The Life Eaters

CHAPITRE III

[Bienvenue au Lycée]

Enfin, c'était le jour J. Ce n'était pas forcément le jour le plus important de ma vie mais c'était pourtant toujours un jour d'une certaine importance pour une adolescente, ou un adolescent d'ailleurs... C'était tout simplement le jour de la rentrée. J'avais donc opté pour une tenue correcte, histoire de marquer le coup. Naturellement, j'étais désormais à Hawaï et je me devais donc de penser à une tenue confortable pour affronter la chaleur locale. Au dessus de mon jean, j'avais donc choisi un petit chemisier rose saumon, très pâle et surtout très fin. Cependant, je m'étais tout de même assurée qu'il n'était pas trop fin, histoire de ne pas afficher mes sous-vêtements à toute la population du lycée. J'étais alors descendue discrètement, passant devant une salle de bain où de l'eau coulait, et je m'arrêtai immédiatement au milieu de l'escalier. Un bruit me parvenait de la cuisine et j'en étais intriguée. Et je l'étais également de cette odeur qui me parvenait. J'avançai doucement, inquiète de la suite. J'entendis soudainement un bruit de couvert tombant au sol alors, je fonçai plus rapidement. Je fus surprise de l'étrange spectacle qui s'offrit alors à moi. Mon père, car c'était bien lui qui faisait du bruit dans la cuisine, se débattait avec un bol et une poêle.

- Allez pousse... Je t'en prie, supplia mon père au contenu de sa poêle.

Je le regardai en souriant et je fus amusée de la situation. Je plaçai ma main sur ma bouche et, avec espièglerie, je pris une voix de crécerelle.

- Ouille ouille ouille, c'est chaud ! dis-je alors.

Mon père fit un bond en arrière avant de se retourner brusquement. Il se figea un petit instant et me regarda de haut en bas. Il sourit alors, comme admiratif avant de se souvenir qu'il cuisait quelque chose.

- Merde!!! fit alors mon père en sortant quelque chose de la poêle.

Je m'approchai alors avec un soupçon d'horreur. Quel carnage c'était ! Des tâches dans tous les coins, des coulures principalement, et des déchets également. Papa avait clairement merdé...

- Ne t'inquiètes pas, je rangerai tout quand tu partiras au lycée, dit-il doucement. Et je mettrai tout au lave-vaisselle.

- Tu voulais faire le petit déjeuner ? demandai-je alors extrêmement surprise de mon propos.

- Oui, pour que tu sois tranquille ce matin, dit-il en essayant à nouveau.

Je regardai ce qui devait être des pancakes, sans doute. Certains étaient trop plats, d'autres étaient trop brûlés comme celui qu'il reposait en grimaçant. Il voulait me soulager en ce jour de rentrée et j'en fus quand même touchée. Au début, j'étais en fait tentée de lui demander si j'avais fait quelque chose de mal pour devoir manger ça mais au final, je pris une autre décision. Je m'approchai de l'assiette et j'en pris pour le manger avec voracité.

- Hmmm, fis-je pour le rassurer tandis que le goût de brûlé s'emparait de ma bouche.

- Tu auras la médaille du mérite, fit mon père en me regardant.

- C'est pas si mauvais, dis-je quand même. Légèrement trop cuit.

- Heureusement que ta mère t'avais appris à cuisiner..., marmonna ce dernier.

- Papa, c'est l'intention qui compte, j'apprécie, avouai-je quand même.

- Mouais mais bon... Je voulais faire ça..., marmonna encore Papa.

- Tu as mis le feu trop fort, ta poêle est trop chaude, ils brûlent avant de gonfler, précisai-je en le baissant.

- Ha d'accord..., soupira mon père.

Je le regardai en souriant avant de plonger mon doigt dans son bol. Je le portai ensuite à ma bouche pour goûter l'appareil et je me tournai brusquement vers mon père.

- Je me suis planté aussi? demanda mon père en panique. J'ai confondu sucre et sel? C'est pleine de grumeaux ?

- Non..., dis-je en le regardant surprise. C'est Parfaitement exécuté...

- Bah vas-y sois surprise, grommela mon père.

- Désolée... Mais c'est surprenant... C'est...

- La recette de ta mère oui, fit-il en sortant le livre de recettes. J'ai suivi chaque ligne en les laissant dix fois...

- C'est parfait...

- Tu me fais penser à ta mère, me fit mon père. Sauf la coupe de cheveux.

- Je sais, mais j'aime bien, dis-je en passant ma main sur la partie plus courte, la droite.

- Je peux te poser une question sans que tu t'énerves ? demanda Papa.

- Vas-y..., demandai-je méfiante.

- Tu es... Si tu portes cela c'est parce que..., hésita alors mon père.

- Non Papa... Je ne suis ni bi, ni gender queer ou gender fluid... Je porte ça parce que j'aime bien, précisai-je. Panique pas.

- Non je demandais parce que... Je... On ne parle pas de ces choses là, dit-il simplement.

- Papa... Ce n'est pas nécessaire, dis-je quand même. Je t'assure, je n'ai rien à raconter...

- Ho d'accord... Tu... Tu es hétéro ? demanda mon père.

- Papa... Tu te rends compte que ce que tu demandes est dérangeant ? demandai-je alors sérieusement.

- Ha bon ? Mais en quoi? s'étonna mon père. Tu préfères n'en parler qu'à ta psy?

- Mais non... Tu te rends compte que le monde serait meilleur si cette question n'était jamais posée ? demandai-je alors. Si pour tous le monde, la sexualité n'était qu'un détail, beaucoup d'agressions n'auraient pas lieu.

- Je ne suis pas homophobe, se défendit mon père.

- Je ne t'ai pas dit ça, marmonnai-je. Mais c'est vrai... Est-ce que cela aurait changé quelque chose si je t'avais dit aimer les filles ?

- Non, tu es ma fille, je t'aime et j'aurais accepté... Peut-être avec difficulté au début mais...

- Alors pourquoi demander ? dis-je simplement en posant ma main sur son bras avant de me retourner brusquement.

J'avais entendu un bruit provenant de l'escalier et je ne m'étais pas trompée. Jason était occupé à descendre l'escalier, tenant les vêtements que j'avais soigneusement sélectionnés la veille dans ses bras et ne portant que son petit boxer spiderman. Je le regardai sévèrement et dès l'instant où il arriva en bas, je me mis à signer.

- { Je peux savoir ce que tu fais dans cette tenue?} signai-je tandis qu'il posait ses vêtements.

- { J'ai besoin d'aide...} répondit il en signant mais en affichant un air gêné.

- { Jason. Tu sais parfaitement t'habiller tout seul} signai-je avec colère.

- { S'il-te-plaît} signa Jason avec honte.

- { Mets tes chaussettes et ton pantalon, je t'aiderai pour la chemise} lui intimai-je en me retournant. Non mais c'est quoi cette histoire...

Je retournai près de mon père et j'attrapai les assiettes pour les poser sur la table avec énervement.

- T'es en colère..., marmonna mon père.

- Papa! Il exagère là ! Il sait s'habiller... Il profite un peu trop. Alors oui, c'est la rentrée, c'est une nouvelle école mais bon...

- Il faut filer droit ! dit mon père en riant.

- Tu devrais m'engueuler aussi tant que t'y es... Tu lui dis rien en plus? demandai-je en indiquant mon petit frère qui arrivait et s'installait à table.

