Coeur de Vampire

Chapitre 3 : Je Suis Enceinte !

Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:24

Lundi 6 octobre 2008

 

Hello everyone !

Oui, voilà enfin le troisième chapitre, aussi long que ses petits copains. En espérant que tout cela vous plaise, que vous passiez un agréable moment…

Je ne reste pas plus, je n’ai rien, cette fois, à dire. Pas de petite note… tout du moins, pour le moment ^^.

Bonne lecture !

 

 

 

***

 

 

Cœur de Vampire

 

Chapitre trois : Je suis enceinte !

 

***

« Il veut dire quoi par là, ce vampire qui me sert accessoirement de frère ? » Laura.

***

 

Ils étaient dans une pièce délabrée. Un lit dont deux pieds s’étaient cassés était prostré dans un coin. Les draps étaient gris de poussière mais bien en place. Une armoire presque aussi haute que la chambre longeait la moitié d’un mur, d’une couleur sombre. La lumière qui perçait entre des volets fermés laissait entrevoir la poussière volante et des traces de doigts dans la pièce.

Ils étaient tous deux appuyés contre un mur, en face du lit, Johann respirant fortement, le souffle presque coupé. Ils s’étaient joués de leurs poursuivants grâce aux subterfuges du vampire, allant, venant, montant, puis descendant, Lily ne savait d’ailleurs plus du tout où ils étaient ; un instant, elle avait perdu connaissance, sous le coup du stress, puis s’était réveillée, toujours dans les bras de Johann qui continuait de courir et sauter comme un fou, tout en sueur, avant de sombrer de nouveau…

La respiration du vampire commença à se stabiliser et Lily se sentit un peu mieux. S’ils avaient un problème, jamais elle ne pourrait se défendre seule… Elle le savait très bien.

« Ne t’inquiètes pas… On devrait être en sécurité un petit moment, ici… », lui dit Johann, semblant lire dans ses pensées. Et Lily savait que c’était plus ou moins le cas.

« Où on est ? demanda-t-elle en jetant un énième regard autour d’eux.

- Quelque part sur la terre…

- Quelque part sur Terre ? Je ne l’aurais jamais deviné ! » s’énerva-t-elle en s’écartant de lui. Même dans pareille situation, il sortait son humour minable ! Il ne pouvait pas être sérieux un instant ?

« Je ne rigole pas, Lily. On est… sur la terre, vraiment… »

Lily le fixa, ruisselant de sueur, consternée. Mais que voulait-il dire ? Sur la terre… Les humains vivaient sur la Terre ! Enfin, sous terre mais c’était…

La respiration de Lily se bloqua et elle sursauta en se relevant soudainement, une main sur son nez et sa bouche.

« Sur… sur terre ?! Mais c’est… c’est impossible !

-Ne t’inquiètes pas, l’air est respirable. Calme-toi !

- Me calmer ? On a essayé de me faire… je ne sais quoi, de m’embarquer, et puis toi tu arrives, tu m’attrapes et hop ! On s’enfuit ! Et puis avec Laura, en plus, il y a eu…

- Tiens oui, Laura ! C’était quoi ces cachotteries ?! A cause de ça, j’ai faillis ne pas savoir que tu étais en danger ! »

Lily sentit les larmes lui monter, incapable de répondre. Mais que se passait-il à la fin ? Qu’avait-elle fait pour se retrouver dans pareille situation ?

Un premier sanglot la prit et elle tourna le dos à Johann. Elle n’avait aucune envie qu’il la voit pleurer. C’était trop ! Il s’énervait contre elle alors qu’il était le principal fautif pour les avoir emmené jusqu’ici, sur terre ! Là où tout était empoisonné, même l’air que l’on respirait.

Elle entendit Johann se lever et venir la prendre dans ses bras.

« Calme-toi, mon cœur… Calmons-nous tous les deux. Je suis désolé, c’est le contrecoup, ne m’en veux pas…

- Mais qu’est-ce qu’il se passe, Johann ? Qu’est-ce qu’on… fait là ? »

Elle se tourna vers lui et s’accrocha à sa chemise trempée pour pleurer. Doucement, ses larmes se tarirent et le vampire l’enlaça tendrement, desserrant sa prise autour d’elle.

« Je suis désolé, Lily. Ca ne devait pas se passer comme ça… Sèche tes larmes, on va discuter. Viens, là. »

Il la poussa doucement vers le lit et retira les draps. Dessous, le lit était impeccable, propre, protéger jusqu’à présent par les fins linges. Lily s’y assied sans résister, Johann la suivant. Elle se passa deux mains nerveuses sur le visage pour effacer les sillons de larmes qui avaient coulées le long de ses joues.

« Qu’est-ce qui ne devait pas se passer comme ça ? demanda-t-elle, lasse.

- Tout. En fait, depuis des années les vampires rebelles cherchaient le moyen de faire tomber la paix qu’entretiennent les mortels et les vampires. Contre Laura, ils ne pouvaient rien : elle était une vampiresse expérimentée et Wylian était là pour la protéger. C’est le meilleur espion que l’on est, il n’y avait aucun danger. C’est pour cela qu’on l’a fait passer pour la prochaine Représentante, le temps de trouver ce groupe de fauteurs de trouble et de le neutraliser. Mais on n’a pas été assez prudents…

- Qu’est-ce que tu veux dire par le fait que vous vouliez faire passer Laura pour la Représentante ?

- Ce n’était pas elle… Ca fait des décennies que le nom du prochain Représentant des vampires a été choisi.

- Et… c’est qui ? » demanda Lily en croisant le regard du vampire. Elle savait. Elle le savait, mais elle voulait l’entendre de sa bouche.

- C’est moi », avoua Johann sans ciller. Ils se fixèrent longuement, surpris ni l’un ni l’autre de leur réaction. Lentement, Johann éleva sa main et vint caresser sa joue.

« Je suis un vampire qui peut se débrouiller seul et sauver sa peau. Mais toi…

- Moi je ne suis qu’une simple mortelle, une cible de choix pour pourrir ta vie…

- Lily ! Je ne veux pas qu’il t’arrive quoi que ce soit ! C’est pour ça qu’on est parti ! Les autres vont se mettre à notre poursuite, et je connais Wylian : il doit déjà chercher sur terre comme un forcené pour nous retrouver. On va bientôt changer d’endroit ; on est trop repérable.

- Et c’est de ma faute, n’est-ce pas ?

- Arrête, Lily…

- Je ne dis que la stricte vérité. S’ils me sentent, ils accourront. »

Johann hocha la tête et lui tendit sa seconde main en se levant, défait. Lily la prit et se retrouva à nouveau dans ses bras. La chaleur du vampire était bienfaitrice. Elle se sentit plus calme et soupira de satisfaction. Puis un sifflement strident se fit entendre, pas loin d’eux. Le corps de Johann se tendit aussitôt et il passa par la fenêtre de la chambre poussiéreuse sans attendre. Lily resserra son étreinte instinctivement, son cœur battant la chamade, les mâchoires serrées, pétrifiée.

Les volets claquèrent contre le mur et une lumière éblouissante assomma un temps Lily. Elle sentit son corps tombé puis rebondirent plus haut et plus vite encore que jamais. Ses yeux s’habituèrent petit à petit à cette onde lumineuse. Les réverbères devaient être particulièrement forts ici !

Puis Lily leva les yeux au-dessus de sa tête. Elle eut à peine le temps de voir un ballon flamboyant loin au-dessus d’elle que sa vue n’en supporta pas plus et elle se cacha les yeux.

C’était…

« … le soleil… », murmura-t-elle. Elle trembla dans les bras de Johann. Ce monde lui faisait peur, elle ne le connaissait pas.

Puis ses yeux s’habituèrent à nouveau à la lumière ambiante et elle vit des maisons et des appartements défilés devant ses yeux. Les rues étaient immenses, en comparaison de celles qu’elle avait connues. Les maisons avaient un toit pointu. Des arbres s’alignaient par-ci, par-là sous le chaud soleil de la journée.

« Accroche-toi », lui dit Johann, crispé.

Ses propres bras se resserrèrent autour de la jeune femme et Lily vit le béton d’une rue s’approcher rapidement d’eux. Le vampire atterrit et commença à courir à une vitesse phénoménale. Lily voyait défilé le paysage à grande vitesse, cramponnée à Johann.

Quelque chose apparût rapidement devant eux et la jeune femme eut à peine le temps de discerner une forme humaine que son petit ami la lâchait d’une main pour couper le vent d’un bras. Il sembla frapper le vide avec un cri de rage et un vent violent remplaça son coup, allant frapper le vampire. Celui-ci ne put résister à sa force et alla s’écraser contre un arbre qui parût se déchirer et se coucha sous l’impact.

Leur course folle se poursuivit et ils changèrent de rue au hasard. Un nouveau sifflement strident se fit entendre et Johann sembla accélérer plus encore qu’auparavant sa foulée, tendu à l’extrême. Il sauta par-dessus un grillage et continua sur sa lancé pour sauter prodigieusement au dessus du sol. Il jeta un regard derrière lui. Un cri de surprise lui échappa et il lâcha à nouveau Lily, jetant son bras derrière lui avec un nouveau cri, les emportant dans un tourbillon de vent.

Puis leur course effrénée reprit et Lily se sentit à nouveau au bord des larmes, crispée. Tout allait trop vite, elle se sentait complètement perdue et prise au piège.

Ils continuèrent d’avancer, contournant des maisons, des jardins, suivant de longues minutes des rues abandonnées. Le spectacle qu’offrait la lumière du soleil à Lily était désespérant ; tout était délabré, presque mort. La vie sur terre aurait pu être tellement merveilleuse, caressée par la chaleur du soleil, sous le bleu du ciel, regardant les nuages se déplacer…

Lily jeta un regard à Johann ; il était épuisé, semblant chercher ses forces pour continuer leur route. Son corps était trempé de sueur, sa respiration folle. Elle l’entendait inspirer et aspirer avec force, toussant parfois.

Derrière eux, aucun bruit et Lily remarqua que rien n’entachait le paysage dans leur dos. Ils étaient seuls, seuls au monde.

« Johann, il n’y a plus personne… »

Ils étaient sur le bord d’une route, courant dans les herbes hautes, plus aucune maison ne venant éclore devant leurs yeux.

« Il faut continuer… jusqu’à la prochaine ville… », s’arracha Johann, épuisé.

Lily n’osa pas répondre et ils continuèrent leur chemin, de moins en moins rapides.

La lumière du soleil finit par baisser et Lily jeta un coup d’œil à sa montre. On approchait des vingt heures. Cela faisait si longtemps qu’ils s’enfuyaient ainsi, perdus, traqués ? Presque dix heures que ce vampire avait voulu l’emmener de force elle ne savait où !

Johann était au bord de l’évanouissement, ses jambes le portant alors que ses yeux étaient plissés, se fermant par intermittence. Elle n’osait le contrarier ni lui ordonner de s’arrêter. Il avait raison, ils devaient rejoindre une ville…

Une demi-heure plus tard, des toits pointèrent vers le ciel, apparaissant à leur vue. Il leur fallut une vingtaine de minutes encore pour atteindre les maisonnées, la course du vampire s’étant accélérée à leur apparition. Ils passèrent les premières et s’engouffrèrent dans plusieurs petites ruelles avant que Johann ne saute par une fenêtre et dépose Lily avec douceur. Aussitôt, il s’effondra, perdant connaissance.

« Johann… Johann ! » paniqua Lily. Elle était toute seule, perdue dans cette ville nouvelle et la seule personne qui pouvait les sauver venait de s’effondrer devant ses yeux.

Les larmes commencèrent à pleuvoir de ses yeux puis elle les essuya rapidement. Ce n’était pas le moment de fondre en larmes !

Elle attrapa son amant à bras le corps et le porta sur le lit. Il avait bien choisi l’endroit pour tomber. Apparemment, il y avait réfléchit ! Elle le hissa tant bien que mal sur le couvre lit qui laissa échapper toute sa poussière.

Johann toussa sèchement mais ne se réveilla pas. Lily s’approcha de son visage, le lui nettoya à l’aide de sa petite veste et lui embrassa subrepticement les lèvres. Il avait besoin de se reposer, elle en était consciente. Mais elle, qu’allait-elle faire ?

Son ventre répondit pour elle. Gargouillant, elle rejeta aussitôt la demande. Ce n’était pas le moment d’avoir faim !

Puis elle se reprit aussitôt, posant une main tremblante sur son ventre plat. Oh non ! Elle ne pouvait pas… S’il n’y avait rien à manger, qu’allait-elle faire ?! Ils avaient besoin de se nourrir pour grandir et se développer, elle ne voulait pas qu’ils meurent ! Pas maintenant !

D’ailleurs, c’était bien le moment d’en vouloir à sa vie !

Respirant profondément pour échapper à son désespoir croissant, elle visita la maison dans laquelle ils étaient tombés et trouva la cuisine. Elle n’osa jeter un coup d’œil au frigo et ouvrit tous les tiroirs un par un. Quelques paquets de pâtes sourirent à sa recherche et elle pria pour que les installations électriques marchent encore. Par chance, ce fût le cas, et l’eau coulait aussi. Satisfaite et essuyant de nouvelles larmes, de soulagement cette fois, elle s’occupa du dîner.

Pendant que le repas chauffait, elle fit un nouveau tour de la propriété pour vérifier que toutes les ouvertures étaient bien fermées ; son odeur serait moins perceptible ainsi. Elle retourna ensuite dans la cuisine et se posa près de la fenêtre qui surplombait la gazinière. Le ciel avait pris une couleur orangée incroyable et Lily ne pût en détacher son regard, émerveillée. C’était beau ! Plus beau encore que ce qu’elle avait déjà vu en photo, dans ses livres.

Délaissant finalement son paysage, elle s’occupa des pâtes et sortit une assiette ; elle doutait que Johann se réveille avant le lendemain.

Elle trouva les fourchettes et couteaux et lava le tout avant de se mettre enfin à table. Le repas, bien que frugale, lui remplit le ventre et aussitôt, elle se sentit fatiguée. La journée l’avait épuisée.

Ne pensant plus à rien, elle rejoignit la chambre sans réfléchir et alla se coller tout contre Johann, dans son dos, passant une main sur son corps. Johann la lui attrapa paresseusement et Lily se sentit mieux. Rassurée par sa présence, elle ferma les yeux et s’endormit aussitôt.

Un baiser sur son épaule la réveilla doucement.

« Mon cœur, il faut te réveiller. »

Lily gémit, fatiguée.

« Pas encore… »

Un petit rire échappa à Johann qui murmura doucement :

« Certaines choses ne changent décidément pas. »

Lily finit par ouvrir les yeux, se sentant étrangement vaseuse. Ses yeux tombèrent sur un plafond blanc et poussiéreux. Où était-elle ? Elle ne connaissait pas cet endroit !

Clignant des yeux, elle trouva la lumière étrange, plus accrue que d’habitude. Enfin, son regard se promena paresseusement autour d’elle et elle sursauta en se relevant abruptement.

« Où suis-je ? » s’exclama-t-elle, surprise. Puis les évènements de la veille lui vinrent à l’esprit : le vampire qui avait voulu l’empoigner, Lucile, piégée, et Johann qui était venu à son secours. Et leur folle cavalcade…

Elle était sur terre ! Et cette lumière éblouissante, c’était le soleil !

Son regard se porta sur Johann, contrite.

« On va repartir ? demanda-t-elle, imaginant déjà la réponse.

- Oui. Il faut mettre le plus de distance possible entre nous et eux.

- Et eux, c’est qui ?

- Des vampires rebelles. »

Lily soupira.

« J’ai fait des pâtes hier. Tout marche, ici.

- Oui, j’ai vu et j’ai mangé. Tu devrais en faire autant avant que l’on parte.

- Eh bien… »

L’idée de manger lui retournait déjà l’estomac. Elle allait de toute façon rendre son petit-déjeuner si elle essayait… Mieux valait attendre le midi.

« Je sais que tu as pris l’habitude de très peu manger le matin, mais je ne sais pas si nous pourrons nous arrêter plus tard. Tu devrais le faire maintenant. »

Lily se sentit rougir malgré elle. S’il savait !

