La prophétie du roi déchu: L'enfant sombre

Chapitre 2 : Une lueur née des ombres

15149 mots, Catégorie: T

Dernière mise à jour 08/09/2024 15:01

La lune venait de se lever, une pleine lune d’argent.

La forêt tremblait cette nuit là, les animaux étaient nerveux dans un semi sommeil. Malgré ce malaise nocturne, aucune bête ne lâcha de son. Il semblait que la forêt était paralysée par la peur. 

Une femme vêtue de blanc courait à travers cette forêt terrifiée, tenant un drap de lin blanc, dans lequel gesticulait quelque chose. Tel des toiles d’araignée, ses cheveux blancs volaient dans l’élan de sa course. Elle se retrouva dans une clairière, éclairé par la lune. La femme leva les yeux et reprit sa course, elle avait la peau aussi noire que la nuit. Soudainement, de l’autre côté de la forêt, on entendit des pas par dizaines, des tintements d’armures et des cris. La cause de ce tintamarre infernal : des hommes aux plastrons dorés,  courraient dans la forêt. Ils étaient équipés d’arcs, d’arbalètes, de lances et d’épées. La fugitive au loin perçut le bruit des pas lourds et bruyants des hommes. Elle accélérât sa course à la survie. Ses yeux rouges se reflétaient dans chaque petits étangs qu’elle croisait. Un chevalier blanc à la cape rouge donnait des ordres  en montrant une direction : « Par là ! Ici ! Plus vite ! »

Les hiboux ne supportant plus cette cacophonie, s’envolèrent vers le ciel noir où l’on pouvait entendre des plaintes, des braillements. La femme noire  en sueur, s’adossa contre un arbre et examina de plus près ce qu’elle tenait si fermement contre sa poitrine. Un bébé   noir lui aussi et aux cheveux blanc s’égosillait dans ce linge blanc. La femme caressa l’enfant et lui murmura des phrases quasiment inaudibles, puis l’enfant se tut et de ces petits yeux rouges la regarda avec tendresse. C’était une mère tenant son enfant qui courait à travers cette forêt. L’elfe noire observa les alentours et repris sa course. Le hululement des oiseaux nocturnes résonnait dans le bois, mêlé aux croassements des grenouilles affolées. Le paladin, un peu plus loin, leva sa main. Tous les soldats s’arrêtèrent, haletant comme des chiens après une course. Le grand homme en armure blanche dit à ses troupes :

_ Vous, prenez là bas ! Moi et le reste des troupes, par là !

Les guerriers se séparèrent et partirent de leurs côtés. La femme  courait avec plus de rapidité que jamais, mais on pouvait distinguer les soldats dorés derrière. Deux de ces combattants dégainèrent leurs épées et fondirent sur la femme. Mais aussitôt, la mère noire se retourna et se mit à faire une incantation. Les cheveux pâles de l’elfe flottèrent et fouettèrent dans l’air, des glyphes noirs apparaissaient en se frayant des tracés rouges flamboyants  sur la peau des deux fugitifs. Les deux  soldats furent pris dans une ombre épaisse, et quelques secondes plus tard, ces ténèbres terrifiants disparurent pour laisser place à deux hommes allongés sur le sol, secoués de spasmes. La femme et son enfant disparurent dans le feu de l’action. Un homme de grande taille donna l’ordre à deux de ses compagnons de prendre les deux hommes allongés et de trouver un guérisseur au plus vite, et ils obéirent aussitôt. Les autres guerriers continuèrent la course frénétique. Des souris terrifiées par le vacarme, se cachèrent sous les racines de l’arbre tremblant. La femme elfe noir, en regardant derrière elle, continuait sa course elle aussi. Mais un archer à l’armure brillante, prit une flèche et la décocha de sa corde tressée. La flèche, sifflante et foudroyante, transperça la jambe de la fugitive fantôme. Un grincement si puissant sortit de la bouche de la victime, que des oreilles de l’archer se mit à couler du sang, en passant par les joues, puis tomba sur l’herbe. Le pauvre soldat sourd, s’allongea par terre et  plaça sur ses oreilles ses mains pour les protéger du son surnaturel. Toute personne ayant entendu ce cri assommant aurait juré que le diable aurait quelque chose à voir là-dedans. L’elfe s’arracha la flèche de sa jambe mutilée, laissant du sang s’échapper, et se mit à courir en boitant. Plus tard, la femme tomba d’une colline imprévue et atterrit devant l’arrière d’une maison. Les fenêtres de l’abri laissaient encore échapper de la lumière. La femme prit son enfant et lui murmura :

_Mon tout petit, j’aurais tellement voulut te voir grandir. Mais la magie n’en n’a point voulut. Mais ne t’en fais pas, mon petit, je serais toujours là, dans ton cœur. Ces gens t’aimeront plus fort que ce que tu peux te l’imaginer, et tu les aimeras plus fort que ce que tu l’imagineras.


La mère déposa l’enfant devant la porte de la maison, lâcha quelques larmes argentées et disparut dans l’ombre engouffrant de la forêt. Le bébé, réclamant sa mère, se mit à brailler. En voyant qu’elle ne revenait pas, il se mit à brailler plus fort. 

Cela semblait interminable. L’enfant criant tout ses poumons, continua sans répits ses appels. Tout à coup, le son du métal sur la chaire retentit au loin, et une plainte de la voix de la jeune femme s’échappa. Le bébé se tut, un silence total s’abattit sur la forêt qui fut si agitée. Et au moment où l’enfant s’y attendait le moins, la porte de la petite maison où il été déposé s’ouvrit. L’enfant vit deux grosses bottes noires et deux sabots recouverts d’une robe en dentelle. Une grosse voix retentit de la maison :

_ Tu voix ça Hélène. Un bébé a été déposé devant chez nous.

_ Où est  passée sa mère ? dit une voix plus douce.

_ Sûrement parti, la Mestigane* !dit la grosse voix 

_ Oh ! Ne dit pas de telles horreurs devant un enfant voyons ! 

Et deux mains douces et fines prirent l’enfant et le soulevèrent,

_ Peux être que sa mère voulait protéger son petit de quelque chose et voulut nous le confier. Reprit la douce voix.

_ Regardes Hélène ! Cria la grosse voix.


Un gros doigt de boudin souleva un peu de lin de devant les yeux du bébé et lui dévoila deux visages, celui d’une femme à la peau claire, puis un gros visage barbu et rustique. Mais malgré ces oppositions de ces deux visages, ils y avaient tout deux un même caractère qui les unissait, la surprise.

_Regardes le ! Dit l’homme barbu. Il est tout noir !

_Et ses yeux, ils sont tout rouges, dit la femme.

_Et ses cheveux, ils sont aussi pâles que du linge de lin. Reprit l’homme barbu.

_ Et regardes, reprit la femme aussi, regardes ces glyphes sur sa peau.

_Oh non ! s’écria l’homme, c’est un elfe noir !

_ Qu’est ce qu’on en fait, Raon ? On le livre aux Croisés de l’Ordre* ?

_ Non, surtout pas ! Abandonner un enfant à un sort aussi funeste est un crime !

_ Mais c’est un elfe noir ! 

_ C’est aussi un enfant sans défense Hélène !

_ Mais aussi un démon !

L’homme barbu inclina ses sourcils en crin de cheval sur son énorme front couvert de suie. Il fixa l’enfant, dans ses yeux se reflétait sa crainte et sa pitié. Le bébé ignorait encore la signification de ces expressions de visage, mais il savait parfaitement de ce que lui éprouvait à ce moment là: la peur. Allaient-ils l’abandonner ? Le tuer ? Le livrer à ces hommes en armure brillante ? Le donner au méchant chevalier blanc ? De son côté, Raon était perdu. C’était arrivé si vite, il ignorait laquelle de décision prendre. 

_ Hélène, j’ai peur.

_ Moi aussi Raon, répondit Hélène. 

La jeune femme regarda dehors, la forêt qu’elle connaissait comme accueillante et merveilleuse sous le soleil prenait une allure sinistre sous les ténèbres du ciel.

_ Tu veux que je nous en débarrasse ? Demanda Raon en montrant l’enfant dans ses bras. 

_ Non, répondit Hélène avec des larmes aux yeux. Tu vas en faire quoi ? Le jeter en pâture en loup dans la forêt ? 

_ Si les croisés nous trouvent avec ça sous notre toit ils nous tueront sur le champ !

Ils se regardèrent tous les deux droit dans les yeux. Pendant qu’ils réfléchissaient à la manière dont-ils devaient en finir, le nourrisson attrapa le doigt du grand homme. Raon s’en rendit compte et vit dans les yeux de l’enfant une lueur bienfaisante, une gentillesse si rayonnante qu’il en faisait oublier tout la haine du monde. 

_ On dirait qu’il m’aime bien, dit doucement l’homme barbu.

_ Et où est-ce que l’on va le cacher ?

_ Le cacher n’est pas un problème Hélène. La vrai question est de savoir comment l’élever ?

Hélène réfléchi, puis elle regarda les yeux brillant de l’enfant.

_ Tu te rappelle de ce qu’on disait quand on s’est marié ? Demanda Raon.

_ Comment l’oublier. Tu voulais sept beaux grands garçons !

_ Nous avons essayé, mais ton ventre semble de ne pas vouloir grossir. Je crois que Dieu nous l’a envoyé. Cet enfant est un cadeau du ciel.

Ensemble, ils l’admirait tel un diamant pur. De l’enfant se dégageait une aura de bonheur, réconfortante. Dans leurs yeux brillaient un nouvel espoir d’avenir, celui qu’ils s’apprêtaient à construire.

_ Tu as raison, dit la femme en rentrant dans la maison tandis que l’homme referma la porte, il doit être transit de froid ! 

_ En attendant, on papote, on papote mais après cette nuit agitée ce petit doit être Mantouc* ! Je vais chercher du bois, toi nourris le !

_ Et comment ? demanda Hélène.

_ Tu sais comment toutes les mères font pour nourrir leurs petits, là il faut faire de même, répondit Raon nerveux.


