La prophétie du roi déchu: L'enfant sombre

Chapitre 3 : Une faim de loup

6855 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 12/09/2024 14:41

Il rêva qu’il était en train d’apprendre à chasser avec son père, et qu’ils avaient réussi à attraper un cerf. Quand ils le tuèrent, Raon commenta la stratégie qu’ils venaient d’utiliser. Mais pendant qu’il parlait, des poils gris apparaissaient sur le visage du forgeron, et au fil de la métamorphose, les paroles se transformèrent en grognements et finirent en grondement. Le visage de son père adoptif se transforma en museau à canines géantes et finit par devenir entièrement en loup. Et de sa grosse langue baveuse, il se mit à lécher le visage de l’elfe noir et se réveilla brutalement. Il ouvrit ses yeux pour découvrir une grosse langue qui lui trempait son visage noir. La bave gluante le sortit de son sommeil. 

_Je crois que cette fois-ci, notre petit homme restera parmi nous, ma chère Mélane. 

Warddan sursauta à ces paroles, et senti son dos le déchirer encore. Sur cette douleur, il préféra se recoucher. Puis il décida enfin à ouvrir ses yeux pour voire ce qui se passait. Il revit la femme aux longs cheveux bouclés. Puis ensuite, il sentit un mal de crâne effroyable. La femme appliqua une pommade sur le front du jeune homme. 

_Tu peux t’occuper de lui pour le moment, je vais cuire le cerf.

Et le grand loup revint, cette fois-ci, avec l’objet mou et mouillé que la femme avait tenu lors de son réveil précédent entre ses dents. Avec sa grosse mâchoire, il posa la chose humide sur la tête de Warddan. 

_Pitié ! fit l’elfe noir paralysé par la peur, ne me mangez pas !

Sur cette phrase, le grand canin lâche l’espèce de gruyère qu’il tenait dans la gueule et se mit à rire. 

_T’as entendu Mélane ? Il croit que nous voulions le manger !

_En moins c’est une bonne chose, fit la femme en revenant avec une assiette creuse, il a enfin dit quelque chose.

Warddan fut étonné par la réponse qui ait sorti de la bouche du carnassier. Si il n’était pas là pour être dévoré, pourquoi le loup l’avait amené ici ? Il resta silencieux pendant un long moment face à ce phénomène. 

_Je crois qu’il a besoin de reprendre des forces, fit le grand animal gris, il ne dit plus un mot depuis un moment. 

La femme qui se tenait à côté de la bête à quatre pattes donna une assiette creuse et une cuiller de bois à l’elfe sombre et se pencha sur l'invité d’un air curieuse. Warddan regarda le contenu du bol qui lui a été offert. Un ragoût remplissait l’assiette jusqu’à ras bord laissant échapper un doux parfum dans l’air. De la viande, accompagnée de quelques racines, flottait à la surface de l’eau bouillante.

_Du bon ragoût de cerf ! s’écria le loup. La chaire est délicieuse et les légumes ont été bouillis par ma tendre. 

Le commentaire de la grosse bête velue surpris le jeune hébergé. Est-ce qu’ils voulaient l’engraisser pour qu’il ait meilleure goût ? Après avoir pris quelques cuillers de ce plat, cette idée ridicule lui sortit de l’esprit. Mais il garda encore un œil sur l’animal imposant qui se dressait devant lui. Comme l’avait décrit le carnivore, la viande était savoureuse. 

_Votre peau de métal a été déposé à l’arrière de notre tanière, fit la femme. Quand Jaron vous a trouvé, vous étiez vraiment mal en point. Heureusement qu’il vous a endormi, sinon vous auriez souffert de tout les points de sutures que l’on vous a fait. 

En posant son bol, Warddan se tâta le dos avec le peu de force qu’il avait. Il découvrit que des fils entrecroisés retenaient les chaires qui avaient été sectionnées par le fouet d’argent. 

_J’ai dû vous lécher pendant votre sommeil pour désinfecter vos plaies, fit Jaron. Notre salive a des propriétés médicinales. 

Cela expliqua le rêve déjanté de l’elfe. Il reprit son bol pour finir le festin qu’il avait commencé. Pendant qu’il buvait l’eau bouillante après avoir mangé le dernier petit légume, une question lui vint à l’esprit.

_Aviez-vous vu un couple traverser la forêt ? demanda t-il.

La femme et le loup se regardèrent longuement et l’animal finir par dire :

_Nous avons croisé un homme de grande taille fuir vers les vallées au nord, mais aucune femme avec lui.

_Comment il était cet homme, fit Warddan.

_Il était semblable à mes amis ours avec sa grande barbe et il avait un regard d’acier.