« Je ne sais pas si c’est une bonne idée ; je risque d’être malade…

- Malade ? »

Ce n’était vraiment pas le bon endroit ni le bon moment pour lui parler de ça ! Mais comment lui expliquer ? Et si elle le faisait, ne serait-il pas d’autant plus préoccupé par la situation ? Qui était déjà, soit dit en passant, très critique.

« Ce n’est rien, je vais essayer de manger.

- Lily ! », l’arrêta Johann en bloquant ses jambes alors qu’elle tentait de se lever.

« Boulot, boulot, boulot ! Allez, Lily ! Rien que le boulot ! »

« C’est quoi ce « boulot » ? lui demanda le vampire, en haussant un sourcil.

- Ce n’est rien, Johann. Promis, je t’en parlerai plus tard. Mais pas maintenant. S’il-te-plaît. »

Le blond parût réfléchir un moment puis il s’écarta d’elle, la laissant se lever. Lily se dirigea de mauvaise grâce vers la cuisine et prit un peu de pâtes froides qu’elle déposa sur l’assiette dûment lavée, posée près du robinet. Levant une première fourchette vers sa bouche, elle respira bien fort avant de la mâcher pour l’avaler. C’était du caoutchouc ! Les pâtes étaient toutes colées, froides, sans saveur. Hier soir, affamée, elle ne l’avait pas remarqué. Mais à présent, elle trouvait cela presque infâme !

« Allez, un effort mon cœur », l’encouragea Johann en s’installant sur une chaise en face d’elle. Elle maugréa pour toute réponse avant de lui poser une question qui lui trottait dans la tête depuis pas mal de temps déjà.

« Johann… L’air est vraiment pur, n’est-ce pas ?

- Bien sûr ! Tu crois que j’aurais voulu te tuer, toi entre tous ?!

- Non mais… Mais alors, pourquoi vivons-nous tous sous terre ? Ca n’a aucun sens ! »

Elle ne comprenait pas. Après tout, si l’air avait été impur, il aurait été légitime qu’ils soient tous cachés dans leur sombre monde. Mais s’il ne l’était pas, quel intérêt ? C’était complètement stupide !

« Pour te dire la vérité, tout ça vient d’un pacte passé entre celui que vous appelez Dracula, Jelma et différents dirigeants du monde entier, il y a plus de sept cents ans. Pour enraciner la paix entre mortels et vampires, il a été décidé qu’ils devraient cohabiter de gré ou de force tous ensemble. L’idée était de les obliger à demeurer dans un endroit où tous pourraient vivre les uns avec les autres, dans l’égalité. C’est comme ça que sont nées les villes souterraines.

- Tu veux dire qu’on nous a traînés sous terre sous de fausses motivation ?! On nous a obligés à aller nous terrer dans ces villes souterraines ?! On a abusé de notre confiance… on nous a manipulé ?!

- C’est là que j’interviens. Lorsque les mortels et les vampires auraient enfin trouvé un terrain d’entente et se seraient habitués les uns aux autres, il serait alors temps de mettre un nouveau Représentant sur le trône des vampires qui aiderait les dirigeants à, petit à petit, ramener tout le monde sur terre. De façon pacifique, sans bains de sang comme il y a déjà eu… Tu comprends ?

- Tout ce que je comprends, c’est qu’on nous a menti ! Et toi avec, si je ne me trompe pas ! »

Lily laissa tomber sa fourchette qu’elle gardait depuis le début de leur conversation en l’air. Elle en avait assez entendu. C’était quoi ce cirque, à la fin ? Il se foutait d’elle ? Comment pouvait-on être aussi insensible pour berner des milliards de personnes ? La terre se mourrait, demandant des mortels pour assurer leur descendance, à présent. On manquait de mortels pour cela et bientôt, il ne resterait plus que des vampires. Etait-ce cela leur but final ? Qu’ils ne soient plus que les seuls survivants de cette planète, enfin débarrassés de ces imbéciles de mortels ?

« Lily, tout comme les mortels, les vampires aussi n’ont pas été informés de cela. Tu es la première personne au courant, en dehors des signataires décédés ou bien de ceux qui sont devenus vampires pour voir éclore un nouveau monde de paix baigné de la lumière du soleil !

- Et je dois m’en sentir flattée ?! Quand est-ce qu’on repart ?

- Lily…

- Quand ?! »

Elle n’avait aucune envie de continuer cette conversation. Une douloureuse sensation d’abandon et de tristesse la traversa avant qu’elle ne s’évanouisse, la laissant surprise et décontenancée. C’était Johann, elle le comprit aussitôt. Et il refusait de partager sa détresse avec elle. Lily lui en fût reconnaissante, amère.

Enfin, d’un seul coup, sa nausée journalière la prit et elle se précipita vers l’évier de la cuisine pour vomir tout ce qu’elle venait d’avaler. Pas grand-chose, d’ailleurs.

« Lily ! » s’exclama Johann en accourant vers elle, concerné. Lily n’eut pas la force de le repousser alors qu’il ouvrait le robinet pour en faire couler l’eau sur sa main. Il la passa, fraîche, sur sa figure, la faisant soupirer de bien-être. A nouveau, la détresse qui émanait du vampire la transperça et elle s’obligea à rester stoïque.

Elle le savait, qu’il soit un vampire, qu’il soit un meurtrier, qu’il soit un Représentant, elle ne pourrait pas échapper à son attraction. Elle finissait toujours par crier son nom dans son esprit pour qu’il la prenne dans ses bras, l’embrasse, l’enlace, la cajole… Comme une pauvre gamine en manque !

Rejetant sa main, elle se releva et le fixa le plus froidement possible.

« Ne crois pas que, malgré tous les sentiments que j’ai pour toi, je puisse te pardonner un tel acte », lui assena-t-elle. Elle avait envie qu’il s’en morde les doigts d’avoir participé à un subterfuge pareil, d’avoir menti à tellement de personnes, de n’avoir rien fait pour cette situation.

Elle fit le tour des placards de la cuisine pour trouver une petite boite où mettre le restant des pâtes. Ils auraient ainsi de quoi manger dans la journée. Trouvant l’objet de ses désirs, elle le lava en silence, sentant le regard de Johann fixé sur elle. Quand elle eut fini de s’approprier le repas, elle se tourna vers lui avec un regard qu’elle espéra neutre.

« On y va ? »

Il ne répondit pas mais hocha la tête. Il hésita avant de la prendre dans ses bras et Lily résista à la tentation habituelle de lui embrasser la gorge. Avalant sa salive, elle resta aussi stoïque que possible.

D’une main, il ouvrit la fenêtre de la cuisine et ils sautèrent, enlacés, le cœur lourd.

Johann se mit à courir aussi vite que le jour précédent, crispé, mais Lily savait que la raison en était différente. C’était elle qui le mettait à présent dans cet état, et il ne l’avait pas volé !

Durant plusieurs heures, ils semblèrent tourner en rond, ne s’attardant nulle part. Ils firent une pause d’une dizaine de minutes qui permirent au vampire de se reposer puis repartirent de plus belle. Ils entrèrent dans plusieurs villes, passant même dans une petite forêt, cachés sous les arbres hauts qui les protégeaient du soleil. Lily se sentit griffer plusieurs fois par des branches qui traînaient sur leur passage, ne disant mot ; Johann n’était pas non plus épargné. Une main autour du cou de son amant, elle protégeait son ventre de l’autre, la boite de pâte par-dessus. Elle évitait de penser à ces petits êtres qui grandissaient en elle et se concentrait sur leur avancée. Sans s’en rendre compte, elle finit par s’endormir, bercée par les mouvements de leur course et par l’aura de calme qui semblait émaner du coureur.

Elle se réveilla quelques instants plus tard, lui semblait-il, et se trouva allonger dans l’herbe d’une prairie. Un large pin la protégeait du soleil et, tout près d’elle, Johann s’était assied contre le tronc de l’arbre, veillant.

« Ah, tu es réveillée », lui dit-il en remarquant ses yeux ouverts. Elle se redressa, rougissante de s’être ainsi laissée aller.

« Tu devrais en profiter pour manger. Tu ne seras pas malade ? »

Elle secoua la tête sans répondre et prit la boite sur ses genoux qu’il avait déposée près d’elle. Sans aucun commentaire, elle se mit à avaler son contenu, s’aidant de ses mains ; elle avait faim. Doucement, son ventre se remplit et elle évita de terminer tout le contenu, le proposant à Johann. Il refusa de la tête.

« Ce n’est plus de ça dont j’ai besoin… Je vais être à court de force bientôt… »

Lily mit un temps à comprendre ce qu’il voulait dire, avant d’ouvrir des yeux surpris. Elle s’étonnait elle-même, sur le coup. En y pensant, jamais elle n’avait vu Johann en vrai vampire !

Le jeune homme sourit, légèrement amusé.

« C’est vrai, tu n’as pas tort. Je me suis toujours refusé d’agir en véritable vampire devant toi, tu as remarqué ? Je n’ai jamais bu de sang en ta présence, ni montrer mes crocs, et encore moins mordu quelqu’un, bien que ce soit un acte dépassé, n’est-ce pas ? »

Le cœur de Lily s’accéléra. Elle se sentait stupide. Ignorante et stupide ! Il avait pris grand soin de se montrer en tant qu’humain à elle. Et quand elle y réfléchissait, Laura avait fait de même. Seul Wylian, muni de ses dents dont il ne pouvait se déposséder lui était apparût comme un vrai vampire…

Elle secoua la tête avec vivacité, perdue.

« Pourquoi ne m’as-tu jamais montré le véritable toi ? J’ai l’impression de te perdre depuis hier, j’ai vraiment l’impression d’aimer une fausse image de toi. Qui es-tu vraiment ?

- Tu veux vraiment le savoir ?

- Oui, s’il te plaît. »

Il était étrange de lui parler avec tant de ferveur après le silence tacite qu’ils avaient aménagé entre eux, depuis leur conversation. Johann avait-il tant de choses à lui cacher ?

Le vampire soupira puis s’approcha d’elle. Il l’entoura de ses jambes allongées et la fixa de ses yeux bleus perçants.

« Ferme tes yeux, mon cœur, s’il-te-plaît. »

Lily n’osa le contredire et après quelques instants s’exécuta. Il lui prit alors sa main droite et la baisa doucement, la faisant frémir. Puis il l’approcha de nouveau de sa bouche et elle sentit une première grosseur dentaire. Ses doigts se rétractèrent, surprise, et à nouveau elle tâtonna. D’après l’image qu’elle avait des canines de Wylian, celles-ci étaient de même taille, aiguisées. Elle promena ses doigts le long de la mâchoire du vampire pour rencontrer la deuxième canine, identique. Habituée, elle osa enfin ouvrir les yeux.

Elle rencontra tout d’abord le regard de Johann, calme mais aussi froid. Elle cacha de sa vue la mâchoire et descendit son regard le long de l’arrête de son nez. Il n’avait pas changé, pas d’un pouce. Puis, lentement, elle glissa sa main devant la bouche du vampire, révélant les canines proéminentes. Sa bouche était légèrement plus large pour envelopper le surplus dentaire, mais rien de plus. Lily s’était attendue à être horrifiée, mais elle avait tant de fois fixé Wylian avant de s’y habituer qu’elle doutait d’être à nouveau surprise par ces excroissances.

Elle finit par sourire et alla embrasser les lèvres de Johann, juste entre les deux larges dents. C’était étrange, comme si sa bouche avait changé de forme. Le toucher était le même, lui. S’écartant, elle croisa à nouveau le regard de Johann qui s’était adoucit. Une sensation de soulagement la traversa et elle lui sourit à son tour.

« J’avais si peur que tu partes en courant, si je te les montrais… Tu étais tellement terrorisée par les vampires, avant…

- Oui, avant, Johann… Avant toi et Wylian. Moi qui n’y avais jamais pensé avant aujourd’hui, je dois te paraître stupide !

- Ne dis pas ça ! J’étais tellement soulagé que tu n’y fasses pas référence. Je restais ainsi ton égal, en me cachant.

- Mon égal ?! Mais qu’est-ce que tu racontes ?

- A tes yeux, j’étais humain. Mais à présent, je suis vraiment un vampire, hein ?

- Ne me cache plus un truc pareil ! Et ne t’obliges plus à attendre que je sois parti pour boire du sang. Tu en as besoin pour vivre, si je ne me trompe pas ? »

Johann sourit à nouveau et posa une main sur sa bouche, cachant ses canines. Quand il la retira, quelques instants plus tard, elles avaient disparu.

« Comment tu fais ça ?

- Ca, c’est parce que je suis un vampire de premier rang. Le Prince. Je suis devenu vampire en partageant mon sang avec celui que vous appelez Dracula. J’ai la faculté de les montrer ou de les cacher ; ce n’est pas la même chose que ces dents rétractiles qui sont apparus chez certains vampires, mais ça revient un peu au même.

- Dis-moi… Ce n’est pas la première fois que tu dis ça mais… Dracula est Dracula, non ?

- Pas vraiment, non, rit doucement Johann en refermant ses bras autour de la jeune femme. Vous l’avez appelé ainsi, et il s’y est conformé. Mais en vérité, son véritable nom, je suis le seul à le connaître, avec Laura et Jelma.

- Comment s’appelle-t-il ?

- Il s’appelle… Hm… Elle s’appelle Hannah.

- Quoi ?! »

Lily s’écarta brutalement de Johann, sidérée.

« Comment ça « elle » ? C’est une fille, une vampiresse ?! Mais…

- Même moi, à force que l’on me dise « il », « le vampire », « Dracula », j’ai finit par prendre le pli. Mais en vérité, Hannah est bien une vampiresse. Froide brutale, mais puissante et protectrice. Heureusement qu’elle est retournée dormir, sinon je n’aurais pas donné cher de la peau de milliers de personnes ! »

Il rit à nouveau en repliant légèrement ses jambes. Lily le fixa avec consternation. Hannah ? Alors ce « Dracula » de milliers de livres, qui avait fait tant couler d’encre, était en fait une vampiresse ? Et… c’était donc elle l’une des principales instigatrices de cette action inhumaine ? « Tout le monde aux trous, on se cache sous terre, maintenant ! Le soleil, vous l’oubliez ! »… C’était elle, aussi ?

Retrouvant les motivations qui l’avaient fait un instant détester Johann, elle se détourna de lui et se leva.

« Lily ?

- Ne crois pas que j’oublie facilement, surtout un truc pareil. Tu comprends ?! Je ne peux pas !

- Je… comprends… »

Aucun sentiment ne parvint à Lily alors qu’elle s’y était préparée. A la place, Johann lui fourra la boite de pâtes dans les bras et l’empoigna avant de s’envoler, très haut, pour redescendre avec une rapidité effrayante. Lily avait agrippé aussitôt le cou du vampire et leur course reprit. Où allaient-ils ?

Durant plusieurs heures encore, ils poursuivirent leur route au travers des rues. Bientôt il ne leur apparût plus de grands champs et Lily, ayant étudiée un tant soit peu sa géographie, se demanda s’ils n’étaient pas aux alentours de Paris. Ou bien d’une autre grande ville.

Après qu’ils aient dépassé plusieurs maisons et jardins, faisant fi des grillages séparant les propriétés, Johann ralentit sa course. Lily regarda sa montre qui lui indiqua sept heures. Le soleil se déplaçait, virant à l’orange foncé. Le vent commençait à se faire sentir, emmêlant les cheveux de Lily.

Ils s’arrêtèrent enfin devant une grande maison Elle était toute défoncée, les volets troués, des fenêtres brisées, des rideaux déchirés. Johann grimaça.

« Ce n’est pas une bonne idée… », murmura-t-il. Mais il s’avança tout de même dans la propriété, entraînant la jeune mortelle qu’il avait déposée par terre à sa suite.

« On est où ? », osa lui demander Lily avant qu’il n’atteigne une porte à l’arrière de la bâtisse. Johann ouvrit la porte, qui n’opposa aucune résistance, avant de répondre dans un nouveau murmure :

« Mon ancien chez-moi. »

La maison était complètement délabrée, mise à sac. Tout était miteux, enrobé de poussière. Elle devait avoir été assiégée car son état ne ressemblait en rien aux deux autres demeures qu’ils avaient utilisées.

