La prophétie du roi déchu: L'enfant sombre

Chapitre 21 : En marche vers la nouvelle croisade

2862 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 15/12/2024 19:18

Chapitre 21: En marche vers la nouvelle croisade






Il faisait nuit, les jardins du temple étaient vides de vie. Non, en fait la nuit est peut être le moment où justement les jardins sont le plus habités, par toutes les petites créatures qui n’osent se dévoiler le jour. Les petits insectes rampant sortaient en quête de nourriture alors que leurs cousins limaces et escargots dévoraient déjà les laitues destinées à sa Flamboyance. Les rongeurs tel que les souris vagabondaient entre les potagers et les cuisines. Et bien d’autres créatures de taille minuscule circulaient dans les allées. Mais aucun homme n’était en vue, car même les serviteurs dormaient la nuit. Même les gardes qui étaient censés garder la porte. Dans les jardins rares étaient les sentinelles vraiment actives. Seulement deux ou trois gardes traversaient régulièrement les allées remplissaient leur rôle. Mais une ombre s’empressa de les faire plonger dans un profond sommeil. L’homme encapuchonné souriait en voyant le temple du Phénix si mal gardé. « C’est trop facile, se dit-il. À croire qu’il me font une haie d’honneur. ». Il marcha silencieusement jusqu’aux murs blancs du temple. Des statues de femmes splendides étaient posées contre la paroisse en implorant leur Dieu, toutes étaient nues remarqua Mayirr. Finalement les curés avaient peut-être bon goût. Dommage qu'elles ne soient que pierre, Long-couteau n’avait eu aucun contact charnel depuis ces derniers jours. Mais s' il remplissait son contrat, il aurait assez d’argent pour avoir toutes les nuits des contacts charnel pour longtemps. Il ouvrit le tissu blanc maculé par le sang. La tête était toujours là, le froid semblait bien l’avoir conservé. Il referma son sac improvisé et contourna les murs de l’Église dans l’espoir de trouver une ouverture. Il regarda en hauteur et vit une fenêtre ouverte. Serait-ce un avertissement de son client pour l’inciter à prendre cette voie ? Ce n’était pas stupide, mais avec l’expérience, Mayirr savait qu’il fallait toujours se méfier des invitations aussi polies soient-elles. Mais il n’y avait aucun autre moyen de rentrer. Peut être que les deux crétins qui gardaient la porte dormaient comme des loirs, mais il ne voulait pas se risquer à les réveiller. Et d’après son expérience, il était incapable de traverser un mur comme les fantômes, sauf exception, avec l’aide d’un client mécontent. Il avait toujours l’impression d’avoir la bosse sur son crâne, il aurait presque pu rire en se rappelant ce mauvais moment de sa vie. Par conséquent, il ne lui restait plus qu’à rentrer par la fenêtre. Il se saisit de son grappin et l’envoya jusqu’au rebord de cette dernière. Lorsqu’il s’assura que le grappin était bien fixé, il commença une lente ascension. Il s’était étonné à se voir aussi bon grimpeur, à croire que finalement cette foutue montagne lui avait permis de s’entraîner avec toutes ces foutues falaise à escalader. Il monta en silence jusqu’au rebord. Il regarda à l’intérieur. Il faisait très sombre, mais les hommes comme lui avaient l’habitude qu’il fasse très sombre. Il avait en réalité presque développé une vision nyctalope. C’était une chambre très luxurieuse, des vases étaient posés de chaque côté de la porte. Une table basse en or massif portait sur elle une bouteille de vin, deux godets et une coupe de fruits pleine à craquer. Des tableaux de très grandes valeurs reposaient contre les murs. Et il y avait un tas d’autres bibelots exposés, certainement inutiles mais très chers. « Peut-être que j’aurais droit à un pourboire, pensa Mayirr Long-couteau en pénétrant. ». 

_J’ai attendu, saviez-vous ? 

Mayirr se tourna vers un fauteuil dans lequel reposait un homme caché dans l’obscurité. Il entremêlait ses doigts et en avait fait un support pour son menton. 

_ Qui êtes-vous ?

_ Lumière.

