le dessus des chaussures pour former un nœud, sur le côté. Simples, mais vraiment mignonnes, d’après elle.
Elle inspecta une seconde son maquillage. Elle y était habituée depuis longtemps mais ce soir, elle devait être parfaite ; elle serait au bras de son prince charmant, après tout !
Tout était parfait. Elle avait juste passé un crayon irisé, claire, sur le dessus de ses paupières, avaient rallongé ses cils de mascara noir, et coloré ses lèvres d’un gloss scintillant. Ensuite, un peu de fond de teint, de blush, et c’était tout bon ! Elle espérait que tout se passerait bien ! Elle allait présenter Johann à son père ce soir, tout devait être parfait !
Avec un sourire à son image, elle attrapa son sac à main, acheté la veille, seule cette fois, et descendit les marches avec précaution. Son père, l’attendant au bas des marches, sourit à son arrivée.
« Tu es vraiment belle, ma chérie…, souffla-t-il en lui embrassant le front, les yeux brillants.
- Tu es super classe toi aussi, mon cher papa adoré ! »
Il avait endossé un smoking noir sur une chemise blanche. Il avait desserré son col et ne portait pas de cravate. C’était parfaitement à son image : simple mais décontracté.
Ils entendirent un bruit de la cuisine et se jetèrent un coup d’œil.
« On y va, chérie ! », jeta le père. Un grognement leur répondit et ils hochèrent les épaules, fatalistes. Puis souriant de nouveau, ils passèrent le pan de la porte.
Lily s’apprêtait à descendre les marches en compagnie de son père quand ils aperçurent deux personnes à la barrière. L’une avait des cheveux rouges flamboyants.
« Wylian ? », appela Lily, surprise. Le vampire se retourna et sourit de toutes ses dents, deux fossettes aux joues. Habillé ainsi d’un smoking, il avait une élégance incroyable et un charisme certain, de par la couleur de ses iris et de ses cheveux.
« Wah ! J’étais sûr qu’il fallait vous escorter ! Habillée comme tu es, personne ne t’aurait laissée passer, dans la rue ! »
Ses compliments firent rougir Lily avant qu’elle n’éclate de rire. Puis Wylian s’éclaircit la gorge et posa sa main droite à plat sur son cœur pour saluer son père.
« Monsieur le Ministre, dit-il solennellement.
- Allons, monsieur Wylian, ce devrait être à moi de vous saluer ainsi. »
Et le père de Lily s’inclina à son tour de la même manière.
« Et si on en finissait des politesses ? finit par s’exclamer Lily. Que… faites-vous là ? demanda-t-elle en jetant un regard au deuxième homme, qui devait sûrement être un vampire.
« Ah, je vous présente Gaétan, c’est un vampire informateur aussi. Nous sommes venus vous escorter.
-Escorter ? demanda Lily, étonnée.
- Oui, vous emmenez au Dôme sans dommage… en sautant. »
Le père de Lily eut un sursaut et Lily éclata de rire en le regardant s’abasourdir d’une telle réplique.
« Vous avez de la chance d’avoir une aussi bonne fille, Monsieur le Ministre. C’est pour cela que c’est moi qui m’en occupe. Je te l’avais promis, il me semble, non ? »
Lily hocha la tête en souriant. Elle descendit les dernières marches et rejoignit les deux vampires, vite suivie par son père qui ferma la barrière derrière eux.
« Tu vas voir, tu vas adorer ! s’exclama Wylian.
- Mais qui te dis que c’est la première fois ? répliqua Lily en lui prenant le cou alors que le garçon se raidissait de surprise.
- Tu…, commença-t-il. Puis il l’attrapa par la taille : On est parti, à tout de suite, vous deux ! »
Et le décollage fût brusque. Wylian avait l’air pressé de dire quelque chose !
Lily remarqua tout de suite que les « sauts » de Wylian étaient différents de ceux de Johann. Avec le jeune vampiresse, c’était plus intense, moins doux. Mais c’était tout aussi agréable. Lily finit par éclater de rire.
« J’adore !
- Ha ! Qu’est-ce que je disais ! »
Elle rit franchement en réponse jusqu’à ce que le jeune homme ne lui taquine les côtes.
« Alors, tu as vraiment sauté ? Avec Johann, je présume ?
- Oui… Mercredi soir… C’était… exceptionnel ! »
Et de nouveau elle éclata de rire. Elle pensait à moitié à cette traversée qu’elle avait faite avec lui, et à ce qu’il s’était passé ensuite, chez lui. Oui, exceptionnel… bon, douloureux aussi, mais elle n’y pensait déjà plus !
Bien vite ils furent arrivés et se séparèrent en riant. Quelques secondes plus tard, le père de Lily et son escorte atterrirent à côté d’eux.
« Ah Monsieur le Ministre ! », s’exclamait déjà quelqu’un en se précipitant vers eux. L’homme était petit et replet. Il suait déjà sous son costume trois pièces, pincé. Il avait l’air nerveux.
« Bonsoir, Intendant. Vous avez l’air perturbé, que se passe-t-il ?
- Oh, vous me connaissez, Monsieur le Ministre, je suis toujours ainsi. J’ai tellement peur que quelque chose n’intervienne ! Nous allons enfin voir la tête du Prince et de sa femme ! Mon dieu, vous rendez-vous compte ?! Quel évènement exceptionnel ! On l’attend depuis plus de 700 ans !
- Calmez-vous, Intendant, voyons. Tout se passera bien, reprenez votre souffle. Lily, on y va ?
- Bien, papa. Wylian ?
- Je dois rejoindre le… prince d’abord, j’ai un rapport à lui transmettre. »
Lily le regarda avec surprise. Un rapport, un jour comme celui-là ?
Et puis… qui était ce prince dont tout le monde ne cessait de parler sans jamais l’avoir vu ?
« Dis, Wylian ? l’arrêta Lily avant qu’il ne parte. « Le prince… il est gentil ? Il est… bien ?
- Très ! Tu vas l’adorer ! »
La réponse mit Lily mal à l’aise. Le regard de l’Informateur brillait étrangement alors qu’il se retournait pour partir, disparaissant aussitôt.
La jeune fille secoua la tête et prit le bras de son père en souriant. Ce soir, elle allait passer une bonne soirée en compagnie de son père, de Johann, et d’autres encore ! Tout allait être parfait !
Le Grand Dôme était un bâtiment pas tout à fait comme les autres. Il s’étalait du sol au plafond, immense, large. Le mur était ambré, différent des autres structures souterraines. Quand ils entrèrent, Lily comprit aussitôt pourquoi on lui donnait le nom de « dôme » : à l’intérieur, la forme y était. Un énorme arc de cercle servait de salle de réception. Des tables aux nappes blanches avaient été disposées tout autour d’un grand cercle qui allait servir de piste de danse. Au fond, en face de la porte d’entrée, se trouvait une large estrade où des musiciens avaient commencé à entamer leurs mélodies entêtantes, pour accompagner la soirée. Mais personne ne dansait, le bal n’était pas encore ouvert.
« C’est impressionnant ! s’extasia Lily, ayant déjà fait deux fois le tour de l’immense pièce de son regard.
- N’est-ce pas ? Viens, approchons-nous des invités. »
Très vite, Lily fût dépassée. On fût surpris de sa présence, une apparition que personne n’avait encore imaginé voir. Lily était toujours restée très en retrait, absente. Et ce soir, elle portait une superbe robe et on louait sa beauté, la faisant rougir jusqu’à en devenir cramoisie. Elle ne connaissait personne, mais dès qu’elle prononçait le nom « Favri », on ne tarissait plus d’éloges sur son père !
Lily comprit que la seule parade serait de rester collée à son père et jouer l’enfant timide… Ce qu’elle avait arrêté d’être il y a quelques mois !
« Ah ! Lily ! »
Cette exclamation soulagea tout de suite la jeune fille qui se précipita aussitôt rejoindre un visage connu.
« Jarred ! Tu es là, toi aussi !
- Oui, mon père tenait à être présent lorsque le Prince sortirait de l’ombre. Et toi ?
- Moi…
- Lily, je vais devoir m’absenter quelques instants, d’accord ? On a besoin de mon aide…, l’interpella son père, un peu désappointé.
- Très bien papa ! répondit-elle. Et elle lui souffla « Bon courage », en exagérant le mouvement de ses lèvres. Il lui sourit avant de disparaître dans une pièce annexe. Une multitude de portes donnaient elle ne savait où, tout autour de la pièce ronde.
« Tu… Tu es… Tu es… Lily Favri ?! bégaya Jarred, les yeux grands ouverts, stupéfait.
- Euh… oui, répondit Lily en souriant.
- J’ai toujours cru que le Ministre était célibataire ! On n’a jamais parlé de sa famille !
- Ah, vu la famille, ce n’est pas étonnant ! Mais j’aime mon papa, j’étais vraiment contente qu’il m’invite ce soir !
- Pourtant, tu n’as jamais participé à ce genre de soirée, avant, je me trompe ? Je t’y aurais vu, sinon !
- Disons que j’ai beaucoup changé… tu sais, depuis ma rencontre avec Johann et Wylian. Et ça nous a rapproché. Bon et toi, c’est qui ton papa, au final ?
- Ah… En fait, mon papa, c’est le Ministre Général de Jelma, Bijar.
- Vraiment ?! Eh bien, on s’est trouvé, nous ! »
Ils rirent de cette constatation somme toute amusante.
Bientôt, ils se rendirent compte que la salle s’était bien remplie et des gens des mieux habillés s’y éparpillaient, les ignorants avec superbe.
« Je préfère ça à tous ces gens qui me courraient après tout à l’heure », soupira Lily, soulagée de ne plus attirée l’attention persistante des diplomates.
Ils finirent par aller prendre un verre, un petit four qui passait sur un plateau et décidèrent d’élire domicile à la place où ils se trouvaient. Ils bavardèrent agréablement jusqu’à ce que Wylian les rejoigne et donne du piment à la soirée !
« Au fait Lily ! Tu comptais nous le dire quand que tu étais la fille du Ministre des Mortels ? interpella le vampire, amusé.
- Euh… Disons que nous n’avions pas vraiment de lien, il y a quelques temps. Je ne le voyais jamais, ne lui parlais pas non plus beaucoup alors…
- Tu sais, son odeur ressemble à la tienne, alors j’ai tout de suite fait le rapprochement. De plus, jamais on a parlé que le ministre avait une famille, ça, par contre, ça m’a intrigué et j’ai mené mon enquête. Mais bon, no comment ! On est en soirée, n’est-ce pas ? »
Il lui fit un clin d’œil et changea aussitôt de sujet.
Quelques minutes plus tard, Laura apparût dans le champ de vision de la jeune fille et un sourire éclaira aussitôt le visage de Lily. Elle était toujours aussi belle ! Ses cheveux noirs et bouclés, tombant dans son dos, ses yeux bleus qui s’éclairèrent quand ils croisèrent les siens, elle n’avait pas changé d’un pouce. Elle fit un signe à Lily qui réprima son envie d’aller la rejoindre et la laissa approcher doucement, derrière Wylian. Mais à quelques centimètres du jeune homme, prête à l’empoigner par le cou, elle se retrouva elle-même prise dans l’étau des bras de son amant.
« Même pas en rêve, chérie !
- Oh toi !
- Oui, moi ? Bonsoir mon cœur…
- Bonsoir… »
Les deux vampires se sourirent puis s’embrassèrent. Lily sourit, ravie. Oui, vraiment, ils allaient bien ensemble… Elle allait en faire la remarque à Jarred mais le trouva fasciné par Laura.
« Hé, le poisson, ferme la bouche, lui dit-elle, avec un bon coup de coude dans les côtes. Attention à ce que tu fais, Wyl’ est super jaloux ! »
Jarred cligna des yeux, avala sa salive puis hocha la tête.
« Désolé, c’est pas mon genre, mais elle est vraiment…
- Belle ? Oui, mais prise, jeune vampiresse ! », répliqua Wylian, plus amusé qu’autre chose. Et comme pour le prouver, il attira la jeune femme contre son torse, l’entourant de ses bras.
« Et « t’es un crétin », ça, tu le savais ? lui dit Laura en lui frappant le front du dos de sa main. Wylian éclata de rire.
- J’y ai droit chaque jour, mon amour !
- Eh dîtes, juste une question en l’air, » s’autorisa Lily, devenant soudain inquiète ; Il vient, hein, Johann ? »
La question ne rencontra que le silence dans les premières secondes et Wylian écrasa le pied de sa dulcinée alors qu’elle ouvrait la bouche, les yeux lançant des éclairs.
« Il va arriver, ne t’inquiètes pas. Tu peux être sûr qu’il sera là, Lily », lui dit le vampire de feu. Mais Lily remarqua bien vite son malaise et son doute s’agrandit lorsque Laura, apparemment furieuse, lui attrapa le bras et le tira loin d’eux, s’excusant à peine.
« On a loupé un chapitre, n’est-ce pas ? », essaya Jarred, pour détendre l’atmosphère. Mais cela ni fit rire ni l’un ni l’autre. Lily était inquiète. Quelque chose clochait. Non… Tout devait être parfait, pourtant ! Tout avait eu l’air de bien aller, au début ! Pourquoi maintenant…
« Chérie, je suis revenu. Tout va bien pour toi ? »
C’était son père. Au surnom « chérie », son cœur avait fait un bond, mais elle avait aussitôt reconnu la voix. Mon dieu, quelle attente !
« Tout va bien ! Tiens, papa, je te présente Jarred, un ami de l’école ! C’est le fils de Bijar.
- Oh Bijar, oui. Enchanté jeune homme.
- Moi de même, Monsieur le Ministre.
- Dis papa… Tu vas à nouveau disparaître ou tu restes pour de bon, cette fois ?
- Je reste, Lily, je reste. Mais pourquoi, quelque chose t’inquiètes ?
- En fait… j’aimerais beaucoup que tu rencontres quelqu’un…
- Ah ? Et… »
Mais il ne put terminer sa phrase. Quelqu’un avait pris le micro et commençait à attirer l’attention. On était entrain de déballer un énorme tapis rouge qui courrait de l’entrée principale jusqu’au centre de la pièce.
« Mesdames, messieurs, je suis ravis de vous voir ce soir. »
C’était le Représentant Jelma, Lily avait tout de suite reconnu l’intonation particulière de sa voix.
« Comme vous le savez, aujourd’hui enfin, le Prince va se présenter face au monde entier. Cette personne a travaillé plus de 700 ans pour prendre ma place et devenir le leader des vampires. Elle a été mordue par Dracula lui-même qui l’avait choisie pour ses aptitudes intellectuelles, physiques, mais aussi et beaucoup, morales. C’est pourquoi la venue du Prince nécessite ce soir toute notre attention… et votre pardon. Oui, car pour des raisons de sécurité, nous avons dû faire preuve de beaucoup de mystère et bien plus que vous ne l’imaginez encore. S’il vous plaît, accueillez celle que vous pensiez être le Prince et faîtes honneur à notre prochaine dirigeante des vampires, la Princesse Laura au bras de son frère le Prince Johann ! »
Lily sursauta aux deux noms reconnaissables. Mon Dieu ! Laura était la princesse des vampires ? Vraiment ?!
