Coeur de Vampire
Mercredi 7 Mai 2008
Disons que cette histoire existe depuis deux ans déjà et que je l’ai reprise il n’y a pas si longtemps. Et je me suis sentie emballée ! J’espère que tout cela vous plaira. Je ne saurai pas vous dire quelle sera le mode de parution des chapitres suivants, il n’y en aura pas beaucoup, peut-être trois ou quatre, mais je ne pense pas plus. Cependant, ils sont assez longs par rapport à ce que je me suis habituée à écrire, alors il faut me laisser un peu de temps.
Sur ce, présentation :
Titre : Cœur de Vampire
Auteur : Imari, aka Ima.
Disclaimer : Tous les personnages présents dans cette fic m’appartiennent et toute ressemblance avec une personne physique serait tout à fait fortuite, bien entendu.
Genre : Fantastique et Romance en premier lieu ^^
Rating : Hm… Pour une fois, je n’empêcherai que les petits enfants à lire, parce qu’il y a juste des écarts de langage, très peu mais bon, on ne sait jamais, et quelques passages… vous verrez. Très peu aussi, mais, je le répète, on ne sait jamais ^^ Donc AP !
Résumé : Année 3709, les vampires et les mortels cohabitent de manière pacifique depuis un millénaire. Lily, mortelle détestant les vampires, fait la rencontre de Johann, un jeune homme des plus mystérieux duquel elle tombe amoureuse. Mais… Mortel ou Vampire ?
Dédicace : A mes amies, mes chéries chouX que j’aime ! Pour une fois, je vais leur montrer un peu ce que je fais et ce que je sais faire ! En espérant qu’elles apprécient ^^
Mise à Jour – Samedi 12 Juillet 2008 : quelques passages rajoutés qui sont pour la plupart simplement des phrases. Pour ceux qui ont déjà lu avant cette MàJ, je l’expliquerai plus en détail dans le chapitre deux. La mise en page en a pris un sacré coup aussi, j’espère que ça vous plaira ! Remerciez bien Glorforil pour son aide des plus utiles et appréciées !!
Cœur de Vampire
Chapitre 1 : Bienvenue chez les Vampires.
***
« Sais-tu comment un Vampire tombe amoureux ? » (Wylian)
***
« Notre monde est en perdition. »
C'était le sentiment de nombreuses personnes sur la planète Terre, que transmettait la jeune journaliste sur la chaîne Mondiale. Et cela n'avait rien de surprenant.
Le continent de l'Europe était l'un de ceux qui s'en sortait le mieux. Un équivalent acceptable entre les humains et les vampires… Pour l'Amérique par contre, on s'apercevait facilement de son manque d'effectif humain ; la Terre se mourrait.
Pourquoi ? Les vampires bien sûr !
Ils étaient apparus vers l'an 2015, l'un d'eux, le célèbre Dracula, comme on l’avait tout de suite surnommé sans connaître son véritable nom, s'était réveillé après des milliers d'années de repos. De ce que les livres racontaient, Dracula avait fini par avoir faim et avait ouvert les yeux… Mais rien n’était sûr ! La déchéance du monde ? Non, une sorte de coalition s'était instaurée… au bout de plus de 500 ans de guerre enragée ! Tout le monde parlait du sauvetage de l'humanité, pourtant les humains avaient essuyé une défaite des plus cruelles : plus de deux milliards de morts.
Défaite ? Cruelle perte ! Car, s'il n'y avait eu que cela, tout serait allé plutôt bien. Mais non, dans ces milliards de morts plus de la moitié s'étaient transformés en vampires et au fil des années la proportion qui donnait aux humains la majorité du nombre, s'était inversée.
En 2817, les rapports s'étaient améliorés et les vampires avaient commencé à être acceptés, ce qui n'avait pas été une mince affaire. Le 28 Mai 2819 avait été signé un texte de loi donnant aux Vampires les mêmes droits qu'aux hommes, les considérants comme des êtres humains à part entière. Mais cette loi avait été réprimée par de nombreuses marches contre cet état des choses.
Un autre problème était survenu durant cette année-là : la vie nocturne des Vampires. On avait donc construit une ville entièrement souterraine à Washington. Et cette mesure avait été reprise dans le monde entier. Cela permettait surtout aux vampires, à cette époque, de se cacher des hommes se faisant appeler les Tueurs de Vampires, remplis de haine envers eux pour diverses raisons.
En 2986, alors que la haine des Tueurs de Vampire était au plus haut et que leurs meurtres se multipliaient sans discontinuer, les villes souterraines s’étaient peuplées de tous et par tous. Plus personne ne vivait au-dessus du sol; l'air y était extrêmement impur. Seuls les appartements et maisons, posés sur les sols, restaient reliés aux rues sombres qui avaient un jour été des égouts ou de la terre.
A présent, en 3709, le Vampire Jelma était le représentant de sa race dans le monde entier. Au contraire des humains, les Vampires avaient un sens aigu du devoir et de la société et ne restaient sous la bannière que d'une seule et même personne. Sauf les récalcitrants qui créaient de petites bandes de rebelles, s’acharnant sur les mortels pour se venger des Tueurs de vampires ayant petit à petit disparu.
Dracula s'en était retourné dans son cercueil, sans laisser de trace ni de raison de son retour, abandonnant ce monde aux mains de son ancien compagnon de guerre. Cela faisait sept cent quinze ans que Jelma avait prit possession du titre de chef incontesté de ses semblables.
Lily éteignit le poste de télé et alla s'allonger sur son lit avec un soupir de fatigue. Elle n'aimait pas du tout les cours de civilisation entre hommes et vampires.
Pourquoi ? Elle considérait que si la race humaine était à ce point en danger, c'était leur faute. Ils avaient transformé maints humains, créant une perte inimaginable d'hommes. D'ailleurs ces leçons ne faisaient que la conforter dans cette sensation de rejet qu'elle ressentait auprès des Vampires. Elle ne supportait pas leur présence, se sentant très mal à l'aise et évitait autant que possible de les approcher… ce qui était pour le moins difficile, étant donné que les classes étaient composées tout autant de vampires que d'êtres humains mortels, à l’école. Au moins, les classes de primaire, collège et lycée lui avaient-elles apportée la chance de ne côtoyer que des mortels, en école privée. Certaines rumeurs lui étaient parvenues à cette époque, l’apeurant : on disait que certains enfants vampires de son âge s’étaient jetés sur leurs camarades ! Quelle mascarade, en y pensant ! S’ils étaient incapables de se maîtriser, pourquoi les laissait-on côtoyer ce qu’ils considéraient comme leur nourriture ? Et leur obligation de suivre des cours pendant au moins vingt ans était stupide ! Pourquoi ne les laissaient-ils pas tranquilles ?!
Lily se détendit, s’arrachant à ses pensées qu’elle trouvait morbides. Heureusement, demain était une journée de conférence, ce qui lui permettrait de respirer librement. Trois petites heures de conférence sur la politique et l'historique du monde entre les Vampires et les Hommes, et elle aurait enfin la satisfaction de clore pour l'année ce chapitre !
A dix-neuf ans, en école de politique, elle se devait de bien connaître cette histoire, malgré son irascible envie de brûler le cours…
Lily était une élève assidue lorsqu'elle aimait ce qu'elle faisait. A partir du moment où les cours de civilisation humaine avaient tourné la page pour commencer la collaboration des vampires et des hommes, ses notes avaient superbement chuté !
« De toute façon, je ne changerai jamais. Mon avis restera immuable… Et tous les mots que pourra prononcer le Président Jelma demain, ne changeront rien à ce que je pense… »
Son père avait beau être le ministre des Mortels, Lily n’avait pas la même vision de la situation que lui. Il paraissait accepter avec beaucoup de facilité leur présence, au contraire de sa mère qui ne les supportait pas. Lily savait très bien que, son père étant la plupart du temps absent, c’était sa mère qui l’avait élevée en lui donnant sa vision des évènements. Elle la partageait plus facilement qu’avec son père.
La jeune femme s'allongea dans lit, épuisée, puis s'endormit tranquillement. Même sa mère venue pour l'inviter à dîner n'osa pas la réveiller; cela faisait trop longtemps que la jeune femme faisait des efforts pour maintenir un semblant de moyenne en cours, avec difficulté…
***
« Tout ce que j'aurais à ajouter ici, en ce jour, est le fait qu'il faut vous reconsidérer. Critiquez-vous, échangez vos points de vue. Ouvrez-vous, sinon, jamais vous n'arriverez à faire votre place dans ce monde. Et là, vous pouvez d'ores et déjà vous estimez hors de partie ! Merci à vous de m'avoir écouté. »
Jelma fût applaudit et il sourit, content de sa prestation. Comme toujours, les questions de l'école de l'Europe Politique avaient été pertinentes et longuement pesées. Il se délecta de ce qu'apportait chaque année le monde dans cet étrange univers qu'était la politique. Pas plus de cinq élèves ici présents ne grandiraient sous les feux des projecteurs, mais au moins qu'ils aient l'illusion d'en faire partie… Pour l'instant…
Il fit demi-tour et sortit de la salle, laissant l'estrade au chef d'établissement. Plus rien ne le retenait et il avait faim.
« Va me préparer du sang, s'il te plaît, Bijar.
- Bien, Représentant. » répondit le vampire en une légère révérence. Puis ils disparurent tous deux, dans un ensemble parfait.
Jelma espérait que le prince était à la maison. Ils avaient à discuter, l’heure de son apparition approchait.
***
Lily regarda Jelma sortir du lieu de la conférence et ignora superbement son chef d'établissement. Elle se leva et quitta l’école avec fougue.
« De l'air ! »
Mais pourquoi cet homme avait-il choisit d’habiter en France ?! S’il n’avait pas été là, elle n’aurait pas eu à subir ses discours et surtout sa présence !
Lily rentra dans plusieurs élèves et s'excusa chaque fois sans pour autant porter grande attention à ses victimes. Finalement, quand un air plus respirable, desservi par des container emplit d’oxygène, se fit sentir elle ralentit son allure. Enfin sortie ! Définitivement fini ! Le programme Vampire/Mortel était bel et bien clôt !
Mais elle avait appris bien des choses aujourd'hui. Jelma avait un fils… Depuis quand ?
En y réfléchissant, il lui semblait bien avoir déjà entendu cela, la présence d’un homme que l’on appelait Prince, caché de tous et destiné à prendre la tête des vampires à la suite de Jelma, mais elle comprenait que les hommes politiques, quels qu'ils soient, cachent le plus de choses possibles sur leur vie privée. C'était un acte logique et purement protecteur pour leurs familles qu'elle trouvait judicieux, malgré sa répugnance à y consentir.
Mais si Jelma avait un fils, alors cela voulait dire qu'il avait eu une femme mortelle ! Seules les femmes mortelles étaient susceptibles de mettre au monde…
Lily serra les poings et continua à déambuler dans les rues souterraines, profitant de cette après-midi de libre. Il y en avait si peu en école de politique… !
Depuis que les hommes avaient décidé de coexister avec les vampires de par la loi, tous vivaient sous terre. Une centaine de mètres séparaient le sol du plafond, le tout en un bitume des plus épais. Toutes les maisons étaient de la même matière et s’allongeaient la plupart du temps sur plusieurs dizaines de mètre mais n’étaient pas des plus larges. L’oxygène respiré venait de centrales récoltant l’air de la surface et la « nettoyant » de ses impuretés. Car si plus personne ne vivait au dessus de la terre, c’était bien parce qu’on avait reconnu un jour, il y avait de cela des centaines d’années, que l’air y était impure et colportait de nombreuses maladies. Elle avait été salie.
Lily jeta un coup d’œil à la rue. Elle était comme toutes les autres éclairée par de larges spots accrochés au plafond. Une lumière vive régnait à ce moment qui s’amincirait au fur et à mesure de l’heure, créant le défilement du soleil au dessus de la terre.
L’espace entre les deux côtés de la rue était large et de nombreuses personnes y circulaient. Les seuls moyens de transports se trouvaient au-dessus de leur tête : les trains circulaient dans des tunnels, tout comme les voitures. Cependant les avions continuaient de voler dans le ciel, avec des bouteilles pleines d’air à distribuer dans la cabine pendant le vol Les bateaux étaient les seuls moyens de transport à avoir disparût, purement et simplement. Lily n’en avait même jamais vu ! Excepté dans ses livres. Naviguant sur la mer infestée et ouvert à l’air tout aussi gorgé d’impureté, ils étaient trop sujets aux maladies pour qu’on les estime sécuritaires.
En voyant une librairie sur sa droite, la jeune femme ne put s'empêcher d'y entrer. C'était inné chez elle. Toujours un livre à lire, quel que soit l'heure, l'endroit ou bien la compagnie ! Et qu'il soit politique était pour le mieux !
C'est en passant en revue ces sortes de bouquins qu'elle tomba inopinément sur L'histoire du Vampire Jelma, écrit par son ami Kelian. Elle passa tout d'abord son chemin en fronçant les sourcils. Puis, quelques minutes plus tard, revint sur le livre. Hésitante, elle finit par le prendre d'un air rageur et paya aussi vite qu'elle le put avant de changer d’avis. Dehors, elle respira un grand coup avant de sortir le bouquin de son sac. Elle eut un sourire en le portant à hauteur de ses yeux.
Bien, bien… Elle ferait sa Bonne Action de l'année, ainsi…
Et elle continua son chemin jusqu'à la bibliothèque Voltaire. Au moins, quelques noms connus demeuraient intemporels. Elle entra et se dirigea, comme à son habitude, vers la table de droite, pas loin de l'entrée mais peu visible par tous.
Quelqu'un y était déjà attablé et Lily ralentit pour s'installer silencieusement. Elle n'aurait pas aimé gêner ce lecteur qui avait l'air passionné…
Elle posa sa main sur la table et passa sa jambe derrière… qui tapa sur la chaise, rentrant dans la table elle-même en un bruit de bois mêlé à son cri de surprise.
Le jeune homme blond, non loin de là, lui jeta un regard, analysa la situation et, ne la trouvant sûrement pas intéressante, préféra se remettre à sa lecture. Lily, quant à elle, serrait les dents pour ne pas montrer la douleur de son pied meurtri. Quelle idiote !