Dans les ténèbres, une petite silhouette s’approcha de celle du fauteuil et une petite flamme apparut. Le jeune homme posa la bougie sur une table basse à côté du fauteuil et se retira. L’homme assis était brun, assez grand, yeux noirs très profonds, et une cicatrice qui partait du front, sautait par-dessus l’œil gauche, et se terminait au niveau de la joue. Son client.


Mayirr se tenait face à lui, un tissu blanc maculé de sang à la main. Il l’avait enroulé de ce qui ressemblait à un globe. Ses vêtements étaient crasseux, des tâches de boue le recouvraient de la tête aux pieds. Il avait énormément maigri depuis leur dernière rencontre. Long-couteau écarta les bras avec un sourire de loup aux lèvres et dit:

_Me voilà, j’espère que vous êtes au moins ravi de me revoir.

_ Alors ? Demanda Galro en faisant un signe du menton vers le sac improvisé en tissu.

Comme d’un geste théâtrale, il prit la bande de tissu qu’il déroula et une tête noir aux cheveux blancs apparut dans sa main. Ses yeux roulaient de manière répugnante dans leur orbite. En brandissant comme un trésor de guerre, l’assassin demanda:

_ Satisfait ?

_ Nous allons vérifier.

_ Comment vérifi...

_Tilbar.

Surgit de nul part, un homme à la carrure impressionnante apparut avec deux soldats, un vieil homme et deux gamins. L’homme au cache œil attrapa la tête de l’elfe noir par les cheveux et la montra aux trois inséparables.

_ Alors ? Demanda Galro sans détourner ses yeux de Mayirr.

_Ce n’est pas lui, répondit le vieil homme terrifié. Pouvons-nous partir messire.

Galro se tourna vers les deux croisés qui tenaient fermement les deux enfants. Il fit un bref signe de la main et les garçons furent relâchés. Ils coururent vers leur père qui les serra fort dans ses bras.

_ Vous pouvez disposer, dit le paladin, mais je veux que vous restiez en ville, dans la taverne la plus proche. Vous serez surveillés, alors ne commettez pas d’erreur, Bartolf. 

_ Bien messire.

L’aîné saisit son petit frère par le bras et tenta de le consoler. Ils commencèrent à s’en aller, toujours entouré par les deux hommes. Le marchand de vin regarda Galro puis Tilbar leur dit:

_ Votre fille vous sera rendue, alors soyez tranquille.

La petite famille disparu quand le paladin tourna son regard de nouveau vers Mayirr. Celui-ci commençait à affoler, mais devinant ses intentions, Tilbar saisit sa hache et la plaça sur sa gorge. 

_ Qui c’est celui-là ? Demanda Long-couteau.

_ Un ami digne de confiance, répondit Galro. Contrairement à vous. 

Il leva la tête de l’elfe noir d’un air insatisfait. Il regarda l’assassin droit dans ses yeux verts et agita la tête décapitée.

_Je pensais avoir engagé un tueur, et non un escroc. 

_ C’est bien la première fois que l’un de mes clients se plaint, s’écria Mayirr. Peut être que c’est votre vieillard l‘escroc.

Il sentit le contact froid de la lame sur sa pomme d’Adam et se reprit.

_ Finalement que je me suis peut-être trompé. C’est si difficile de reconnaître un de ces monstres parmi tous les autres. 

_ Mais celui-là n’avait rien à voir avec tous les « autres » ! Hurla Galro en frappant du poing le support du fauteuil. Je vous ai donné sa description, et vous, vous arrivez ici et vous me donnez ça !

Il désigna la tête suspendue par les cheveux. Il la jeta sur l’assassin qui la laissa choir par terre. Elle roula quelques instants aux pieds de Long-couteau avant que Tilbar ne l’arrête en posant sa botte d’acier dessus.

_Si il y a bien une chose que je ne pardonne pas aux ramassis de vermine de votre genre, fit Tilbar, c’est la malhonnêteté. Je devrais vous couper la langue pour que vous ne puissiez plus dire le moindre mensonge. 

_ Vous avez mauvaise haleine, dit Mayirr en se moquant.