Tandis que le rustique partait dans la réserve de bois, la femme enleva son décolleté en découvrant ses deux seins. Le petit hôte les vit et s’accrocha comme il put aux vêtements de la femme et se mit à sucer les tendres tétons. Mais aucun lait ne sortait de cette poitrine. Hélène prit panique, de peur de ne pas pouvoir nourrir le petit protégé. Mais le bébé posa une main sur un des seins et se remit à téter les organes mammaires, et du lait coula de la bouche du petit. La mère stupéfaite du miracle produit par l’enfant, prit un bout de sa robe et essuya les bords de la bouche du petit. 

_ C’est la deuxième fois que tu veux bien montrer tes seins à un inconnu ! s’écria Raon avec un éclat de rire en revenant avec du bois.

_ La première fois c’était pour toi, mon ours chéri ! dit la femme avec la même sympathie.

Le grand homme entrelaçait ses doigts, plus gros que des saucissons, à l’intérieure du peu de cheveux que le petit avait sur son crâne. 

_Alors, l’heureux deuxième inconnu qui voit tes seins est une fille ou un garçon ?

La femme examina le petit et sorti : 

_ C’est un garçon, cela explique pourquoi il aime tant ma poitrine. Dit elle en riant.

Après que le petit ait fini de boire, il fait un petit rot se serra très fort contre le corps de la femme déshabillée. Cela formé un portrait  digne des plus grands peintres, l’enfant juste en dessous des seins, la femme et son mari l’admirant. Peu de temps après cette pose, Raon recouvrit le petit nouveau d’un drap et l’emporta dans un petit berceau qui avait été prévu pour l’enfant qu’Hélène aurait dût accoucher :

_ Voilà, et finalement ce berceau sera pour toi mon petit, s’écria l’homme. Pour toi, une belle nuit de rêve.

Et aussitôt que le petit fût posé, il s’endormit comme une souche.

La femme toujours dévêtue se rapprocha du berceau et dit à son mari :

_ Si ses ancêtres n’avaient pas été des monstres, tout le monde serait jaloux de ne pouvoir avoir d’aussi bel enfant.

_Je voulais sept garçon, à la place j'en n'aurai qu'un seul, mais il les vaudra tous.

Et les nouveaux parents s’endormirent dans un lit de pailles et de foins, une longue nuit de sommeil  leur fera voir un nouvel aurore.


Le lendemain, Raon se réveilla en grognant comme l’ours. Il étira ses bras tel un arbre et bailla tel le lion. Il se leva et prit un chiffon où était rangés ses outils. En douceur, sans faire de bruit pour ne pas réveiller sa belle aimée et son doux adopté, il ouvrit la porte et la referma. Il se trouvait que cette maison faisait partie d’une petite commune, à la lisière d'une forêt formant un siège autour de quelques maisons. Celle de Raon et Hélène était sans nul doute la plus isolé, à un vingtaine de minutes de marche. Raon, comme d’habitude, alla à la grande forge du village qui se trouvait à une heure de marche. Il était connu pour être le meilleur artisan de fer du village, car c’était  lui qui avait forgé chaque outil, chaque poignée de porte et chaque bijou brillant. On le nommait le Algatarm*. Les gens disaient de lui qu’il été né d’une femme humaine et d’un nain. Mais il démentait toujours cette rumeur en disant que cela est impossible vu sa grande taille. Il était si minutieux lorsqu’il forgeait que ses œuvres semblaient appartenir à des matériaux nobles, tel le Nitril, le Gavilion* ou même du Zaïlandia*, alors qu’en faite, ce n’était que de fer et de bronze. Mais un tel talent portait son lot de devoirs cruels. Il était aussi un forgeron employé par la sainte inquisition des Croisés de l'Ordre, afin de forger les meilleurs instruments de mort.

Raon n'aimait guère cette situation, préférant concevoir des fers à chevaux plutôt que des épées, mais il fallait bien gagner sa vie. Les lames forgées par cet artisan reflétaient bien son état d’esprit. Malgré la beauté et l’efficacité de ses espadons, elles étaient souvent surdimensionnées, finalement ces derniers étaient plus des armes d'apparat que de combat. Les Paladins commandant leurs lames auprès de cet homme payaient chers pour la qualité de ces lames, et il était coutume entre eux de tenter de manier ses armes pour prouver leur force. Pour les commandes, les clients venaient toujours accompagnés d’une escorte, pour traverser la forêt peu accueillante. Ce matin là, notre forgeron venait tout joyeux à son travail. Pendant qu’il chauffait le fer d’une faucille, un de ses apprentis lui demanda :

_ Patron, que  vous est-il arrivé pour que vous sifflez pendant votre travail ?

_Pardon, je ne t’ai pas écouté, tu peux répéter ? Dit le maître des forges.

_ Je constate votre joie, c’est tout. Je sais ce qui vous est arrivé.

Raon se mit à trembler, il se pensait mort. Une sueur froide lui coula le long de la tempe.

_Vous avez remis ça pas vrai, fit le jeune apprenti avec un regard coquin.

_Ah oui ! Hier soir. Oui on a remis ça avec ma femme. Dit le   forgeron lorsqu’il a enfin compris. Il faut bien le faire avec son épouse pour avoir un enfant.

D’abord joyeux, les deux forgerons riaient mais ensuite Raon prit un regard noir et dit :

_Allez ! Allez ! On n’est pas là pour ce genre de sottises ! Retourne travailler sur ta hache pour le bûcheron Bern ! Tu ne l’as pas encore fini !

L’apprenti impressionné par ce changement de ton brutal mais si habituel, se remit au travail. Les apprentis forgeron avaient tellement l’habitude de ce violent changement d’attitude qu’ils ne virent que du feu.

Ce fut le tour d’Hélène de se réveiller. Elle  se leva puis découvrit le petit en train de brailler. Elle le fait téter encore une fois de la même façon que la soirée précédente. Puis elle se  décida enfin à s’habiller, avec une robe blanche en laine. Ce matin, elle allait faire son travail habituel, garder les cochons dans leur enclos et choisir lequel sera vendu, soigner les malades, nourrir ces beaux porcs, beaux porcs bien dodus, bien gras, bien puants. Cet enclos se trouvait juste à côté de l’arrière de la maison, entre une petite cabane juste devant la petite colline où la vraie mère du bébé était tombée et  un gros rocher en forme de tête de corbeau. L’enfant qui avait la vue sur les cochons et sa mère, gesticulait et riait. De ses deux petits yeux rouges, il observait les coins de la maison. Rien de très grand, il y avait juste la place du grand lit, de son berceau, d’une petite cuisine et d’une cheminé en pierre. Il vit ensuite des outils accrochés aux murs de bois dont été constitué la maison. Une grande lampe à huile suspendait au plafond recouvert de poussière. Puis le petit prit peur en voyant accroché au mur une tête de Drake aux écailles pourpres. Les cris parvenant jusqu’à la mère adoptive, Hélène sortit de la boue des cochons pour courir au secoure du bébé, quand elle entra dans la maison, elle découvrit son enfant la réclamant. Comme toute bonne mère, elle prit l’enfant dans ses bras et le serra fort contre sa poitrine. Le bébé, en pleurnichant, montre de son doigt la gueule béante du monstre inerte. Elle expliqua que cette créature était incapable de commettre le moindre mal. Quand le petit comprit que le monstre est mort depuis longtemps, il se mit à caresser les dents, puis la langue, puis ses épaisses écailles rougeoyantes, puis les yeux étrangement solides. Il été épaté par ce spectacle. La tête du drake avait gardé la blessure qui lui a été fatal, une longue plaie qui commençaient du bas de la gueule pour aller jusqu’à la gorge, traversa une épine du menton, et l’on pouvait remarquer que la lame est passée en travers de la langue en tranchant le palais. Et les arrêtes latérales été maculés d’un sang sec. La femme et le petit restèrent le reste de la journée devant ce trophée de lézard géant. Hélène raconta le récit d'un chevalier chasseur de monstres, traquant les bêtes jusque dans leur tanière. Ce trophée était l'un des derniers vestiges de ce lointain ancêtre de Raon. La légende raconte qu'un jour le chevalier affronta des loups géant, et qu'il disparu. Alors qu'elle narrait l’épopée de cet homme, l'enfant s’endormit.


Alors que Raon rentra de sa dure journée de labeur, le visage recouvert de suie et de poudre métallique, Hélène était en train de tricoter des vêtements pour le nouveau protégé.

_ Alors Algatarm, comment s'est passée ta journée, demanda la jeune femme. 

_Les croisés de l'Ordre étaient au village. Visiblement ils ont trouvé la mère de l'enfant.

Se piquant le doigt, Hélène s'interrompit brusquement, lâchant un hoquet de surprise. Le visage de son époux était sombre, il prit un linge sale pour s'essuyer le visage tandis qu'il s'assit devant le berceau. Son épouse comprenait la gravité de la situation, il fallait prendre une décision.

_Tu es sûr que c'est sa mère ? Demanda la jeune femme.

_Les elfes noirs sont rares sur nos terres, expliqua Raon. Mais celle-ci était unique. Elle portait une robe. Une robe ! Et elle employait la sorcellerie d'après le récit des combattants. Nous nous exposons en gardant cet enfant.

_N'est-ce pas toi qui voulait l'adopter ? Demanda Hélène offusquée, mais gardant le timbre de sa voix basse pour ne pas réveiller le nourrisson.

_ Je veux le garder ! Répliqua à voix basse le forgeron. Mais cela implique une lourde responsabilité. Cette chose n'est pas humaine, et ne le sera jamais. Nous pouvons l'aimer aussi fort que nous pouvons, cela n'enlève rien au fait que c'est une bête. L'élever revient à faire de nous des hérétiques !

Hélène comprenait les sentiments tiraillés de son mari. Les assassins de la mère de l'enfant n'étaient pas loin, et l'horreur de ce qui les attendait s'ils venaient à découvrir son existence envahi l'esprit d'Hélène. Peut être commettaient ils une erreur, mais elle ne pouvait se résoudre à offrir ce bébé aux mains de l'Eglise. 

_Elle nous l'a laissé, répondit Hélène à son mari. Et... je ne peux me permettre de l'abandonner à ces fanatiques. 

