La prophétie du roi déchu: L'enfant sombre

Chapitre 9 : Le nouvel an elfique

7572 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 29/09/2024 07:04

Chapitre 9: Le nouvel an elfique



Le soleil se leva de nouveau, timidement au milieu des nuages blancs de l’hiver. Galro avait le ventre creux, il réclamait son tribut. Le garçon se leva, la coupe de fruits à sa gauche. Il prit une poire mûre à point, dont le goût sucré le réveilla, et jeta le trognon à son animal de compagnie. Cette fois-ci, il prit de quoi faire un vrai déjeuner, qu’il n’ait pas à regretter de devoir encore se contenter d’un vulgaire morceau de pain et du fromage vieux à en mourir alors que le seigneur elfe se régalerait de milles petits plats devant ses yeux. Dans son sac il y avait un bol de champignons, de la viande séchée, des fruits, une bouteille de Nectar, des carottes et un saucisson. Il était sûr d’être paré pour la journée. Et surtout, il se nota mentalement que ce soir il dînerait avec sir Taläsna. Pas question de se retrouver dans la même situation qu’hier ! Quand il franchit le seuil de la porte, il se retourna et prit le petit flacon bleu. Il avait presque oublié. Il prit une dose avant de partir, encore de la magilith bien infecte, puis reprit son chemin. Le rendez-vous cette fois-ci était fixé à la clairière de l’ouest, il devait y avoir une petite mare d’après les instructions de l’elfe. La neige était encore la reine, les rares petits oiseaux chantaient leur peine, et réclamaient un foyer chaud où se reposer. Malheureusement, les humains sont sourds à leur appel, incapables de comprendre leurs prières. Galro remarqua qu’il y avait de temps à autre des traces de lapin, deux petites pattes devant, deux autres derrière. Un vent glacial lui frappa le visage soudainement, et l’enfant se protégea par conséquent de son écharpe rouge ornée du Phénix. Les prêtres de l’abbaye lui avait offert ceci avant son départ, l’ayant prévenu du froid des régions nordique. En temps normal, cette écharpe était utilisée dans les cérémonies de la Libération, pour éloigner les esprits malsains lors du rituel de l’imploration divine pour que le Phénix soit miséricordieux envers les morts. Alors autant le dire, cette écharpe était totalement inutile dans ces conditions. En arrivant dans la clairière, le souverain sylvestre était assis, discutant avec une femme qui était assise en face de lui. Qui pouvait bien être cette personne ? Elle était incroyablement belle, les cheveux noirs flottaient dans le vent tel de la soie. Elle était si splendide... Taläsna se tourna vers le jeune homme et lui dit.

_Vous voilà enfin messire. Laissez donc moi vous présenter ma soeur, Lindilla. Lindilla, voici le futur paladin Galro. 

Lindilla, c’était ainsi que cette charmante demoiselle se nommait. Ses yeux d’un éclat doré profond lui procuraient une sensation de malaise, faisant cogner son cœur contre toutes ses côtes. Il tenta de parler, mais il n’y arriva pas. Le seigneur reprit:

_Je lui enseigne la magie, tout comme vous, mais son niveau est bien plus poussé que le vôtre. Disons qu’elle a pu bénéficier de mon instruction depuis déjà dix ans. Il est normal qu’elle soit bien plus douée que vous, nous les elfes avons l’habitude de recruter nos soldats seulement après cent ans d’expérience. Nous avons une politique de l’efficacité primant sur le nombre dans nos légions. Mais les civils ont également le droit à l’enseignement de cet art. Vous, malheureusement, vous n’avez pas le luxe du temps et les jeunes paladins ne bénéficient que de dix années de formation. Après, vous serez de nouveau chez vous pour apprendre l’art de la guerre, ce qui vous prendra encore huit années, puis seulement enfin vous pourrez devenir paladin. À la fin de votre séjour vous ne saurez que lancer des sorts basiques et lancer les bénédictions et des malédictions. L’art de l’invocation nous est réservé, à cause du temps pour apprendre toutes les susceptibilités de la magilith. Au juste, avez vous bien suivi ma consigne ?

Le jeune homme montra les petites fioles vides.

_ Oui, c’est parfaitement infecte.

_ Tant mieux, cela veut dire que ça fait de l’effet. Si ça avait bon goût, cela signifierait que la magilith est trop appauvrie et l’organisme ne s’habituerait pas à la nouvelle chimie. Tenez, encore deux flacons, un pour ce soir, l’autre pour demain. Plus que treize jours de souffrance. 

Le garçon prit délicatement les deux petites bouteilles bleues, avec leur hideux liquide argenté. L’elfe l’invita à s’asseoir sur un rocher couvert de lichen, et s’adressa à Lindilla. 

_ Est-ce que vous pouviez faire une démonstration à notre jeune hôte, chère sœur ?

La jeune femme commença à réciter une incantation dans sa langue natale, solennelle et distinctement. Alors, la surface de l’eau commença à se soulever, tourbillonnante et se tortillant, jusqu’à ce qu’elle forme une sphère translucide qui en clin d’œil se gela, et devint une boule de glace en lévitation. La femme elfe continua son long chant, et le globe commença à se fissurer, puis éclata. Un cygne de givre éclos avant de déplier deux ailes transparentes, et s’envola vers de nouveaux cieux. 