_Silence !

Tilbar frappa de son poing dans l’aine du tueur à gages qui tomba à genoux. Il l’attrapa par les cheveux pendant que Galro se levait lentement. Il marcha, se pencha et ramassa la tête. Il se mit à la faire balancer devant Mayirr comme pour l’hypnotiser. 

_ Mayirr Long-couteau, je suis déçu. Je vous ai demandé la tête du démon qui m’a fait défaut, pas celle du premier venu. Ne croyez pas que vous allez vous en tirer à bon compte. Je pourrai vous faire décapiter sur le champ par mon fidèle ami, mais je devrais expliquer devant le conseil pourquoi j’ai un cadavre dans mes appartements. Je pourrais leur dire que vous aviez tenté de m’assassiner, mais ça n’expliquerait pas la présence du général. 

_ Alors relâchez moi, fit Mayirr.

Galro lui répondit par un violent soufflé. Il lui retira ensuite son capuchon pour dévoiler son visage. Il était laid, finalement il aurait peut être mieux fait de ne pas lui enlever sa capuche. 

_J’ai d’autres projets en ce qui vous concerne, dit Galro. Demain je vais devoir partir pour une nouvelle croisade, et je dois recruter des hommes. Vous ferez partie de mon armée, et pendant cette guerre, vous passerez la frontière et vous me le ramènerez. Est-ce clair ?

L’homme aux yeux verts emplis de cruautés rivèrent sur le paladin, et entre ses dents de chacal, il dit:

_On ne peut plus clair messire.


Alors que le soleil se levait sur le vaste royaume d’Étale, tandis que les humbles paysans cultivaient paisiblement, pendant que les enfants jouaient à la guerre avec leurs amis, de véritables légions s’amassaient devant le Temple du Phénix. En tout dix milles hommes armés jusqu’au tréfonds de leur âme. Lorsque sa Luminescence apparut, tous firent le signe du Perchoir et acclamèrent en chœur le chef religieux. Entouré par les sept paladin phénix, le Grand Prophète monta sur une estrade en or massif et se mit à discourir. 

_ Mes fils, serviteurs de Dieu, aujourd’hui est un grand jour ! Alors que le Tout-puissant nous observe à cette heure précise, nous, pathétiques humains, avons un devoir de la plus haute importance. Nous avions pour but de convertir le monde à nos croyances, parce que seule notre religion est véritable ! Nous devons prêcher les saintes paroles du Divin à travers le monde pour que les hommes puissent tous accéder au paradis éternel. Lors de notre croisade contre ces immondes bêtes, nous avions oublié ce devoir. Il est temps de revenir sur nos priorités, car là est notre devoir premier. Les Guiogniens nous traitent comme de la chair à canon depuis des siècles ! Nous sommes le premier rempart face aux ténèbres des Enfërs, tout ça pour quoi ? Des Païens ! Il est temps de renoncer à cette alliance ridicule, nous nous sommes perdu en route depuis trop longtemps ! Les Chevaliers Fondateurs étaient chargés d'une mission, répandre la seule et unique Foi, et nous nous sommes assis sur nos principes, acceptant que nos paladins soient formés par des infidèles. Nous ne pouvons plus tolérer la coexistence avec les nains, les elfes et les dragons ! Natal est destinée aux hommes ! Les trois fausses divinités doivent tomber, tel est notre devoir ! Que Dieu soit fier de vous, mes enfants ! Mort au païens !

Tous les soldats en or levèrent leur poing en hurlant « Mort aux païens ! ». Un sourire se dessina sur les lèvres du Prophète qui ne se lassait jamais de cette coutume. Il leva les bras vers les cieux comme pour implorer le Tout-puissant et dit d’un voix solennelle:

_ Prions pour ceux qui tomberont pour la bonne cause !