Le forgeron prit une grande inspiration, plongé dans ses réflexions. Héberger ce monstre faisait d'eux des parias, les sentiments contraires le tiraillaient, mais il prit finalement sa décision.

_Nous l'élèverons à l'abri des regards, agissons normalement, apprenons lui à vivre grâce à la nature, quand il sera fort il devra partir.

Le femme blottit le nourrisson contre elle, souriant tout en sentant peser sur elle le lourd poids de ces nouvelles responsabilités. 

_Il faut le baptiser.

_Oui mais quel nom ? demanda Raon.

_Je ne sais pas moi non plus, répondit Hélène, mais pour moi, c’est mon petit Warddan*.

_ Tien, ça t’irait bien comme nom mon petit. Toi, mon cher enfant, tu t’appelleras Warddan.

Warddan grandi dans cette petite maison. Pour qu’il puisse survivre pendant que des gens hébergent la maison, Raon lui a appris le savoir de son père. Il lui a enseigné comment savoir si un animal est mal en point, où est-ce qu’il est passé, comment parler la langue des Chamanes. Il lui a même raconté l’histoire de ses aïeuls. Warddan été admiratif des prouesses des ancêtres de Raon. Il a surtout aimé l’histoire de Dan, le chevalier qui réussi à vaincre le Drake noir. Il a adoré sa façon de décrire la stratégie qu’il a employé pour surprendre le drake sombre et lui fracasser le crâne avec son tilbroon*. Mais une de ces histoires n’apparaissait pas, celui du père de Raon. Un jour, en le regardant avec ses yeux rouges, lui demanda :

_Père, pourquoi tu ne racontes jamais l’histoire de grand père ?

L’homme gêné, regarda son fils, sa belle chevelure lisse et longue, si soyeuse, admira les insignes étranges sur la peau de son fils, et lui dit enfin :

_Mon enfant, je vais te la racontait aujourd’hui l’histoire de grand père, mais après c’est toi qui nettoie les cochons ! 

_Oui papa, répondit Warddan en riant et souriant. 

_ Voilà, un jour, Naös, grand-père, était parti traquer un drake rouge…

_ Mais papa, interrompit Warddan, ce ne sont pas les plus dangeureux ?

_Si mon fils, répondit le père, et ce drake là réduisait nos chaumes en cendre à l’époque, et vois tu, ton grand père était reconnut comme un excellent chasseur. Il a donc voulut se montrer qu’il valait mieux qu’un chasseur et voulait montrer au monde qu’il été digne d’être chevalier. Mais même si il était le meilleure, il été néanmoins affaibli par l’age.

C’est quand j’ai connu ta mère et que je suis devenu forgeron que mon père m’a fait un marché, si je lui forgeais une épée suffisamment puissante  pour vaincre le drake, il me laisserait me marier avec Hélène.

Donc je lui ai forgé une épée capable de fendre d'acier. Mon père pris l'espadon et s’en est aller chasser le monstre. J’ai été à ses côtés, pendant sa traque. Je l’ai aidé avec mon arc et mes flèches. Il les tranchait en deux comme du beurre. Il faisait siffler l’air de telle façon que nos ennemis n’en supportaient pas le son. Nous avions été aussi en compagnie des belles chamans. Ces femmes chevauchaient des loups de taille énorme, les autres loups à côté de cela semblaient Rän* ! Elles ne portaient que de quoi voiler  leurs parties intimes. Quand elle nous acceptaient sous leur Matchis*, elle nous donnaient le pouvoir de voir notre village à travers l’œil des loups. Des fois, elles nous donnaient des boissons fortes étranges. Leur union avec les loups était si fantastique. Ensembles, ils ne formaient plus qu’un, cœurs battants à l’unisson. Grâce aux chamans, les loups pouvaient parler et voler lors des pleines lunes. En échange, les chamans ont développé des pouvoirs surnaturels. Pour devenir chaman, la femme doit boire le lait de la Louve et la louve doit boire le lait de la femme, et ensuite la chaman choisi son compagnon éternel et bénie le loup avec lequel elle vivra le reste de son existence. Elle doivent accepter de dévoiler les peintures sur leur corps au Soleil, pour montrer aux dieux qu’elles sont devenues chamans. Elles nous donnèrent une potion, pour que nous soyons plus forts et plus résistants, parce que le drake les nuisait tout autant que nous. Nous nous sommes engagés à vaincre le drake pour le village, mais aussi pour les chamans. Avant de les quitter, une chaman m’a griffé sur le torse avec non plus des ongles, mais des griffes. Contrairement à ce que je pensais, cela ne me fit mal, mais au contraire, apaisa mon corps et mon esprit. Cette belle chaman je ne l’oublierais jamais, avec cette air mystérieux. Puis on est parti… finit il en remarquant que sa femme était pas loin.

_ Et toi, tu l’as toujours cette marque ? demanda Warddan.

_ Oui, répondit son père. La voilà ! 

Raon ouvrit sa chemise, dévoilant une cicatrice de griffure. Si personne n’en disait sa véritable origine, on penserait vraiment que c’est un loup qui l’avait faite. 

_ Je n’aurais jamais cru que ce genre de blessure me fasse du bien, surtout de la part de griffes de loup, continua le conteur. Je te souhaite vraiment de les rencontrer un jour. Contrairement aux hommes, ces femmes ne se fient pas à la race à laquelle tu appartiens, mais à ton cœur. 

_Tu peux continuer l’histoire Père ? reprit le petit elfe noir.

_Oh oui, dit une voix familière, ton père va continuer cette histoire sinon je lui couperais les oreilles en pointes comme les tiennes.

C’était Hélène qui tenait son enfant adoptif dans ses bras. Elle fixa très attentivement Raon. 

_D’accord, dit le père, puisque je suis pris le couteau sous la gorge, je continu mon histoire. Après nos séparations, nous sommes partis à la rencontre du drake, le terrible cracheur de feu. Nous marchions dans une petite combe sombre où les arbres étaient fréquents, mais les animaux bien rares, nous avions marché dans cette petite forêt quand soudain, nous vîmes de la fumée. Naös me fit signe de me taire et nous avancions dans la pénombre. Nulles branches ne craquèrent sous nos pieds, parce que lui et moi avions appris le secret pour que les brindilles les plus fines ne se plaignent pas quand on marche dessus. Après une centaine de pas, je vis le drake. Ce lézard faisait au moins six mètres de long et deux de hauts. Son dos était recouvert d’une épaisse cuirasse épineuse. Au bout de sa queue, une sorte de lame se formait. Il avait un cou très court mais une tête massive, et des cornes surplombé sa collerette. Il était juste devant nous, en train de dévorer voracement un jeune garçon, qui avait dû être arraché des bras de sa mère, ou qui s’était perdu, peu importe, il était vidé de ses organes devant nous. Quand mon père vit cette horreur, il n’a put se retenir, il fondit sur le drake. Il frappa si fort sur son torse que les écailles rouges de la bête partirent en éclat, comme du verre. Le monstre saignait abondamment de son brillant poitrail. De sa gueule béante en sortit des flammes, mais grand père réussi à les éviter. Pour sauver Naös, j’ai tiré une flèche dans l’œil du colosse mais celle-ci rebondit. Le monstre tourna la tête dans ma direction. Alors, dans un laps de temps très court, Naös frappa dans la gueule du drake et la lame s’enfonça jusqu’à la gorge. Mais la créature s’effondra sur lui et le tua net. Il était mort, mais il l’avais vaincu, et pour le prouver, j’ai coupé la tête du drake et je l’ai amené jusqu’ici.


Le puissant forgeron ne put retenir une larme en pensant à son père décédé, alors partageant son chagrin, le jeune elfe se blottit contre lui et lui fit une promesse :

_ Pour Naös, je deviendrai chevalier et préserverai ce qu’il y a de bon en ce monde, et plus personnes ne pleurera parce qu’il a perdu quelqu’un de cher.

Le père ému devant ces paroles, serra encore plus fort son fils contre lui. La nuit passa, puis le grand maître forgeron vit le soleil au zénith, il devait retourner à la forge. Une fois là-bas, il ordonna à tous ses disciples de rentrer chez eux. Il travailla de longues heures, sans que le village sache ce qu’il fabriquait encore avec ses Algatarms. Seul le bruit de son marteau sur l’acier résonnait dans le bâtiment.

Après un an de travail acharné, alors qu'ils fêtaient l'arrivé du printemps, main de fer rentra à la maison avec un objet emballé dans du tissu. L'elfe noir surpris fixa son père qui visiblement était joyeux. Avec un grand sourire, il lui annonça :

_ Je t’ai apporté une surprise. Tu te rappelles que tu voulais devenir chevalier ?

_Bien sûr que oui ! répondit Warddan.

_ Voici de quoi réaliser ton vœu.

Raon se pencha et prit de son sac une armure à l‘acier sombre, recouverte de runes et de glyphes. Un plastron aussi large que le torse du forgeron était tenu par une main noir de l’homme et des bottes d’aciers était tenu dans l’autre. Il posa ces partis de l’équipement sur la table et sortit deux gantelets, deux grosses mains de métal, dont le fer se prolongeait au-dessus de tout l’avant bras.

_De cette armure tu te protégeras face à la plus redoutables des haches ! Et… 

Raon se pencha à nouveau et sorti avec bien du mal l’épée géante.

_ Et à l’aide de cette épée tu pourfendras tes adversaires !