La foule se tourna vers le tapis rouge qui s’allongeait jusqu’au centre de la pièce où un cercle s’était formé, s’agrandissant peu à peu pour permettre aux invités de voir la prochaine Représentante.
Laura s’avançait dans sa longue robe noire, ses cheveux ondulant dans son dos, flottant. Elle avait un sourire aux lèvres mais les yeux durs, comme si la situation lui déplaisait fortement. Pourtant, elle avait tout d’une princesse, vraiment ! La beauté, l’assurance,… Lily l’enviait pour sa prestance !
A son bras, Johann était plus beau que jamais ! Son costume blanc agrémenté de lignes colorées qui, Lily le sentait, avaient une signification bien particulière. Il souriait avec connivence, son bras droit portant celui de sa sœur. Il croisa le regard de Lily et son sourire se fit plus doux, moins crispé. Il lui fit un clin d’œil et reporta son attention vers les autres visages de la salle.
« Ce vampire, le Prince Johann, a bien fait un signe dans notre direction, non ? », souffla son père tout près de lui. Lily lui jeta un coup d’œil et ses lèvres s’étirèrent de bonheur.
« Je te raconterai, papa, d’accord ?
- Bien, ma fille… »
Et leurs regards se fixèrent à nouveau sur le couple qui s’était arrêté quelques secondes au centre du Dôme pour repartir de plus belle vers l’estrade. Johann fût le premier à y monter et tendit la main à Laura pour l’y aider. Puis la jeune femme s’avança d’elle-même vers le micro pour dire ses premiers mots.
« De la part de toute la communauté Vampire et surtout de notre famille, nous vous prions de bien vouloir accepter nos excuses pour cette supercherie. Et de tout mon cœur, je vous remercie d’être là ce soir. »
Contre toute attente, la vampiresse parlait d’une voix chaleureuse en regardant la masse des invités qui était agglutinée devant elle. Des applaudissements répondirent à ses mots avant qu’elle ne reprenne :
« Je m’appelle Laura, les vampires n’ayant toujours pas daignés accepter les noms de famille », continua-t-elle, faisant rire quelques personnes. « J’ai été choisie par Dracula pour nous mener, vous et moi, vers un futur de paix. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour accéder à la requête de mon père vampirique. C’est pour cela que j’ai accepté de me cacher, avec mon frère, toutes ces années et c’est aussi, et surtout, pour cela que j’ai accepté de devenir vampire. J’espère que tous ensemble, nous pourrons construire un avenir, un bel avenir où mortels et vampires pourront vivre sans peur ni animosité. »
Elle scella son discours d’une légère révérence envers son public et fût applaudit avec ferveur. Et Lily n’était pas en reste ! Elle frappa dans ses mains jusqu’à en avoir mal. Puis Laura annonça l’ouverture du bal et descendit de la scène, rejoignant aussitôt Wylian comme pour se protéger des honneurs que les gens tenaient absolument à lui transmettre. Peine perdue, elle fût très vite envahie et Wylian se battait férocement pour défendre sa vie privée lorsque Johann rejoignit sa compagne.
« Tu es méchant de la laisser dans cette situation, lui fit-elle remarquer alors qu’il arrivait à sa hauteur.
- Oh ! Ils en ont connu des pires ! Alors ils n’ont plus qu’à se débrouiller ! Personnellement, j’ai fait mon travail. Oh, veuillez m’excuser, Ministre Favri. Bonsoir, ravi de vous rencontrer.
-Moi de même, Prince Johann. »
Ils se serrèrent la main tandis que Lily s’efforçait de ne pas éclater en un cri furieux. Cet imbécile de blond ! Il connaissait tout d’elle, même son père, sans jamais l’avoir rencontré ! Il l’appelait naturellement par son nom, aucunement étonnée de la voir à ses côtés, sans la prévenir… Mais quel…
Tu sais, son odeur ressemble à la tienne, alors j’ai tout de suite fait le rapprochement.
La remarque de Wylian lui vint d’un coup à l’esprit et aussitôt elle soupira. Ces vampires !
« Papa, voici Johann, c’est la personne que je voulais te présenter.
- Ah ?
- C’est… euh… mon petit ami…
- Vraiment ?! », s’exclama son père, bien plus que surpris. Puis il se reprit et continua, plus calmement :
« Je sui désolé. Mais les couples entre vampires et humains se font tellement rares à cause des caractères si différents que l’on porte… Enfin, il paraît que certains s’en sortent bien…
- Je vous comprends, Monsieur le Ministre. L’amour des humains peut être éphémère et naître à plusieurs reprises, alors que celui des vampires est unique et éternel…
- Oui, c’est cela… Et depuis combien de temps…
- Oh ! On se connaît depuis quatre mois mais ça fait un mois que… l’on sort ensemble. »
Lily se sentait mal à l’aise de parler de ses amours devant son père. S’il savait tout ce qu’ils avaient vécu et où ils en étaient à présent…
« Monsieur le Ministre Favri, Prince Johann, puis-je vous demander de poser pour une photo ? C’est pour le Journal du Soir ! »
La voix de l’homme attira l’attention des trois interlocuteurs qui se tournèrent vers lui. En quelques secondes, le nombre de personnes portant un appareil photo se multiplia, les laissant pantois. Le père de Lily la prit par les épaules et la posa devant lui tandis que Johann passait une main autour de sa taille, lui embrassant la tempe au passage.
Les flashes retentirent, les éblouissant, et Lily crût qu’elle avait perdu la vue quand elle ne vit plus qu’une intense lumière blanche. Après quelques minutes, enfin, on les libéra et Johann les excusa auprès de son père pour s’éclipser.
« Allons voir nos deux tourtereaux, » lui souffla-t-il avec amusement.
La jeune femme rit légèrement et le suivit, sa main dans la sienne. Ils contournèrent des groupes de personnes, s’excusèrent auprès d’autres qu’ils n’avaient pu éviter, grognèrent contre ceux qui refusaient de les laisser passer malgré leurs demandes répétées et des plus correctes. Enfin, ils atteignirent les « deux tourtereaux », entourés de quelques journalistes qui tentaient encore de leur arracher des informations. Wylian tempêtait le plus cordialement possible, le visage rouge de colère contenue. Lily s’occupa aussitôt de lui alors que Johann faisait signe qu’il allait voir les journalistes.
« Wyl ! Hé, le démon rouge !
- Qui c’est qui ose m’appeler comme ça ?! », s’exclama-t-il aussitôt en réponse, ses yeux lançant des éclairs, se tournant lentement vers la jeune femme. Elle ne perdit pas son sourire malgré son malaise de se trouver face à un vampire qu’elle savait puissant et capable de tuer.
« Moi ! », répondit-elle quand leurs regards se croisèrent. « Il y a un problème ? Tu préfères que je t’appelle « gentil petit toutou tout rouge » ? »
Ses propres blagues lui paraissaient stupides et bien loin d’être drôle. Elle avait la bouche sèche et commençait à paniquer devant le regard intense et furieux de son ami.
-Lily… », gronda-t-il, menaçant.
La jeune femme perdit son sourire. Malgré tout la confiance qu’elle avait en lui, toute l’amitié qu’elle ressentait à son égard… C’était trop. Il était fou furieux… Son regard perçant, rouge comme le sang, la figea sur place, craintive. Elle ne l’avait jamais vu dans un état pareil ! Allait-il lui sauter dessus… pour la mordre ?!
Puis, d’un seul coup, toute la tension que contenait le vampire disparût et il la fixa avec consternation.
« Hé… Ca va Lily ? », demanda-t-il, troublé à son tour. « Je t’ai fait… peur ? »
Il recula de deux pas et alla enlacer Laura, se collant contre elle comme pour se protéger. La Princesse le serra dans ses bras et lui caressa les cheveux. Elle lui chuchota quelques paroles avant d’avancer vers la sortie, à l’autre bout de la pièce ; Johann avait fait un bon ménage, malgré les coups d’oeils surpris et intéressés des invités. Elle jeta un regard désolé à Lily et lui fit un signe de la tête, lui indiquant la sortie vers laquelle elle menait son amant. Lily resta prostrée sur place, perdue. Wylian lui avait fait si peur ! Et d’un seul coup, il s’était retrouvé comme un petit enfant lui-même choqué et paniqué…
« Lily ? Qu’est-ce qui s’est passé ? », l’interpella Johann en la rejoignant. Elle ne put que tourner son regard vers lui, sentant encore le regard de rage refoulée du vampire aux yeux rouges.
« Lily ? Viens… »
Il l’entraîna à sa suite, la tirant de ses bras forts vers lui. Quand ils eurent atteint la sortie du Dôme lui-même et que l’air se fit plus frais, Lily se sentit mieux. Johann continua cependant à avancer et la jeune femme aperçut non loin de là les deux autres vampires, enlacés. Ils s’arrêtèrent.
« Que s’est-il passé, Lily ?
- Je… Wylian était en colère et j’ai voulu… blaguer un peu mais… il s’est énervé… Il n’a rien fait ! Pourtant… j’étais morte de peur…
- Ah. Wylian peut être terriblement flippant quand ça lui prend. Mais ne t’inquiète pas, je suis sûr qu’il ne te fera jamais de mal. Il tient beaucoup trop aux personnes qui lui sont proches. D’accord ?
- Hm… Je sais, Johann. Je sais… Quand il a vu que j’étais terrorisée par son attitude, il était complètement perdu… Qu’est-ce que j’ai fait ?! »
Le blond la prit dans ses bras et lui embrassa le front.
« Ne t’inquiètes pas, mon amour. Ce n’est rien. Wyl a le sang chaud, c’est tout. Il ne t’en veut pas, j’en suis certain !
- Mais…
- Chut… Allons les voir, maintenant, d’accord ? »
Il écarta sa tête et lui embrassa les lèvres avec douceur, rassurant. Lily se laissa aller et se détendit. Si Johann pensait que tout allait bien alors elle devait le croire… Mais ce qu’elle avait fait à Wylian, elle en était blessée elle-même. Elle avait repris son attitude d’antan, repoussant les vampires par peur de leurs actes. Comment allait-elle faire pour s’excuser ?
Ils avancèrent lentement, enlacés, et rejoignirent Laura et son amant. Elle lui caressait encore les cheveux, lui chuchotant des paroles de réconfort à l’oreille. Quand elle les vit approcher, elle en fit la remarque à Wylian qui se releva aussitôt pour leur jeter un regard. Le cœur de Lily se serra quand elle vit à quel point il était mal.
« Wylian…, commença-t-elle, sentant les larmes lui monter. Je… Je suis…
- Je suis désolé, Lily ! Vraiment, je suis désolé ! Pardonne-moi ! », la coupa-t-il avec fougue. Elle put apercevoir des larmes qui brillaient au bord de ses yeux. Il vint la prendre dans ses bras, la serrant avec force. Lily en resta figée de surprise.
« Je ne voulais pas… Je suis tellement désolé… », continuait-il à pleurer. La jeune fille le serra à son tour dans ses bras, pour le réconforter, et elle s’excusa à son tour.
« C’est moi qui suis désolée, Wylian… Je me suis comportée comme avant… Je me suis laissée aller, alors que je te connais et que je sais que tu ne me feras pas de mal… Alors pardonne-moi… »
Elle finit par pleurer à son tour. C’était stupide ! Une scène pareille aurait dût être ridicule, et ils étaient là, à pleurer comme des gamins, s’excusant sans discontinuer, cherchant du réconfort dans celui à qui ils avaient fait du mal. Ou bien croyaient en avoir fait…
Leurs larmes finirent par se tarir, et aucun n’avait accepté à voix haute les excuses de l’autre. Pourtant chacun savait qu’elles s’étaient envolées. Il n’y avait plus à en faire, ils avaient juste été trop bêtes sur le coup, ils étaient encore des enfants.
La repoussant en arrière d’une main, Wylian s’essuya les yeux de l’autre. Lily le trouvait presque plus terrifiant ainsi, les larmes coulant sur ses joues. Qui aurait pensé qu’un jour elle rencontrerait des vampires si gentils et formateurs, et que l’un d’eux pleurerait dans ses bras ? Pas elle en tout cas !
« Ca va ? », demanda-t-elle d’une voix engourdie par ses propres pleurs. Wylian rit légèrement et riva son visage sur le sien. Levant l’un de ses bras, il lui essuya lui-même ses larmes avant de se faire apostropher par deux voix différentes mais au même timbre rageur.
« Wylian ! »
Il éclata de rire et, faisant un clin d’œil à son amie, retourna prendre Laura dans ses bras pour un fougueux baiser qui fit rougir Lily jusqu’aux oreilles.
« Qui aurait crû que ces deux-là s’entendraient si bien… Je me demande quand même depuis quand ils entretiennent pareille relation… », chuchota Johann à son oreille. Il la prit dans ses bras et la serra fort contre lui.
« En attendant, et si on s’éclipsait ?
- Rêve toujours, Monsieur le Prince ! Mon père a promis qu’il ne me quitterait pas de la soirée, alors je ne vais certainement pas le laisser lui-même seul ! De plus, je te dois quelques temps de bouderie !
- Lily, je suis désolé ! Je n’avais pas le droit de t’en parler ! Ca devait rester secret… surtout pour protéger ma sœur ! A présent on est assez grands pour nous débrouiller ! Alors, tu ne viens pas avec moi ?
- Où ? ne put s’empêcher de demander la jeune femme, curieuse.
- … Hm… Difficile de choisir… Chez moi ou chez moi ? C’est toi qui décides !
- Et si je te rétorquais que tu n’étais qu’un pervers… ? », s’amusa à son tour Lily.
Johann la lâcha pour se prendre la tête dans les mains d’un air perdu et particulièrement désespéré.
« Elle me traite de pervers !! », s’écria-t-il sans complexe.
Lily s’étrangla, lui frappant l’arrière du crâne avec véhémence.
« Non mais ça va pas ! »
Plusieurs personnes, qui étaient sortis comme eux prendre l’air, les regardèrent avec surprise ou amusement. Derrière eux, Wylian et Laura éclatèrent de rire. Lily finit par faire de même, ne pouvant résister au rire de Wylian particulièrement communicatif. Profiter de son rire ainsi après l’avoir vu pleurer était rassurant. C’était un grand gamin !
Johann la prit par surprise, la serrant dans ses bras avec force, plongeant son visage dans ses cheveux châtains.
« Je t’aime », murmura-t-il à son oreille. La jeune femme sentit son pouls s’accélérer et une chaleur particulièrement persistante se répandre dans tout son corps. Elle ferma les yeux, gravant les mots dans son esprit. Venant de Johann, pourquoi fallait-il qu’une expression comme celle-ci la laisse dans un tel état… ? C’était comme si elle se délectait de ces paroles avec ravissement mais qu’elle n’en était pas encore satisfaite. Il lui fallait plus… physiquement !