La petite porte en bois qu’ils avaient passé menait à la cuisine, sans dessus dessous. Des ustensiles jonchaient le sol, les tiroirs étaient à moitié ouverts, les placards vides, les derniers couverts cassés, éparpillés sur le carrelage noirci. Lily imaginait ce à quoi ressemblait auparavant la grande maison qu’ils venaient de pénétrer ; elle devait être belle, décorée, nettoyée…

Johann la tira après lui, passant dans un large couloir pour atterrir dans un grand salon. Les fauteuils avaient été éventrés, cassés, rien ne subsistait en état, semblait-il.

Le vampire la lâcha pour s’avancer dans la pièce, regardant en tous sens.

« Ca a l’air misérable, mais c’était une si belle maison auparavant. J’y ai vécu tant d’années… On avait laissé toutes les portes ouvertes pour les quelques personnes qui n’avaient aucune envie de suivre le reste du monde dans les méandres qui s’étendaient sous terre… Je ne pensais pas qu’elle ressemblerait à ça quand j’y reviendrais… Elle est… Elle n’est plus du tout… »

Il avait l’air perdu, triste. Lily ne l’avait jamais vu ainsi. Lui qui semblait toujours si sûr de lui, ferme, intouchable... Instinctivement elle s’avança vers lui et le prit dans ses bras.

« Elle redeviendra ce qu’elle était, quand on reviendra… non ? »

Oui, c’était à lui de les mener tous sous le soleil, de leur faire connaître le vent, la mer, toutes les choses qui composaient le monde extérieur. Il le leur devait.

Johann trembla légèrement et serra Lily contre lui. Il sembla s’accrocher désespérément à elle avant de la lâcher en soupirant.

« Reposons-nous. J’avais caché quelques petites choses avant de partir, j’espère qu’elles sont toujours en état. »

Il la délaissa et partit seul hors de la pièce. Lily préféra ne pas bouger du salon. Il devait avoir besoin de se retrouver. C’était un univers familier pour lui, et il avait été dévasté. Elle n’osa imaginer rentrer chez elle et retrouver sa maison saccagée ainsi. Sa maison… qui ne serait bientôt plus la sienne.

Elle prit un morceau de l’un des fauteuils qui traînait sur le sol et nettoya un large cercle de carrelage pour s’y asseoir et attendre Johann. Celui-ci revint avec des boites de conserve quelques minutes plus tard.

« Il n’y a plus de fourchette ni d’assiettes, mais on devrait pouvoir faire sans, non ? »

Il était encore mal à l’aise et Lily n’en fit aucune remarque. Elle hocha la tête et prit l’une des boites de conserve qu’il avait ouverte pour regarder à l’intérieur. C’était des haricots.

Ils s’installèrent et mangèrent en silence, le bruit de mastication remplaçant leurs paroles. Lily n’avait pu s’empêcher de se sentir désolée et laissait tous ses sentiments transparaître et atteindre Johann. La confiance, la peine, l’amour, elle ne lui cacha rien… sauf eux.

« Pourquoi ne rentrons-nous pas ? Il n’y a plus personne à nos trousses…, fit remarquer Lily après leur repas, alors qu’ils jetaient des regards autour d’eux tout en s’évitant.

- Ils seront bientôt là, j’en suis certain. Et ça ne nous apporterait rien d’aller nous terrer sous terre. Ils recommenceraient à s’en prendre à toi. Non, autant en finir avec eux, ici. »

Johann s’allongea sur le sol glacé, un bras sous sa tête.

« Il n’y a rien pour dormir alors… pour ce soir, tenons-nous chaud, d’accord ? »

Lily ne pensa même pas à résister et vint le rejoindre. Elle s’allongea face à lui, allant agripper son dos. Il la prit dans ses bras pour la coller contre son corps chaud, la serrant fortement. La jeune femme ne résista pas et répondit à son étreinte.

Ils s’endormirent enlacés, Lily se sentant apaisée par la présence du vampire. N’y avait-il vraiment que dans ses bras qu’elle se sentait bien ?

Le jour pointant au travers des volets perforés réveilla la jeune femme qui gémit de gêne. Ce soleil avait ses inconvénients, tout de même ! Elle n’osa bouger quand elle se rendit compte que Johann dormait toujours. Il devait être épuisé. Et il devait aussi… manquer de sang.

Un instant plus tard, comme s’il l’avait entendu penser, les yeux du vampire s’ouvrirent et se posèrent sur elle. Il eut un doux sourire en clignant de ses yeux fatigués. Sa main quitta la hanche de Lily et vint lui caresser la joue, délicatement. Puis, se relevant légèrement, il s’approcha de son visage avec lenteur. Elle lui attrapa le cou et réduisit rapidement la distance qui les séparait, impatiente. Leur baiser fût lent, long. Ils s’exploraient à nouveau. Lily avait l’impression qu’une éternité était passée depuis leur dernier baiser. Mais seulement trois jours, en réalité, avaient crée tant de distance de leur part.

Johann poussa Lily qui se retrouva dos au carrelage froid. Il continua de l’embrasser, glissant ses mains sous ses vêtements avec douceur, retrouvant la peau de sa future femme. Lily se cambra, demandant plus encore, mais Johann, après avoir longuement caressé son ventre et son dos, retira ses mains et termina le baiser quelques instants plus tard.

« Je t’aime… », lui murmura-t-il en lui embrassant le front. Il redescendit sur sa bouche, frôlant ses lèvres avant de se relever.

« Si je continue, je ne pourrai plus m’arrêter. Et ce n’est vraiment pas l’endroit ! »

Lily rougit, le souffle court. A cet instant, la seule chose dont elle était sûre, c’est qu’elle ne voulait pas qu’il la quitte. Ses yeux s’embuèrent de larmes alors qu’elle faisait face à une terrifiante constatation : peu importait tous les crimes qu’il avait commis, peu importait qu’il ait participé à la disparition des mortels et peu importait qu’il soit bientôt le nouveau Représentant… elle ne cesserait jamais de l’aimer et de le vouloir ! Elle commençait à comprendre le prix à payer pour l’union d’une mortelle et d’un vampire.

Un sanglot la prit et elle se cacha les yeux de son bras.

« Ne pleure pas, mon amour… Tout est de ma faute, je t’en prie, ne pleure plus… », lui dit Johann en s’approchant d’elle à nouveau. Il retira son bras et lui embrassa les paupières. Lily le prit dans ses bras et il s’affala contre elle, pris au dépourvu.

« Je suis désolée… Je n’arrête pas de pleurer… alors que…

- Chut, mon cœur, c’est bon. »

Il lui caressa la joue, embrassant de nouveau ses paupières closes. Les pleurs de la jeune femme s’estompèrent et bientôt elle desserra son étreinte, un air piteux au visage.

« On va bientôt repartir. Si tu ne peux pas manger pour le moment, on s’arrêtera plus tard, d’accord ? »

Lily hocha la tête sans réfléchir. Il l’aida à se relever et l’enlaça avant de la porter dans ses bras. Ils étaient déjà en train de parcourir les rues avant qu’elle ne s’en rende vraiment compte.

Ils continuèrent ainsi à tourner en rond pendant deux jours. Lily avait remarqué le manège de Johann qui sortait de cette grande ville qu’était Paris – Johann lui ayant certifié son nom – pour y entrer à nouveau par un chemin différent, contournant les petites villes environnantes. Ils avaient entendu des bruits à plusieurs reprises et s’étaient cachés, mais rien n’était apparut.

Ils venaient de quitter une nouvelle maison, passant par sa porte, enlacés, quand Johann hurla de douleur. Lily se sentit expulsé de ses bras, surprise. Elle percuta durement le sol et roula sur plusieurs mètres, ses bras et genoux protégeant son ventre plutôt que son visage.

« Lily ! », entendit-elle crier. Elle n’eut pas la force de répondre aussitôt, sonnée. Puis un vampire apparût devant elle, un large sourire aux lèvres. Il tendit la main vers elle, ravi, avant de se retourner prestement. Johann courrait déjà vers eux, furieux, les yeux fous.

« Ne la touche pas !

- Oh ! Le Prince sort ses petites dents, à présent ? », se moqua en réponse le vampire, hautain.

Il stoppa Johann avec efficacité et se protégea des coups de vent que faisait pleuvoir le futur Représentant. Puis semblant voir une opportunité, il fit courir son poing à deux endroits différents qui percutèrent son adversaire avec force.

Johann émit un râle de douleur en s’effondrant au sol, ses deux bras entourant son ventre meurtri.

« Ne m’en veut pas, Prince Johann, mais cette gosse doit mourir. »

Ainsi c’était le but de toute cette cavalcade. Ils voulaient la tuer… Lily était encore sur le sol et les bruits de pas du vampire la firent sursauter. Elle tenta de se relever mais l’angoisse lui embrouilla l’esprit et elle retomba, glissant puis reculant à même le sol.

« Ne… Ne m’approchez pas ! » cria-t-elle à l’homme qui lui faisait face. Tout comme celui qui avait tenté de l’enlever quelques jours plus tôt, seuls ses yeux et sa mâchoire apparaissaient. Le reste était caché par de multiples vêtements noirs. Il souriait, moqueur et satisfait.

« Et que vas-tu me faire si je te désobéis, jeune mortelle ? »

Il était à présent tout près d’elle et Lily le fixait, effrayée. Ses deux bras entouraient son ventre avec désespoir. Il n’avait pas le droit…

Puis le vampire se retourna tout d’un coup et Johann apparût de nouveau, décochant un violent coup de poing au vampire. Celui-ci répondit aussitôt en utilisant à son tour le vent pour expulser avec violence le blond contre un mur. Celui-ci se craquela sous le choc.

« Johann ! », cria Lily, presque hystérique. Celui-ci se releva malgré ses blessures et fixa le vampire en souriant, plein de sang. Il mima un geste puis sembla disparaître tant sa vitesse se multiplia. Lily n’eut pas la force de crier quand elle se sentit emporter, coincé dans l’étau de deux bras puissants, les yeux et la bouche ouverts de stupeur et de terreur. Mais elle se rendit bientôt compte que c’était Johann qui l’avait ainsi empoigné.

Ils parcoururent des rues en tous sens pendant quelques minutes jusqu’à ce que Johann trébuche et qu’ils ne tombent durement sur le sol. Lily se releva aussitôt ; le vampire avait amortis sa chute avec son corps et s’étalait sous elle, la respiration éreintée, folle. Il semblait avoir du mal à inspirer.

« Johann, Johann ! », murmura Lily, n’ayant pas la force de crier. Elle lui releva le buste et cala sa tête sur épaule.

« Je t’en prie, répond-moi ! Johann !

- Ca… va… Il faut qu’on se cache…

- Johann… s’il-te-plaît, tu es à bout de force ! Il te faut du sang ! Prend le mien !

- Qu’est-ce que… tu racontes…

- Tu sais très bien que j’ai raison ! Si mon sang peut t’aider, prends-le ! »

Johann sembla vouloir de nouveau protester mais Lily ne lui en laissa pas le loisir. Elle se baissa et lui embrassa les lèvres avant de réitérer son injonction. Il sembla sur le point de pleurer quand ses grosses canines apparurent. Lily hocha la tête en lui souriant. Il n’y avait que ça à faire. Et si elle devait donner son sang à un seul vampire, ce serait lui plus que tous au monde !

Elle se déplaça légèrement pour qu’il ait accès à sa gorge. N’était-ce pas ainsi que cela se passait ? Mais Johann lui agrippa le poignet qu’il porta à sa bouche. Il mordit dedans sans attendre, Lily sursautant à cet assaut. C’était douloureux…

Puis ça le fût moins et une intense sensation de désir l’envahit. Elle s’accrocha à l’idée qu’ils étaient en danger de mort pour ne pas succomber à la tentation, mais ses bras ne purent s’empêcher de serrer Johann avec force. Elle sanglota de ne pouvoir se laisser aller à un tel bonheur et raffermit ses pensées. Jamais elle n’avait connu de sensations pareilles ! Même quand Johann l’hypnotisait avec ses yeux pour qu’ils partagent leurs sentiments, ce n’était pas aussi fou, aussi profond, aussi bon qu’à cet instant.

Elle perdit connaissance sans s’en rendre compte.

Quand elle se réveilla, elle crût un instant avoir loupé un morceau excitant d’un film d’aventure. On semblait se battre durement ! Puis la réalité prit le pas sur le rêve et Lily réalisa que Johann était aux prises avec un nouvel adversaire. Le même qu’auparavant ?

Ses pensées se stabilisèrent et elle essaya de déduire l’issu du combat. Ils étaient tous deux blessés mais déterminés. Le vampire vêtu de noir boitait légèrement et Johann passait sa main gauche sur son épaule droite à chaque fois qu’il fixait son ennemi avec férocité. Puis un coup violent parti des deux côtés et ils s’esquivèrent. Puis, sans prévenir, Lily ne put plus voir le combat. Elle cligna des yeux pour comprendre ce qui s’était passé et son cerveau analysa enfin la situation : on venait de se poser entre elle et Johann.

Elle leva un regard effrayée, longeant le corps de l’intrus et arriva à un visage caché par des tissus noirs où des canines ressortaient par leur blancheur. Avec un cri de surprise mêlé de peur, Lily glissa et recula en s’aidant de ses mains et ses pieds, incapable de se mettre debout, sa tête lui tournant.

« Eh bien ma jolie, tu es seule à présent. »

Il avait une voix rauque affreuse, pleine de froide satisfaction.

« Lily !! » hurla Johann. Mais sa voix restait lointaine. La jeune femme entoura son ventre de ses bras en secouant la tête de gauche à droite. C’était impossible. Ils ne pouvaient pas lui enlever sa vie et celle de ses bébés. Impossible !

Le vampire tendit sa main et l’attrapa au col pour la soulever. Elle essaya de le faire lâcher en apposant ses propres mains sur son poignet, tirant de toutes ses forces. Il recula sa seconde main et forma un poing. A cette vue, Lily enveloppa son ventre de ses bras et plia les genoux pour se protéger. Elle ferma les yeux et sanglota avant que le coup ne l’atteigne… bien moins puissant que ce qu’elle n’aurait imaginé. Elle tomba mollement sur le sol, recroquevillée sur elle-même.

« Jamais vous ne toucherez à un seul de ses cheveux, saletés de traîtres ! » hurla quelqu’un. Il y eut quelques grognements, des bruits de cassures avant que Lily n’ose ouvrir les yeux. Le spectacle qui s’offrit à elle la sidéra. Devant ses yeux se trouvait le Démon Rouge, Wylian, possédé par la fureur. Il frappait le vampire avec vigueur. Celui-ci était au sol, coincé et apparemment très mal en point. Un nouveau coup perfora la poitrine du vampire qui exhala un dernier soupir avant de disparaître, transformé en poussière.

Puis Wylian passa tout de suite au second adversaire et en deux coups, celui-ci reçut le même traitement que son comparse. Un silence s’imposa où les trois amis se figèrent, surpris que ce soit terminé. Puis Johann secoua la tête devant les yeux vides de Lily et se précipita vers elle.

« Lily ! Tu vas bien ?! »

Elle ne pût répondre, ses bras toujours serrés avec force autour de son ventre. Wylian les rejoignit et desserra doucement l’étreinte avec laquelle elle les avait protégés.

« Lily, est-ce qu’il t’a… touché au ventre ? Est-ce qu’il a osé ? » demanda le Démon Rouge. Lily se mit alors à sangloter avant de pouvoir répondre :

« Non, il n’a pas pu… Tu es arrivé juste… à temps… »

Ses pleurs redoublèrent alors que Wylian s’affaissait sur le sol avec soulagement pendant que Johann la berçait dans ses bras, tentant de calmer sa crise de larmes. Pendant plusieurs minutes, Lily ne put s’arrêter de pleurer. Si Wylian n’était pas arrivé, tout aurait été fini… Elle ne voulait pas y penser !

Doucement, le calme lui revint et bientôt elle n’eut plus que des soubresauts dans la chaleur des bras de Johann. Il continuait de lui caresser le dos, la serrant fort de son autre bras. Elle finit par s’écarter de lui et essuyer les dernières gouttes qui perlaient à ses yeux. Elle inspira fortement puis ouvrit de nouveau les yeux, rencontrant le regard soucieux de Wylian. Un sourire apparût sur son visage, elle-même surprise.