« Raon est vivant ! Il a réussi à leur fuir ! » Pensa l’elfe mutilé. 

_Et une femme ? Vous avez croisé une femme ?

Ni Mélane, ni Jaron ne répondit. Finalement, le loup prit la parole et proposa à Warddan :

_ Si tu veux, tu peux regarder à travers de mon œil pour essayer de la voir. 

_Mais c’est impossible, vous n’êtes pas… et l’elfe se mit à regarder le loup géant et la femme. Là, il compris que ce qui se dressait devant lui était une chamane avec son compagnon, comme son père lui avait décrit. La femme était en effet peu habillée. Elle avait juste un soutien gorge de fourrure et un petit pagne. Aucunes marques n’étaient cachées par ses habits. Des croissants lunes étaient sur les épaules et un soleil entourait son nombril. Des vagues étaient dessiné sur ses hanches et des marques de griffes étaient peintes sur le bas du dos de la jeune femme.  Un serpent faisait le tour de sa taille juste au-dessus du pagne. Et deux loups bleus descendaient le long des ses belles jambes. 

_Ces symboles renforcent notre union avec la nature et dévoilent aux dieux ce que nous sommes. Commenta Mélane. Mais aussi nous donnent les pouvoirs que nous avions. Entre autre, je peux matérialiser les rayons de la lune et soleil pour divers rituels. Tu te souviens des fils qui parcouraient tes plaies pour les refermaient ? Touches les encore une fois.

L’elfe sombre se leva péniblement et se mit à tâter à nouveau les fils de ses points de sutures. Il senti une chaleur parcourant le long de son entaille. Puis il se concentra un petit peu et reconnu la température des rayons du soleil. 

_Elle a utilisé son pouvoir pour matérialiser ces fils du cercle de lumière, dit le canin. Et encore elle peut faire bien plus que ce qu’elle t’a dit sur ses pouvoirs. 

_ Grâce aux vagues qui sont là, fit la femme en tirant un peu sur son pagne vers le bas pour faire remarquer ses dessins, je peux marcher sur l’eau, dériver des rivières et entendre les être vivants qui y sont dedans. Avec le serpent je peux faire appel à ses sens quand j’en ai besoin. 

_Et ces dessins là ? dit l’elfe. Les loups  qui sont sur vos jambes, à quoi ils servent ? Et les marques de griffes ?

Mélane posa un doigt sur les lèvres de Warddan et lui répondit :

_Tu connaîtra la réponse plus tard, mais si tu le veux maintenant, Jaron peut essayer de te faire voir la femme que tu cherches tant.

Aux bouts de quelques secondes, l’adolescent aux cheveux blancs hocha sa tête de haut en bas. 

_Tu n’as qu’à penser très fort à ce qui tu cherche et tu pourras le voir à travers l’œil de Jaron. 

Le grand loup approcha sa tête colossale près de celle de Warddan et le regarda fixement. D’abord, impressionné par le gros globe oculaire qui se présentait devant lui, l’elfe hésita, puis se décida enfin à fixer profondément l’iris monstrueux de l’animal. Il pensa d’abord à ce que Raon était devenu, puis le noir qui couvrait le fond de l’intérieur de l’œil de Jaron disparut, laissant place à un feu de camp lumineux. Et devant ce maigre feu de bois, un homme très barbu se tenait là. Il s’était couvert d’une fine couverture et les rayons dorés de la flamme illuminaient le visage de la personne tremblante. D’après les gouttelettes qui ruisselaient de sa barbe et de ses habits mouillés, il avait dut traverser une rivière ou une étendu d’eau. Il était là, en train de fixer la flamme dansante sans se douter que quelqu’un l’observait. De longues plaies parcouraient son front et le sommet de son crane, le peu de ses cheveux retombaient derrière ses oreilles. Du sang coulait également des joues. Et des larmes tombèrent des yeux remplis de chagrins, et éclatèrent en mille petits cristaux sur le sable sec sur lequel le grand homme était assis. Il prit une branche à son côté gauche de sa grosse main et la jeta dans les chétives flammes. 

_Pourvu que Warddan est réussi à fuir ces Ortanongs*  de la Croisé de l’ordre, lâcha finalement le géant assis, si je veux continuer mon chemin je dois reprendre de la soupe de mère Nuit*!  

