La dernière prophétie de la Sibylle de Cumes

Chapitre 2 : La quête

4711 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/12/2023 21:39



Par une journée ensoleillée d'avril 2990, Oïmiakon, Russie, isba de Vladimir Pavlovitch Radostine et de Vera Petrovna Bogdanova-Radostina, 10h.


Vladimir Pavlovitch Radostine travaille la terre du jardin arrière. Sa femme est dans la cuisine, en train de préparer des pierogis au choux et à la viande hachée. Tout à coup, à sa droite, une entité se manifeste : son Ange gardien. Vera Petrovna sourit. Il lui apparaît comme un être diaphane, comme une silhouette de lumière blanche. L'Ange a une voix douce, sévère et éthérée. Il lui dit (en parlant mentalement avec elle) : « Vera, tu dois retrouver les deux autres Éclairés et les convaincre d'être dans la Résistance ! »

Étonnée, elle demande mentalement : – Comment le saurais-je ?

– Par le signe !

Et l'Ange disparaît dans un flot de lumière aveuglante, forçant Vera Petrovna Bogdanova-Radostina à se retourner. Elle revient trente secondes plus tard à ses pierogis. Elle est perplexe, fronce des sourcils et pense : « Je n'imagine quand même pas commencer à regarder les mains de tous les gens que je rencontre pour savoir s'ils ont un début de sixième doigt ? » La Russe se signe puis, le temps que les pierogis se cuisent au four, réfléchit aux propos de son Ange gardien.


Vladimir Pavlovitch, alléché par l'odeur qui se dégage de la hotte, entre dans la maison, se change en vitesse puis se rend dans la cuisine. Remarquant son air pensif, ses yeux bleus perdus dans le vague, son front plissé, il s'assied en face de Vera Petrovna et lui serre la main droite, celle qui a un sixième doigt, en signe de soutient. Ce contact la sort de ses réflexions. Elle lui sourit. Leurs regards se croisent, leurs yeux bleus se rencontrent. Vladimir lui dit de sa voix masculine, d'un ton calme: – Qu'est-ce qui se passe ?

– Mon Ami veut que je retrouve d'autres gens comme moi... Et je ne sais pas comment faire...

Après quelques minutes de silence, en câlinant toujours le dos de la main droite de sa femme avec son pouce, il dit : – Si tu commençais en Russie ? Je t'aiderais !

Tout à coup, l'Ange gardien de Vladimir Pavlovitch apparaît à sa droite. Vera dégage sa main de l'emprise de son époux. L'Ange dit : – Vladimir, il est mieux pour toi de rester ici. Vera saura s'organiser. Nous l'aiderons.

Vera à Vladimir : – Ton Ange dit qu'il est mieux pour toi de rester à la maison et de ne pas m'accompagner. Les Anges, le Seigneur et le Christ m'aideront ! Je ne doute pas...

Vladimir murmure : – D'accord.

Vera à l'Ange : – Pourquoi ?

L'Ange: – Parce que les sbires ne doivent pas savoir cette réunion des Éclairés... Pour ne pas mourir avant l'heure voulue par le Seigneur.

Vera : – Je comprends. Merci beaucoup !

Et l'Ange disparaît dans un flot de lumière aveuglante.

Vera à Vladimir : – Il faut être discret pour ne pas être repéré...

Vladimir hoche de la tête; il comprend pourquoi elle doit mener seule sa quête. Il l'embrasse tendrement sur les lèvres en signe d'encouragement.