« Merci, lui dit-elle en allant lui prendre la main. Vraiment, merci beaucoup…

- Tu n’as pas à le dire, c’est normal. Quand Laura l’a mentionné, je me suis précipité à votre recherche. Elle était paniquée pour toi ! Et moi aussi…

- On devrait trouver un endroit où nous poser pour discuter », proposa Johann d’un ton sec. Lily lui jeta un coup d’œil avant de s’apercevoir qu’il débordait de lassitude, d’angoisse et de… jalousie ?

Elle attrapa son épaule et s’en aida pour se mettre debout. Johann vacilla et elle le lâcha aussitôt.

« Ca va ? demanda-t-elle, paniquée.

- Ca va, ne t’inquiètes pas.

- Monsieur joue les gros durs. Je vais l’aider, ne t’inquiètes pas, Lily. Tu peux marcher seule ?

- Oui, oui… »

Wylian rejoignit Johann et passa un bras sous ses aisselles puis ils commencèrent une avancée pénible jusqu’à la première habitation dans laquelle ils entrèrent sans ménagement. Wylian alla déposer Johann dans un canapé empestant le renfermé dont la poussière déposée au fil des années vola en tous sens, les étouffant. Ils toussèrent à leur en arracher la gorge avant de se regarder tous trois, surpris. Un même éclat de rire les prit, hystérique, qui dura un long moment.

Lily le trouva démesuré et sans aucun sens. C’était du n’importe quoi ! Ils avaient failli se faire tuer, avec Johann, et voilà que maintenant un peu de poussière avait été sur le point de les asphyxier ! Non, mais vraiment !

Enfin se calmant petit à petit, Lily et Wylian trouvèrent de quoi s’installer autour de Johann. Lily se cala sur le fauteuil, déposant la tête de Johann sur ses cuisses, et Wylian en prit un plus petit que celui de ses deux amis, troué, qu’il approcha du leur.

« Vous avez eu de la chance que je vous trouve…, commença Wylian avec un petit sourire.

- Oh, ça va ! répondit Johann, mi-amusé, mi-boudeur. Tu arrives toujours à la dernière minute, toi !

- Tu nous as vraiment sauvé, coupa Lily en soupirant et en passant une main sur son ventre. Je ne t’en serai jamais assez reconnaissante.

- Prends bien soin d’eux, c’est tout…

- Mais vous allez me dire de quoi vous parlez à la fin ?! » explosa Johann, se prenant la tête entre les mains. Il devait avoir atteint les limites du tolérable, d’après Lily, et elle trouvait que le moment était le meilleur qu’ils aient eu depuis le début de tout ce à quoi ils avaient dû faire face. Prenant l’une des mains de Johann, elle la déposa sur son ventre avec satisfaction.

« Il l’a à peine touché, Wylian les a sauvés… Ces petits êtres qui grandissent dans mon ventre… », dit-elle avant de rougir. Le corps de Johann se raidit et il se redressa sur son séant avec une légère grimace. Il fixa le visage de Lily avant de le porter sur le ventre de celle-ci puis de remonter à son visage.

« Tu ne veux pas dire que… Enfin…

- Si.

- Tu es enceinte ?!

- Depuis plus de deux mois, à présent.

- Et tu ne me le dis que maintenant ?!

- Je ne l’ai appris que la veille de toute cette histoire… J’avais l’intention de te le dire au soir et… »

Il paraissait furieux, mais Lily sentit au fond d’elle à quel point il se sentait perdu. Il était le possesseur d’un tel amas d’émotions à l’instant : la peur de ne pas être à la hauteur, la joie, la surprise, l’incompréhension… Puis, d’un coup, le discernement !

« C’est pour ça… C’était pour ça que tu ne mangeais plus le matin ! Les nausées matinales… j’aurais dû y penser… Mon dieu ! Wylian, je vais être papa ! »

Il donnait l’impression de ne jamais avoir été blessé. Empoignant le cou de Lily, il l’embrassa avec fougue, véritablement fou de joie.

« Je vais être papa, c’est incroyable ! Comment c’est possible ! Mais attends ! Tu as dit « des êtres »… ils sont plusieurs ?

- On ne sait pas combien, mais ils sont au moins deux. C’est le docteur Hiver qui me l’a dit.

- Le docteur Hiver ? Ce vieux fou génial ? Laura t’a emmené le voir ? Elle a bien choisi le personnage ! »

Il avait le sourire aux lèvres, s’esclaffant. Lily jeta un coup d’œil à Wylian qui fixait Johann avec un doux sourire, ravi, heureux, malgré une petite ombre dans ses yeux

 Il n’était d’un seul coup plus question de vampires à leurs trousses, de traîtres en voulant à leur vie, de rebelles à leur recherche… On parlait là de nouvelles vies qui se créaient, se trouvant dans son ventre, grandissant, se formant. Lily sourit et regarda son ventre toujours plat avec ravissement. Ils étaient toujours là, et elle espérait qu’ils étaient sains et saufs malgré toutes les péripéties qu’elle leur faisait endurer…

« Ah, Lily ! Laura m’a demandé de t’apporter ça ; ce sont des compléments alimentaires qui aideront ta grossesse. Elle se doutait que vous n’alliez pas manger équilibré, ici…

- Merci, répondit Lily en étirant son bras pour récupérer de petites pilules qu’elle avala aussi sec.

- Elles sont pour les quelques jours que vous avez déjà passé ici. J’espère que je ne mettrai pas trop de temps à retrouver les autres abrutis avant que l’on ne redescende sous terre.

- Ils étaient cinq, le jour de notre fuite. Un à l’E3…

- Neutralisé.

- Les deux de tout à l’heure…

- Neutralisés.

- Donc il en reste encore deux. J’en ai amoché deux le premier jour, mais je ne les ai pas tué, j’étais trop pressé…

- Je comprends, t’inquiète ! Laisse-moi faire, tu me connais.

- Tu as toute ma confiance… Mais franchement, je me sens nul de rester ici, pendant que tu te glisses dans la ville.

- Je ne serais pas loin. Ils vont suivre l’odeur de Lily ; je les cueillerai autour de la maison sans problème. En attendant, reposez-vous. »

Johann hocha la tête et se recoucha sur le fauteuil, collant sa tête entre les cuisses de Lily et son ventre. Fermant les yeux, il sourit légèrement. Il paraissait se sentir en sécurité mais Lily n’avait pas le même sentiment. Wylian paraissait être un très bon vampire, un fort combattant… Mais rien que de penser à la raison qui attirerait les autres vampires à eux, cela l’effrayait ! C’était son odeur qu’ils suivaient, c’était elle qui leur servait de point de ralliement…

« Lily ? » demanda Johann en levant une main tremblante d’effort vers son visage. La jeune femme sursauta légèrement et la lui prit.

« Oui ?

- Tu dois être fatiguée, il faut que tu te reposes. Je ne voudrais pas qu’il t’arrive quoi que ce soit, ou même aux bébés. »

Le mot fit battre le cœur de Lily avec rapidité et elle serra fort la main de son amant contre sa poitrine.

« Ne t’en fais pas, Wylian est un expert de ce genre de situation, fais-lui confiance.

- J’ai confiance en lui ! Mais penser que je suis celle qui attirera ces vampires… »

Un nouveau tremblement la prit et Johann se releva avec difficulté, prit de soubresauts incontrôlables. Il vint se coller contre elle, l’entourant de ses bras avec difficulté.

« Ne t’inquiète pas, bientôt tout sera fini. Ne pense qu’à te reposer. D’accord ? »

Lily hocha la tête en soupirant de lassitude. Il était vrai qu’elle était épuisée, mais on était en pleine journée et elle ne parvenait pas à se calmer assez pour laisser le sommeil l’envahir.

Johann vint coller son front contre le sien et laissa ses sentiments se mêler aux siens. Il partagea avec elle sa fatigue, sa confiance. Il se sentait bien et lui remplit l’esprit de sa tranquillité. La mortelle se laissa envahir et en quelques minutes, elle s’endormit…

Rêvait-elle ? Elle avait l’impression de flotter… Ses pieds ne touchaient pas le sol et elle se sentait envelopper d’une douce chaleur. Gémissant et serrant ses mains tout contre son ventre, au chaud, Lily cligna des yeux plusieurs fois. Il faisait sombre.

« La Belle au Bois Dormant se réveille, Johann.

- Ne la fais pas tomber où je t’étripe Wyl’ ! »

Un léger rire répondit à cette menace. Lily cligna une nouvelle fois des yeux avant de regarder autour d’elle : ils étaient à nouveau sous terre, privés du soleil et de sa lumière, du vent chaud de la fin de l’été, de l’odeur de l’herbe fraîche qui s’étendait sur les sols…

Lily prit ainsi conscience qu’on la portait et leva les yeux vers celui qui l’avait prise dans ses bras ; à la vue du regard amusé de Wylian, elle rougit. Personne, excepté Johann, ne l’avait porté ainsi. Elle se sentit gênée et s’éclaircit la gorge.

« Je peux marcher, c’est bon… »

Wylian fit à nouveau retentir son rire joyeux et la déposa par terre avec douceur. Lily le remercia avec un sourire avant de demander :

« Où est-ce qu’on est ? Et où va-t-on ?

- Nous ne sommes pas loin d’Europa. Laura va bientôt arriver pour qu’on puisse aller plus vite. Il faut te ramener à ton père, il se fait un sang d’encre depuis l’annonce de ta disparition ! » lui répondit le Démon rouge.

Lily imaginait très bien son père, faisant les cent pas, terrifié de la perdre. Penser à lui fit battre son cœur ; elle allait le revoir, ce père chérit entre tous ! Et puis elle n’en avait qu’un au monde.

Ils continuèrent leur avancé dans le sombre tunnel où ils se trouvaient, Wylian ayant pris soin d’aider Johann qui semblait avoir du mal à se déplacer. C’était un des nombreux chemins vide de toute vie qui conduisait à Europa, sa ville natale où siégeait la plupart des institutions européennes. Il n’était traversé que par des convois de ravitaillement, et cela arrivait rarement ; Europa se suffisait à elle-même. Des plantations, sous le soleil, avaient été purifiées pour permettre de cultiver les aliments qui les faisaient vivre. Du moins était-ce ce qu’on avait bien voulu leur dire et ce qu’elle avait crû jusqu’à maintenant.

« On n’a encore croisé aucun véhicule et ça fait un petit moment qu’on arpente ce tunnel… Laura n’est plus très loin, elle devrait arriver dans quelques minutes, continuons. »

Wylian avait eu ce regard lointain que devait montrer Johann quand il la cherchait par la pensée. Lily s’amusa de ce portrait et imagina le blond faire de même. L’image la fit rire, improbable. Elle refusa de partager son fou rire avec ses deux compagnons qui la poussèrent aux aveux, armés de maints procédés : les blagues, la persuasion par les sentiments, puis les menaces et enfin Johann tenta de pénétrer ses sentiments de force ce que Lily rejeta avec amusement. Il n’y allait pas sans cajolerie, mais elle était bien décidée à les faire mariner !

Laura apparût alors sans prévenir, la sauvant de son drôle de supplice. Elle sembla accélérer sa foulée pour les atteindre rapidement.

« Johann ! Lily ! », cria-t-elle quand ils s’entraperçurent au même instant. Elle fonça sans ménagement vers son frère pour le regarder sous toutes les coutures.

« Mon Dieu, tu es plein de sang ! Tu vas bien ? Tu n’as rien de cassé ?

- Non, Laura, tout va bien…

- Tu es sûr ? Tu as l’air bien faible !

- Ne t’inquiètes pas, grande sœur, je vais survivre !

- Il y a intérêt ! Il y en a qui vont avoir besoin de toi, à présent ! » s’exclama-t-elle, rassurée. Puis elle se tourna vers Lily et lui fit subir le même traitement.

« Tu vas bien ? Et… les bébés aussi ?

- Oui, Laura, tout le monde va bien », répondit Lily avec assurance en souriant à la vampiresse. Son air soucieux lui faisait chaud au cœur, et la Princesse n’avait rien perdue de son tempérament de feu. Elle avait l’impression de la retrouver après des années de séparation, ce sentiment était étrange.

Ils s’organisèrent rapidement et Laura fût en charge de Lily, tandis que Wylian attrapait Johann et le posait sans ménagement sur épaule.

« Merci de ta considération ! lui reprocha le vampire malmené.

- Tu m’excuses, mais comme tu n’as aucune blessure aux côtes excepté de jolis bleus, ce sera plus simple de te transporter comme ça. On avisera à l’entrée de la ville. »

Johann grommela en réponse. Ils repartirent rapidement et une quarantaine de minutes s’écoulèrent avant qu’ils ne parviennent aux portes d’Europa. Là, Wylian changea la position de Johann et, un bras sous son aisselle, il fit du mieux qu’il pouvait pour porter le Prince de manière plus noble.

« Tout ce que je ne ferais pas pour le frère de ma future femme ! » lui lança le Démon rouge avec amusement.

Lily et Laura rirent en réponse, continuant leur avancée sans problème. La vampiresse avait pris la mortelle comme Wylian l’avait porté auparavant, ne contraignant ainsi son ventre à aucune pression.

Les premières rues apparurent puis un amas de personnes se dévoila à leur vue. Les premiers flashs surprirent Lily qui cligna des yeux, aveuglée.

« Oh non, ils sont déjà là ! s’exclama Wylian d’un air sombre

- Il fallait bien annoncer que Johann et sa femme étaient vivants ! Le ministre Favri s’en est chargé quand je suis partie à votre rencontre. On a fait du mieux qu’on pouvait ! rétorqua Laura.

- Vous n’auriez pas pu attendre un peu ? »

Personne ne répondit à Wylian qui lâcha un long soupir remplit de sous-entendus.

Quand ils furent tout près des gens rassemblés pour les accueillir, les deux vampires sautèrent par-dessus tout ce petit monde d’un commun accord. Ils se réceptionnèrent plus loin, échappant au brouhaha incompréhensible qui se trouvait à présent derrière eux. On entendit des cris, on vit de nouveau flashs puis plus rien ; ils s’étaient cachés dans une rue annexe pour continuer leur chemin.

« Ce qu’ils peuvent être chiants, ces journalistes ! maugréa Laura.

- Tiens, cette expression me rappelle quelqu’un, répondit Johann en fixant Lily d’un regard profond alors que Wylian dépassait sa petite amie pour à nouveau prendre la tête.

« Il veut dire quoi par là, ce vampire qui me sert accessoirement de frère ? demanda Laura, intéressée.

- Que la seconde fois qu’on s’est rencontré, je lui ai dis qu’il était chiant ! répondit Lily, amusée.

- Vraiment ? Génial ! Tu avais raison, il faut leur parler comme ça aux hommes !

- Quoi ?! » s’exclamèrent les deux concernés alors que le Démon rouge ralentissait sa course pour se retrouver aux côtés des femmes.

Les deux amies éclatèrent de rire sans retenue. Que c’était bon de se laisser ainsi aller ! Lily se sentait si légère, calme, en sécurité et enfin de retour chez elle.

Ils se lancèrent des amitiés durant la fin de leur trajet, s’invectivant, se réconciliant, puis recommençant. L’hôpital Saint Gabriel apparût à leur vue et là aussi des journalistes les attendaient. Cette fois-ci, au grand dam des quatre amis, impossible de leur échapper.

Ils se posèrent au plus près de l’entrée et, avant même que les journalistes ne les approchent, les médecins les tirèrent à l’intérieur et couchaient Johann et Lily dans deux brancards.

« Vous me faites tous les examens possibles et imaginables ! attaqua une voix qu’ils reconnurent tous. Et faites attention à la femme : elle est enceinte ! Allez, allez, hop, hop, hop ! On se dépêche ! N’oubliez rien, surtout.

- Docteur Hiver ! » s’exclamèrent-ils tous en même temps. A peine eurent-ils le temps de se regarder chacun avec amusement qu’on tirait les brancards alors que le docteur s’avançait vers Laura et Wylian pour les inviter à le suivre.

Lily jeta un regard à ses brancardiers, légèrement gênée, avant qu’une infirmière ne prenne sa main, un sourire doux aux lèvres.