Rougissant, Lily répondit à l’étreinte de son amant en se tournant pour le prendre dans ses propres bras.
« Arrête de penser comme ça ! Ton odeur me dit tout…même ça ! Et je ne vais pas y résister longtemps, mon amour…
- Alors emporte-moi, loin d’ici… Envole-moi jusqu’au septième ciel, comme tu sais si bien le faire… »
Elle n’avait pas réfléchit à ce qu’elle disait mais les mots semblèrent embraser le vampire qui prit aussitôt son envol pour sauter terriblement haut. Il évita de justesse le plafond et Lily se surprit elle-même ; son pouvoir sur lui était tellement énorme ! Avec quelques mots, il se perdait et ne bougeait que pour lui obéir. Il était parti au quart de tour, quelques secondes auparavant, elle n’avait pas eu le temps de comprendre ! Il l’avait surprise à la tenir si fort puis à décoller sans prévenir !
Bien vite ils atterrirent chez lui et la mortelle reconnut l’endroit. Bien sûr qu’elle avait déjà vu cette maison ! Elle avait été prise en photo et figurait sur le livre qu’elle avait acheté sur Jelma, le jour où elle avait fait la rencontre de Johann… Comment avait-elle fait pour passer à côté d’une telle évidence !
Elle n’alla pas plus loin dans sa réflexion ; ils étaient entrés dans la chambre du jeune homme. Touchant des pieds le plancher, il se mit à avancer, poussant son aimée vers le lit. Ils tombèrent et Lily le fixa de ses yeux, en proie au même besoin que lui. Il était beau, blond. Ses yeux qu’il partageait avec Laura étaient d’un bleu acier magnifique, sombre à ce moment. Elle porta sa main à son visage lisse, lui caressant la joue puis la passant sur ses lèvres. Il emprisonna l’un de ses doigts entre ses dents et le lécha, lentement.
« J’ai une envie de toi tellement lancinante… », lui murmura-t-il, s’approchant de son visage après avoir libéré son doigt. Il lui embrassa les lèvres, avant d’insinuer sa langue entre elles. Lily lui attrapa le cou pour l’approcher plus près encore. Elle aussi elle le voulait, tellement fort !
Elle ne résista pas une seule fois à son ami et se fit beaucoup moins timide qu’à sa première expérience en la matière. Elle le voulait, avec passion. Il était tout ce qu’elle aimait. Il était ce qu’elle aimait et qu’elle aimerait toujours !
Rien ne changerait cet état des choses…
Lily se réveilla sous le contact doux de deux lèvres s’apposant sur son cou. Elle gémit et se contorsionna pour offrir plus d’espace aux baisers. Un petit rire brisa le silence ambiant er la jeune femme ouvrit les yeux.
« Bonjour », lui chuchota Johann dans son oreille. Lily sourit puis répondit alors que son petit ami recommençait à l’embrasser. Après quelques instants de douce langueur, le poids de Johann disparût à ses côtés ce qui réveilla complètement Lily.
« Où est-ce que tu vas ? », lui demanda-t-elle, surprise et frustrée qu’il la laisse ainsi.
« Nulle part, mon amour. Attends, j’arrive. »
La jeune femme soupira et ferma de nouveau les yeux, écoutant avec attention les bruits qui affectaient la présence de son amant. Il semblait chercher quelque chose. Mais quoi ?
Le silence retomba et Lily rouvrit les yeux sur le plafond tout en arabesques rougeoyants de la chambre, puis le visage de Johann apparût et elle lui sourit. Il s’approcha de son visage et l’embrassa doucement, prenant tout son temps, longuement. Il lui prit la main, la caressa jusqu’au bout des doigts et lui passa un anneau métallique, tellement froid qu’elle s’étonna aussitôt de ce qu’il faisait.
Leur baiser prit fin et Lily approcha sa main gauche de son visage, surprise : une bague simple, en argent, avec une minuscule pierre rougeoyante rayonnait à présent à son annulaire.
« Qu’est-ce que… », bredouilla-t-elle, en levant les yeux vers le vampire. Celui-ci lui sourit et l’embrassa à nouveau, rapidement, avant de se rallonger à ses côtés, venant l’entourer de ses bras.
« C’est un cadeau. J’aurais voulu te l’offrir hier mais… nous étions trop occupés pour ça ! », s’amusa Johann. « Si tu le portes, j’en serais extrêmement heureux ; cela signifierait pour moi que tu m’acceptes corps et âme. Que tu m’appartiens, comme je t’appartiens…
- A une seule condition mon petit vampire, rétorqua la mortelle en souriant largement.
- Laquelle ?
- Que tu acceptes celle que je t’offrirais en échange, pour les mêmes raisons ! »
Johann éclata de rire avant de dévorer ses lèvres.
« Tu me ravis au plus haut point, chérie ! Tu ne peux pas savoir ! »
Lily rit à son tour, émerveillée. Il était impossible, incroyable, charmeur, enjôleur… mais tellement irrésistible !
« Il va peut-être falloir que tu rentres chez toi, tout de même. Ton père doit se faire un certain souci de te savoir avec un vampire, toute une nuit ! »
Lily sourit mais ne dit rien. Elle se pelotonna tout contre lui, refusant d’écouter le vampire. Elle était bien, là, tout contre lui. Il avait le corps chaud ; elle avait toujours pensé qu’un vampire était froid à toute heure et en tout temps. Il était vrai que Wylian paraissait plus « frais ».
Penser à Wylian la ramena à leur querelle de la veille et elle se sentit désolée. Elle avait faillit à sa promesse d’accepter les vampires dans leurs pires conditions. Elle qui voulait devenir Entremetteur, quelle erreur !
« Lily, ça ne sert à rien de te prendre ainsi la tête. Wylian ne t’aurait jamais fait de mal, lui souffla Johann à son oreille.
- En y pensant, je me sens vraiment fautive. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’il…
- … pleurerait ? »
Elle hocha de la tête.
« Wylian n’a pas toujours été aussi enjoué qu’il l’est à présent. Quand je l’ai rencontré la première fois, il était irascible et il aimait tuer. C’était un très bon espion, parce qu’il ne redoutait rien, il semblait ne même plus avoir de cœur. Même parmi les vampires, on le craignait. On le surnommait le « démon rouge ».
- Je l’imagine très mal dans la peau d’un vampire cynique et renfermé…
- Aha ! En fait, au fond, il était mort de peur et la première fois que j’ai vu des larmes coulées de ses yeux, je me suis dit qu’il cachait quelque chose tout au fond de lui. Il était devenu monstrueux pour cacher ses faiblesses. Il était malade et c’est ce qui le poussait à des accès de rage impressionnants. Quand il devenait fou, tous les êtres autour de lui pouvaient devenir ses victimes.
- C’était sa maladie qui le poussait à tuer ? Je ne comprends pas bien.
- Sa maladie, le fait que sa mère vampirique l’ait mordue alors qu’elle-même était faible, l’a rendu particulièrement sensible au sang. Il avait toujours faim et rien ne le rassasiait, c’est cela qui le poussait aux meurtres. Il voulait boire, encore et encore, mais ce n’était jamais suffisant. Et le pire était quand il manquait réellement de sang. Nous avons découvert que mon sang lui était profitable au cours d’une bagarre, entre lui et moi. Je n’en pouvais plus de sa présence ! Et il m’a mordu ! Il a avalé mon sang sans me demander mon avis ; c’est un acte cruel de prendre le sang d’un autre vampire sans son accord, surtout le mien ou celui de Laura. C’était impardonnable… Mais nous avons fini par céder aux ardeurs de cet incident et quand je me suis réveillé, Wylian pleurait. Il ne parvenait plus à s’arrêter et quand il m’a vu, même à cet instant il n’est pas parvenu à stopper ses larmes. J’étais perplexe, je ne savais plus quoi faire. Moi qui volait tant le tuer quelques heures plus tôt, je me demandais ce qui lui arrivait.
- Il devait vraiment être mal… Mais pourquoi pleurait-il ?
- J’y viens. Je suis resté très silencieux tout le temps où il était mal, la tête dans les genoux. Puis quand il s’est calmé, je lui ai demandé ce qu’il avait. Il a mis longtemps à me parler ; il n’en avait aucune envie. Mais il a fini par craquer, à force de persuasion. Il m’a avoué avoir tué sa mère vampirique, sa mère humaine et son petit frère, lui aussi humain. Sa famille humaine a vécu deux ans avec lui alors qu’il était devenu vampire ; ça a été un véritable calvaire. Quand il était pris de ses accès de rage, son petit frère et sa mère étaient morts de peur. C’est cela au début qui l’a calmé. Puis est venu un temps où cela ne suffisait plus, et il se torturait lui-même physiquement pour éviter de leur faire du mal. Mais il a fini par craquer et les a tués… »
Lily resserra sa prise, ses mains empoignant convulsivement le drap du lit. Elle imaginait tellement mal Wylian dans cette situation. Lui, tué quiconque ? Lui qui souriait et s’esclaffait toujours, lui qui l’avait prise sous son aile pendant plusieurs mois, l’ayant guidé avec douceur et prévenance ? C’était inconcevable ! Mais elle savait que Johann ne mentait pas. Quelles raisons aurait-il eues pour le faire ?
« C’est comme ça qu’il en est venu à devenir un véritable tueur. Et c’est aussi pour cela qu’il a pleuré hier soir. Ton regard terrorisé lui a sûrement rappelé le regard que son petit frère et sa mère lui portait et ça l’a touché en plein cœur. Il ne supporte plus ce genre de regard face à lui. Tu es une de ses amies les plus proches et seule humaine de son entourage. Il considère qu’il te doit protection jusqu’à la fin de tes jours, parce que les humains sont plus fragiles que les vampires et tout simplement, aussi parce qu’il t’aime vraiment… Tu comprends ? Jamais il ne parviendrait à te faire le moindre mal ; il serait capable d’à nouveau se meurtrir lui-même que de te toucher… C’est pour cela que je le respecte autant, que je ne l’ai pas tué ce jour-là quand il a bu mon sang, et que c’est bien le seul à qui j’en ai jamais donné… »
***
Lily s’avança vers le bâtiment. Tout comme les autres établissements assimilés à la scolarité au sein du gouvernement, il était large, à trois étages, en forme de U. A l’entrée, une grille en fer d’un gris sombre l’invitait à entrer. Elle était mécanique, ouverte aujourd’hui à ceux qui se présentait au concours d’entrée chez les Entremetteurs. A sa droite, sur le mur allongeant la grille, un panneau couleur ocre aux écritures bombées indiquait Ecole Européenne des Entremetteurs, la E3, comme chacun la surnommait et dont la meilleur classe portait justement ce symbole. L’E3, l’école qu’elle avait marquée d’un point rouge des mois auparavant. Elle avait travaillé dur avec son père, Wylian et Johann pour pouvoir être à la hauteur.
Aujourd’hui avait lieu la seconde épreuve de l’école, mais la toute première pour elle. Venant de l’Europe Politique et ayant la faveur des intervenants de son école dû à son sérieux dans les derniers mois, une lettre de son directeur avait été demandé où il avait mentionné ses qualités de politicienne et son niveau acceptable. Elle était en mesure de régler un problème d’ordre politique si la situation l’exigeait. Apparemment, c’était le minimum à acquérir pour réussir cette épreuve. On lui avait fait parvenir l’examen à son domicile et elle avait vaguement ri devant les questions annoncées. Rien de compliqué, c’était typique des raisonnements à acquérir en première année et elle n’aurait eu aucun mal à « cartonner » cet exercice. S’eut été bien distrayant, il était dommage qu’on ne lui ait pas donné sa chance !
A présent, l’un des professeurs de cette école l’attendait dans l’une des salles de l’E3 pour un entretien qu’elle sentait houleux avant même de l’avoir engagé. Mais son père, Johann et Wylian comptaient sur elle pour réussir ! Et ses amis de l’EP l’avaient aussi beaucoup encouragé ; elle ne pouvait pas renoncer pour un pressentiment pareil !
Soupirant, elle passa la barrière grande ouverte et s’avança dans la grande cour pour s’enfoncer dans le U. Elle croisa plusieurs personnes qu’elle imagina être de potentiels camarades, plus ou moins vieux. Certains soupiraient de soulagement, d’autres avaient les larmes aux yeux ou les visages fermés. Lily se contenta de laisser flirter son regard vers eux pour le fixer droit devant elle. Il ne fallait pas qu’elle se laisse décontenancer par les autres, les ignorer était la meilleure solution pour qu’elle garde tout son sang froid.
Elle parvint à l’entrée principale, au milieu du U, où deux vitres coulissèrent automatiquement pour la laisser entrer. Le hall était clair et spacieux. Le bureau d’accueil se lovait contre le mur du fond, non loin d’un ascenseur suivi d’un second sur sa droite. Un palmier conséquent faisait office de décoration de l’autre côté du bureau ; il y avait tellement peu de plantes où ils vivaient que la présence de l’une d’elle témoignait d’une parfaite tenue et d’une certaine renommée tout autant qu’un soupçon de luxe.
L’ensemble était peint de blanc, excepté les hautes fenêtres qui s’étaient incrustées à intervalles réguliers pour illuminer la bâtisse et lui donner un certain éclat grâce à ses propres éclairages et à ceux du dehors.
Lily en croyait à peine ses yeux ; un tel lieu existait réellement, en dehors du dôme et des édifices politiques importants ?
« Bonjour, mademoiselle. Vous êtes ici pour l’entretien ? »
Lily sursauta légèrement à cette injonction des plus polies et douces. Absorbée par l’apparence de son futur établissement, du moins l’espérait-elle, elle avait omis la présence de cette femme. D’une cinquantaine d’année, un embonpoint assez conséquent, les mèches blondes et grisonnantes, frisées, la femme lui souriait de toutes ses dents légèrement jaunies. Le parfum qu’elle dégageait adoucissait son image mais le regard insidieux qu’elle lui accordait n’était pas pour plaire à Lily. Elle connaissait bien cette attention sournoise dont elle était l’objet, celle qui disait « je vous ai déjà vu quelque part, je vous connais mais… qui êtes-vous ? ». Elle n’y était toujours pas habituée, depuis cinq mois que sa photo avait fait la une des journaux, entourée de son père et Johann, dont une prise alors que son cher vampire lui embrassait la tempe au passage, croyant se faire discret !
« Oui, c’est pour l’entretien, répondit Lily en forçant un sourire crispé à apparaître.
- Voulez-vous que je vous aide à trouver votre salle ? Quel est votre nom ?
- Je m’appelle Lily Favri.
- Favri…, commença la femme en s’approchant d’un grand tableau où étaient affichées trois listes les unes à côtés des autres. Favri…, reprit la femme, avant de sursauter d’un coup et de se tourner vivement vers la jeune fille : FAVRI ?! Comme le ministre ?! »
Lily réussit tant bien que mal à ne pas sursauter de nouveau et un nouveau sourire crispé fit son apparition.
« Oui, c’est bien cela.
- Alors vous êtes sa fille, Lily, la femme du Prince Johann ?