Elle s'assied rapidement et ouvrit son livre, essayant de s'y plonger le plus sérieusement du monde.
Ses cheveux longs et bruns semés de mèches blondes lui voilèrent légèrement la vue et elle les attacha. Puis ses yeux couleur des châtaignes sondèrent les écritures qui s'étalaient devant elle.
Mais cela ne dura qu'un instant. Bientôt ses pensées fuirent la réalité et elle se prit à songer à ses études. De dures, elles étaient passées à une grande facilité puis à un ennui certain pour enfin prendre l'apparence de l'agacement pur et simple. La facilité avait disparu depuis quelques mois et elle n'était qu'en première année. Elle savait très bien qu'elle ne tiendrait jamais les cinq années demandées…
« Hé ! »
Lily sursauta sous l'injonction et se tourna vers la source de l'appel, l'air presque effrayé.
« Excuse-moi de t'avoir appelé si fort mais… tu ne répondais pas…
- Pardon. J'étais complètement… dans ma lecture ! »
Un sourire amusé étira les lèvres du jeune homme.
« Ca fait plusieurs minutes que je te regarde… et pas une page n'a été tournée !
- Tu n'avais pas à me regarder ! répondit Lily, rougissant légèrement d'être prise en flagrant délit.
- Excuse-moi si je t'ai froissée… »
Ses manières signifiaient à la jeune femme qu'il était de haute naissance. Et il paraissait humain. Enfin, elle ne voyait pas de crocs acérés tout du moins, ce qui n’était pas une preuve en soi…
« Ce n'est rien. Que veux-tu ?
- Ah ! Excuse-moi, j'aurais voulu savoir ce que tu lisais.
- C'est L'Histoire du Vampire Jelma…
- Par Kelian, n'est-ce pas ? Tu fais des études de politique ?
- Oui… Comment as-tu deviné ?
- Je l'ai lu, idiote. »
La réponse était complètement dénuée de méchanceté et la lueur comique qui brillait dans les yeux du garçon empêcha Lily de s'outrer ouvertement. A la place, elle maugréa entre ses dents.
« Que dis-tu ?
- Rien, rien…
- Ah… Tu es à quelle école ?
- L'Europe Politique, pourquoi ?
- L'EP ?! Eh bien ! Tu dois vraiment être une élève studieuse !
- Je l'étais, tout du moins…
- Mais quel âge as-tu ?
- C'est une question indiscrète !
- Pardon !
- J'ai dix-neuf ans. »
Lily s'amusa un instant de son embarras mais préféra ne faire aucune remarque; il avait l'air bien plus doué qu'elle à ce jeu-là.
« Hm… Je te propose un deal. Je t'offre un verre et tu me dis ce que tu penses du Président Jelma. OK ?
- C'est quoi ça ?
- Un deal… Mais tu n'es pas obligée d'accepter !
- Alors je refuse ! »
L'exclamation value à Lily une attention coléreuse de la responsable de la bibliothèque qui la fusilla du regard.
« Tu fais comme tu veux. Ce n'était aucunement une obligation. »
Et le garçon repartit dans sa lecture. Lily le dévisagea alors ouvertement.
Les cheveux blond cendré, les yeux bleus perçants et l'air très grand, il était mince et avait des traits fins. Lily s'en voulut de sa réponse trop dure.
« Comment t'appelles-tu ? » demanda-t-elle pour détendre l'atmosphère.
Le jeune homme se tourna vers elle avec un sourire qui figea Lily. C’était intense, profond, elle avait l’impression qu’il lisait en elle à travers ce contact visuel particulier.
« Mon nom est Johann. Et toi ?
- Lily.
- Lily… Sympa. »
La jeune femme sourit bêtement. Puis elle prit sa décision.
« Ce verre… ça tient toujours ? »
Johann tourna à nouveau son attention sur elle et hocha la tête en refermant son livre avec un clap sonore.
« Je serais heureux que tu acceptes, Lily.
- Alors je veux bien… »
En silence, Lily rangea ses affaires tandis que Johann allait remettre son ouvrage à sa place. Ils sortirent de la médiathèque en silence et enfin engagèrent de nouveau la discussion dans la rue.
« Alors, pourquoi avoir acheté ce livre ? », commença le jeune homme.
Lily se sentait toute petite depuis que Johann s'était levé. Il devait facilement atteindre le mètre quatre-vingt-dix et à plus grande lumière elle lui donnait environ vingt-deux ans.
« C'était pour me perfectionner. Ma Bonne Action de l'année en quelque sorte.
- De l'année ? Et ensuite, tu ne feras plus d'effort ?
- Disons que le sujet de la civilisation Mortel/Vampire ne m'inspire pas. Je vais être directe : je n'aime pas les vampires. »
La constatation arrêta Johann.
« Tu ne les aimes pas ? De nos jours, c'est pourtant… étrange. »
Il avait l'air d'avoir cherché le mot juste tout en s'approchant à nouveau de la jeune fille. Elle qui s'était attendue à une remontrance vénéneuse… La comprenait-il ?
« Oui, je sais… Mais c'est une sensation étrange, aussi. Je ne me suis jamais bien entendue avec eux et je me suis toujours sentie mal à l'aise en leur présence…
- Ce n'est pas de l'inimitié, Lily, mais seulement de l'incompréhension ce que tu me racontes… »
Les sourcils de la jeune fille se froncèrent et elle lui jeta :
« Je sais mieux que toi ce que je ressens ! »
Il n'insista pas plus.
Quand enfin ils trouvèrent un bar sympa et s'installèrent, Johann recommença à la questionner :
« Et le livre, pourquoi l'avoir acheté alors ?
- Je te l'ai dit : par obligation. J'ai de sérieuses mauvaises notes sur la civilisation… »
D'ailleurs, quand elle y pensait, on marquait souvent sur sa copie « Vous n'avez pas compris » mais inutile de le mentionner. Johann serait bien trop heureux de lui prouver qu'il avait raison…
« Alors, tu n'aimes pas Jelma ?
- Je ne sais pas… Du moins, je ne sais plus. Jelma est un homme politique donc peu scrupuleux. Et il parle trop bien pour ne pas cacher un petit jeu.
- Mais c'est le pain de tout homme politique, et non pas propre aux Vampires !
- Alors tu les aimes bien toi ?
- Oui. Moi, Lily, j'ai appris à les connaître. J'ai vécu parmi eux, ait partagé leur vie tout comme celle des mortels. J'ai joué avec des enfants vampires et mortels je peux te dire que l'on ne voit pas de réelle différence entre eux…
- Sauf les grosses canines qu'ils portent…
- Ce n'est qu'un détail physique propre aux anciens. Tu ne sais pas qu'un vampire s'accouplant avec une mortelle a soixante-dix pour cent de chance de créer un petit vampire qui vivra plusieurs centaines d'années avec des dents rétractiles ?
- J'en avais entendu parler, mais je pensais que ce n'était encore que des fabulations…
- Eh bien non, petite idiote, c'est la réalité !
- Arrête de me traiter d'idiote !
- Je le fais parce que je le pense : tu es trop renfermée sur toi-même et ta vie, Lily. Même sans te connaître j'arrive à le deviner. »
Lily le fusilla du regard et Johann jeta un rapide coup d'œil à sa montre, pas le moins du monde réactif à cette preuve d'animosité. D'un seul coup il laissa échapper un juron en remettant sa montre devant ses yeux.
« Mince ! Je dois partir ! Lily, on se retrouve ici, même heure, demain, ok ? J'y vais, salut ! »
Et il balança quelques piécettes sur la table du bar.
Lily se rendit compte, alors qu'elle allait partir à son tour, qu'il n'avait payé que pour lui.
« Le mufle ! »
** *
Lily bâilla profondément. Ca avait été une longue journée, peuplée de cours plus ou moins ennuyeux. Et il était à présent dix-huit heures.
Lily avait envie de dormir et s'étirait tout en marchant, repoussant l'envie grandissante de se laisser aller sur l'un des bancs de la rue souterraine.
Elle arriva quelques minutes plus tard au bar où elle et Johann, hier, avaient discuté. Elle croyait très peu en une nouvelle rencontre mais fût pourtant étonnée de le retrouver assis à la même table que le jour précédent.
Johann leva d'un seul coup son regard bleu, glacial, vers elle. Il était en colère. Lily rétracta sa joie de le revoir avant de s'approcher de la table.
« Bonjour, dit-elle presque froidement, ayant peur de montrer à quel point la colère du jeune homme la rendait nerveuse.
- Ça fait trois heures que j'attends !
- Eh bien tu n'avais qu'à penser un peu à moi avant de t'en aller aussi brusquement ! Je ne suis pas à ta disposition !
- Tu étais où ? »
Un peu plus et elle aurait éclatée de rire. On aurait dit un petit copain jaloux !
« Ça ne te regarde pas, » répondit-elle plus par provocation qu'autre chose. Elle savait très bien qu'elle devenait insolente, à ce stade.
Johann se leva avec brusquerie et sortit du bar sans un mot. Lily, d'instinct, le suivit.
« Est-ce que tu pourrais cesser d'être aussi… chiant ! »
La remarque fit sourire Johann qui s'arrêta après quelques mètres. Il se tourna vers la jeune fille :
« Ton vocabulaire est vraiment marginal parfois… Je sais très bien que c'est impoli mais j'aimerais savoir où tu étais toute la journée… »
Lily se dit qu'il devait toujours arriver à avoir ce qu'il voulait et elle finit par lui répondre :
« Comme toute étudiante qui se respecte… j'étais en cours ! »
Elle vit les joues du jeune homme se colorer et il détourna son visage, bredouillant une excuse qu'elle ne se donna même pas la peine de traduire.
« J'aurais dû y penser… »
Ils continuèrent finalement d'avancer. Ils parlèrent des cours de la jeune fille. Pendant deux heures, leur conversation se fit naturelle. Quelques anecdotes se profilèrent pour chacun d’eux, avant que tout ne tourne à la politique du monde actuel.
Ainsi, pendant un peu plus d’une semaine, Johann invita Lily au bar et ils se rencontrèrent avec joie. Lily le dédaignait un peu lorsqu’il commençait à parler « Vampire », mais finalement, elle s’y habituait malgré elle.
Un peu plus d’une semaine après leur rencontre, alors qu’ils sortaient du bar pour aller faire un tour, du moins c’est ce que croyait Lily, Johann demanda :
« Est-ce que tu voudrais venir avec moi ? J'ai un ami à aller voir. Ne t'inquiète pas, il est adorable… »
Lily sentait le piège à plein nez !
« … mais c'est un vampire. »
« Qu'est-ce que je disais ! » pensa-t-elle avec amertume. Elle fronça les sourcils et serra les poings. Une main vint prendre la sienne, l'entourant de sa chaleur. Les mains de Johann étaient grandes et douces comme celles d'un enfant.
« Ne t'inquiète pas. Je reste là de toute façon, et si ça ne va vraiment pas, on s'en ira…
- Mais…
- Je voudrais sincèrement te montrer qu'un vampire est une personne tout autant intéressante et humaine qu'un mortel. »
Lily eut un frisson. Puis sous une douce pression de la main de son ami, elle rougit et se détendit. Desserrant son poing, elle sentit les doigts masculins de Johann se mêler aux siens et ne résista pas. Il la tira vers l'avant avec un sourire et ils continuèrent leur chemin en silence.
Ils longèrent la rue principale et Lily fût étonnée de constater qu'ils s'approchaient de chez elle. Enfin, un peu avant sa propre demeure, ils s'arrêtèrent face à une barrière blanche. La maison qui poussait entre le sol et le toit de leur ville souterraine était d'un ton crème qui n'inspirait que la plus naturelle des douceurs. Un escalier descendait de la porte en longeant le mur de droite pour aboutir sur un petit sentier dallé qui conduisait au portail.
Johann sonna.
La main de Lily se crispa dans la sienne et elle faillit crier lorsqu'une voix, jeune, masculine et forte sortit de la battisse.
« JOHANN !! »
Ils entendirent un cliquetis puis, quand la porte se fut ouverte, un jeune homme aux cheveux rouges et aux yeux de la même couleur sortit en furie, sauta par-dessus la rambarde de l'escalier en pierre qui descendait le long du mur de la maison et se jeta sur son ami.
« Johann ! Johann ! Mon pote ! Ça fait un bail ! »
Johann, recevant le jeune homme de tout son poids, avait lâché Lily et serrait tout aussi chaleureusement le nouveau venu. Il était surexcité et ne remarqua aucunement Lily. Celle-ci restait les bras ballants devant autant de démonstration de joie. Trop humain à son goût, c’était impensable !
« Ça fait combien de temps que t'es rentré ?! »
Les deux excroissances dentaires du vampire avaient quelque chose d'étrange et de séduisant, de ce que Lily pouvait en voir, et cela l'étonna de constater qu'elle n'était pas insensible au charme du jeune homme.
« A peine une semaine, Wyl' ! Ça va toi ?
- Aucun souci ! Je me sens admirablement bien en ce moment ! Et c'est grâce à toi, merci infiniment ! »
Lily ne comprenait que la moitié de leurs paroles, cherchant des explications à chaque bout de phrase, en venant à une évidence : tout était parfaitement incompréhensible ! Mais elle changea aussitôt de sentiment lorsque le jeune homme aux cheveux rouges se tourna enfin vers elle. Elle ne pouvait même pas dire que c'était un affreux roux par ce que tout d'abord il avait, comme Johann, un magnétisme effrayant, et ses cheveux étaient loin d'être roux. Oui, ils étaient carrément rouges, pas d'autre mot ne lui venait à l'esprit.
« Qui est-ce ? Ta petite amie ? Tu te serais enfin casé ?!
- Non, pas vraiment »répondit Johann avec un air amusé en attrapant Lily par les épaules, l'amenant devant lui. « Elle s'appelle Lily. Ça ne fait pas longtemps qu'on se connaît mais elle a… quelques problèmes avec les vampires. Alors j'ai pensé l'emmener avec moi pour te voir… Ça ne te dérange pas, j'espère ?