Des larmes de joie tombèrent des joues de Warddan. Son père a réussi à survivre, c’était un miracle. Pendant que Raon se couchait, l’espion lointain  lâcha un soupir de détente. Mais une chose le tracassait, pourquoi son père adoptif était en train de pleurer ? Et sur quoi ? Il connaissait bien le grand homme barbu, quand il pleurait c’était pour de bonnes raisons. Qu’est ce qu’il a bien put se passer ? Puis ses pensés se tournèrent sur Hélène, il se posa des questions sur elle, si elle avait réussi à s’échapper, pourquoi elle n’était pas aux côtés de Raon, où elle s’était arrêtée, et surtout est-ce qu’elle est vivante ? A ces questions qui traînaient dans sa tête, la pupille qui servait de fenêtre sur son père redevint noire, des ténèbres épaisses remplissaient les grands yeux du grand loup pour ne laisser qu’une purée de pois sombre. 

_Alors, que vois tu ? demanda le grand canin.

_Rien, répondit l’elfe, que du noir.

_Vide ton esprit et ne pense qu’à elle, fit la chaman.

Warddan vida son esprit, ne se concentra que sur Hélène mais la pupille resta noire. La panique le saisit, aucune image ne s’affichait dans ce grand œil. Il souffla un coup pour se calmer, prit une expiration et se concentra à nouveau sur sa mère. Mais toujours rien, seul le noir dominait l’iris gigantesque. Il chercha dans chaque coin de l’œil, mais tout restait aussi noir qu’un abysse sombre. Pourquoi l’œil du loup était aussi noir que du charbon malgré sa volonté de revoir le visage d’Hélène ? Puis une pensée lui glaça son sang, lui noua les intestins et fit parcourir un frisson. Un goût très amer traversa ses papilles gustatives. Et si elle était morte ? Est-ce que c’est pour cette même raison que son père pleurait ? Puis, au fil de ces pensés, sa vue se troubla. Puis une goutte tomba de sa joue. 

_Alors ? Redemanda Jaron. Que vois tu à travers mon œil ? 

Puis après plusieurs larmes coulantes des joues, Warddan se mit à sangloter. Il se coucha en se recroquevillant dans ses pleures, tout tremblant. Il senti une douce main qui traversait ses cheveux soyeux. Puis un grand museau caressa son dos mutilé. Des plaintes résonnèrent dans la tanière, de ses yeux rouges des cristaux coulèrent. Puis il remarqua cette matière sur laquelle il était couché. On aurait dit que c’était un doux duvet. Il en prit une poignée et examina ce qu’il resta dans la paume de sa main, il y avait quelques brindilles et surtout des longs poils gris. Mais la peine avait trop remplie son cœur, il n’arrivait pas à se poser de question sur la trouvaille qu’il avait faite. Toute fois, il pris les brindilles et les poils qu’il avait entre ses doigts et les serra fort contre lui. Des gémissements de canidé se mêlèrent à ses sanglots. 

_Tu reveux du ragoût de cerf ? demanda le grand loup avec un semblant de gaieté.

_Non, répondit Warddan, je n’ai pas très faim. 

_Je suis vraiment désolé, ajouta Mélane, vraiment désolé. 

L’elfe lâcha ceux qui étaient resté dans sa main et attrapa la main de la femme, il la serra contre sa joue. Jaron fit son hurlement qui d’habitude est nocturne, mais ce hurlement là ne reflétait pas  la nuit qui accompagne leur chant, mais reflétait la tristesse. 

_Combien de temps je suis resté endormi ? Demanda le jeune elfe au bout d’un moment.     

_ Au moins ce que vous vous appelez une semaine, répondit le grand canin. 

_Nous avions eux le temps de faire toutes nos opérations pendant ton sommeil, ajouta la chaman. Tu as failli mourir.

_Pourquoi ? Se mit à dire l’elfe sombre en serrant la main qu’il tenait, pourquoi une telle malédiction ? Qu’ai-je fais de mal pour mériter ça ? 

_La stupidité des hommes nous affecte tous, répondit la voix attristée de Jaron. Même si la lune donnait toutes les réponses à leurs questions, ils les refuseraient et trouveraient une relation avec leur religion pour transformer la vérité. Ils ont besoin d’un diable pour qu’ils puissent voir le bonheur. Et il se trouve que tu es un elfe noir, et ils t’ont élu en tant que démon. 

_Ils me le paierons, se mit à murmurer Warddan en pleurant toutes les larmes de son corps, ils devront se repentir du mal qu’ils m’ont fait.

_C’est exactement pour ça que les gens détestent ta race ! Dit Mélane avec colère. C’est parce que les tiens s’étaient vengés en labourant la terre du sang des descendants de ceux qui les ont blessé. Tes parents ne t’ont pas élevé pour que tu deviennes un de ces monstres noirs ! Si tu te décides à te venger à chaque blessure que tu auras, ils seront morts pour rien !

_Parce que vous connaissiez mes parents ? demanda l’elfe, plus sombre que jamais. 