- Je ne suis pas encore sa femme. Et s’il vous plaît, je suis là en tant que candidate comme tous les autres. Puis-je savoir le numéro de ma salle ? Je ne voudrais pas arriver en retard…
- Ah oui, bien sûr, Mademoiselle. Favri… Salle 206. Prenez l’ascenseur et montez au deuxième étage, ensuite prenez sur votre gauche et longez l’aile; la 206 est l’une des premières.
- Merci. »
La jeune femme se dépêcha de quitter le hall alors qu’arrivait deux nouveaux candidats. La responsable de l’accueil la regarda partir et Lily sentit son regard pesé sur elle alors qu’elle attendait l’arrivée de l’ascenseur. Elle commençait à en avoir plus qu’assez de ce genre de comportement !
Quand les portes coulissantes s’ouvrirent, la jeune femme brune s’engouffra dedans avec empressement, appuyant presque convulsivement sur le petit bouton 2. Quand enfin elle se trouva seule dans le compartiment carré et spacieux, elle ferma les yeux, s’appuyant contre l’un des murs. Elle les rouvrit lentement et jeta un coup d’œil sur le miroir qui faisait office de mur sur sa droite, à l’opposé de la sortie. Elle contempla son reflet alors qu’un petit bruit lui indiquait qu’elle était arrivée à destination. Son reflet lui renvoya l’image d’une jeune femme aux longs cheveux bruns qui avaient perdu leurs mèches rouges. Ses yeux marrons brillaient d’anticipation et de plaisir d’être dans cette école. Elle s’était habillé d’un haut blanc aux manches courtes et d’un pantalon noir. Le léger maquillage qu’elle avait revêtu lui agrandissait les yeux et la rendait moins blanche qu’à l’accoutumé. Ainsi, elle faisait beaucoup plus femme et se sentait elle-même plus sûre.
Sortant enfin de l’ascenseur, Lily suivit les consignes de la femme du hall et prit la direction de l’aile de gauche. La salle 202 apparût, puis la 204 et enfin la sienne, la 206. Le couloir se prolongeait encore de deux salles sur le côté droit où se trouvait sa salle et du même nombre en face. L’aile droite devait être configurée de façon équivalente.
Lily s’approcha de la porte de la salle et entendit des bribes de dialogue en sortir. Il y avait déjà un candidat dans la salle. Elle jeta un coup d’œil à sa montre et se sentit soulagée ; elle était en avance d’un bon quart d’heure. Qu’allait-elle faire pour se calmer jusqu’à son entretien ?
La réponse lui vint dans une sensation qu’elle commençait à bien connaître. Là, quelque part, Johann la sentait et s’ingéniait par ses propres émotions à l’écarter de son impatience et de sa nervosité. Elle sentait cet étrange pincement de conscience, comme s’il serrait son esprit dans ses bras puissants, protecteurs. Bien vite, Lily comprit que son amant n’était pas loin. S’il parvenait ainsi à l’approcher avec autant de facilité, à la calmer, il devait être proche.
Lily jeta un coup d’œil à sa droite, puis à sa gauche. Il n’y avait personne. Puis elle s’approcha de la fenêtre et lorgna tout d’abord l’entrée de l’école : personne ne se trouvait aux côtés de la longue grille ouverte. Son regard descendit de l’entrée vers son bâtiment et croisa tout d’un coup le regard bleu acier de Johann, au milieu de la cour. Une personne passant près de lui sembla le reconnaître et poussa un cri que Lily entendit faiblement par les oreilles du vampire. Depuis quand pouvait-elle entendre ce qu’il se passait près de lui alors qu’elle n’y était pas ? Elle ne se souvenait plus, mais elle savait que ce n’était pas la première fois.
Leurs regards se soudèrent, semblant se jouer de la distance qui les séparait. Lily avait l’impression de se trouver juste en face de ce regard profond. Johann lui prit la main et la baisa avant de la monter à son propre visage et le froid de l’acier réveilla Lily de cette hypnose. La bague offerte par Johann était tout contre ses lèvres et elle l’embrassa tendrement. Elle fixa Johann qui fit de même avec celle qu’elle lui avait offerte. Leurs regards avaient établis un lien particulier qui excluait tout le monde extérieur, les laissant seuls et tranquilles.
« Mademoiselle Favri, s’il vous plaît ? »
Johann ferma les yeux et les détourna. Lily sursauta, autant à cause de ce lien visuel qui venait d’être si franchement cassé, que de cette voix qu’elle entendait enfin.
« Pardon ! », s’exclama-t-elle en se tournant vivement vers l’homme qui se tenait à la porte de la salle de l’entretien. Elle sût aussitôt que c’était le professeur avec qui elle avait rendez-vous.
Il était grand, atteignant, elle en était certaine, les deux mètres. Son visage était ovale, plus haut que large. Avec ses yeux bruns, ses cheveux bouclés courts et ses lunettes rondes, il lui faisait penser à Charlie, ce personnage que l’on s’amusait à tout âge à trouver dans des décors des plus populaires. Elle sourit, rassurée par cette apparence, malgré l’air sérieux qu’il affichait.
« Excusez-moi, je n’ai pas pour habitude d’être… »
Lily chercha ses mots, ne trouvant aucune explication. Puis elle secoua la tête.
« … d’être aussi inattentive. »
Le professeur sembla amusé et ne le cacha pas.
« Si vous voulez bien me suivre, Mademoiselle Favri », termina-t-il en lui indiquant de la main la porte de la salle ouverte. Lily hocha la tête et entra. C’était une salle de classe des plus ordinaires avec une trentaine de chaises et de tables face à un tableau blanc et un bureau. Il n’y avait pas d’estrade et deux chaises se faisaient face, séparées par le bureau professoral.
Lily s’avança et hésita : quelle chaise devait-elle occuper ? L’homme ferma la porte et alla s’installer sur celle qui faisait face au tableau. Lily prit la seconde.
« Je suis le professeur Lorgne. Avant de commencer notre entretien, avez-vous des questions concernant l’école, les Entremetteurs ou bien toute autre chose ?
- Non, aucune.
- Très bien, alors c’est moi qui vais vous les poser. Tout d’abord, et c’est la question la plus importante de cet entretien, pourquoi voulez-vous entrer à l’école des entremetteurs ?
- Eh bien, pour vous dire la vérité… Il n’y a pas si longtemps que ça, j’étais une adolescente assez réservée et je détestais les vampires…, commença Lily en regardant l’homme d’une quarantaine d’années dans les yeux.
- J’aime votre franchise, mademoiselle.
- Merci. Donc il y a presque un an, j’ai fait la connaissance d’un homme qui m’a doucement poussé vers les vampires. Il m’a présenté l’un de ces amis, un vampire bien entendu, et disons que malgré moi, j’ai apprécié cette rencontre. Wyl est très gentil. Par bien des côtés c’est un enfant, mais par d’autres il était aussi très adulte. Il a été mon professeur, si je puis dire. Grâce à lui j’ai appris à comprendre et à aimer les vampires. C’est une histoire bien pathétique, j’en conviens, mais je voudrais que vous compreniez que sans ces deux personnes, je n’en serais pas là aujourd’hui ; je leur dois beaucoup. »
Lily avait travaillé cet entretien, et surtout cette question. Ils avaient estimé, avec Johann et Wylian, qu’il fallait qu’elle en passe par là pour expliquer au professeur son évolution.
« J’ai été élevée de façon très secrète et on m’a appris à éviter les vampires. En ayant connu cette attitude de fuite face aux vampires puis en me trouvant à présent, en toute connaissance de cause, amie avec eux, j’ai acquis une expérience que peu de personnes ont connus. C’est un plus pour moi, ça pourra me permettre de faire face à des personnes dans mon ancienne situation et à les mener vers la confiance et l’acceptation des autres.
- C’est un très bon point, effectivement. Continuez.
- Je suis une humaine mortelle et je suppose que je ne vous apprends rien en vous disant que mon… petit ami est un vampire et que nous sommes très liés.
- Oui.
- J’ai donc une relation particulière avec un vampire et aie des amis très proches qui le sont aussi. Ils ont ainsi pu m’apprendre énormément de choses sur leurs coutumes, les liens qu’ils ont entre eux, ce qui est très important dans leur vie. J’ai un père politicien qui m’a aussi beaucoup appris de son monde, autant que j’ai pu en apprendre en cours l’an passé. Et j’ai très envie moi-même de mettre en pratique ce que je fais chaque jour : accumuler des expériences avec d’autres personnes qui nous mènent à nous accepter chacun par l’autre. La paix entre Vampires et Mortels a été très appuyé par la Princesse Laura, la future Représentante. J’aimerais l’y aider, tout comme aider mon père.
- J’aimerais vous faire part d’une information capitale qu’il vous faudra garder pour vous et utiliser intelligemment, Mademoiselle. Si vous êtes prise dans cette école, c’est pour beaucoup grâce à votre motivation et vos connaissances… Mais ça l’est aussi grâce aux personnes que vous côtoyez et qui sont d’éminentes images de notre société. A cause de cela, vous serez sûrement très souvent demandée, pas parce que vous êtes douée, mais pace que vous avez une place personnelle tout à fait à notre avantage, vous comprenez ?
- Si je puis me permettre, professeur, je m’y attendais. On m’avait prévenu et j’y ai moi-même réfléchis. Si je suis ici, c’est que j’accepte cette position et qu’elle me permet moi-même de travailler pour un avenir commun entre Vampires et Mortels.
- Alors vous êtes tout à fait apte à entrer dans cette école. Mais continuons donc notre entretien sur d’autres sujets. J’aimerais savoir, pour mon intérêt propre en tant que professeur de cet établissement, si ce qui vous lie au Prince Johann est un intérêt commun ou bien… ce qui est décrit dans certains livres comme un lien particulièrement puissant ? »
Lily serra ses mains l’une contre l’autre puis tenta de se détendre. Elle caressa du bout des doigts la bague de Johann et inspira profondément.
« Que savez-vous de ce lien puissant ? demanda-t-elle, prête à jouer à son tour le rôle de professeur.
- Très peu de choses. Il est dit qu’un Vampire amoureux devient particulièrement sauvage avec les autres, et impuissant face à sa compagne.
- C’est à peu de choses près la vérité. Il ne devient pas sauvage, il serait plus avisé de dire que son amour n’égale que sa jalousie. Il accepte très mal d’autres hommes près de sa compagne, et serait prêt à tuer pour défendre son territoire. La compagne est donc celle qui doit éluder ces émotions, calmer le vampire. Parfois, le vampire obéit au quart de tour, privé de son libre arbitre. Cependant, il serait faux de dire que le vampire devient sauvage. Il ne tut qu’en réel danger et n’obéit que quand l’ordre est donné dans une situation qui l’exige. Tout dépend de l’attitude, des pensées des deux personnes.
- J’y vois plus clair, oui… Mais quand le vampire obéit-il et quand ne le fait-il pas ?
- J’ai essayé de vous expliquer, mais je ne peux pas faire mieux. J’apprends moi-même au fil du temps.
- Je vous demande cela toujours à titre professionnel mais vous serait-il possible de me donner des informations chaque semaine en m’écrivant ce qui vous est arrivé de nouveau ou bien même de banal entre vous et votre ami ?
- Eh bien je n’apprécie pas votre façon de faire mais j’y réfléchirai sérieusement. Et j’en parlerai avec Johann.
- Merci, je n’en demandais pas plus, Mademoiselle Favri. Bien, vous avez répondu à toutes mes questions et je ne doute pas de vos compétences et de votre motivation. Il ne vous reste plus que l’examen psychologique ; je doute que vous ayez quelque difficulté à le réussir.
- Merci.
- Je vous souhaite bon courage, donc, et vous dis à la rentrée prochaine, Mademoiselle.
- Au revoir, professeur Lorgne. »
Il lui tendit la main et Lily la serra. Il la jugeait apte à entrer et presque son égal. C’est ce sens qu’elle donnait à cette poignée de mains. Les professeurs refusaient tout contact avec les élèves. A moins que cette école ait une politique bien différente des autres ? Elle en doutait fortement !
Elle se dirigea vers la porte et l’ouvrit. Elle sursauta en tombant sur un homme, juste en face d’elle. Et sa surprise fût bien plus grande encore lorsqu’elle reconnut sous les traits de ce nouveau venu des plus soudains, Johann.
« La prochaine fois, évitez de poser des questions aussi personnelles sans mon accord, assena-t-il, en attirant Lily près de lui.
« Johann ! C’est bon, c’est réglé. Allons-y ! »
Mais le blond ne bougea pas d’un pouce, fixant au dessus de la tête de la brune le professeur qui lui renvoyait un regard des plus brillants. Il ne paraissait pas plus effrayé que cela. Pourtant, Lily le savait, la colère de Johann était des plus meurtrières.
« Je vous demande pardon, Prince Johann, dit Monsieur Lorgne en saluant courtoisement le vampire. Mais sachez que votre amie ne sera pas traitée différemment des autres.
- Je n’en attends pas moins de la part de l’E3. Au revoir, professeur.
- Au revoir, Prince Johann, Mademoiselle Favri. »
Johann tira la jeune femme et referma aussitôt la porte. Lily ne savait pas pourquoi, mais quelque part au fond d’elle-même, un soupçon lui pinçait les entrailles, comme si elle était près de découvrir quelque chose mais qu’on le lui refusait... Le professeur Lorgne et Johann s’étaient déjà rencontré !
L’illumination fût comme un coup de poing dans son estomac, la libérant des fourmillements qui la taraudaient. Peut-être était-ce ce lien qu’ils partageaient, Johann et elle, qui lui soufflait cet élément ?
« Tu as tout à fait raison. Je n’ai pas fait exprès, mais tu cherchais et j’ai baissé ma garde. Ton esprit de mortelle a juste eu à s’accorder avec mes pensées et mes souvenirs… Ce n’est pas très plaisant, arrêtes de faire ça, mon cœur.
- Comme si je le faisais exprès ! »
Johann la tirait par la main le long du couloir et tourna à l’opposé des ascenseurs pour ouvrir une porte menant aux escaliers. Il empoigna la jeune fille et sauta les marches d’un étage à un autre sans aucune cérémonie. A la première volée, Lily poussa une exclamation de surprise et s’accrocha au cou de Johann qui émit un petit rire moqueur. Il la porta jusqu’en dehors de l’école et ne la remis sur ses pieds que quand la grille de l’établissement fût à plusieurs mètres derrière eux. Lily soupira de soulagement.
« Tu as fini ? » lui demanda-t-elle, énervée. Il l’avait trimballée sans lui demander son avis, sûr de son pouvoir. Il ne lui avait rien expliqué et l’avait traînée jusqu’ici, le visage fermé, froid. Elle détestait le voir ainsi.
« Quoi ? On est juste sorti de là-bas, il n’y a pas de quoi en faire un drame !
- Johann ! La prochaine fois ne me tire pas comme tu l’as fait !
- Ca va ? Madame a fini de râler ?
- Mais qu’est-ce que tu as à la fin ?!
