La prophétie du roi déchu: L'enfant sombre

Chapitre 11 : La cérémonie de l'Ordre de la Pierre Sacrée

8771 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a 10 mois

Chapitre 11: La cérémonie de l’Ordre de la Pierre Sacré





Vingt années s’étaient écoulés depuis son affrontement avec l’elfe noir. Il avait continué son apprentissage pendant dix ans avec sire Taläsna, puis pendant les dix dernières années il retourna en Etale pour parfaire son éducation. Contrairement à ce qu’il s’imagina, son professeur d’arme n’était plus le capitaine Tilbar, mais un paladin expérimenté qui lui enseignait « l’art de la guerre ». Il apprit entre autres comment mener des troupes au combat, comment combattre les ténèbres et pour quelles raisons ils doivent les affronter. Et il avait le privilège de recevoir ses cours de religion non plus dans cette affreuse abbaye mais dans le grand monastère, débordant de bibliothèque et d’ouvrages anciens. Après tant de temps, il allait enfin pouvoir devenir paladin, et enfin pouvoir venger son père.


_ Sire Galro ! Votre armure de parade est prête messire !

_Je te remercie, qu’on me l’amène ici !

_ Bien messire !

Galro avait le trac, cela faisait plus de vingt ans qu’il attendait ce moment, vingt longues années d’apprentissage et d’instructions intensives. Il allait enfin pouvoir faire la Cérémonie. En fait, c’était plutôt une épreuve. Il avait appris pendant ces dix années au monastère qu’un jour, pour que l’Étale puisse apporter la lumière dans le monde, Dieu leur envoya la Pierre sacrée. Au travers de la carapace qui protège le monde, il envoya la Pierre qui fit une gigantesque brèche lors de son passage, ce qui donna naissance à la Lune et le Soleil. Les étoiles n’apparurent que plus tard, lorsque les défunts ayant gagné leur place au paradis reçurent des lanternes pour s’éclairer dans les ténèbres de la nuit. Les quatre fondateurs de l’ordre prirent la Pierre sacrée et attendirent les ordres du divin Seigneur. Celui-ci leur offrit quatre lances, les Landbards, et leur donna l’ordre de transpercer la Pierre sacrée en quatre points, et de boire le sang de la Pierre. Les fidèles s’exécutèrent et firent quatre percés dans la roche divine et burent le liquide qui en jaillit. Le Divin dit lorsqu’ils avaient bu « Vous, enfants de ma créations, je vous confère une partie de mes pouvoirs à travers la pierre, car ce liquide est mon sang. Soyez fidèles et justes, et je vous gracierai pour l’éternité. Transmettez ma parole à travers vous dans le monde, servez moi et alors vous aurez accès au Paradis. Si jamais vous vous moquez de moi, ma colère sera terrible ! Je vous ai tous élus, et à partir de maintenant les hommes devront s’agenouiller devant moi ! Ils devront m’écouter et m’obéir, car je suis le Père Créateur ! ». 


Par la suite, les quatre chevaliers transmirent la parole divine au quatre coins de l’Étale. Ils chassèrent ensemble les faux dieux pour imposer le seul et véritable souverain. Ils détruisirent les temples, les idoles et les œuvres païennes, afin d’instaurer la véritable religion. Ils eurent rapidement de nombreux fidèles à leurs côtés qui les aidèrent à repousser les prêtres païens. Le reste du peuple fut évangélisé et converti au culte divin, et les irrécupérables purifiés par le feu du Phénix. Le roi accepta après de longues années de se convertir à la nouvelle religion, et fut baptisé à son tour dans l’eau bénite. Ils venaient d’accomplir la première quête de Dieu, mais les hommes faisaient face par la suite aux ténèbres des Enfërs. Alors, les quatre chevaliers se virent assignés une nouvelle mission, aider le peuple d’Étale à lutter contre les terres du sud. Donc ainsi fut créé un nouvel ordre, celui de la Pierre Sacrée, dans le but de vaincre les forces du Mal et de libérer les peuples libres de la peur de se faire massacrer par les terribles orques des terres de l’ombre. Ils devaient aider les armées du roi non seulement, mais également soutenir les autres nations qui leur été alliées, comme les royaumes unis de Guiogne. 


Et l’Ordre devait former une unité bien spécifique, a qui on aurait transmit un important savoir et qui serait spécialisé dans la lutte contre les ténèbres. Ainsi, naquirent les paladins, des guerriers de la lumière qui guident les épées dans le cœur des démons. Les paladins devaient en autre connaître le comportement, l’anatomie et la tactique d’attaque des créatures ténébreuses. En autre pendant ces dix longues années, il avait étudié de nombreuses créatures cauchemardesques, comme le grand Rôdeur, un ignoble prédateur haut de deux mètres recouvert d’une peau grise très fine, qui cache en réalité une solide carapace en cartilage dur. Bien que quadrupède et qu’il se dresse de la même façon qu’un vertébré, ses os ne sont que du cartilage solidifié et ce qui pouvait ressembler à une colonne vertébrale est extrêmement molle. Bien que de l’extérieur il ne semble n’avoir que quatre pattes, il en a en réalité huit. Mais Kaös, le dieu des ténèbres, choisit qu’elles seraient collées deux par deux, par un puissant muscle qui les reliaient. Sur sa nuque, il y a une quantité incroyable d’épines longues de trente centimètres, toutes empoisonnées, et il peut toutes les éjecter vers son agresseur ou sa proie. Sa mâchoire est toute aussi fascinante, car elle est constitué entièrement de cartilage mou, dont la puissance de la morsure est compensé par des muscles redoutables et des dents acérés, et il peut plier sa gueule en tous sens et la faufiler entre les rocher pour attraper de petites proies. Mais surtout, il n’a pas d'œil, il y a juste une énorme couche de peau là où il aurait dut y avoir les organes visuels. À la place, sur le bout de leur museau, il y a une petite carapace qui protège une sorte d’antenne, qui lui permet de repérer la trace de sa future victime, un peu comme un serpent. Et lorsqu’il trouve une proie de grande taille, il utilise sa queue en peau solidifiée, aussi dure que du fer, pour l’empaler. Tous les peuples sont d’accord sur un même point vis à vis de la bête: ce n’est qu’une saleté nuisible qui terrorise les populations, car le Rôdeur apprécie en particulier la chair humaine. L'unique point faible, le fond de leur gueule, l’épée devait transpercer au niveau du cerveau pour en finir vite, sinon la bête pouvait encore lutter des heures avant de mourir. Bien qu’efficace, cette solution était peut applicable, car quiconque pénétrait son bras à l’intérieur des mâchoires pouvait être certains de ne plus jamais le revoir. Donc la meilleure arme contre eux était encore, comme contre la plupart des animaux, le feu. Bien qu’ils ne le craignent pas plus que les autres bêtes, voire moins, la chaleur des flammes ramollit considérablement la carapace intérieure et permettait aux lames de se faufiler à l’intérieur des chaires. Bien que ce soit un grand fléau, Galro ne s’intéressait pas particulièrement au cas des Rôdeurs, mais plutôt à celui des elfes noirs. 