Malgré la réticence de son épouse, elle savait pour quel raison il avait confié pareil outil à leur fils. Cet enfant de quatorze ans était déjà suffisamment   fort pour porter une épée forgé par Raon, ce qui n’a jamais été fait par un homme adulte. Contrairement aux autres poignées, celle-ci fut douce au contact de la paume de la main. Le tissue et le cuir qui recouvrait le manche se combinaient à merveille, et nul garde ne se présentait, mais la lame géante se prolongea le long de cet poignée, prenant le rôle de protecteurs des mains du porteur. Le jeune garçon contempla l’épée qu’il avait entre ses doigts qui semblaient pourtant si frêles. Puis quand il la rabaissa vers le sol, le forgeron prit une mine grave. Il posa ses deux mains sur les épaules de son jeune garçon et lui dit :

_ Mon garçon, je sais ce que tu penses. Mais ne te fis pas aux apparences, ce n'est pas un cadeau mais un fardeau. Tu dois te préparer au jour où... tu devras nous quitter. Il te faudra accepter de commettre des choses horribles pour survivre. Tu seras traqué, notre monde est cruel envers les membres de ton espèce. Tu seras considéré comme une bête, tous voudront ta mort. Mais tandis que nous ne seront plus qu'un lointain souvenir, cette lame qui porte ton nom sera le liens qui t'unira à nous. Quoiqu'il arrive, surtout ne te frotte pas aux paladins, ils sont de loin les plus zélotes de tout l'Ordre.

Le garçon sentait le poids des paroles de son père, comprenant que bientôt, ses jours heureux seraient finis. Il serra fort le grand homme.

_Prions pour que jamais tu n’aie à utiliser ces présents, mais il faudra un jour te résoudre à te battre. Bats toi, et trouve ton havre de paix.

Depuis, les armes sont restées sous le bois sur lequel des pieds marchent à longueur de journée. Le jeune elfe continua de grandir à l'orée des bois, à l’insu des habitants du village. Pendant sa croissance, ses formes se perfectionnèrent. Son visage semblait être celui d’un ange qu’il n’ait malheureusement pas, ses beaux cheveux blancs étaient si longs, si fins, si lisses mais si soyeux. Ils semblaient appartenir à la soie la plus rare qui soit. Ses rétines étaient peut être rouges comme le sang carmin, mais aucune horreur ne se reflétaient dans ces deux beaux yeux ni la colère ni le cauchemar, mais l’esprit brillant de bonté que rares sont les enfants de son âge à l’avoir. Ses glyphes grandissaient en même temps qu’il grandissait, formants ainsi de magnifiques arabesques sur sa peau. C’est comme si des branches noires épineuses avaient poussé sous son épiderme. Les magnifiques glyphes se positionnaient au-dessus de ses sourcilles couleur pâle, sur ses joues, juste en dessous des fossettes. Il y en avait également sur son corps et son dos. Ses muscles également finissaient de se fignoler, son buste était semblable à celui des grands champions de lancer de Lancro*. Ses bras étaient aussi gonflés de chaires que ceux de son père. Même le plus beau des apollons aurait été jaloux en voyant ses jambes d’athlètes de ce jeune homme. Le beau adolescent allait dans environ cinq mois fêter les dix-huit ans du fameux jour où ses parents l’ont retrouvé devant la porte de son salut. Il savait s’organiser pour ses occupations. Le matin, il aidait Hélène à s’occuper des porcs, le midi il cuisinait avec sa mère, vers le début d’après-midi, pendant que la belle femme passait un peu le ménage dans la maison, l’elfe se faufilait dans les bois aussi sombre que son corps pour aller cueillir des racines, des légumes mais surtout des fruits sucrées pour une tarte. 

 Puis de temps à autre de la journée, le jeune homme noir observait  un homme barbu, qui marchait aux milieux des taillis. Par prudence, il se cachait toujours de son regard. D’après sa carrure musclé et imposante, il ne valait pas mieux être aperçut. Ses sourcils d’argiles formaient des bouclettes nonchalantes et sa barbe de même. Son arc fait de chêne devait peser au moins le poids plusieurs livres. Il y avait également une hache reluisante dont il pouvait distinguer les rayures de la pierre à aiguisé dessus.Son regard mauvais n’inaugurait rien de bon. Un soir, en voulant rentrer chez lui, il s’arrêta derrière un arbre et reconnu l’homme des bois. Lui et Raon parlaient fort, et le chasseur leva le poing à plusieurs reprises.

_...Une bête dans les bois !

_ Il est normal de trouver des bêtes dans les bois ! Affirma le forgeron. 

_ Ce n’est pas une simple bête, dit le chasseur. Je crois que tu me cache quelque chose !

Les deux hommes s’éloignèrent, le chasseur menaçait en montrant son énorme poing en l’air. Suite à cette mauvaise rencontre, Raon expliqua à son fils le soir venu, autour du souper, qu’il valait mieux pour lui partir en forêt pendant quelques temps. 

_ Ils vont organiser une battue, ils te traqueront certainement. Méfie toi des hommes comme de la peste, ils n’hésiteront pas à te tuer. 

_ Il n’abandonnera jamais ce Brudial ! S’exclama Hélène. Que ses morpions le tue et on sera tranquille !

_Père, interrompit Warrdan inquiet, pourquoi est-ce que je dois me cacher ?

Raon regarda son fils avec une mine sombre, sa femme lui posa une main rassurante sur l'épaule et lui dit calmement.

_Raon, je crois qu'il est temps que nous ayons une conversation avec ton fils, sur ses... semblables.

Raon s'essuya la bouche et posa ses deux larges mains sur la table. Le nourrisson qu'ils avaient recueillis était dorénavant plus grand que lui, ce qu'il n'aurait jamais cru possible il y a encore quelques années, et repensa aux termes durs qu'il avait employé pour désigner le bébé à cette époque. D'abord hésitant sur les mots, il finit par sortir de sa bouche la terrible leçon que devait apprendre son enfant.

_ Warddan, commença Algatarm, tu le sais sans doute, mais tu n'es pas humain comme nous. Si la plupart des elfes sont respectés, voir craints par certains, les elfes de... ton espèce n'ont plus la moindre once de raison. Ce que nous a enseigné l'Eglise sur ton peuple me révulse maintenant que je t'ai sous les yeux, et que je t'ai vu grandir, mais néanmoins elle a raison sur bien des aspect. Les elfes noirs sont des monstres.

Sur cette phrase semblable à un coup de poignard, Warddan sentit une pointe douloureuse dans sa poitrine, comme si il venait d'être piqué dans le vif. Sentant le malaise de son fils, le forgeron continua sa leçon néanmoins.

_ La plupart des elfes noirs sont plus des créatures que des personnes. Ils s'attaquent à quiconque les croise, ils sont aussi vicieux que redoutables. Bien que tu sois le seul représentant que j'ai rencontré, Warddan, j'ai entendu des récits terribles, des meurtres tout bonnement sauvages. Ils sont des prédateurs pour l'homme...

_ Je ne suis pas un prédateur ! S'exclama soudainement Warddan en frappant les deux mains à plats sur la table, se sentant insulté. 

_ Nous le savons, rassura Hélène en caressant le revers de la main de son fils adoptif. C'est pour cette raison que nous t'avons gardé, et que nous te protégeons.

_ Et parce que nous te protégeons, reprit Raon, nous sommes des hors-la-loi. Mais c'est un risque que nous avons considérés à l'époque, et que nous assumons aujourd'hui. Mais tu dois apprendre à craindre aussi bien les hommes que les autres elfes noirs. Et les autres personnes de ce villages auront raison de te craindre, car tu es un elfe noir, tout comme ces créatures barbares. 

Une grimace de chagrin se dessina sur le visage de Warddan, se sentant trahit par sa propre naissance. Ainsi, ses origines étaient t-elles si immondes que lui-même devait vivre dans la peur. Mais le grand homme contourna la table pour attraper son fils par les épaules. 

_ Ne te sens pas coupables de crimes que tu n'as pas commis, dit-il. Nous ne laisserons personne te faire du mal, car tu as beau être considéré comme un démon par les miens, moi je te vois tel que tu es. Tu es mon fils, ma plus grande fierté. Oui Warddan, tu devras apprendre à survivre seul, éviter la civilisation, loin de tout. Ce fardeau que tu portes est immense, mais j'ai confiance en toi, un jour, tu trouveras toi aussi le bonheur.

Tout en caressant tendrement les joues de l'elfe noir, Raon releva la tête de son fils vers lui en lui souriant, retenant ses propres larmes.

_ Demain nous partirons dans les bois profonds, il y a une rumeur de créature immense dans le domaine des Chouettes Noires. Seul un homme aussi déterminé que fou oserait pénétrer un territoire aussi emprunt de légendes morbides, ce sera la cachette parfaite pour toi. Je ne garantie pas que personne ne viendra te chercher là-bas, mais à défaut de mieux ce sera ton meilleur repaire. Aussi, promet moi de toujours cacher ton existence, quelques soit les moyens employés. Si quelqu'un te trouve, fait le taire, même si cela signifie le tuer.

Hélène et son fils adoptif eurent tous deux un frissons glaciale qui leurs parcouru toute la colonne vertébrale. La femme s’appuya sur la table en y plaquant ses deux mains et s’écria:

_ Tu peux répéter ? Tu veux qu’ils tue les hommes du village ?!

_ Exactement Hélène, répondit Raon sur le même ton. Lorsqu’il ne pourra plus fuir, il devra tuer. C’est une question de survie ! Même les plus gentils d’entre eux voudront tuer notre enfant ! Jamais je ne permettrais une chose pareille ! 

_ Que comptes-tu faire pour protéger ton fils ? Demanda Hélène.

Le forgeron plissa ses sourcils, en quête de réponses. Son visage ne laissait pas transparaître sa peur, mais sa sueur le trahie. Il se leva de table et dit:

_ Je partirai avec eux.

_ Comment ? Demanda Hélène. 

_ Si je me retourne contre le village je ne parviendrai jamais à sauver notre enfant. En les guidant dans la mauvaise direction j’aurais une chance de les empêcher de faire du mal à Warddan. Je suis l'homme qui connaît le mieux ces bois, ils me feront confiance. Quand à Brudial, méfiez vous de lui, c'est un braconnier redoutable, et obstiné. Mais sa peur du surnaturel le dissuadera peut être.