- Rien ! Tout va tout à fait pour le mieux !
- Très bien, alors je vais rentrer maintenant. Fais de même ! »
Il l’énervait ! Il était distant, en colère lui aussi, et elle ne savait pourquoi ! Lorsqu’il serait prêt à lui expliquer ce qui n’allait pas au lieu de prendre cet air hautain, il viendrait la voir. Qu’il rumine un peu sur son attitude, ça ne lui ferait aucun mal !
Lily se détourna de lui et prit la direction de sa maison. Son cœur battait à cent à l’heure de le quitter sur une pareille situation, mais il l’avait bien cherché.
Elle mit une vingtaine de minutes à rejoindre sa rue et ce fût à quelques mètres de sa demeure qu’elle ralentit le pas. La seule personne qui pouvait être présente chez elle en ce moment était sa mère, et depuis plusieurs mois elle ne lui adressait plus la parole, ne lui offrant plus de repas et l’ignorant comme si elle vivait seule. La famille ? Elle semblait avoir oublié ce que signifiait ce mot.
Lily soupira : entre sa mère et Wylian, le sentiment de fierté d’avoir réussi son entretien avait disparût. Il ne restait plus qu’une amère sensation d’échec. Une idée lui vint alors. Dépassant sa maison avec un peu plus d’entrain, elle continua sa route et tourna au premier croisement, se dirigeant vers une autre bien plus accueillante ; celle de Wylian.
Quelques instants plus tard, elle sonnait et le vampire rouge la faisait entrer avec enthousiasme.
« Alors, cet entretien ?
- Pas trop mal. Je suis contente de ma prestation ; j’ai réussi.
- Mais ta mine est loin d’être réjouie. Qu’est-ce qu’il y a ?
- Je viens de m’engueuler avec Johann… Tu connais un professeur Lorgne ?
- Oui, c’est un homme très attiré par les vampires, mais il nous a toujours parût vicieux à moi et ton Johann. Pourquoi ?
- C’est lui qui m’a fait mon entretien. Johann est arrivé à la fin pour l’engueuler et m’a embarqué en dehors de l’école sans me demander mon avis.
- Ah, c’est donc ça… Je comprends que Johann se soit fâché, mais toi, que lui reproches-tu exactement ? Je ne vois pas, là…
- Quand il m’a enfin lâché, il était froid et distant, se moquant de moi. Il m’a énervé avec son attitude moqueuse. Il semblait ne pas vouloir se calmer. J’ai fini par partir en le laissant. Ca me met mal à l’aise de faire ça, mais sur le coup, il a été presque humiliant envers moi. Il ne voulait pas parler, d’accord, mais il n’y avait pas besoin de se montrer aussi blessant ! »
Wylian sourit et la fit s’asseoir sur le canapé du salon qu’ils avaient souvent partagé. Il s’installa à ses côtés, se tournant vers elle.
« Johann est quelqu’un de gentil, mais il déteste, il exècre, que l’on s’en prenne à ses proches, aux gens auxquels il tient. Et toi plus que tout autre ! Il est amoureux, Lily, et il ne pourra jamais se défaire de cet amour. On en a déjà parlé, Princesse, il faut que tu fasses des concessions. »
Lily posa sa tête contre le fauteuil et ferma ses yeux. Elle savait qu’elle devait faire attention et comprendre les attitudes protectrices de Johann. Mais elle ne pouvait pas tout deviner ! Et lui aussi avait sa part de responsabilité !
Soupirant, elle se redressa et sourit au vampire.
« Merci, Wylian. Je suis désolée d’être venue te déranger pour si peu.
- Il n’y a pas de problème. Je serai toujours là pour toi. Tu es ma petite protégée, ma petite humaine sortit de son cocon par mes bons soins ; je dois moi aussi faire attention à ce qui m’est cher, n’est-ce pas ?
- Laura va bien ?
- Pour te dire la vérité, je l’ai à peine vu ces derniers temps. Elle doit beaucoup travailler pour les vampires, alors je lui laisse de l’espace. Et quand elle en a marre et qu’elle rêve d’une oasis, elle vient me rejoindre en courant. On a plus ou moins trouvé notre équilibre. »
Wylian rit légèrement et se détendit.
« Tu restes manger avec moi ? Ca fait longtemps qu’on n’a pas partagé un repas tranquille, sans tes examens à préparer.
- Avec joie ! Je préviens juste mon père !
- D’accord, je commence à préparer le repas, rejoins-moi dans la cuisine quand tu as fini. »
Lily appela le ministre en plein travail nocturne et en quelques secondes tout était réglé. Il ne lui interdisait plus de rentrer tard à la maison, du fait de l’accueil particulier de sa mère. Ce qui soulageait grandement Lily !
Elle rejoignit aussitôt Wylian dans la cuisine et ils s’installèrent à la table de travail en attendant que l’eau bouille pour y mettre les pâtes.
« Avec ta mère, ça va mieux ? finit par demander le vampire.
- Rien n’a changé. Elle nous ignore, moi et mon père. C’est même pire qu’avant, je crois. Je commence à me demander si j’habite bien dans cette maison… Elle me manque Wylian, terriblement, cette maman qui prenait tant soin de moi. Mais j’ai l’impression que sa haine des vampires est plus forte que tout…
- Allez, ne baisse pas les bras, Princesse. Tu as Johann, malgré toutes les disputes que vous pourrez avoir ! »
Lily rit malgré elle de cette blague d’un goût douteux et ils finirent par se diriger vers des sujets moins sensibles. Ils mirent les pâtes à cuire, préparèrent la table du salon et s’installèrent une dizaine de minutes plus tard pour déguster des bonnes pâtes à la bolognaise.
Cette soirée détendue ravie Lily qui rentra chez elle avec plus d’entrain que jamais. Wylian avait ce don de remonter son morale au plus haut point possible malgré ses mauvaises pensées. Il était sacrément sensible, elle en convenait. Et indispensable à sa vie à présent. Il lui avait tant donné, que pouvait-elle bien faire, elle, pour lui rendre l’appareil ?
Lily fût acceptée sans aucun problème à l’Ecole Européenne des Entremetteurs. Elle en sauta de joie, embrassant Johann avec passion. La petite dispute qu’ils avaient eue ? Oubliée ! Elle était aux anges !
« Ca se fête ! » avait déclaré son père, et il l’avait invité au restaurant, en compagnie de Johann. Une si belle soirée qu’elle restait gravée dans sa mémoire, lumineuse. Les étoiles devaient briller avec force, au-delà de ce plafond pierreux qui les coinçait sous terre…
***
Se réveillant le sourire aux lèvres, comme il lui était si peu arrivé dans sa vie, Lily embrassa le cou de Johann et se leva en sentant les mains de son petit ami glisser contre sa peau, la libérant de son étreinte. C’était son premier jour à l’E3, elle avait interdiction d’être en retard !
Elle se dirigea vers la salle de bain attenante à la chambre du vampire et y pénétra. La veille au soir, elle avait déposé ses affaires sur le lavabo. Elle avait même préparé son sac pour le lendemain en compagnie de Johann, pour être sûre de ne rien oublier.
Elle se délassa rapidement sous le jet d’eau, se savonna puis se rinça et s’essuya. Elle s’habilla tranquillement et entendit de la musique envelopper la chambre. Johann se levait ? Déjà ? Il était matinal aujourd’hui ! Lui qui se préparait en à peine dix minutes ! Il leur restait plus de trois-quarts d’heure.
Elle prit son temps pour se maquiller et se coiffer. Ses cheveux avaient vraiment poussé ! Ils lui arrivaient au milieu du dos. Elle s’étonna de cette transformation et les regarda attentivement, se mettant de profil devant le miroir. Effectivement, elle n’avait pas remarqué jusqu’à maintenant !
Souriant, elle ouvrit la porte de la salle de bains et rejoignis Johann.
« Enfin sortie, c’est pas trop tôt ! » s’exclama celui-ci avec entrain. Il l’embrassa vivement et la laissa planter au milieu de la chambre pour s’enfermer à son tour de l’autre côté de la porte. Lily ouvrit des yeux ronds et fit demi-tour en trombe pour ouvrir à toute volée la porte que le vampire venait de fermer.
« Et tu me laisses comme ça ?! » s’exclama-t-elle avec contrariété.
Il était debout, la main sur la poignée de la douche, nu et amusé. Lily s’empourpra légèrement de le voir ainsi ; bien qu’ils se soient tant de fois aimés, le surprendre dans la tenue d’Adam la gênait un petit peu.
« Tu veux reprendre une douche avec moi, mon amour ? demanda-t-il en souriant, lui tendant une main qu’il savait ne servir à rien.
- Même pas en rêve ! Je suis lavée, habillée, maquillée ! Trop tard, mon cœur ! »
Ils se jetaient leurs piques avec moquerie et amusement. Ils se sourirent et Johann entra dans la douche pendant que Lily refermait la porte et allait vérifier si elle avait bien toutes ses affaires, pour la vingtième fois. Une dizaine de minutes plus tard, Johann réapparût, pas plus habillé qu’auparavant.
« Tu comptes de trimballer tout nu encore longtemps ? lui demanda Lily en le fixant avec amusement, assise à sa table de bureau sur un fauteuil moelleux, face à lui.
- Ca te ferait plaisir ? rétorqua Johann en s’approchant d’elle, les yeux brillants.
- Oh non, Johann, pas ça… »
Il ne répondit pas mais Lily fût tout à fait incapable de détacher son regard du sien. Ses yeux bleus de vampire, ensorceleurs, la happèrent petit à petit jusqu’aux tréfonds de l’âme de Johann. Là, une tempête avait lieu ; il était sous le contrôle de son désir, n’aspirant qu’à s’y laisser soustraire et y entraîner la jeune femme. Aucune combativité n’y était présente et l’esprit de Lily, entouré par tout l’amour de son amant, avait bien du mal à s’en échapper.
Quand il l’embrassa, elle ne résista pas et entoura son cou de ses deux bras. Il était désirable et désiré… Mais le moment était mal choisi !
Un éclair de lucidité la prit et elle s’y accrocha. C’était son premier jour à l’école, elle n’avait pas droit à l’erreur ! Son père lui avait déjà permis de rester la nuit ici, elle devait prouver qu’elle pouvait concilier et sa vie personnelle et celle professionnelle.
« C’est de pire en pire…, murmura Johann en la serrant dans ses bras. Tu succombes de moins en moins à mes attraits.
- Ca veut dire que je deviens forte et que je parviens à te tenir tête… et ce n’est pas forcément un mal ! Tu veux me faire rater ma rentrée ?!
- Aucunement, ma petite mortelle adorée. Je voulais juste te détendre. Ai-je réussi ?
- Oui, Johann, tu as bien réussi. Mais tu sais ce qui me ferait vraiment du bien ? » continua Lily en reprenant son souffle ; elle n’avait pas l’habitude de demander ainsi, c’était une première ! Elle se sentit légèrement rougir.
« J’aimerais beaucoup que tu m’embrasses et que tu me fasses sauter…
- Vos désirs sont des ordres, Princesse. »
Le surnom la fit sourire. Plusieurs personnes s’étaient mises ainsi à la surnommer et ça l’amusait beaucoup.
Johann l’embrassa de nouveau, avec tendresse, lentement. Puis il s’écarta et, avec un dernier baiser, la lâcha pour aller s’habiller.
« La matinée est consacrée à la bienvenue des nouveaux élèves, et à midi, il y a quelque chose de prévu ?
- Apparemment, tout le monde est convié à un pot avant le commencement des classes. Les invités y sont tous conviés. Tu resteras avec moi ?
- Je ne sais pas si c’est une bonne idée. Tout le monde va nous dévisager. Et je doute que quiconque n’approche en dehors des gens qui voudront faire ami-ami avec toi pour des raisons toutes économiques… Tu vois ce que je veux dire ?
- Je vois… Mais j’ai bien peur que même seule ce soit la même chose…
-Ha… Tu n’as pas tort, je resterai ! »
Lily sourit, soulagée. Quand Johann fût enfin prêt, une casquette sur la tête pour cacher un minimum son visage, deux paires de lunettes de soleil à la main, il sortit prévenir de son départ puis réapparût et empoigna le sac de la jeune femme qu’il mit dans ses bras avant de la soulever, un bras sous ses genoux et l’autre dans son dos. Lily agrippa son sac d’une main et le cou de Johann de l’autre. Comme à son habitude, elle ne pût s’empêcher d’aller embrasser la gorge offerte du vampire qui grogna pour la forme.
Puis il s’élança à travers la fenêtre, lentement mais avec minutie, avant de reprendre son envol sur le rebord et enfin ils furent dehors. Les rebonds du vampire étaient équilibrés, tranquilles, légers. Lily regardait le paysage des maisons et autres bâtiments défilant devant ses yeux, disparaissant par intermittence de sa vue alors qu’ils montaient dans les airs, frôlant parfois le plafond, puis redescendaient sur le sol avec légèreté. Le sourire aux lèvres, Lily respirait l’air frais qui les entourait. Chaque fois qu’elle voyait ce paysage journalier depuis des hauteurs vampiriques, elle n’en aimait que plus son territoire, mais en avait tout autant pitié. Elle aurait tant aimé connaître le soleil, la lune, le véritable vent, les nuages, ce désert bleuté irréel que l’on apercevait à peine depuis la Terre en regardant au-dessus de soi…
L’établissement de l’E3 apparût rapidement, ne se trouvant pas loin de la grande maison de Jelma, ni du Dôme et ils s’arrêtèrent un peu plus loin pour finir à pied jusqu’à l’établissement.
La déposant sur le sol, Johann lui confia l’une des paires de lunettes de soleil à mettre devant ses yeux. Il enfila la seconde avec un sourire devant la mine contrariée de Lily.
« Pourquoi je dois mettre ça ?
- Pour tenter de te faire des amis le premier jour et avoir une chance de les garder lorsque tout le monde saura qui tu es. Tu as une heure, profites-en !
- Une heure ?!
- Hm… On m’a demandé de faire un discours dans la matinée…
- Et tu ne m’as même pas prévenue ?!
- Ton père et moi avons été invités officiellement, mais on a décidé d’un commun accord que ce serait soit lui, soit moi. Finalement, tu as choisis pour nous.
- En gros, je suis censée comprendre que sans m’avertir, vous avez testé mes sentiments : soit je préférais mon père, soit c’était toi ?!
- Lily, ne raconte pas des histoires ! Qu’est-ce que tu crois, on est humains nous aussi !
- … Désolée, mais c’était un peu gros, pour le coup… »
Johann lui attrapa le cou et retira sa casquette pour l’embrasser avec ferveur. Le temps que Lily reprenne ses esprits, le morceau de tissu avait repris sa place sur le crâne du vampire.