_Oui, répondit la belle chaman brutalement, probablement que ton père a raconté sa rencontre avec notre clan. Il a dû certainement raconté l'histoire du Drake rouge. Et tu portes ses runes sur ton arme et ton armure. Il n'y a aucun doute que tu es son fils. Raon est un homme aspirant à la paix, si tu es son fils, d'une manière ou d'une autre, il a dû t'enseigner la sagesse du pardon, et non celui de la vengeance.


L’elfe, en continuant à lâchait des larmes cristallines, se rendit compte à quel point ce qu’il a osait dire était horrible. Les glyphes qui recouvraient sa peau sombre étaient trempés par les larmes abondantes de ses yeux. Mélane avait peut être crié un peu fort, mais elle avait parfaitement raison, de telles atrocités ne devraient pas sortir de la bouche de quelqu’un qui avait été élevé avec autant d'amour. Même si des événements lui avaient déchiré sa vie, la colère ne devait à aucun prix prendre le dessus sur toutes ses qualités. Si en effet, quelqu’un se vengeait du mal qu’on lui a fait en brisant la vie de l’auteur du crime, le monde serait désert à l’heure actuelle. Même si sa peine fut immense, il devait garder le contrôle de son esprit, pour être serein. Même si la colère coulait dans ses veines, il était hors de question de devenir une bête féroce. Il était hors de question de devenir le monstre qu’il aurait dû être. 

_Si Algatarm t’entendait, continua Mélane, il aurait honte de toi !

La femme parti au fond de la tanière, puis s’assit à côté du cadavre du cerf qui a été vidé. Plus Warddan se fit à l’idée qu’il a eu ces atroces plans malsains, plus il se révolta de ce qu’il était, un elfe noir. Sa colère se tourna vers ses anciens, leurs crimes et leurs actes terrifiants. Ses parents adoptifs lui parlaient peu de ces créatures, mais ils lui rappelaient ce qu’ils faisaient, tuer des innocents de manière sauvage. Et pendant qu’il était allongé dans ce lit de brindilles et de poils couleur poivre et sel, il se répugna de que ses congénères avaient pus faire dans le passé, et de ce qu’ils commettaient encore. Il aurait tout donné pour être autre chose, une race dite pure. Mais malheureusement pour lui, le destin lui a tracé un tout autre chemin. Il devait endurer l’épreuve de sa vie avec ses cheveux de spectre, sa peau de nuit et ses yeux de flammes.  Pendant une heure, le loup en train de lui lécher le dos attaché par les rayons solaires, il essayait de s’imaginer si il avait été un humain. Il aurait coulé des jours paisibles, mangeant de la bonne soupe tous les jours avec Raon et Hélène, et enfin, sortir sans avoir la peur de se faire étriper par les gens qui l’aime. Jaron lui dit de sa voix tranquille au bout d’une heure :

_Voudrais-tu manger ? D'ailleurs, jeune homme, quel est ton nom ?

_Warddan, répondit l'elfe noir.

_Peu original, commenta la chaman, mais cela te va à merveille.

La première question sembla étrange, mais fut tant souhaité. Cela remonta un peu le moral de Warddan qui fut pendant très longtemps bien bas. L’elfe  acquiesça avec un sourire et tendit son bol vide. Le canin prit entre ses crocs gigantesques comme il a pus une louche qui traînait dans un chaudron fait en écorces géantes d’Equicialla*, et remua quelques coups pour mélanger la viande, les légumes et les délicieuses racines. Pendant que le loup touillait le bon ragoût, l’hôte de la tanière tenta de s’asseoir correctement pour accueillir le bon repas chaux, il en avait presque oublié ses larmes et la cause de sa peine. Il se regarda et se rassura que les deux médecins n’avaient pas eux besoin de lui retirer son pantalon. Enfin il a pus voir où il était réellement, la vue lui parut aérienne par rapport aux heures où il ne pouvait pas encore vraiment se lever. La grotte qu’il occupait depuis une semaine n’était pas aussi longue que ce qu’il s’était imaginé pendant que sa tête touchait le lit sans pouvoir voir le décor qui l’entourait. Il se retourna voir ce que faisait Mélane à ce pauvre cerf mort. Quand il la vit, elle était en train d’arracher un rein et le déchiqueter entre ses petites dents, cru.

_Et voilà, fit le noble animal avec la cuiller géante entre les deux lèvres, une deuxième tournée pour sa majesté !

Quand la plaisanterie sortit de la bouche béante de Jaron, Warddan se mit à éclater de rire. Son sens de l’humour revint en même temps que sa bonne humeur. Mais les gloussements cessèrent rapidement à cause de ses côtes douloureuses, mais face à ce spectacle amusant, un sourire resta gravé sur le visage radieux de l’adolescent. Entre ses crocs, il versa le ragoût dans le bol de terre cuite maladroitement puis Warddan le reprit. Il prit une cuillerée et sentit son corps réanimé par la chaleur. 