- Chérie... Ce n'est pas si grave...

- Si je dois l'habiller tous les matins, cela va compliquer la vie! dis-je simplement avant de manger.

Je vis tout de même la mine surprise de mon petit frère quand il découvrit avec stupeur la tronche peu attrayante des pancakes. Il me regarda fixement et j'indiquai alors notre père du doigt. Jason haussa les épaules et enfourna brusquement un pancake. Je le regardai sévèrement, inutile de faire comme cela, il pourrait s'étouffer. Heureusement, nous discutâmes actualités diverses et variées avec mon père.

- Et ben les prochaines élections vont être gratinées ! dit-il en posant le journal.

- Tu parles d'un choix... J'espère juste que ce ne sera pas lui, dis-je alors en regardant mon père en riant.

- Tu m'étonnes... Ha tiens... Le prochain Batman est pour deux mille vingt cinq..., dit-il en lisant.

- J'aimerais un méchant plus rare, avouai-je.

- Hmmm... Qu'est-ce qu'il y a d'autre? Ho rétrospective Elvis au cinéma d'Honolulu...

- Vive les clichés... Il vont passer Lilo et Stitch aussi? demandai-je en riant et évoquant la bande originale.

- Je te rappelerai ta collection de peluches Stitch quand même, précisa mon père.

- J'étais enfant, me défendis-je vexée. J'ai bien aimé le film par contre.

Je souris quand même en regardant l'horloge. Je signai à mon frère d'aller se laver les mains et les dents.

- Laisse tout là, je vais ranger, assura mon père.

Je partis donc faire de même avant de redescendre et de saisir mon petit frère par les épaules.

- { Aujourd'hui je t'habille mais c'est seulement pour aujourd'hui d'accord ? Demain tu mets tes vêtements tout seul... Je ne peux pas toujours tout faire... D'accord ?} signai-je avant de lui faire enfiler sa chemise à manches courtes à l'effigie de Mickey Mouse.

- { Promis... Merci!} signa Jason en réponse.

- { Il faut que tu sois sage à l'école et que tu essayes de te faire des amis...} signai-je alors assez hésitante malgré tout.

- { Il y a d'autres enfants comme moi?}

- { Aussi génial ? J'en doute} signai-je en souriant. { Je ne sais pas mon cœur. Mais ils savent}. Papa ! On va y aller! criai-je ensuite.

- Tu es sûre que tu ne veux pas que je t'emmène ? demanda mon père en arrivant.

- T'inquiètes, le mec de Maya nous emmènera, dis-je en faisant enfiler son sac à dos à Jason avant d'attraper le mien.

- Bon, passez une bonne journée, fit mon père en nous prenant dans ses bras.

Je le laissai faire durant cinq minutes au moins avant de rompre notre étreinte. Je poussai doucement Jason vers la porte et nous sortîmes pile au bon moment pour voir Maya s'approcher de la porte.

- Ha ben te voilà ! me dit-elle en se tournant. Elle arrive !

Je relevai doucement la tête, découvrant Ethan au volant de son propre véhicule, une jeep plutôt vieillotte. Légèrement inquiète à l'idée qu'il n'y ait pas de ceintures, je poussai quand même mon frère vers cette jeep.

- T'as vu le carrosse ! fit Ethan fièrement.

- J'aurais pas dit ça, avouai-je honnêtement.

- Moi je dis cercueil roulant! assura Maya en allant s'installer sur le siège passager.

J'installai immédiatement mon petit frère et je l'attachai immédiatement car cette poubelle avait des ceintures. Je fis rapidement le tour, jetant mon sac à dos à côté de ceux de Maya et d'Ethan avant de m'asseoir.

- Bon, l'école du petit chef! assura Ethan en démarrant.

Je tournai la tête vers la maison et mon père nous regardait depuis le perron.

- Passe une bonne journée ! criai-je en agitant le bras.

Ethan conduisit un peu trop vite à mon goût, je n'aimais pas la vitesse. Nous arrivâmes ainsi à l'école de Jason en cinq minutes, alors que mon analyse en estimait neuf... Consternant évidemment. Je descendis après avoir détaché Jason et j'avançai sur le trottoir.

- Tu veux qu'on t'accompagne ? demanda Maya.

- Ça ira, je me dépêche ! criai-je également.

Je guidai mon petit frère au milieu des parents en cherchant sa classe. Nous avions eu l'information alors ce n'était pas trop compliqué à trouver. Je vis rapidement qu'au milieu de cette classe toute mignonne pour des enfants de six ans, une professeure d'une cinquantaine d'années qui souriait en parlant aux enfants. J'attendis quelques instants pour qu'elle me remarque et quand ce fut chose faite, elle s'approcha de moi.

- Vous cherchez sa classe ? demanda la femme en me regardant.

- Je suis la sœur de Jason Turtlebaum, précisai-je doucement.

- Ho oui, c'est lui alors, fit-elle en le regardant.

- Mon père a spécifié qu'il avait une... spécificité, précisai-je immédiatement. Vous avez bien une aide scolaire ?

- Ha euh non, fit la professeure.

- Mais on avait spécifié à mon père que mon petit frère pourrait suivre les cours, dis-je à la fois stressée mais également un peu énervée.

- Ho mais je vais me débrouiller, m'assura la professeure avec une nonchalance qui me déplut énormément.

- Vous ne comprenez pas, mon frère a besoin de quelqu'un qui connait le langage des signes, sinon il ne comprendra rien, dis-je légèrement outrée.

La professeure me regarda fixement avant de se pencher vers Jason et de lui sourire doucement.

- { Ne t'inquiètes pas Jason, je ferai très attention que mes signes soient visibles pour toi, comme ça tu pourras suivre. Si je vais trop vite, fais le moi savoir } signa alors la professeur à mon petit frère pendant que j'écarquillais les yeux.

- Vous... Vous connaissez la langue des signes? m'étonnai-je.

- Ma grande sœur est sourde muette, précisa la professeure. Je connais les signes depuis ma naissance ou presque. C'est pour ça que j'ai voulu de Jason dans ma classe.

- Ho d'accord, fis-je alors très gênée.

- Ne vous inquiétez pas, je comprends parfaitement et je ne vous en tiens pas rigueur, assura la professeure. Il est en de très bonnes mains. Vous pouvez y aller sans aucun soucis.

Je me penchai alors devant mon petit frère afin de lui signer quelques mots.

- { Sois sage et travaille bien} signai-je donc.

- { Toi aussi... Je t'aime!} signa avec motivation mon petit frère.

Je lui fis un dernier signe de main et je me sentis également obligée d'attendre un peu. Je le regardai s'approcher des autres élèves et essayer de leur parler, si l'on peut le dire comme ça. En fait, il écrivit quelque chose et je souris en voyant une petite fille lui tendre des crayons. Je me disais, en souriant intérieurement, qu'un nouveau bourreau des coeurs était arrivé en classe, fallait reconnaître qu'il était mignon. Je n'avais pas franchement le temps de m'éterniser et je disparus rapidement de l'école, fonçant vers la jeep d'Ethan et remontant à bord.

- Ho la la... Regardez son émotion, fit une Maya avec un grand sourire.

- Ho ça va, dis-je gênée.

- Je suis sûre qu'il s'est déjà trouvé des copains, dit-elle pour me rassurer.

- Si il pouvait se trouver une fille de son âge, ajouta un Ethan qui simula la jalousie.