Il joignit ses mains et pencha sa tête. Tous les croisés firent de même et ils commencèrent à prier. Des curés vêtus d’un grand manteau et d’une coiffe brodée d’or traversaient les rangs organisés des militaires religieux en faisant balancer un encensoir au bout d’une chaîne d’argent. La fumée qui s’en dégageait flottait comme les nuages du paradis et purifiait les âmes des futurs combattants. Un chœur de prêtres commença à résonner derrière l’estrade du Prophète et la célèbre orgue du temple se mit à jouer sa musique légendaire pour célébrer une nouvelle guerre sacrée. C’était le plus grand et le plus puissant instrument de musique qui fut inventé et construit de toute l’histoire de l’Étale. Incrustée à  même le temple, l’orgue était d’une beauté spectaculaire. Et le son qui sortait des longs tubes sacrés était si fort, si beau, si divin que celui qui l’utilisait devait se mettre des bouchons dans les oreilles s' il ne voulait pas devenir sourd dès la première note. Si grandiose, si magnifique, si sacrée que l’est cette orgue, elle inspirait courage et pureté aux hommes qui l’entendaient. Lorsque les éternelles prières se finirent, lorsque la somptueuse mélodie cessa et que le chœur s’arrêta, le Prophète écarta les bras et conclut par:

_En avant mes fils, marchons vers notre destinée.

_ Mort aux païens ! Scandèrent les croisés de l'Ordre.


_ Que de belles paroles ! Dit discrètement Tilbar à Galro. Je te dis mon ami, nous allons droit à la boucherie !

_ Il est vrai que cette guerre ne peut que mener au malheur des peuples, mais elle tombe à point nommé pour moi. 

Tilbar se retourna vers le paladin, il n’était plus le jeune garçon naïf qu’il avait entraîné autrefois. Il porta une coupe de vin à ses lèvres et conclut par:

_Je vais rejoindre les rangs, tous tes hommes seront prêts lorsque tu viendras nous récupérer. 

_ Merci Tilbar.

Le général abandonna la coupe et s’essuya les lèvres. Il marcha jusqu’à prendre la tête de mille hommes d’armes portant l’étendard du loup. Fradel rejoignit Galro en lui donnant une tape amicale dans le dos.

_Je vois que tu as là le redoutable général Tilbar sous tes ordres. Il a des sautes d’humeur, mais sur le champ de bataille, c’est tout simplement un guerrier redoutable et un commandant excellent dans son domaine. Les hommes de sa trempe sont rares.

_ Il avait été mon maître d’arme lors du début de ma formation de paladin, répondit Galro en montrant sa cicatrice à l'œil gauche.

_ Comment est-ce... Désolé Galro, je dois retrouver mes hommes, je ne voudrais retarder la guerre parce que j’aime parler. 

Le Prophète regardait les deux hommes depuis le haut de son estrade, il était toujours souriant. Mais son regard intense signifiait tout autre chose, il commençait à perdre patience. Galro et Fradel se séparèrent pour rejoindre leurs soldats. Lorsque le paladin fut aux côtés du général Tilbar, l’homme au teint gris hurla:

_ Gardes à vous !

Tous les guerriers se mirent au garde quasiment en même temps, sauf un qui semblait être sourd. Tilbar traversa les rangs et alla voir l’homme qui avait désobéi. 

_ Alors le nouveau, on ne veut pas se mettre au garde à vous ?

_Je suis navré, répondit-il avec un certain cynisme. Je ne vous ai pas bien entendu. 

Tilbar lui frappa dans l’aine et lui tira violemment les cheveux. Alors que son œil de saphir plongeait dans les deux yeux verts, le général dit lentement:

_ Écoute moi petite ordure, soit tu te montres sage, soit je deviens ton pire cauchemar. Fais le bon choix, et vite !

_ À vos ordres mon général, dit Mayirr en se tenant les côtes. 

Lorsque Tilbar rejoint Galro, il constata avec joie que Long-couteau s’était mis au garde à vous. Le prophète leva les bras et s’écria:

_En route enfants de Dieu, marchons sur les montagnes de Léondia !

Ainsi commença une grande marche vers les montagnes enneigées des Ssaros, où la nouvelle croisade prendrais place. Galro sentait qu’il allait faire partie de la boucherie la plus injustifiable de tous les temps, mais il n’était qu’un paladin, il devait obéir aux ordres. Et l’ordre a été donné, tuer les païens.



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