- Non, bien sûr que non ! Je te suis tellement redevable ! » s'exclama l'homme aux yeux rouges en tapant Johan sur l'épaule. Puis il se tourna vers la jeune fille et continua, tout à fait à l'aise :
« Enchanté, Lily, je m'appelle Wylian. »
Il lui prit la main et la serra vigoureusement. Lily, rouge de confusion, répondit au salut avec difficulté, reculant jusqu’à s’enfoncer contre le corps de Johann.
« Alors, qu'as-tu avec les vampires ? Si tu as des questions, je pense pouvoir y répondre et si ce n'est pas le cas, compte sur moi pour tout faire pour y parvenir ! En ce moment, je me rends compte qu'il y a toujours des personnes qui conditionnent leurs enfants, ce qui est vraiment dommage… Alors autant lutter à ma façon contre tout cela ! »
L'expression, la connaissance, les mots utilisés… Lily passa outre sa timidité et demanda :
« Quel âge… avez-vous ?
- Quatre cent quatre-vingt-dix-huit ans ! Je suis encore bien jeune ! »
Cette affirmation fit sursauter Lily et son air surpris amusa Wyl’.
« Cela montre bien le fait que tu as eu une enfance conditionnée, toi aussi. De nos jours, tous ceux qui vivent avec les Vampires, c'est-à-dire jusqu'à quatre-vingt-dix pour cent de la population mondiale des humains mortels, ne s'étonnent plus de rien venant de notre part et au contraire, certains nous idolâtrent…
- … Je connais les vampires… leurs habitudes… du moins…
- Du moins ? insista Wyl’, et Johann répondit à sa place, la sauvant de son malaise :
- Lily ne connaît les Vampires que par les livres ou par les manies qu’ont ceux de sa classe. Ne sois pas aussi insistant, tu vas lui faire peur !
- Excuse-moi… Je m'emporte toujours aussi facilement. »
Lily, toujours devant Johann qui lui tenait l'épaule, s'enfonça de nouveau tout contre son corps, se cachant du mieux qu'elle pouvait.
« Mais je trouve tellement dommage que tant de personnes encore soient écartés de la vie d'aujourd'hui… ».
Sa voix était emprunte d'amertume. Lily n'osa rien dire de plus et garda ses yeux baissés. Ses chaussures noires avaient d'un coup un attrait tout particulier. Elle entendit Wylian pousser un long soupir puis il recommença :
« Et que puis-je faire pour t'aider, Lily ?
- A mon avis, Wyl’, tu aurais juste à lui parler. En tout cas, je pense que ce serait un premier pas à faire. Si tu as le temps, bien sûr, de faire cela.
- J'aurais toujours le temps pour toi, Johann, tu le sais mieux que personne, » rétorqua le concerné d'une voix des plus douces.
Johann sourit, Lily le regardant d'un air surpris et perdu. Puis d'un coup, l'expression du blond changea prenant l'apparence de l'étonnement frisant la folie.
« Wylian… Tu… Depuis combien de temps ne s'est-on pas vu ? »
La gravité de la question échappa à Lily qui resta des plus silencieuse.
« Je dirais… hm… sept ans…
- Et tu ne me l'as pas rappelé ?! C'est tous les cinq ans ! Wyl’, tu ne vas pas recommencer !
- Mais je n'ai rien, tout va bien, tu le vois ! Je n'en ai plus besoin !
- Et dans quelques temps tu vas retomber malade ! Et tout repartira de zéro ! »
Wylian se tut, respira fortement puis, énervé, fixa son ami :
« D'accord… Je veux bien avouer que je ressens un manque… Mais je pensais réellement pouvoir tenir !
- Allez, tu te sentiras mieux après, » lui dit doucement Johann avec un sourire tout en desserrant une manche de sa chemise. Il tendit son bras au jeune homme. Wylian l'écarta en ricanant.
« Pas ici. Excuse-moi de te rappeler à quel point tu es sensible ! Tu sais très bien comment ça finit chaque fois… »
Johann émit un bruit de frustration et hocha la tête. Wylian invita les deux jeunes gens à entrer dans la maison.
« Mes parents ne sont pas là. Dommage, ils auraient été ravis de te voir ! »
Il les guida dans la petite maison jusqu'à sa chambre. Lily, troublée, la trouva très similaire à la sienne : vivante, tout simplement. Bien que masculine, avec un bleu des plus marqué.
« Je ne sais pas si c'est une bonne idée qu'elle assiste à ça… »
La façon de parler égale de Wylian enflamma enfin Lily qui se réveilla et riposta :
« J'ai horreur qu'on parle de moi comme si je n'étais pas là ! Qu'est-ce qu'il se passe à la fin ! »
Johann ouvrit de grands yeux, resta perplexe quelques instants… Puis il jeta un coup d’œil à sa montre, le sourire aux lèvres, avant d’éclater de rire.
« Tu ne peux pas savoir comme je suis surpris que tu ais tenu autant de temps sans te plaindre ! »
Lily voulut le frapper mais la présence du jeune homme aux cheveux rouges l'en dissuada. En si peu de temps, il avait su la cerner… Si peu de temps…
« Très bien, laisse-moi t'expliquer puisque l'autre demeuré refuse d'arrêter de rire bêtement, commença Wylian en s'asseyant sur son lit. Il y a un bon bout de temps, j'ai rencontré Johann. A ce moment j'étais malade et très mal dans ma peau : ma mère – enfin celle qui m'a fait devenir vampire si tu préfères – n'avait bu que très peu de sang avant de me mordre. Elle me l'a fait boire et, ayant une carence en sang, je suis tombé malade. Johann est apparu et grâce à son sang qui combat très bien ma maladie, j'ai pu survivre jusqu'aujourd'hui.
- En fait, continua Johann plus calmement, tous les cinq ans je lui donne trois à quatre gorgées de mon sang qui incitent son corps à se battre contre la maladie. Plus le temps passe, et plus son immunité gagne du terrain. Encore une cinquantaine d'années et il sera entièrement guéri… s'il ne s'entête pas à vouloir repousser chaque fois plus loin ses limites. Ce qui produit une réduction de l'action de son système immunitaire. Mais bien sûr, il refuse de le croire !
- Mais je suis certain de finir par y arriver !
- Quel gamin !
- Tu m'excuseras mais je te rappelle qu'un vampire mordu et abreuvé cesse de vieillir…
- Euh… Une petite question…, » commença timidement Lily, les interrompant. Les deux hommes se tournèrent vers elle. Elle rougit d'embarras.
« Qu'est-ce qu'il y a ? Vas-y, je t'en prie, on sera ravie de t'aider.
- Eh bien… Un vampire cesse de vieillir mais il vit tellement d'années… Comment se fait-il qu'après quatre-vingt dix-huit ans tu sois aussi… infantile ?
- Ah ! Très bonne question ! En fait, c'est assez simple. Quand on est mordu, on arrête de grandir, tu l'as bien compris. Pour le cerveau c'est la même chose : il cesse de se développer. J'ai beau avalé un grand nombre de vocabulaire, je ne suis pas souvent capable de le restituer. Et mes jeux d'enfants me restent présents… Ils me sont inséparables. Tu comprends ?
- Je pense…
- Ce n'est pas très clair, c'est vrai.
- Mais assez compréhensible, ça m'ira. »
Lily leur sourit. Puis une nouvelle question s'imposa à elle et cette fois elle n'hésita pas à la poser :
« Et pourquoi mordre ou se faire mordre peut mettre dans l'embarras ?
- Là, c'est la preuve formelle que tu ne connais rien aux vampires ! (Lily rougit de plus belle) Ne t'inquiètes pas, je ne t'en veux pas. Ce n'est pas ta faute. Et c'est sûrement ton incompréhension qui a fait grandir ta peur des vampires… Bien, revenons-en à ta question. Mordre est un acte anodin pour un vampire… Lorsqu'il se trouve parmi les siens. Entre nous nous n'avons aucune inhibition. Mais avec les mortels ou des gens que l'on apprécie réellement, c'est un autre problème…
- En fait, Lily, mordre c'est un peu… comme faire l'amour ? Tu ressens un désir grandissant qui ne s'assouvit pas facilement. Et plus une personne est… disons sensible, plus elle sera réceptive à cette forme de désir…
-Ce qui est le cas de notre ami commun, Ma Dame. Johann a toujours été incroyablement sensible.
-Je ne me laisserai pas aller cette fois !
-Très bien, comme tu voudras. Si tu insistes. »
Johann lui jeta un regard sombre puis s'assied sur le sol, aux pieds de Wylian qui s'était affaissé sur son lit.
Wylian regarda un moment le bras que lui tendait son ami comme s'il ne savait plus, d'un coup, ce qu'il fallait faire. Puis doucement, il le prit entre ses doigts et l'approcha de sa bouche. Il y posa ses lèvres et regarda Johann dans les yeux. Lily retenait son souffle. Elle était ravie d'assister à une scène pareille et en même temps craignait un retournement de situation. Qu'allait-il arriver si le blond succombait aux « sensations » ? Elle n'avait pas encore très bien compris. Mais elle cessa bien vite de se poser des questions ; Wylian venait de planter ses crocs dans le bras de son ami et une fine coulée de sang glissait sur la peau blanche de Johann. A la deuxième gorgée, le blond laissa échapper un petit râle. A la troisième, il attrapa le cou de son ami comme pour l'empêcher de retirer ses crocs. A la quatrième, son corps s'arqua.
Lily sentit son pouls s'accélérer à la vue de cette scène et eut un instant une bouffée de jalousie.
Enfin, Wylian se dégagea avec force des bras de Johann. Il haletait. Il prit le corps du blond et l'allongea rapidement dans le lit, en évitant toutes les avances du garçon.
« Je suis aussi touché par le désir que lui… Lily, excuse-nous, nous n'avons jamais su repousser tout cela. C'est la première fois que nous nous obligeons à nous quitter. Mais Johann est bien plus sensible que moi… Je te le laisse, il faut que je sorte ! »
Wylian fit deux grandes enjambées, ouvrit brusquement la porte et la referma en la claquant. Lily était prostrée dans la chambre, complètement perdue. Elle avait bien vu la difficulté de Wylian à parler…
La respiration sifflante et les mouvements désordonnés de Johann lui rappelèrent qu'elle n'était pas seule. Il se tortillait dans les draps blancs, allongé, les mains crispées sur les tissus, le ventre s'élevant avec désespoir, en quête d'un désir inassouvie.
Ce fut à ce moment-là, quand il laissa échapper un cri de détresse, que Lily comprit enfin toute la portée de la situation. Aussi stupide que cela pouvait paraître… Johann était en manque !
Son pouls s'accéléra et elle mit quelques instants avant de s'avancer vers lui. Chaque pas faisait battre son cœur deux fois plus vite. Elle avait l'impression d'être compressée. Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait que Johann l'avait tiré dans le lit, sous lui. Son souffle était désordonné et sa force décuplée, immense.
« Va-t-en, murmura-t-il avec difficulté, en tremblant. Va-t-en… Lily…
- Mais que vas-tu faire seul ?
- Ça… ira… Va-t-en ! »
La dernière injonction était comme un grondement. Lily le regarda se relever, dos à elle, respirant avec tant de difficulté. Sans réfléchir, elle passa ses deux bras autour de sa taille. Un couinement lui répondit. Elle commença à chuchoter quelques paroles pour le calmer. Les cris voilés doublèrent de volume puis s'estompèrent au fur et à mesure, comme si Johann s'endormait.
Lily continua de lui chuchoter des encouragements ou des paroles rassurantes, avec toute la douceur qu'elle possédait. Enfin, quand elle sentit que Johann était tout à fait détendu, elle l'allongea dans le lit de Wylian et le couvrit des draps froissés. Elle sortit aussi silencieusement que possible, fermant la porte avec précaution.
« Tu l'as laissé seul ?! » s'exclama la voix masculine de Wylian alors qu'elle entrait dans un salon spacieux. Un large tapis portait une table basse en verre et deux canapés, l’un assez large pour accueillir quatre personnes, le deuxième plus menu. Une télé siégeait en face du plus gros canapé et de la table basse.
Le salon était coupé en deux et de l’autre côté s’étalait une immense table habillée d’une belle nappe rosée et d’un vase de fleurs. Deux armoires de bois s’élevaient contre les murs, de chaque côté de la table.
« Il s'est endormi », répondit calmement Lily en voyant l'homme aux cheveux et yeux rouge sang allongé dans le plus petit canapé couleur crème, un bras sur le front.
« Comment ça « endormi » ?!
- Je lui ai parlé jusqu'à maintenant et il a fini par s'endormir… »
Un rire sortit de la bouche du jeune homme alors qu'il soufflait :
« Quel menteur ! »
Lily n'osa poser aucune question.
« Il devrait se lever dans une ou deux heures. Tu devrais rentrer chez toi. »
Lily hésita puis répondit qu'elle restait. Elle voulait être sûre qu'il irait bien à son réveil.
« Depuis combien de temps connais-tu Johann, Lily ?
- Tu vas rire… On s'est rencontré il y a à peine une semaine ! »
Wylian s'étouffa puis éclata franchement de rire.
« Ça ressemble bien à Johann, ça ! Aider les gens en toute circonstance… M'enfin, cette fois, c'est différent.
- De quoi parles-tu ?
- Ah, pardon. Tu veux t'asseoir ? »
Wylian s'assied sur le canapé, libérant le second siège à ses côtés. Lily se demanda que faire puis s'avança. Elle s'assied avec une certaine réticence.
« Parlons Vampire, chère amie. Que sais-tu d'eux ?
- Hm… Rien ? répondit Lily, contrite.
- Ah ! J'aime ta franchise. Très bien, alors commençons par le début. Es-tu au courant de notre apparition ?
- Je l'ai à nouveau étudié cette année : le retour de Dracula, la guerre, la trêve…
- Tu as l'air assez au courant à ce niveau-là. C'est un bon début. Mais sais-tu réellement ce qu'est un vampire ? Sa façon de vivre, ce qu'il est capable de faire, ses limites… »
Lily ouvrit grands les yeux, affichant son désarroi. Mais de quoi parlait-il ?!
