La dernière prophétie de la Sibylle de Cumes

2990 après la naissance de Jésus-Christ ou 8498 après la création d'Adam.

Le monde comprend cent quatre-vingt-quatorze pays, répartis sur cinq continents, à savoir l'Europe, l'Amérique, l'Asie, l'Afrique et l'Océanie. Chaque pays est dirigé par un gouvernement qui est soit-disant élu, alors qu'en réalité, ce sont les machines qui décident le tour de rôle de gouvernance. Sauf que tous les habitants pensent naïvement choisir de manière démocratique leur dirigeant. Dans chaque pays, beaucoup de contrôle et d'espionnage, car les gouvernements ont peur de perdre leur pouvoir. Ce pouvoir est assuré par le Prince des Ténèbres, qui ne tient que des fausses promesses pour garder ses sbires dociles. Sauf que ces derniers ne savent pas consciemment toutes les raisons de leurs actions, car possédés par de sombres esprits sortis de sous la terre. Les scientifiques collaborent avec les gouvernement pour tenir dans l'ignorance le peuple. En fonction de cet objectif, tout un programme éducatif a été construit... Le gouvernement cherche alors à tout contrôler afin d'éviter une révolte. Plusieurs méthodes d'espionnage sont utilisées, telles des caméras de surveillance postées partout (même sur les lampadaires des villes), des écoutes téléphoniques, des programmes d'espionnage à distance des écrans d'ordinateurs, des réfrigérateurs et des télévisions munis de caméra espionne. L'État pense qu'il peut décider de la vie et de la mort de ses citoyens, en diffusant des nouvelles, qui sont pour la plupart fausses; en se permettant d'euthanasier les vieillards et les fous, en enfermant des gens normaux dans des instituts psychiatriques (terme dans la Novlangue pour parler de l'asile). Et tout individu qui refuse d'y croire est considéré comme un rebelle et est publiquement humilié lors de la Séance de la Minute de la Haine, minute hebdomadaire au cours de laquelle s'affiche sur tous les télécrans publics (des grands écrans présents un peu partout) une photographie des « Ennemis du Régime ». Aucun délit de pensée n'est toléré. En ce sens, la plupart des êtres humains sont serviles et n'ont pas le courage de s'opposer à cet endoctrinement, endoctrinement qui est présent dans l'éducation, les médias, la politique, la religion et la famille. Ainsi, la sphère privée est inexistante; tout est connu. À l'exception des rêves et des pensées non-dits à voix haute ou mis à l'écrit sur papier ou sur un traitement de texte d'ordinateur. Heureusement, il y a toujours une résistance, à savoir les cinq-cents soixante-quinze habitants du village d'Oïmiakon, en Sibérie, en Russie. En plus de quelques rares individus dispersés à travers le monde.

Et bien sûr que pour tenir cette propagande, les linguistes ont considérablement inversés le sens des mots en plus d'inventer des néologismes. Ainsi, le Ministère de la Guerre et de la Paix assure la protection des territoires du pays, alors qu'il n'a jamais fait de service militaire.

En parlant de religion, tous les hommes se déclarent officiellement athéistes, car toutes les religions du Livre sont tournés en ridicule. Oh, les blasphémateurs ! Les églises, les mosquées et les synagogues sont reconverties en maisons ou en centres commercials... Les livres sacrés sont retirés des bibliothèques et les croyants sont persécutés. Seul notre village d'Oïmiakon défend bec et ongles leur église. Tous sont des Orthodoxes très pieux. Les seuls croyants (avec quelques autres à travers le monde) au milieu des mécréants et des Satanistes...