« Je te jure, toi ! » maugréa Lily, amusée malgré elle. Elle finit par poser la monture sur son nez avant de prendre le bras de Johann en otage
La plaquette d’entrée de l’Ecole Européenne des Entremetteurs était dorée à présent, sortant du poussiéreux ocre qu’elle avait accumulée auparavant. Les inscriptions qui y étaient gravées avaient été parfaitement nettoyées, ressortant dans un brillant ambré. Lily sourit à cette vue et ils entrèrent main dans la main au milieu des autres élèves accompagnés pour la plupart de leurs parents.
A la gauche du U s’élevait une grande banderole de bienvenue que tout le monde rejoignait petit à petit. Apparemment, le lieu du pot se trouvait dans la salle ouverte sous la banderole colorée. Plusieurs personnes accueillaient les invités par des poignées de main et des sourires tout en vérifiant leurs cartes d’invités.
« Tu sors les invitations ? », proposa Johann. Lily s’exécuta avant de les transmettre à un homme d’une quarantaine d’années qui tendait la main.
« Si vous pouviez être discret, ça nous arrangerait », dit Johann à voix basse à son intention alors que l’homme était sur le point de s’exclamer, les yeux brillants.
« B… Bienvenue, Monsieur, Madame.
- Mademoiselle, s’il-vous-plaît », rétorqua Lily avec un sourire contrit.
- Mademoiselle, excusez-moi. Je suis le professeur Champs, j’enseigne le cours de Simulation des Acquis. Je suis ravi de vous rencontrer !
- Moi de même », répondirent le vampire et la jeune femme d’une même voix.
- Si vous voulez bien… »
Le professeur leur indiqua la porte à double battant ouverte. Lily reprit le bras de Johann pour entrer dans la salle. Elle avait été décorée pour l’occasion. Spacieuse, munie de deux longues tables qui servaient de buffets des deux côtés de l’entrée, elle était aussi dotée d’une cinquantaine de chaises, en carrée, face à une grande estrade. Dessus, trônait un pupitre avec deux micros. Enfin, entre les chaises et l’entrée, les invités se côtoyaient pour faire connaissance ou bien se congratulaient les uns les autres.
« Ca me rappelle la soirée de présentation de Laura, en plus petit. Sauf que je ne connais personne, cette fois, soupira Lily.
- Et moi ?!
- Toi, ce n’est pas pareil, Johann ! »
Ils rirent un peu puis s’avancèrent dans la foule. Lily proposa d’aller chercher de quoi petit-déjeuner et s’éclipsa. Johann n’avait jamais eu aucun mal à lier connaissance avec de nouvelles personnes. La preuve en était leur rencontre ! C’était lui qui l’avait abordée, dans cette bibliothèque silencieuse alors qu’elle s’acharnait à lire un livre sur le Représentant Jelma. Il ne se formaliserait pas de rester seul.
Se faufilant entre les gens, la jeune femme atteignit enfin l’un des deux buffets et prit une petite assiette blanche pour y déposer deux croissants.
« Bonjour », dit une voix féminine dans son dos. Lily se retourna vers la personne qui l’avait interpellée, surprise.
« Bonjour, répondit-elle avec un petit sourire.
-Je ne te dérange pas ?
- Pas du tout !
- Je suis désolée de t’apostropher comme ça, mais je me sens un peu perdue…
- Tu es venue seule ?
- Non, avec mes parents, mais il faut bien lier des connaissances. C’est à ça que sert cette matinée, non ? Et comme je ne connais personne… »
Lily rit, rejoint par son interlocutrice. Elle devait être un peu plus vieille qu’elle, peut-être vingt-deux ans. Elle avait des cheveux blonds bouclés qui lui tombaient juste aux épaules, et des yeux mordorés, comme les félins. Mince, élancée, le sourire aux lèvres, elle paraissait plus qu’angélique !
« Je ne connais personne non plus, la rassura-t-elle avant de se présenter : je m’appelle Lily.
« Moi c’est Lucile. Enchantée. »
Aussitôt, deux autres personnes vinrent se joindre à elles, deux garçons. L’un était du même âge que Lily, l’autre beaucoup plus vieux, atteignant facilement une trentaine d’années.
« Il n’y a pas d’âge pour protéger la paix », se défendit d’ailleurs Arnaud quand on lui en fit la remarque. Trente-deux ans n’était pas si vieux que ça, en fin de compte !
Rapidement, ils se présentèrent puis commencèrent à blaguer avant que Lily ne s’aperçoive de l’assiette qu’elle portait toujours dans la main, les deux croissants glissant dessus au rythme de ses mouvements.
« Je reviens tout de suite, excusez-moi. »
Lucile lui fit un sourire et hocha la tête. Elle avait l’air bien plus à l’aise à présent. Lily quitta alors le petit groupe pour chercher Johann. Et à peine avait-elle fait cinq pas que la présence chaude et rassurante de son amant se fit sentir dans ses entrailles, bien vite remplacée par les bras de Johann.
« Eh bien, tu en as mis du temps, mon cœur. Ils sont gentils ?
- Très ! Adorables, pour le moment en tout cas.
- Attention, grande question, mon amour : vous êtes deux vampires et deux mortels. Tu saurais me dire lesquels sont les vampires ?
- Eh bien… Arnaud nous a avoué avoir trente-deux ans, donc Lucile et Julien seraient des vampires ?
- Exact ! Bravo ! »
Lily rit, amusée. S’il ne lui avait pas dit que, des trois connaissances qu’elle avait liées, deux étaient vampires, jamais elle ne l’aurait deviné. Mais elle apprendrait.
Elle lui tendit l’un des deux croissants et mordit dans l’autre à pleines dents.
« Tu veux que je te les présente ?
- Avec plaisir. »
Lui prenant la main, elle rejoignit les trois autres qui les regardèrent arrivés avec un sourire.
« Je vous présente Johann. C’est… mon petit-ami.
- Ce n’est pas ton mari ? Ou ton fiancé ? Avec chacun votre bague…
- Dans quelques temps, elle sera les deux pour moi ! répondit Johann avec vivacité à Arnaud. Laissez-moi le temps de faire ma demande en bonne et due forme ! »
Un éclat de rire les prit et Lily rougit d’embarras en serrant fort la main prise au piège dans la sienne. Ce vampire !
Après quelques minutes, Johann lui chuchota qu’ils étaient tous très sympathiques et que les deux vampires l’avaient reconnu. Lily eut un nouveau sourire embarrassé qu’elle dédia à Lucile et Julien. Ceux-ci lui répondirent par un simple hochement de tête.
« Bon, c’est pas tout ça, mais il est dix heures moins le quart. Je dois aller rejoindre les autres pour le discours de bienvenue. A tout à l’heure, mon cœur.
- A tout à l’heure. »
Il lui embrassa les lèvres et disparût rapidement. Lily se tourna vers ses trois nouveaux camarades qui lui souriaient tous avec amusement.
« Très bon choix, lui dit Lucile.
- Je ne suis pas une fille, mais qui résisterait à un homme aussi important ? » lança Julien avec une certaine animosité.
- Pour être franche, je ne savais pas du tout qui il était avant la soirée de présentation de la Princesse Laura. Et on est sorti ensemble avant même que je n’apprenne qu’il était un vampire.
- Eh bien ! s’exclama en réponse Julien, son sourire revenu, apparemment satisfait de la réponse. Tu excuseras ma rudesse, mais les vampires protègent leurs semblables.
- Tu es un vampire ?! », s’exclama Arnaud, surpris.
- Et moi aussi, rajouta Lucile.
- Si Johann ne m’avait pas dit que deux d’entre vous étaient des vampires, je ne l’aurais jamais deviné. Les vampires se reconnaissent entre eux, ils savent ainsi qui sont les mortels. Nous, on a aucun moyen de le savoir…
- Ca s’apprend, je crois, rétorqua Julien en se déplaçant vers l’estrade. Si on allait s’installer ? Au fait, je suppose que tu es bien Lily Favri ? »
Lily hocha de la tête pour toute réponse et leur intima le silence. Ils rejoignirent cinq chaises libres dans les premiers rangs, gardant le dernier siège pour Johann si d’occasion il avait le loisir de venir les rejoindre. Ils continuèrent de discuter, s’interrogeant sur ce qui les attendait durant l’année à venir. Etaient-ils prêts ? Seraient-ils tous à la hauteur ?
Alors qu’ils échangeaient leurs doutes et leurs espérances, un léger mal de ventre prit Lily. Elle posa subrepticement sa main contre son estomac pour finir par se lever en trombe et courir en dehors de l’école, malade. Elle allait vomir !
« Lily ! » s’exclama Lucile, mais elle n’obtint aucune réponse.
Ne pensant qu’à s’éloigner de la foule, l’interpellée traversa la cour de l’école avec rapidité et eut à peine le temps de se cacher derrière une haute haie la protégeant que son ventre, compressé, expulsa le menu petit-déjeuner qu’elle avait mangé.
Une main fraîche se posa sur son front et elle sursauta en se tournant vers l’inconnu : c’était Lucile qui l’avait suivie jusqu’ici.
« Ca va ? Ne bouge pas, je vais chercher un verre d’eau et une serviette » lui intima-t-elle avant de disparaître aussitôt.
Lily ne se sentit pas la force de répondre. Elle s’appuya sur les barreaux et respira doucement. Son mal de ventre avait disparût, mais le goût âcre et détesté persistait dans sa bouche. Que lui était-il arrivé, d’un seul coup ? Elle avait eu mal à en pleurer et s’était tout de suite esquivée ! Elle avait été très peu malade dans sa vie jusqu’à maintenant, et jamais d’une manière aussi soudaine !
Soupirant, Lily leva les yeux pour contempler le plafond remplit de ténèbres. Son regard se porta sur les rues qui menaient à l’école où plusieurs passants se croisaient. Bizarrement, ce spectacle la rendait étrangère au monde qui l’entourait. Elle ne se sentait pas bien tu tout, comme dans un rêve, marchant sur du coton.
Fermant les yeux, Lily attendit le retour de Lucile avec espoir. Et quelques instants plus tard, celle-ci apparût enfin.
« J’ai demandé une bouteille pour l’eau ; je me suis dit que ce serait mieux qu’un simple verre. Et tiens, voilà de quoi t’essuyer. »
Lily attrapa en premier lieu la bouteille et prit une gorgée pour se laver la bouche, puis une seconde avant d’enfin avaler le liquide frais qui s’infiltra jusque dans son ventre noué. Elle se sentit tout de suite mieux. Elle se lava les mains et s’humidifia doucement le visage avant de l’essuyer. La fraîcheur de l’eau lui fit le plus grand bien.
« Ca va ?
- Mieux, merci.
- Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Tu es malade ?
- Apparemment. Mais ça m’a pris d’un seul coup, je ne sais pas pourquoi…
- Tu veux rester un peu dehors ? »
En pensant à l’air étouffant qui l’attendait dans la salle, Lily grimaça et se sentit mal. Elle avala une nouvelle gorgée d’eau et soupira.
« Oui, il vaut mieux. Mon Dieu ! Ca ne m’était jamais arrivé ! Je suis vraiment désolée si je t’ai inquiétée !
- Il n’y a pas de soucis. On a plus qu’à en profiter pour faire plus ample connaissance ?
- Je ne dirais pas non !
- Oh toi, tu as une question qui te trotte dans la tête, n’est-ce pas ? s’amusa la vampiresse.
- Ah, tu as deviné… En fait, je me demandais quel âge tu avais…
- Cent quarante-six ans. Une jeune vampiresse, quoi ! »
Lily éclata de rire. Cette scène lui en rappelait une autre, qui avait eu lieu un an auparavant. Wylian se présentant comme tout jeune avec ses quatre cent quatre-vingt-dix-huit ans ! Au moins Lucile était réellement jeune, pour une vampiresse.
« Qu’est-ce qui t’amuse comme ça ? » demanda sa camarade, légèrement renfrognée. Lily se calma aussitôt en se tournant vers elle :
« Tu me rappelles ma rencontre avec mon premier vampire ! Il a eut presque les mêmes mots que toi : il s’est présenté comme jeune et atteint bientôt les cinq cent ans ! Mais il est adorable !
- Oh… En parlant vampire, ça fait longtemps que tu connais le Prince Johann ?
- Un an. Nous nous sommes rencontrés dans une bibliothèque. Question romantique, il n’y a pas mieux ! s’amusa Lily à ses dépends. Je me suis cognée le pied à la table où il était assied ! J’avais vraiment très mal !
- Et il est venu t’aider ?
- Tu parles ! Il m’a jeté un coup d’œil et est tout de suite retourné à sa lecture. Froid et distant. Mais je le trouvais vraiment beau, malgré tout. J’ai fini par m’installer et sortir le livre que je venais d’acheter. Tu dois connaître : L’Histoire du Vampire Jelma.
- Oui bien sûr ! Et que s’est-il passé ensuite ? » insista Lucile. Elle avait les yeux brillants, impatiente de connaître la suite de l’histoire.
« Ensuite il m’a apostrophée avec un « Hé ! » des plus séduisants !... Je plaisante, j’ai cru que j’allais le massacrer ! J’essayais de lire ce livre et n’y parvenait pas. Le pire, c’est que Johann avait très bien remarqué mon manège. Il m’a invité à boire un verre pour qu’on discute du Représentant Jelma. J’ai d’abord refusé puis ai fini par accepter. En gros, voilà comment ça a commencé.
- Une très belle histoire… Mais un vampire amoureux, je n’en ai jamais connu. Il l’est ?
- Amoureux ? Sans aucun doute possible. Et moi aussi, si ça peut te rassurer. J’en suis… »
Un sentiment de chaleur et de légère panique la prit, lui broyant son estomac déjà mit à mal. Elle se demanda un instant ce qui arrivait avant de reconnaître Johann en elle. Elle tenta tant bien que mal de le rassurer.
« Je suis là, pas loin, pensa-t-elle très fort. Ne t’inquiètes pas, je reviens bientôt. »
« Lily ? Lily ! Hé ! Lily ! »
Lily sursauta quand la main de Lucile se posant sur son avant-bras la réveilla de sa torpeur. Johann glissa dans son esprit, comme une caresse bienveillante puis se fit tout petit dans sa conscience, à peine perceptible mais toujours présent. La jeune femme regarda Lucile avec malaise, consciente de la présence de Johann. C’était comme si quelqu’un l’épiait, sachant qu’il était découvert, mais persistant de sa présence.
« Désolée… Johann était inquiet et… Mais pourquoi ne disparait-il pas ? »
Secouant la tête, elle ne parvint pas à se débarrasser de sa présence. Soupirant de lassitude, elle déclara forfait en lui faisant bien comprendre qu’elle en était fâchée.
« Comment ça, il était inquiet ? Tu peux… le sentir ?
- Est-ce que, en tant que vampire, tu as déjà partagé tes sentiments avec quelqu’un ?
- Mes sentiments ?! Jamais de la vie ! Il est interdit pour un vampire de se mêler à l’esprit d’une autre personne ! C’est de la civilité. A moins que l’autre personne ne le consente mais… Pour les vampires, nos pensées, bien que disponibles pour ceux de notre « sang », sont la propriété privée de ceux qui les conservent. Nous nous défendons de les partager. Ce n’est pas vraiment prohibé mais plutôt… Ce serait comme un viol ! »
Lily sourit. Wylian avait tenté une fois de lui expliquer ça. Il utilisait ses sentiments sur Laura parce qu’il savait qu’elle ne lui en voudrait pas, mais la loi des vampires était contre cet acte qu’ils trouvaient malsain.