- Bon, les deux mesquins... On y va ?

- Attention, Madame a son chauffeur, fit Ethan en souriant avant de démarrer.

Quelle horrible façon de conduire... Il me faudra rapidement mon propre véhicule car je risquais clairement ma vie. Heureusement, le trajet fut de nouveau très court et ce fut tant mieux d'ailleurs. Ethan se gara sur le parking suffisamment grand et surtout extrêmement rempli. C'était dingue cette populace et cette diversité. Naturellement, c'était un lycée alors je pouvais retrouver tous les clans : sportifs, matheux, cheerleaders, rebelles, gothiques, modeuses, et tout ce qui peut vous passer par la tête. Moi, j'avais préféré rester aux côtés du petit couple et rejoindre leur noyau d'amis. Comme la dernière fois, l'ambiance fut plutôt bonne dans le grand réfectoire de notre lycée, le couple formé par Melissa et Elise gardant ma préférence cependant.

- Ho c'est cool, me fit alors la gothique avec bonheur. On a toujours cours ensemble !

- Attends sérieux ? On a vraiment le même horaire ? dis-je en le regardant.

Il fut rapide de faire cela car en effet, chacun de nos cours nous verrait dans la même classe.

- Attention hein ! me fit Élise en touchant mon bras. Je surveille, je surveille.

- T'inquiètes, je préfère les garçons... J'ai jamais essayé mais je sais clairement que je ne suis pas attirée par les filles, dis-je en riant.

Je pensais aisément que je pouvais plaisanter de ce sujet, leur couple s'affichant sans hésitation dans le lycée, comme l'attestaient leurs quelques baisers. Je savais donc que je n'annoncerais pas à haute voix un quelconque secret.

- Et pour information, c'est vers quel genre de garçons que se porte ton choix ? demanda Duncan en buvant une boisson énergétique.

Je plissais les yeux en le regardant, comprenant que Monsieur semblait désireux de prêcher pour sa paroisse. Une tape derrière sa tête, prodiguée par Maya, fut sa récompense.

- Quoi encore? fit Duncan vexé et en se massant la tête.

- Arrête d'être un gros lourd, lui conseilla Ethan.

- Ça va..., grommela Duncan. Je voulais juste savoir...

Je souris en voyant cela. J'avais envie de remercier Maya. Melissa, qui anotait mon horaire d'informations sur les profs, me regarda et chuchota.

- Et en vrai? demanda-t-elle.

- Un mec bien, dis-je simplement.

Je n'avais pas foncièrement de critères physiques, tant est qu'il soit au moins propre. Je préfèrerais clairement, si cela devait se faire, me trouver un mec avec qui je partagerai des choses, des avis et des opinions. La vrai chose que j'aurais pu rechercher, c'était peut-être quelqu'un capable de comprendre que Jason resterait malheureusement toujours ma priorité et ça, ce ne serait pas chose aisée. Les conversations reprirent, certains se plaignant de leurs horaires, d'autres espérant que les professeurs ne seraient pas trop insistants et moi, j'observais le monde. J'avais toujours fait cela le jour de la rentrée, observer le comportement des élèves. Tout le monde faisait à peu près la même chose que nous, se plaignant parfois clairement de leurs horaires, riant de se retrouver, se racontant des anecdotes de vacances avec moultes détails, sans doute graveleux pour certains ou admiratifs pour d'autres. Ce fut à cet instant que je les vis. Ils étaient deux, un garçon et une fille au physique assez semblable. Tous les deux semblaient assez grands, la fille faisant plus d'un mètre soixante dix et le garçon au moins dix de plus. Tous les deux semblaient également en parfaites conditions physiques, comme l'attestaient leurs bras musclés et ils devaient aimer prendre le soleil, comme l'attestaient cette fois leurs peaux respectives. Ils étaient vêtus simplement, de chemises blanches à manches courtes et d'un jean pour le garçon, d'une jupe à motif écossais pour la fille. Cela leur donnait l'air de sortir d'une école privée, la cravate relâchée sur la chemise de la fille perfectionnant cette impression. Les regards s'étaient posés sur eux dès l'instant où ils avaient pénétré à l'intérieur du réfectoire. Certains regards étaient intrigués, d'autres admiratifs de leurs physiques mais la plupart semblaient emplis d'hormones en folie. Sans adresser le moindre mot à qui que ce soit, les deux jeunes se dirigèrent vers une table au fond et s'installèrent tranquillement, ce qui n'empêchait pas les regards de se poser sur eux.

- C'est qui? demandai-je alors à ma voisine en les montrant.

- Ho ça, ce sont les jumeaux de l'étrange, dit alors Melissa.

- Quoi? dis-je étonnée en regardant mes voisins de table.

- Tu sais dans tous les lycées, il y a des gens bizarres, lança Maya.

- Chez nous, ce sont eux, fit Duncan en rigolant.

- Ha d'accord...

- Alvina et Rhys, développa Elise. Mais t'as pas besoin de mémoriser leurs prénoms, ils ne te parleront pas.

- Ils ont un problème avec les nouveaux élèves ? demandai-je immédiatement en les regardant.

- Disons qu'ils semblent avoir un problème avec tous le monde, lança Ethan.

- Pour être simple, ils ne parlent à personne... Ils viennent, ils suivent les cours et ils repartent, dit simplement Melissa.

- Et personne ne leur parle ? les questionnai-je en retour.

- Certains essayent mais un silence glacial leur parvient en réponse, lança Elise en souriant. Et même pour des bêtises pas forcément pour les draguer. Ça ils ont l'habitude.

- Ouais en général c'est le sport local! fit Ethan en riant.

- Mais ça dure qu'un mois la saison, précisa Maya. Au final plus personne n'essaye, à part des gens plus cons que les autres.

Je vis son regard se poser sur Duncan qui se renfrogna. Je le fixai immédiatement, amusée mais surtout intriguée.

- Il a essayé d'inviter Alvina à tous les bals, en vain, fit Elise en riant.

- Et elle répond quoi? demandai-je intéressée.

- Un seul mot! me fit Maya en riant.

- Dégage! me fit alors Ethan en souriant et bousculant son ami.

- Putain c'était pas marrant ! se défendit Duncan.

- Bah les six premières fois si, fit alors Elise. Ensuite c'est vrai que c'est un peu redondant...

Je ris alors en imaginant Duncan s'évertuer depuis longtemps à tenter sa chance.

- J'imagine bien... Et ils ne fréquentent personne? demandai-je quand même intriguée.

- Si, les surfeurs de la plage mais ce n'est guère plus long qu'un bonjour et un au revoir, précisa Elise. Ils discutent avec quelques locaux mais sans plus.

- Mais... Ils ont vécu un truc? demandai-je méfiante.

- On sait pas, ils ont été adoptés à l'âge de deux ans, avoua Melissa. Peut-être leurs parents sont morts ou alors ils ont subi des sévices mais on n'en sait rien. Elise a toujours été dans les mêmes écoles qu'eux mais ça a toujours été comme ça.

- Ho ok..., dis-je en voyant qu'en effet, l'attrait des spectateurs ne durait pas longtemps.

Ils ne discutaient réellement avec personne. Ils restaient dans leurs coins. C'était assez étrange. Je ne pus m'interroger sur ce détail plus longtemps car déjà, je devais rejoindre le cours de Mathématiques avec Melissa.