À Naples, les Déchiffreurs consultent les informations en temps réel sur les candidats de la Prophétie. Massimo Brugnoli et Gennaro Cingano suivent Vera Petrovna Bogdanova-Radostina ; Benedetta Corti et Amedeo Grimaldi, Emmanuel Jungmann ; Manlio Nicosia et Jeffrey Norvig, Mariana Greenhous ; Dante Pignatelli, Benito Premarin et Giuseppe Simonetti, Guillaume Lejeune. Bruno Guzzo attend dans ses appartements, l'oreillette suspendue à son oreille gauche, avide de nouvelles et impatient d'entendre le téléphone sonner. Ainsi, ils savent que Vera Petrovna s'est rendue au village voisin, Khara-Tumul, à trois kilomètres d'Oïmiakon. La jeune femme fait sa route à pied, afin de ne pas attirer l'attention des espions et des hommes-zombies. Cependant, les espions ignorent qu'elle est guidée par son Ange gardien. Avant d'entrer dans le village, notre pieuse Russe se signe discrètement et adresse une courte prière à la Mère de Dieu. Là-bas, elle remarque des esprits qui se promènent. Elle parvient à les convaincre de quitter définitivement le monde des vivants. Elle est accueillie par une vieille femme pieuse, avec laquelle elle se lia d'amitié. La villageoise lui offre hospitalité et lui souhaite bonne chance dans son voyage. Notre passeuse d'âmes la bénit en retour. Ensuite, Vera se rend à Kyubeme, un petit village d'une cinquantaine d'habitants. Elle règle discrètement quelques cas d'esprits errants. Ensuite, elle se rend à Razbilka, où une famille la prend sous son aile, agissant ainsi sous l'impulsion de leurs Anges gardiens. Vera Petrovna continue ainsi de village en village. Bien que fatiguée de sa marche, elle garde espoir de mener à bien sa mission et prie mentalement pour que Dieu et le Christ bénissent tous les vrais croyants. Rendue à Iakoutsk, une ville en Sibérie centrale, elle se fait discrète et feint de ne pas voir les esprits, les Anges et les Démons autour d'elle. De sorte qu'elle passe inaperçue. N'étant point repérée par les hommes-zombies qu'elle rencontra chemin faisant, Vera Petrovna continue sa route, se rendant ainsi à Keptin, où personne ne voulait lui offrir l'hospitalité. Elle passa alors la nuit à l'extérieur du village. Des démons viennent lui occasionner un cauchemar, la laissant fatiguée le lendemain matin. Sauf qu'elle récite mentalement ses prières matinales pour se remettre en ordre. La seule chose qui la désole, c'est l'absence d'église. Elle s'efforce de prier en son for intérieur que Dieu sauve tous les croyants. Motivée par sa propre foi et par les encouragements de son Ange gardien, elle trouve la force de continuer sa route. Ensuite, Vera Petrovna se rend à Tuobuya, un village inhabité de la région. Seuls des esprits et des Démons y rôdent. La jeune femme se signe, ce qui fait disparaître les Démons. Mais les esprits la fatiguent beaucoup. Vera pense « Âmes sournoises, dégagez de ma vue! » Elle implore ardemment le secours de son Ange gardien et des Saints; son Ange gardien intervient, mettant en fuite les méchants esprits. Après, Vera, guidée par son Ange gardien, se rend à Kempendyay, un petit village de 480 habitants. Elle traverse ainsi les différents villages. À chaque endroit, des âmes errantes recherchent son aide; elle le fait discrètement, aidée par son Ange gardien et par des Esprits Observateurs (qui savent tout ce qui se passe). Heureusement, la passeuse d'âmes n'a pas été repérée (même pas par les caméras), car son Ange gardien agit sur les esprits qui entourent les hommes-zombies de manière à ce qu'ils ne la remarquent point et sur les caméras de manière à ce qu'elles soient en panne pendant quelques minutes.


Vera Petrovna Bogdanova-Radostina se rend ainsi sans encombre dans la ville de Mirny, à 816 km à l'ouest d'Iakoutsk. Elle récite mentalement le Canon pour l'Ange gardien avant d'entrer dans la ville. Vera s'étonne de ne pas être arrêtée comme une vagabonde suspecte. Elle remercie le Ciel de veiller sur elle. Tout ce voyage lui prendra un mois. À Mirny, depuis le mois de mai, son Ange gardien lui dit d'attendre les autres Éclairés; ils la rejoindront bientôt. En les attendant, elle prie en son for intérieur dans un petit appartement de Mirny qu'elle a loué. Et elle espère les repérer lorsqu'elle fera ses commissions ou au cours de l'une de ses promenades en après-midi. Seuls Massimo Brugnoli et Gennaro Cingano, informés du voyage de la Russe par leur réseau d'espions, sont perplexes. Ils se demandent bien pourquoi elle ira se perdre loin de son village, et sur l'avis de quel ami elle agit ainsi... Ils n'ont rapporté à Bruno Guzzo que la Russe est à Mirny.