_ Ceci sir Galro est une magie de modélisation. Contrairement à mon sort de feu la dernière fois, elle venait d’utiliser la magilith non pas pour produire de la matière, mais pour transformer une matière en une autre, ou simplement la déplacer. Cette magie est plutôt utilisée dans la forge ou dans la construction que dans le combat. Il existe trois types de magie: la magie modélisatrice, la magie de projection ou de création éphémère, et la magie de création permanente. Mon sort de boule de feu est une magie de création éphémère, le sort du cygne de glace une magie modélisatrice, puis les invocations de la magie de création permanente. Puis il y a les exceptions: les enchantements, les bénédictions et les malédictions. Ce sont des magies qui n’appartiennent à aucun des trois domaines. Certains Arcanistes voudraient les placer dans la catégorie « magie de support », mais ce n’est pas de la magie de support non plus. Il est aussi important de savoir que la magie a besoin d’un support, comme la pensée pour la magie modélisatrice et de projection. Mais la magie d’invocation est différente, elle a besoin d’un support matériel, comme un noyau de magilith ou un objet quelconque, une cuillère    ordinaire pourrait parfaitement faire l’affaire par exemple. Les sortilèges comme les malédictions prennent comme support l’objet cible du sort. Un enchantement pour les objets, que l’on nomme ensuite artefacts, une bénédiction pour une personne du moment que c’est une aide, et une malédiction sur une personne pour qui ce sera un handicap. Et souvent, un sort du type support prend forme grâce à des inscriptions, se déclenche grâce à une condition, par exemple une surproduction de magilith, et disparaît selon certaines conditions. Regardez, par exemple sur ma lame, il y a l’inscription de son enchantement, pour que son pouvoir soit actif il faut que je lui transmette ma magilith et que je cite son nom, et la condition de son existence est tant que je vivrai, le pouvoir de Jindaïlyu vivra. Si il n’y avait pas de condition d’existence du sortilège, le pouvoir de mon sabre existera tant que son enchanteur vivra. Donc, si par malheur quelqu’un venait à vous maudire, vous devrez le traquer jusqu’au bout du monde s' il le faudrait pour le tuer. 

Galro comprit vite où le seigneur elfe voulait en venir, tant que celui qui lance le sortilège vit, alors le sortilège vivra. C’était ainsi que ce monde fonctionnait, en perpétuel instabilité, produisant un pouvoir terrifiant dont tous les êtres vivants tentaient de s’en emparer, pour pouvoir lancer des sorts plus destructeurs les uns que les autres. Et le flot de pensée et de volonté pouvait rendre ce pouvoir terrifiant manipulable, et tant que le mage vivra, toutes ses magies vivront, car il guidera toujours la magilith. Sir Taläsna interrompit ses pensées en lui demandant de reprendre le cours où ils s’étaient arrêtés la dernière fois, diriger la pensée. Galro tenta tout d’abord de calmer tout le chaos qui tournoyait dans son crâne, mais il se rendit compte que c’était totalement inutile. Le seul moyen de se concentrer uniquement sur sa volonté était de se focaliser au maximum sur un flot de pensées, et faire abstraction du reste, mais ce n’était pas évident. Il cita à plusieurs reprises sa formule, mais les elfes lui firent vite comprendre qu’il ratait toujours. S'ils s’étaient amusés à faire une légère encoche sur un arbre à chaque échec, ils auraient pu couper sans aucune difficulté deux troncs. Mais ce n’était pas dans la nature d’un elfe de faire des paris, contrairement aux stupides humains qui se plaignent d’être pauvres et qui dilapident tout leur argent dans des paris dès que possible. 

_ Feuilles, déplacez vous vers la droite !

Le jeune homme savait parfaitement qu’elles ne bougeraient pas, mais il tenta de s’imaginer qu’elles flottaient légèrement dans les airs, pour aller vers la droite. Si bien qu’il crut pendant un moment que ces feuilles se mettaient réellement à se déplacer lentement, et d’avoir un véritable contrôle sur elles. Mais son illusion s’interrompit quand Lindilla dit à son frère:

_ Voilà ! Il est sur la bonne voie ! Il n’était pratiquement pas perturbé !

_Je l’ai ressenti également, répondit l’elfe. Continuez Galro, vous avez enfin compris le système, il ne suffit pas de dire « fais  comme-ci ! fais comme cela ! » mais il faut également voir les choses se faire dans son esprit. Pour le moment, vous vous imaginez seulement votre volonté. Il faut que votre esprit comme votre corps soit plongé dans l’illusion la plus totale pour que la magie opère correctement. Il faut que vous soyez convaincu de toute votre âme et votre corps que ces feuilles bougent réellement sous votre volonté. Comme je vous l’ai expliqué, la magie n’est que la manifestation de la magilith sous l’influence de la pensée. Pour que vous puissiez influencer la magilith, il faut que         vous-même soyez convaincu que vous aviez une réelle emprise sur les choses. Allez, recommencez je vous pris, vous allez y arriver.



Ainsi, Galro se persuada pendant des heures et des heures que les fourmis choisissaient le chemin qu’il avait choisi, que le vent suivait à la lettre ses moindres désirs, que la neige fondait sous son regard, et bien d’autres illusions. Il songea de moins en moins aux choses qui l’entouraient, il pensa de moins en moins à d’autres éléments que celui sur lequel il se focalisait, il avait de plus en plus l’impression de ne faire qu’un avec son environnement dont il était le cerveau et les racines ses membres.