- Bon les potes, soyez sages, lança Melissa. On se voit pour bouffer... Tu me manques déjà, dit-elle en smackant sa petite amie.

- À tout à l'heure ! lui lança Elise.

J'étais assez satisfaite d'un détail important, celui d'avoir une guide. Le lycée étant en effet assez grand, je pourrais m'y perdre aisément. Par chance, celle-ci m'expliqua où se trouvaient les différentes classes, les différentes salles, les endroits sympas comme la bibliothèque... Nous arrivâmes rapidement devant une classe où déjà quelques élèves étaient installés. Nous entrâmes directement pour nous trouver une place.

- Tu verras, Monsieur Clum explique le nombre de fois qu'il faut le cours, m'assura Melissa. Par contre on se trouve une place près des fenêtres.

- Euh ok... Pourquoi ? demandai-je alors.

- Le soleil ne tape jamais sur ce côté du lycée, c'est l'endroit le plus frais..., m'avoua Melissa en souriant.

- Ho tant mieux, je suis déjà en train de suer, dis-je tout bas.

- Parfois je regrette mon look, m'assura mon amie principalement vêtue d'une robe en cuir noir typique du look gothique lolita.

- Heureusement que j'ai mis un truc fin, avouai-je en bougeant mon chemisier pour me faire de l'air.

- Je sais pas comment c'était dans ton ancien lycée mais ici, tu peux conserver une bouteille d'eau sur ta table, fit Melissa en avançant.

- Ho super ! dis-je rassurée et en la suivant.

Elle choisit ainsi les deux sièges côte à côte, près de la fenêtre et à l'avant dernier rang. Je m'assis rapidement en posant mes affaires. J'ouvris rapidement mon manuel d'algèbre et préparait le premier chapitre sur les équations polynomiale. J'avais déjà lu le chapitre, histoire de prendre de l'avance et j'avais même pris quelques notes au crayon de papier. Melissa me regarda et je me sentis idiote.

- Désolée... Je fais ça quand j'ai du temps libre..., marmonnai-je honteusement gênée de passer pour une grosse tête malgré que ce soit elle la meilleure élève du lycée.

- Elise fait pareil, dit elle en riant. Vu que moi, je mémorise aisément, ça me prive de câlin...

- J'imagine bien..., dis-je avant de me figer. Vous...

- Tu vas pas me poser la question de savoir qui fait quoi? demanda-t-elle méfiante.

- Non! dis-je choquée. Je ne me permettrai pas ça... Je me demandais depuis combien de temps vous étiez ensemble...

- L'année dernière et tant mieux si t'as pas de questions intimes ! fit Melissa en me bousculant et faisant valser ma trousse noire qui contenait tout ce dont j'avais besoin. Merde désolée...

- C'est pas grave, dis-je en m'agenouillant pour ramasser tout ce qui avait fini par terre.

Je rattrapai vite mon taille-crayon et mes crayons. Je cherchai la gomme quand des pieds arrivèrent près de mes mains. Je vis alors une main déposer un livre par terre, "La déesse des mouches à feu", et ramasser quelques stylos à bille qui avaient roulé. Je relevai doucement la tête et j'écarquillai les yeux. Il s'agissait là d'un des deux jumeaux si étrange, le garçon. Le fameux Rhys était en train de ramasser mes affaires et après avoir vérifié qu'il n'y avait rien de plus au sol, il leva les yeux vers moi. Je fus saisie de stupeur en découvrant un visage que même moi je devrais qualifier de perfection incarnée. Pas un poil qui dépassait, pas un bouton disgracieux, pas un soupçon de gras. Chaque centimètre carré de sa peau semblait refléter la perfection. Même ses cheveux semblaient parfaitement coiffés, même si ils restaient assez courts ces cheveux châtains clairs. Là où sa perfection atteignait des sommets, c'était sans doute sur deux points. Le premier était qu'il ne semblait pas très affecté par la température, n'ayant pas la moindre trace de sueur. Le second, et le plus incroyable, c'était ses yeux. Deux joyaux d'un bleu océanique s'offrirent à moi... Ils étaient incroyables de pureté et de douceur. Tellement que, même si j'étais incapable de nager, ils me donnaient l'impression de m'inviter à plonger dans la mer. J'en déglutis de surprise avant de réussir à articuler quelques mots presque inintelligibles.

- Euh... Ben... Merci, dis-je en bafouillant devant la statue grecque qu'était son visage.

- De rien, me répondit il d'une voix totalement enchanteresse, posée et douce, sans intonation plus haute qu'une autre.

- C'est bien comme livre? demandai-je bêtement en le voyant le ramasser.

- Intéressant, fit-il après avoir regardé ce fameux livre.

- Rhys, appela alors une voix derrière lui qui me poussa à lever les yeux.

C'était bien évidemment sa sœur, toute aussi parfaite, sans doute même encore plus. Ces deux là semblaient être des divinités grecques incarnées sur Terre pour montrer ce qu'était la perfection des olympiens, comme si ils étaient bien supérieurs à nous. Ses cheveux lui descendaient au milieu de la poitrine et ses traits étaient forcément la féminité incarnée : des lèvres fines, des yeux aussi bleus que ceux de son frère, des cils sublimes et parfaitement égaux... Aussi parfaitement maquillée qu'une égérie de mode se préparant à un défilé. Je me relevai alors en comprenant que je les génais et je me rassis. Ils me passèrent à côté, suivant l'allée et ce fut derrière nous qu'ils s'assirent tout deux. Je n'osais pas me retourner pour vérifier mais c'était bien ça. J'étais totalement sidérée de leur physique si parfait. Un être humain pouvait-il réellement être aussi parfait ? Je l'ignorais jusque ce jour là. Et surtout, ces yeux... Des yeux avaient-ils le droit d'être aussi beaux et intenses? Le nombre incroyable des prétendants à l'idée de ravir leurs cœurs m'était désormais assez compréhensible.

- Ça va Fern ? demanda Melissa après avoir dit quelque chose que je n'avais pas entendu.

- Oui, dis-je surprise. Tu disais?

Elle me regarda soudainement avec un soupçon d'amusement dans le regard. J'avais déjà envie de fuir.

- Je te demandais si t'avais tout récupéré, avoua Melissa. Mais...

- J'ai tout, dis-je en souriant avant de la voir se pencher doucement vers moi.

- Tu viens de te faire frapper par la foudre? demanda alors Melissa en me souriant mesquinement.

- Mais non! dis-je choquée.

- On dirait pas, répliqua Melissa amusée.