Leurs origines serait très ancienne d’après certains écrits, créés par l’ancien seigneur des elfes. Ils auraient été conçus à la base pour lutter contre les orques, lors de la grande Invasion. Mais la suite des événements changea leur destin, sous l’emprise du Mal, ils se seraient attaqués à leurs congénères et au Conseil des huit. Et depuis, Dieu, pour les châtier, les maudit à redevenir des bêtes, sans âme ni émotion. Le Dieu noir en profita pour s’emparer de leur corps et les maudit à son tour, les obligeant à devenir non plus de simples bêtes, mais des créatures assoiffées de sang. Depuis, ces démons devinrent irrécupérables, et Dieu jugea bon de les exterminer. 


Galro pensait avoir trouvé de très bon renseignements, mais tout de fois, il y avait quelques incohérences, entre autres sur le compte de son ennemi de toujours. Si les elfes noirs étaient réellement des animaux, pourquoi l’assassin de son père était t-il muni d’une lourde armure et d’une épée géante ? Serait t-il suffisamment intelligent et doué au maniement des armes pour se servir d’un équipement aussi sophistiqué tout en étant un animal ? Et si le démon était réellement un être assoiffé de mort, pourquoi n’avait t-il pas exterminé toutes les phalanges qui accompagnait le paladin ? Lui, qui avait affronté un elfe démoniaque, et il savait que la peur de la mort ne l’aurait pas fait reculer face à tant de sang bouillonnant de vie. Son adversaire n’était sûrement pas recensé parmi tous ces ouvrages, il devait encore être autre chose. Alors qu’il méditait sur son passé, les serviteurs s’activaient à l’extérieur. Tout devait être prêt pour la cérémonie, tout devait être parfait. Les montreurs d’animaux étaient en train de répéter leurs numéros dans leur quartier; les conteur et les jongleurs faisaient les dernières mises au point de leur représentation; les cuisiniers faisaient cuir les nombreuses entrecôtes de porcs, moutons, boeufs et bien d’autres viandes; les artistes décoraient la salle cérémoniale de rubans et de fanions; les gardes réglaient la circulation dans le palais; les autres paladins s’habillaient du costume religieux, les curés faisaient les dernières prières afin que Dieu accepte son nouveau serviteur, les nobles se maquillaient des plus belles teintes... Il ne manquait plus qu’une seule et unique personne pour que la cérémonie puisse enfin commencer, Galro. Il était envahi par le trac et le stress depuis le mois qui avait précédé, lorsque son professeur paladin lui avait dit qu’il sera choisi à cette date précise. Est-ce qu’il sera choisi par Dieu, le laissera-t-il boire le sang de la Pierre et acquérir ses pouvoirs ? Bien qu’il avait déjà la force de la magilith à ses côtés, il était inscrit dans leur code que cette tradition devait être toujours respectée, car en buvant le sang de Dieu, non seulement les paladins héritaient du pouvoir de la lumière, mais ils étaient également symboliquement intégrés au sein de l’Ordre. Boire le sang de Dieu et se faire accepter par Dieu était un honneur et un privilège que beaucoup de monde enviait. Seuls les enfants de paladins ou des nobles ayant accomplis des actes héroïques pour l’Eglise avaient le droit d’atteindre le rang de paladin. Maintenant, c’était à son tour d’être nommé de ce titre prestigieux. Il allait devenir paladin, et il suivrait les traces de son père, jusqu’à ce qu’il se retrouve enfin en face à face avec le démon qui avait empli son cœur de haine. 

_ Messire !

