Comment écrire un mémoire de maîtrise ?

Chapitre 5 : Première présentation devant le jury et lettre après la présentation

1628 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 26/12/2023 20:51


Voici le compte-rendu de la première présentation devant le directeur (M. D.) et les membres du jury (Ch. S. et L. G.), le 7 février 2012, 13h, salle de conférence du Département de Philosophie.


M. B. : « Bonjour, Messieurs. Bienvenue à ma première présentation de mon projet de mémoire. Celui-ci s'intitule « La pertinence ontologique de la mythologie dans les films modernes. Le cas d'Héraklès dans Hercule (1997) ». Dans notre premier chapitre, intitulé « Le cadre théorique », nous exposerons certaines considérations méthodologiques qui nous serviront de cadre pour notre mémoire. Nous proposons de s'inspirer des notions d'archétype (que nous empruntons au psychiatre suisse Carl Gustav Jung), de mythe et d'Être Mythique (que nous empruntons à l'historien des religions roumain Mircea Éliade) pour mieux comprendre la présence des mythes dans les films contemporains. Nous discuterons en détail les présupposés philosophiques et ontologiques de ces notions, en affirmant qu'il est dans l'essence de l'Être Mythique d'être un archétype. Ce présupposé se profile dans les notions des deux auteurs mentionnés. [S'ensuit une parenthèse sur la notion aristotélicienne de l'ontologie, en tant que science de l'être en tant qu'être et sa manière de la reprendre pour le cas des Êtres Mythiques-archétypes.] Dans le second chapitre, intitulé « Les méthodes interprétatives de Jung et d'Éliade », nous nous intéresserons à l'application des méthodes interprétatives mentionnées au film à l'étude. Il s'agit de présenter notre grille d'analyse cinématographique qui s'inspire des méthodes interprétatives des rêves de Jung et de l'herméneutique des mythes d'Éliade. Dans le troisième et dernier chapitre, intitulé « Les mythes d'Héraklès et ses reprises cinématographiques », nous aborderons en tant que tels les mythes du héros grec en question puis leurs présences ou leurs absences dans le film Hercule de 1997. Mais pourquoi s'intéresser à Héraklès ? Premièrement, il est le héros par excellence de la mythologie grecque, auquel les autres sont comparés. Deuxièmement, il est le seul héros à partager la table des Olympiens, les autres ne sont que les sujets des chants des aèdes ou des ombres dans l'Hadès. Troisièmement, en tant que héros, il est un archétype important selon le psychiatre suisse Carl Gustav Jung. En tant que tel, Héraklès a sa force même en tant que bébé et il connaît plusieurs épreuves pour gagner son immortalité. Pourquoi s'intéresser aux mythes ? La mythologie est omniprésente dans la modernité et se manifeste dans les films, les séries, les romans, entre autres. Voilà pour ce qui est pour l'intérêt de notre sujet. Notre mémoire cherche par là à actualiser les postulats théoriques de Carl Gustav Jung et de Mircea Éliade. Par ailleurs, elles se complètent à merveille, car la théorie d'Éliade reprend celle du psychiatre suisse. Et tous deux reprennent à leur manière la notion du Sacré telle que formulée dans le très célèbre écrit de Rudolf Otto intitulé Le Sacré. »


M. D. : – Merci, M., pour ta présentation. Maintenant, passons aux questions !


Ch. S. pense : « Zut ! Je n'ai pas lu le texte ! Je l'ai débuté ce matin, mais j'ai renversé du café dessus et je n'arrive pas à le lire... »

Ch. S. dit : – Je suis simplement étonné de l'ampleur du projet de mémoire... Je suis sans voix... Chapeau ! Je n'ai pas de question...

L.G. : – Moi, j'ai une question... En quoi est-ce justifié de rattacher la notion aristotélicienne de l'ontologie avec la notion d'archétype ? Ce sont des notions totalement différentes ! Attention à l'anachronisme !

M. D., d'un ton irrité : – N'auriez-vous pas des propos plus constructifs ? M., peux-tu seulement nous expliquer les raisons pour rapprocher les notions d'archétypes et d'êtres mythiques ?

M. B. : – Oui, bien sûr. [S'ensuit une réponse improvisée à la question posée.]

M.D. : « Je crois bien que la séance de questions est terminée. M., peux-tu te retirer à l'extérieur, le temps que nous discutons ? »

M. B. : – Oui, bien sûr.


Une fois l'étudiante sortie, M. D. prend la parole : « Messieurs Ch. S. et L. G., comment avez-vous trouvé la présentation de M. B.? »

L. G.: – Quel audace ! Surtout pour mentionner des auteurs qui ne soient pas des philosophes !

Ch. S.: – Son érudition est étonnante ! Très bien documenté, mais un tel projet de mémoire ne convient pas à notre Département. Il convient davantage au Département de Religion. Ce n'est pas assez philosophique...