Quand le soleil fini par se coucher, les elfes commencèrent à partir, mais avant de se quitter, Taläsna vint poser une question à Galro.

_ Puis-je au fait vous faire part d’une étrange rumeur que j’ai entendu ce matin ? 

_ Bien sûre messire.

_ Apparement, il y aurait un étranger aux étranges coutumes culinaires qui serait allé dans un Nimirïu pour y commander un verre d’eau de vie et une salade. Je me demandais si part hasard, si vous ne le connaissiez pas ? Un autre apprenti paladin ou un prêtre qui serait venu jusqu’ici avec vous ?


Le jeune homme senti la chaleur envahir ses joues, une sorte de malaise s’emparer de lui. Il savait parfaitement qui était l’inconnue, à son grand dam, et il décida de mentir en disant qu’il n’avait absolument aucune idée sur ce sujet. Même si les prêtres de l’abbaye lui répétaient lorsqu’il balayait que la meilleure vertu était l’honnêteté, il pensa que c’était de mauvais conseils dans ce genre de situation. Après tout, le seigneur elfe ne saura jamais que c’était un mensonge, vu qu’il n’en ne saurait jamais rien. Donc, les trois compagnons se quittèrent et rejoignirent chacun leurs appartements. Juste avant de rentrer dans son doux foyer, Galro retourna dans le quartier oublié de tous, et décida de reprendre son entraînement à l’épée. Coup franc, attaque frontale, combinaison de mouvements vifs et puissants... Ainsi il continua son exercice pendant une heure et demi. Quand il en eut assez, il repartit chez lui, prenant la soupe de mère Nuit. Son entraînement dans l’art magique dura ainsi pendant deux semaines. Il fut autorisé à boire de la vraie magilith et s’exerça pendant cinq autres semaines à faire circuler la magilith dans son corps. Pendant plusieurs autres semaines, il appris à utiliser la magie modélisatrice de bas niveau, comme déplacer une pierre ou changer le courant de l’eau. Au bout de deux mois, il étudia les possibilités de la magie de modélisation. 


Alors que le soleil brillait de nouveaux, en allant au balcon, Galro remarqua un étrange détail. Tous les habitants étaient vêtus de blanc, de nombreux musiciens se réunissaient à la grande place, mais surtout, la neige commençait à fondre. Quand il rejoignit les quartiers du souverain, il vit Taläsna vêtu élégamment de blanc aussi. Pourquoi tous les elfes s’étaient vêtus de blanc aujourd’hui ? Il n’y avait rien de particulier, à part la neige qui commençait à fondre. Quelque chose d’autre venait de provoquer cette bonne humeur générale.

_ Les moines de l’abbaye ne semblent ne pas vous avoir appris grand chose sur nos coutumes, fit le seigneur sylvestre. Ignorez-vous vraiment quel jour nous sommes ?

Galro, bien que légèrement gêné, dut avouer son ignorance. Maudit soit ces foutus curés et clercs ! Pendant qu’ils passaient tout leur temps à prier en se brûlant la peau au fer rouge, il aurait pu apprendre à parler l’elfique ! Il avait presque envie de s’emparer de la barre ardente et de frapper tous les « serviteurs de Dieu » sur le crâne. Mais voilà, il était loin de l’abbaye, et à cette heure-ci les clercs étaient occupés à autre chose. Alors, le jeune garçon demanda:

_ Quel jour sommes-nous aujourd’hui ?

Un léger sourire apparut au coin des lèvres du grand elfe. On aurait même presque pu entendre un rire étouffé si quelqu’un tendait l’oreille. 

_La Sïmalirial. Le jour de la renaissance, le premier jour du printemps. Pour nous, l’année est un être qui vit et qui meurt. Le printemps est le jour de la naissance, les fleurs sont en autres ses premiers pas dans la vie; ensuite arrive l’été, l’année à atteint la maturité et devient exalté, accédant à son plus haut niveau; l’automne est la saison où l’année vieillit et commence sa descente vers la mort; l’hiver est l’absence d’année, l’abysse de la mort; puis reviens enfin le printemps où l’année ressuscite. C’est réellement dommage que vos instituteurs ne vous aient pas enseigné nos fêtes et nos traditions. 

Un mystère venait d’être élucidé, mais il restait tant d’autres énigmes, en autre les costumes blancs. Galro tendit le doigt vers la tenue du seigneur elfe et demanda le pourquoi cet accoutrement.

_Il faudra que je contacte cette Église et que leur fasse entendre la honte qu’ils sont de plonger leurs futurs paladins dans l’ignorance. Le jour de la Sïmalirial, notre nouvelle an, nous sommes habillés en blanc en référence à l’hiver, la mort et l’inexistence. En cour de journée, nous abandonnons petit à petit nos apparats blanc pour les remplacer par des tenues colorées pour montrer que malgré le passage de la mort, la vie reviendra toujours et que la mort n’est que son prolongement. Au fait, tenez, ceci est votre tenue cérémoniale. 