« Ne vous inquiétez pas. On va vous faire un IRM, une échographie et quelques prises de sang. Rien de plus.

- Je n’ai rien, je vous assure. Simplement l’échographie me suffira, pour me rassurer.

- On ne peut aller contre les ordres du médecin, je suis désolée. Et le docteur Hiver est particulièrement sévère ! », répondit l’infirmière en souriant, compréhensive. Lily finit par soupirer et se laissa porter.

L’IRM fût le plus long à supporter. Elle devait se tenir immobile dans cette cuve peu rassurante, et le bruit sourd, par à-coup, qu’elle produisait ne la rassurait pas. Elle crût devenir claustrophobe, avant que la voix de l’infirmière ne retentisse dans la salle, la rassurant : cette impression était tout à fait normale.

Puis ce fût le tour de l’échographie qui ne révéla aucun problème. On tenta à nouveau de discerner le nombre de bébés qui se trouvaient dans son ventre mais, tous si serrés les uns sur les autres, on fut incapable d’en donner le nombre. Tant pis ! Tant qu’ils étaient en bonne santé…

Enfin ce fût le tour des prises de sang et, malgré son aversion des aiguilles qui absorbaient son sang et la rendaient malade, tout se passa au mieux.

Enfin rassurée et laissée tranquille dans une des chambres où on lui intima un repos forcé jusqu’au lendemain, Lily soupira d’aise mais pas le moins du monde fatiguée.

Quelques minutes plus tard, alors que Lily venait d’allumer le poste de télévision de sa chambre, quelqu’un ouvrit violemment la porte pour se précipiter vers elle.

« Lily !

- Papa ! »

Il l’agrippa, la serrant fort dans ses bras, avant de s’écarter pour lui embrasser le front.

« Oh ma chérie, quelle peur j’ai eue ! Mon dieu ! Ca a pris des jours, je devenais fou !

- Ne t’inquiètes pas, tout va bien maintenant… Je vais bien…

- Je suis si rassuré… Mon Dieu, tu ne peux pas savoir les journées atroces que j’ai passées ! Quand la Princesse Laura est venue m’annoncer en trombe que vous étiez de retour, j’ai dû faire une conférence et ça a été… horrible ! Je ne pensais plus qu’à te revoir ! »

Il la serra de nouveau dans ses bras puis s’écarta et approcha la seule chaise qui trônait près du lit. Il lui prit la main, le sourire aux lèvres, la fixant de ses yeux brillants. Aucune larme ne tomba mais Lily les voyait perler au bord de ses prunelles.

« J’ai croisé la Princesse Laura et Monsieur Wylian en entrant. Ils m’ont dit de ne pas y aller trop fort avec toi… Tu es blessée ? »

Lily rougit instantanément, se raclant la gorge.

« Eh bien… »

Mais elle n’eut pas le temps de continuer qu’on frappait à sa porte. Le Docteur Hiver apparût alors, un dossier à la main qu’il lui tendit avec un sourire de conspirateur.

« C’est un cadeau. Johann se trouve dans la chambre d’à côté, si vous voulez le rejoindre. Bonne nuit. »

Puis il quitta aussitôt la pièce. Lily fixa la porte, consternée. Ce médecin !

Son regard tomba sur le dossier qu’il avait posé sur ses jambes. Elle tendit la main vers lui et l’ouvrit. En gros, sur le haut d’une feuille, était inscrit « ECHOGRAPHIE ». La jeune femme vira au cramoisie en levant son regard vers son père. Il la questionnait du regard, interdit.

« Ils t’ont fait une écho ? Pourquoi ? Tu n’as rien de grave ? »

La jeune femme ne se sentit pas la force de répondre et tourna la première page du dossier, révélant les images floues qui étaient censés évoquer la vie. Elle émit un petit rire puis tenta, d’une voix tremblante :

« Tu vois, ça c’est mon ventre… et… et à l’intérieur, il y a ça…

- Ca ne m’avance pas beaucoup, ma chérie.

- Bon… En fait… Je suis enceinte, papa. »

Il la fixa un instant, concentré, avant de se relever d’un geste sec, abasourdi.

« Quoi ?

- Je suis enceinte.

- Mais… Mais… Oh ma chérie, n’est-ce pas un peu trop tôt ? Tu viens à peine d’entrer à l’E3 ! »

Lily s’était imaginé toutes sortes de scénarios quand elle avait pensé parler à son père de sa grossesse. Il y avait eu des scènes fantastiques où il la congratulait, l’embrassait, ravi. Puis il y en avait eu d’autres où il refusait tout net cet état des choses, froid. A quel scénario appartenait la scène qui allait se jouer à ce moment ?

« Chaque chose en son temps, papa. Je me sens prête à prendre tout ça en charge. Je suis sûre que je peux parvenir à réussir mes études, mon futur professionnel et à prendre soin de mes enfants.

- Tu es trop naïve, ma fille… Comment ça « des bébés » ?

- Ils sont plusieurs, rit Lily, ravie. On ne sait pas encore combien, mais ils sont plusieurs ! »

Malgré lui, le ministre Favri sourit, couvant sa fille du regard.

« Tu veux les garder ?

- Il serait trop tard pour l’avortement. Et ces enfants sont le fruit de notre amour, à Johann et moi. Comment pourrais-je leur faire le moindre mal ? Comprends-moi, je ne les ai pas protégés ces derniers jours pour les perdre maintenant !

- Oh ma fille, raconte-moi donc ce qui t’es arrivée, d’accord ? »

Lily s’approcha du bord de son lit et vint se lover contre le corps chaud de son père qui l’enveloppa de sa tendresse paternelle. Elle commença son récit doucement, buttant sur les premiers mots. Puis les phrases s’allongèrent et elle se replongea dans ce cauchemar lointain auquel elle avait enfin échappé. Elle se refusa à parler des révélations que Johann lui avait faites, concernant l’humanité toute entière, ni sur leurs disputes de couple et se concentra sur ses sentiments de peur, de terreur et de désespoir, les rencontres avec les vampires rebelles, les combats. Puis elle expliqua le soulagement qu’elle avait ressenti à certains moments de ne pas se savoir seule à affronter tout cela.

Et son histoire dura, même alors que Johann les eut rejoint en silence, avec un simple hochement de tête en guise de salutation.

***

Lily ouvrit les yeux avec lenteur, repue de sommeil malgré ses cauchemars incessants qui la faisaient suer. Elle se releva sur son séant, distinguant sa chambre dans la pénombre. Elle eut tout d’abord du mal à la reconnaître, puis se souvint que cela faisait cinq jours qu’elle avait emménagé dans l’appartement de fonction de son père, après sa sortie de l’hôpital. Cinq jours qu’elle n’avait pas vu Johann, remit lui aussi. Il avait fait plusieurs conférences pour montrer à tous qu’il était bien de retour, en parfaite santé. Il avait dû aussi s’excuser auprès de la population du monde entier de la supercherie qui avait eu lieu concernant sa soeur et en expliqua les motifs. Il rassura en garantissant que les vampires rebelles avaient été soit tués pour sa protection, soit enfermés en attendant leur jugement. On lui avait posé des questions sur « sa femme » et il avait déclaré qu’elle se reposait, cachant sa grossesse.

Tout était allé particulièrement vite, et ils ne s’étaient même pas croisés. Demain elle reprendrait ses études, avec l’aide de Lucile qui était venue lui apporter les cours qu’elle avait manqués. Elle avait repris les leçons, et s’était abruti le cerveau de tout ce qu’il y avait à apprendre. Cela lui avait fait un bien fou, d’ailleurs. Elle s’était ainsi assurée qu’elle avait bien retrouvé ses repères, son monde.

« Lily, tu es debout ? »

La jeune femme tourna son regard vers le chambranle de la porte pour apercevoir son père, habillé de pied en cape.

« Tu sors ?

- Oui, j’ai un meeting. Je reviens dans la soirée. Repose-toi bien pour être prête à retourner en cours demain !

- Oui, papa, ne t’inquiètes pas ! Bonne journée !

- Bonne journée à toi aussi, ma chérie. A ce soir ! »

Il repartit après un geste de la main et Lily entendit la porte se fermer, frémissant. Elle secoua la tête et s’obligea à se lever. Aussitôt, elle alla dans le salon et alluma la radio, montant le son. Etre seule lui faisait peur, depuis qu’elle était rentrée. Elle avait été retrouvée Johann, la seule nuit qu’elle avait passé à l’hôpital. Puis, éconduite par une infirmière, elle avait été obligé de retourner dans son lit, seule ; Johann ne s’était même pas réveillé. A nouveau seule dans cette chambre sentant l’antiseptique à plein nez, elle s’était roulée en boule et avait cauchemardé le peu de temps où ses yeux s’étaient fermés. Elle n’en avait pas parlé ; elle avait trop peur qu’on se moque d’elle, même gentiment. Il fallait qu’elle grandisse, qu’elle se débrouille seule, un peu.

Quand la musique emplit enfin l’appartement, cela la rassura et elle prit ses affaires avant d’aller se doucher. L’eau chaude la détendit un peu et elle en sortit plus réveillée et confiante.

Elle se prépara un coin de table pour travailler et se fit une tasse de thé. Le verre passait, le matin, et c’était bien le seul. S’attablant devant les dernières leçons que Lucile lui avait apportées, elle commença sa lecture, un crayon à la main. Elle passa deux bonnes heures sur un sujet particulièrement intéressant mettant en avant divers pays qui entraînaient des attitudes différentes de la part des mortels, face aux vampires. Elle apprit ainsi qu’un arabe faisait un signe de croix en reconnaissance d’un vampire, alors qu’en Europe, le signe de croix faisait partie d’une croyance anti vampire. Le russe, lui, n’accepterait jamais de parler à un simple entremetteur et elle pensa être souvent amené à avoir à faire à eux ; ils vénéraient les vampires et ne parlaient d’eux qu’en leur présence, si des décisions importantes étaient à prendre. Par contre, les australiens avaient une vue bien différente des vampires ; peureux en face de ces êtres, ils avaient besoin d’un entremetteur conciliant et patient qui leur montrerait dans ses décisions et ses remarques le confort et la protection que cela pourrait leur apporter.

S’étirant, Lily se releva de sa chaise, se frottant les yeux. Jetant un coup d’œil à l’horloge qui lui faisait auparavant dos, elle nota midi passé. Passant du coin salon à celui cuisine qui n’étaient séparés que par un changement de sol, le carrelage remplaçant le parquais, elle alla ouvrir le frigo pour y choisir son repas. A cet instant, la sonnette d’entrée retentit.

« J’arrive », cria-t-elle en réponse. Elle n’avait pas peur de la personne qui pouvait se trouver de l’autre côté de la cloison ; le bâtiment était sécurisé. Ce n’était pas un appartement de fonction ministériel pour rien, après tout. Et l’œillet lui permettait de voir la personne qui se trouvait devant chez elle.

Après avoir baissé le son de la radio, elle se dirigea vers la porte. Vérifiant l’identité du visiteur et tournant ensuite la clé, elle ouvrit la porte, surprise. Wylian apparût, un plat entre ses bras.

« Bonjour, Princesse ! lui dit-il avant de lui embrasser les joues.

- Wylian ! Mais qu’est-ce que tu fais là ?

- Si t’es pas contente de me voir, je peux tout aussi bien repartir et manger ce gratin dauphinois tout seul, tu sais ! répondit le vampire en mimant de faire demi tour.

- Qu’est-ce que tu racontes ! Ca me fait vraiment plaisir de te voir ! »

Et Lily l’empoigna pour le tirer dans l’appartement, fermant la porte. Tout plutôt que d’être seule ! Elle était soulagée que quelqu’un lui tienne compagnie, et Wylian était tout à fait le bienvenu, c’était sans dire.

Il posa le gratin dans la cuisine et le découvrit de son aluminium. L’odeur qu’il dégageait amena l’eau à la bouche de la jeune femme. Ils s’attablèrent avec animation et bonne humeur.

« En fait, je suis surtout venu m’excuser de la part de Johann. Il est vraiment très pris en ce moment, avec Laura, commença Wylian tout en engouffrant son repas. Ils doivent organiser un truc super important mais je n’en sais pas plus. »

Lily pensa aussitôt à ce que Johann lui avait dit : allaient-ils bientôt tous retrouver la lumière du soleil ?

« Et toi, ça va ? lui demanda Wylian, la sortant aussitôt de ses pensées

- Oui, je vais bien, aucun souci !

- Ce n’est pas l’avis de ton père ! Il paraît que tu fais des cauchemars presque toutes les nuits ! »

Lily rougit, gênée. Mais qu’avait-il été raconté, ce papa stupide ? C’était déjà bien assez qu’il l’ait réveillé la première nuit et qu’elle ait éclaté en sanglot dans ses bras !

« Ce n’est… rien…

- Ce n’est pas rien, Lily ! Les cauchemars répétitifs ont souvent une cause réelle. De quoi as-tu peur ? »

Monsieur était perspicace, la mortelle devait bien l’admettre. Mais avouer ses angoisses lui était difficile, et il s’écoula un long moment avant qu’elle ne puisse répondre :

« C’est juste… Je rêve que ce vampire me frappe réellement au ventre et qu’il tue mes bébés… C’est si stupide, mais…

- Mais naturel, jeune fille. Ca passera avec le temps. Je te sens angoissée, aussi. Tu n’es pas comme d’habitude.

- Wylian, après ce qui est arrivé, c’est normal ! » se défendit Lily avec difficulté. Qu’il ait à nouveau touché juste la rendait nerveuse. Elle se sentait aussi perdue qu’une enfant.

« Pour te dire la vérité, que tu sois angoissée, c’est de Johann que je le tiens. Mais te voir aussi agitée ne fait que renforcer cette idée. Qu’est-ce qu’il y a ?

- C’est… J’ai juste… peur d’être seule. Je me sens complètement terrorisée à l’idée de me retrouver seule !

- Bon, termine ton repas, ma petite mortelle, et ensuite on sort ! »

Lily s’étonna de sa soudaine proposition, mais il resta sourd à ses questions quant à leur destination. Apparemment ravi de son idée, il garda un sourire mystérieux au visage jusqu’à ce qu’ils terminent de manger. Rangeant la cuisine puis se préparant, la jeune femme tenta vainement de lui soutirer des informations mais Wylian n’était pas assez naïf pour se laisser prendre à son jeu.

Ils sortirent de l’appartement en quelques minutes sous les regards concentrés des hommes chargés de la surveillance. Quand l’un d’eux fit mine de les suivre, Wylian se tourna vers lui.

« Je suppose que je n’ai plus besoin de me présenter à présent, non ? Je vous demanderai donc de me laisser le soin de m’occuper de la fille du Ministre Favri à partir de maintenant. Puis-je avoir votre accord ?

- Monsieur le Ministre a expressément demandé à ce que sa fille ne sorte pas seule…

- Je ne suis pas seule, rétorqua Lily.

- Comme elle le dit elle-même, reprit Wylian, calmement, elle n’est pas seule. Et je ne la quitterai pas d’une semelle. Monsieur le Ministre sait qu’il peut avoir confiance en moi. Je la ramènerai avant la nuit. »

Il se détourna et prit la main de Lily qu’il tira à sa suite. Les portes de l’appartement s’ouvrirent mais personne ne les suivit au-dehors. Tous deux rassurés, ils se sourirent puis Wylian prit Lily dans ses bras et sauta.

« Mais tout le monde s’amuse à me porter comme une Princesse, maintenant ! s’amusa la jeune femme.

- On prend grand soin des petits princes ou des petites princesses qui sont dans ton ventre ! Ainsi que de la future femme du Représentant, n’est-ce pas ? »

Lily grogna pour la forme, amusée. Elle aimait sauter avec Wylian ; il avait une tendance à griser ses passagers avec sa puissance et sa précision. Son cœur montait et descendait dans son corps et elle aimait cette sensation de montagnes russes. Puis les sauts se calmèrent et Wylian ralentit ses gestes.

« Je voulais te faire plaisir, mais maintenant il faut faire attention aux enfants, et je doute que ce soit bon pour eux, non ?

- … Tu n’as peut-être pas tort. Ah, les joies de la grossesse ! Je ne pensais pas les connaître aussi rapidement, en fait.

- Tu as été surprise ?