Il n'y a pas que les hommes, il y a aussi des anges et des démons, qui sont des entités surhumaines. Chacun guide un homme. Seuls quelques hommes peuvent entrer en contact avec eux. Ceux-ci sont marqués d'un signe, à savoir le sixième doigt. Ils sont les suivants : Emmanuel Jungmann (un Allemand né en 2965 à Binz, qui vit à Kaliningrad depuis 2983), Vera Petrovna Bogdanova (une Russe née en 2955 à Oïmiakon) et Andreas Nickau (un Canadien d'origine allemande, né en 2967 dans la ville de Rheine). Aussi, il y a des esprits, dont certains sont bons, d'autres mauvais. Seule les trois voyants mentionnés peuvent interagir avec eux. Sauf qu'être entre deux mondes, c'est très exigeant physiquement, mentalement et psychiquement. Et ça comprend ses propres risques, à savoir la fatigue momentanée, des maux de tête, des diarrhées, mais aussi de subir l'influence des esprits, des anges et des démons. C'est pourquoi nos trois Éclairés sont prudents lorsqu'ils sont en contact avec des entités surhumaines. Cependant, ils ne se connaissent pas, et seuls leurs proches savent pour leur capacité paranormale. Andreas Nickau est marié à Claire Giroux, de cinq ans sa benjamine, depuis un an. Ces trois Éclairés sont les seuls à croire que les esprits, les Anges et le démons existent; les autres, crédules de la propagande, pensent (ou plutôt, pensent qu'ils pensent) que seul ce qui est matériel existe et que les Entités invisibles n'existent point. Pourtant, personne ne doute que les gouvernements et les scientifiques de haut grade croient en leur existence, seulement, ils maintiennent la population dans l'ignorance.

À Naples, en Italie, un groupe de dix scientifiques, nommés les Déchiffreurs, ont retrouvé depuis plusieurs années un curieux parchemin: celui contenant la dernière prophétie des Oracles sibyllins, qui est un recueil de prophéties légendaire.

Voici le texte que tous les dix scientifiques veulent comprendre :

« La justice revient sur la terre, le règne de Saturne sera favorable. Un enfant naîtra sous qui les dernières traces du siècle de fer disparaîtront; sur leurs ruines on verra s'élever un nouvel âge d'or. Alors la terre lui offrira des petits présens de lierre et de bacchan ; elle mêlera autour de son berceau l'achante (acanthe) et la riante colocase ; les chèvres rapporteront à l'étable leurs mamelles enflées de lait; les troupeaux ne craindront plus les lions terribles; le serpent périra; et les herbes vénéneuses, l'amome, se trouveront pas même sur les buissons. Les campagnes se couvriront d'elles-mêmes de riches moissons, les buissons porteront des raisons, et le miel coulera du tronc dur des chênes. Depuis long-temps le monde a vieilli, tremblant sous son propre poids; mais la terre, les mers, la nature entière tressaillent de joie dans l'attente de cet heureux événement. »

Le chef de ce groupe de scientifiques, un certain Bruno Guzzo, un homme vers la quarantaine, se tourne vers les autres hommes et femmes réunis autour d'une table, à savoir Benedetta Corti (issue d'une famille de la noblesse italienne originaire de Milan), Amedeo Grimaldi (quarante-cinq ans, issu d'une famille de la noblesse italienne originaire de Gênes), Benito Premarin (trente ans, issu d'une famille de nobles italiens, originaire de Venise), Dante Pignatelli (quarante ans, issu d'une famille de la noblesse originaire de Naples), Jeffrey Norvig (cinquante ans, un mathématicien anglophone originaire de la Grande-Bretagne), Gennaro Cingano (cinquante-cinq ans, professeur d'études classiques à l'Université de Naples, formé à l'Université Catholique de Rome), Massimo Brugnoli (quarante-cinq ans, un homme d'affaires, propriétaire de plusieurs magasins en Europe), Manlio Nicosia (cinquante ans, un chef de réseau de trafic de drogues de la Sicile) et Giuseppe Simonetti (quarante-cinq ans, un technicien du grand Laboratoire de l'Europe, Laboratoire qui cherche à créer artificiellement la vie). Tous sont assis sur des chaises de bureau confortables : celle du chef est recouverte d'une couverture dorée, pour signifier son rang; celle des autres est recouverte d'un tissus satin avec motif floral.

Bruno Guzzo dit d'un ton impérieux : – Réfléchissez bien au sens de cette Prophétie ! Si quelqu'un à quelque chose de PERTINENT à dire, qu'il lève la main !