Deux serviteurs tenaient dans leurs mains un magnifique costume blanc serti de perles et de diamants. C’était si beau et si riche, et apparemment fraîchement fabriqué. Chaque petit détail, chaque petit glyphe... Cela devait représenter des heures et des heures de travail intensif. Galro se demanda combien ce costume avait dû coûter, se sentant presque honteux de ne devoir le porter que le matin. Alors il accepta le présent et se changea. Le tissu était incroyablement doux et agréable au contact de la peau, bien trop parfait pour que ce ne soit que de la vulgaire soie. Quand Galro descendit, une scène était montée dans le but d’accueillir des musiciens, des comédiens et bien d’autres artistes venus des quatre coins du pays. De gigantesques buffets étaient dressés à travers un peu toute la cité, accueillant milles et un plats fort appétissants: des tartes à la framboise sauvage arrosées d’une pointe de miel de Buïliel* , des biscuits du nom de Blanlas* en forme de couronnes, avec des petits fruits rouges sur les créneaux, des poissons coupés en très fines rondelles arrosés de citrons et avec une touche de sauce épicée, des petits lapins entourés de petits légumes et de fruits découpés en pointes, des sangliers rôtis farcis recouverts d’une touche de miel, encerclés par des patates douces... Il y avait un nombre incalculable de petits plats comme de grands plats. Et la nourriture était entièrement gratuite, tout le monde pouvait y accéder dès qu’il avait un petit creux. Pour éviter de marcher dans l’eau boueuse de la neige fraîchement fondue, les habitants eurent l'idée de mettre en place de grandes plate-formes en bois, et se mirent à danser sous l’air mélodieux des orchestres sylvestres. Le rythme variait très fréquemment passant du lent au rapide, du festif à la sérénade amoureuse, de la chorale au solo, et tout cela en très peu de temps. Les elfes dansaient, dansaient et continuaient de danser avec toujours plus d’enthousiasme quand soudainement, une cloche retentit à travers la cité. Les danseurs cessèrent de danser, les musiciens arrêtèrent de jouer, les comédiens stoppèrent leur interprétation, les cuisiniers arrêtèrent de cuisiner, les peintres arrêtèrent de peindre, les gourmets arrêtèrent de manger... Et partir tous chez eux. Une femme elfe, très élégamment vêtue d’une robe blanche qui laissait voir la peau au niveau du nombril et au décolleté très osé, lui dit:

_ Messire Galro, il est l’heure de se changer, le printemps arrive tout doucement.

Le garçon suivi la ravissante demoiselle jusqu’au palais de Taläsna, et une fois à l’intérieur ils se dirigèrent vers la chambre. Galro se rendit compte seulement une fois à l’intérieur que c’était dame Lindilla. Il pensait avoir oublié son esprit quelque part, puis il trouva où il avait oublié. Il remarqua qu’il avait la fâcheuse tendance de regarder non pas le visage de la femme elfe, mais légèrement plus bas. Il prit honte en se voyant réduit à un si bas niveau de matérialisme. Il tenta de se prendre à deux mains et de relever la tête, mais involontairement son regard retombait toujours. 


_ Cette robe vous met mal à l’aise ? Fit la jeune elfe en souriant.

Galro, prit au dépourvue, essaya de vite trouver une parade pour ne pas paraître ridicule.

_ Euh... Non, tout va bien.

_ Bien ma foi. Je croyais pendant quelques instants que vous me regardiez intensément ma poitrine. 

Mince, la main dans le sac. Elle s’était rendue compte de tout. Il ne fallait pas qu’il soit à ses yeux juste un petit pervers venu pour la reluquer. Il fallait qu’il trouve une autre parade et vite.

_Je...heu... Regardais votre robe. Elle est magnifique. Comment la faites vous ?

_ Nos tailleurs aiment garder leurs secrets, je ne peux rien vous dire.

Galro sentait bien que toute tentative telle quelle soit de se rattraper serait totalement inutile. Les rires étouffés de la femme parvint à ses oreilles, il se sentait humilié, même pire, il s’était humilié tout seul. « Quelle plaie je fais ! » se dit t-il. Et pourquoi se sentait t-il si gêné par la présence féminine ? C’était réellement stupide de sa part, si il pouvait il se filerait des baffes. Ce n’était que Lindilla, il ne devait en aucun cas se sentir menacé. Mais pourtant, il sentait sur lui le regard de l’elfe l’accuser de quelque chose, tout en riant. 

_ Je comprend maintenant, donc la rumeur est vraie !

Une rumeur, quelle genre de rumeur pouvait t-il y avoir ? Rumeur gênante, rumeur amusante, ou pire, rumeur humiliante ? Ce petit jeu n’amusait pas vraiment le jeune garçon, il devait savoir ce qui était si drôle aux yeux de dame Lindilla. 

_ Une rumeur ? Quelle rumeur ? 

La femme s’agenouilla et plaqua ses douces lèvres contre l’oreille de Galro.

_ Les humains sont pudiques, mais pourtant ne souhaitent que de voir leurs confrères se déshabiller. Serait-ce vrai ?


La question perturba Galro au plus profond de lui. Cette question était totalement insensée et indélicate. Il ne pouvait lui raconter de mensonge, elle pouvait lire dans son esprit, et la réponse était très gênante. Comment réagirait t-elle ? Serait t-elle outrée ? Est-ce qu’elle le giflerait ? Il n’en savait rien, il était pris dans un piège dont il n’en ressortirait pas indemne. Qu’adviendra t-il de son honneur si il avouait l’inavouable ? De toute façon, il n’y avait que très peu d’option. Donc il répondit:

_Non.