- Très ! Le soir où j’ai eu un doute, j’ai appelé Laura et elle a très bien pris soin de moi. Mais je doutais alors vraiment d’être enceinte. Quand le test de grossesse s’est révélé positif, j’ai nagé entre la joie et la peur. Puis j’ai été vraiment ravie !

- J’en suis heureux. Tu as vu la tête qu’a faite Johann quand tu le lui as appris ? »

Ils éclatèrent de rire, se remémorant l’euphorie dans laquelle était entré Johann. On avait dit à Lily qu’il serait heureux, mais elle n’avait pas pensé que ce serait à ce point-là.

L’énorme bâtiment politique des vampires apparût devant eux et leur conversation se stoppa quelques instants. La grande bâtisse avait de quoi en imposer. Large, en forme de rond dont le centre était ouvert à l’extérieur, elle alignait des rangées de fenêtre et de béton. L’éclairage était minimum mais on pouvait apercevoir des personnes circulant au travers des vitres, dans la cour ou bien devant l’immeuble. D’après le nombre de lignes de fenêtres, cinq au total, Lily en déduisit qu’il y avait aussi cinq étages.

Wylian atterrit tout en douceur devant la porte à larges battants. Deux vampires tenaient la garde devant et les leur ouvrit avec une profonde révérence en faveur de l’informateur. Lily se sentit étrangère à cette marque et très surprise. Elle savait Wyl’ en possession d’un grand pouvoir parmi ses semblables, mais elle n’y avait jamais été vraiment confrontée.

« Tu as vu comme ils forcent la révérence pour toi, Princesse ? lui chuchota le vampire rouge, avec amusement.

- De quoi ? » s’étrangla Lily. Comment ça « pour elle » ? Ils le saluaient lui !

« Tu ne croyais tout de même pas que tu étais passée inaperçue chez les vampires ! Tu es la petite amie de Johann, et tout le monde sait qu’il est tombé amoureux de toi, que vous êtes voués à vivre ensemble tout au long de votre vie. De plus, il a avoué à tout le monde qu’il t’avait protégée au dépend de sa propre vie. Ce simple fait te place haut dans le cœur des vampires. Il va falloir t’y faire. »

Ils entrèrent dans le hall, l’un à côté de l’autre. Wylian prit la main de Lily, de peur de la perdre, et l’entraîna vers une porte sur la droite de l’accueil, gardée par deux nouveaux vampires. Ils les saluèrent sans un mot et leur ouvrirent la porte, donnant dans un large couloir ondulé. Ils le suivirent, narguant les quelques portes qui s’enfonçaient dans le rond particulier du bâtiment. Enfin, une nouvelle entrée apparût au fond du couloir. A deux battants, la porte de vernis noir aux poignées en or imposait le silence. Quatre vampires, cette fois, en gardaient l’entrée. Ils les saluèrent dans un silence complet.

« Ca fait combien de temps qu’ils sont là-dedans ?

- Au moins cinq heures, Wylian. Ils n’ont d’ailleurs pas manger : ils ne veulent pas être dérangés.

- Ah, c’est bien bête ça ! Lily, montre à Johann que tu n’es pas loin.

- Quoi ?!

- Mais oui, fais en sorte qu’il se rende compte de ta présence », reprit le Démon rouge, l’air impatient mais ravi.

Ainsi, Johann était derrière cette porte, c’était ça le secret que gardait farouchement son ami depuis le déjeuner. Soit, elle n’allait pas refuser sa requête ; elle mourrait d’envie de retrouver Johann, sa chaleur, son odeur, sa simple présence…

Enivrée par ses propres sentiments, elle ne se rendit pas compte à quel point ils étaient perceptibles. Puis un bruit sec se fit entendre à la porte et elle s’ouvrit à la volée.

« Lily ?! » s’exclama une voix bien connue et désirée. L’interpellée ouvrit de grands yeux en l’apercevant juste en face d’elle. Il eut un sourire lumineux et se précipita vers elle pour la prendre dans ses bras, la soulevant et tournoyant avec un visage extatique.

« Lily ! Je suis tellement content de te voir ! »

La jeune femme rit et se laissa embrasser malgré les regards extérieurs. Il était là, tout près d’elle, la serrant avec force contre lui. Puis il la déposa au sol et l’entraîna dans la salle qu’il venait de quitter.

« Wylian, je te remercie infiniment de ce cadeau ! Laura est rentrée depuis presque une heure. A plus tard ! »

Et il referma la porte au nez du Démon rouge.

« Johann, ce n’est pas sym… »

Mais Lily n’eut pas le temps de terminer sa phrase. Johann captura ses lèvres en un baiser long et dévastateur. Quand leurs bouches se séparèrent, il alla nicher sa tête dans le creux de son cou, inspirant avec force l’odeur qui imprégnait la jeune femme.

Deux coups à la porte les séparèrent brutalement et la tête de Wylian apparût dans l’entrebâillement :

« Avant que j’oublie, Laura m’avait fait part d’un message à votre intention : il paraît qu’il n’y a aucune contrindication pour vous sauter comme des bêtes, pour le moment. A plus tard ! »

Il referma aussitôt la porte alors que son rire victorieux passait encore au travers de l’obstacle en vernis noir. Lily était rouge de honte devant cette phrase des plus suggestives – si l’on pouvait encore appeler ça une suggestion – et Johann l’enlaça avec tendresse, glissant ses mains jusque sur ses fesses, ajoutant à sa confusion.

« Aucune contrindication, c’est ça ? », lui chuchota-t-il à l’oreille. Un frémissement s’empara de Lily à l’écoute de cette voix basse et charmeuse. Depuis combien de temps n’avait-elle pas passé la nuit avec le vampire ? Il n’allait en tout cas pas attendre le soir, cette fois-ci !

Allant caresser son dos, il la lâcha d’une main et elle entendit le cliquetis d’une clé dans une serrure ; il venait de fermer la porte et d’ainsi montrer qu’il ne voulait pas être dérangé, quoi qu’il se passe. C’était plus un sous-entendu qu’un véritable obstacle : n’importe quel vampire, s’il le voulait, pouvait l’ouvrir aussi facilement qu’il venait de la fermer. Mais il se garantissait alors une vie des plus terribles avec le futur Représentant à dos. Et l’éternité, estima Lily, c’était aussi affreusement long !

Elle alla glisser ses bras autour du cou du vampire et leur baiser reprit. Elle appuya plus encore sur la nuque de Johann pour approfondir ce baiser, mais ça n’était pas encore assez. Le blond se mit à avancer laborieusement et Lily suivit le mouvement en reculant, finissant par se coller contre un mur. Johann s’avança à nouveau pour aller se coller tout contre son corps. La jeune femme laissa échapper un gémissement de désir.

« Je n’avais… vraiment pas prévu… ça…, articula Johann entre ses baisers alors qu’il faisait monter les hauts de son amante pour enfin les lâcher au sol.

- Et qu’avais-tu… prévu ? lui demanda Lily en s’acharnant sur la chemise de son vis-à-vis.

- Que l’on s’assiérait… enlacés… qu’on discuterait…

- Ce n’est pas encore trop tard, mon amour.

- Oh si ! Vraiment… beaucoup trop tard ! »

Il venait de détacher son pantalon et le fit glisser sur ses jambes tout en les caressant. Lily déboutonna celui de Johann qui tomba directement au sol. Il donna de légers coups de pieds pour s’en débarrasser et revint se coller tout contre la jeune femme. Leur peau presque à nue s’effleurant les firent gémir. Lily avait envie de cet homme et commençait à s’impatienter. Puis elle croisa le regard du vampire et ne put plus s’échapper. La happant en lui, Johann lui fit découvrir le monstre de désir qui résidait au fond de sa conscience, brûlant tout sur son passage. Il tentait de faire un coup d’état aux sentiments les plus doux du vampire qui résistait encore à l’envahisseur. Lily gémit de frustration et, partageant son propre désir, fit disparaître le peu de conscience qui restait encore à son compagnon.

S’emparant l’un de l’autre, aussi bien physiquement que mentalement, ils s’efforcèrent d’éteindre le feu qui s’était emparé d’eux. Mais leur première montée au septième ciel ne suffit pas à les guérir de leurs envies, et il en fallut plusieurs avant qu’ils ne soient réellement satisfaits, allongés sur un pauvre divan ou sur le sol, jamais employés auparavant à ce genre de tâche.

***

« Donc, tu as décidé de mettre ton plan à exécution dans un mois, c’est ça ? Et tu n’avoueras jamais aux personnes du monde entier jusqu’à quel point ils ont été roulés ? Même pas aux vampires ?

- Non, ce serait trop risqué, après tous les sacrifices que l’on a tous consenti. Tu ne crois pas que serait trop cher payé ?

- … Je ne sais pas, je ne sais pas encore, Johann. »

Ils étaient assis sur un bout de la table immense étendue au milieu de la salle. Johann venait d’avouer à Lily qu’il allait bientôt mettre au courant des milliards de personnes que la Terre était à nouveau en bonne santé et ne demandait maintenant plus que des mains encourageantes pour lui rendre toute sa beauté. Lily se sentait encore rancunière envers les personnes qui avaient usé de leur pouvoir pour faire croire au monde entier que la Terre était polluée. Ils avaient tous le droit de savoir, tout comme elle l’avait appris à ses dépends.

« Réfléchis, mon amour. Tu as vu ta réaction lorsque je te l’ai dit ? Imagine si des millions, des milliards de personnes se voient confronter à cette tragique vérité… Il y aura des émeutes partout, des vampires tués, mais aussi des mortels. Les rebelles se multiplieront, les Tueurs de Vampires reparaîtront pour de bon et nous dans tout ça ? Nous serons morts, tués par ces hordes de gens en colère.

- Et il y aura de quoi être en colère, Johann !

- Oui, mais nous avons le pouvoir d’éviter une telle extrémité. Nous pouvons mentir et garantir la paix. Ne crois-tu pas que, pour la Terre, pour les mortels et pour les vampires, ce geste peut servir l’humanité ? »

Il n’avait pas tort, il avait même absolument raison. Mais Lily répugnait à l’admettre. On allait mentir au monde entier, c’était difficile à imaginer. Et elle faisait à présent partie de ce complot. Mon Dieu ! Qu’il était difficile de se lier à la politique, elle était heureuse de ne pas y être plus attachée que ce secret. Et Johann…

« Bien, changeons de sujet. Tu es libre après-demain ? En soirée ?

- Oui, pourquoi ?

- Je t’invite ! On passera la soirée ensemble, ça ne nous fera pas de mal. Je ne veux plus avoir à passer autant de temps loin de toi.

- Moi non plus, Johann. »

Leurs regards se croisèrent et, incapables de se résister, ils s’embrassèrent lentement. Puis Johann s’écarta et la fixa de ses yeux bleus, soupirant de frustration :

« Je suis désolé, mon amour, mais il va falloir que tu rentres. Je te ramène puis je reviens travailler. C’est la dure loi d’un Représentant.

- Je n’aime pas du tout cette loi !

- Il va falloir t’y habituer, mon cœur. Prête ? »

Lily hocha la tête, triste. Pourquoi ne pouvait-elle pas restée ici, avec lui ? Même si elle se faisait toute petite, ce n’était pas possible ? Comme une condamnée, elle se laissa entraînée par Johann au dehors de la salle puis du bâtiment. Il la prit délicatement dans ses bras et sauta. En quelques minutes, il la déposait devant son immeuble avec une mine sombre.

« Ca ira ?

- Hein ? Ah, oui, oui, ça ira, Johann…

- Lily ? »

La jeune femme l’empêcha de s’approcher de ses sentiments. Elle imaginait déjà l’appartement vide, craquant de son bois résistant, la faisant frémir de peur malgré la radio à son maximum. Etait-ce si difficile d’être seule ? Le serait-ce jusqu’à la fin de ses jours ? Elle pria que non.

« Lily ! » s’exclama Johann, la réveillant en sursaut. Elle trembla tant sa peur avait été forte à ce cri.

« Mon Dieu, mais tu es paniquée, qu’est-ce qu’il y a ? »

Honteuse de sa façon d’agir enfantine, de ses peurs si stupides, elle ne put empêcher des larmes de couler sur ses joues, les essuyant avec force mais sans succès. Elle finirait par ne plus avoir peur, elle y parviendrait avec le temps, elle en était sûre !

Les bras de Johann l’encerclèrent et elle se reposa sur lui avec reconnaissance. Quelques instants plus tard, alors que le silence s’éternisait, Lily se dégagea et s’avança vers l’entrée de l’immeuble.

« Merci, mais c’est bon, maintenant. Tu devrais retourner travailler, Johann.

- Tu es sûre ? Tu es complètement perdue et je n’aime pas ça du tout.

- Ne t’inquiètes pas pour moi, je vais bien, je t’assure ! A après-demain ?

- A après-demain, mon amour. S’il y a quoi que ce soit, tu sais quoi faire… »

Lily hocha la tête, lui sourit difficilement puis s’engagea dans le bâtiment d’où les gardes du corps avaient observé leur scène privée. La jeune femme, rougissant, les dépassa le regard baissé. Elle prit l’ascenseur, atteignit son appartement et s’y enferma avec un soupir tremblant. Elle attendait déjà avec impatience le retour de son père.

***

On était samedi. Le soir tant attendu où elle allait enfin pouvoir revoir Johann. Elle avait mis un temps fou à s’habiller jusqu’à ce que son père rentre, tôt pour la première fois depuis son retour. Il portait à la main son attaché-case et de l’autre un sac cartonné d’un magasin féminin, à n’en pas douter par la couleur rose. Le sac comportait une jolie robe à mettre le soir même. Un charmant cadeau de la part de son père que Lily accepta à sa juste valeur.

« Tu seras jolie comme un cœur, ma chérie », lui assura-t-il, son éternel sourire aux lèvres, ses yeux caramel la contemplant avec douceur. Elle avait planté un baiser sonore sur sa joue avant de courir à sa chambre pour l’essayer. Depuis qu’elle avait rencontré Johann, décidément, beaucoup de choses avaient changé, et la première était la relation qu’elle entretenait avec son père. Et sa garde-robe.

Souriant avec une certaine moquerie de sa personne, Lily enfila le vêtement avant de se contempler dans le miroir. La robe était particulièrement habillée, mais elle n’allait sûrement pas protester ; il avait l’air de savoir où exactement Johann allait l’emmener.

Devant son miroir en pied, Lily vérifiait son image. Son visage était maquillé, le blush donnait de la couleur à ses joues, ses yeux chocolat paraissaient plus grands, le mascara courbant ses cils courts mais nombreux et une couleur givrée, rose pâle, fonçait la couleur de ses yeux. Elle n’avait pas osé le rouge à lèvres ; l’envie d’embrasser Johann l’avait retenu. Elle aimait beaucoup les gloss, mais un baiser collant ne l’attirait guère. Tant pis ! Elle s’en passerait bien.

La robe rose pâle mettait en valeur ses yeux et son teint blanc. A bustier, elle lui enserrait la taille pour s’évaser jusqu’aux genoux, ses jambes nues terminées par une paire de chaussures blanche. C’était celles qu’elle avait utilisé lors de la cérémonie qui avait dévoilé la fausse Représentante, Laura.

Finissant par se trouver de nombreux défauts, Lily tourna le dos au miroir pour prendre son sac. La sonnette à la porte d’entrée retentit et elle empoigna rapidement l’objet de ses désirs avant de se précipiter à la porte. Johann eut tout juste le temps de saluer son père avant qu’elle ne l’attrape pour le serrer contre elle. Son odeur s’infiltra dans ses narines et elle sourit de contentement ; il sentait bon Lost, le dernier parfum de Giorgio Armani. Un soupçon de tension l’habitait, mais pas assez pour que la jeune femme n’en tienne compte

« D’accord, d’accord, soupira le ministre en agitant ses mains devant lui, allez-y, disparaissez tout de suite de ma vue ! Sortez d’ici ! »

Les deux jeunes s’amusèrent de cet élan comique et obéirent avec assiduité. S’engouffrant dans l’ascenseur de l’immeuble qui était resté sagement à leur étage, ils s’embrassèrent avec délectation.

« Tu m’as manqué…, ne put s’empêcher de lui murmurer Lily.