J'étais concernée à cet instant là, je n'étais pas ce genre là. Non... Je n'avais jamais voulu être le genre de fille qui se pâme d'admiration devant un garçon uniquement sur son physique. Et pourtant... Je savais à cet instant là que ce garçon dont je ne connaissais absolument rien, à part un goût pour la lecture, m'avait transcendée... Je m'étais sentie happée par son regard, prête à plonger dans les profondeurs de l'océan pour la connaître. Pour être très honnête, j'avais une furieuse envie de me taper la tête sur le bureau tant je me trouvais futile. Voyant que le professeur n'était pas là, je pris mon téléphone rapidement, me donnant pour mission de trouver une bonne raison d'avoir une attirance. C'était facile, je devais savoir quel genre de livre il aimait. Le plus simple, ce fut le résumé Amazon. Je pus alors lire l'histoire du livre, "La déesse des mouches à feu", c’était Catherine, quatorze ans, l’adolescence allée chez le diable. C’était l’année noire de toutes les premières fois. C’était mille neuf cent quatre-vingt-seize à Chicoutimi-Nord, le punk rock, le fantôme de Kurt Cobain et les cheveux de Mia Wallace. Des petites crisses qui trippent sur Christiane F. et des gars beaux comme dans les films en noir et blanc. Le flânage au terminus et les batailles de skateux contre pouilleux en arrière du centre d’achats. L’hiver au camp dans le fin fond du bois, les plombs aux couteaux, le PCP vert et les baises floues au milieu des sacs de couchage. C’est aussi les parents à bout de souffle et les amants qui se font la guerre. Un jeep qui s’écrase dans un chêne centenaire, les eaux du déluge qui emportent la moitié d’une ville et des oiseaux perdus qu’on essaie de tuer en criant... Ce livre, il m'intéressait déjà, autant que celui par lequel je l'avais découvert. Il aimait le même genre de livre étrange que moi, j'avais noté le rappel de Christiane F... Un garçon pouvait donc aimer ce genre de livre... Je n'osais pas réellement me retourner pour vérifier mais j'entendais clairement Rhys tourner les pages de son livre.

- Qu'est-ce que tu comptes acheter? demanda Melissa en voyant le logo du site.

- J'avais oublié de vider mon panier, dis-je en revenant sur l'écran de base et éteignant mon téléphone.

- C'était un livre ? demanda-t-elle en préparant ses feuilles pour noter.

- C'est mon principal loisir, dis-je alors honnêtement.

- Cool... Ho le prof ! fit Melissa en indiquant la personne qui entrait.

Et me sauvant de ma gêne, un professeur très grand, très maigre et surtout très vieux, avec un pantalon de toile marron d'un autre âge, des bretelles vertes assez criardes sur une chemise jaune arriva. Cet étrange mélange de couleur pourrait aisément achever un épileptique tant c'était moche.

- Te fie pas aux apparences, c'est un bon prof par contre il a une fâcheuse habitude, précisa Melissa.

- Hein? dis-je étonnée avant d'entendre le professeur prendre la parole.

- Bonjour à tous et à toutes pour cette nouvelle année parmis nous, fit calmement le professeur d'une voix assez chantante mais apaisante. Je m'appelle Henry Clum, je serai votre professeur de mathématiques et votre professeur principal. Nous allons pouvoir commencer par un... Test d'aptitude, précisa le professeur en provoquant grognements et indignations.

Je regardai vers Melissa qui confirma d'un regard amusé. Heureusement que j'avais bossé, cela me fit sourire et je réalisai en regardant partout que certains étaient vraiment dégoûtés.

- Comme d'habitude nous allons pouvoir découvrir qui n'a rien fait des vacances, fit la voix doucereuse de Rhys derrière moi.

Je tournai doucement le regard étonné qui était le mien vers lui, surprise qu'il m'adresse la parole alors que la bande m'avait dit qu'il était totalement asocial.

- Comme chaque année, à croire qu'ils espèrent qu'il va oublier, soupira Alvina près de moi.

Étais-je si stupide pour croire qu'il aurait pû m'adresser la parole ? Sans doute un peu. Le professeur ignorant que je sois en proie à un moment de honte, fit une chose incongrue.

- Je crois avoir vu un nouveau nom sur la liste d'appel... Turtlebaum ? appela le professeur.

Je tournai brusquement la tête vers lui surprise.

- Ha elle n'est pas là ? Fern Turtlebaum ? appela encore le professeur.

Toujours surprise, je me redressai brusquement en levant la main.

- Je suis là Monsieur, dis-je gênée.

- Bienvenue Mademoiselle, venez distribuer le teste surprise, me fit le professeur.

Je me levai alors immédiatement, attirant forcément tout ce que je ne voulais pas à la base, à savoir l'attention. Je pris rapidement le tas de feuilles et je jetai très rapidement un coup d'œil dessus. Il s'agissait d'un test pour vérifier le niveau des élèves sur les équations algébriques. Je pris donc la décision de commencer à les distribuer à chaque élève. La plupart me remerciaient tout de même d'un sourire, se montrant donc assez accueillants envers moi. Alors que je distribuais les feuilles, je ne pus que réaliser que j'allais terminer par les fameux jumeaux. Je prenais beaucoup de temps, trop je suppose.

- Tout va bien Mademoiselle Turtlebaum ? demanda le professeur.

- Oui, je me dépêche Monsieur, signifiai-je immédiatement.

Je pris la décision d'aller un peu plus vite, finissant par poser une feuille devant Melissa.

- Ho il a l'air facile ! signifia cette dernière en regardant sa feuille.

Ce n'était pas totalement faux d'après ce que j'avais vu. Je n'allais pas avoir trop de difficultés. Il ne me restait que les jumeaux. Je déglutis quand Rhys posa ses magnifiques joyaux sur moi et je posai la feuille.

- Merci, dit-il poliment de sa voix si douce.

- Bienvenue dans le lycée, me souhaita ensuite sa jumelle avec un sourire.

- Merci à toi, dis-je poliment.

Malgré son sourire, je la sentis un peu contrite. Pendant que je faisais le tour pour pouvoir réussir à m'asseoir de nouveau, je la vis fixer son frère avec sévérité. Avait-elle vu comment je le regardais? Étais-je ridicule ? Voilà ce que je me demandais en m'installant.

- Je vais passer entre vous pour vérifier vos horaires et tout ça, commencez à travailler, assura Monsieur Clum.

Je pris donc ma copie et j'écrivis mon nom de mon écriture assez fine et lisible, mon stylo glissant dessus. Je me mis dans ma position habituelle, légèrement courbée sur le côté, et je me mis à résoudre les premières équations. Ma chère voisine prenait un certain plaisir à l'exercice et cela se voyait à sa vitesse incroyable pour répondre. J'étais déjà convaincue que corriger sa copie serait très aisé. Moi, je prenais soin de bien développer chacun des raisonnements ainsi, dans l'éventualité d'une erreur, le professeur pourrait voir le problème. Je pourrais peut-être ainsi encore m'améliorer.

- Rhys... Ta feuille, intima Alvina derrière moi.

Doucement, mon œil gauche quitta ma feuille et entre les mèches longues de ce côté, je pus voir qu'il m'observait. Ma voisine ne semblait pas l'avoir entendue ou alors peut-être était-ce parce que j'étais habituée à prêter une oreille attentive à mon environnement pour m'assurer de la sécurité de Jason. Qu'importe la raison, j'avais entendu. Et ce fut à cet instant que nos regards se croisèrent. Je m'étais figée immédiatement, m'arrêtant en pleine écriture, ne l'observant qu'entre mes cheveux. Je replaçai immédiatement ceux-ci et j'attendis. Rhys commença enfin à écrire et je réalisai rapidement qu'il n'avait rien à envier à ma voisine.

- Je peux savoir ce que t'as? marmonna Alvina derrière moi.

- Rien, grommela Rhys.

- Mouais... Une de plus quoi, asséna la fille derrière moi sur un ton si blasé que je compris qu'elle m'avait déjà considérée comme les autres.

- Arrête Alvi, murmura Rhys.

- Sois discret alors, chuchota Alvina.