« Johann m’a dit lui-même qu’il ne les avait jamais partagés avec quiconque… avant moi. C’est ce que nous faisons : nous partageons nos sentiments… Enfin c’est ce que nous faisions. Mais plus le temps passe, et plus il persiste en moi. Je sais que maintenant, si je le cherche par la pensée, il m’entend. C’est étrange, n’est-ce pas ? Alors que je ne suis pas une vampiresse… »
Lucile mit un temps à répondre. Elle semblait partagée. Lily comprenait bien ses sentiments, à présent : c’était comme un journal intime, secret. Personne n’avait le droit d’y toucher, de le lire. Mais Johann et elle avaient bravé cet interdit alors même que Lily n’en connaissait pas l’existence. Mais elle ne le regrettait pas ; elle savait qu’ils n’avaient pas eu tort, parce que ce qui les liait n’avait rien à voir avec ce qu’elle avait pu lire dans de nombreux livres. C’était à part.
« C’est étrange, oui…, murmura Lucile. Mais un vampire et une mortelle… C’est étrange aussi, alors… Ah ! En tant qu’Entremetteur, je dois m’accorder à tous ces bouleversements. Je dois être apte à faire face à toutes les situations, n’est-ce pas ? »
Elles rirent ensemble, Lily approuvant. Cette première année promettait d’être enrichissante !
***
« Lily, ma chérie, il faut qu’on parle. Tu peux laisser tes devoirs de côté pour ce soir ? »
Lily leva la tête de son livre pour jeter un regard surpris à son père. Il avait l’air triste et résigné. Ses yeux d’un marron foncé étaient éteints et ses cheveux bruns semblaient plus ternes que jamais. Les rides de son visage saillaient et une crispation de ses lèvres rendait son visage presque sévère malgré son air de tendresse impérissable. Lily ferma son bouquin et se tourna vers lui avec attention et angoisse. Qu’était-il arrivé ?
Le Ministre Favri soupira puis alla s’échouer sur le lit de sa fille, les coudes sur ses genoux, le front dans ses mains nerveuses qu’il frotta plusieurs fois. Il finit par relever la tête après quelques instants et annonça de but en blanc :
« Ta mère et moi avons décidé de divorcer. »
Malgré elle, Lily ne fût pas étonnée. Des larmes perlèrent au coin de ses yeux, mais elle se sentit moins touchée qu’elle ne l’aurait pensé, comme si l’annonce proférée était une sentence qu’elle attendait depuis longtemps voir tomber.
« Et… on va faire quoi ? »
Un instant, la panique la prit. Et si son père la laissait là, toute seule avec sa mère ? Il avait tellement de travail, rentrait tard le soir… Et s’il pensait que le mieux pour elle serait de rester avec sa mère ? D’un coup, cette vision de l’avenir la fit frémir et elle trembla.
« Tu vas… me laisser là ? », demanda-t-elle avec désespoir. Son père ouvrit des yeux surpris et se leva aussitôt pour lui prendre les épaules de ses larges mains.
« Mais qu’est-ce que tu racontes ?! Je serais tellement ravi qu’on emménage ensemble ! Je voulais savoir si tu préférais… Mais ma question a sa réponse, je crois ! Tu veux bien venir avec moi ? »
Lily éclata en sanglot malgré elle, soulagée. Elle aimait sa mère, mais la distance qui les séparait à présent était insurmontable. Elle n’avait aucune envie de rester dans cette maison silencieuse et austère !
« Bien sûr que je veux !
- Ah, ma chérie, tu me soulages ! J’avais peur que tu refuses ! Tu as toujours été si attachée à ta mère ! J’étais tellement absent…
- Mais c’est du passé ! Maman ne m’acceptera plus jamais à présent. Je veux vivre ma vie comme je l’ai choisie. Et je veux rester avec Johann !
- A ce propos… Le Prince Johann a proposé de t’héberger pour quelques semaines, le temps que je règle les papiers administratifs et que nos affaires soient transférées dans mon appartement de fonction. Ca ira ? »
Lily éclata de rire entre ses dernières larmes.
« C’est très bien comme ça, Papa ! C’est vraiment… très bien !
- Sinon, il y avait Monsieur Wylian qui avait aussi proposé de t’arranger un coin chez lui mais apparemment, il n’a pas eu l’aval de son supérieur… »
L’air amusé de son père fit rire à nouveau Lily qui se détendit et s’écarta de son étreinte. Elle s’essuya les yeux avant de plonger son regard dans le sien.
« Et quand…
- Demain, si tu te sens prête. Il est temps que tu changes d’environnement ; celui-là n’est vraiment pas sain, je le crains… »
Lily hocha de la tête, incapable de parler, les yeux brillants.
Quand son père sortit de la chambre, elle n’eut pas le cœur de reprendre son livre de cours sur les méthodes basiques à employer pour maîtriser les querelles quotidiennes entre mortels et vampires. Cela faisait à peine un mois qu’elle était entrée à l’E3 et sa vie basculait à nouveau… Cela faisait aussi un mois qu’elle ne mangeait plus le matin, de peur de rendre tout ce qu’elle avait dans le ventre. Ses nausées matinales ne s’étaient pas tues, ce qui l’effrayait. Lucile était la seule au courant, bien que Lily minimisa son angoisse face à elle. Que lui arrivait-il d’ailleurs ?
« J’ai faim… », pensa-t-elle, surprise, alors que son ventre gargouillait. Elle n’avait jamais mangé le soir, après le repas. Repus, elle se couchait et s’endormait avec facilité. Alors, pourquoi depuis deux semaines ? Elle s’était nourrie de façon équilibré, sans prendre plus ni moins qu’à l’habituel…
Et ils allaient emménagés…
Ses pensées se croisèrent, se battant les unes contre les autres pour avoir son attention, mais aucune n’y parvint. Puis, d’un coup, Lily sursauta en se relevant. Et si…
Non, impossible !
Mais… Les nausées matinales, cette faim grandissante…
Lily palpa son ventre et le trouva aussi plat qu’à l’accoutumé. Alors ? Non, elle ne pouvait pas être enceinte ! Impossible !
Son cœur battait avec force et rapidité dans sa poitrine. Elle n’arriverait pas à dormir… Qu’allait-elle faire ?
La réponse qui lui vint aussitôt la rassura : Laura ! Laura saurait quoi faire et elle pourrait discuter avec elle. Si elle ne la dérangeait pas…
Une présence familière grossit en elle, apaisante et Lily s’obligea au calme. Elle rassura Johann du mieux qu’elle pût et, quand elle le sentit enfin disparaître, calmé, elle prit son téléphone et y pianota, le portant à son oreille.
Une première sonnerie s’égrena, puis une seconde. A la troisième, Lily se sentit désemparée, puis on décrocha.
« Allô, Lily ?
- Bonsoir Laura. Je ne te dérange pas ? »
La future Représentante soupira et la jeune femme l’imagina s’étirer ave un grognement de lassitude.
« Non, tu me sors d’un problème qui me prend bien la tête ! Une pause ne me fera pas de mal. Tu vas bien ?
- Oui ! répondit automatiquement Lily. Et toi ?
- Fatiguée, mais sinon tout va pour le mieux ! Alors, qu’est-ce que tu veux, petite Princesse ?
- Eh bien… En fait si, j’ai un problème… Est-ce que… J’aimerais en parler en privé avec toi, si tu as un peu de temps…
- Ecoute, tu me laisses dix minutes et je te prends dans ta chambre, d’accord ? On viendra dans mon bureau, par contre ; je ne peux pas le laisser vide. Ca te va ?
- Parfait.
- A tout de suite, alors. »
La vampiresse raccrocha aussitôt avant que Lily ne puisse la remercier. Elle n’aimait pas déranger les gens ainsi. Surtout que Laura était la future Représentante des vampires ! Mais qu’avait-elle fait là, de la déranger si tard le soir ?! Il était neuf heures !
Malgré tout, elle se sentait rassurée de savoir qu’on allait l’écouter. Et Laura était la sœur de Johann… Elle avait confiance en elle.
Moins de dix minutes après l’appel, Laura entra dans la chambre de Lily que la jeune mortelle avait laissée ouverte.
« Bonsoir, Lily, lui dit la vampiresse en l’embrassant sur les deux joues avant de la prendre dans ses bras. Accroche-toi à mon cou, on discutera une fois arrivées. »
Lily obéit sans dire un mot. Elle avait préparé un morceau de papier posé en évidence sur son bureau informant quiconque qui le voyait qu’elle était sortie et revenait bientôt, au cas où son père reviendrait dans sa chambre, ce dont elle doutait fortement. Accrochée avec fermeté à Laura, leurs corps se collant, la plus vieille poussa sur ses pieds et elles passèrent la fenêtre à l’horizontal avant de se retrouver les pieds vers le sol. Lily fléchit ses jambes pour lui permettre de sauter et elles s’envolèrent.
Le voyage fût rapide, Laura semblait quelque peu fatiguée et ses mouvements étaient un peu brusques, presque aussi sauvages que ceux de Wylian quand il l’avait faite sauter.
L’énorme bâtiment qu’on apercevait à peine dans le noir consacré aux vampires s’éleva devant elles et Laura prit un envol précis pour passer une fenêtre à double battant au quatrième étage. Elles se posèrent en douceur, s’écartant l’une de l’autre.
« Je t’en prie, vas t’asseoir sur un fauteuil », lui proposa Laura en allant fermer la fenêtre. Lily s’exécuta en silence, vite rejoint par la vampiresse qui déposa deux verres sur la table basse en face d’elle.
La salle où elles étaient arrivées était distinctement divisée en deux : la première partie arborait un large bureau jonché de papiers divers et variés dont même les couleurs se distinguaient, d’une large commode contre le mur à droite du bureau et trois fauteuils autour de celui-ci. La deuxième partie était un petit salon arrangé avec goût : un large tapis aux couleurs pâles s’étalait sous le fauteuil où elle était assise, portant la table basse et le deuxième fauteuil du même acabit que le premier, en face, en cuir beige.
« Alors ma petite Lily, qu’est-ce qui t’arrive ? » lui demanda Laura après leur avoir respectivement servies un verre de jus de pomme et un autre de sang. Lily ne s’en formalisait plus depuis bien longtemps. Mais ne sachant par où commencer, elle fixait le second verre avec attention.
« Lily ?
- Ah… Eh bien… C’est difficile à aborder…
- On a le temps ! Enfin, tu as cours demain, il me semble, mais va à ton rythme. Commençons par le début. C’est une mauvaise nouvelle ? Une bonne ? C’est au sujet… de tes parents ?
- Tu es au courant ?!
- Bien sûr ! Johann me parle un minimum, tu sais. Alors ?
- En fait, ça n’a rien à voir… Il y a un mois, j’ai commencé à avoir des nausées le matin… et ces derniers temps, je me rends compte que je mange plus qu’avant. Même le soir, quelques heures après le dîner, j’ai faim !
- Tu veux dire que… Tu es enceinte ?! »
Laura la fixa, plus que surprise.
« En fait, je venais te demander conseil pour ça. Je ne sais pas si je suis enceinte, mais j’ai été frappé par cette idée ce soir et… je ne savais pas quoi faire ! Je savais très bien que je n’arriverais pas à dormir, alors…
- Alors tu as pensé à moi et tu m’as appelé. J’en suis flattée. Et j’ai une première et une deuxième solution à te proposer. Il se trouve que j’ai des tests de grossesse ici, qui traînent. De plus, je t’interdis d’aller voir n’importe qui à l’hôpital Gabriel ! Tu seras la femme de Johann dans le futur et ce genre d’évènement doit être tenu secret, pour ton bien et celui de mon frère… Tu comprends ?
- Oui…
- Commençons par le test. Suis-moi. »
Laura se leva, son verre à la main. Elle le vida en quelques gorgées et Lily y distingua un geste de nervosité. Puis la vampiresse l’entraîna vers une porte, près de la commode du côté bureau et l’ouvrit. La salle de bains que découvrit Lily avec étonnement ressemblait beaucoup à celle de Johann, toute équipée.
« Pour des toilettes de bureau, je repasserai », pensa Lily avec amusement et incrédulité.
Laura s’avança et ouvrit un premier tiroir où elle fourragea prestement. Elle en retira une boîte qu’elle tendit à la jeune femme.
« Tu sais t’en servir ?
- Oui », répondit Lily avec une certaine gêne, en se sentant rougir. Laura sembla se détendre et sourit.
« Si tu as un enfant, j’en serais vraiment ravie. Tu imagines ? Je serais tata ! »
Lily éclata d’un rire nerveux et hocha la tête. Quelques secondes plus tard, elle se retrouvait seule avec la boite de test de grossesse entre ses mains, sans savoir quoi en faire. Soupirant et légèrement tremblante, elle finit par se mouvoir et quelques minutes plus tard, la sentence tomba.
Lily ouvrit lentement la porte et tomba sur une future Représentante faisant les cent pas dans le coin « repos », nerveuse. Elle se tourna aussitôt vers elle quand elle la sentit approcher.
« Alors ?!
- C’est… C’est positif », dit Lily, avant d’avaler sa salive. Elle ne savait pas si elle devait s’en réjouir ou au contraire se pétrifier de peur sur place. Laura choisit à sa place en poussant un cri de victoire.
« Oui ! Génial, génial ! Ma petite Lily est enceinte de mon frère ! Oui, oui, oui ! »
Elle vint la prendre dans ses bras et la serrer fort contre elle avant de s’écarter aussitôt avec un regard d’excuse sur le ventre de la jeune femme.
« Désolée, je me suis emballée. J’espère que je ne lui ai pas fait mal…
- J’en doute, il est très bien caché pour le moment…
- Au fait…, et la voix grave de la vampiresse fit perdre son frêle sourire à Lily. Tu vas le garder ou… »
Lily la fixa un instant en passant sa main sur son ventre. Là, devait dormir un être qu’elle et Johann avaient façonné avec amour… En y pensant, elle ne pouvait lui faire aucun mal ! Mais elle était jeune, elle faisait encore ses études, et son père…
Subitement, elle se rendit compte que tous ces détails ne faisaient pas le poids contre ce petit être qui n’appartenait qu’à elle et Johann. Son sourire réapparût sur son visage, plus sûr qu’auparavant.
« Si ça ne tenait qu’à moi, je le garderais… Mais Johann a son avis a donné aussi, n’est-ce pas ?
- Je doute qu’il refuse… Enfin, ne nous réjouissons pas trop vite. A quelle heure termines-tu tes cours, demain ?
- A treize heures, le jeudi est ma plus courte journée.
- Ca tombe très bien ! Je te prends à treize heures à la sortie de l’E3 et je t’emmène à Saint Gabriel, d’accord ?
- Demain ?!