Un serviteur était adossé de l’autre côté de la porte. Galro comprit immédiatement ce qui se passait, et il finit d’enfiler son armure. Il était hors de question de faire patienter plus longtemps le clergé, sous peine de voir la cérémonie annulée. De quoi aurait-il l’air auprès du Prophète s' il venait se montrer en retard pour sa cérémonie ? Il se mit un peu de poudre pour ne pas sembler négligé et partit vers l’autel sacré. Tous les gardes étaient en rang sur les côtés, les hallebardes en avant, et au passage du paladin, ils levèrent les armes. Durant tout son apprentissage, Galro n’avait jamais eu droit à un arc de triomphe, et en passant devant les soldats, il ne pouvait s’empêcher de sourire. Mais il eut le temps pendant toutes ces années à rester humble et à ne pas extérioriser ses sentiments. Ce n’était pas noble de montrer à la face du monde ses émotions, c’était l’un des protocoles les plus importants. Les murs et le sol était en marbre blanc, ainsi que quelques statues représentants des héros de croisades. La tapisserie était brodée d’or et de rouge, les couleurs des croisés de l’Ordre. Il y avait également des peintures de scènes religieuses, tout comme le jour où Dieu donna les quatre lances divines. Sur le plafond, était représenté le Grand Phénix sur son perchoir, avec le Paradis et la damnation de par et d’autre de ses ailes. Et tout au fond, se trouvait une porte en argent, recouverte de gravure et de saintes paroles, et une phrase dominait la hauteur du passage en disant « Soit béni celui qui pourra franchir cette porte, car le Seigneur l’ouvrira toujours à ses plus fidèles sujets. » Galro s’approcha lentement vers la porte, il hésitait presque à la toucher. Que se passerait-il si elle venait à rester fermée ? Que se passerait-il s'il tentait de l’ouvrir ? Il y avait bien inscrit « Dieu l’ouvrira toujours à ses     plus fidèles sujets. » alors est-ce que cela voulait dire qu’il devait attendre que Dieu lui ouvre le passage ou c’était à lui de l’ouvrir et que Dieu lui accordera de passer ? Il cessa de se poser des questions, de toute façon il n’avait plus le temps, mais au moment où ses doigts effleurèrent l’argent, elle s’ouvrit toute seule, comme par enchantement. Les arches laissèrent apparaître une légion de gentes personnes, armées de présents et vêtus des bordures d’or et rouges. Puis au centre, il y avait la Pierre. Elle était magnifique, elle ressemblait plus à un énorme bloc de saphir, presque noir, au reflet azur. Tout autour, il y avait de petits fragments qui étaient en lévitation autour du morceau principal. Et de l’intérieur de la roche, il pouvait presque entendre un léger grondement. Quatre statues de marbre représentaient les quatre fondateurs, les lances à la main. Elles étaient d’une beauté extraordinaire, le manche était en acier noir à l’opposé des lames d’une blancheur pure. Et devant la Pierre, il y avait le Grand Prophète entouré de sept chevaliers aux écussons de l’Ordre. 


Certainement les sept paladins phénix, les plus haut gradés de l’Ordre. Ils pouvaient commander les autres paladins, et si jamais une guerre venait à éclater, Galro avait de grande chance de se retrouver sous leurs ordres un jour. Il devait se montrer digne du titre qu’il recevait pour être reconnu par ses camarades et ses supérieurs. Son regard dériva sur les autres convives, et au milieu des rangs il reconnut un homme en particulier. Bien qu’il avait gagné des rides avec l’âge et que ses cheveux étaient blancs, il cachait encore le ciel de sa taille imposante. Le capitaine Tilbar, il était là lui aussi. S' il y avait bien une seule personne qu’il voulait revoir, c’était bien cet homme borgne. Mais quelque chose avait changé, entre autres son armure, qui n’était plus dorée, mais blanche avec des phénix rouges gravés. Mais plus encore, il semblait encore plus grand qu’auparavant. Non, ce n’était pas lui qui était plus grand, c’était le monde qui s’était davantage rapetissé devant lui. Il lui demanderait de ses nouvelles après la cérémonie. Il se redressa face à la Pierre, elle l’attendait et l’appelait, il ne devait pas plus s’attarder. Dans ses rêves, il avait toujours pensé que lorsqu’il marcherait vers la fontaine de sang de Dieu chacun de ses pas mettrait des heures et des heures, que la lumière divine lui éclairerait son chemin, que des centaines de pétales de fleurs flotterait au-dessus de sa tête. Il se trouva que la réalité en était tout autrement. Il marcha incroyablement vite vers sa destinée, il n’y avait que la lumière des rayons du soleil traversant les fenêtres qui illuminait la pièce tout entière, et il n’y avait pas une seule pétale de marguerite pour voler au-dessus de sa tête. Il fut quelque peu déçu, mais après tout, même si ce n’était pas comme dans ses rêves, cette cérémonie n’était pas moins spectaculaire.


Il avait répété et répété la veille comment il devra faire lorsqu’il sera à genoux devant le Prophète. Alors, lorsqu’il s’agenouilla devant le vieille homme, il posa une de ses mains sur son genoux restant, la tête baissé respectueusement, et récita: « Je vous remercie et vous suis reconnaissant de votre générosité, mon Père. Choisissez mon destin et faites de moi ce que vous en voudrez, car à partir d’aujourd’hui, je serais à jamais votre serviteur. » Il arrivait à deviner le sourire du Prophète qui était au-dessus de lui. Il lui posa une main sur son épaule et fit:

_ Soit accepté dans la maison de Dieu. Saches que le foyer est la chaleur de l’homme et ta nourriture l’institution divine. Ce monde recouvert de ténèbres a besoin d’une lumière pour guider les peuples, et nous sommes cette lumière, sans nous les gens ne seraient plus que des monstres abandonnés par le Créateur. Aujourd’hui, tu as juré de ta fidélité envers le Tout Puissant et tu lui as offert ta vie contre la rédemption de tous péchés. Très peu d’hommes seraient capables de s’offrir en sacrifice pour leur croyance, mais tu as accepté de sacrifier ton passé, ton présent et ton futur pour que l’Ordre puisse prospérer et lutter contre le Mal. Maintenant, mon fils boit le sang de Dieu et devient son champion. Si jamais Dieu te veux, alors il te léguera tous ses pouvoirs, ou sinon tu périra en prouvant que tu auras été assez courageux pour braver le danger.