_C’est bon, dit-t-il.

  Le grand prédateur en se léchant le museau, acquiesça en secouant sa tête massive de haut en bas. L’adolescent se releva un petit peu et revit l’ustensile qui le fascinait tant. Cela ressemblait à un gros fromage à trous mais les orifices étaient bien trop nombreux et les galeries qui le creusaient été bien trop grand, et de plus quand il le souleva, il ne senti aucun poids, comme si il avait entre ses doigts une petite plume. Cela semblait étrange, car la chose était pourtant si volumineuse, mais si légère, ce qui se forçait à se poser des questions à ce sujet. Il le tâta un peu, tordit et pressé, mais le « gruyère » reprenait toujours sa forme initiale. Des questions grouillait par centaine dans sa tête, genre « Pourquoi c’est mou ? » ; « Pourquoi c’est léger à ce point ? » ou « Qu’est ce que c’est ? ». Il leva les yeux et vit la chaman et son compagnon en train de se partager le reste du ragoût, tout en se parlant en chaman. Les leçons de Raon portèrent leurs fruits, parce que grâce à ces cours, il comprenait le sujet de leur conversation. Il était rapport de régime, de chasse, de provision pour l’hiver. 

_Manàn ilmason pillirarôn ?* demanda Warddan en montrant l’objet jaune entre ses mains.

Les deux compères perplexe devant la question de l’elfe, ils se turent brutalement. Le grand loup regarda son hôte avec un sourire indéchiffrable, tendis que Mélane prit l’objet que tenait Warddan entre ses mains.

_Ceci est une éponge, répondit t-elle. Grâce à ça, nous pouvons prendre de l’eau et l’appliquer quelque part, comme sur tes plaies.

_Je ne sais pas qui t’a appris à parler le Chaman, coupa Jaron avec enthousiasme. Mais en tout cas, il t’a bien enseigné la grammaire. 

_Raon est un  bon professeur, dit l’elfe noir se sentant gratifié.  J’aimerais tant qu’il soit là, pour voir à quel point ses leçons me sont utiles. Mais j’aimerais savoir autre chose par rapport à…

L’adolescent hésita longtemps sur le mot en montrant du doigt l’objet jaune dont il avait déjà oublié le nom.

_L’éponge ? Fit Mélane. C’est simple, tu la prend, tu la trempes dans l’eau et tu la presses pour en faire sortir l’eau qu’elle a aspiré.

Elle prit l’éponge, la plongea dans le seau et l’essora en la pressant de ses deux mains.

_Minaan Orenttta !* Fit l’elfe en voyant le pouvoir fantastique de l’éponge. Et ça peut faire encore autre chose ? 

Le grand loup se mit à rire comme si on lui avait raconté une bonne blague, pris l’éponge fantastique et la trempa dans la crasse qui recouvrait le fond de la marmite. L’incroyable « gruyère » peu appétissant changea de couleur, du jaune fromage il vira au brun du ragoût. Jaron tenant entre ses dents l’objet métamorphosé, plongea l’éponge dans le seau et elle reprit sa véritable couleur. 

_ Et en plus, précisa le canin colossale, elle sert aussi à se laver. 


Le jeune Warddan à découvert l’éponge pour la première fois, cette chose devait être magique pour réussir ces incroyables exploits. C’était peut être l’un des innombrables  pouvoirs des chamans et des loups. Certes l’objet ne sentait pas la rose et n’était non plus joli, mais aspirer, rejeter l’eau et changer de couleur n’était pas chose commune. Mélane redonna l’éponge au garçon noir et il se frotta un peu la peau avec. Le contact avec son épiderme était incroyablement doux, et chatouilleux. Il l’a élu comme son objet fétiche. Ce formidable cadeau des chamans valait vraiment la peine d’être gardé, fini la serviette râpeuse qui servait autrefois à enlever les crasses les plus tenaces, l’Éponge s’en chargera. Quelle chance d’avoir reçu ce formidable présent. 

_Je ne sais pas vous, fit Jaron soudainement, mais moi je commence à avoir faim.

_Il y a encore deux sangliers au fond, dit la chaman, j'ai suffisamment mangé, régales toi.

La réplique soudaine du loup laissa perplexe l’elfe noir, ce gros animal venait d’avaler trois quarts du ragoût directement dans le très gros chaudron qui le contenait, et il a encore faim. Même si Jaron était en effet plus grand qu’un  bon cheval de guerre, normalement avec ce repas d’ogre il aurait dû être rassasié pour le reste de la journée. 