« Apparemment, tu n'y connais rien de ce côté-là. On en parle jusqu'au réveil du Prince Charmant ?
- Hé !
- Je rigolais. Alors… par quoi commencer ? Tout d'abord, un vampire se nourrit de sang. Pas forcément celui d'humains, mais aussi d'animaux. Certains mortels, avec bonté, acceptent de donner leur sang pour nous nourrir. Ils étaient particulièrement respectés par notre communauté au début, ce qui est un réel atout dans ce monde, je pense. C'est pour cela que de plus en plus de gens se sont laissés prendre au jeu et la confiance qui régnait auparavant a tendance à disparaître… Un Vampire a aussi des sens très aiguisés. Il sent de loin, entend à des kilomètres, distingue avec précision des détails que les mortels n’imaginent même pas !
- A ce point là ? fit Lily à moitié impressionnée et troublée.
- Oui ! C'est pour cela que de plus en plus de personnes en viennent à nous vénérer. Nous avons aussi un sens de la gravité beaucoup moins puissant que le vôtre, ce qui nous permet par exemple de sauter à des hauteurs phénoménales pour vous !
- C'est impressionnant ! J'aimerais ressentir ce que ça fait…
- Un jour, je suis sûre que tu me supplieras de t'emmener. C'est un spectacle que nous n'offrons qu'à une minorité de mortels.
- … Je deviens fan, je crois !
- Ni moi, et surtout pas Johann, n'avons besoin de fan. Mais d'une amie, oui… »
Lily sourit avec timidité. Les vampires, en un sens, ressemblaient aux mortels. Elle avait l'impression d'un coup d'entrouvrir une porte qu'elle avait toujours eu peur d'approcher jusqu'à présent. C'était grisant de dépasser sa crainte.
Wylian s'approcha de son visage, laissant se distinguer aux yeux de Lily les canines aiguisées qu’il portait, et lui chuchota à l'oreille :
« Sais-tu comment un Vampire tombe amoureux ? »
Lily rougit aussitôt et, incapable de parler, secoua la tête avec dénégation, éloignant désespérément sa tête du vampire. Wylian s'écarta en ricanant.
« Un vampire amoureux est pire qu'un mortel ! C'est pour cela qu'il y a si peu de couples mixtes. Tout d'abord es-tu au courant que c'est surtout un mélange d'odeur qui est le responsable de l'amour ?... Bien. Alors imagine un vampire avec un odorat surdéveloppé. Rien que cela et il devient fou ! Un vampire amoureux est un homme jaloux, fougueux, à fleur de peau et radicalement protecteur !
- … Je n'aimerais pas tombée amoureuse d'un vampire, c'est bien trop compliqué !
- On ne choisit jamais vraiment son partenaire. Ce n'est qu'une succession d'évènements et de rencontres. »
Lily et Wylian continuèrent de discuter ainsi pendant deux heures, Lily se tenant loin du vampire qui ne désirait que s’approcher toujours plus près, jusqu'à ce que Johann les rejoigne, tout à fait remis de ses exploits. Il n'avait pas l'air le moins du monde mal à l'aise et proposa à Lily de la ramener. Il voulut aller s'excuser devant les parents de la jeune fille pour l’heure tardive de leur retour mais celle-ci refusa et lui ordonna de rentrer chez lui. C'était mieux ainsi.
Ils n'oublièrent toutefois pas de se donner rendez-vous deux jours plus tard, même endroit, même heure.
***
Cela faisait maintenant plus de deux mois que Lily et Johann se rencontraient régulièrement, plusieurs fois par semaine. Il arrivait même que Johann vienne la chercher à la sortie de ses cours. Les premières semaines, il l’avait souvent accompagné chez Wylian ; elle avait refusé de s’y rendre toute seule. Et elle le refusa jusqu’à ce que Johann se défende d’à nouveau jouer le rôle de lampadaire : il refusa de l’accompagner et prévint la jeune femme que le vampire l’attendrait à dix-neuf heures non loin de chez elle. Elle avait pris tout son courage à deux mains ce soir-là pour sortir à sa rencontre. Et il lui avait fallut du temps pour se sentir en sécurité avec lui, seule.
Lily osait à peine s'avouer être tombée amoureuse du blond. Seul Wylian, qu'elle allait voir aussi souvent que possible, était au courant. Il était plus perspicace que la plupart des élèves de l'EP.
Ensemble, ils parlaient des heures des vampires et des mortels, finissant dans un grand débat ou sur des moqueries qui les faisaient rire pendant des heures ! Elle avait appris tellement de choses à leur sujet, comme leur façon de vivre, l’âme des plus humaines qu’ils portaient, leurs faiblesses aussi bien que leurs forces.
L’amitié qui la liait au vampire était solide, fondée sur de la confiance, de la connaissance que Lily avait souvent cherchées sans jamais trouver. Elle avait toujours été solitaire. En Wylian, elle voyait plus qu'un ami, presque un frère, et cela la rassurait.
Il avait su, avec douceur et justesse, lui faire accepter ce qu'elle avait toujours rejeté et elle avait découvert un nouveau monde, beaucoup plus vaste que l'ancien. Elle s'était liée de petites amitiés avec des vampires de sa classe, les surprenant.
De plus, Lily voyait bien qu'elle n'était pas la seule heureuse de la situation. Wylian semblait apprécier tout autant qu'elle leurs débats.
La jeune femme s'était un moment amusée de ses notes, moyennes sans plus jamais sentir l'intérêt qu'elle y donnait auparavant. Elle se savait incapable de continuer, beaucoup moins motivée qu'à ses débuts. La voie de la politique n'était pas faite pour elle et Johann l'avait encouragée à chercher d'autres centres d'intérêt.
Enfin ! Ce soir, elle avait rendez-vous avec Johann, comme tous les jeudi, et était bien décidée cette fois à lui avouer ce qu'elle pensait. Son amour, son cœur qui battait si vite, la chaleur qui l'envahissait quand elle le voyait… C'était cela être amoureuse ?
Mais est-ce que Johann allait l'accepter ou la rejetterait-il ? Si c'était le cas, elle ne saurait plus quoi faire ! Elle ne serait plus vraiment elle-même ! Et c'était ce qui la faisait tant hésiter. Les pires scénarios côtoyaient les idylliques et elle serrait ses poings dans ses poches pour éviter de se laisser aller à sa nervosité. Le bar approchait dangereusement face à elle mais elle ne pouvait plus s'arrêter, attirée sans pouvoir se défendre.
Elle ouvrit la porte d'entrée et jeta un coup d'œil à leur table : il était là, lui souriant, deux verres légèrement alcoolisés devant lui. D'une main il plaqua ses cheveux en arrière, lui souriant, l'air fatigué.
« Bonsoir », commença-t-il. Elle lui répondit avec la même douceur et s'assied à table, posant son sac de cours à côté d'elle.
« Alors, la journée ?
- Pas trop mal. Je suis fatiguée mais bientôt les vacances seront là et ça me motive !
- Tu n'as pas tort… D'ailleurs, tu fais quoi pendant les vacances ?
- Rien pour le moment. Mes parents me laissent juste seule, ils partent rejoindre des amis en Allemagne où mon père a une conférence à tenir et un meeting avec le délégué mortel allemand.
-Donc tu seras seule chez toi ? »
Il y avait quelque chose dans le ton de la question qui fit rougir Lily, la laissant en proie aux battements de son cœur qui s'étaient d'un coup accélérés. Elle hocha la tête, n'osant ouvrir sa bouche.
« Si j'avais été là, crois-moi, j'en aurais largement profité… Mais malheureusement… »
Le visage de Lily se referma, blessée par cette absence.
« Tu ne seras pas là ?
- Non, je dois partir pendant une semaine pour accompagner mon… père… mais… »
Et le « mais » était plein de promesses. Lily le fixa, interrogative. Johann glissa son bras sur le côté et en sortit un petit paquet rouge, décoré par un ruban doré.
« On n'est pas Noël ! » s'amusa la jeune femme, pourtant réellement heureuse.
« Non, on n'est pas Noël, mais tant pis ! C'est pour toi ! »
Il lui tendit le cadeau et Lily le prit, frôlant de ses doigts les mains du jeune homme. Elle frissonna encore. Puis, fébrilement, elle défit le ruban et déchira le papier cadeau.
« Un téléphone portable ! »
Johann rit de son extase.
« Il fallait bien, sinon comment aurions-nous put nous parler ? Une semaine sans te voir, sais-tu ce que cela représente pour moi ? »
Lily rougit, se cachant derrière ses cheveux mi-châtains mi-blonds. Johann s'approcha d'elle et colla la paume de sa main sur la nuque de la jeune fille. Lily crut subir un choc électrique.
Elle leva ses yeux bruns sur ceux de Johann, les fixant avec envie et appréhension. Ce n'était pas son premier baiser, mais ça avait toujours été ainsi; elle craignait ce moment si subtil et éphémère de la « première fois ».
Johann se pencha vers elle et effleura ses lèvres, puis il s'écarta et leurs yeux se croisèrent à nouveau, brillants. Ils s'avancèrent à nouveau l'un vers l'autre et fermèrent leurs paupières, s'attirant mutuellement. Leurs lèvres entrèrent à nouveau en contact, se posant se décollant, puis se soudant. Johann vint lécher doucement les lèvres de Lily qui ouvrit légèrement les lèvres. Et leur baiser se fit plus passionné.
Quand enfin ils s'écartèrent, ils étaient essoufflés mais aucunement débarrassés de leur désir de s'embrasser à nouveau !
« Depuis le temps que j'attendais ça…, murmura Johann en la serrant contre lui.
- Tu peux parler ! Moi aussi ! »
Ils rirent ensemble, un peu nerveux.
« Tu es en vacances à la fin de la semaine il me semble, non ?
- Oui, samedi. Et toi, tu pars quand ?
- Après-demain… Samedi. »
Lily hocha la tête. Une semaine… Finalement, c'était long une semaine ! Ils restèrent dans les bras l'un de l'autre pendant un long moment, échangeant des paroles, tendrement. Enfin, quand Johann estima qu'il était l'heure de rentrer, Lily maugréa et il la poussa à se lever, lui chatouillant les côtes. Elle éclata de rire puis disparut au dehors du restaurant : trop de gens la regardaient avec insistance, tout d'un coup…
« Idiote ! » s'amusa Johann en la rejoignant dehors à son tour. Et il éclata de rire en la prenant par les épaules. Lily finit par suivre son exemple.
Ils déambulèrent dans les rues, passant de maisons en maisons, s'amusant des fêlures extravagantes qui s'étaient créés sur les plafonds en pierre, au-dessus de leurs têtes.
« - Tu as déjà aperçu l'extérieur ? demanda Johann, tout en continuant d'avancer.
- Non… Pourquoi ?
- Tu aimerais ! Je t'emmènerai un jour !
- Mais on ne peut pas…
- Tu sais, ils viennent de construire une sorte de tunnel transparent pour que l'on puisse à loisir marcher au-dessus du sol.
- C'est vrai ?! s'exclama Lily, extatique.
- Oui ! Il y a même un ancien parc, tout à fait désinfecté et replanté qui a été protégé…
- Impressionnant !
- En attendant, celle qui m'impressionne c'est toi ! Comment m'as-tu fais tombé sous ton charme ? »
Il lui attrapa d'un coup la taille et l'appuya contre un mur, la détaillant d'un regard plus brillant encore qu'auparavant.
« Ce n'est pas toi qui m'a envoûtée, plutôt ?... »
Elle avait rougi légèrement mais la pénombre cachait ses couleurs. Johann sourit sans répondre et se pencha pour lui voler un baiser. Elle s'accrocha à lui avec véhémence.
« Doucement, mon cœur… »
Ils se séparèrent et continuèrent d'avancer avec beaucoup moins de hâte.
« - Tu as intérêt à rentrer vite !
- Une semaine, Lily !
- Oui, justement, une semaine !
- Ça va passer vite.
- C'est toi qui le dis !
- Lily ?
- Quoi ? »
Elle tourna son visage vers lui et il l'embrassa, vite, fort. Elle garda les yeux ouverts, surprise. Juste à l'instant… Il l'avait embrassée… avec passion ? C'était cela que l'on appelait passion ? Elle en redemandait !
Quelques pas silencieux plus tard, Johann s'amusa de son mutisme et flatta son ego.
« - Mes baisers te laissent sans voix !
- Calme ta joie ! »
Puis ils éclatèrent de rire, incapable d'être malheureux, indifférents, refusant de se lâcher, de quitter la chaleur de l'autre.
Arrivés devant la maison de la jeune fille, il la plaqua doucement au mur une nouvelle fois, pour l'embrasser.
« - Je n'ai pas très envie de partir, Lily…
- Je n'ai pas très envie que tu partes… »
Ils s'embrassèrent, comme si jamais ils n'allaient pouvoir étancher leur soif de baisers.
« - Pousse-moi, mon cœur…
- Je n'ai pas envie…
- Bientôt je ne résisterai plus à mes désirs et je commettrai l'irréparable… »
Lily rougit et tourna la tête d'embarras.
« On en parlera la prochaine fois, lui dit enfin Johann en embrassant son front. Ne m'oublie pas jusque là. »
Et il partit, cachant son visage, ne lui accordant un dernier baiser qu'au coin de la rue, du bout de ses doigts. Elle le voyait à peine, dans cette obscurité grandissante, alors que les lumières s'éteignaient une à une. L'heure du couvre feu. Il avait disparut avant même qu'elle ne s'en aperçoive.
Lily resta debout contre le mur, les joues rougies de gêne, de plaisir, de froid… était-ce possible ? Était-ce seulement arrivé ?
« Ne m’oublie pas jusque là… »
Comment pourrait-elle ?!
Lily rentra chez elle avec un sourire qui dura plusieurs jours durant.
***
Johann était parti depuis maintenant trois jours. Il l'avait appelé à chaque occasion, tombant d'abord sur la messagerie alors qu'elle travaillait, laissant de longs messages qui lui donnait chaud et la faisait rougir de plaisir. Il connaissait les mots qui la touchaient, il n'avait même pas besoin de chercher.