À Kaliningrad, Russie, mai 2990, 14h.

Emmanuel Jungmann est à son lieu de travail: il est enseignant d'allemand aux jeunes Russes dans un collège depuis janvier. Au milieu de son cours, il reçoit la visite de son Ange gardien, qui lui ordonne de se rendre au plus vite à Mirny, en Russie. Il le dit à mi-mots à sa femme, Maria Vladimirovna Belinskaïa-Jungmann. Cette dernière dit à leurs enfants, Samuel (cinq ans), Sarah (trois ans) et Damir (deux ans), qu'ils iront passer les vacances en Russie. Elle embrasse son époux tendrement sur les lèvres. Le jeune homme sait qu'il doit s'y rendre en famille pour ne pas attirer l'attention des suppôts du Diable. Ainsi, il n'est pas bizarre de voir une famille passer ses vacances ailleurs que dans son quartier. Il s'y rend une fois qu'il est en congé d'été, pour ne pas avoir à demander à son supérieur une permission de congé spéciale, ce qui pourrait être mal vu. Il décide de partir pour le 27 mai 2990. Emmanuel Jungmann, sur le conseil de son Ange gardien, prend l'avion de Kaliningrad à Moscou, puis un autre de Moscou à Novossibirsk, puis un autre de Novossibirsk à Mirny. La durée du vol est de 37 heures et 25 minutes. Tout son voyage se fait sans incident, car son Ange gardien brouille les différentes caméras des aéroports lorsqu'il passe près d'elles, de sorte que les espions ont perdu sa piste. Rendu à Mirny, Emmanuel Jungmann et sa famille se promènent dans la ville, comme tous bons touristes, avec des lunettes solaires sur le nez lorsque la journée est ensoleillée.



Fin avril 2990, Ottawa, Canada, Andreas Nickau a sa journée de libre et la passe avec sa femme, Claire Giroux-Nickau. Le jeune couple se promène dans un parc près de leur appartement. Tout à coup, près d'un arbre, il remarque deux êtres de lumière: aucun doute, des Anges. « Celui de ma femme et le mien », pense Andreas. Les deux entités confirment d'un mouvement de tête positif. Il leur demande mentalement: « Que voulez-vous ? »

L'un des Anges lui répond d'une voix éthérée : « Tu dois te rendre à Mirny, en Russie ! Et va-y avec Claire ! »

– Pourquoi ?

– Pour rencontrer d'autres Éclairés, car tu n'es pas le seul qui peut nous voir...

– Pour me rassurer et avoir de la compagnie...

– Oui ! Je te propose de prendre le prochain vol pour Moscou, puis ensuite de faire le trajet jusqu'à Mirny.

– Merci ! J'en avertirai Claire.

Et les deux Anges disparaissent de sa vue. Andreas murmure à l'oreille de Claire qu'ils pourront partir en vacances au cours des prochaines semaines. Il n'aura qu'à demander à son patron deux semaines de congé. Étonnée, le jeune femme lui en demande la raison. Elle soupçonne forcément une histoire d'esprits. Il lui dit que c'est son ami qui lui a donné l'idée; elle comprend tout de suite qu'il s'agit d'un Ange. Elle sourit et accepte son idée. Une semaine plus tard, il obtient deux semaines de vacances. Le jeune couple prend l'avion pour Moscou. Pour ne pas éveiller les soupçons des hommes-zombies qu'ils ont rencontré dans les aéroports, Andreas et Claire décident de passer une semaine à visiter la capitale de la Russie. Puis, ils prennent l'avion en destination de Mirny. Les deux jeunes visitent la ville, main dans la main, de manière à ce qu'Andreas cache son sixième doigt sur sa main gauche. Le jeune homme remarque alors une Russe, un peu plus âgée que lui, aux yeux bleus et aux cheveux blonds ramassés en un chignon, vêtue d'une longue robe beige. Nulle autre que notre Vera Petrovna Bogdanova-Radostina. Les trois Anges gardiens se saluent comme des bons amis. Andreas comprend que la Russe est une Éclairée. Le couple décide de lui demander une information banale, de sorte que les deux passeurs d'âmes se voient de face. Et leurs Anges ajoutent qu'il doit y avoir un autre ami qui se joindra à eux. Ce n'est qu'à la fin mai qu'Andreas Nickau et Vera Petrovna Bogdanova-Radostina remarquent Emmanuel Jungmann, car son Ange gardien salue les leurs comme un ami. Voilà donc le début d'une amitié entre nos trois Éclairés, qui se rencontrent soit dans l'appartement des Nickau, soit dans celui des Jungmann. Heureusement, les hommes-zombies ne les remarquent point, car leurs démons sont endormis par les Anges gardiens. Les espions aussi ne remarquent pas cette réunion, car les Anges gardiens ont réveillé les bonnes âmes, qui ont embrouillé les caméras et les autres appareils d'espionnage. De sorte qu'il y a une « panne informatique généralisée ». Inutile d'insister sur l'étonnement et la panique des espions... Cette « panne informatique généralisée » est expliquée dans les nouvelles de la manière suivante : des hackers malveillants. Voilà une panique générale !