_Comment il fait pour avoir encore faim ? Demanda t-il impressionné par l’appétit du loup.

_C’est Jaron, répondit la femme souriante, il est ainsi et le sera toujours.

L’énorme bête revenait avec un gros porcin entre ses crocs, bien calé entre le palais et la langue. L’animal était pourtant bien plus gros que la grosse Monique du forgeron, et devaient faire au moins cinquante kilos.

_Ahhendez enhore heux hecondes hil yous hlais ! Dit Jaron sans pouvoir articuler à cause du gros encas  qu’il tenait dans sa grande gueule. 

La noble bête posa les deux sangliers délicatement par terre et commença son festin. Il broya les os de ses proies avec une facilité déconcertante, et avala bruyamment. Alors que son museau était recouvert de sang, il s'interrompit momentanément, observant le jeune elfe fasciné par les touffes de poils qui l'entouraient.

_Tu l’aime ce lit ? Demanda de sa grosse voix le grand loup.

_Oui, répondit le jeune elfe. Il est si doux, comment vous l’avez fait ?

_Nous, les loups, nous muons couramment pendant la période chaude. Pour faire ton lit, nous avons simplement regroupé mes poiles qui étaient autrefois tombés avec quelques brindilles. 

En comparant un poil gris qu’il avait entre les deux doigts avec la fourrure de Jaron, Warddan en conclu que ce qu’on vient de lui raconter était belle et bien vrai. Pendant tout ce temps il était couché sur de la fourrure de loup, la fourrure de Jaron. Cela expliquait pourquoi c’était si chaud et si doux, et comment ils avaient aménagé son petit lit. 

_Demain nous irons chercher cette femme, dit le canin géant, dès les premières lueurs de l’aube. 

Le jeune elfe tenta de se lever, mais il senti rapidement ses déchirures musculaires, paralysé par la douleur intense. Mélane tout en surveillant le sanglier sur le feu, regarda le jeune patient et lui commenta :

_Mon jeune, tu ne pourras pas venir avec nous. Cela ne fait qu’une semaine que tu es ici et tes blessures sont loin d’être guéries. Ne t’en fais pas, Jaron et moi allons nous charger de toutes les recherches.


Warddan se recoucha aussitôt, tout en forçant sur ses dorsaux abîmés, et s’immobilisa pour se soulager de ces douleurs insupportables. Pendant quelques minutes, il y eu un silence quasi-total. Le jeune adolescent regarda la paroi devant laquelle ses yeux étaient ouverts. D’après le bruit qui parcourait ce mur, un nid de mulot ne devait pas être loin, et il devait y avoir des petits d’après les plaintes incessantes. Puis après quelques instants, une grosse masse se faufilait dans la fine paroi terreuse, c’était sûrement la mère qui allait allaiter ses petits affamés. Il posa un doigt sur le mur apparemment creux, il réussi à sentir les galeries souterraines qui zigzaguaient à l’intérieure. Mais un jappement de joie retentit dans la tanière, et sortit l’elfe noir de sa rêverie. 

Alors que le prédateur fini son second repas, tout en se léchant bruyamment les babines, il conclut son repas en annonçant :

_C’était délicieux ma chère, mais j’ai encore un petit creux.