- Eh bien oui, il faut que l’on soit sûres ! »
Lily sentit sa tête lui tourner. Trop d’évènements se succédaient et se croisaient. Demain… Demain elle commencerait à vivre chez Johann ! Comment allait-elle lui cacher ça ?!
« Laura… Demain, je déménage pour un temps chez Johann… Comment je vais faire ?
- Je m’en occupe ! Je vais bloquer son accès à ta personne du mieux que je peux, avec ma présence. Mais votre lien est profond, il pourra lire quelques unes de tes pensées. Tu as intérêt à penser boulot, boulot, boulot, devant lui ! C’est mon frère, mais tout de même ! »
Elles continuèrent de parler une bonne heure après l’évènement, tentant tant bien que mal de s’éloigner du sujet « bébé », mais y revenant avec insistance, chaque fois avec toujours plus de vigueur et d’extase. Laura finit par la ramener jusqu’à sa chambre lorsque minuit sonna son glas. Et Lily ne dormit que très peu de la nuit, écoutant le lendemain avec une attention des plus archaïques. Rien n’y fit, même les injonctions menaçantes de certains professeurs furent inutiles.
Quand le coup d’une heure sonna la fin des cours, le cœur de Lily s’emballa une fois de plus, triplant sa vitesse de croisière. Elle alluma son portable qu’elle avait éteint pendant les cours et reçut deux messages. Le plus récent venait de Laura qui l’attendait de pied ferme à la sortie. Le précédent était de Johann qui lui faisait par de sa fatigue face aux cachotteries de sa petite amie et de sa sœur. Tant pis !
Lily rangea ses affaires et fût la première à sortir de la salle avec un grand geste d’au revoir à ses amis qui n’eurent le temps ni de lui répondre ni de lui poser les questions qui leur brûlaient les lèvres.
Courant à perdre haleine jusqu’à la grille d’entrée, Laura ne lui laissa pas le temps de souffler et la prit à bras le corps pour sauter aussitôt.
« J’ai un mal de crâne à en faire tomber les mouches à cause de ton chéri !
- C’est quoi cette expression ? », dit Lily avant d’éclater de rire. La nervosité avait gratté toute la journée à sa porte, et venait de la faire s’effondrer. Elle était presque paniquée !
L’hôpital Gabriel était un large bâtiment et l’un des seuls de l’Etat à ne pas monter jusqu’au plafond. Il s’étalait en compensation sur des centaines de mètres et quatre étages. On avait préféré l’espace et la vitesse de déplacement que la hauteur, ce qui n’était pas plus mal pour un hôpital.
Les murs étaient nacrés et les lettre formant le nom de l’hôpital s’étalaient au dessus de la large entrée devant laquelle elles atterrirent. Laura lâcha sa passagère et sortit de son sac un chapeau et une paire de lunettes de soleil.
« Enfiles ça que l’on ne te reconnaisse pas trop vite. »
Lily remarqua enfin avec quel soin son amie s’était ingéniée à cacher son visage du public avec ces deux accessoires. Elle les enfila rapidement et, quand la vampiresse les eut arrangés à son goût, elles s’engouffrèrent dans l’hôpital.
L’odeur de désinfectant s’insinua tout de suite dans leurs narines, retroussant leur nez. Elles se dirigèrent vers l’accueil avec assurance.
« Bonjour, Mesdames. C’est à quel sujet ? », leur demanda une infirmière, placide, à laquelle Lily ne pût s’empêcher de donner le surnom de « porte de prison ». Quelle politesse !
« Dîtes au Docteur Hiver que je suis là, répondit Laura avec tact.
- Et qui dois-je annoncer, Madame ?
- Dites-lui juste « Elle est là » et il comprendra.
- Je suis désolée mais…
- Faites-le ! », termina Laura avec fermeté. L’infirmière sembla fulminer quand elle décrocha le téléphone pour composer le numéro.
« Oui, Docteur Hiver ? Je ne vous dérange pas ? On m’a dit de vous dire… qu’elle est là… Oui ?... Pardon ?!... Très bien Docteur, je vous les envoie… »
Laura n’attendit pas que la bonne femme eut raccroché pour prendre Lily par les épaules et l’entraîner sur la gauche, dans les méandres des couloirs de l’hôpital.
« Je déteste ces bonnes femmes ! Tu as vu comme il faut leur parler pour avoir ce dont on a besoin ? Quelle perte de temps ! Ah, c’est là. »
Lily sourit aux exclamations de Laura mais son visage se figea quand la porte, où le nom « HIVER » était placardé affublé du « Dr » auparavant, apparût juste sous ses yeux. Laura toqua puis entra.
Le docteur Hiver était un vieil homme souriant. C’était un vampire, Lily n’en doutait pas, mais elle ne trouvait aucune explication à son raisonnement sans fondement. Il était poli, amical et semblait connaître Laura depuis des années. Il l’appelait par son prénom sans se soucier du « Princesse » et Laura ne semblait pas non plus s’en formaliser.
Tout maigre et nerveux, il prit Lily sous son aile et ne s’arrêta pas de parler tout en l’installant sur le lit de consultation. La jeune femme suivit le mouvement sans réfléchir, préférant prêter son attention aux dires du docteur qu’à sa nervosité croissante.
« Voyons voir ça, jeune dame. Enlevez donc votre chapeau et ces lunettes que l’on discute à visage découvert ! Voilà, c’est bien mieux ! Ah vous êtes Lily Favri, la femme de Johann ! Cela fait bien longtemps que je ne l’ai pas vu, celui-là ! Comment va-t-il, Laura ?
- Très bien ! Il se porte à merveille depuis qu’il a rencontré Lily.
- Et je suppose que si l’on trouve un petit être bien vivant dans le corps de la demoiselle, il en est le second instigateur ?
- Exactement !
- Ce serait formidable, vraiment formidable ! »
Lily sentait sa tête lui tourner. Elle avait l’impression d’avoir à faire à un scientifique fou ! Il lui releva le T-shirt et mit un gel des plus frais sur son ventre avant d’aller chercher son matériel et de revenir près d’elle. Il ne s’était pas arrêté un seul instant de parler et poser des questions. Il était intarissable et Laura semblait s’amuser de la situation.
Puis d’un coup, il posa un objet froid sur le ventre de Lily qui sentit sa respiration se couper par la surprise.
« Détendez-vous, mademoiselle. Il n’y a rien à craindre… Ah ! Effectivement, ça bouge là-dedans… Mais je doute qu’il n’y en ait qu’un seul…
- Comment ?! s’exclama Lily.
- Il me semble qu’ils sont au moins deux… Des antécédents de jumeaux dans votre famille ?
- Effectivement, oui… Deux sur quatre de mes oncles et tantes ont eu des jumeaux, et un couple a même eu des triplés…
- Tout s’explique. Les vampires adorent utiliser ces gênes-là ! Je vous rassure, ils n’en sont pas conscients, ce sont leurs gênes à eux qui réclament des vies. Il est tout naturel que vous en ayez plusieurs, mais je ne saurais dire maintenant combien. D’après l’échographie que nous avons là, je dirais que tout cela date d’il y a au moins trois mois !
- Trois mois ?!
- Oui. Ne vous attendez pas à prendre du poids avant le mois prochain. Mais après, votre ventre va s’arrondir ! Il ne reste plus qu’à surveiller le développement de ces petits. Et nous ne pourrons pas savoir s’ils seront vampires ou mortels avant leur naissance.
- Ce n’est pas un problème, ça, je m’en fiche ! » répondit Lily avec un sourire. La nouvelle commençait à se faire un chemin jusqu’à son cerveau, malgré la litanie maladivement entrainante dont s’amusait le docteur Hiver à loisir.
Elle allait avoir des enfants ! Elle était enceinte ! De Johann ! Et ils étaient plusieurs !
Un sourire extatique lui vint et elle ne parvint pas à le cacher.
« Je suis ravie que cela soit pour vous une bonne nouvelle, Mademoiselle. Je vois d’ici la même expression se peindre sur le visage de notre Johann ! Il va être tout à fait heureux ! N’est-ce pas Laura ?
- J’en suis tout aussi certaine, Docteur ! Je vous remercie pour tout.
- Allons, il n’y a pas de quoi ! Revenez me voir quand vous le souhaitez ! Mademoiselle, je vous donne rendez-vous dans trois semaines. Le… Hm… Le vint-huit octobre, ça vous irait ?
- Euh oui, ça devrait être bon…, balbutia Lily, prise de court.
- S’il y a le moindre souci, n’hésitez pas à m’appeler ! Mangez équilibré, ne vous forcez pas et surtout faites un minimum d’exercice pour vous entretenir, c’est important.
- Très bien, Docteur.
- Je suis vraiment désolé de vous jeter ainsi dehors, mesdemoiselles, mais malheureusement, je vous ai pris entre deux rendez-vous. Je dois me dépêcher avant de prendre trop de retard ! Laura, j’ai été ravie de te revoir !
- Ce fût un plaisir pour moi aussi, Docteur !
- Lily, à dans trois semaines ! Faites bien attention à vous ! Au revoir. »
Il les avait traînées dehors et tout de suite après ses paroles de séparation, il alla demander le prochain patient. Lily le regarda faire, éberluée. C’était un phénomène !
« Il est tordant, n’est-ce pas ? C’est notre médecin depuis plus de cinq cent ans ! Avec Johann, on l’a toujours adoré !
- Je comprends pourquoi ! Il ne s’arrête jamais ?
- Jamais ! Allez, rentrons, petite Princesse. Et quand tu seras prête à le dire à Johann, préviens-moi, d’accord ?
- Oui, je le ferai sûrement demain. Pour ce soir… »
Oui, pour ce soir, elle voulait le garder pour elle et elle seule. Ce secret formidable, elle voulait juste le partager avec sa conscience et les petits bouts d’êtres qui se trémoussaient dans son ventre. Juste eux, un court instant, une histoire d’un soir, courte mais merveilleuse…
Oui, merveilleuse, avant que tout ne tombe en pièce…
***
Alors que Lily passait la grille d’entrée de l’école avec le sourire aux lèvres, pensant à cette douce matinée où, ne se doutant de rien, Johann avait glissé ses doigts sur son ventre avec amour, Lucile la rejoignit, furieuse.
« Tu étais au courant ?! » assena-t-elle sans plus de préambule. Lily perdit son sourire, s’arrêtant en face de son amie.
« De quoi tu parles ?
- De ça ! »
Elle lui tendit le journal qu’elle tenait à la main. Elle le prenait tous les matins, le partageant ensuite avec Lily avant qu’elles ne débattent sur certains sujets sensibles qui leur tenaient à cœur.
La mortelle attrapa le Quotidien aux Nouvelles et la première page lui sauta aux yeux : une photo de Johann y figurait et le titre tapageur l’accompagnant était des plus troublants : Le Prince Johann, futur Représentant.
Lily parcourut avec acharnement et rapidité l’article où était exposée la nouvelle qui discréditait la place de Laura et annonçait une supercherie des plus incroyables ; Laura n’était qu’un substitut du véritable Représentant qui n’était autre que Johann.
Lily leva des yeux perdus sur son amie avant de secouer la tête.
« Ce ne sont que des salades ! Comment ça pourrait être possible ?
- Je n’en sais rien, mais en tout cas, ce n’est pas rassurant. Tu as vu, on parle de toi en plus… »
Oui, elle l’avait bien lu. On la disait « compagne du futur Représentant MAIS mortelle ». C’était quoi ce MAIS, souligné et en gros ?
« Vous êtes Lily Favri ? », demanda une voix alors qu’une main se posait sur son épaule. Lily sursauta et s’écarta de l’homme qui avait parlé. Il lui était inconnu mais son visage caché, sa posture, la firent frémir. Lucile vint se placer devant elle, imposante malgré son air toujours un peu enfantin.
« Qui êtes-vous ?! demanda-t-elle durement, sans préambule.
- Tu ne me connais pas, tu ne m’as jamais vu. On ne s’est jamais rencontré. »
Lily sursauta quand elle reconnue le regard qui fixait Lucile : c’était ses yeux ensorceleurs, qui privait les autres de leurs sens ! Qui hypnotisaient ! Il ne lui avait pas laisser le temps de se défendre, la prenant au dépourvu. Lucile commença à murmurer d’une voix atone :
« Je ne… vous connais pas… Lily… va-t-en !... Je ne… »
Lucile jeta un regard désespéré à son amie avant de s’évanouir. Personne ne semblait vouloir s’approcher d’eux dans la cour de l’E3 et Lily se sentit faiblir, paniquée.
« Johann…, pensa-t-elle avec force. Johann… JOHANN ! JOHAAAANN !! »
Elle sentit une barrière se briser en elle, comme si, par son cri, elle avait libéré Johann de chaînes qui entravaient leur union. Les chaînes de Laura.
« LILY !! », sentit-elle. Il criait après elle et elle le savait déjà parti à sa rencontre. Mais en face d’elle, l’homme s’approchait. Il était complètement vêtu de noir et seules ses mâchoires où des canines s’agrandissaient dangereusement étaient visibles, avec ses yeux sombres.
Le cœur de Lily accéléra ses battements, la laissant en proie à une détresse infinie. Il n’y avait pas que sa propre personne qu’elle devait protéger ! Eux aussi… oui, eux…
« Ne… Ne m’approchez pas ! » s’écria-t-elle en reculant de nouveau de quelques pas. Le vampire éclata de rire en réponse.
« Comme si tu me faisais peur, pauvre Mortelle… Viens ! »
Il eut un geste sec pour lui attraper l’épaule mais son mouvement fût aussitôt stopper. Il s’effondra sur le sol, avec un air surpris sur le visage ; Johann venait de l’assommer en le frappant durement dans le cou, apparaissant enfin à la vue de la jeune femme, tremblante.
« Vite, il faut qu’on parte, Lily ! Il faut qu’on se cache !
- Quoi ?! Mais…
- On a été découvert, et tu es en danger ! Il faut partir ! »
Il lui attrapa le dos et les genoux avant de la soulever et de sauter. Il ne lui avait pas laissé le temps de réfléchir, elle ne comprenait pas ce qui arrivait et était terrorisée par les évènements qui venaient d’avoir lieu… Mais eux…
Eux, ils étaient saufs… Et malgré sa panique, Lily ne put s’empêcher d’appuyer une main protectrice sur son ventre.
Eux… Elle ne voulait pas qu’on leur fasse du mal !
Fin du second chapitre ! On a plus ou moins fait la moitié du chemin dans cette histoire, et les ennuis sont bien là ! J’espère que vous avez apprécié ce second chapitre, malgré la longue attente. Mais il faut du temps pour y mettre un minimum de qualité, et vous ne pouvez pas savoir le nombre de fois que je me relis pour corriger ! Et je suis sûre qu’il reste encore des fautes ; à force de relire toujours les mêmes passages, on finit par ne plus les voir…
Enfin, je serais ravie d’avoir vos impressions, quelles qu’elles soient ! N’hésitez pas à les partager !
Voilà, à bientôt !
Ima.