Londres, Angleterre, avril 2990.

Marianna Greenhous est à son lieu de travail. Pour elle, c'est une routine de balayer les articles des clients puis de leur demander le mode de paiement. Ses gestes sont rapides, car répétitifs: les mêmes gestes jour après jour, année après année. Sinon, elle prie en son for intérieur que Dieu lui soit clément et que sa journée se passe sans incident. Elle est révoltée d'entendre cette moquerie à peine cachée de la religion... « Comment expliquer notre existence, si ce n'est que par la Volonté d'un Être suprême ? » pense la jeune femme. Sauf qu'elle tait ses convictions, puisqu'elle sait le traitement qu'elle subira : la Minute de la Haine. Ce rituel, elle l'abhorre depuis qu'elle a rencontré une pieuse chrétienne de l'Église d'Occident. La dame venait faire ses commissions. Et elle lui adressa une bénédiction sincère, de sorte que le client après elle l'insulta et lui demanda son nom. Son identité était aussitôt vérifiée au Commissariat de la police de Londres. Le lendemain, son nom et sa photographie étaient sur les télécrans pour la Minute de la Haine. Voilà quelques mois que la pauvre vieille dame est défunte, tuée par un policier. Marianna Greenhous récita alors pour elle l'oraison funèbre d'un recueil de prières qu'elle a réussi à trouver dans une boutique d'antiquités. La caissière de la boutique, prenant le petit recueil pour un livre banal, accepte de le lui vendre. Contente, Marianna la remercie et revient chez elle, où elle cache sous son matelas le livre, afin que ses parents ne le trouvent point. À chaque soir, elle lit ce petit recueil de prières, de sorte qu'elle les apprend par cœur. Les espions qui transmettent les informations à Manlio Nicosia et Jeffrey Norvig, qui se penchent sur la jeune rebelle, se demandent pourquoi elle est sur écoute. Il semblerait que depuis la mesure disciplinaire qu'elle a subi à dix-sept ans l'a ramené quelque peu à l'ordre. Elle travaille machinalement, comme ses autres collègues, tout en consultant journalièrement les offres d'emplois sur le site « Travailler à Londres ». Le seul événement qui brise cette monotonie est le relevé de paie à chaque deux jeudi. Mais les espions zélés continuent de l'espionner, même s'ils trouvent absurde leur mission.




Chaudun, France, avril 2990, 9h.