L’idée semblait bonne. Hélène et Warddan regardèrent attentivement le forgeron pendant qu’il expliquait ce qu’il comptait faire. Dans la nuit, éclairés par une simple torche dans la pénombre de la forêt profonde, l’elfe noir et son père adoptif disparurent. Ayant prit un sac de provision sur son dos, l’adolescent suivait le forgeron à travers le bois. La pluie se mit à tomber à la renverse alors qu’ils atteignaient le territoire des Chouettes Noires. La torche s’éteignit et les deux voyageurs s’abritèrent sous leurs manteaux de cuir couverts de graisses. Ils choisirent un arbre sous lequel ils dormirent. Cette partie des bois que Warddan n’avait jamais exploré était un endroit peu accueillant. Des ronces noires poussaient à ras du sol et en hauteur, formant fréquemment des murs épineux. Le lendemain ils entrèrent dans une clairière illuminé par les rares rayons qui traversaient les branchages des arbres lugubres. 

_ Bon, fini par dire Raon. C’est ici que nous nous séparons. Va au-delà de la colline et ils ne viendront jamais te chercher là où te seras. On dit qu’elle est maudite et que seul les déments oseront y aller.

_ Père.

Raon regarda son fils et le tapota dans le dos. Ils savaient qu’ils allaient passer des heures sombres. L’homme passa sa canne de la main droite à la gauche et sortit de sa poche une dague assez large pour trancher dans le cuir d’un sanglier.

_ Un vrai père ne devrait jamais dire ça à son fils, mais si jamais cette histoire tourne mal, utilise la. J’aime les gens de ce village, mais tu es tout à mes yeux. Si l’un d’eux t’attaque, plante lui ça dans le ventre et cours. Peut être tu ne l’utiliseras pas, mais mieux vaut être prudent. 

Il cala l’énorme couteau entre les doigts de Warddan en lâchant quelques larmes. Il donna son arc et ses flèches puis le serra fort dans ses bras.

_ Dans une semaine, tu pourras rentrer. En attendant, reste caché. Tu devras rester prudent. 

_ Oui père. 

Raon embrassa son fils sur le front en priant Dieu de leurs porter secours. Et ils se séparèrent, partant dans des directions opposées.



Warddan marcha longtemps travers les bois, et au bout d‘une journée entière de marche, il put enfin rejoindre le versant de la colline. Il se déplaçait le moins possible, car il savait qu’il était en lieu sûr ici, la forêt était lugubre en cet endroit. Le feuillage des arbres cachait le soleil et plongeait tout ce qui était en dessous dans une alcôve ténébreuse, où même un ours pouvait passer inaperçu. Dans son sac, Warddan avait de quoi tenir jusque dans les délais prévus par son père. La nuit, il dormait en se perchant sur un arbre, se calant entre les solides branches. Les chouettes attendaient souvent que la lune soit levé pour partir en chasse. Il fallait attendre des heures pour en apercevoir une seule des fois, tant elles étaient discrètes. Les plumes n’émettaient aucun son lorsqu’elles battaient des ailes, si bien que les rongeurs ne voyaient les messagers de la mort qu’au tout dernier moment. Warddan se sentait comme ces souris, menacé à tout instant, et ignorant tout de la chouette qui volait peut être au-dessus de sa tête, incapable de lui échapper. Un matin, alors qu’il venait tout juste de descendre d’un arbre, Warddan entendit un bruit venant d’entre les buissons, à une trentaine de pas de lui. Un morceau de bois tendu était plié, tordu par une force exercée vers l’intérieure. Il eut juste le temps de se retourner et sauter sur le côté pour éviter la flèche qui le érafla la joue. Il sentit sa chaire déchirée sur son visage par une pointe de fer, juste avant qu’elle ne se fige dans un tronc d’arbre. Il tomba et roula sur le côté, se tenant sa joue balafrée. Il sentit une douleur dans sa poitrine, c'était son cœur qui s’emballait. Il leva les yeux, tétanisé de peur. C’était la première fois qu’on tentait de le tuer. Lorsqu’il vit jaillir des fourrés le chasseur avec lequel son père s’était disputé, il fut paralysé de terreur. L’homme aux cicatrices se saisit de sa hache à la ceinture et s’approcha de sa proie, sans presser le pas tout de fois. Il savait que sa victime n’irait pas bien loin. Il cracha par terre, découvrit ses dents gâtés et dit:

_ Je savais bien que j’avais vu une bête. Un elfe noir. Maudite bestiole, je vais te fendre le crâne et te dépecer.

Brudial se pencha et attrapa Warddan par les cheveux, le jeta violemment contre un arbre et lui assena un coup de pied dans le ventre. L’elfe noir plié de douleur leva les yeux juste à temps pour voir la hache qui s’abattait sur lui, l’évita et fit le tour du colosse. La lame de fer se figea dans le tronc, mais le chasseur la ressortit aussitôt et frappa une nouvelle fois vers Warddan qui baissa la tête. En frappant avec son épaule, il fit reculer son agresseur et lui asséna un cou de pied dans le genoux. Profitant que Brudial était déstabilisé, il se saisit d’une pierre par terre et le frappa au visage avant de prendre la fuite. Le chasseur sonné se releva difficilement et regarda l’elfe noir disparaître sous les ténèbres des arbres. Il prit son arc et se lança à sa poursuite. Un peu plus loin, Warddan aperçu un fossé et se jeta dedans, espérant pouvoir s’y cacher. Ses mains étaient tremblantes. Jamais auparavant il ne se sentit aussi mal. Il regarda par-dessus la motte de terre, il ne vit rien. Il se laissa glisser contre le pan de la tranchée naturelle et soupira. Enfin, il n’était plus là.

Une grosse main le saisit juste à ce moment là, et l’extirpa de son trou. 

_ Tu n’es pas très futé sale monstre ! Lui rugit Brudial alors qu’il frappait Warddan avec d’un coup de poing  en plein visage. 

L’elfe noir tomba face contre terre, les lèvres saignantes. Lorsqu’il tenta de se relever, l’énorme pied du chasseur lui fracassa le dos. Ensuite, il sentit la violente caresse de la botte contre ses côtes, le faisant rouler comme une vulgaire pomme de pin. Alors qu’il gémissait de douleur, Brudial s’essuya les lèvres maculé de sang d’un revers de manche, là où Warddan avait frappé.

_ Je pensais que les elfes noirs étaient plus costauds que ça. On m’avait même dit que c’étaient des tueurs nés. Je ne vois là qu’un trouillard qui se fait dessus. 

Il leva sa hache, prêt à achever sa victime. Tout de fois, pendant le cours laps de temps durant lequel il avait parlé, il ne vit pas l’elfe noir se saisir d’un énorme couteau à la ceinture et regretta amèrement de ne pas avoir remarqué ce détail lorsque la dague se planta dans son mollet. Il lâcha son arme pour se tenir la jambe et s’effondra, en hurlant de douleur. Warddan se releva, donna un coup de pied au visage de Brudial et s’enfonça dans la forêt. Après cette terrible aventure, il resta terré sous les racines d’un vieux chêne durant une journée entière. Le chasseur devait avoir abandonné sa chasse, gravement blessé il n’avait guère d’autres choix que d’aller au village se faire soigner. Il redescendit la montagne, vigilant à chacun de ses pas. En fin d’après-midi, il se détendit, la battue avait certainement sonné sa fin et les villageois étaient rentrés chez eux. Il se pencha au-dessus d’un ruisseau et s’essuya le visage de son propre sang. La fraîcheur le raviva, et durant un instant il se sentit enfin libéré de l’oppression de la peur qu’il avait ressentit quelques jours auparavant.

Mais en levant les yeux, à travers les branchages, au loin, il vit des armures qui brillaient au soleil. Et parmi elles, il y avait un homme portant une armure blanche et tenant une bannière, orné d’un oiseau d’or entouré de lumière. Il se cacha, les épia, et les suivis sur une courte distance. Il reconnut Brudial parmi eux, il avait deux béquilles et boitait derrière l’homme en blanc. Ils avaient dû le retrouver en forêt, et Brudial les guidaient jusqu’au village. Il fallait qu’il aille prévenir Raon et Hélène. Warddan partit au milieu des arbres et se dirigea vers l’habitation de ses parents adoptifs. 

Lorsqu‘il arriva, la maison était vide, et guidé par don instinct, il décida de suivre le sentier menant au village. Une fois arrivé à ce dernier, il se cacha à l'orée du bois, le dos à un arbre. Le grand homme à la bannière cria haut et fort, suffisamment pour que même Warddan là où il se situait puisse entendre:

_ Moi, Paladin Phénix Lurthor, ainsi que ma troupe, avons rencontré un braconnier de votre village alors que nous enquêtions sur une affaire liée au Comté de Féraldal, il nous a parlé d'un elfe noir qui aurait trouvé refuge dans vos bois. Au nom des Croisés de l’ordre, nous vous prions de nous avertir lorsque vous voyez la créature ! Ici présent, un de vos citoyens affirme avoir été agressé par l’une de ces bêtes ! Nous vous prions de coopérer au nom de l’Ordre afin de tuer cette créature !



Warddan senti une boule dans sa gorge, il voulut la hurler tant elle lui faisait mal. Il ne voulait qu’une seule et unique chose, rentrer, manger la bonne soupe d’Hélène et se serrer très fort contre son père. Quand les Croisés de l’Ordre réquisitionnèrent les maisons pour s’héberger, la maison de Raon et d’Hélène servit aussi de foyer pour les soldats. Warddan se retrouva sans possibilité de rentrer chez lui, il avait faim, il avait froid et la seule maison où il pouvait dormir jusque là était occupé par ses chasseurs. Pour se cacher, il se dissimula dans les bois de la petite colline. Quand le soleil se coucha pour laisser place à la lune, il put voir trois soldats se bâfrer des seules provisions de ses parents et jeter par terre le gras, denrée rare et précieuse. De plus, les militaires avaient pris une jarre qui contenait apparemment  de l’alcool très fort,  constatant leur état d‘ébriété avancé. Avec leurs arcs ils tiraient dans le mur, pour le plaisir d‘entendre la musique de la corde et de la flèche se plantant dans le bois. Raon servit encore des lentilles et des morceaux de lard à la demande d‘un soldat tandis qu‘un porc hurlait, comme si on l’étranglait. 

_Ne bougez pas, je vais voir ce que c’est, fit un soldat saoul.

_Non, je suis sûre que vous préféreriez manger cette bonne assiette, je vais voir ce que c’est moi-même, répondit le forgeron.