- Tu ne peux pas savoir à quel point toi tu m’as manqué ! Tu es si belle ce soir…

- Et les autres soirs ?

- Dans mes bras, tu es magnifique ! »

Le sous-entendu rosit les joues de Lily et ils rirent en sortant de l’immeuble. Sans laisser le temps à la jeune femme de réfléchir, Johann l’attrapa, une main sous ses genoux et l’autre dans son dos avant de sauter avec vitesse et précision.

Un petit cri échappa à Lily et elle s’accrocha au vampire. Ils traversèrent plusieurs rues, contournant rapidement les bâtiments tout en longueur, passant non loin de l’E3, bifurquant. Johann ne semblait même pas se fatiguer de la promenade malgré les forces qu’il y mettait. Ses jambes suivaient un rythme effréné avec sûreté, sans aucun problème. Et lorsqu’ils s’arrêtèrent enfin devant un restaurant illuminé et parfaitement décoré, il était aussi enthousiaste qu’avant de partir. Il attrapa la main de Lily et l’attira dans l’établissement.

Le Parfait était un restaurant de haut rang, quatre étoiles, que Lily avait déjà vu à la télé. Il accueillait souvent des meetings des ministres ; son père y était un habitué. Les murs étaient de pierre, comme tous les autres bâtiments de leur ville souterraine, mais l’intérieur avait été décoré d’un papier peint clair, saumon, qui égayait l’endroit. Une multitude de bougies avaient été allumées, donnant à l’endroit une illusion de féerie parfumée à la vanille. L’encens brûlait à tous les coins, sans excès, ajoutant  à sa superbe.

Les tables étaient rondes, petites et grandes selon le nombre de convives, drapées de deux nappes intercalées et superposés, l’une rouge, l’autre blanche. Un chandelier en argent était posé sur des petites tables, deux voire trois sur les autres. On avait aussi disposé  des pétales de fleurs sur certaines, accentuant la renommée de l’établissement par la présence de plantes.

Lily écarquillait les yeux. Elle ne savait plus si elle devait s’amuser d’un endroit pareil ou bien le craindre. Elle tendait de plus en plus vers la peur lorsqu’on les conduisit à leur table que Johann avait réservée.

Ici, personne ne faisait attention à la place qu’avait le vampire dans la société. Il avait beau être le futur Représentant, les serveurs ne lui portaient de l’attention que quand ils étaient près de lui, autrement, ils l’ignoraient avec superbe, tout à leur travail.

On les laissa face à leur table et Johann vint aussitôt reculer la chaise de Lily pour qu’elle s’y asseye. Rosissant légèrement, la jeune femme s’installa et son regard alla à la rencontre de celui de son amant qui lui tendit sa main, posé en face d’elle. Leurs doigts se croisèrent et leurs sourires s’agrandirent. Ils étaient réunis, plus rien d’autre ne comptait.

« Qu’est-ce qu’on fait là ? finit par demander Lily, avec une réelle surprise dans la voix. On a quelque chose à fêter ? »

La question entraîna une réaction peu commune de la part du vampire qui pinça les lèvres, une onde d’appréhension le saisissant que Lily ressentit comme une claque.

- Nos retrouvailles, ce ne serait pas si mal, non ? répondit-il avec un sourire, cachant sa tension.

- Peut-être oui, c’est vrai… Alors on va boire du champagne ?

- C’est ce que j’avais pensé. Tu ne diras pas non, n’est-ce pas ?

- Moi ? Refuser une coupe de champagne ? Jamais de la vie ! Je suis née avec !

- C’est bien ce qu’il me semblait », s’amusa Johann. Il lui retira le menu des mains alors qu’elle allait choisir et se mit à rire de sa frustration. Apparemment, il avait tout prévu, et quand Lily pensait tout, elle était persuadée que c’était le cas, jusqu’au dessert – voire après ?

« Fais-moi confiance, tu vas adorer. »

Sa confiance lui était depuis longtemps acquise, malgré qu’il semblait lui cacher quelque chose ce soir-là, mais Lily ne protesta pas et hocha de la tête alors qu’il commandait à l’oreille du serveur. On leur servit un premier verre, un kir, puis l’entrée. Ils discutaient, le temps passant sans qu’ils ne s’en rendent véritablement compte. Johann semblait légèrement mal à l’aise et il enfouit plusieurs fois deux doigts dans son col pour desserrer sa cravate, tout en ayant déjà détaché les premiers boutons de sa chemise rayée en bleu et blanc. Il semblait heureux, mais presque distant et cette situation rendait Lily assez nerveuse. Qu’avait-il ?

Ils profitèrent du repas qui fût un véritable délice. Les gésiers, Lily les adorait, étaient succulents, légèrement grillés, tièdes, avec le chèvre chaud et la salade froide. Le plat principal lui fut plus difficile à déguster ; elle commençait déjà à caler, le ventre plein. Pourtant, elle parvint à dévorer la moitié de son poisson au goût exquis et les haricots enrubannés. Le reste, elle ne pût que le regarder d’un œil avide de découverte et d’émerveillement quant à la décoration de son assiette, mais renonça à le manger, son ventre lui faisant violence, plein à craquer.

Pourtant, quand vint l’heure du dessert et qu’une délicieuse crème brûlée se tint insolemment devant elle, Lily n’eut pas besoin de sa faim d’antan pour la savourer. C’était doux, crémeux et elle l’avala avec gourmandise, ses yeux fixés dans ceux de Johann qui s’occupait quant à lui d’une petite tarte aux cerises et sucre glace.

Quand ils eurent terminés et qu’un verre de champagne trôna dans leur main, Lily se détendit assez pour poser la question qui lui nouait quelque peu l’estomac depuis le commencement de la soirée.

« Qu’est-ce que tu as ? Depuis le début du repas tu me parais gêné… »

Contre toute attente, le sourire de Johann se fit plus large et ses yeux se mirent à briller. Lily pouvait sentir son excitation mêlée au stress, sentiment présent depuis qu’ils s’étaient retrouvés.

« Tu fais bien de m’en parler, j’allais justement aborder le sujet », déclara-t-il sans ambages, lui attrapant la main avec douceur. Il la caressa délicatement de son pouce avant d’entremêler ses doigts puis de les remonter, embarquant par la même occasion la bague qu’il lui avait offerte quelques mois plus tôt. Lily se crispa mais se laissa faire.

« Tu vois, ça fait un long moment que j’y pense. Et plus j’y réfléchis, plus je me dis que ça ne sert à rien de réfléchir. C’est stupide, non ? Tu es là depuis plusieurs mois, presque une année entière, pour moi. Tu es ma chérie, mon amante, mon amour, la mère de petits êtres qui grandissent encore dans ton ventre et que l’on a conçu ensemble, malgré ton jeune âge… Mais je veux plus encore, tu comprends ? »

Il avait parlé lentement, tremblant imperceptiblement. Lily sentait monter en lui l’appréhension qui gagnait tout son corps. Elle le fixa intensément, ne comprenant pas où il voulait en venir, mais n’osant ouvrir la bouche.

Finalement, Johann laissa échapper un long soupir avant de la regarder de nouveau, ses yeux bleu sombre, intenses, rivés sur les siens. Il avait posé quelque chose sur la table, mais son regard impérieux empêchait Lily de le quitter ; il la mettait au supplice de ses sentiments, insinuant son amour étouffant dans tous les pores de sa peau, chauffant son être comme jamais. Le souffle de Lily se précipita, elle hoqueta. C’était comme une punition de le fixer, de le désirer sur le champ, et de ne pouvoir assouvir cette envie.

Elle vit les lèvres de Johann s’ouvrir, il parlait, mais elle ne comprit pas un mot de ses paroles. Il répéta à nouveau, en s’ingéniant à baisser son emprise sur elle et Lily sentit la difficulté qu’il avait à se contrôler.

« Epouse-moi », murmura-t-il.

Les joues de Lily rougirent violement et son cœur battit à tout rompre avant même qu’elle ne comprenne pleinement ce qu’il venait de lui demander.

« Epouse-moi. » Que voulaient signifier ces paroles ? Les avait-elle bien comprises ?

Elle sentit une larme, puis deux couler le long de ses joues et porta sa main droite à sa bouche ; il lui avait emprisonné l’autre de ses doigts chauds et tremblants. Alors, s’occupant de l’objet qu’il avait posé sur la table, Lily le vit ouvrir une petite boite en velours noir. Il prit délicatement quelque chose de scintillant à l’intérieur et la jeune mortelle ne douta pas un instant de ce qu’était cet objet : sa bague de fiançailles !

« Tu ne m’as toujours pas répondu, recommença Johann. Veux-tu bien m’épouser, Lily Favri ? »

Il souriait de toutes ses dents et celles-ci étaient parsemées d’un tremolo. Il ne contrôlait plus autant qu’à l’habituel ses aptitudes de vampire et ses canines proéminentes apparaissaient à intervalles irréguliers, disparaissant aussitôt, comme si la jeune femme était sujette à des vagues d’illusions.

Lily hoqueta deux fois avant de murmurer un « oui » bredouillant, puis de le répéter avec plus de ferveur. C’était un rêve, elle devait encore l’attendre, allongée sur son lit, endormie. Ce n’était pas possible, pouvait-il la rendre si heureuse ?

Comme pour répondre à sa question, Johann enfila la bague au doigt de sa fiancée et contourna la table pour aller l’embrasser avec ferveur. Pourquoi, à cet instant, étaient-ils dans ce restaurant ? Pourquoi n’étaient-ils pas dans la chambre de Johann, loin des yeux des autres convives, seuls ?

Leur baiser dura longtemps, lent, profond. Lily commençait à prendre conscience qu’ils se donnaient en spectacle et ce fût elle qui l’interrompit.

« Tu me fais rêver, lui murmura-t-elle à l’oreille.

- Je préfère la réalité, ma chérie. Vraiment. Bon, et si on discutait de la date ?

- La date ?

- Du mariage ! »

Il avait l’air si sérieux en répondant que Lily ne put s’empêcher de rire, avec une certaine hystérie. Ils allaient se marier !

Johann retourna s’asseoir pour reprendre sa main et la croiser avec la sienne.

« Alors, avant ou après ma cérémonie de nouveau Représentant ?

- C’est quand ?

- Le trois janvier… Et si on le faisait le jour même ?

- Quoi ?!

- Oui ! Je serais nommé Représentant le trois janvier, on profiterait de la présence des différents ministres pour nous unir et annoncer ta grossesse !

- Tu penses en politicien, n’est-ce pas ? questionna Lily en dégageant sa main et en s’enfonçant dans le siège moelleux, loin de la table.

- C’est vrai… Est-ce que ça te dérange ?

- Je voyais le mariage comme une fête avec nos amis et familles, non ?

- Il n’y aurait que des politiciens en plus. Tu ne dois pas oublier que tu épouses un politicien, entouré de gens de la même trempe. »

Le ton était grave, l’euphorie avait disparut. Ils ne voulaient pas se disputer, et tous deux en étaient conscients, mais ils étaient sérieux dans leurs propos. Lily poussa un soupir de désolation. Il avait une fois de plus raison. Elle n’épousait pas n’importe qui. Mais pourquoi fallait-il qu’ils fassent cela devant des étrangers ? Et annoncer au monde entier qu’elle était enceinte !

Lily porta la main à son ventre et s’étonna de le sentir légèrement gonflé. Ils prenaient forme ! Allait-on bientôt savoir combien ils étaient et leur sexe ? Secouant la tête, elle revint à Johann qui la fixait avec interrogation. Un nouveau soupir lui échappa.

« Très bien, tu n’as pas tort. Ce qui m’embête, maintenant, c’est ma robe ! Dans un mois et demi, j’aurais le ventre rond ! »

Son exclamation surprit Johann qui éclata de son rire clair. Amusé, il se leva et l’attira contre lui pour la serrer dans ses bras.

« Allez, on y va, ou je vais finir par te prendre ici même ! »

Le rire de Lily s’étrangla et elle ne parvint à calmer ses joues rouges que lorsque Johann la quitta pour aller payer. Dehors, il faisait frais et l’air lui fit du bien. Une nouvelle fois, elle caressa son ventre, étonnée qu’il ait pris de la rondeur. Elle avait rendez-vous avec le docteur Hiver dans une semaine, allait-elle mourir d’impatience avant ?

Deux mains venant se poser sur son ventre et un corps chaud se collant à son dos, la firent revenir à elle et Lily sourit en se serrant tout contre Johann. Il n’était jamais venu à ses échographies…

« J’ai rendez-vous avec le docteur Hiver, vendredi prochain à dix-neuf heures, est-ce que tu penses pouvoir venir ?

- Vraiment ? Bien sûr que je viens ! Tu termines les cours à dix-huit heures trente, non ? Je viendrais te chercher à l’E3. »

Ils se prirent la main et commencèrent à avancer tout en discutant. Ils mirent plus de quarante minutes à atteindre l’appartement du ministre Favri et Lily se renfrogna en le voyant apparaître.

« Je ne peux pas dormir chez toi, ce soir ?

- On n’a pas prévenu ton père, Lily.

- Tu aurais pu y penser ! Tu savais ce que tu allais me dire !

- Pas vraiment, tu as bien vu comme j’ai lutté. Mais je suis autant frustré que toi de mon oubli ! »

Ils rirent, mais leurs mains avaient resserré leur étreinte l’une sur l’autre. Avant d’arriver en face, Johann entraîna Lily dans une rue annexe, vide, où il la serra tout contre lui, murmurant dans son oreille comme il l’aimait, comme il se sentait bien avec elle.

Quand ils se quittèrent à la porte de l’appartement des Favri, leurs yeux ombrés de désir et de frustration se sondèrent longuement. Johann l’embrassa longuement, plusieurs fois, pour lui dire au revoir, mais ne parvint à la quitter qu’après un sixième baiser. Si Lily avait pu, elle l’aurait retenu, toute la nuit durant. Mais demain, elle avait cours.

Le cœur serré, elle ferma la porte d’entrée et s’y appuya le dos. Comment allait-elle faire pour dormir, ce soir ? Qu’avait-il à l’empêcher ainsi de se reposer ? Elle avait l’impression que de dormir seule après l’avoir vu était impossible, alors que s’assoupir dans ses bras demeurait étonnant de simplicité.

Elle leva sa main gauche et caressa son ventre avant de le regarder tendrement. Ses yeux perçurent le scintillement d’un objet à son doigt et elle monta sa main à la hauteur de ses doigts. La pierre superbement polie et façonnée, presque transparente, brillait. La lumière du dehors passant au travers des lourds rideaux au fond du couloir, dans le salon, était interceptée par la petite pierre de la bague, l’enroulant d’infinies couleurs. Lily la porta à ses lèvres pour l’embrasser avant de se diriger jusque dans sa chambre.

Décidément, le sommeil allait la fuir un long moment, ce soir ! Et Wylian qui n’était plus dans les parages, à présent. Comment allait-elle faire, à qui allait-elle raconter ses bonheurs et malheurs ?

***

Noël était plus proche que jamais. On était le vingt-trois décembre et l’E3 n’avait pas daigné donner des vacances dignes de ce nom à ses élèves. Ils seraient libres du vingt-trois au soir jusqu’au trois au matin. Ce n’était pas assez pour certains, trop pour d’autres.

Lily ne savait dans quel clan se placer, bien que le « peu » soit plus enclin à la recevoir. Pendant ces quelques jours de repos, elle pourrait voir Johann, mais si peu ! Il était pris dans les préparatifs de sa présentation et Jarred l’y aidait. L’ami vampire de Lily, toujours élève à l’Ecole Politique, et Johann s’étaient rencontrés il y avait de cela moins d’un mois, au bâtiment des Vampires et avaient énormément discuté. Jarred était venu chercher son père. Johann, après avoir mangé frugalement, retournait travailler. Surpris de se reconnaître, ils avaient commencé par une discussion banale avant que Johann ne l’embarque dans son bureau, sentant que le jeune homme pourrait lui être utile. Jarred, étant le fils du conseiller du présent Représentant, connaissait bien les rouages qui l’entourait et pouvait en faire bénéficier Johann qui l’avait tout de suite reconnût.