Guillaume Lejeune travaille la terre, comme d'habitude. Sa femme, Océane Lafortune-Lejeune, s'occupe de leurs enfants, François et Mathieu. Étant un pieux catholique, comme le reste du village, il prie en son for intérieur que Dieu et les saints l'aident à entretenir sa famille. Sauf que ces gestes de dévotion n'échappent pas aux espions qui le regardent, perchés depuis un arbre (Pour s'y rendre, ils sont parachutés, au cours d'une nuit, depuis un petit hélicoptère). Ils l'observent d'avril à juin. Et c'est en juin que Guillaume trahit sa piété feinte, mais que les espions prennent pour réelle. Il est immédiatement inscrit sur la liste des « Gens dangereux ». L'un des espions débarque dans le village à la fin juin en se faisant passer pour un touriste, afin d'observer de plus près les villageois. Il repère ainsi Guillaume Lejeune. Un Démon possède l'espion pour le convaincre qu'il est l'Élu de la Prophétie, tandis qu'un autre l'influence pour qu'il pense qu'il est le Faux-Élu. L'espion-touriste, ne sachant que penser, décide alors d'observer attentivement pour y déceler un Signe. Il l'observe pendant une semaine. Il conclut qu'il pourrait être l'Élu en raison de son aisance à travailler la terre et sa simple vie familiale. Début juillet, l'espion le tue froidement au cours d'une promenade familiale et il en informe Dante Pignatelli, Benito Premarin et Giuseppe Simonetti, qui sont chargés de récupérer les informations sur Guillaume Lejeune. Officiellement, la mort du jeune homme est camouflée en un accident lors d'une promenade dans la forêt environnante. Sa femme, Océane Lafortune-Lejeune, et ses enfants, François et Mathieu, sont étonnés de ce décès inattendu. Ses pauvres parents (Jean Lejeune et Sophie Brunet-Lejeune) ne peuvent pas cacher leur tristesse. Son corps est simplement enterré sans cérémonie à l'extérieur du village. Comme il est triste de perdre un villageois !

Benito Premarin et Giuseppe Simonetti paniquent. Ils ne savent pas que rapporter à Bruno Guzzo. Ils se noient alors dans l'alcool dans l'espoir de trouver la solution... Pour se réveiller avec une gueule de bois le lendemain. Lorsqu'ils reviennent à eux, ils se rendent chez leur chef, pour lui dire que l'homme en question est défunt. Guzzo les traite de crétins, mais leur laisse une chance pour parvenir à mener à bien leur mission. « De sorte que nous avons parmi nos candidats Vera Petrovna Bogdanova-Radostina, Emmanuel Jungmann et Marianna Greenhous... Mais comment expliquer cette panne soudaine de notre système informatique... Ça ne peut quand même pas être Dieu qui a fait ça, puisqu'il est mort selon les propos du dément de Nietzsche... Ne disait-il pas que Dieu est mort, car nous l'avons tué ? [Cf. Friedrich Wilhelm Nietzsche, Le Gai Savoir, présentation, traduction inédite, notes, bibliographie et chronologie par Patrick Wotling, Paris, Flammarion, nouvelle édition revue et augmentée, 2007 (première édition de 1997), livre 3, § 125] Ça doit être un habile informaticien... Il faudrait le dénicher ! » pense Bruno Guzzo en sirotant son verre de vin italien.




Fin mai 2990, Londres.

Marianna Greenhous, poussée par son Ange gardien, décide de vider son compte bancaire et de partir Dieu sait-où. Elle se confie entièrement au Seigneur Jésus pour guider ses pas dans son voyage. L'important pour elle, c'est de sortir d'un endroit trop étroit, car elle commençait à étouffer dans une ville si bien surveillée. Enfin libre ! Elle prépare rapidement son bagage et son sac à dos, puis sort de l'appartement de ses parents, en leur laissant un mot sur la table de la cuisine du genre : « Je pars! Au revoir! Marianna ». Évidemment, elle n'oublie point d'amener son petit recueil de prières.


Simultanément, à Mirny, en Russie, appartements des Jungmann.

Vera Petrovna Bogdanova-Radostina essaie de convaincre Andreas Nickau, Emmanuel Jungmann et leurs proches de se joindre à la Résistance contre la Terreur mondiale à Oïmiakon. À ce moment-là, leurs Anges gardiens se manifestent dans la salle où ils sont réunis. Ils accueillent un autre Ange gardien. Vera, Andreas et Emmanuel disent à l'unisson : – Qui est-ce ?

L'Ange gardien de Vera Petrovna répond : – C'est un Ami à nous, qui protège une jeune Anglaise, qui, malgré son éducation, est pieuse. Dieu lui a permis de quitter la ville où elle vit pour se joindre à la Résistance... C'est une bonne nouvelle ! Elle devra venir dans quelques jours, le temps que notre Ami l'amène jusqu'à vous.