Ils passèrent trois soirs à se téléphoner, restant des heures au téléphone, et même une nuit entière. Lily s'étonnait de ses actes, de son comportement. Jamais elle n'avait connu quelque chose d'aussi particulier. Elle avait parfois l'impression que tout n'était qu'un rêve, qu'elle avait tellement espéré ses instants qu'ils n'étaient apparus que dans ses songes. Et pourtant l'instant d'après il appelait ou lui envoyait un message.
Le lundi soir elle rejoignit une petite fête qu'avait organisé Wylian. Il l'accueillit avec chaleur et lui fit comprendre, par moult expressions des plus ironiques, qu'il savait tout.
« Bah ne t'en fais pas ! Ce n'est pas une affaire d'état ! Ne rougis pas ainsi ! Et si l'un d'eux t'embête, appelle-moi à la rescousse. Ils ont été prévenus mais bon, je les connais. »
Voilà qui était rassurant ! Lily soupira d'un désespoir particulièrement bien imité et éclata de rire avec son ami. Il lui baisa le front et Lily, instantanément, se rappela d'un autre baiser. Elle rougit, gêné de ne penser qu'à lui.
« C'est plus de l'amour, c'est de la rage ! » s'amusa-t-elle à penser. Puis elle entra pleinement dans la maison et alla saluer les personnes présentes. Bien évidemment, la plupart des invités étaient des vampires, et cela ne la toucha même pas. Elle était bien plus que satisfaite de sa nouvelle maturité.
On vint lui parler, on la taquina même gentiment sur son « petit ami » absent.
« Johann n'est jamais là quand il faut ! » s'amusaient-ils, tous. Ils avaient l'air de bien le connaître et cela aida Lily à se sentir plus à l'aise.
Elle s'entendit tout de suite avec une jolie femme aux cheveux bouclés noirs comme les plumes de corbeaux et aux yeux bleu acier. Elle n’avait pas les canines des vampires mais Lily était sûre qu’elle en faisait partie. Wylian lui avait parlé de ces vampires dont les dents étaient rétractiles. Ils étaient soient des vampires de dernière lignée, soit de première, mordus par des Vampires vieux de plus de mille ans.
« Comment va Johann ? » demanda enfin la jeune femme aux yeux bleus après quelques minutes de bavardage sur la pluie et le beau temps.
Lily refoula une pointe de jalousie quant à celle-ci. Elle était jeune, belle, et avait l’air de connaître intimement son homme.
« Non, là, c'est toi qui divagues ! Fini les films, on a dit, Lily ! » se morigéna-t-elle intérieurement en répondant que Johann était en parfaite santé mais absent en raison d'un voyage familial.
« - Au fait, je ne me suis même pas présentée. Je m'appelle Laura.
- Ah oui, pardon. Moi c'est Lily.
- Oui, je sais, Wylian n'a pas arrêté de nous répéter qu'il fallait faire attention à toi, être gentil, ne pas te sauter dessus, etc. Tu vois le tableau.
- Oh je vois ! Lui alors !
- Oui ! » s'amusa la jeune femme avec un petit rire qui illumina son visage. Elle était magnifique.
Puis quelqu’un la bouscula sans préavis et la jeune mortelle se retrouva face à une nouvelle femme d’un peu plus d’une vingtaine d’années.
« Lily, je présume ?! » demanda-t-elle abruptement. Elle aussi était belle que la plupart des présentes avec ses yeux en amande à la couleur caramel et ses longs cheveux bruns bouclés. Elle n'arrivait pas à la cheville de Laura mais atteignait déjà un certain seuil de beauté que Lily désespérait un jour de rejoindre. Cependant, la dernière arrivante avait un visage aux traits durs, un air mesquin qui interdisait à Lily de baisser sa garde.
« - Oui, c'est moi.
- Alors ton vampire de copain n'est pas venu ?! Le célèbre Johann, seul Vampire au Cœur d'Homme ! Il manque à l’appel, comme d’habitude ! »
La voix était acerbe, les mots transpercèrent le cœur de Lily avec dureté.
« Océane ! C'était interdit ! » s'écria Laura avec véhémence en lui attrapant l'épaule au niveau du cou. Un long cri de rage s'éleva et Wylian apparut, allant attraper de la même manière la femme en furie.
« Océane ! Dehors ! Tu n'es qu'un vers venu pourrir la plus belle pomme ! Sors d'ici, sale peste ! Tu n’y mérites pas ta place !
- Oh mais que de mots d'amour ! » rit faussement Océane, les yeux froids comme de la glace.
« Tu viens de gâcher la fête, ordure ! » siffla Laura à son tour en serrant contre elle une Lily encore choquée. Elle vit Wylian pousser sans vergogne cette Océane dehors. « Vampire » ? Avait-elle mis dans la même phrase « Johann » et « vampire » ? Elle entendit, de loin, le rire satisfait de cette peste appelée Océane. Elle allait devenir folle, il fallait la faire taire !
« - Lily ? Lily !
- Lily, s'il te plaît, ne te mure pas dans le silence d'accord ? »
Lily inspira et souffla trois fois avant de se redresser. Tout le monde s'était arrêté pour la regarder. Elle rougit d'embarras et demanda à Wylian si elle pouvait emprunter sa chambre. Lui et Laura l'accompagnèrent alors qu'on entendait derrière leur dos les rugissements furieux d'Océane, dehors, repoussée par les autres invités. Ils traversèrent le couloir dans un silence religieux. Lily se mordait les joues pour s'empêcher de se laisser aller.
Quand enfin ils fermèrent la porte derrière eux, elle laissa couler des larmes de rage.
« Lily, je suis désolé, tu ne devais pas l'apprendre comme ça ! C'est ma faute ! s'excusa Wylian avec une tristesse des plus voyante et marquée.
- Non ! Pourquoi ne me l'a-t-il pas dit, lui ?! Pourquoi me l'a-t-il caché ?! Alors qu'il a tellement eu l'occasion de me le dire ! Il aurait pu garder ça pour lui une éternité !
- Mais il en avait l'intention, Lily, crois-moi. Il voulait te le dire !
- Te croire ?! Depuis combien de temps nous connaissons-nous, tous les trois ?! Si en trois mois il n'a jamais fait une seule allusion à cela alors que moi je ne lui ai rien caché, c'est normal ?!
- Non Lily, non… »
La jeune fille avait le dos tourné aux deux autres. Elle leur cachait ses larmes, criant pour couvrir le bruit de ses pleurs. Mais une poigne ferme vint la tirer et la tourner vers eux. C'était Laura qui l'obligea finalement à l'écouter.
« Tu veux d'autres nouvelles pour t'énerver ?! Tu veux des raisons pour pouvoir crier à tort et à travers comme tu le fais ?! Je vais t'en donner, moi ! !
- Laura !
- Tais-toi Wylian ! En venant ici, je voulais savoir qui tu étais, si tu valais Johann. Je me suis dit que tu étais bien, qu'il avait bien choisi. Mais maintenant je me le demande… Si tu n'es pas capable d'accepter qu'il soit Vampire, alors renonce à lui. Renonce à mon frère ! »
Les larmes de Lily s'arrêtèrent de couler, choquée par les derniers mots. Laura… était la sœur de Johann ? Ils ne se ressemblaient absolument pas !
Lily se crispa et leva les yeux vers la jeune femme. Là, elle reconnut des traits familiers sur le visage de celle-ci, ainsi que les yeux, inimitables. Elle mit une main devant sa bouche et s'empêcha de laisser couler à nouveau la détresse qui l'envahissait.
« - Pourquoi ne me l'a-t-il pas dit ? Pourquoi est-ce qu'il m'a caché une chose pareille ? La confiance, c'est quoi pour lui ?
- Lily…, commença Laura en la reprenant dans ses bras, Johann est un homme depuis longtemps déjà. Ne crois pas qu'il a fuit la confiance que tu lui accordais, au contraire ! Jamais je ne l'avais vu aussi ouvert, joyeux, libre…
- Libre ?
- Tu m'excuses de te cacher encore beaucoup de choses, mais si tu veux des réponses, attends son retour. A ce moment là, il t'avouera tout, c'est d'accord ? »
A peine avait-elle prononcé ces paroles que le portable de la jeune femme se mit à sonner, d'une douce mélodie.
Lily sortit fébrilement le portable et le fixa un moment, incertaine. Les contours noirs, l'écran bleu ciel, les écritures rouges et les petites touches saturées de bleu intense…. Quand elle leva les yeux, cherchant de l'aide, Wylian et Laura étaient partis. Elle maugréa faiblement en décrochant.
« - Allô ?
- Lily, ça va ?
- Pourquoi tu me demandes ça ?
- Je ne sais pas… une intuition… ?
- Te fatigue pas, je sais tout. On en reparle quand tu rentres. D'ici là, ne téléphone plus.
- Lil… »
Mais elle avait déjà raccroché. Non… si elle était restée, elle aurait succombé à sa douce voix, à ses mots, son ton… C'était mieux ainsi. Il fallait qu'elle l'ait en face d'elle et, entre-temps, il fallait qu'elle se fasse à l'idée de qui il était.
Lily resta toute la nuit dans la chambre de Wylian, n'ayant pas la force de rentrer chez elle, de bouger, de s'échapper de cette atmosphère. L'atmosphère des vampires.
Elle entendit Laura venir lui dire au revoir alors qu'elle était couchée dans le lit de son ami.
« Tu veux que je t'avoue quelque chose ? lui dit-elle en chuchotant. Même Johann ne le sait pas… Tu sais, Wylian et moi, ça fait plus de cinq ans que nous sommes ensemble. Mais jamais je n'ai trouvé le courage de le dire à Johann… Tu m'aideras ? »
La question fit ouvrir grand les yeux de Lily, qui se mit sur son séant en tournant la tête du côté de la jeune femme. Wylian se tenait à l'entrée de la chambre, appuyé contre le chambranle, un sourire chaleureux et bienveillant posé sur elles.
« Comment avez-vous pu le cacher aussi longtemps ?! »
A côté des trois mois qu'elle reprochait à Johann…
« - Par peur de sa réaction. Il est ami avec Wylian depuis très longtemps… bien avant que nous ne nous rencontrions, moi et Wyl’…
- Un seul regard a suffit à m'enflammer. », dit Wylian, sans l'ombre d'un remord. Il était si sûr de lui !
Puis elle se mit d'un coup à penser au moment où le jeune homme aux cheveux rouges avait mordu le frère de Laura.
« Mais… ça ne fait rien que ce soit Johann qui se fasse mordre… comme ça ? »
Wylian éclata de rire en quittant la porte pour s'approcher à son tour, s'asseyant sur le sol.
« - Johann a commencé à me donner son sang bien avant que je rencontre Laura. D'ailleurs elle a même assisté à plusieurs de nos… ébats !
- Wyl ! S'il te plaît, évite-moi ces souvenirs ! Je devenais folle rien que d'y penser à l'époque !
- Et ça n'a pas changé à l'heure actuelle !
- Je suis rassurée, en un sens, que Johann ait trouvé quelqu'un comme Lily. »
Wylian éclata à nouveau de rire. Il attrapa son amante et la tira vers lui, l'allongeant dans ses bras. Lily rougit de la démonstration qui se déroulait face à elle.
« - Wyl, lâche-moi, je dois rentrer !
- Pourquoi mon amour ?
- Pourquoi ?!
- Tu ne veux pas rester ici… cette nuit ? »
Un son étrange sortit de la gorge de la jeune femme aux yeux bleus, si semblables à ceux de Johann. Lily remarqua alors l'intensité du regard que faisait sortir Wylian en fixant Laura. Elle comprit aussitôt ce qu'il faisait; il lui avait déjà expliqué. Il était entrain de faire partager à cette femme qu'il aimait l'intensité des sentiments qui l'habitait. Pas seulement son amour, mais la tension du désir qui coulait en lui, son envie presque insupportable de la toucher, de la faire sienne.
Lily évita de trop le regarder et se recula dans le lit… finissant par tomber sur le sol en un cri de surprise qui brisa l'enchantement du Vampire.
« Toi, tu ne perds rien pour attendre », siffla Laura. Puis :
« - Lily, tu vas bien ?
- Aïe… Oui, oui, ça va… Je suis une idiote…
- Ça tu l'as dit ! s'exclama Wylian, moqueur.
- Oh toi ! »
Et c'était un cri féministe reprit par toutes que le vampire préféra prendre sans répondre.
« Bien j'y vais. Je reviendrais dans peu de temps. Je suis ravie d'avoir fait ta connaissance, Lily. Prends juste grand soin de Johann, d'accord ?
- C'est promis », répondit Lily, en se relevant, souriante. Laura la prit dans ses bras et lui embrassa les deux joues. Puis elle lui fit un signe d'adieu de la main et sortit de la chambre, accompagnée de l'hôte de la maison qui jura à Lily de vite revenir.
Cette nuit-là, Lily et Wylian discutèrent longuement des vampires, de l'amour, de tout ce qu'il pourrait arriver… avant de s'endormir, l'un près de l'autre.
***
« Bon, tu te souviens bien de tout ? Non, parce que, sortir avec un vampire va impliquer ta vie entière ! Et surtout un Vampire comme Johann !
- Ca va, Wylian ! J’ai compris !
- T’es moins stressée à présent ?
- Après toutes les débilités que tu m’as sorties ? C’est sûr, je vais mieux…
- Bien, je te laisse alors. A plus tard, princesse ! »
Et le jeune homme raccrocha.
Lily soupira. Assise sur l’un des bancs du bar qu’elle avait l’habitude de fréquenter avec Johann, elle l’attendait de pied ferme. Oui, car elle avait beau s’être habituée à cette idée particulièrement difficile à gérer qu’il était un vampire, elle ne comptait pas oublier l’absence de vérité dont il avait fait preuve ! Il avait eu tout le temps de lui dire qu’il était un vampire, et voilà qu’elle l’apprenait d’une autre ! Et quelle vampire, merci ! Océane ! Une ancienne compagne, tout pour lui plaire, merci infiniment !