_D’accord, mais ne revenez pas les mains vides, hein forgeron charcutier ! Et les soldats se mirent à rire d’un sarcasme sinistre.

Le grand homme se dirigea vers l’enclos des cochons et observa chaque bête, et une d’entre elle portait une marque de dents. Soudainement, une main l’aspira à traîner  dans la boue, l’homme en avait plein la barbe.

_Montre toi sacri…

_Chut papa, fit une voix familière, ils vont nous entendre.

Raon reconnu tout de suite la voix de son fils.

_ J’ai dut mordre les fesses de la grosses Monique, et j’avoue que je les préfère après que tu les ais cuisiné.

_ Tu es bien le fils de ton aïeul, fit l’homme crasseux, toi seul savais qu’après toi et Hélène, ce sont mes cochons qui me sont mes plus précieux trésors à mes yeux.

Soudainement, ils entendirent du bruit provenant de la maison, c’était Hélène qui appelait à l’aide. Un soldat complètement ivre avait attrapé la femme par le bras et la gifla. Deux de ses compagnons la plaquèrent sur la table. Hélène cracha en direction du premier soldat. Il s’essuya le visage, regarda la paume de sa main et frappa une nouvelle fois Hélène.

_ Hé ben ma jolie, c’est mal de cracher sur ses invités ! Montre moi que tu es une femme !

Il lui écarta les cuisses, remonta les pans de sa robe et défit la boucle de sa ceinture. 

_ Elle à l’aire bonne la femme du forgeron, dit un homme qui la maintenait tandis qu’elle hurlait.

_ Ouais, sacrément bonne.

Il laissa tomber son pantalon et s’approcha d’elle en lui caressant le visage. Il la saisit par les épaules et plaqua le bas de son corps contre le sien.  

Raon et Warddan sortirent de la boue et sautèrent au secours de la femme en détresse. Le forgeron donna un crochet magistral à l’agresseur de sa femme :

_Bat les pattes ! Hurla Raon décrochant un second coup de poing dans le nez du violeur qui tomba à la renverse.

Warddan frappa si fort dans le planché en bois qu’il se brisa en deux. Il mit sa main à l’intérieur du trou et en sortit l’épée géante. Les deux autres inquisiteurs reculèrent, dégainèrent leurs lames et chargèrent l’elfe noir. Un bruit de métal tranchant la chaire résonna dans la maison, et une éclaboussure pourpre éclaboussa la tête de drake, puis les deux soldats tombèrent, tranchés en deux, laissant échapper leurs boyaux visqueux qui glissèrent sur le parquet. Le soldat à la marmelade à la place du nez se mit à hurler de terreur, voyant ses deux compagnons déchiquetés, et l’elfe noir le transperça de toute la longueur de l’immense épée faisant jaillir sang et hurlement hors de la bouche sa bouche. Un crie à glacer le sang retentit dans la maison. Pour le faire taire, Warddan prit la tête de l’agonisant et lui cassa la nuque, comme un vulgaire lapin. 


Warddan regarda l’étendu du désastre, une marre de sang recouvrait le planché fracassé. Trois soldats faisaient office de fontaines de sang dans la maison. Le spectacle était terrifiant. Warddan s’agenouilla et regarda ses mains, dégoûté. Son épée venait de faire ses premières victimes. Il compris enfin la véritable fonction d’une arme : prendre la vie. Ses glyphes sur la peau se mirent à briller de couleur pourpre pendant quelques secondes et s’éteignirent rapidement. 

_Il faut se débarrasser des corps sinon on est mort ! Fit le père. 


Warddan acquiesça et se leva,

_ On va donner les corps aux cochons, dit le forgeron, ils ne laisseront aucune trace. 

_ Raon ! fit sa femme.

_ De toute façon, ils mangeaient leur chaire, les porcs mérite leur revanche. 

L’elfe noir et son père prirent dans un sac les cadavres et jetèrent les morceaux des soldats aux porcins.

_ Je suis un monstre, fit Warddan, je suis un monstre.

_ Tu n’avais pas le choix, dit son père, n’importe quel humain aurait eu exactement le même réflexe que toi. De plus, ce sont eux les agresseurs.

Pendant que Warddan et le forgeron parlaient, un des cochon sucer le pied cadavérique d’un militaire et fit un rot magistral.

_ De plus, je n’avais plus rien pour engraisser les cochons, remarqua l’homme barbu avec une note d'humour pour apaiser. Regardes les se régaler !

_Arrêtes Père ! J’ai déjà vu assez d’horreur ! Lâcha Warddan en repartant vers la maison éclairée par la lampe tachée de sang. 

Les os des cadavres craquèrent sous les dents des porcs affamés, dont la face était maculée de pourpre mélangé à la boue. Raon senti la douleur de Warddan, et la peine qu’il devait endurer. Il se mit à regarder le festin que les animaux étaient en train de prendre. Une des bêtes s’attaqua aux intestins dégoulinants du ventre déjà troué de plusieurs dizaines de groins. Raon regarda pendant un moment ce spectacle repoussant, mais il fut sorti de sa rêvasserie par une rumeur qui provenait du village. Il semblait que des bottes piétinaient une terre mouillée depuis le sentier. Le forgeron prit de panique partie à la rencontre d’Hélène et de Warddan, et se mit à parler rapidement : 

_ Aidez moi à prendre les cadavres de porcs, vite !

_Ceux morts de la Néran* ? Pourquoi faire ? demanda la femme.

_Je n’ai pas le temps d’expliquer ! Faites le c’est tout !

Et la famille se mit à prendre des cochons morts sur un gros tas, et se mirent à les entasser sur la table, Raon prit son plus grand couteau et se mit à trancher les ventres des carcasses du haut de la cage thoracique jusqu’à l’anus à une vitesse éclair, et sortit un maximum de tripes. 

_Warddan ! Vas-t’en ! Vite ! 

L’adolescent affolé sortit de la maison et se cacha au milieu des broussailles. 

_Hélène, donne moi ma hache ! Fit le forgeron ;

La femme prit la hache à côté du bois et le lança à son mari. Au moment où Raon rattrapa la hache, le chef de la commune ouvrit la porte. Le grand homme coupa la tête du porc et s’écriât :

_Bonsoir, j’étais en train de vider mes porcs morts de la Néran.

_Bien, fit le chef du village, mais pourquoi avait vous coupé la tête de celui. Et où sont passés les gardes qui étaient avec vous ? 

_A vrai dire Rodret, répondit Raon, ces bons p’tits gars n’ont pas l’estomac solide. En me  voyant vider les porcs, ils se sont enfuis dans la forêt pour vomir leur bile. Et d’ailleurs, à force de sentir la moisissure de ces cadavres jaunis, je crois que je ne tarderais pas à les rejoindre.  

Quand Rodret se mit à sentir l‘air pestilentiel, ses poumons lui brûlèrent et il sortit de la maison, puis gerba dans la bauge à cochon. Trop étourdis pour voir l’hémoglobine sur le groin des porcs, et pour voir ce qu’ils mangeaient dans la boue, le petit homme qui avait craché ses tripes ne se dévoilait pas sous son meilleur sous le regard attentif du Paladin. L’homme à l’armure blanche sortit lui aussi de la maison à cause de l’odeur infecte, mais lui ne se contenta que de prendre de grande inspiration d’air frais, à quelques pas de l‘entrée. 

_ Après avoir enlevé les organes de ces porcs et les avoirs brûler, nettoyez votre maison ! La vue de ce sang sur les murs et l’odeur imprégné ici me répugne !


Les cochons formaient un cercle à présent autour de leur repas, et seul leurs énormes derrière était visibles. 

_ Et vos porcs, fit le petit chef de communauté, quand j’étais en train de vomir ma bile, j’ai vu que vos animaux mangeaient quelque chose mais je n’ai pas pus voire ce que c’était.

Raon commença à trembler et à transpirer. L’odeur ne faisait que monter la pression, mais il finit par sortir finalement :

_Des pommes, oui ils mangeaient des belles pommes que j’ai trouvées sur un pommier au fond de la forêt. J’ai profité du beau temps pour aller chercher des fruits pour engraisser mes belles bêtes. Vous croyez peut être que c’est avec du foin qu’on fait des couronnes* ?

_Bon, on est rassuré, reprenez vos occupations.

Et les deux hommes sortirent de la maison, Raon rassuré, lâcha son couteau et serra très fort sa femme. 

_Et si on sortait prendre un bain, suggéra Hélène, parce que cette odeur me répugne moi aussi. 

_Warddan, tu peux rentrer maintenant.

L’elfe noir rentra dans la pièce, se boucha le nez et se mit à rire :

_Allons à la rivière, nous en avons besoin de ce bain. 