_Non ? Répéta l’elfe femelle. Vraiment ?

Mince ! Il savait d’avance que mentir ne servirait à rien, pourquoi est-ce qu’il avait écouté son stupide instinct. Il s’avoua vaincu par une force largement supérieure à lui.

_Si...

Un large sourire s’afficha sur le visage de la femme, comme si on lui avait raconté une plaisanterie amusante. Elle s’éloigna vers sa garde robe où plusieurs costumes étaient déposés à son intention. Elle choisit une robe en dentelle, principalement blanche, avec quelques touches de vert. Et, comme craignait Galro depuis qu’il était rentré dans sa chambre, elle fit tomber ses vêtements de son corps. 

_ N'ais pas honte, fit t-elle. Vous, les humains, désirez le corps dénudé uniquement parce que vous n’avez pas l’habitude de le voir. Sous prétexte de la pudeur vous vous cachez, alors que c’est dans votre nature d’être ainsi. Et en refoulant cette partie de vous, vous vous complexez l’existence et devenez comme frustrés de vous même. Alors, même si c’est contre votre code, vous recherchez en permanence à vous voir nu, et revenir à l’état sauvage. Chez nous il n’y a jamais de viol parce que nous ne refoulons pas cette partie de nous, tandis que chez vous cette nature refoulée depuis trop longtemps ressort trop brutalement pour vos esprit et vous perdez tout contrôle. Un elfe nu chez nous est tout à fait naturel, nous sommes tous pareils et ne craignons la nudité, comme les animaux. Pourquoi rougissez-vous sir Galro ? Vous n’avez pas l’habitude de voir des femmes nues ?

Galro n’osa lui parler d’avantage et partit vers ses propres quartiers. 

_ Retrouvons nous tout à l’heure sire Galro.


De retour en ville, les gens étaient tous revêtus de blanc et de légères teintes colorés. La fête avait repris de plus belle, entre-temps les banquets ont été de nouveau garnis. Les conteurs étaient encerclés de jeunes elfes, de la taille de Galro, écoutant attentivement les contes et épopées légendaires. L’un d’entre eux était vêtu d’un capuchon noir, cachant son visage. Les deux compagnons, fort curieux, s’approchèrent de lui et l’homme commença son récit. Sa voix était grave et solennelle, distincte et profonde. C’était comme si il racontait son histoire avec peine et souffrance, comme un atroce souvenir. Galro se demanda si c’était toujours une si bonne idée, l’individu était très inquiétant et peu amical dans sa façon de prononcer chaque syllabe, chaque mot, chaque phrase. Pendant qu’il racontait cet étrange récit, Lindilla se chargea de traduire pour Galro.

_ Il y a fort longtemps, après la chute du roi déchu, le Conseil des sept se sépara. Quatre d’entre eux acceptèrent certaines idéologies du Conseil des cinq, tout comme l’élevage, l’agriculture et une politique de développement rapide. Les trois autres refusèrent d’obtempérer à ces idées et s’exilèrent avec leurs fidèles dans les forêts. Le Conseil des sept se fractura et donna naissance aux haut-elfes, puis un peu plus tard aux sylvestres. Les haut-elfes devinrent blonds aux yeux bleus, tandis que les autres reçurent des cheveux noirs et des yeux d’or. Ils restèrent cependant alliés, n’oubliant jamais leurs propres origines, mais trop différents pour vivre ensemble, ils partirent chacun dans les deux morceaux du royaume. L’une des parties du royaume devint Ilurina, qui fut donné aux elfes aux cheveux d’or, et l’autre partie devint Sindilla, un don offert aux sylvestres. Leurs langues respectives se modifièrent, pour devenir deux langages différents. Pendant ce temps, ils ne se doutaient pas de ce qui se passait au Royaume déchu. Le Conseil des cinq était tombé au plus bas. Les elfes transformés mouraient toujours, toujours plus vite, toujours plus atrocement, toujours de ce mal étrange. Ces créatures produisaient une magilith bien trop dense pour leur organisme, et finissaient par en mourir. Un seul remède semblait maintenir en vie les premiers elfes noirs, Zuanduil. Tant que Raldir et sa Dyaladuil étaient proches, les cinq conseillers ne souffraient plus du mal, mais s'il venait à s’éloigner, ils ressentaient d’avantage le mal grandir en eux. Tous les elfes de la première générations tombèrent, laissant leurs enfants prendre la relève. Le mal ne les atteignait pas, ils étaient immunisés depuis leur naissance. Alors que le Conseil des cinq s’affaiblissait à chaque absence de leur souverain, leurs descendants devenaient toujours plus forts. L’envie devint jalousie, la jalousie devint frustration, la frustration devint colère et la colère devint haine. Ces enfants ne connaîtraient certainement jamais le calvaire de leurs aînés, jamais ils ne craindraient l’épée de Damoclès qui plane sur leur tête, jamais le destin se montrera cruel envers eux. Toutes ces pensées transforma le Conseil, ils ne vivaient plus que pour l’épée. Pourquoi leur souverain avait t-il le droit de garder Zuanduil, de quel droit pouvait t-il la garder égoïstement ? Ils préparèrent en silence un complot contre leur roi, Raldir ne méritait pas cette lame, il ne méritait pas la vie. S' ils avaient perdu leur précieuse immortalité, c’était à cause de lui. Ils ne vivaient plus que pour la lame du souverain. Ils soulevèrent leur race toute entière contre leur roi et tentèrent vainement un coup d'État. Dans la salle où tout avait commencé, les cinq conseillers périrent du tranchant de Zuanduil. Raldir éviscéra tous les serviteurs du Conseil des cinq et massacra leurs sujets. Son propre peuple venait de le trahir, ses propres sujets avaient tenté d’en finir avec son existence. Dans un élan de rage, il maudit toute son espèce, d’une malédiction qui ne disparaîtra jamais. Tous étaient condamnés à devenir des tueurs, des fous assoiffés de sang et affamés de chair, des massacreurs contre leur gré, des bêtes furieuses destinées à tuer et tuer jusqu’à en mourir. Ainsi, en une nuit, la moitié des enfants noirs se massacrèrent. La mer qui entourait cette île désolée vira au pourpre, les vautours eux même n’osaient approcher le théâtre macabre. Une partie des survivants tentèrent de s’évader de cette terre maudite pour rejoindre Natal mais les elfes les accueillirent d’une pluie de flèches acérées, tandis que les autres redevinrent des bêtes, des animaux affamés en quête de viande à piler. Cette malédiction affecte tout elfe noir. Ainsi, cette race ancienne est devenue un fléau dont le monde redoute encore, que tout peuple haïs. Leur destin sera éternellement scellé tant que l’Ombre vivra. 