Je me concentrai sur ma feuille, arborant sans vraiment m'en rendre compte un petit sourire. Et puis je me considérai immédiatement comme une idiote. Peut-être étais-je le genre de fille qu'il appréciait après tout. Ce ne sera pas si mal de m'entendre avec tout le monde. Je réalisai que quelqu'un était arrivé et je relevai la tête en sursautant, sortie de mon petit nuage idiot et précaire.

- Pardon, je vous ai fait peur? demanda le professeur tout bas.

- Non, j'étais concentrée sur le test, mentis je à moitié.

Mon mensonge fonctionna avec le professeur mais bien moins avec ma voisine qui avait haussé les sourcils quand j'avais répondu.

- Nous avons reçu votre dossier, vous étiez en Virginie ? demanda le professeur, sans doute dans un soucis de vérification.

- Oui mon père est au NCIS, dis-je poliment. Il était en poste au QG...

- Quantico, marmonna Rhys derrière moi.

- Occupe toi de ce qui te regarde, assura sa jumelle.

Sacrées connaissances, beaucoup ignoraient cela, pas eux visiblement.

- Vous avez réussi à vous installer ici? demanda Monsieur Clum dans l'optique de me mettre à l'aise.

- Oui Monsieur, répondis-je poliment. C'est assez joli.

- Paradisiaque même, avoua le professeur. J'ai une copie de votre horaire. Vous pouvez vérifier ?

Je le pris immédiatement et je confirmai rapidement d'un regard le contenu de ceux-ci, complètement identiques.

- C'est bien ça.

- Bien....J'ai vu que vous n'aviez pris aucune option, êtes vous indécise ? demanda le professeur.

- Non euh..., hésitai-je rapidement avant de murmurer la suite au professeur. Ma mère est décédée il y a quelques années et j'ai un petit frère d'à peine six ans. Je dois rentrer tôt pour m'occuper de lui.

- Ho... Mes condoléances, chuchota le professeur. Pas de problème. Je ne vous pousserai pas à en choisir.

- Merci, dis-je avec sincérité.

- Si vous avez besoin d'aide, votre voisine partage votre horaire, dit alors le professeur.

- Je sais Monsieur, nous avions déjà sympathisé avant la rentrée, par hasard, dis-je immédiatement.

- Ho et bien tant mieux, fit-il en regardant Melissa. Le destin... Ce qui est pratique c'est qu'en cas d'absence de Mademoiselle Lawrence, votre voisin de derrière partage également cet horaire.

- Hein? dis-je étonnée avant de me retourner vers le concerné.

Mon cœur venait de faire une chose improbable à mes yeux, un véritable bond dans ma poitrine. C'était bien de la joie.

- Si Monsieur Clum le dit, me fit simplement Rhys.

- Vous voulez vérifier Monsieur Carter? demanda alors le professeur.

Donc ces deux là s'appelaient Alvina et Rhys Carter. En réalisant cela, quelque chose se connecta dans ma tête. Je retournai immédiatement ma tête vers le professeur avec inquiétude. Était-ce possible ?

- Vous avez dit quoi ? dis-je au professeur.

- Qu'il avait le même horaire, précisa le professeur.

- Non, dis-je en me retournant. Votre nom de famille c'est Carter?

- Oui. Ça te pose un soucis quelconque ? demanda sèchement Alvina.

- Non... Jaymes Carter...

- C'est notre mère, assura Alvina. Ça te dérange ?

- Je... Je...

- Notre mère ne nous parle pas de son travail et nous n'avons pas accès à ses dossiers, me fit Rhys en attirant mon attention. Cela devait être ton inquiétude non?

- Oui...

- Pfff... Remets encore une fois l'intégrité de Maman en jeu et tu vas me trouver, me fit sèchement Alvina avec une méchanceté non feinte.

- Mademoiselle Carter, du calme, fit le professeur. Retournez tous les quatre à vos copies.

Je continuai de regarder Rhys surprise de cette information. Ma psychothérapeute était leur mère, c'était horrible de savoir ça. Le pire, c'était plutôt qu'à cet instant là, je pensais que Rhys pourrait m'imaginer totalement folle. J'avais alors attendu que le professeur se soit éloigné et je m'étais de nouveau retournée mais vers Alvina.

- Je ne critiquais pas ta mère, dis-je immédiatement. J'étais juste étonnée.

- Et oui, on a une mère, merci de te retourner, dit-elle en réponse.

- Alvi, la réprimanda immédiatement Rhys.

- Toi, ta gueule... Et toi..., fit-elle simplement en me poussant à me retourner d'un geste de main.

Je me retournai alors complètement choquée d'une telle impolitesse. J'étais même outrée. Je venais de comprendre pourquoi personne ne pouvait s'en approcher... Ils étaient à part. Heureusement, il n'y eut point d'autres événements surprenants durant ce cours et je pus commencer à remballer mes affaires avant de partir avec Melissa. Alors que je me levai, je dus me rattraper à mon bureau car quelqu'un m'avait bousculée.

- Hey! dis-je en me retournant pour observer Alvina qui partit sans demander son reste.

Cette fille était franchement bizarre, et son jumeau qui la suivit l'était sans doute tout autant. Je regardai Melissa en espérant qu'elle me dise quelque chose. Elle se contenta de hausser les épaules. Bon, cela devait donc être normal pour elle.

- Prends pas ombrage, dit-elle en souriant. Ils sont... Complètement perchés.

- Tu crois qu'ils pensent réellement que je me méfie de leur mère ? demandai-je méfiante.

- J'en sais rien, je pense que c'est parce que t'as été choquée, c'est tout, m'assura Melissa avant de saisir mon bras pour avancer. Mais elle est professionnelle.

Entendant ces mots, je tournai la tête vers elle. Pouvoir prétendre qu'une psychothérapeute était professionnelle signifiait forcément que Melissa avait dû consulter auprès d'elle. Je ne pouvais me permettre de demander quoique ce soit, cela ne me regardait pas, c'était sa vie privée.

- Mon père a pensé que je devais en voir une, dit-elle simplement.

- Ha ok, dis-je simplement sans poser de question.

- Rapport à mon homosexualité, insista Melissa.

Je la regardais méfiante mais touchée qu'elle estimait devoir me préciser, c'était un signe qu'elle me faisait confiance. Cependant, j'étais saisie d'une certaine inquiétude pour elle.

- Ho pas pour me faire changer même si il a dû mal à encaisser l'information, m'expliqua Melissa en souriant. Plutôt pour savoir si j'étais sûre, si il y avait une raison particulière et si j'étais juste dans la provocation.

- Ha ok, répondis-je encore avant d'être honnête à mon tour. Moi c'est pas rapport à la gestion de mon deuil.

- J'avais deviné toute seule, m'assura Melissa. J'espère que t'as faim.

- Ouais, enfin un peu... J'ai dû mal à manger à cause des chaleurs, dis-je tandis qu'elle me menait à la cafétéria.

Je la vis sortir son téléphone de son sac et envoyer un message. Quelques petites minutes plus tard, son téléphone bipa et elle le regarda pendant que nous suivions la très longue file d'attente.

- On mange à l'extérieur, dit-elle simplement.

- Quand tu dis extérieur...

- Ho sur les bancs, on prend ici, m'avoua Melissa. C'est vrai que ma phrase n'était pas claire...