Enfin, depuis tant d’années, depuis ces vingt deux années interminables, il allait boire le sang de Dieu. Il allait enfin devenir paladin, il allait enfin pouvoir intégrer l’Ordre et devenir un guerrier de Dieu. Depuis l’instant où il avait vu le corps gisant de son père, depuis qu’on lui avait décrit son meurtrier, depuis cette nuit tragique, il avait rêvé de ce moment, de cet instant où ses lèvres tremperaient dans l’essence de la Pierre. C’était maintenant, c’était immédiatement, c’était enfin arrivé. Il se releva humblement, et s’avança vers la Pierre de Dieu. Elle était si belle, si splendide, et ce doux grondement l’attirait à elle. Comment une si belle chose pouvait être offerte aux hommes ? Il monta les quatre marches de la fontaine, la foule fit un silence si intense que même son propre souffle semblait être un vacarme. Il était au même niveau que les quatre statues qui entouraient le saphir sombre, son cœur tambourinait dans ses oreilles. Il avait tant rêvé de ce moment. Il regarda passionnément la sculpture dressée à côté de lui. Elle était encore plus resplendissante de près, si elle n’avait pas sa couleur marbre, il l’aurait confondu avec un homme. Entre ses mains de pierre, elle tenait à peine la Landbard. Il savait déjà ce qu’il avait à faire, il retira soigneusement l’arme de son logis, elle était lourde mais elle inspirait néanmoins le respect. Son hampe noire était gravée de dessins et de runes anciennes, souvent représentant des anges guerriers et des démons terrifiés par la lumière divine. Et sur la lame, le Phénix était représenté également, le bec vers la pointe du tranchant, pénétrant dans le cœur de ses ennemis. Il regarda de nouveau la Pierre Sacrée, elle était si belle. Il saisit la lance à deux mains, s’approcha du cristal géant et fit une dernière prière. « Vous Père qui êtes aux cieux, donnez-moi la force d’accomplir votre volonté, laissez-moi être votre bras, votre épée et votre bouclier. Laissez-moi boire votre sang mon Seigneur. »

Il serra de toutes ses forces la Landbard et la plongea dans les entrailles de la Pierre. La couche minérale se brisa comme une coquille d'œuf, et laissa échapper le Sang divin. Galro s’empressa de mettre ses mains en forme de cuve en dessous de la plaie pour recueillir l’essence de Dieu. Il fut tout de fois étonné par la texture et l’apparence du liquide, il ressemblait beaucoup à de la magilith. Il chassa cette stupide pensée, il était en train de vivre un instant unique, il ne devait pas le gâcher avec des idées aussi abjectes. Il voulait savourer sa gloire. Il ne perdit pas plus de temps et bu le Sang de Dieu. Ce goût, désagréable et infecte, était semblable à celui de la magilith. Serait-ce ça, le sang du Tout Puissant, de la magilith ? Et est-ce que boire de la magilith venant de cette Pierre le rendrait plus puissant qu’avec de la simple magilith ? Peut être que la magilith est le fruit de Dieu ? Il ne savait pas grand chose, mais une chose était sûre, en buvant le sang de la Pierre, il était devenu un paladin. Il allait enfin pouvoir être au service de l’Éternel et accomplir sa vengeance. Il avait enfin le pouvoir et la force d’exécuter celui qui avait tué son père. Il redescendit de l’autel, le cœur rempli de joie. L’un des paladins apporta une épée au Prophète, qui lui même la tendit à Galro. Elle était magnifique. La garde était à l’effigie du Phénix, les ailes écartées, et les plumes de sa queue avait la fonction de pommeau. L’or qui la composait était incroyablement sculpté, et la lame blanche brillait de mille éclats en reflétant la lumière du soleil. Il avait du mal à se l’avouer, mais même le glaive que lui avait offert Tilbar dans sa jeunesse ne lui arrivait pas à la cheville. Et sa légèreté étonnante était simplement surnaturelle, pour la longueur de la lame qui, fallait l’avouer, était d’une belle taille. 

_ Ceci est l’arme des guerriers de la lumière, paladin Galro. Cette épée tranchera toujours les ténèbres qui te barreront le chemin. Aucun orque, monstre, troll, Rôdeur, démon ou elfe noir ne saurait lui résister. Grâce à elle, tu pourras toujours affronter des légions entières, vaincre et pourfendre les abysses. Que le sang de tes ennemis coule tel un torrent, que la lumière triomphe de l’ombre, que la nuit laisse place au jour, que les démons craignent Dieu, car dorénavant tu seras le bras, le glaive et le bouclier du Seigneur. 


Un autre paladin lui offrit le fourreau assorti, entièrement en or incrusté de diamant. Le nouveau guerrier de la lumière rangea son fourreau à la ceinture, et y rengaina son arme. Enfin, il était devenu paladin. Il allait pouvoir accomplir sa destinée. Il leva les yeux vers le plafond, il vivait l’un des plus beaux jours de sa vie.


Après la cérémonie, et après avoir festoyé autour d’un grand banquet, Galro se retira dans ses appartements, il était fatigué. Il avait eu une journée remplie de sensations. Il avait son compte pour aujourd’hui. Mais dans les couloirs, il croisa Tilbar, qui était adossé contre le mur, bras et jambes croisés. Il le regardait durement de son oeil unique. Serait t-il vexé que Galro ait reçu le titre que le capitaine avait toujours envié ? Quand il s’approcha de lui, Galro s’attendait presque à recevoir un coup de poing, mais la main se posa chaleureusement dans son dos, et il fut prit dans une étreinte amicale.

_Je suis fier de toi Galro ! Tu as enfin réussi ! Tu es enfin devenu un Paladin ! 

_ Je vous remercie Tilbar, je suis si heureux.

_Mais ...!

Le borgne recula de quelques pas et contempla le nouveau paladin puis s’écria:

_ Nom d’un chien ! Tu as poussé entre-temps ! Regarde ! Tu me dépasses maintenant !

Galro n’y avait pas trop fait attention, mais c’était bien vrai, il était plus grand que son ancien professeur d’au moins une tête. Mais étrangement, il avait toujours l’impression d’être encore le petit, et lui le géant. Les pouvoirs du psychisme étaient vraiment étonnants. L’homme au teint gris regarda au niveau de la ceinture, et sourit tout en faisant la remarque:

_Je vois que tu as la une bien belle épée, celle d’un paladin. Mais ne t’avais-je pas offert un magnifique glaive également ?

_Je suis navré Tilbar, elle n’avait eu qu’une seule occasion de me servir, mais elle l’a faite mieux que n’importe quelle autre épée. Elle s’était brisée en privant un démon de la vie alors qu’il s’apprêtait à en finir avec mes jours. Je vous serais éternellement reconnaissant de me l’avoir offerte, car si je suis encore là aujourd’hui c’est grâce à son sacrifice.