Et les Anges se tiennent silencieux. Les trois Éclairés s'entr'observent, étonnés. Après quelques minutes de silence, Vera poursuit son discours pour convaincre ses semblables de rejoindre la Résistance; ils acceptent, car ils savent que leur place est là-bas. Ils ne peuvent pas rester dans leur endroit habituel, s'ils veulent s'épanouir. Voilà comment ils s'entraident efficacement pour régler des cas de certains esprits errants dans la ville de Mirny. Bien sûr, des Démons, sous l'apparence d'Anges, viennent les déranger à la tombée de la nuit, sauf qu'ils se signent et prient sincèrement du fond de leur cœur d'être délivrés de tels ennuis. De sorte que les êtres maléfiques disparaissent rapidement, effrayés de leur foi inébranlable.



Juin 2990, Londres.

Marianna Greenhous se promène dans les rues dont elle connaît les moindres recoins. Le seul détail bizarre: l'absence quasi totale des enseignes des magasins en raison de la panne généralisée. La jeune femme, en repoussant quelques mèches rebelles de ses cheveux bruns qui se collent à son front par l'action du vent, pense cyniquement en regardant autour d'elle : « Déjà-vu, cette histoire de panne ! C'était aussi en raison de différentes pannes que les salauds de gouverneurs ont endurci le contrôle... Peut-être que c'est encore un coup monté pour lequel ils offriront une «solution»... Ah ! Mon Dieu ! Qu'est-ce qui m'a pris à partir ainsi ? Qu'est-ce que je peux être irréfléchie ! » Des hommes-zombies de son quartier la saluent; elle leur rend leurs salutations puis continue à déambuler sans but dans les rues. Son Ange gardien la pousse à agir ainsi. Heureusement pour Marianna, les hommes-zombies parmi les policiers et les simples habitants passent outre, car son Ange gardien endort leurs Démons. Voilà comment elle parcourt à pieds les différents quartiers de Londres sans être repérée par les espions. Ces derniers se dépêchent alors de la retrouver au milieu de la foule... Machinalement, sans savoir ce qu'elle fait, elle jette la capuche de son imperméable bleu sur sa tête en raison de la fine pluie. Mais ceci ne l'empêche pas de continuer sa marche. Lorsque la faim se fait sentir, Marianna se rend dans le supermarché le plus près pour s'acheter les aliments nécessaires pour s'improviser un casse-croûte. Une fois rendue près de l'aéroport de Londres, elle demande à un agent de sécurité (qui n'est pas un homme-zombie, ce qui est rareté dans ce corps de métier) comment réserver le prochain avion pour Moscou. L'homme lui désigne une liste des prochains vols : une place libre pour le lendemain. « Nous avons décidé de procéder à une note manuelle des passagers, en raison de la panne. Donc, votre nom, Mademoiselle ? »

L'interpellée répond : – Marianna Greenhous.

– Votre passeport, s'il vous plaît.

Elle lui montre son passeport; il est en règle.

Après avoir payée sa carte d'avion, la jeune femme se promène dans les rues autour de l'aéroport. Le lendemain, elle prend l'avion pour Moscou. Au cours du vol de quatre heures, elle se demande bien comment elle communiquera avec les habitants. Mais elle ne s'inquiète pas trop, car elle se procure la veille un dictionnaire anglais-russe, en plus de compter sur des habitants qui savent l'anglais. D'ailleurs, elle feuillette le dictionnaire pour passer son temps au cours du vol. Une fois rendu dans la capitale de la Russie, la jeune Anglaise se renseigne sur les monuments à visiter auprès d'un Centre d'informations touristiques. Elle joue la touriste, le temps de savoir où se rendre et que faire. Aucun signe à l'horizon. Évidemment, elle a le droit à la cour d'un jeune Russe de son âge, un certain Vladimir Vladimirovitch Ramazanov. « Il est vraiment charmant avec ses yeux bleus ! » pense Marianna. Ils se rapprochent, afin qu'elle apprend le russe et lui qu'il améliore son anglais. Chacun des Anges gardiens les poussent à une aventure plus romantique, puisqu'ils sont très gênés de s'avouer leur amour.



Mirny, 3 mai 2990, 13h.

Les trois Éclairés sont des bons amis. Les enfants sont contents, car ils s'amusent beaucoup dans les forêts environnantes. Eux, ils continuent à visiter la ville, afin de la purifier de ses Démons et esprits errants, en attendant avec impatience leur alliée de la Résistance.



Moscou, juillet 2990.