Tous hochent de la tête. Le chef de ce petit groupe appelle des serviteurs (des hommes-zombies, ainsi devenus pour avoir été trop dociles au gouvernement et aux scientifiques). Les serviteurs, identifiés du Sceau de la Bête au front, s'empressent de les servir: des verres de sang humain pour conserver leur jeunesse. Et ils se retirent discrètement. Les dix complices relisent pour une enième fois les photocopies du manuscrit. Certains consultent des livres qu'ils ont amené avec eux, afin de déchiffrer les symboles présents dans la Prophétie. Voilà des années qu'ils essaient de trouver l'Élu. Ils veulent le retrouver afin que la Prophétie ne se réalise pas, afin que les habitants vivent dans la terreur du Satanisme et que l'Age d'Or n'arrivera jamais. Et ils veulent alors essayer de « réaliser » la Prophétie avec un faux-Élu. Bruno Guzzo et ses acolytes depuis une dizaines d'années, défilent toutes les cartes d'identités numériques des différents êtres humains pour trouver lequel correspond aux critères de la Prophétie. Jusqu'à maintenant, voici la liste d'individus susceptibles : Vera Petrovna Bogdanova (puisqu'elle a bu du lait de chèvre lorsqu'elle était petite, car vit dans un village perdu en Russie), Emmanuel Jungmann (qui semble avoir l'agilité de la chèvre, selon les informations dont ils disposent), Mariana Greenhous (une Anglaise née alors que l'étoile de la Chèvre était visible au milieu du ciel) et Guillaume Lejeune (un Français qui vit dans le petit village de Chaudun, accessible par un sentier de chèvre).

Voici des éléments pour chacun de ses candidats à la Prophétie.

Vera Petrovna Bogdanova est née en 2955 à Oïmiakon, un petit village de Sibérie, en Russie. Elle est la fille de Piotr Mikhaïlovitch Bogdanov (né en 2930 dans la petite ville de Verkhoïansk) et d'Angelina Vladimirovna Gromova (née en 2937 à Oïmiakon), des simples paysans qui ont deux chèvres, trois poules et un petit jardin dans lequel ils cultivent des fruits et des légumes. Vera a une sœur, Natalia, née un an après elle. Vera Petrovna est une femme mariée depuis dix-sept ans à Vladimir Pavlovitch Radostine, de cinq ans son aîné. En se mariant, elle prend le nom de famille de son époux. Le couple a deux enfants, à savoir Ivana (née en 2974) et Radimir (né en 2975). Ils sont des bons élèves, selon leurs résultats scolaires. Par contre, ils n'ont pas d'amis parmi leurs camarades de classe.

Emmanuel Jungmann, lui, est le fils de Karl Jungmann (originaire de la ville de Sassnitz) et de Sabine Hoffman, une native de Benz. Karl se rendit à Benz en raison de son travail, puis il y resta pour fonder une famille. Emmanuel est leur fils aîné. Il est suivi d'une sœur, prénommée Gisela, de deux ans sa benjamine. Le fils aîné vit depuis ses dix-huit ans à Kaliningrad, sur l'ordre de son Ange gardien. Là-bas, il se maria un an plus tard à Maria Vladimirovna Belinskaïa, une Russe du même âge que lui. Le couple a trois enfants, prénommés respectivement Samuel (né en 2985), Sarah (née en 2987) et Damir (né en 2988). Gisela Jungmann, elle, vit à Binz, où elle travaille comme enseignante. Elle espère bien se marier un jour.

Mariana Greenhous est née à Londres, en 2967 du couple Diana MacNeil et Anthony Greenhous. Bien qu'elle a connu l'éducation-lavage de cerveau, elle s'est montrée rebelle, de sorte qu'elle a à peine terminé ses études secondaires et qu'elle travaille depuis comme caissière dans l'un des magasins le plus près de l'appartement de ses parents, avec lesquels elle vit, car elle est encore célibataire à vingt-trois ans. Et c'est en raison de son aspect rebelle que les Déchiffreurs s'intéressent à Mariana Greenhous, car elle est un potentiel danger pour le Gouvernement britannique.

Guillaume Lejeune, lui, est le fils unique de Sophie Brunet (originaire du village-rue Allemant) et de Jean Lejeune (un natif de Chaudun). Il est né en 2968. Il est un agriculteur et père de famille depuis un an, marié depuis deux ans à Océane Lafortune, de deux ans son aînée. Le jeune couple a deux jumeaux, François et Mathieu. Comme Guillaume Lejeune n'a pas terminé ses études secondaires, il attire l'attention de Bruno Guzzo et de ses acolytes.

Seulement, ce petit groupe d'espions du Diable oublient que Dieu à le dernier mot sur le Destin des hommes !

Est-ce que les Déchiffreurs parviendront-ils à repérer l'Élu et le Faux-Élu ?