_Je vois... Je suis à la fois ravi et déçu qu’il ait fini ainsi. Vois-tu, il appartenait à ma famille depuis quatre générations. C’est dommage qu’elle ne puisse continuer d’exister, mais comme disait ce bon vieux Dieu, nul n’est immortel sur cette terre, car toutes choses est condamnées à disparaître un jour ou l’autre, seul le ciel est éternel. Le Père Créateur avait décidé que cette lame périsse en te sauvant la vie, alors il ne faut pas que je lui en veuille, car c’était son destin. Mais fallait avouer, elle était si belle. 

Il pouvait presque lire un regard empli de tristesse dans l’oeil de Tilbar, mais rapidement, le guerrier reprit son sourire et lui demanda:

_ Sinon, mise à part, tu es enfin devenu paladin ! C’est vraiment une joie de voir son élève atteindre ses objectifs !

_ Mais jamais je ne serais arrivé sans vous, capitaine...

_Non, je ne suis plus capitaine, on m’a retiré ce grade !

_Je suis vraiment navré Tilbar...

_Je suis général grâce à toi ! Et toi tu es navré de m’avoir mené à cette promotion ? C’est une bien étrange réaction ! En acceptant de t’entraîner, j’ai soulagé un paladin de cette tâche et les supérieurs m’avaient donné comme récompense ce titre. Je dois l’avouer, tu m’as manqué pendant ces vingt longues années.

_ Vous aussi général, vous m’avez manqué pendant tout ce temps.

_ Arrêtes un peu de me vouvoyer, tu es mon supérieur maintenant ! Tu as tout les droits sur moi maintenant, tu peux décider de me faire enfermer en prison, m’obliger à cirer tes chaussures et même me forcer à me travestir pour t’amuser ! Tu pourrais même me renvoyer de l’Église parce que je te tutoie en ce moment ! Tu as appris l’art de la guerre, de la magie, de la religion, mais à présent il te faudra apprendre à te faire respecter en tant que paladin ! Et c’est certainement le domaine le plus dur dans cette profession, car il n’y a ni cours ni seconde chance, juste des examens pénibles et difficiles. Même si tu as passé vingt années de préparations, tu es loin d’avoir acquis l’expérience, crois en moi. Alors, messire Galro, quel sera mon châtiment pour m’être adressé à vous d’une façon non respectueuse.

Ces propos amusèrent quelque peu le jeune paladin, et il se décida de faire partie de ce petit jeu. Quel châtiment assez pénible lui ferait t-il subir ? Il hésitait entre des tâches particulièrement ridicules ou des punitions déshonorantes. Il choisi la plus adaptée à la situation:

_ Général Tilbar, tu seras obligé de me porter un toast avec le meilleur vin du pays !

_ Bien, je vous obéis sur le champ paladin Galro !


La soirée fut très agréable, la taverne choisi par le Général avait le nom de Au vin joyeux ! et, selon Galro, elle portait très bien son nom. Ils s’étaient surtout raconté comment les choses avaient évolué pendant l’absence de l’autre. Le général avait eu le temps de s’occuper pendant l’apprentissage de Galro. Les gobelins menaçaient encore les montagnes de Léondia, et les nains les avaient appelé au secours. Dans cette région, il y avait surtout des mineurs et des ouvriers, très peu de guerriers expérimentés. Alors, les Croisés leurs vinrent en aide afin de chasser cette engeance, guidés par les autochtones et réussirent à vaincre l’ennemi. Puis les ssaros leur avaient également causé quelques ennuis, mais cette menace fut vite enrayée de par le fil de l’épée. Il ne restait plus que de petites tribus inoffensives dans l’incapacité de faire du tord aux hommes et aux nains. Les grandes bêtes blanches des montagnes migrèrent vers le sommet afin de fuir les redoutables tranchants, et très peu d’entre elles survécurent.


Il y avait également quelques escarmouches qu’il avait mené, comme par exemple le combat contre une tribu d’orque qui se trouvait à l’ouest. Bien qu’ils soient forts et qu’ils soient aidés par le Mal, ils ne faisaient pas le poids face aux légions de Dieu, car ils n’étaient équipés que de cuir et de couperets. 


Rapidement, l’acier des armes et des armures des hommes eurent raison de cette vermine. Il y avait également eu l’épisode des rebelles, des sales hérétiques tentèrent de convertir les peuples de la lumière mais les Croisés une nouvelle fois, exécutèrent la volonté de Dieu. Ils massacrèrent les vilains et les faux prêtres, détruisirent ces temples absurdes et ramenèrent la paix dans les régions. Un seigneur tenta également de trahir l’Ordre, car il avait comme projet d’assassiner le Grand Prophète lui-même. Le combat fut vite clos, le Général Tilbar et quatre capitaines se chargèrent de l’affaire, un petit siège de deux ou trois jours, une pluie d’un millier de flèches enflammées, quelques coups de trébuchet et un bon bélier eurent raison du fort du félon, puis les lames se chargèrent du jugement du traître. 


Toutefois, ils l’épargnèrent et le ramenèrent à l’Église. Ils l’interrogèrent longtemps pour lui faire avouer son forfait, et savoir qui étaient ses complices. Sous les chaînes d’acier, il n’avoua jamais son péché et ne donna aucun nom. Finalement, le Prophète tenta de le faire repentir, mais le seigneur têtu s’obstina à déclarer son innocence, alors son châtiment fut l’écartèlement. En contrepartie des hommes perdus et des dépenses dues à la bataille, les enfants durent payer de toutes les richesses du seigneur déchu et cédèrent les terres à l’Ordre. 