Encore ! Cela semblait impossible, comment un loup, même aussi gros, pouvait encore réclamait à manger ? Ce qu’il entendait était tout bonnement incroyable ! Les porcs qu’il venait de dévorait étaient assez gros pour rassasier au moins tout son village « natale », qui est composé d’environ une trentaine de personnes. De plus, il se trouve que quelques minutes plus tôt, ce loup avait déjà mangé un chaudron de ragoût. Il se leva, puis se retourna pour voire ce qui se passait. Sous ses yeux, Mélane empala cinq ou six lapins sur une lance de au moins trois mètres de long. Deux grands bâtons étaient plantés dans le sol, laissant deux petites branches pour caler la « broche » sans doute. Il regarda mieux la scène qui se déroulait devant lui, et remarqua cet énorme monticule de lapins. Il en conclu que ce devait être sûrement le dernier festin que la chaman et son compagnon allaient prendre. La belle viande des petites bêtes, qui étaient bien grosses pour leur race, commençait à doré sous l’effet de la chaleur des flammes. Une délicieuse odeur envahi la tanière. La gourmandise ne pouvait faire effet, car son ventre était déjà rempli jusqu’à ras le bord. Mais le grand canin affamé n’était apparemment pas encore rassasié, ni la femme on aurait dit. Au bout de quelques minutes, Mélane présenta sa lance à Warddan puis l’invita à prendre un de ces rongeurs grillés, et par pure politesse, il accepta la nourriture qui se présentait devant lui. Du jus de myrtille coulait tout le long du corps de l’animal aux grandes incisives, et des fruits sucrés était placés à la place des organes, à l’intérieure du ventre. Une deuxième lance était déjà installée au-dessus des flammes, embrochant elle aussi cinq ou six animaux à grandes oreilles. La chaman en prit un sur le premier javelot et commença à le dévorer voracement, tandis que le loup les prenait deux par deux, n’en faisant qu’une bouchée. En regardant ce repas, l’elfe était si fasciné par ce que pouvait ingurgiter ces deux personnes, qu’il oublia qu’il tenait lui aussi un lapin dans ses bras. Jaron, tout en broyant sous ses terribles dents acérées une petite bête, montra à son invité que lui aussi avait quelque chose à manger. Warddan se ressaisit puis commença à lui aussi, dévorer son animal grillé. La viande chaude et sucrée était agréable sur le palais, le jus du fruit s’accordait à merveille avec la chaire du rongeur. Mais il ne supportait plus de se nourrir, son ventre ne supportait plus de nouveaux colocataires, pourtant c’était si bon. Le temps qu’il mange un lapin, Jaron et Mélane étaient déjà à leur cinquième brochette. L’énorme tas qui était derrière eux commença à se rétrécir. Le jeune elfe, après avoir totalement finit son festin se recoucha. Alors que les deux compagnons dévoraient ce qui aurait pu s’apparenter à un banquet royal, le loup engagea une conversation en chamanique :

_Lor smalca nuss doan cen meïs Coals, cer somblas ?  « Le petit n’a rien vu dans mon œil, est-ce normal ? »

_Jun sain reo, ceistenon ler escres. « Je ne sais pas, consultons les esprits. » Répondit Mélane penseuse. 

_Coula allas cer rienzera… « Pourvu qu’elle soit en vie… »

_Mastra serros, fer satourn, sogr senonta ler escres.  « Moi aussi je l’espère, pour le savoir, il faut convoquer les esprits. »

_Jun dertro ler cercer qalon ! « Je commence les recherches tout de suites ! »

_Retar bei lares ! « Ne reviens pas trop tard ! »

Sur ce, le grand loup sortit de l’antre et partit en courant, d’après les pas lourds qu’il faisait. Et Mélane, tant qu’à elle, alimenta le feu et s’assit. Le bruit de cuir qu’on froisse faisait penser qu’elle devait fouiller dans un sac, puis en effet, c’est comme si elle prenait une poignée de sable et qu’elle jetait directement dans les flammes, puis elle se mit à réciter une formule étrange, ne ressemblant à aucun langage connu.


L’elfe tenta de discerner quelques mots, où un certains vocabulaire, mais il n’en reconnu aucun. Après une minutes de vers, la voix de la chaman s’arrêta, et une onde surnaturel envahi les lieux. Comme un hululement sortit des flammes, mais en continu, et un léger tremblement s’en suivit. Cela était plutôt inquiétant, car après, un courant glaciale parcourut le dos de Warddan, c’était si étrange. Au bout de quelques secondes, tous ces événements peu anodins s’arrêtèrent, puis deux voix encore plus étranges commencèrent à parler. Il semblait qu’elles s’adressaient à Mélane, dans une langue qui lui est totalement inconnue, même l’intonation ne lui était guère familière. Quels étaient leurs sujets de conversations ? Pour savoir ce qui se passait, l’elfe noir tenta de se retourner, mais il était impossible de faire le moindre mouvement. Tous ses membres étaient comme gelés ou pétrifier par une force immatérielle. Qu’est ce qui pouvait bien le retenir ? Un spectre invisible ? Des cordes impossibles à distinguer ? Ou peu être bien peut être le courant glaciale qui avait traversé la tanière ? Qui sait ? En tout cas, il était hors de question de rester ainsi sans pouvoir agir, il est fort possible que cela soit deux brigands provenant d’un pays voisin et que Mélane soit en danger. 


Il essaya de se débattre, mais ses muscles ne répondaient pas. Au bout d’un bref instant, un autre courant d’air lui glaça à nouveau son dos, puis l’échine jusqu’à la nuque, et il ne sentit plus rien. Cette chose lui avait sûrement éteint le système nerveux. Ses yeux se fermèrent, son tympan s’assourdit de sorte que plus aucun ne pouvait lui parvenir, il se mit à entendre son cœur battre faiblement et lentement. La couleur noir s’effaça de son esprit, il n’y avait plus rien, sa dernière pensée fut « Est-ce que je suis mort ? » puis plus rien. Nul rêve put hanté ce sommeil qui pourrait être bien éternel. Il resta longtemps dans cette situation. Les heures semblaient être des secondes, les jours des minutes, les années des heures, mais au bout d’un moment, une lumière intense et tant espérée lui perça l’esprit, puis une main d’argent en jaillit. Warddan sans hésiter la saisit et fut retiré de ce néant, le ramenant au jour. 