La porte du bar s’ouvrit et Lily leva instinctivement les yeux vers elle, tout d’un coup nerveuse. Mais ce n’était pas lui.
Lily soupira. Quand allait-il arriver ? Son avion avait atterrit depuis plusieurs heures déjà et il lui avait donné rendez-vous à dix-huit heures. Et bien évidemment, les dix-huit heures étaient bien passées !
La porte tinta de nouveau, une clochette accrochée à son montant. Lily se crispa de nouveau en levant les yeux vers l’entrée.
C’était lui.
Johann eut un petit sourire et s’approcha de sa table.
« Bonsoir…
- Bonsoir », répondit Lily, froidement.
Oh, il allait en baver ce soir ! Vraiment !
« Hm… Mon avion a eu du retard et il a fallut que je trouve une excuse pour sortir…
- Ouais.
- Lily, parlons normalement veux-tu ? Regardes-moi ! »
Il lui prit le visage d’une main et le tourna vers le sien. Leurs regards s’accrochèrent et ils ne parlèrent plus avant un certain temps.
« Aucune excuse de ma part ne saurait justifier ce que je t’ai fait subir… Je suis désolé… »
Il baissa les yeux, semblant chercher quoi dire, ou comment. Puis il les releva, assuré.
« A la place, me permettras-tu de partager avec toi… mes sentiments ? »
Lily ouvrit grand les yeux avant de comprendre toute la signification de cette demande. C’était ça, c’était ce qu’avait utilisé Wylian sur Laura à la soirée !
« Très bien, Johann. Mais, s’il te plaît, pas ici. Allons chez moi, mes parents ne rentrent que demain… »
Elle était mal à l’aise. Elle ne pouvait pas lui résister, elle voulait savoir. Mais elle ne voulait en aucun cas lui montrer qu’il avait complètement gagné la partie. Johann hocha de la tête et ils sortirent silencieusement du bar. Johann passa doucement son bras autour des épaules de la jeune femme mais elle le rejeta fermement. Pas encore. Il n’était pas pardonné !
Ils firent le chemin en silence, jusque chez elle. Elle ouvrit la barrière de la maison puis la porte d’entrée et enfin ils entrèrent.
« Fais comme chez toi… ou pose ton manteau ici. »
Elle lui pointa du doigt l’un des fauteuils du salon. Son propre humour ne l’atteignait même pas Le blond s’exécuta, lui, sans un mot. Puis ils s’assirent enfin et Johann vint se mettre près d’elle sur le canapé.
« Bon, si tu ne veux pas…
- Si je ne voulais pas, Johann, tu ne serais pas là… Tu m’as blessée par ton silence, alors j’ai le droit de me venger !
- Je ne voulais vraiment pas que ça se passe mal. Je voulais te le dire… Mais…
- En trois mois, tu n’aurais pas trouvé le bon moment, c’est ça ?! Alors qu’on passait le plus clair de notre temps ensemble, seuls ?! »
Elle s’échauffait. Qu’il trouve encore une excuse bidon et il allait voir !
« Lily, Lily ! Ce n’est pas l’occasion qui m’a manqué, mais le courage… Sais-tu ce que représente pour un Vampire de vivre avec une humaine, de l’aimer, de la chérir ? »
Etrangement, alors qu’elle était certaine d’avoir la réponse, aucune ne vint à Lily. N’avait-elle jamais discuté de cela avec Wylian ? C’était impossible, il lui avait pourtant tout dit sur le Vampire amoureux !
Elle finit par ouvrir la bouche pour la refermer silencieusement. Non, elle ne savait pas quoi répondre.
« Lily écoute-moi bien. Je te dirais tout si tu es sérieuse avec moi. Laisse-moi te montrer… ce que tu représentes pour moi… »
Leurs regards accrochés, Lily se sentit mal. Elle aimait ses yeux, elle ne pouvait s’en défaire. Ce bleu intense, parfois presque noir… Ces pupilles qui la transperçaient, allaient jusqu’au plus profond de son être…
Cet amour qu’elle n’avait jamais voulu cerner, se trouvant bien trop effrayée de finir par le perdre, au final. Elle ne voulait pas obtenir puis perdre…
« Un Vampire, quand il aime, ne voit personne d’autre… Il est amoureux à vie. »
Les paroles de Wylian résonnèrent dans sa tête alors que l’amour de Johann s’éparpillait dans tout son corps. C’était chaud, et même brûlant, suffocant. Elle sentit sa respiration se casser, s’arrêter, puis repartir avec difficulté. Et pourtant, avec tout cet amour autour, elle ne ressentait aucune douleur. C’était trop intense, dévastateur… Pourquoi n’avait-elle pas peur ?
Au fond, elle connaissait la réponse. Ce déversement de sentiments faisait ressortir un étrange écho de son être, le mêlant à celui de son amour.
Pourquoi était-ce si parfait ? Pourquoi se sentait-elle si bien en étant si mal ?
Elle cligna des yeux et, peu à peu, le monde autour d’elle se recréa. Où était-elle ? Que s’était-il passé ?
Sa vue se dégagea, comme si une brume jusqu’à présent l’avait empêchée de voir le monde autour. Elle était dans son salon. Oui, elle le reconnaissait.
Puis enfin, elle sentit les bras qui l’enserraient avec force, sa respiration saccadée, leur respiration complètement folle.
Johann desserra lentement son étreinte avant de s’écarter d’elle et la fixer de ses yeux bleu sombre. Mon dieu, qu’elle avait envie de l’embrasser, de lui prendre son visage entre les mains, de le caresser… de l’aimer…
Elle se pencha vers lui et leurs lèvres se rencontrèrent, tout de suite emportées par un vif désir. C’était si bon de le sentir contre elle, de l’embrasser ainsi…
Les mains du vampire vinrent se poser sur sa peau nue de son ventre, celui-ci se rétractant aussitôt de plaisir. C’était fou ! Elle était folle !
« Li…ly… », murmura Johann à son oreille, avant de la lui embrasser puis la mordiller. La voix de Johann était sensuelle, électrisante. Un cri de pur plaisir échappa à Lily qui aussitôt rougit de gêne.
« Encore, mon amour… », lui murmura Johann, la faisant gémir. « Laisse-moi entendre ta voix… »
Lily laissa échapper un nouveau cri et se retrouva allonger sur le large fauteuil. Les mains de Johann, après avoir longuement caressé son dos et son ventre, s’étaient attaquées à son soutien-gorge. Lily ne savait plus quoi faire ; elle avait chaud, tellement chaud ! Et le corps de Johann l’attirait irrésistiblement, ses mains lui caressant le dos, sous son pull.
Avant qu’elle ne comprenne, elle le lui avait retiré et il fit de même avec ses vêtements. Johann s’approcha et vint s’allonger tout contre elle, collant leurs deux corps. Lily émit à un nouveau un cri de pur plaisir, surprise. C’était bon ! Pourquoi était-ce aussi bon ?
Elle se rendit compte quelques instants plus tard que ses propres mains s’étaient crispées sur les fesses de son amant qui lui embrassait et lui mordait le cou.
« Tu me rends… fou… », murmura Johann, au creux de son oreille. Le souffle de Lily se crispa, s’arrêtant quelques instants pour repartir de plus belle.
« Tu me rends folle… », répondit-elle à son tour. Elle glissa ses doigts le long du dos du blond pour le serrer tout contre elle. Johann vint alors lui quémander un baiser et celui-ci s’intensifia en quelques secondes. Ils se tournèrent un instant… et tout bascula. Ils venaient de tomber du canapé. La chute les déstabilisa quelques secondes avant qu’ils n’éclatent enfin de rire. C’était stupide ! Et avec ça, l’ambiance avait subitement changé pour Lily. Fini les préliminaires ! Du moins pour le moment…
Ils s’assirent à même le sol, riant encore et Johann l’attira tout contre lui. Sa peau contre la sienne avait un effet étrange sur sa personne. Elle rougit sans comprendre pourquoi.
« Je crois que c’est fini pour cette fois…
- Hm… »
Il vint tout de même lui embrasser l’épaule et coller le dos de la jeune fille contre son torse. Lily alla appuyer sa tête sur le creux de son épaule, large, avant de soupirer d’aise. Pouvait-on être plus heureuse ? Impossible !
Johann lui caressa l’épaule et glissa ses doigts fébrilement sur ses seins. Lily se rendit alors compte qu’il ne lui restait vraiment rien pour cacher le haut de son corps. Elle rougit en refermant autour d’elle ses bras. Johann éclata de rire.
« Trop tard pour rougir, petit idiote. J’ai déjà touché à tout ! »
« Eh bien, dans la catégorie « je casse trop bien l’ambiance », applaudissez Johann ! »
Lily grogna et le repoussa pour se lever et reprendre ses vêtements. Malheureusement, le blond n’avait pas l’air particulièrement ravi à cette idée et l’arrêta avant qu’elle ne se soit complètement levé. Il l’attira de nouveau à lui et Lily perdit l’équilibre, tombant dans ses bras.
« Reste encore un peu comme ça, avec moi », lui chuchota-t-il à l’oreille, alors qu’elle allait protester contre ce traitement. Finalement, elle soupira pour la forme et se serra contre lui.
« Tes parents rentrent demain soir ?
- Oui, pourquoi ?
- Je peux dormir avec toi cette nuit ?
- Quoi ?! », s’exclama Lily en s’écartant des bras du vampire. Johann sourit à la vue de sa nervosité.
« Je parle de dormir ! Pas de… remettre ça », coupa Johann ave un geste de sa main vers les habits qui traînaient autour d’eux.
Lily porta sa main à son visage d’un air désespéré. Mais quel…
Elle n’eut pas le temps de le penser que Johann l’avait déjà tiré à nouveau tout contre lui.
« Lily… Tu es encore fâchée… ? », souffla-t-il dans ses cheveux longs. La jeune femme soupira. Après ce qu’ils avaient fait, elle ne pouvait pas dire qu’elle l’était…
« J’étais vraiment mal tu sais. Tu m’as appris à respecter puis à aimer les vampires… Mais je n’étais peut-être pas tout à fait prête à entendre que celui que j’aime est un vampire…
- Aimer un vampire et être aimé d’un vampire, je suppose que tu en as un peu parlé avec Wylian, n’est-ce pas ?
- Oui, c’est vrai. Beaucoup même. D’ailleurs peut-être est-ce parce que tu l’étais toi-même que Wylian a tenu autant de discours à ce sujet », rit légèrement Lily avant de se relever pour attraper son soutien-gorge. Elle l’enfila, un peu mal à l’aise et quand les doigts de Johann vinrent le prendre à son tour, elle ne résista pas. Il le lui attacha doucement.
« En fait, c’était surtout ta réaction qui me faisait peur. Mais à présent, je n’ai plus la même appréhension. Tu m’aimes vraiment, n’est-ce pas ? Ce qu’on a partagé… je… En fait, je ne l’avais jamais ressenti…
- Vraiment ? ».
Lily continuait de s’habiller, l’écoutant avec attention. Se bouger ainsi l’aidait à se détendre. Elle enfila son T-shirt et envoya le sien à Johann, gardant son pull avant de se rasseoir entre ses jambes.
« - Les vampires ne sont pas habitué à aimer vraiment. Quand ils aiment… c’est pour la vie. Mais tu dois comprendre qu’un vampire vit des centaines d’années, voire des milliers ! Et qu’une humaine… atteint à grande peine les 120 ans… Tu vois ce que je veux dire ?
- Je vois, souffla Lily en s’enfonçant entre les bras du blond, comme pour se protéger de cet évènement lointain. Je vais vieillir, changer, et toi… pas…
- Exactement… C’est pour cela que la plupart des humains ayant pour amant un vampire finissent par le devenir, pour vivre toute leur existence ensemble… Seulement cet état des choses ne s’est produit que trois fois depuis… des millénaires.
- Si… peu ?
- Oui. Un vampire n’est pas fait pour aimer, je te l’ai dit… S’il aime, c’est toute sa vie durant, c'est-à-dire l’éternité pour certains. S’il tombe amoureux, c’est un peu comme s’il vivait exclusivement pour la personne qu’il aime. Tu comprends ?
- Avec beaucoup de difficulté, je dois avouer.
- Alors essayons de voir les choses concrètement. Quand je suis parti, cette semaine, comment étais-tu ? Comment t’es-tu sentie ?
- Mal. J’étais triste de te quitter, je trouvais la semaine horriblement longue…
- Tu as des sentiments humains, voilà tout. Moi… j’ai failli devenir fou ! Mon… père, disons celui qui s’occupe de moi pour le moment, m’obligeait à t’appeler chaque soir pour que je garde le contrôle de mes instincts. Il est entré dans une rage folle, tu sais, quand il a appris que j’étais tombé pour une mortelle.
- Vr… Vraiment… ? »
Cet état des choses lui faisait peur. Si son père – qui était-ce ? – et ses parents les empêchaient de se voir, comment feraient-ils ? Sa mère allait la séquestrer si elle lui avouait, mon dieu ! Peut-être son père pourrait-il l’aider ? Il avait toujours été plutôt attiré par les vampires, et ne faisait aucune différence entre eux et les mortels. Elle n’y avait pas pensé jusqu’à maintenant !
« Oui. Car je suis nanti d’un travail extrêmement prenant. J’ai si peu de temps à t’accorder. Mes soirées ! Mon dieu, je bataillais chaque jour pour sortir… Il n’était pas fâché parce que tu étais mortelle, mais plutôt parce que le moment n’était pas le bienvenu pour nous, et qu’il fallait absolument que je garde l’esprit clair… Sans toi près de moi, je deviens fou, tu peux le comprendre ?
- Pas en totalité je pense. J’ai ressenti quand tu m’as regardé la passion, la fureur que tu avais pour… moi… C’était violent. Mais bizarrement, je n’ai pas eu peur. C’est vraiment étrange, hein ? Je devrais être terrifiée par cette intensité et pourtant… elle ne me fait rien. Elle me fait chaud au cœur et je l’accepte…
- Disons que tu as passé la première étape, mon amour. Mais pour la suite, je ne te promets rien. Je sais que je vais être horrible, intenable, alors prépare-toi !