Les Croisés avaient pour projet de faire de ce fief un camp militaire et des fermes agricoles afin de subvenir aux besoins de l’armée de l’Ordre. Depuis deux mois, Tilbar avait enfin droit au répit et laisser refroidir sa lame. Puis, il avait ouïe dire de la cérémonie de son ancien élève, alors c’était enfin l’occasion pour lui de retrouver le jeune apprenti paladin. Quand ils finirent de discuter et de savourer leur vin, ils se séparèrent et Galro se reposa. Tandis qu’il fermait les yeux, il n’avait qu’une seule pensée « Je suis enfin paladin ! ».


Le lendemains, le soleil avait envahi sa chambre au travers des vitraux, forçant le paladin à se lever. Il était temps pour lui d’enfiler sa nouvelle armure et de parader devant ses camarades. Mais ce qui le hâtait était tout autre chose que ce qu’il avait prévu, car à peine il quitta ses quartiers qu’un serviteur essoufflé lui délivra un message des plus urgents. Galro était à peine devenu paladin que le Prophète l' invoquait déjà. Quand il demanda pour quelle raison, le misérable homme lui répondit seulement qu’il devait se dépêcher. Alors, le chevalier de la lumière partit à l’endroit indiqué par le messager. Que pouvait t-on bien vouloir de lui qui venait à peine de se voir attribuer le grade de paladin ? Si c’était à cela que ressemblait le premier jour de paladin, alors il n’aurait pas un instant de répit. Si Tilbar avait déjà du mal à se libérer, alors il avait de forte chance de ne pas chômer lui aussi.


En parcourant les couloirs, les gardes le saluaient en se penchant de la tête et en lançant « Bien le bonjour paladin Galro ! ». C’était extrêmement gratifiant, car pendant ces vingt ans qu’il parcourait les mêmes couloirs, ces mêmes gardes ne faisaient pas attention à lui, maintenant le paladin était le centre de nombreuses discussions pour de nombreuses personnes résidant au temple. Il aurait presque pu commettre le péché d’excès de fierté, mais il résista et resta humble. Quand il atteignit enfin la porte du Prophète, il resta figé. Depuis toutes ces années où il était passé et repassé devant cette porte sans jamais être autorisé à la passer, les gardes croisant leur hallebardes et hurlant « Dégage gamin ! Ce sont les quartiers privés du Prophète ! » et pour la première fois, les deux vieux gardiens écartèrent leur arme et souhaitèrent le bonjour à Galro. Ce titre avait réellement changé sa vie, il ne sentait ce regard de mépris et de jalousie, mais de l’admiration. Le paladin frappa à la porte comme il se doit lorsque l’on est courtois et noble.

_ Qui est-ce ? Serait-ce toi paladin Galro ?

_ Oui Grand Prophète, je suis venu afin de répondre à votre requête.

_ Bien, entre !

Les deux soldats ouvrirent l’entrée, et pour la première fois, Galro voyait l’intérieur de la chambre du Prophète. Son lit était fabriqué dans du chêne des régions nord, reconnaissable de par sa teinte assez sombre, et les tissus qui étaient au-dessus étaient blancs, avec des anges brodés en or. Il y avait des vitraux qui laissaient passer une lumière blanche incroyablement pure, et sur le plafond était représenté Dieu qui créa le monde pendant sept jours, montrant chacune des étapes. La séparation des ténèbres et de la lumière, de l’eau et du feu, de l’air et de la terre, de l’ordre et du chaos, des hommes et des bêtes... Jusqu’à avoir l’harmonie qu’est le monde. Le Prophète était assis face à une cheminée, dans un fauteuil entièrement brodé d’or et de rubis. Ses rides se déformaient dans la lueur du feu qui crépitait devant lui, ses petits yeux noirs fixant un objet qu’il tenait dans la paume de sa main. Au son des pas de Galro, il rangea sa babiole et fit signe de la main au paladin de s’approcher. Celui-ci obéit et se plaça juste devant le sage.

_ Alors, comment tu te sens Galro ? Ça te fait quel effet d’être un paladin maintenant ?

_Je ne puis que répondre que je suis honoré d’obéir à Dieu à travers vos ordres.

_ Bien, alors es tu prêt à accomplir ton devoir ?

_ Oui, Grand Prophète.

L’homme âgé se leva et marcha jusqu’à une carte qui représentait Natal. Il se gratta le menton pendant un bref moment et se décida enfin à parler.

_ Il s’agit d’une mission bien délicate Galro. À la normal je l’aurait confié à quelqu'un de bien plus expérimenté mais il se trouve que la croisade contre les orques mobilise déjà une grande partie de nos forces. De plus, il fallait bien que tu fasses tes premiers pas en tant que paladin, alors voici ma requête. Dieu a créé l’homme pour qu’il puisse dominer le monde et guider ses confrères, et nous sommes les supérieurs des animaux, qui nous doivent obéissance et respect. Mais, apparemment, nos hommes auraient découvert que certaines femmes aient décidé de souiller cette hiérarchie en se mêlant aux loups gigantesques sans le moindre état d’âme. Elles copuleraient avec eux et réduirait à néant notre domination sur les bêtes, et ceci est un péché impardonnable, que Dieu ne saurait tolérer plus longtemps. Mais les ténèbres protègent ces femmes infidèles de la volonté du Seigneur et c’est à nous d’exécuter ses ordres. Nous devons soit les faire repentir et ramener ces misérables femelles à la raison, et le Tout Puissant acceptera certainement leurs confessions, et si elles sont irrécupérables, nous devrons sauver leur âme par la force. Bien que des menaces extérieures planent au-dessus de nos frontières et que nous avions bien des ennemis, notre Ordre a pour priorité de ramener les enfants de Dieu sur le droit chemin. Ces femmes ont longtemps vécu une vie de débauches dangereuses, elles ont dû subir les abus des loups, et elles ont peut-être même oublié les Lois de la religion. Paladin Galro, il faut que tu comprennes qu’en acceptant de ramener ces pauvres innocentes à l’enceinte de notre temple, de gré ou de force, tu leurs rendras un noble service et les sauveras d’une fin atroce dans les limbes. Alors, Paladin, accepteras-tu d’accomplir ma noble requête ? 