Je souris en attendant notre tour. Pénétrant enfin dans l'espace nous permettant d'attraper un plateau, je le fis après avoir solidement ancré mon sac sur mon épaule. Je n'avais pas pensé à demander où se trouvaient les casiers mais visiblement, tout le monde faisait pareil. J'évitais soigneusement le coin de restauration chaude, ses pâtes, ses burgers, ses frites ou ses plats plus équilibrés. Il faisait bien trop chaud pour que je m'y attelle. Je préférais clairement ma restauration froide. Et là aussi le choix était intéressant. Des sandwichs en tout genre, des salades diverses et variées ou même un plateau constitué de crudités. Il y avait même des sushis. Je regardai immédiatement ceux-ci, les trouvant assez peu coûteux. Il était vrai qu'une forte population japonaise habitait l'archipel, cela venait sans doute de là.

- Tu veux un poke bowl? demanda Melissa.

- C'est bien une salade? demandai-je.

- Pas vraiment, c'est plutôt un plat hawaïen composé d'une salade servie dans un bol, généralement contenant du poisson cru et du riz. T'aimes ça ? demanda Melissa.

- J'ai jamais goûté... Enfin pas encore, je pensais le faire bientôt.

- Ben c'est le moment où jamais, fit-elle en riant. Allez viens c'est là bas.

Je la suivis rapidement, zigzagant entre les élèves pour arriver devant un présentoir. Chacun des bowl était constitué de poissons différents et même le riz était parfois parfumé. Peu décidée à tenter un poisson que je ne connaissais pas, je pris le bowl au saumon et riz complet.

- Copieuse, fit ma voisine en me regardant amusée.

- Je préfère faire simple, avouai-je en me dirigeant vers la caisse.

C'était également là que se trouvaient les boissons et je pris une eau pétillante bien fraîche. Ma voisine préféra une orangeade. Nous payâmes ensuite nos plateaux avant de nous diriger vers la grande baie vitrée qui menait aux tables extérieures. La bande était déjà à table. Nous fonçâmes un peu rapidement à mon goût vers celle-ci et le baiser entre Melissa et Elise me signifia rapidement la raison de cet empressement. Je m'assis près de Maya et d'Ethan, en bout de table, face à Melissa.

- Bravo, tu te mets au local! lança Elise en souriant.

- Visiblement je ne suis pas la seule, dis-je mesquine en regardant Melissa.

- Ho l'autre, fit Duncan en riant. Elle s'adapte hein!

- Bientôt elle va nous mettre en bouteille, lança Maya en mangeant des frites dans le plateau d'Ethan.

- T'as pas pris de bonnes résolutions toi, fit son petit ami. Tu piques toujours les frites aux autres.

Un bon fou rire s'empara de la bande quand elle mordit méchamment dans son burrito en grommelant qu'il allait lui payer cela. Je regardai vers mes voisines d'en face et je vis Melissa mettre son bowl entre elles deux. Je repérai aisément un simple sandwich en triangle, purement industriel et de marque distributeur, que mangeait lentement Elise. Repérer cela me poussa à me rappeler qu'elle était née dans une famille nombreuse et peut-être n'avait-elle pas assez d'argent pour se payer la cantine. Je voulais faire un geste vers elle.

- Tu m'avais pas dit que c'était si gros quand même, dis-je à Melissa. Y en aura trop pour moi... Quelqu'un en veut?

Sachant que Duncan, Ethan et Maya étaient sur les plats chauds, cela laissait peu de monde. Melissa me regarda en souriant, comprenant ce que je faisais. Pour faire semblant de rien, ce fut à elle que je tendis mon bowl.

- Vas-y prends un bout de poisson, c'est trop gros, dis-je alors. Je mange pas autant le midi.

Elise me regarda et je la vis me faire un geste de la tête avant de prendre mon téléphone sur la table.

- Je viens de réaliser que t'as pas mon numéro, dit-elle. Ni celui de Mel.

- J'ai celui de Maya... C'est vrai que c'est le seul...

- Et tu veux le mien aussi? demanda Duncan avec espoir.

- Bah pourquoi pas...

- Tu lui envoies des nudes et c'est de ton cul que ton téléphone enverra des photos ! l'avertit Maya.

- Mais arrêtez, elle va me prendre pour un pervers ! se défendit ce dernier.

- Mais non! dis-je quand même pour le rassurer. Alors vos premiers cours de la journée ?

- Enfer sur terre... Madame Rosebury, fit Ethan en mimant un frisson.

- Euh..., dis-je en regardant mon horaire. On l'a l'heure d'après...

- Super, marmonna Melissa. Ça va être long...

- Quelqu'un me dit qui est Madame Rosebury ? demandai-je aux autres.

- Tu vois Voldemort ? Lui aussi aurait peur d'elle, fit Elise en riant.

- Cette femme croit qu'on est à l'armée..., m'avoua Melissa.

- C'est à dire? insistai-je.

- Disons que bonjour, au revoir, s'il-vous-plaît, merci, ça fait pas partie de son vocabulaire... Et elle semble mourir d'envie de nous disséquer nous plutôt que les grenouilles, précisa Duncan en évoquant la professeure de sciences.

- Ha ouais... Sympathique...

- Et toi ton premier cours? demanda Elise.

- J'ai bien aimé, Monsieur Clum a l'air gentil, dis-je simplement.

- Il l'est, assura Maya.

- Donc ça c'est bien passé ? demanda Elise.

- Ha ben elle était contente, avoua Melissa.

Je la regardai surprise en me figeant de stupeur. Elle n'allait pas dire un truc gênant ?

- Encore une sous le charme, fit-elle en riant.

- Mais non! dis-je choquée.

- T'étais en cours avec les jumeaux Carter? demanda Maya.

- Ils étaient derrière nous, marmonnai-je.

- Et Mademoiselle a beaucoup apprécié Rhys, ajouta Melissa.

- J'ai juste été polie, dis-je choquée. Et il a simplement ramassé ce que tu avais fait tomber.

Les regards sur nous impliquèrent alors que nous dûmes leur expliquer. Elise engueula d'ailleurs sa petite amie pour son manque de douceur.

- Tout ça pour dire qu'elle était à deux doigts de vider à nouveau sa trousse! fit simplement Melissa.

- N'importe quoi! me défendis-je en riant. Mais c'était gentil !

- C'est pas pour être méchante, m'assura Maya. Mais laisse tomber, c'est pas un mec très normal. Même avec sa sœur.

Je la regardai immédiatement, surprise et interpellée du propos. Elle m'indiqua une direction du doigt. Je tournai donc la tête et je vis Rhys et sa sœur Alvina, celle-ci la tête appuyée sur l'épaule de son frère, en train de manger sous le couvert d'un arbre. Lui, il joue avec les cheveux de sa sœur d'une main et tourne les pages de son livre de l'autre. C'était vrai qu'on n'aurait pas dit des jumeaux mais un couple. Mais j'avais toujours entendu dire que les jumeaux étaient extrêmement fusionnels, en général tout du moins. Je ne pouvais détacher mon regard du garçon qui semblait appartenir à un monde si différent, trônant sous son arbre tel un dieu au dessus des humains. Et la lumière du soleil qui se posait sur lui semblait le faire pour lui montrer son respect. J'étais clairement sous son charme, même si je n'étais pas la seule.

- Vous savez ce qu'on dit sur eux? demanda Ethan.

- C'est quoi? demanda sa petite amie en retour.

- Qu'ils sont pas frère et sœur, assura Duncan.

- Euh... Ils se ressemblent, précisai-je.

- Franchement, ils sont faits dans le même moule, assura Elise en me rejoignant dans mes comparaisons.