- Et à quoi exactement ?
- A me voir frapper des hommes, perdre le contrôle de moi-même alors que tu ne fais que poser le regard sur moi… A me voir devenir fou d’amour pour toi, sans rien que toi seulement pour m’arrêter…
- … Johann ?
- Oui ?
- … Hm… Je t’aime… »
Le souffle du blond balaya le cou de Lily et un baiser se posa sur celui-ci. Elle frissonna.
« Finalement, je crois que je vais retourner dormir chez moi… », dit Johann en se détachant d’un coup de la jeune fille pour se lever. Lily sursauta et se leva à son tour, surprise. Quoi ?! Pourquoi s’en allait-il ?
« - Johann…
- Ne te méprends pas, mon amour, lui dit-il en lui prenant le menton entre deux doigts pour l’embrasser rapidement avant d’enfiler son long manteau noir. C’est juste qu’autant que les regards, certains mots son suffisants pour me faire devenir… fou. »
Johann eut un sourire penaud avant de se retourner pour regagner la porte d’entrée. Lily, immobile dans le salon à l’opposée de la porte, le regardait disparaître. Elle était incapable de bouger.
« Bonne nuit mon amour », lui lança enfin le vampire avec un sourire dangereux. Il ouvrit la porte, sortit, et la referma sans plus lui jeter un regard. Lily mit quelques secondes à se rendre compte que sa respiration était coupée et elle inspira plusieurs fois de grosses goulées d’air. Mon dieu, il était hypnotique, il était charmant, il était… maléfique ! Et elle l’aimait à un tel point !
Lily jeta un coup d’œil autour d’elle et trouva le salon inchangé. Pourtant, il s’était passé une chose extraordinaire, ici, quelques minutes plus tôt… non ? Elle soupira et s’aperçut que le pull de Johann était toujours coincé entre ses doigts. Elle le monta à son visage et en respira longuement l’odeur. C’était Johann qu’elle sentait sur ce tissu…
Lily quitta le salon, en éteignit la lumière et monta dans sa chambre s’allonger dans son lit. Elle serra contre elle le pull du vampire et en respira à nouveau l’odeur.
Allait-elle pouvoir dormir cette nuit ?
Impossible !
***
Lily écoutait d’une oreille distraite le cours. Il ne restait que cinq minutes avant la fin de celui-ci. Enfin ! Elle avait rendez-vous avec Johann dans peu de temps, alors vite, le temps !
La jeune femme soupira. Elle s’ennuyait ferme. Depuis qu’elle avait décidé de changer d’études, il n’y avait plus aucun intérêt pour elle de passer son année. Mais elle continuait tout de même de se rendre en cours.
La sonnerie retentit enfin et Lily se précipita au dehors de la salle, impatiente. Elle bouscula deux trois élèves avant que quelqu’un ne l’attrape par le bras alors qu’elle venait de passer la porte.
« Hé, Lily ! Tu es pressée ? »
La concernée se tourna et reconnu Jarred. C’était un vampire de sa classe à qui elle avait parlé plusieurs fois, surtout pour lui demander de l’aide dans certains cours. Il était particulièrement doué.
« Pardon, oui. Mais tu avais quelque chose à me demander ?
- En fait je voulais t’inviter à boire un verre avec les autres. »
Il lui montra les trois autres personnes qui attendaient non loin d’eux et Lily soupira, ennuyée.
« J’aurais vraiment voulu mais…
- Elle vient avec moi ! », coupa une voix que Lily reconnut tout de suite alors que le blond passait son bras autour de ses épaules avec possessivité.
« Johann ! », s’exclama-t-elle, surprise. Puis après un moment de silence gêné, elle demanda :
« Est-ce que tu voudrais que l’on aille boire un verre avec mes amis de classe ? Ca nous changerait ! »
Elle le supplia du regard et eut du mal à le soutenir. Il avait l’air furieux. Sa casquette cachait totalement son front et ses mèches blondes étaient assez longues pour protéger ses yeux. Pourtant elle discernait leur couleur indéfinissable.
« Très bien, si c’est ce que tu veux… »
Mais il n’avait pas l’air particulièrement ravi et jetait des regards nerveux et furieux à Jarred… Et Lily se rappela leur conversation, deux jours plus tôt.
« Tiens-toi prête à me voir frapper des hommes par jalousie ! »
Elle soupira et attrapa la main qui pendait sur son épaule.
« Ce sont des amis… mon amour… », dit-elle en rougissant. Johann sembla se redresser, il parut d’un seul coup plus grand que d’ordinaire. Un sourire énorme flotta un instant sur ses lèvres avant qu’il ne s’évanouisse quelque peu.
« C’est d’accord », dit-il en souriant à Jarred, en hochant la tête. Le jeune homme avait des cheveux rasés, noirs, et des yeux de la même couleur. Il paraissait minuscule à côté de Johann, alors que d’ordinaire, Lily le trouvait plutôt grand. Et elle sentait un message muet passer entre les deux hommes, sans qu’elle ne le comprenne.
Ils se réunirent tous les six et s’engagèrent au hasard dans les rues souterraines avant de s’arrêter finalement à un bar qui se trouvait sur leur route. Ils s’installèrent et Lily fit enfin les présentations.
« - Johann, je te présente mes amis de l’EP : Jarred, Stefan, Marie et Habil.
- Facile d’imaginer qui sont les vampires. Jarred et Habil, je me trompe ?
- Non », répondirent en chœur les deux concernés, avec un léger sourire.
Manifestement, ils étaient gênés de la situation et semblaient ne pas savoir comment se comporter. Lily ne comprenait pas ce qui les dérangeait autant mais essaya de détendre l’atmosphère en souriant amicalement à chacun d’eux.
« Et toi… Johann ? », demanda Habil, avec difficulté.
« Je parie que tu l’es ! », l’interrompit Jarred avec un sourire un peu forcée.
Johann hocha la tête avant de se tourner vers Lily.
« Franchement, tu m’épates. En si peu de temps tu côtoies des vampires ?!
- Ils sont… gentils, après tout… non ? », répondit la jeune femme.
« Dis Lily », reprit Marie dans le silence qui s’ensuivit. « J’ai toujours voulu te demander : tu n’aimais pas les vampires, au début de l’année ? Tu te comportais vraiment bizarrement, toujours toute seule ! »
Un rire prit Johann, pas très discret, et Lily rougit.
« - Disons que je ne connaissais rien d’eux et que ce… type, a fait en sorte de me former ! Crétin, arrêtes de rire, ce n’est pas drôle !
- Désolé, c’est plus fort que moi ! Attend, j’appelle Wylian pour lui dire ! Il faut qu’il vienne voir ça de ses propres yeux !
- Je te rappelle que j’ai passé une superbe soirée seule mortelle parmi les vampires, alors… ! »
Repenser à cette peste d’Océane fit grogner Lily avant qu’elle n’entende Johann se lever le téléphone à la main. Il le faisait vraiment en plus, cet imbécile !
« - Dis, Lily, reprit Jarred, attirant son attention. Il parle bien de Wylian ? L’informateur ?
- Informateur ?
- Oui, tu sais, celui qui est chargé d’infiltrer partout les groupes qui pourraient engager de la répression contre les vampires ou les mortels. Celui sous les ordres du prince, quoi !
- Eh bien… je doute que ce soit lui… C’est…
- Bien lui », interrompit Johann en se rasseyant et en regardant durement le jeune homme, comme pour lui intimer de se taire. « Il arrive pour voir le miracle de ses propres yeux. Ah oui, j’ai donné ton nom, Jarred et il m’a dit que vous vous étiez déjà rencontré ?
- Oui, oui… Wylian a sorti mon père d’une fâcheuse position il y a 173 (en lettre) ans… Nous avons une dette envers lui.
- Johann… Vous en avez encore beaucoup des trucs comme ça à m’apprendre ? », coupa Lily, ne sachant trop si elle était en colère ou plutôt surprise.
« Oui, ma puce. Des centaines d’autres, je pense. Certains plus conséquents que d’autres. »
Il lui caressa la joue du bout des doigts et la conversation reprit aussitôt.
« Ca fait longtemps que vous êtes ensemble ? »
C’était cette fois Marie qui prenait le flambeau.
« Euh… Deux semaines, véritablement, c’est ça ? Même pas !
- Deux semaines ?! »
La nouvelle semblait étonner les quatre amis. Lily rougit, gênée.
« On croirait plutôt que ça fait des années ! » s’extasia Jarred.
« Alors, vous êtes en politique », repris Johann, coupant court à la discussion précédente. « Vous avez une idée de ce que vous allez faire plus tard ? »
La discussion reprit ainsi avec animation et Lily en fût soulagée. Quand enfin Wylian les rejoignit l’ambiance changea et prit une allure particulièrement festive. Wyl’ donnait toujours envie aux autres de se laisser aller. Après des présentations un peu formelles où Lily apprit que Wylian, au contraire des apparences, avait une grande responsabilité à l’égard du monde des vampires. C’était complètement inattendu !
Très vite, Wylian sût mettre les autres en confiance et la gêne des différents niveaux sociaux disparût.
« Lily ! Ma petite apprentie ! Je suis trop fier de toi ! », s’exclama Wylian en la serrant contre lui avec enthousiasme. Lily rit avant de répondre, prenant un air contrarié.
« - Ne fais pas comme si j’était une petite fille, Wyl’ ! Même si je n’ai que dix-neuf ans !
- Ah vous voyez ! », reprit Wylian en se tournant vers les quatre élèves, « Lily, c’est mon apprentie. C’est moi qui lui ai tout appris sur les vampires ! C’est grâce à moi que vous êtes là avec nous ce soir ! »
Il éclata d’un grand rire avant de répondre aux interrogations des autres. Lily se sentit mal à l’aise lorsque le vampire aux cheveux et yeux rouge flamboyant commença à expliquer sa situation de deux mois auparavant.
Finalement, lorsqu’ils se quittèrent, tard le soir, tous étaient satisfais et avaient bien ri. Particulièrement grâce à Wylian, bien entendu ! Et Lily sentait qu’elle s’était faite de nouveaux amis, et certains mortels cette fois-ci !
Les trois amis prirent rapidement le chemin du retour et alors qu’ils arrivaient devant la maison de Lily, Wyl’ fit remarquer avec surprise qu’elle n’habitait vraiment pas loin de chez lui. A deux rues près !
« C’est vrai que tu n’es jamais venu ici, remarqua Lily, surprise. J’ai été tellement souvent chez toi, que je n’avais pas fait attention… Eh bien c’est chez moi. Mais ne t’expose pas. Mes parents sont rentrés et doivent m’attendre de pied ferme.
- Ah… Tes parents n’aiment vraiment pas les vampires, hein ? souffla le jeune vampiresse malade.
- Non, vraiment pas… Enfin, ma mère en tout cas
- Bon, et puisqu’on est arrivé, si tu rentrais chez toi, Wyl ? », finit par couper Johann, l’air particulièrement irrité. Le concerné éclata de rire.
« J’attendais que tu deviennes fou pour ça ! Ca va, ça va, je vous laisse les amoureux. A bientôt ! »
Il leur fit un signe avant de disparaître rapidement dans la rue adjacente.
Lily et Johann se retrouvèrent enfin seuls. Le blond serra Lily tout contre lui, collant son corps contre le sien. Il commença à reculer de quelques pas et Lily compris son manège quand son dos rencontra enfin le mur de sa maison, les cachant de ses parents.
Elle leva les yeux sur ceux du vampire et leurs regards ne se lâchèrent plus. D’un coup, parmi ce bleu sombre qu’elle fixait avec intensité, elle sentit la passion l’envahir et résista au mieux à une envie quasi bestiale de se jeter sur Johann.
Que se passait-il ?
Son souffla s’accéléra et elle ne pût échapper au regard de Johann, ancré dans le sien. C’était si fort, si… atroce ! Ca lui faisait mal ! Elle avait mal d’amour. Elle était remplie d’un amour tellement énorme qu’elle avait un mal fou à le contrôler.
« Jo… hann… », souffla-t-elle, la respiration bloquée.
Celui-ci s’approcha d’elle et se colla complètement à son corps. Un gémissement échappa à Lily qui tenta de le repousser. Alors Johann baissa son visage et s’empara de ses lèvres. Elle lui agrippa automatiquement le cou. Leur baiser se remplit de passion et leurs mains allèrent se glisser sous les vêtements.
Après avoir glissé ses mains le long de son dos, Lily les descendit aux fesses du blond et les passa sous le jean large qu’il portait. Le baiser se suspendit un instant et Lily entendit un gémissement lui parvenir.
Non… Ce n’était pas celui de Johann… ?
Si. C’était beau… Elle se découvrait un pouvoir étrange sur le vampire. Le pouvoir, oui, de lui faire perdre la raison.
Enhardie par ce signe, alors que le visage de Johann était tendu vers le plafond de la rue, elle alla lui embrasser le cou et le mordit légèrement. Un nouveau gémissement atteignit ses oreilles, plus fort encore.
« Il faut… que je parte… , souffla-t-il, pourtant incapable de bouger d’un millimètre.
- Pourquoi ?...
- Parce que… ce n’est pas bon… On est dans la rue, Lily ! »
Cet état des faits parvint à l’esprit de Lily et elle arrêta ses baisers, respirant avec la même difficulté que son petit ami.
« Je te jure que si l’on avait pas été dans la rue… Tu serais déjà mienne, mon amour… »
L’expression fit rougir Lily qui se dégagea doucement de son étreinte. Elle croisa son regard et ne vit que désir.
Non ! Il ne fallait pas qu’elle le fixe ou ils recommenceraient !
Elle le savait, elle avait compris…
Lily aspira fortement avant d’enfin bouger et se dégager complètement de l’emprise de Johann.
« Rentre maintenant. Et… »
Elle se tourna rapidement vers lui pour lui embrasser subrepticement les lèvres.