Galro ne savait que faire, car jamais il avait étudié des cas pareils, il n’avait jamais trouvé le moindre ouvrage au sujet de femmes qui préféraient des animaux aux hommes, jamais on lui avait enseigné de la méthode à utiliser contre elles. Ce n’était que sa première mission, mais elle était déjà si difficile. C’était loin d’être aussi facile que de simples examens, l’erreur n’était pas permise car si il échouait il n’y aurait pas de professeur pour lui dire « Tes soldats sont morts ! Recommence ! » car il le verra de ses propres yeux et il ne pourra pas recommencer. Et comment est t-il supposé affronter ces grands loups, avec des flèches enflammées ? Avec des haches et des lances ? Avec des trébuchets ? Et est-ce qu’il sera à la hauteur ? Puis avec le recul, il se disait que de toute façon, peu importait quelle serait sa première mission, aucune d’entre elles ne seraient « facile ». Si il devait mater une révolte paysanne, il devrait éviter de tuer les innocents mêlés à la foule, si il devait affronter des orques de l’ouest, il devrait mener ses hommes d’une poigne de fer pour aller jusqu’à la victoire, s'il devait combattre des monstres, il devrait tout prévoir sous peine de se faire massacrer. Alors, cette mission sembla d’un coup plus réalisable, il devait juste tuer les loups, récupérer les femmes et les ramener à l’Église, où elles seraient ensuite placées dans des couvents. De plus, il n’avait pas réellement le choix, il avait accepté d’obéir à Dieu au travers du Prophète, répondre « non » aurait été un affront pour Dieu. 

_J’accepte de vous obéir, mon Seigneur. Je ramènerai ces femmes dans notre sainte institution et dans le droit chemin. Je m’en vais quérir des hommes sur le champ.


Il avait accepté la quête du Prophète, c’était une chose, mais il devait dorénavant trouver des combattants qui le suivraient sans broncher. Malgré son statut de paladin, il fallait que ses hommes aient une confiance absolue en lui, et quels soldats obéiraient sans froncer d’un sourcil à un paladin qui viendrait à peine d’être accepté parmi les Croisés de l’Ordre ? Il lui fallait des hommes loyaux qui le suivraient même dans les plus profonds ténèbres en brandissant leur épée. De plus, comme il n’était paladin que depuis un jour, il lui fallait le soutien d’un capitaine, ou de quelqu’un d’assez autoritaire pour l’aider à combattre des loups géants. Et surtout, faudrait qu’une personne qui aurait déjà affronté une de ces créatures vienne lui éclaircir certains mystères, par exemple leur taille exacte. Mesuraient-ils deux, trois, quatre mètres ? Quel était leur poids ? De quoi se nourrissaient t-ils ? Aimaient t-ils la chair humaine ? Avaient t-ils un point faible particulier ? A l’auberge Au Vin Joyeux ! il était assis face à une table, une chope de bière devant lui. Le potage était presque froid, pourtant le chevalier de la lumière ne l’avait pas vraiment entamé. Bien que ça avait l’air appétissant, il laissait toujours la cuillère sur le côté de la table. Il aurait besoin de l’aide de quelqu’un qui connaîtrait bien la région, de quelqu’un qui avait l’habitude de traquer des bêtes, quelqu’un qui serait utile pour guider les hommes au combat. Mais qui ? Les Croisés étaient des guerriers de Dieu, pas des chasseurs. Et comme il n’était jamais réellement sorti en ville durant son apprentissage, il ne connaissait pas beaucoup de monde à l’extérieur de l’Ordre. Une ombre immense lui absorba toute la lumière et le plongea dans les ténèbres, sur ce il leva les yeux et vit la solution.

_Qu’est-ce que tu fabrique Galro ? Demanda en riant le général Tilbar. Regarde moi ce gâchis ! Une si belle soupe ! 

Il montra de son gant métallique une mouche, pas des plus jolies, en train de se noyer dans une mer de légumes, et suppliait certainement Dieu de la sortir de là. Elle fit un ultime effort de battement d’aile pour s’en sortir mais agglutinée au potage, ça se révéla inefficace et elle se résigna à la mort, finissant les pattes en l’air, flottant sur la surface de la soupe. Les deux hommes la fixait, puis finalement Tilbar lança:

_Je crois que tu peux commander un autre bouillon maintenant.

_Je suis ravi que tu sois là, mais j’ai quelques soucis à résoudre dans des temps relativement brefs. Assis toi mon ami !

Le général prit place sur une chaise et fit signe à la serveuse pour l’inciter à venir. Quand elle fut assez proche, le borgne lui commanda deux potages, et de bien vouloir les débarrasser de la tombe de l’insecte. Puis après, Galro lui confessa son problème. Le récit semblait amuser l'homme mûr, mais tout de fois par respect il ne ria pas. 

_ Alors il veut en finir. 

_ Que voulez vous dire général ?

_ Il y a longtemps, avant que je te prenne sous mon aile, j'ai escorté le Prophète lors d'une partie de chasse. Une femme tatouée nous avait indiqué le repaire d'une bête. Alors qu'elle s'apprêtait à dévorer notre Prophète adoré, je lui ai porté un coup à la mâchoire. Elle a fuit, mais l'étrange femme nous raconta l'existence de tout un clan vénérant les loups géants. Leur père spirituel était un homme noir selon ses dires. Nous aurions pu en finir, mais nous avons été confrontés à l'avènement des nécromanciens. Nous avions alors d'autres priorités.


Lorsque Tilbar évoqua la guerre de nécromanciens, il se rappela de cette guerre relativement récente. Le culte des parchemins noirs, la résurrection des Spectres, les marées de mort-vivants qui avaient ravagé le nord de l’Étale et de la Cintrïll. Le conflit aurait pris fin quand le roi de Cintrïll de l'époque put reprendre son trône par les armes et grâce à l'aide d'une puissante mage elfique.