Et les trois compères partirent à la rivière, et prirent un bain de nuit. L’elfe avait pris son arme à porté de main. Pendant que Warddan faisait la planche, il vit la lune pleine lune d‘argent illuminer le ciel obscure. Mais au bout d’un moment, à force de fixer cette lune, il rentra dans une sorte de rêve. Il se vit dans les bras de son ancienne mère, il entendit au loin les cris au loin, des bruits agaçants d’armure. Ce rêve se révéla être en réalité un souvenir, le souvenir de la nuit où il rencontra Raon et Hélène. Il revit la flèche qui transperça la jambe de sa mère, de la colline, et des grosses bottes pleines de boue. Mais le rêve se répéta plusieurs fois, la course poursuite, les cris, le grincement de sa de sa mère. Puis il se concentra sur la course poursuite. Il revit mainte et mainte fois la scène qui repassait en boucle. Mais à chaque fois, il se souvint qu’à un moment donné, sa mère se plia et lui permit de voir ce qui la poursuivait. Là, il vit un homme qui se distinguait des autres. Cet homme était équipé d’une armure blanche et d’une épée éclatante. Mais avant tout, il se fit la remarque que ce visage lui était familier, qu’il avait déjà vu quelque part. Mais brutalement, une douleur lui traversa la jambe, comme si quelque chose s’était incrustait à l’intérieur. Il sortit de sa transe et se vit dans l’eau qui avait viré au rouge et une flèche plantée dans sa jambe droite. Puis il leva les yeux et vit les Croisés de l’ordre qui tenaient des arcs. Les archers décochèrent leurs flèches, Warddan plongea dans l’eau et tenta de nager jusqu’à la berge de l’autre côté de la rivière. Ses parents avaient disparus, que leurs étaient-ils arrivé ? Mais il n’y avait pas le temps de se poser la question, il devait nager jusqu’à la berge qui était si proche, mais si loin. Sa jambe mutilée ne lui permettait pas de nager plus vite. Il se retourna et aperçut les soldats qui plongeaient dans l’eau. Il tenta de nager plus vite, mais sa jambe mutilé l‘en empêchait, il aurais souhaité la couper si c‘était possible. Les militaires s’étaient débarrassés de leurs armures, libres de leurs mouvements ils étaient plus rapides que lui. Warddan ne se concentra plus que sur la terre qu’il allait attrapait, après il serait sauvé, mais un poids énorme le coula et stoppa sa progression. Il sentit une force le ramener de l’autre côté, sans qu’il puisse lutter. Il tenta de débattre, mais rien à faire, il était immobilisé.  Une fois la tête sorti de l’eau, il hurla, mais la force continuait à le traîner. Il tenta en vain de se raccrocher aux racines, aux rocher et à la terre, mais rien ne stoppa la force, qui le traîna jusqu’au village. Devant la maison du chef de commune, la force cessa de le tirer et le retourna. C’était l’homme qui avait l’armure blanche qui l’avait traîné jusqu’ici. L’homme fier de lui et s’écria :

_ Soldats de la Croisé de l’ordre, regardez le travail d’un Paladin, c’est comme ça qu’il faut s’y prendre avec eux !

Et le paladin lui donna un violent coup de pied dans la pommette.

_Il faut frapper là où sa fait mal !

L’homme continua de frapper Warddan de son gros pied. Il lui écrasa aussi de la même violence à l’entre jambe. Le mutilé se plia en deux et grogna un long moment. 

_Voyez-vous, c’est comme un chien enragé, il faut aller au bâton !

Et le paladin prit un gourdin frappa à déchirer la peau.

_C’est comme les bœufs, sa se fouette !

Et les soldats prirent un morceau de bois, l’attachèrent sur les épaules du captif à l’aide de cordes et le maintinrent debout. Le paladin prit un fouet à la corde métallique, et se mit à se déchaîner sur le corps noir de l’adolescent. Pendant qu’il claquait le bout de son arme sur la chaire saignante, il parla de races, de pureté et de saints esprits. Au bout plusieurs coup de fouet répétitif et douloureux, Warddan se mit à hurler de douleur. On pouvait distinguer des éclats de chaire s‘éparpiller en l‘air avant de retomber dans la boue. Le supplice était si horrible que le ciel même se mit à lâcher des larmes. En écoutant ces cris inhumains, la population vint voir le terrible événement qui se produisait devant la maison de Rudret. Bientôt, Warddan n’eut plus de voix à force de crier de douleur. Ses cheveux si blancs furent tachés de son sang, et le ses épaules quasiment à vifs. A chaque claquement, il ressentait de nouvelles convulsions, et chaque convulsion semblait ravir le guerrier blanc. Cette horrible torture sembla durer une éternité, sous une pluie torrentielle, montant le niveau de la boue des bottes jusqu’au genoux. Warddan n’entendait plus rien, hormis le claquement du fouet et les plaintes de son corps martyrisé. Des fourmis parcouraient son corps, il tenait debout uniquement parce que les deux soldats le soulevaient, les brûlures de ses blessures irradiaient tout son être d’une flamme malsaine. Alors qu’il perdit tout espoir, alors qu’il était en train de mourir de douleur, il leva la tête et vit une femme noire aux cheveux blancs. Elle cria en direction des Croisés et se sauva dans la forêt, le paladin ordonna à ses hommes de la poursuivre. Il lâcha son fouet et prit l’épée de l’elfe noir. 

_ Créature diabolique, regarde cette épée. Elle est couverte du sang de mes hommes. Les monstres comme toi naissent dans le but de convertir ce monde aux malheurs et aux ténèbres. Tu as semé le mal, et je suis là pour ramener la justice. Tu as tué mes hommes avec cette lame, soit, tu mourras par cette lame.

Le paladin s’agenouilla devant Warddan pour mieux lui montrer l’arme qui l’exécutera. En le regardant, le détenu se souvenu de son rêve. L’homme qui avait tué sa mère avait le même visage que le paladin qui se dressait devant lui. Alors en un instant il  entra dans une colère noire et prit les deux extrémités de la planche de bois qui le retenait et la brisa en deux. De ses deux mains libres, il s’empara de son arme des mains du paladin et le frappa de son poing ce qui projeta le guerrier en armure blanche sur les murs de la maison du chef de commune :

_Assassin ! Cria Warddan avant de fondre sur le paladin.

N’obéissant qu’à son instinct, il décrivit un arc de cercle avec la lame géante, et il savait à ce moment précis qu’il allait changer son destin à jamais, que le temps viendra où il le regrettera.

La tête du paladin vola pendant un long moment avant de retomber tandis que le corps s’effondra sur la terre humide. La lame de Warddan goûta à nouveau au sang des hommes. La foule autour de lui s’écarta de quelques pas, transit de peur. Il sentit les sentiments de chaque personne qui l’entourait. Lorsqu’il se retourna, les habitants reculèrent d’un autre pas. Warddan avança, ils s’écartèrent de nouveau du démon. Son regard croisa celui d’une petite fille tenu par une femme. Il aurait voulut leurs dire qu’il n’avait jamais voulu que les choses se passent ainsi, mais lui-même avait peur d’eux. Il tituba vers sa maison, son dos déchiré l’irradiait de douleur. Les gens s’écartèrent de son passage, toujours aussi silencieux. Il reprit le sentier jusque dans sa petite chaumière, l’elfe noir prit quelques vêtements dans une bassine à côté de lui puis parti dans la forêt, une chemise de cuir, un pantalon vert foncé et une ceinture. Au milieu des décombres du planché, il en sortit le sac contenant l’armure forgé par son père. Il le serra très fort contre son cœur, repensant à son ancienne vie qu’il s’apprêtait à abandonner. Il sortit et referma la porte derrière lui. Dans l’enclos, il n’y avait plus le moindre bruit, plus le moindre animal, juste des énormes masses allongées aux flancs percés d’une multitude de flèches. Il le contourna sans attarder son regard d’avantage sur ce que ses yeux ne voulaient voir. Il s’enfonça dans les profondeurs des bois, grimpant la petite colline à la tête de corbeau. Les ténèbres s’épaississaient, un nuage noir dévora la lune. Il marcha jusqu’à se retrouver dans une clairière. Pour ne pas trop s’encombrer, il prit son sac et mit son armure sur le corps. Il enfila les gantelets, puis le plastron. Il en profita pour s’arracher la flèche qui était coincée dans la jambe. Il prit un morceau de tissu qu’il mit entre les dents et tira de toute sa force sur le bois de la flèche, et l’enleva d’un coup sec. Ses nerfs qui étaient à l’intérieure des muscles lui dégagèrent une décharge de douleur intense qui paralysa son membre transpercé. Il se mit à grogner, puis enfila ses bottes d’aciers. Puis il remarqua que sur le dos du plastron, il y avait des lanières de cuir qui s’entrecroisaient, assez espacées pour y laisser passer son épée, mais assez tendues pour ne pas la laisser s’échapper. Il y rangea la gigantesque lame dedans et cette fois-ci, se mit à courir très péniblement, à cause de sa jambe blessée. Il traversa toute la forêt, jusqu’aux montagnes des Sylves, puis décida de faire une pause à un étang pour se désaltérer et reprendre des forces. Il prit l’eau qu’il pouvait dans la paume de ses mains et prit quelques gorgées. Sa jambe et son dos massacrés le torturaient encore, cette brûlure dorsale l’empêchait de se coucher, et sa jambe trouée l’empêchait de rester debout. Il s’assit donc sur un rocher plat et se massa la jambe brûlante de douleurs. Il resta des heures sur ce rocher, dans cette clairière encerclée par les arbres. Pendant ces heures de peine, seule la lune servait de compagnie à l’elfe noir. De ses grands yeux rouges, il regardait les étoiles. Des larmes tombèrent dans l’étang pendant cette nuit. Il passa le reste de la nuit éveillé, dormir sans vraiment dormir, rêver les yeux grands ouverts, rester dans la clairière en ayant l’esprit ailleurs, ressassant les souvenirs de son père et de sa mère. Un vend chaud lui effleura le visage, et une odeur désagréablement aussi chaude. Il décida donc de monter en haut de la colline pour voir d’où venait ce vent brûlant. 