Il fit une pause, laissant lentement la tension se tendre dans l’aire. Galro pouvait presque voir cette Ombre, quelque chose de terrifiant et d’obscure, prêt à le dévorer. De ce conteur, il pouvait voir une aura maléfique détendre ses ailes noires, aux plumes obscures engloutir le monde. Toujours avec ce timbre inquiétant dans sa voix, il continua:

_ Alors, l’Ombre écrivit une prophétie, une prophétie que ce peuple prie toutes les nuits pour qu’elle se réalise. Et cette prophétie est: de l’Ombre naîtra la Lumière, de la cage naîtra la clé, du démon naîtra le glaive, des ténèbres naîtra la clarté éternelle qui sauvera et libérera le peuple déchu de la douleur millénaire, et seule cette Lumière sera capable de disperser l’Ombre et la malédiction de ce monde. 

L’elfe semblait trembler en prononçant l’étrange phrase, et sanglotait à chaque fois qu’elle prononçait « l’Ombre ». Lorsqu’elle finit de traduire le récit, elle prit Galro par la main et l’emmena loin de l’individu capuchonné. 

_ C’était ennuyeux, je crois que nous aurions mieux fait de ne pas l’écouter. Nous sommes un jour de fête ! Nous ne sommes pas là pour écouter des récits aussi tristes, mais pour s’amuser ! Allez venez ! Nous avons beaucoup de choses à faire !

Tout en étant entraîné dans la foule, Galro se retourna pour voir une dernière fois le conteur, mais celui-ci avait disparu, comme un rêve dissipé. « De l’Ombre naîtra la lumière... » cette phrase mystérieuse resta gravé un long moment dans la tête de Galro, avant de l’oublier pour profiter de toutes ces douces saveurs. Alors qu’ils se dirigeaient vers un jongleur qui exécutait un numéro exceptionnel, il se surprit à répéter inconsciemment « De l’Ombre naîtra la Lumière. » 

_ Pardon ? Fit Lindilla.

Lui même ne savait ce qu’il venait de dire, alors il répondit sincèrement comme si c’était la vérité:

_Je n’ai rien dit. Je vous promets dame Lindilla.

Ce qu’il ignorait et qu’il découvrira seulement des décennies plus tard, c’était que d’une manière ou d’une autre, il sera également impliqué dans la prophétie de l’Ombre, car son destin était lié avec celui de la Lumière. 



Quelques heures s‘écoulèrent depuis la rencontre du conteur, ils changèrent encore de vêtements, éclatant de milles et une couleurs.La fête battait son plein, tout le monde se mettait à chanter et danser. Galro pouvait apercevoir que des elfes vêtus d’or déplacer des objets, apparemment très lourds, mais sans savoir ce que c’était. Il y avait des statues, des sculptures et même de gigantesques instruments de musique. 

_ Regardez sir Galro ! C’est magnifique !

Il se retourna et pendant quelques instants il crut halluciner Pour lui, ce n’était qu’un mythe raconté par des vieillards complètement gâteux. Mais voilà, il assistait pour la première fois à l’apparition d’une lumière d’or qui éclata dans le ciel avant de se réduire en millier de petites étincelles dorées. C’était absolument splendide.

_ Une Dyalumalial. Lorsqu’un amas de magilith se rassemble très brutalement, celui-ci ne peut se solidifier dans l’air et éclate avant de disparaître. Ça n’arrive que très rarement, mon frère n’en n’a vu qu’une seule fois depuis toute sa vie. 

_ Quel âge à t-il ? 

_ Environ quatre cent ans. 

Taläsna avait plus de quatre siècles, il aurait le temps de vivre une fois que Galro serait mort à quatre ou cinq reprises, même plus. Les elfes étaient donc réellement immortels, mais dès que le mot « immortels » résonna dans son esprit, comme un écho lointain, il se souvint du conteur « S' ils avaient perdu leur précieuse immortalité, c’était à cause de lui. ». Comment quelqu’un d’immortel pouvait redevenir mortel ? Quel genre de magie pourrait bien priver un elfe de la vie éternelle ? 