« Bonne nuit… »
Puis elle passa la barrière de sa maison, la ferma et rentra chez elle, l’esprit encore embrumé. Elle se rendit compte avec effroi, en ouvrant la porte d’entrée, que son soutien-gorge était défait…
« Crétin ! »
***
Cela faisait deux semaines qu’ils se voyaient en coup de vent. C’était un accord tacite entre eux. S’ils se voyaient trop longtemps, ils finissaient toujours dans de fâcheuses situations…
Mais Lily sentait bien que ces rencontres si restreintes avaient un certain effet sur Johann qui paraissait particulièrement nerveux ces derniers temps. Et elle comprenait pourquoi : le temps qui leur était imparti était trop court, bientôt, il ne se contrôlerait plus ! Elle avait commencé à comprendre le fonctionnement de l’amour d’un vampire.
Lily soupira. On était au début de l’heure du cours de politique étrangère et déjà elle n’en pouvait plus ! Heureusement, Marie s’était mise dans l’idée de correspondre par petits papiers interposés.
Les deux jeunes filles passèrent donc deux bonnes heures à discuter amour. Marie confessa son attirance pour Jarred mais aussi sa peur. Elle savait ce qu’incombait « aimer et être aimé » d’un vampire… Peut-être était-ce parce qu’elle ne l’avait su qu’après que Lily le supportait bien ? Du moins, en avait-elle l’impression. Elle aimait Johann plus que tout, et c’était réciproque, elle le savait mieux que quiconque. Mais elle ne voulait en aucun cas penser à « après », ce futur de dizaines d’années plus tard, quand sa peau se riderait et son corps perdrait ses forces. C’était trop dur. Elle ne s’imaginait pas vieillir en sachant qu’un jour, elle le quitterait.
Enfin la sonnerie retentit et Lily sauta sur ses pieds en rangeant ses affaires.
« Dis-moi, Lily, je peux discuter avec toi quelques instants ? », lui demanda Stefan avec un petit sourire penaud alors qu’elle allait courir jusqu’à la porte de sortie. La jeune femme haussa l’un de ses bruns sourcils et se rassied en soupirant. C’était un ami, elle devait l’écouter. Mais elle allait être en retard pour leur rendez-vous et ça lui retournait l’estomac !
« Oui ? », demanda-t-elle. Le jeune homme s’installa à ses côtés et finit par s’éclaircir la gorge.
« Je voulais savoir… C’est vraiment sérieux entre toi et… ce type, Johann ?
- Oui, pourquoi ? »
Lily n’aimait pas l’expression qui s’état installée sur le visage de son ami.
« Même en sachant tout ce qu’incombe une relation Vampire/Mortel ? Ca pourrait être si simple avec un autre mortel, tu ne crois pas ?
- Où veux-tu en venir, Stefan ? », finit par demander Lily, un peu froidement.
« Vraiment… tu ne crois pas ? », ne fit que répéter le jeune homme châtain.
Lily soupira avant de se lever.
« La facilité n’a pas toujours été le bon choix. J’aime Johann et il m’aime. Pour moi, c’est la seule chose qui compte vraiment.
- Et quand il tombera fou de toi et deviendra incontrôlable, que feras-tu ?! Hein ?! », s’énerva d’un coup Stefan, en se levant à son tour. Lily sursauta à cet accès de rage mais ne recula pas d’un pas.
« C’est à moi de prendre soin de lui et à personne d’autre. Et je le ferai avec joie, amour, et sérieux ! »
Sur cette dernière phrase, elle fit demi-tour et s’apprêta à quitter la salle quand elle aperçut Marie à la porte. La jeune fille aux cheveux noirs et yeux bridés avait l’air choqué. Mais quand elle capta enfin le regard de Lily, ses traits s’adoucirent et un pauvre sourire naquit sur ses lèvres.
« Tu sais, il t’aime vraiment, je crois », lui souffla-t-elle alors que Lily quittait la salle en passant à ses côtés. Et Marie rejoignit Stefan. Lily sût par le léger sourire de son amie qu’elle ne lui en voulait pas. Pourtant, quelques instants plus tard, des larmes lui piquèrent les yeux.
Elle avait été odieuse ! Elle l’avait blessé… Mais elle ne pouvait rien pour lui.
D’un geste sec, elle essuya ses larmes et accéléra le pas, le cœur battant. Johann l’attendait. Elle avait vraiment envie de le voir, là, tout de suite !
Malheureusement, en arrivant au bar, personne n’était là pour l’accueillir. Quelques secondes après qu’elle se soit installée pour commander, le barman s’approcha de sa table.
« Mademoiselle Lily ? Pardon de vous déranger, mais votre petit ami, le garçon blond qui vient toujours avec vous, m’a laissé ça pour vous. Tenez. »
L’homme lui posa un morceau de papier sur la table et repartit aussi sec. Lily prit le papier et le déplia.
Je suis désolé, je ne peux pas venir.
Mais attrape ton portable pour ce soir.
Je t’aime.
Eh bien. Court et précis. Enfin précis… tout dépendait du point de vue. Soupirant, Lily reprit ses affaires et quitta le bar.
Elle se disputait avec Stefan et Johann n’était même pas là ce soir. Quelle journée ! Le téléphone ne suffisait pas. Elle avait envie de le voir, de le toucher, de le sentir…
Lily se prit la tête entre les mains. Non ! Elle devenait accroc ! Elle savait qu’il se servait de son regard pour lui faire partager ses sentiments et faire ressortir les siens… Mais ça la mettait dans une telle excitation ! Et si un jour il la mordait, que se passerait-il ?! Serait-elle aussi réceptive ?!
A peine la question l’avait-elle effleuré que Lily s’arrêtait, interdite. Mordre ?... Elle avait pensé cela avec tant de facilité que l’idée la déconcerta. Elle n’avait plus peur de donner son sang à un vampire. Du moins tant qu’elle le connaissait…
En y pensant, elle ne serait pas dérangée par le fait de donner son sang à Johann. Mais en sachant ce que cela entraînait, il serait le seul à y goûter…
Lily soupira et se remit en marche. Sa maison se profila rapidement et elle entra.
« Chérie ! Tu rentres bien tôt ce soir ! s’exclama sa mère en sortant la tête de la cuisine avec un sourire.
- Oui. Je devais voir une amie, mais elle a annulé.
- Tu sors beaucoup en ce moment. Tu t’es enfin fait des amies, je suis contente ! »
« Tu le serais moins si tu savais qu’ils étaient vampires… et que l’un est mon petit ami, et pour la vie, à ce qu’il paraît… »
Lily fit un signe à sa mère avant de monter les marches qui donnaient à sa chambre.
Sa mère était adorable. Elle avait de grands yeux bruns et des cheveux châtains qui se tortillaient dans son cou. Elle était un peu forte mais extrêmement gentille et polie. Sauf lorsque le sujet « Vampire » était mis sur la table.
Son père était politicien, d’où son intention de voir sa fille prendre sa place en tant que ministre principal du côté mortel. Quelle erreur !
Il était plus dur que sa mère aux premiers abords, mais en fait, la tolérance lui était venue petit à petit, Lily le savait. Elle trouverait une oreille plus attentive de son côté le jour où elle voudrait parler de ses amis et… de Johann.
Ses cheveux noirs très courts et ses yeux aussi sombres, lui donnaient un air renfermé et dur, mais il n’en était rien lorsqu’on le connaissait. Du moins, c’est ce que pensait Lily.
La jeune fille alla s’étaler de tout son long sur son lit et sortit son portable de son sac. Elle avait un nouveau message et ne s’en était même pas rendue compte… Soupirant, elle ouvrit le clapet et ne fût pas surprise de découvrir un message de Johann s’excusant de son absence. Elle sourit lorsqu’elle arriva au passage lui disant de laisser son portable allumer pour le soir même. Elle ferma aussitôt le clapet après et le rentra dans une poche de son jean.
On frappa deux petits coups à sa porte et quand elle autorisa le visiteur à ouvrir, son père apparut dans l’entrebâillement.
« Je peux entrer ? », demanda-t-il avec un petit sourire. Lily lui sourit à son tour, surprise de le voir alors que cela faisait des semaines qu’il ne s’était pas montré. Il avança avant de refermer doucement la porte derrière lui.
« Je voulais te parler pendant que ta mère est en bas. »
Lily haussa un sourcil, étonnée.
« Qu’est-ce qu’il y a ?
- Eh bien, le Ministère est invité à une soirée dansante dans le Grand Dôme, samedi de la semaine prochaine. Il paraît que l’on va enfin connaître le nom du Prince et celui de sa femme.
- Ah, le Prince fantôme. Donc, même toi tu ne le connais pas ? »
Le père de Lily se gratta l’arrière de la nuque et Lily sourit. C’était un geste de gêne qu’elle trouvait très stéréotypé.
« Non, personne ne le connaît à l’exception de son mentor, Jelma. Il prendra sa place dans une centaine d’années, mais apparemment il est prêt à entrer dans la vie politique mondiale.
- Eh bien ! Et pourquoi me dire ça ?
- J’y viens. Donc une soirée dansante est organisée. Les ministres et leurs familles y sont conviés. C’est la première fois ! Et, tu connais ta mère, je doute qu’elle veuille venir mais… et toi ? Tu as l’air d’avoir changé récemment, non ? »
Lisait-il dans ses pensées ce père si adorable bien qu’elle ne le voit que très rarement ?
« Tu as raison, j’ai bien changé. J’aimerais juste te poser une question. Est-ce que tu aimes vraiment bien les vampires ? »
La question sembla beaucoup surprendre son père qui finit par s’asseoir sur la chaise de son bureau. Il soupira bruyamment avant de répondre, en la regardant droit dans les yeux :
« Malgré ta mère et nos disputes, je ne changerai pas d’avis : les vampires et les mortels… c’est du pareil au même ! »
Le sérieux de la réponse et le visage austère qui l'accompagnait sur le visage de son père, firent sourire Lily. Etrangement, il ne lui faisait pas peur avec ce visage. C’était rassurant de le voir dire quelque chose d’aussi inhabituel avec un air si… habituel.
« Merci papa, tu me soulages d’un poids.
- Ah ? N’aurais-tu pas des choses à me dire, toi ?
- Il se pourrait bien, oui… En fait, j’ai rencontré un super vampire très gentil. Il s’appelle Johann.
- Quoi ?! Toi, rencontré un vampire ?! Mais pourtant, ta mère t’a tellement…
- Conditionnée ? », coupa Lily avec un petit sourire. « Oui, c’est ce qu’on m’a dit, et finalement me voilà amie avec des vampires… En fait, tu vois, je ne savais pas que Johann était vampire. On s’est juste rencontrés par hasard, à la bibliothèque et on a commencé à discuter. Puis on s’est revu plusieurs fois. Il savait que je détestais les vampires. Puis il m’a fait rencontré l’un de ses amis, et je suppose que tu le connais…
- Qui ?
- Wylian…
- Wylian ?! L’informateur du Prince ?
- Oui, voilà. Et après la peur, la colère, et toutes ces choses… j’ai passé des après-midi entiers chez lui à parler vampire. On est devenu très amis et je l’aime vraiment beaucoup. Dans les petits problèmes que j’ai rencontré ensuite, il a toujours été là. Et comment oublier nos petits débats ?! C’était génial ! »
Malgré elle, Lily éclata d’un petit rire.
« J’ai même été à l’une de ses soirées où il n’y avait presque que des vampires… A part quelques anicroches sans importances, ça s’est bien passé. Mais enfin voilà. Grâce à Johann et Wylian, j’ai énormément appris sur les vampires… Et je me suis attachée à eux. Je me suis même fait des amis à l’école, des vampires mais aussi des mortels…
- Lily…
- Oui ? », s’inquiéta tout de suite la jeune fille en plongeant ses yeux marron clair dans ceux de son père. Le murmure de son prénom avait été si ténu…
« Tu sais, tu me fais très plaisir, avec ce que tu viens de dire. Mais je voulais te demander alors ! Voudrais-tu venir avec moi à la soirée ?
- La soirée au Grand Dôme ? Vraiment ?!
- Oui !
- Mais… Maman ?
- Je m’occupe de ce problème, ma fille. Toi, ne pense qu’à t’acheter une belle robe, d’accord ? »
Et il lui prit la main pour la tirer contre lui alors qu’elle hochait la tête, ravie.
« - Tu sais, je suis vraiment heureux. J’avais espéré que ces études de politique t’ouvriraient sur le monde vampirique et t’amèneraient vers la compréhension de ces personnes…
- Mais au final, tu sais, tu m’as dégoûté de la politique… Papa… »
Lily se détacha des bras de son père et le regarda dans les yeux.
« Je vais arrêter la politique… Je ne suis vraiment pas faite pour ça… »
Un petit rire échappa à l’homme avant qu’il ne prenne les mains de sa fille.
« - Si, quelque part, tu es faite pour cela. Tu as appris à connaître les vampires alors qu’au départ, tout t’en séparait ! Malgré ta peur et ta méconnaissance, tu as su les accepter et les aimer. C’est un don rare, tu sais.
- Je suis juste tombée sur les bonnes personnes. Par contre je serais intéressée par un travail qui pourrait me faire interagir autant avec les mortels qu’avec les vampires…
- Et… que penserais-tu d’entrer à l’école des entremetteurs ?
- Papa ! Ils font parti de l’élite ! Je ne suis pas…
- Ils font parti de l’élite parce qu’ils aiment autant les uns que les autres. Et qu’ils croient fermement en notre avenir commun… tu ne crois pas ? »
Lily soupira avant de promettre d’y réfléchir. Au fond, l’idée était merveilleuse, elle y avait déjà secrètement pensé. Mais les entremetteurs… Ils étaient vraiment l’élite ! Il fallait vraiment des notes excellentes ! Mais de toute façon, qu’avait-elle à perdre ?...
Son père lui serra subrepticement les mains et quitta sa chambre.
Osez ! Faites-moi donc part de vos sentiments ! ^^ Je serais ravie de recevoir des commentaires pour me remercier, me vénérer, me dire que vous m’aimer (xD) ou que vous avez trouvé des fautes (malheureusement, je ne suis pas infaillible, snif !), ou que je manque de quelque chose.
J’espère que ce premier chapitre vous aura plu !
Ima.