Lily était contente de savoir que l’un de ses anciens amis aidait Johann. Penser à eux lui donna tout d’un coup l’envie de revoir tout le monde et, invitant Lucile à se joindre à eux, elles se rendirent à l’EP. Elle avait prévu, connaissant plus ou moins l’emploi du temps de ses amis, de les accueillir à la sortie des cours. Impatiente, elle se trouvait en ce jour devant la porte d’entrée de l’établissement. L’Europe Politique, un nom de son passé qu’elle regrettait pour les rencontres qu’elle y avait faites, mais qu’elle arborait pour toutes les heures ennuyeuses qu’elle y avait passées.

Le bourdonnement extérieur de la sonnerie de l’établissement retentit et les battements de cœur de Lily firent une embardée. Marie, Jarred, Stefan, Habil… Qu’elle avait hâte de les retrouver ! Peut-être un peu moins Stefan pour son comportement d’il y a quelques temps ; ils ne s’étaient plus parler depuis. La jeune femme sentait bien plus d’appréhension à son égard qu’envers les autres. Pourvu que tout se passe bien !

Les premiers élèves sortirent par la grille et Lily se rapprocha de l’établissement. Ils avaient pris l’habitude de sortir par la porte de gauche, du temps où elle était encore dans l’école. Conservaient-ils cette petite manie ?

Plusieurs minutes s’écoulèrent sans qu’elle reconnût ses amis. Quelques uns de ses anciens camarades la saluèrent de la main, d’autres la fixaient de leurs yeux surpris ou la détaillaient de haut en bas. Mais pas de Marie, ni d’Habil et encore moins de Jarred ni de Stefan… Elle était tellement impatiente ! Que faisaient-ils ?

Puis soudain, leurs visages apparurent dans le couloir, sortant de la masse étudiante. Ils n’avaient pas changé durant les quelques mois passés. Marie tenait fermement la main de Jarred dans la sienne tout en discutant, et même débattant, avec son petit ami et Habil. Stefan était aux côtés de Jarred, écoutant avec attention les dires de ses amis, une moue réprobatrice aux lèvres mais silencieux. Une grande brune au teint foncé s’acharnait à défendre son point de vue, apparemment, et en prenait un plaisir fou. Une nouvelle connaissance ? Lily ne put s’empêcher de sourire avant de leur faire de grands signes, la main levée. Tant pis pour son semi incognito.

Avant même qu’elle ne crie, Jarred avait tourné la tête vers elle, son regard surpris puis enchanté. Les autres levèrent la tête à leur tour, intéressés. Quand ils la reconnurent se fût instantanément un concert de cris, de cavalcades et de rires.

« Lily ! », crièrent-ils, se précipitant vers elle. Marie fut la première à la prendre dans ses bras et lui baisant les deux joues, la compressant contre son corps mince de femme.

« Tu m’as manquée ! Je suis vraiment contente de te voir ! », lui dit-elle à l’oreille. Son air ravi s’étalait aussi sur les autres visages. Lily les embrassa tous, les uns après les autres, sans oublier Stefan.

« Vous m’avez tous manqué, pour ma part ! Ah, j’espère que vous n’avez rien à faire ce soir, parce que je comptais bien profiter de vous quelques heures !

- Tu rigoles ! Comme d’habitude, on est criblé de devoirs, mais ça attendra bien ! s’exclama Habil. Jarred ?

- Je devrais être à mon semi boulot mais mon chef comprendra. Tu l’as prévenu, Lily ?

- Non, mais si tu veux, je peux l’appeler.

- Et on n’a toujours pas le droit de connaître le fameux nom de ton cheftaine ? continua Habil, tentant sa chance. Apparemment, ce n’était pas la première fois, car le vampire rit de son échec :

« Désolé, Habil, mais c’est sa loi. Lily le connaît un peu…

- Laisse tomber, Jarred, je crois que tu viens de donner trop d’indice. Si ce responsable n’est pas Johann, je veux bien me pendre », rétorqua Stefan avec un petit sourire en coin, pas trop expressif

On évita aussitôt de s’appesantir sur la question, connaissant la réponse. La situation semblait exiger beaucoup de Jarred qui ne devait en aucun cas parler de l’aide qu’il apportait à Johann. Les autres semblaient reconnaître son acharnement au code de son chef et l’admirait pour sa langue de plomb, lui évitant de se sentir sous pression. La nouvelle venue paraissait curieuse mais bien élevée ; elle ne tenta pas de pousser sa chance, sachant que tout le monde connaissait enfin la réponse qu’elle continuait d’ignorer.

Lily enchaîna par la présentation de Lucile, son ami de l’E3, suivit aussitôt de celle de Sandra par ses amis. La vampiresse parut décontenancé par la vivacité du groupe, avant de s’y laisser prendre et l’humaine, dans le bain depuis quelques mois, n’eut aucun mal à accueillir les deux nouvelles venues qu’elle ne connaissait pas encore. Ils partirent d’un bon pas rejoindre inconsciemment le bar qui les avait toujours accueillis à l’époque où ils étaient tous à l’EP.

Stefan resta tout d’abord silencieux, semblant jauger l’humeur général et particulièrement celle de Lily. Quand elle lui fit comprendre qu’il n’avait pas à jouer le paria, il parût soulager et participa enfin, lui posant diverses questions sur sa nouvelle école et les cours qu’elle suivait avec Lucile. Les deux jeunes entremetteuses tentèrent de disséquer certains de leurs cours pour les expliquer à leurs amis, puis Lily coupa court à cette situation en questionnant Marie et Jarred :

« Alors, vous deux, des cachotteries à me révéler ?

-Euh… », répondit la mortelle, particulièrement loquace.

Jarred, lui, ne s’embarrassa pas de mots superflus et alla embrasser la bouche de sa compagne sans aucun remord.

« Tu as ta réponse, ponctua-t-il son geste avec une pointe d’humour.

- Depuis combien de temps ?

- Un mois !

- Eh bien ! Vous n’auriez pas pu me prévenir ?

- Et comment ? Quand on a essayé d’aller te voir à l’hôpital, on nous a interdit l’entrée à ta chambre. Quand on a appelé chez toi pour avoir des nouvelles, ta mère nous a raccroché à la figure. Et quand on a tenté sur ton portable, on est directement tombé sur ta messagerie. Y a de quoi devenir dingue, quand même ! »

Ce fût à ce moment que Lily remarqua qu’effectivement, depuis son enlèvement, elle n’avait pas du tout utilisé son portable. Pourquoi, d’ailleurs ? Et où était-il ?

« Je suis désolée, bredouilla la jeune femme en rosissant. Il s’est passé tant de choses ! J’ai beaucoup à vous raconter !

- On t’écoute de toutes nos oreilles. »

La réponse était unanime parmi ses amis et Lily n’eut aucun mal à entamer son monologue. D’abord, elle parla du divorce de ses parents, puis de la nouvelle de sa grossesse – elle leur fit promettre de garder le secret jusqu’à ce qu’on le rende public, son regard plus inquisiteur et méfiant à l’égard de Sandra qu’elle ne connaissait pas – avant de leur faire un long récit sur sa course poursuite avec Johann, sans trop en mentionner. Elle passa certains détails sous silence, les gardant pour elle seule et son fiancé. Enfin, le retour à la civilisation s’engagea puis son emménagement chez son père et, au final, ils furent les premiers à fêter les fiançailles de leurs amis, bien que Jarred fût au courant.

« Félicitation ! » fût le cri de guerre de la soirée. Oubliée, l’escapade qu’ils avaient vécus, elle et son vampire, toujours sous tension, oubliées, les heures de franche terreur. Il ne restait plus que la joie, l’extase, de savoir qu’elle s’unirait formellement à lui et devant le monde entier !

« Tu as quel âge ? lui demanda Sandra, surprise.

- Vingt ans, pourquoi ?

- C’est jeune pour se marier et être enceinte ! Tu n’as pas peur ?

- J’ai passé ce stade. Et puis Johann s’occupe très bien de moi, répondit Lily avec assurance.

- Quand tu rencontreras Johann, Sandra, tu comprendras exactement ce qu’elle veut dire : il ne la lâche pas, la porte où elle veut aller, la garde coller à lui et l’embrasse à tout bout de champ ! Il ne s’amuse pas à coller son oreille sur ton ventre, non plus, à présent ? s’amusa Jarred.

- Tu parles ! Il le fait tout le temps. Tu le connais ! »

Ils burent en trinquant chaque tournée. Lucile s’intégra rapidement ; elle était assez extravertie et conciliante pour s’adapter à son groupe d’amis, et Lily en fût très heureuse. Au troisième verre, le portable de Jarred se mit à sonner, retentissant. Il le mit devant ses yeux et, avec un large sourire, le présenta à Lily :

« C’est ton homme », rajouta-t-il, alors que la jeune femme voyait s’afficher « Johann Représentant » sur l’écran du téléphone. Comprenant le manège du vampire, elle le prit rapidement pour décrocher. Elle n’eut même pas le temps de lancer l’éternel « Allô » qu’il commençait à gronder à l’autre bout du fil :

« Qu’est-ce que tu fais, Jarred ? Ca fait une bonne demi-heure que je t’attends ! Tu es où ?

- Moi aussi je t’aime, mon cœur, rétorqua Lily en souriant.

- Lily ? »

Surprise totale. Silence absolu.

« Oui, Johann. Désolée, j’ai oublié de t’appeler. Pourtant, Jarred me l’a rappelé, mais j’étais tellement contente de revoir tout le monde que… j’ai oublié.

- Vous êtes où ? demanda-t-il avec convoitise.

- A l’endroit habituel. Tu viens ?

- Je cours même, mon amour. De toute façon, sans Jarred, je ne peux pas faire grand-chose, ce soir. A tout de suite ! »

Il raccrocha aussitôt, exaspérant la jeune femme. Habil était entrain de prévenir Sandra de ne pas crier à son arrivée, l’étudiante s’étonnant de cette idée et devenant très curieuse. Lucile se pencha vers son amie.

« Tu n’as pas peur que cette Sandra cafte tout ?

- Pour peu que je la connaisse, non. Si les autres lui font confiance, pourquoi pas moi ?

- Elle est curieuse, mais pas cafteuse ; on peut compter sur elle pour garder un secret, s’interposa Marie. C’est une fille très intelligente et qui adore les vampires. Elle accumule les histoires brèves avec eux… C’est pour ça qu’Habil la prévient. Quand elle va se rendre compte que tu sors avec Johann le Représentant…

- Elle ne lit pas les journaux ? J’ai fait la première page avec lui !

- Lily, ne t’offense pas de ce que je vais te dire mais… tu as changé depuis la fête en l’honneur de Laura, la fausse Représentante. Tu étais maquillée, mince, et bien habillée. Là, tu as un soupçon de mascara et de fond de teint, tu as le ventre arrondie et tu ressembles à une jeune étudiante des plus basiques ! »

Les trois amies éclatèrent de rire. A cet instant, la porte du bar s’ouvrit et le courant électrique d’amour et de joie, qui était devenue naturel pour Lily, la consuma. Elle fût la première levée quand le vampire les rejoignit.

« Bonsoir, mon amour, lui chuchota-t-il en l’embrassant tendrement.

- Bonsoir… »

Un hoquet de surprise les atteint, les séparant. Sandra ouvrait de grands yeux exorbités, fixant Johann. Habil se pencha vers elle et la jeune femme comprit ce qu’il lui disait en lisant sur ses lèvres : « Je t’avais prévenue ».

Un éclat de rire général les embrasa tous avant que le vampire n’aille saluer tout le monde, ébouriffant avec amitié les cheveux de son collègue fugueur.

« Et toi, tu t’en vas boire un verre avec ma future femme sans même me prévenir, s’amusa-t-il.

- Pas qu’un seul ! »

Les sourcils blonds de Johann se froncèrent.

« Lily ?

- Je plaide non coupable ! Je n’ai pris que du jus d’orange ! »

Un soupir de soulagement lui échappa et il s’installa sur la chaise de sa fiancée, attirant Lily sur ses genoux. Il lui embrassa la gorge, l’oreille, respira profondément son odeur avant d’enfin se tourner vers les autres. Lily remarqua alors, avec une certaine gêne, que tout le monde les fixait.

« Un jour, il faudra vous filmer, dit Jarred, coupant court au silence amusé.

- Pour sûr ! appuya Habil.

- A la place de nous filmer et de nous regarder comme ça, occupe-toi donc de ta chérie ! », finit Lily, tout aussi amusée.

Un franc éclat de rire les reprit et Jarred ne se plaignit pas d’embrasser Marie.

« C’est ma petite femme, elle a le droit à toutes les gâteries du monde ! », s’enorgueillit-il. Le rire redoubla de puissance sous le sous-entendu et on entendit des suffocations. Lily avait collé son visage dans le cou de Johann et ils tremblaient de rire.

La soirée promettait d’être agréable et vivante. Lily et Johann ne se quittèrent pas d’une semelle. Cela faisait deux semaines qu’ils ne s’étaient pas vus. Ils avaient rendez-vous le lendemain avec le docteur Hiver pour vérifier l’état des bébés. A cause des performances de leur père, ils se cachaient de l’échographie et Lily et le docteur Hiver avaient pensé à demander de l’aide au papa pour les calmer et casser ce petit tour qu’ils leur jouaient. Ils pourraient ainsi les dénombrer et même enfin obtenir le sexe de chacun d’eux. Le docteur ne se faisait aucun souci quant à leur forme ; s’ils parvenaient à utliser les mêmes aptitudes que Johann, ils étaient en bonne santé !

Johann s’amusait à faire courir ses mains sur son ventre arrondi. Sous le haut légèrement bouffant qu’elle avait enfilé, on ne voyait rien de sa grossesse et Lily en était enchantée. Elle devait le cacher le plus longtemps possible, bien qu’elle aurait préféré, au contraire, le montrer au monde entier. Dommage.

Sandra se montra un petit peu trop entreprenante envers Johann jusqu’à ce qu’elle comprenne qu’il appartenait de toute son âme à sa fiancée et qu’il en était de même dans l’autre sens. Déçue, elle se tourna très vite vers Stefan.

Vers onze heures, après avoir partagé les derniers évènements de leurs vies, les huit amis se séparèrent. Johann et Lily raccompagnèrent Lucile qui habitait non loin de la jeune femme puis ils prirent la direction de l’appartement du ministère.

Johann serra longuement la jeune femme dans ses bras, lui embrassant les lèvres et son annulaire où sa bague de fiançailles brillait de tous ses éclats. Un sourire tendre fit briller ses yeux et apaiser son visage.

« Je t’aime, murmura-t-il, collant son corps contre le sien.

- Je t’aime aussi, répondit Lily en allant cacher son visage dans son cou.

- Tu me rends fou de désir, tu sais ? Et pire c’est maintenant, avec ton petit ventre rond qui m’attire et me tente désespérément…

- On a encore le droit de… nous aimer, dit Lily en rougissant.

- Tu peux le dire franchement : on peut encore faire l’amour sans blesser tous ces petits bouts qui grandissent ici. »

Il plaqua sa main sur le ventre de la jeune femme et la mortelle sourit en le fixant. Désirer, aimer, protéger,  trop peu de mots pour décrire ce qu’ils ressentaient.

« Demain, je viens te chercher à seize heures à l’école, alors ?

- Exact, cher futur papa. A demain, alors.

- Fais de beaux rêves… »

De beaux rêves ? Avec ce baiser de bonne nuit, elle allait même se perdre dans ses rêves ! Et lui, de quoi rêverait-il ? Elle aurait bien aimé le savoir…

Demain.

Oui, demain, elle lui demanderait de quoi il avait rêvé.

 

***

 

Eh voilà, un nouveau chapitre pour ma rentrée ! Eh oui, j’ai repris les cours ! Bref, passons.

Ce chapitre vous a révélé énormément de choses… Il ne manque plus que la conclusion de tout ce bric-à-brac. Peut-être y aura-t-il un cinquième chapitre, je ne sais pas si un seul chapitre suffira. La trame est déjà faite… J’vous donne envie ? :p Courage !!!

N’hésitez pas, encore, à me dire ce qui va, ce qui ne va pas, ce que vous avez particulièrement apprécié ou déprécié. Si vous voyez des fautes, vous pouvez m’en faire part que je puisse corriger. ^^

A bientôt pour la suite !

Ima.

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