_ Les elfes sont réellement immortels ?

La question semblait amuser quelque peu la femme. 

_ Bien sûr que non, le temps ne nous affecte pas directement mais la mort nous attrape de toute façon. Nous pouvons mourir d’un coup de lame ou de maladie, ou même d’accident. Le plus ancien elfe à l’heure actuel est âgé de  sept cent ans. 

Pour Galro, ce nombre était absolument énorme, il aurait eu le temps de mourir des centaines de fois alors que cet elfe n’aurait vécu qu’une seule fois. Mais en se mettant à la place d’un elfe, si le plus ancien d’entre eux n’avait que sept cent ans, alors leur espérance de vie était assez courte par rapport à « l’immortalité ». Une joyeuse musique commença à résonner dans l’air. Les trommas sonnèrent, les flûtes chantèrent, les tambours résonnèrent et les Gïannis* envahissaient la cité de magnifiques notes, passant de l’aigu le plus extrême au profond grave abyssale, en faisant un léger détour par le « murmure du vent ». À cet instant précis, les instruments devenaient presque comme muets, le son presque inaudible. Galro avait déjà lu des écrits sur la musique des elfes, alors qu’il étudiait dans la sinistre abbaye. Les livres citaient le « murmure du vent » comme une mélodie réservée uniquement à ces étranges êtres. Ceux-ci munis d’une paire d’oreilles nettement plus développées que les humains, ils avaient accès à des sons dont tout autre espèce n’aurait même pas osé imaginé. Galro savait que par conséquent, une grande partie de la mélodie devait lui échapper, et qu’il ne pouvait éprouver pleinement tout le plaisir de cette musique. « Tant pis, se dit t-il. Après tout, je ne suis qu’un humain. » 

_ Sir  Galro ! La cérémonie ! La cérémonie commence !

Au moment où Lindilla referma sa bouche, sir Taläsna sortit de son palais, vêtu de couleurs resplendissantes, de tissu brillant aux milles éclats, une robe de cérémonie comme Galro n’en reverra plus jamais. Tous se turent, baissèrent les yeux et accomplissaient chacun le signe de la vie. Une espèce d’aura de lumière enveloppait le seigneur alors qu’il levait la main vers le ciel. Il dit ensuite dans une diction plus parfaite qu’à la normal, solennel et profondément chaleureusement.

_Man siërras ! Huirans lindas sour leas Sïmalirial ! Leas lirial suo Natal négrinss ! Suo juellia jueray den Lindilla ! Huirions velladersa guerdon Natal vui jurrasson puilal tuerdals ! Huirions velladersa !*

Sur ce mot, tous jetèrent des fleurs en l’air, qui étrangement, se mirent à flotter et voler vers les cieux. Les pétales se détachaient une à une de leur tiges avant de disparaître dans le toit du monde blanc de nuages. Puis, peu à peu, le brouillard céleste s’écarta laissant un cercle bleu se creuser, laissant passer les rayons du soleil éternel. Le peuple sylvestre entama une bien étrange chanson, dont les paroles et les sens échappaient totalement à Galro. De temps à autre il pouvait distinguer le mot Raldor. Il se tourna vers Lindilla, qui elle aussi chantait de tout son âme. Un éclat de milles et une voix traversait l’épais manteau gris du ciel par la brèche divine. C’était comme dans un rêve, la mélodie transcendait le monde, et ses habitants. Galro aurait tellement partager ce moment avec son père, c’était si beau et si ... Il ne trouva point de mot assez noble pour décrire le chant des elfes. Il tenta à une ou deux reprises de les accompagner, mais sa voix fluette et fragile semblait sonner faux au milieu de cette chorale gigantesque. Le monde de silence laissa place à un nouveau monde, un monde de beauté et de vie. Des hirondelles traversaient les cieux avant de se percher. Autrefois, Galro ne savait pas pourquoi ce monde était nommé Natal, mais il comprenait enfin. Un écho profond et lointain jaillissait des entrailles de la planète elle-même, qui passait dans tout le corps, pour enfin murmurer à l’oreille de chacun de ses enfants. Bien entendu, ce n’était pas quelque chose qui s’entendait, mais quelque chose que l’on ressentait. C’était une réponse, une réponse que le monde adressait aux vivants. Cette voix était celle d’une mère, douce et symphonique, mélodieuse et soyeuse, consumant la haine et la tristesse pour laisser des cendres de bonheur qui donnaient la vie. Elle murmurait « Je suis là, mon fils, je suis toujours proche de toi. » Les murmures disparurent dans un silence de soie, avant de s’effacer totalement. C’était pour cela qu’elle se nommait Natal, et les elfes l'avaient bien compris. C’était leur véritable mère, leur créatrice et leur terrain de jeu. Pendant un bref instant, il douta de tous ses enseignements à l’abbaye, de l’existence de Dieu et du Grand Phénix, de la grande Création et des Lois que le Créateur à adressé à sa progéniture. Comment aurait t-il fait pour faire quelque chose de si beau, de si leste et merveilleux que Natal. Était-ce réellement possible qu’un être extérieur puisse façonner un endroit aussi splendide ? Et si le Paradis existait réellement, est-ce qu’il serait réellement à la hauteur face au monde mortel ? Est-ce que l’Eglise ne se moquerait pas de ses fidèles en les obligeant à se mettre plus bas que terre alors qu’il suffirait de lever la tête et admirer le paysage pour être heureux ? Pendant toutes ces années, on lui avait inculqué des étranges préceptes, à la vision étroite et pessimiste. Combien de fois avait-t-il dû se fouetter lui-même pour être plus proche de Dieu s' il l’aimait tant ? Pourquoi devrait t-il se cacher dans l’obscurité de l’église pour atteindre la lumière ? Pourquoi les curés fuyaient ce qui faisait la beauté de ce monde ? Était-ce un péché que d’apprécier ce que le Seigneur avait créé ? Alors, pourquoi devrait t-il croire en un Dieu si cruel alors que Natal ne demandait à ses enfants que de simplement vivre et apprécier son présent ? Le chant continua jusqu’au soir, se faisant de plus en plus solennel et triste. C’était comme si quelque chose avait changé, le but n’était plus le même. Les elfes s’adressaient plus au monde, mais à d’autres interlocuteurs. Mais qui pouvait t-ils être ? Il posa une main sur l’épaule de Lindilla, qui s’interrompit aussitôt. Il craignait de l’avoir mise en colère, mais celle-ci avait une mine pleine de chagrin malgré son sourire. 