Des souvenirs qui lui semblaient importants lui parcoururent l’esprit, par centaines. Il revoyait Hélène qui le nourrit pour la toute première fois, puis Raon qui lui racontait l’épopée de Naös. Tant de bon souvenirs, puis il s’échappèrent tous d’un seul coup. Et enfin, il réussi à rouvrirent les yeux, et il retrouva tous les sens qui lui manquaient tant. 


Il vit Mélane qui lui appliquait de l’eau sur le front à l’aide de l’Eponge. En voyant le visage de la femme, qui semblait toujours aussi jeune, et de la sensation de son propre ventre toujours aussi rempli, il en conclut que finalement le temps lui avait semblait plus long qu’il ne l’était. La chaman le regarda droit dans les yeux et lui souris, le genre de sourire qui vous indique que vous avez faillit y passer. 

_Sacré veinard, s’écria Mélane en le serrant fort dans ses bras. Heureusement les esprits ont été compréhensifs et t’ont relâché de leurs emprises. 

_Que s’est il passé ? Fit Warddan en se frottant sa tête étrangement douloureuse.

_En invoquant deux esprits, j’ai ouvert le portail spirituel et les autres esprits présents t’avaient pris pour un intrus, et ils ont tenté de te tuer. Une seconde de plus et tu mourrais sans t’en rendre compte.


Ce qu’elle ne sait pas, c’est que Warddan s’en était bien rendu compte de ce qu’il l’attendait. Pourquoi il était censé être un intrus,  

à cause de sa couleur de peau : noir, la couleur redoutée par 

tout être humain ou animal. La peau sombre d’un elfe noir assoiffé de sang et de vengeance. 


Après quelques minutes de silence, il se demandait pourquoi lui, pourquoi il a fallu que ce soit lui l’elfe noir, pourquoi il a fallu qu’il soit le bouc couleur cendre dans un troupeau de mouton couleur neige. Peut être qu’il a était maudit avant sa naissance et devenir une créature horrible, et que cette malédiction  le poursuivra toujours, même dans la mort.


Plus il maudissait son triste sort, plus il revoyait ses parents adoptifs, et finit par voir sa vrai mère, qui avait traversé une forêt entière, elle qui avait défié une armée qui la traquait, elle qui s’était sacrifiée pour lui, rien que pour lui et lui seul. Si il mourait, peu importait la raison, sa mort tragique n’aura qu’était vaine. En revoyant ce visage si sombre mais si magique, il pouvait effleurer les cheveux blanc et soyeux de cette magnifique femme elfe. Tout comme lui, elle portait des marques semblables à des épines noires, mais ses yeux flamboyants donnaient une magnifique grâce à tout le reste. Comment des hommes avaient pus tuer une aussi belle femme, s'ils l’avaient imaginé sans sa couleur de peau et sans ces cheveux blancs, ou même avec sa peau noir et ses cheveux de spectres, elle aurait était une splendeur admirée de tous les hommes.


_Jaron est toujours en train de rechercher la femme dont tu nous avais parlé, dit Mélane en sortant l’elfe noir de son rêve, si il ne revient pas avant quelques nuits j’irais le chercher. 

Warddan acquiesça, si jamais il était en danger, valait mieux que Mélane parte à sa recherche, et cela semble beaucoup plus sage d’après lui. Comme son dos était toujours aussi douloureux, il décida de se rendormir mais sur le ventre cette fois-ci. Avant de fermer les yeux pour sombrer dans un vrai sommeil, il vit la chaman devant l’entrée, regardant un magnifique croissant de lune. Puis enfin, ces yeux se fermèrent pour de bon. Un voile noir recouvrit une nouvelle fois ses pensées, mais ce voile là fut plus rassurant que le premier et des rêves émergèrent son esprit.





Equicilla : Un arbre géant se trouvant prêt de la frontière du pays d’Etale.

Manbaï : Un arbre qui se sépare toujours en trois troncs principaux aux écorces géantes.

«  prendre la soupe de Mère Nuit. » : expression etalen signifiant : dormir. 

Ortanongs : Une insulte Etalen que nous refusons de traduire, mais ne jamais prononcer cette insulte en face de la personne dont vous penser du mal. 

Manàn ilmason pillirarôn ? : En chaman signifie « Qu’est ce que c’est? »

Minaan orenttta ! : En chaman signifie « C’est extraordinaire ! »

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