Marianna Greenhous et Vladimir Vladimirovitch Ramazanov, main dans la main, vivent ensemble dans un petit appartement depuis un mois, alors qu'ils apprennent à se connaître. Sauf qu'aucun n'ose avouer à l'autre qu'il est pieux: ils discutent de tout et de rien, mais sans effleurer la question de la religion, par peur d'être la prochaine victime de la Minute de la Haine. Inspirée par son Ange gardien, l'Anglaise partage avec son amoureux son plan de voyager en Russie, car elle est curieuse. Vladimir se rend à son avis, lui qui n'a jamais quitté Moscou. Ils s'entendent pour partir à Mirny, dans la république de Sakha, ville de 35 400 habitants. Nos jeunes tourtereaux se rendent à l'aéroport de Moscou, où ils réservent leurs places pour le prochain avion pour Mirny. Ils partent deux jours plus tard. Le voyage de Moscou à Mirny est d'une durée d'à-peu-près six heures. Une fois à Mirny, Marianna et Vladimir déambulent en admirant la ville. Dans un parc, ils voient nos trois Éclairés.

Les Anges gardiens s'embrassent fraternellement, heureux de se revoir.

Vera Petrovna Bogdanova-Radostina, ayant immédiatement compris qu'il s'agit des nouveaux renforts à la Résistance, interpelle les deux jeunes gens : – Bonjour, Monsieur et Mademoiselle !

Vladimir Vladimirovitch Ramazanov lui réplique : – Bonjour, Madame...

– Vera Petrovna Bogdanova-Radostina. Et vous ?

– Vladimir Vladimirovitch Ramazanov. Ma copine, Marianna, et moi voulons visiter cette ville... Saviez-vous où se trouve le Centre d'informations touristiques ?

L'Ange gardien du jeune homme est à sa droite. Il intervient et dit mentalement : « Nous sommes des membres secrets de la Résistance ! S'il vous plaît, sœur par le Christ, accueillez ces pauvres orphelins ! Ils ont laissé parents, frères et sœurs pour suivre la voie du Seigneur. Leurs intentions sont pures ! »

Vera dit en chuchotant : – Vous êtes des bonnes âmes... Venez avec moi, je vous présenterai à mes amis Emmanuel et Andreas. Nous aussi, nous sommes depuis un certain temps ici.

Marianna et Vladimir Vladimirovitch sont pris de sympathie pour notre passeuse d'âmes. Ils ne doutent pas de sa sincérité, car leur Ange gardien respectif leur inspire ce respect envers elle. Des liens d'amitié se font entre les membres de ce petit groupe. Et les deux jeunes tourtereaux avouent enfin leur piété, tout comme ils apprennent le don de leurs trois nouveaux amis. D'ailleurs, Marianna et Vladimir pensent à un prochain mariage dans la mairie de Mirny. Autre bonne nouvelle : Andreas Nickau et Claire Giroux-Nickau seront parents dans neuf mois !


La « panne généralisée » ne sera résolue qu'en août 2990. Les bons esprits et les Anges ont bien brouillé le réseau de communication et celui des satellites et des caméras. Les espions, les gouvernements et les Déchiffreurs sont nerveux. Pendant cette panne, pense Bruno Guzzo, il peut se passer une rébellion... et quoi encore ? Les Déchiffreurs et les espions se lancent dans leur sombre commerce avec des Démons pour savoir qui est l'Élu... Manière bizarre de compenser le manque d'informations... Ils parviennent ainsi à savoir que Vera Petrovna Bogdanova-Radostina, Emmanuel Jungmann et sa famille et Marianna Greenhous sont à Mirny, en Russie. Et la demoiselle s'est trouvé un petit-copain... Les Déchiffreurs comptent bien profiter de la situation pour soutirer une collaboration au jeune homme... Ils décident alors d'envoyer des espions déguisés en clochards pour voir de plus près ce qui se passe. Une réunion d'individus, c'est bizarre et ça sent une révolte, surtout quand la peste de Marianna Greenhous est là... Comme quoi peut-être les mesures disciplinaires n'ont pas fonctionné... « Il faut alors passer à des méthodes plus sévères pour faire comprendre à cette garce qu'il est vain de s'opposer au gouvernement ! » pense Bruno Guzzo en sirotant son verre de vin italien.





À suivre.


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