_ Que vous arrive-t-il, messire Galro ?

_ C’est quoi ce chant ?

_ Une prière pour les morts. Nous chantons pour que les Raldors disparaissent et soient libérés.

_Un Raldor ? Qu’est ce que c’est ?

_ La matérialisation de l’ultime volonté d’une personne extrêmement puissante à la volonté d’acier. Seuls les elfes peuvent devenir des Raldors. 

_ Alors en devenant un Raldor, ils deviennent immortels ?

_Non, ils vivent jusqu’à l’accomplissement de leur dernière volonté, et ils n’existent que pour l’accomplissement de cette dernière volonté. D’après une légende, ils seraient sur les Terres volantes, et seraient à l’origine de ces terres. Ce chant sert à chasser les Raldors de ce monde, nous leur promettons d’accomplir leur ultime souhait pour qu’ils n’aient jamais à le faire. 

_A quoi ils ressemblent ?

Il pouvait lire dans son regard qu’elle ne connaissait pas la réponse, ce qui le déçut quelque peu. Après quelques instants de silence, elle ouvrit de nouveau la bouche.

_ Ils appartiennent plus à l’ordre de la légende que de l’histoire. Même nos anciens ont oublié leur apparence. C’est un peu comme le Paradis pour vous. 

_Non ! Le Paradis existe, ce n‘est pas une légende ! Les curés m’ont toujours dit que si j’étais bon et pieux, Dieu me réservera une place là-bas. 

_Ce que je veux dire, c’est que vous priez pour y avoir votre place, mais personne ne sait à quoi il ressemble. Personne ne sait non plus à quoi ressemble votre Dieu. 

C’était vrai, personne ne lui avait dit dans quelle apparence il revêtait. Peut être que Dieu est barbu, peut être ressemble t-il à un enfant, ou juste à une lumière intense. Peut être même que c’était un Raldor. 

_ Pour nous, c’est identique, personne ne sait à quoi ressemble un Raldor, ni si ça existe réellement. Mais maintenant c’est dans notre tradition de chanter pour eux tous les ans. 

Elle reprit son chant, rattrapant ses partenaires. C’était si triste, si mélancolique... La plainte dura jusqu’à minuit. Quand enfin ils achevèrent la dernière syllabe, tous rentrèrent chez eux. La fête était achevée. Quand Galro raccompagna Lindilla chez elle, il entreprit de rentrer lui-même à son logis. Mais sur le chemin du retour, il marcha dans quelque chose de gluant. Dans le noir il ne pouvait voire ce que c’était. Alors il se remémora ses leçons récentes sur la magie de projection. Peut être qu’avec un sort de feu sans cible à moindre puissance pourrait l’éclairer. C’était risqué mais il devait savoir dans quoi il venait de marcher. Il tendit sa main, la paume en avant, sortit la magilith du bout de ses doigts et en fit une minuscule boule. Il se persuada que cette sphère s’enflammait, puis récita sa formule.

_Draziel !

Comme il s’y attendait, la boule de feu n’avait ni action ni cible, donc elle se contenta juste de consumer la magilith. Il s’efforça de faire le vide dans sa tête, et ne penser à rien si jamais il voyait quelque chose. Il approcha la main de son pied, et vit un épais liquide rouge qui en dégoulinait. C’était du sang !





Buïliel: Fleur qui ne pousse que dans les pays elfiques. 

Blanlas: biscuit de forme triangulaire, fourré à la crème et à la fraise. 

Man siërras ! Huirans lindas sour leas Sïmalirial ! Leas lirial suo Natal négrinss ! Suo juellia jueray den Lindilla ! Huirions velladersa guerdon Natal vui jurrasson puilal tuerdals ! Huirions velladersa !: Mes frères ! C’est la fête pour le Sïmarilial ! Le jour où Natal naquit ! Où jaillit du jour le Printemps ! Soyons reconnaissant envers Natal de nous avoir donné la vie ! Soyons reconnaissant !

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