Chroniques désespérées d’un casque-micro
Chapitre 27 : Garantie Privée : Bienvenue en Enfer 2.0 »
526 mots, Catégorie: G
Dernière mise à jour il y a 26 jours
Changer de projet, c’est censé être un nouveau départ. Une bouffée d’air. Un espoir. Mais à Garantie Privée, c’est comme déménager du Titanic vers le Costa Concordia. Tu coules toujours, juste dans une autre mer.
Ici, pas d’appels sortants. Non, cette fois, les clients viennent à toi. Sauf que ce ne sont pas des clients : ce sont des plaies ouvertes, des volcans en colère, des greniers à insultes. Et toi, pauvre Anthony sous ton casque, tu dois vendre une assurance mobile à 18€ + 5€ de pack services, à des gens qui ont déjà du mal à finir le mois, et qui pensent que « pack services », c’est un truc pour envoyer des SMS gratuits.
Et là, entre en scène… La Cheffe aux BONNES NOUVELLES.
Elle arrive toujours avec le même sourire. Le genre de sourire qui précède une bombe. Une tragédie. Une claque fiscale. Elle claque des mains comme dans une garden-party de secte.
— BONJOUUUR L’ÉQUIIIIIPE ! J’ai une trop bonne nouvelle à vous annoncer !Et là, tout le monde baisse les yeux. On sait. On SAIT.
La dernière fois que cette femme a dit ça, on a hérité d’un nouvel objectif de 4 ventes par jour, d’un nouveau script de 12 pages à lire mot à mot et d’un nouveau logiciel qui plante chaque fois qu’on écrit « Madame ».
Et attention, la machine à culpabilité fonctionne à plein régime :
— Je vous ai fait confiance, je vous ai défendus face au client… ne me décevez pas.Et toi, t’as même pas encore fini ton café. Tu respires déjà comme si t’avais couru un marathon dans le désert.
Mais ce n’est pas fini. Parce qu’à Garantie Privée, l’absurde devient une norme. Tu reçois un appel d’une pauvre dame, 83 ans, qui pleure parce qu’elle comprend pas pourquoi on lui prend 23 euros tous les mois alors qu’elle n’a même pas de smartphone. Tu veux l’aider, évidemment. Tu veux faire une bonne action, réparer un tort, redevenir un être humain. Tu demandes à ta supérieure. Elle te regarde comme si t’avais proposé de distribuer des bonbons à l’ennemi :
— On peut rien faire. Elle a signé. Fin de l’histoire.Et là, t’as le cœur en miettes. Tu annonces la mauvaise nouvelle… mais tu restes humain. Tu donnes ton prénom. Tu lui dis d’appeler si elle a besoin. Et cette mamie, elle pleure de gratitude. Pas parce que t’as réglé son problème, non. Parce que tu l’as écoutée. Parce que t’as pas parlé comme un robot.
Et toi, tu jettes un œil à ta sup qui rigole avec sa pote en lissant ses ongles. Et tu lâches, calmement :
— Moi aussi je trouve dommage qu’il y ait pas plus de gens comme moi ici.Silence.
Fin du shift. Début de l’usure.
Madame, encore une fois pardonnez moi, je n'avais aucun pouvoir de vous aider, tout ce que je pouvais vous offire c'était ma sympathie, j'espère que vous vous portez bien.