En montant les dernières pentes, il put regarder au-dessus des arbres tremblants. Là, il vit à l’emplacement de son village une lumière éblouissante. La demeure qu’il avait toujours connu partait en cendre devant ses yeux, ses dents grincèrent à l’intérieur de sa mâchoire. Il détourna son regard et entassa un tas de brindille sur les racines d’un chêne et s’allongea sur le flan de son corps. Il réussi à fermer les yeux et finit par s’endormir. Mais son sommeil ne fut que de courte durée, car les lueurs de l’aurore le réveillèrent. La fraîche rosée du matin avait recouverte les feuilles vertes des grands arbres, laissant passer au travers un petit arc-en-ciel. Malgré le beau spectacle, l’elfe resta couché, revoyant cette nuit atroce qu’il venait de passer. La chemise qu’il avait prise avant son départ était encore mouillée du sang qui avait coulé de son dos. Sa colonne vertébrale ne pouvait plus le soutenir, son mollet était tressaillit de douleur, et de son torse ressortaient des contusions saignantes. Les traces du fouet le paralysèrent encore pendant de longues heures. Il resta longtemps immobile sur son lit provisoire, sans pouvoir faire le moindre effort. Sa cage thoracique semblait être enfoncée dans sa poitrine, lui coupant le souffle. Si par malheur un puma passait dans les environs, il ne pourrait pas tenter la moindre tentative de fuite. Il aurait était une proie parfaite, mais il semblait que les animaux avaient autre chose à faire que de s’occuper de son cas. Lorsque le soleil fut à son zénith, l’elfe noir réussi à étirer un bras pour s’accrocher à une branche pour mieux s’installer aux milieux des racines du vieux chêne. Les aiguilles de pins lui picotaient les jambes traînantes par terre. Péniblement, lentement mais sûrement, il réussi à s’abriter sous son arbre protecteur. Une fois confortablement installé, il se mit à fermer les yeux pour s’endormir, mais une gêne torturait son peu de sommeil. Il eut l’impression d’être  observé par des yeux invisibles, espionné par un fantôme. Mais cette impression disparut peu à peu, et réussi à faire sa petite sieste périodique. Il réussi à rêver que cette nuit abominable ne s’est jamais produite, qu’il était toujours en compagnie de Raon et d’Hélène, en train de manger des délicieux travers de porcs marinés aux Flaïa*. Mais son magnifique rêve fut interrompu par un bruit sourd et lourd. Il semblait qu’une masse marchait sur les racines où il s’était caché. Puis des reniflements bruyants d’une grosse créature traversa le bois tremblant. De petits morceaux de terre tombèrent dans les cheveux blancs de Warddan, puis des insectes sortirent de petits trous dans les racines. Toutes ces petites bestioles partirent vers l’extérieur et s’éparpillèrent dans toutes directions. Les pas lourds continuaient à faire trembler le chêne pendant quelques minutes. Des sueurs froides coulèrent du front de l’elfe et traversa du haut de sa tempe jusqu’au menton. Ses yeux rouges essayaient d’apercevoir la cause de ces tremblements, mais les racines étaient trop serrées pour les laisser voir.

Le bruit semblait se rapproché et des expirations de reniflement recommencèrent. Et l’horreur le saisi, il vit le bout d’un grand museau, avec une grosse truffe aspirant tout sur son passage. Le grand nez se rapprocha de ses jambes paralysées, et sans pouvoir faire le moindre mouvement, il se mit à prendre de la terre. Bientôt, le museau poilu toucha la jambe mutilée. Sur ce, l’elfe sauta comme il put et jeta la terre qu’il avait prit sans voir à qui appartenait cette truffe. Dans son élan, il se mit à ramper de toutes ses forces, mais une patte griffue l’attrapa. 


Le poids le stoppa net et commençait à l’écraser. Warddan eut l’impression que ses côtes rentraient dans ses poumons, l’empêchant de respirer. Il se mit à crier au secours, suppliant qu’on vienne le sauver. Mais rien à faire, aucune personne ne se manifestait à l’horizon. Seuls des grands arbres feuillus se présentaient devant lui. La même patte griffue qui l’écrasait le retourna comme une crêpe. Le dos déchira le jeune elfe, ce qui lui fit hurler de douleur. Le cri inhumain pourtant semblait inaudible, ses poumons étaient vides de ses appels incessants. Quand Warddan tourna la tête pour voir son agresseur, il se trouva nez à nez avec un loup géant. La bête devait être bien plus grande qu’un cheval, et ses pattes plus grosses que la tête de l’elfe. Le museau gris de l’animal était aussi long qu’une de ses jambes. Les poils formaient une bosse entre les  omoplates et ses moustaches étaient si longues et fines qu’elles semblaient être de grands fils de lumières. Mais les crocs gigantesques rappelaient la nature de l’animal.


L’elfe tenta d’échapper  au regard hypnotique de ces grands yeux jaunes, mais la bête l’emprisonnait sans lui laisser la moindre possibilité d’un moindre mouvement. Un petit oiseau fit un joli petit gazouillis au loin qui résonna dans tout le bois, et s’envola de sa branche pour survoler le spectacle terrifiant. Le loup ouvrit sa grande gueule et rugit si bruyamment qu’une nuée de volatiles partie vers les cieux. Après avoir humé l’odeur fétide de la bouche du canin géant, les paupières de l’elfe se firent lourdes. Il put tenir jusqu’au moment où il senti la gueule de la bête l’attraper par son buste. Il sombra dans un sommeil profond, comme si il était mort. 


Ses yeux furent voilés de noir l’empêchant de voir le jour, le soleil, et toute chose. Au bout d’un moment, une lumière intense illumina son esprit troublé, puis s’éteignit laissant place à la flamme des torches qui l’entouraient. Il était seul au milieu d’une caverne, et sur les parois des peintures rupestres étaient dessinées. Des loups étaient représentés sur les murs, et avec la lumière des torches, ils semblaient bouger. L’elfe se leva et caressa un de ces dessins. Au lieu de sentir la solidité de la roche poreuse, une douceur se présenta sous la paume de sa main. C’est comme si une épaisse fourrure se matérialisait sous les doigts qui frottaient la représentation du loup. Il se mit à mieux examiner l’endroit où il s’était retrouvé. 


La grotte formait une demi sphère, et le sol sur lequel il marchait était un sable qui lui était inconnu. Un sable fin mélangée à du gravier gris. Puis, une étrange chanson tribale commença à résonnait dans la grotte lumineuse. Tout d’abord, la chanson semblait inaudible, puis on commença à percevoir le son des voix indigènes. Puis par la suite, la musique devient de plus en plus forte, jusqu’à en faire trembler les parois de la grotte. On pouvait parfaitement deviner que les voix chantantes étaient composées de voix de femme et d’une voix d’homme. Des tambours roulèrent, les phrases se précisèrent et se raffinèrent. « Rassoun, Rassoun, alra Rem ! Rassoun, Rassoun, alra Rem ! Rassoun, Rassoun, alra Rem ! Rassoun, Rassoun, alra Rem ! Rassoun, Rassoun, alra Rem !... »


La chanson se répéta systématiquement pendant que le plafond fondait pour laisser place à un ciel nuageux, et le tonnerre gronda, laissant place à une pluie glacée. Les loups peints sur le mur partirent au contact de l’eau et glissèrent jusqu’au sable humide. Un éclair éclata de lumière le ciel et des formes sortirent de la terre. Des loups par centaines apparaissant ainsi se mettaient à faire leur hurlement sinistre. Dans la tête de Warddan, tout se mettait à tourner autour de lui, comme si il était un cyclone. La grotte disparut pour laisser places à une forêt de loups géants. Les paroles de la chanson s’accélérèrent en même temps que la musique. Cela pendant de longues minutes incessantes. 


Soudainement, sa vision s’arrêta sur un loup encore plus grand que les autres. Un grand et monstrueux loup noir, ayant un œil borgne, une longue cicatrice parcourait sa tête gigantesque depuis le haut du crâne, en passant par l’œil blanc troué, pour arriver jusqu’au bas du museau. « Rassoun, Rassoun, Rassoun alra Rem ! » fit une dernière fois encore plus fort la chorale tribale. La musique s’arrêta pour laisser place au silence le plus total. Le loup noir toucha de sa truffe le front de Warddan et une grande lumière blanche éblouissante envahit la vision. De la lumière blanche pure, une tout autre lumière envahit sa vue, une lumière jaunâtre d’une flamme.


D’abord des formes floues lui sont apparues, puis ces formes se précisèrent, puis une ombre recouvrit ses yeux. Les contours finirent de se préciser, le temps pour qu’il réalise qu’une femme était au-dessus de lui. Celle-ci prit un objet mou et mouillé et l’appliqua sur son front.

_ Jaron ! s’écria t-elle, Jaron, il se réveille. 

Les longs cheveux bouclés tombèrent sur visage du jeune elfe, des cheveux noirs. 

_Jaron ! Tu n’es pas là ?

_Si si, dit une voix d’homme qui semblait se résonner sur des parois, J’arrive Mélane !

L’adolescent tourna un peu la tête et aperçut le loup qu’il avait rencontré sous le vieux chêne. Sa bouche était occupée par un cerf qui effleurait le sol de ses pattes. L’énorme bête posa ce qui était censé être sa proie, et rapprocha sa tête gigantesque prêt du visage de la jeune femme. 

_ Il s’est fais battre par les hommes, comme tes cousins à quatre pattes, dit la jeune demoiselle au loup.

_Il devrait s’en remettre, sortit de la bouche du loup qui le sentait. Ses blessures sont douloureuses, et ses cicatrices sont fragiles. Si on en prend soin, il devrait être rétablit dans deux ou trois mois. 

L’elfe noir n’en crut pas ses yeux, le loup s’était mit à parler devant lui. Pensant halluciner, il referma les yeux et se remit à dormir.


Paladin : Un prêcheur de la Croisé de l’ordre. Plus haut gradé qu’un général.

Tilbroon : Une hache ayant une lame à chaque extrémité. 

Néran : Une maladie mortelle du porc qui attaque le système nerveux, provoquant des tâches jaunâtre sur la peau et ainsi de mauvaise odeurs. Il faut brûler le cadavre du porc, sans les organes sous risque de répandre la maladie. Il faut donc enterrer les organes retirés dans une terre argileuse.          

Mantouc : Affamé.

Gavilion : Un métal très rare et très précieux.

Zaïlandia : Un métal si rare que les noms de ceux qui ont trouvé un filon de ce métal restèrent à jamais graver dans les mémoires.

Le Raichelen va te manger : l’équivalent de « le loup va venir te manger ».

« La Mestigane » ! : Une injure que nous refusions de traduire.

Lïanès : Une fleur donnant un goût délicieux à la soupe.

Algatarm : En Etalen*, signifie « Main de métal » Alga : métal

                                                                               Tarm : mains

Etalen : la langue parlée en Etale.                             

« Ce n’est pas avec de la paille qu’on fait des couronnes ! » : Une expression étalen qui signifie qu’il faut mettre toutes ses chances de son côté. 

Pélinier : Arbre fruitier sur lequel pousse des Pélines. La Péline est un fruit à coque.

Zweïhander : Une épée à deux mains de très grande taille. 

Flaïa : Une herbe aux arômes délicieux. 

Le lancer de Langro : Ce sport consiste à lancer un bâton auquel on accroche aux bouts de ses extrémités deux disques de métal souvent très lourds. Seul des personnes ayant beaucoup d’entraînement et beaucoup de muscles peuvent pratiquer cette activité. 

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