Ch. S. pense : « Ça fait longtemps, la dernière fois que j'ai lu Le Sacré de Rudolf Otto ! Ce n'est qu'un détail ! De sorte que je n'ai pas du tout suivi les explications de l'exposé de Mademoiselle M. B... Dans tous les cas, Rudolf Otto n'est pas un philosophe ! »

M. D. : – Bon, il est vrai que ni Carl Gustav Jung ni Mircea Éliade ne sont des philosophes, mais la manière dont M. B. les amène est intéressante...

L. G. : – C'est intéressant, mais ça dépasse mes compétences !

M. D. : – Je vous ai déjà averti qu'elle est une originale... Tu sais très bien, L., que tu n'étais pas obligé d'accepter d'être l'un des membres du comité de suivi...

L. G., froissé : – Je le sais !

M. D. : – S'il vous plaît, soyez indulgents... Et reconnaissez son originalité...

Ch. S. : – Oui, nous le reconnaissons. Seulement la base philosophique n'est pas du tout évidente.

L. G. : – Je suis tout à fait d'accord.

M. D. soupire puis pense : « Qu'ils prennent leurs pilules, mais qu'ils ne remettent pas en doute mon autorité ! J'en discuterai avec le directeur du programme... »

M. D. dit : – Donc, chers collègues, nous convenons pour quelle note pour cette présentation ?

Après quelques minutes de silence, Ch. S. répond : – 50%!

L. G. hoche discrètement de la tête.

M. D. soupire puis dit : – Personnellement, je dirai 80%... Mais il faut s'entendre...

Ch. S., un sourire méchant aux lèvres : – Si tu fais la moyenne des deux chiffres, ça donne 43.

M.D. : – Au moins 60, s'il te plaît !

Ch. S. : D'accord, mais à une seule condition...

M. D., froissé: – D'accord. Et dans tous les cas, elle doit revoir le projet.

Ch. S. et L. G. approuvent ses propos. M. D. les remercie d'être venus. Et il invite l'étudiante pour lui expliquer la situation. La note pour cette première présentation est de soixante pour cent. « Par ailleurs, » ajoute M. D. « il faudrait mettre de l'avant la valeur philosophique de ton projet. Tu me feras parvenir ça dans une semaine puis nous en discuterons par la suite ? »

L'étudiante hoche de la tête et salue son directeur. Sa joie est tombée d'un coup. Mais elle réfléchit à son projet de mémoire.





Lettre de M.B à M.D. après la première présentation devant les membres du jury, 14 février 2012, 8h30.


Bonjour, Monsieur M.D.,


Je vous écris ce présent message pour vous faire parvenir mes réflexions à la suite de la première présentation. Le document se trouve en pièce jointe.


Je vous en souhaite une bonne lecture !


Je vous prie d'agréer, Monsieur M. D., mes considérations respectueuses.


M. B.


Pièce jointe : Refonte du projet de mémoire après la première présentation.

Nous proposons une grille interprétative pour comprendre les mythes dans le film d'Hercule. Il s'agit de prendre au sérieux les considérations de Mircea Éliade sur le mythe (et son herméneutique) et de Carl Gustav Jung sur l'archétype (et son interprétation des rêves). Dans le premier chapitre, nous exposerons les notions de mythes et d'archétype, puisque nous définissons les Êtres Mythiques comme des archétypes, ce qui explique comment ils sont encore présents dans les films, ces derniers étant les médiums par excellence à leur manifestation. Évidemment, nous retirons les considérations psychologiques dans la notion jungienne, de manière à l'adapter à un contexte philosophique. Dans le second chapitre, nous exposerons notre manière de reprendre les méthodes interprétatives de Carl Gustav Jung et de Mircea Éliade en les appliquant aux mythes dans le film à l'étude. Dans le troisième et dernier chapitre, nous aborderons les mythes du héros grec Héraklès et leurs reprises dans le film à l'étude, à savoir Hercule (1997).




Réponse de M. D., 15 mars 2012, 1h.


Bonjour, M.,


J'ai lu le document que tu m'as envoyé. Il est très bien écrit, seulement, il ne faut pas perdre de vue que nous sommes dans le Département de Philosophie. En ce sens, je te propose d'aborder peut-être Paul Ricœur, qui s'est encore le plus intéressé à la notion du récit (puisque tu avances que le mythe est une forme de récit irrationnel). Tu pourrais, par exemple, développer dans la rencontre entre deux formes de récits, à savoir le mythe et le film. Sinon, tu peux toujours prendre pour base la notion ricœurienne du récit et de l'herméneutique, puisque tu sembles proposer une manière d'interpréter le film d'Hercule. Mais tu peux toujours voir du côté de la littérature cinématographique, car beaucoup d'auteurs traitent de la reprise des mythes dans les films contemporains.


Nous pouvons en reparler si tu le veux.


Cordialement,


M.


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