Le parfum du mensonge

Chapitre 2 : Fleur de Lotus

1198 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 2 mois

J'étais déjà sur le point de franchir la porte quand je sentis une main sèche s'agripper à mon bras. Je me retournai, les sens en alerte.


— Attendez, lança la vieille femme, son sourire tendu collé à ses lèvres. Vous n'allez quand même pas partir maintenant. Vous avez l'air tendue, stressée... Pourquoi ne pas profiter un peu de notre salon ?


Je haussai un sourcil, surprise.

— Pardon ?

— Mais oui, voyons. C'est la maison qui offre. Un petit moment de détente ne vous ferait pas de mal.


Son ton était mielleux. Trop mielleux. J'avais mené assez d'interrogatoires pour reconnaître une tentative d'enfumage. Son changement d'attitude était aussi subtil qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Tentait-elle de m'amadouer ? Ou simplement de gagner du temps ?


Je restai droite, les bras croisés, mon regard planté dans le sien.

— Désolée, mais ce genre de service ne m'intéresse pas.

— J'insiste. Elle ponctua ses mots d'un rire forcé. Pourquoi refuser un geste gratuit ? Je suis certaine que vous m'en direz des nouvelles.


Elle souriait, mais ses yeux criaient autre chose. Un agacement contenu. Un malaise. Un risque qu'elle tentait de dissimuler derrière un vernis de courtoisie.


Je soupirai, tout en gardant mon masque impassible. Il y avait clairement anguille sous carrelage. Mais l'occasion était trop belle. Et trop suspecte. Je ne pouvais pas me permettre de passer à côté.

— Je ne sais pas ce que vous essayez de me cacher, répondis-je en reprenant un ton calme mais sec. Mais tout ce que vous pourriez me proposer ne changera rien à mon enquête.


Apparemment, elle ne m'écoutait plus. Elle s'était tournée vers le couloir et beuglait dans une langue qui m'échappait complètement. Les mots roulaient, claquaient, un peu trop violemment pour appeler une simple employée.

— Bon sang... elle m'ignore carrément, pensai-je, les nerfs légèrement à vif.


Quelques secondes plus tard, une silhouette surgit.

Et là… je me tus.


Grande, élancée, la peau claire aux reflets roses. Des cheveux longs, d'un rose pastel irréel, presque fluorescent. Ses yeux étaient d'un bleu si pur qu'ils semblaient sortis d'un rêve. Ou d'un piège. Elle portait une robe chinoise courte, ajustée au millimètre, soulignant chaque courbe avec une précision chirurgicale.


Elle s'arrêta devant moi, mains jointes, tête inclinée avec grâce.

— Bonjour. Permettez-moi de me présenter. Je suis Fleur de Lotus. Je serai votre hôte pour cette séance de massage.


Sa voix était douce, presque hypnotique.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, je suis à votre entière disposition.


Je la regardai de haut en bas, un peu trop ostensiblement.

— Entièrement ?, soufflai-je, sceptique.

— Oui ?, répondit-elle sans bouger, toujours penchée avec une soumission polie qui me hérissait un peu.


La vieille femme revint dans mon champ de vision, toujours accrochée à mon bras comme une pieuvre bienveillante.

— Alors ? Qu'en pensez-vous ? Seriez-vous d'accord pour suivre notre chère Fleur et profiter de notre hospitalité ?


Je jetai un œil vers elle. Cette fois, plus besoin de deviner : elle voulait me corrompre. M'endormir. M'embobiner avec un sourire et des senteurs d'huile parfumée.


Mais moi, je ne dormais jamais.

— D'accord, soufflai-je, le ton tranchant. Ça ira… pour cette fois.

— Bien. Voilà qui est mieux., répondit-elle, soulagée, masquant mal son soulagement sous des manières de cour royale.


Elle me fit signe de suivre la jeune femme aux cheveux roses. Je restai sur mes gardes, chaque pas mesuré. Si ce salon avait quelque chose à cacher, je comptais bien le découvrir… même si cela voulait dire m'y allonger.


La propriétaire me fit un petit signe de tête, m'indiquant le couloir sur la droite. Un alignement de portes blanches mal repeintes, toutes identiques. Fleur de Lotus, toujours aussi gracieuse, s'inclina à mon passage. Sa nuque resta courbée plus longtemps que nécessaire. Une habitude de soumission ? Ou une mise en scène ?


Une fois mon dos tourné, j'entendis la voix de la vieille se durcir brutalement. De nouveau, cette langue étrange, gutturale, claqua dans l'air. Une avalanche de mots qui ne me disait rien… mais le ton, lui, je le connaissais. C'était celui de quelqu'un qui donne des ordres, pas des suggestions. Puis un bruit sec. Un geste. Une bousculade.


Je ralentis le pas, fronçant les sourcils.


"Je pige pas un mot de ce charabia, mais vu la façon dont elle aboie… c'est sûrement pas des conseils bienveillants."


Je ne me retournai pas. Pas encore. Juste un pas de plus, les oreilles grandes ouvertes, les sens tendus comme la corde d'un arc.


Les couloirs étaient calmes, mais pas silencieux. De certaines pièces ouvertes filtrait un murmure de voix, le froissement d'un drap, le cliquetis de pièces qu'on échange discrètement. J'aperçus une salle entrouverte. Deux silhouettes. L'une allongée, l'autre penchée. Il n'y avait rien de thérapeutique dans leurs gestes.


"Des filles fatiguées, au regard vide, des clients à moitié nus, et surtout… ce foutu silence gênant qui dit plus que n'importe quel cri. Ce n'est pas un salon de massage, c'est une vitrine. Une façade."


Je serrai les poings sans m'en rendre compte. Derrière moi, la jeune masseuse marchait doucement, les bras chargés de serviettes d'un blanc trop propre pour être honnête.


Arrivées au bout du couloir, je m'arrêtai.

— C'est où ?, demandai-je, sans cacher ma méfiance.

 Par ici, je vous prie., répondit-elle doucement, désignant une porte légèrement entrouverte.


J'entrai la première. Une pièce sobre, décorée de manière presque... apaisante. Trop, en fait. Ça puait la mise en scène. Tout était trop propre, trop neutre. Trop calculé.


Je me retournai en soupirant.

— Bon, ok... c'est quoi le programme du jour ?


Elle posa les serviettes avec soin. Une sur la table, l'autre derrière le paravent.

— Aujourd'hui, comme me l'a demandé ma patronne : massage complet. Avec "extra" compris.


Elle marqua une pause avant d'ajouter, tête inclinée :

— Comme je vous l'ai dit… si vous attendez autre chose de ma part, je suis à votre entière disposition.


Je croisai les bras, arquant un sourcil.

— Un simple massage me suffira largement. Je suis pas venue ici pour… "explorer l'offre".

— C'est entendu.


Elle s'inclina une nouvelle fois et recula d'un pas pour me laisser passer derrière le paravent.


Je pris une grande inspiration. En apparence, je m'apprêtais à me détendre. En réalité, je venais d'entrer dans la gueule du loup. Et j'avais tout sauf l'intention de dormir sur la table.


En retirant mon haut, je gardai mon regard braqué sur le petit miroir accroché dans un coin. Discret, bien placé. Sûrement pour que les filles puissent se recoiffer. Ou pour qu'on puisse garder un œil sur la pièce. Je notai chaque détail, chaque recoin. Même les murs semblaient écouter.

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