_ Voilà votre soupe, fit la serveuse en se baissant pour placer les assiettes tout en exposant son décolleté.

Lorsqu’elle s’éloigna, Galro retourna son regard sur le général, qui fixait de son œil azur la jolie femme, avec un léger sourire au coin des lèvres.

_ Dommage que n’ai qu‘un seul œil, je suis certain que ça aurait valu le coup. 

_ Nous avions d’autres préoccupations, Général ! 

_ Détend toi un peu gamin ! Je vais te filer un coup de pouce, surtout que je dois finir ce que j'ai commencé. J'ai juré de ramener le trophée de cette bête au Prophète. C'est grâce à cette aventure que le Prophète eut l'idée de me charger de ta première formation. J'ai en quelque sorte une dette, que tu vas m'aider à régler.

_ Bien, répondit Galro, bien que ce soit fort intéressant de savoir que tu as déjà affronté une de ces bêtes, nous avions besoin d’aide. Je songe à mener une cinquantaine de soldats armés pour cette mission, mais il faudra tout de fois recruter des gens de la région, de préférence des chasseurs expérimentés, spécialisés dans la traque. Surtout, il ne faudra jamais perdre de vue que ce n’est pas une mission de massacre que nous menons. Nous avions pour ordre de ramener de pauvres innocentes à la civilisation. Il faut les ramener à la raison, ne pas les tuer dans la foulée. Général Tilbar, peux tu m’assurer que tes hommes ne commettront pas de bavures ?

Le général prit une cuillère de potage qu’il mena à sa bouche, le regard fixé autour de lui pour s’assurer qu’aucune bestiole ne viendrait se suicider dans son dîner. Il s’essuya longuement sa barbe avec une petite serviette, puis il plongea son œil bleu dans les yeux bruns du paladin.

_Je vous en fais le serment cher ami !


Maintenant que Galro avait trouvé des hommes et un officier pour l’aider à diriger cette opération, il sentait soulagé d’un des nombreux fardeaux desquels il était encombré. Mais il restait encore un problème, où allait t-il trouver des chasseurs compétents ? Il ne pouvait se permettre de partir à l’improviste et prier Dieu de lui donner un homme du coin qui sache où se trouvaient les loups. Il fut raccompagné sous la pluie à l’Église par Tilbar, qui à vrai dire ne tenait plus que parce que Dieu le voulait bien, sinon il se serait écrasé le nez dans la fange depuis fort bien longtemps. Peut-être avait-il abusé de la bière. Une fois aux portes du temple, Galro frappa à plusieurs reprises et hurla:

_ Laissez nous rentrer, nous sommes le général Tilbar et le paladin Galro ! Laissez nous entrer par la volonté de Dieu !

Il remarqua que lorsqu’il parlait, il prenait un ton fort bien enroué et bizarre. Peut être que lui aussi avait un peu trop bu avec son compère. Il avait aussi senti qu’il n’était pas vraiment stable sur ses pieds, et il savait que ce n’était pas dû qu’à la boue. Il recommença à frapper de toutes ses forces.

_ Il y a quelqu’un pour nous ouvrir oui ?? Moi et mon général nous nous les gelons sous la pluie, et bientôt elles tomberont comme des fruits trop mûrs si vous ne bougez pas ! Et je vous préviens, je suis paladin, j’ai des relations qui pourraient tous vous faire tomber ! Ouvrez cette sale porte nom de Dieu !

_Mon seigneur ! interrompit Tilbar écroulé de rires. Vous n’avez pas le droit de jurer, vous êtes un paladin !

_Je jure si je veux, Dieu me pardonnera ! Je vous préviens que si vous n’ouvrez pas cette porte, je rentrerai d’une manière ou d’une autre et j' expédierai mon pied dans votre fondement sans la moindre pitié ! Et je porte des bottes de fer ! 

_Mon seigneur, fit le borgne à moitié hilare, à moitié effondré d’ivresse, à moitié effondré à cause de la boue. Arrêtez ! Vous pouvez vous faire jeter dehors si vous continuez !

_ Bougre d’orthanong ! Nous sommes déjà dehors ! Et nous voulons entrer ! Ouvrez cette porte !

La scène ridicule continua encore un long moment, et enfin au bout d’un temps infiniment long pour les deux compagnons, quelqu’un vint leur ouvrir. Tout grelottant, ils s’appuyèrent l’un sur l’autre pour ne pas être tenté de s’affaler de toute leur largeur sur les dalles froides du temple. Et en passant, le général regarda le jeune serviteur tout en le montrant du doigt.

_Tu l’as échappé belle, le paladin t’aurais réellement enfoncé sa botte d’acier dans tes entrailles par l’orifice naturel ! 

Sur ces mots, l’homme qui tenait la torche poussa un « Gloups ! » très significatif. Tout en riant, ils arrivèrent tant bien que mal aux appartements de Galro. Là ils se débarrassèrent de leurs affaires trempées, se changèrent et se servirent une rasade de vin. Comme disait si bien Tilbar, pour faire passer la bière, rien ne vaut un bon vin, et pour faire passer le vin, il faut au moins un bon Graïnbar, et pour digérer un Graïnbar, il faut de la bière. Mais ils durent se contenter du vin, il n’y avait pas de Graïnbar pour la deuxième phase. Quand ils jugèrent qu’ils avaient assez bu et discuté de choses fastidieuses, Tilbar se leva en remontant sa ceinture, et fit un rot sonore.

_ Dieu me pardonnera, il nous a fait ainsi ! Dit le général avant tout commentaire. Mon très cher ami, sur ce, je dois vous quitter !

Il se dirigea vers la porte, mais ses doigts refusèrent obstinément d’attraper la porte. Alors il s’y résigna et s’effondra sur le tapis devant la cheminée. Galro l’observa pendant quelques instants, trouvant que la situation était fort amusante, puis quant il fut à son tour assommé par le sommeil, il plongea dans les draps de son lit et commença à dormir à son tour.



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