- Tu trouves ? demanda Duncan en les regardant attentivement.

- Tu ne te serais pas contenté de mater la sœur, tu saurais, marmonna Melissa.

- Et puis ils ont les mêmes yeux, dis-je immédiatement.

Tout le monde se retourna vers moi, assez surpris ou assez amusé. Je les regardai fixement avant de me justifier.

- J'ai eu le temps de les voir quand il m'a aidée, marmonnai-je pour me défendre.

- Et puis elle a distribué le test du prof, assura Melissa venant ainsi à ma rescousse.

- Mouais mouais mouais, fit Maya en riant.

- Je ne craque pas pour un mec uniquement parce qu'il sort tout droit d'un magazine de mode, me défendis-je encore.

- Donc tu le trouves canon? me demanda encore Maya.

- Ben... Ça se voir non? demandai-je. Mais pourquoi ils seraient pas frère et sœur ?

J'avais voulu changer de sujet, revenant à la base de la conversation pour que les insinuations cessent enfin. J'appris ainsi que beaucoup de garçons étaient convaincus de cela car dans les vestiaires, il était toujours à deux doigts d'égorger quelqu'un qui faisait des compliments sur sa sœur.

- Mouais et des mecs dans un vestiaire de mecs, je vois le genre de compliments, marmonna Maya en regardant son mec.

- Je me tiens bien moi... Et oui, c'est fleuri, dit-il simplement pour se défendre.

- Et c'est quand même sa sœur, dis-je alors. Je comprends moi.

- J'avoue que je suis d'accord, assura Elise. Si vous balancez des trucs du genre que vous voulez la baiser, il aurait bien raison.

- Ouais mais il a carrément explosé un casier avec un seul coup de poing, précisa Duncan.

- Wahou... Il s'est blessé ? demanda Maya choquée.

- Même pas... Le mec est en béton armé, dit alors Duncan. Il a fait crac le casier et lui, il aurait tapé dans de la mousse c'était pareil!

J'en fus choquée, on ne l'imaginait pas comme ça mais il devait être franchement musclé alors. Et puis soudain, posant une question choquante, Maya prit la parole.

- Et pour information, il est comment dans le vestiaire ? demanda Maya.

- Bah vas-y, te gêne pas, dit alors Ethan franchement et logiquement vexé.

- C'est pas pour moi! se défendit Maya. Alors?

J'aurais juré qu'elle m'avait regardée en disant cela et j'étais franchement outrée. Mais bizarrement la réponse m'intéressait. Me disant cela, je m'en voulais d'agir en nunuche superficielle.

- Bah... Il est musclé, précisa Duncan.

- Et...

- Quoi et? demanda Duncan. Tu crois que les mecs se comparent la bite?

- Vous êtes des mecs... Et accessoirement, les filles se comparent les nichons, précisa Maya.

Consternante... Voilà le seul mot qui surgit dans mon esprit à cet instant là. Mais ce n'était pas totalement faux. Il m'arrivait de regarder dans les vestiaires comment étaient les autres filles, histoire de savoir si j'avais des atouts où si je n'étais que passable, voir laide.

- Bon, sur cette constatation hautement phylosophique, on retourne en cours, assura Melissa. Je t'accompagne ?

Cette question, elle l'avait posée pour moi. Je hochais donc la tête positivement avant de la regarder embrasser sa copine.

- Je prendrai vos plateaux, je finis! assura Duncan en se dépêchant de manger.

Je le remerciai rapidement en prenant la direction des classes de sciences en compagnie de ma complice.

- Désolée, ils sont un peu barrés! fit-elle en riant.

- J'avais remarqué... Je suis pas une fille qui craque comme ça ! dis-je rapidement.

- Hey meuf... Tu kiffes qui tu veux ok ? assura Melissa. Tu veux mater Rhys, tu mates Rhys. Tu veux lui sauter dessus... Demande quand même la permission...

- Mouais, ce serait un viol sinon, dis-je en riant.

C'était amusant de voir les choses comme ça mais c'était vrai qu'observer un garçon mignon ne faisait pas de moi une folle. Le temps de cette si brillante analyse me permit d'arriver devant la classe de sciences. Nous entrâmes donc et nous installâmes à un comptoir de sciences. Je vis entrer Rhys, tranquille et sans sa sœur pour foncer s'asseoir tout seul dans son coin.

- Sa sœur a pas court avec nous? demandai-je surprise.

- Elle suit ceux de l'année supérieure, elle est en avance, assura Melissa.

- Ho... J'ai jamais voulu, dis-je honnêtement.

- Moi non plus sinon je serai peut-être à l'Université, assura Melissa.

- Et lui? Il a quoi comme cours en avance? demandai-je alors.

- Qui te dit qu'il en a? demanda Melissa en souriant.

- Je sais pas... Je demande...

- Les cours de langue étrangère, précisa enfin Melissa. Il a déjà validé ses diplômes en espagnol, japonais et français...

- La vache... Impressionnant..., dis-je surprise.

- Les deux sont bons élèves mais comme ils ne participent pas à grand-chose en dehors du lycée, on ne les connait pas bien, dit-elle avant de se figer en entendant des bruits de pas.

Le bruit caractéristique de vieux escarpins usés nous parvint alors, signe que la professeur si effrayante arrivait. J'eus tous le loisir de voir cette professeure, Madame Rosebury, entrer dans la classe. Il s'agissait clairement d'une femme en fin de carrière, au regard de pitbull enragé et avec des lunettes en demi-lunes ne masquant pas beaucoup un regard haineux. Son chignon de cheveux grisonnants, sa robe à fleurs sortie d'un vieux films et le fait qu'elle soit courbée donnait l'étrange impression d'être dans une école de bonne manière des années cinquante. Je me demandais à quoi il fallait s'attendre et je fus servie.

- C'est quoi ça ? demanda-t-elle d'une voix franchement criarde.

J'avais eu envie de me boucher les oreilles, sa voix était si agressive et si criarde que le crissement de la craie sur un tableau devait être plus mélodieux.

- Quoi donc Madame? demanda une élève.

- Ça ! fit-elle en montrant sa classe. Qui vous a placé ?

- Ben nous, avoua un garçon.

- Hors de question!

Cette femme me sembla alors aussi antipathique que Monsieur Clum était gentil. Une véritable Severus Rogue en robe à fleurs... Sympathique...

- Je ne vais pas encore subir une année de plus avec une bande d'adolescents irrespectueux, grogna la dame. Tous debout et ici! Je vais vous placer et vous attribuer votre binôme. Je veux un cours calme et discipliné !

- Ha ouais... Sympa, marmonnai-je consternée.

- Pire que d'habitude..., avoua Melissa.

Avec mon amie, nous nous levâmes et rejoignirent le troupeau. Hitler du troisième âge décida alors, en prenant la feuille d'appel, de qui serait assis à côté de qui mais surtout où. Je regardai les élèves attendre leurs noms avec la même angoisse que les habitants des romans Hunger Games. Prêts à aller à l'abattoir.

- Melissa Lawrence et Devon Kumida! dit-elle en montrant un comptoir de cours.

Melissa me regarda désolée de me laisser là, se dirigeant vers sa place désignée clairement au hasard.

- Fern Turtlebaum... C'est qui? demanda sèchement la professeure.

- C'est moi Madame, dis-je en levant la main. Je suis nouvelle au lycée et je n'a...

- Je vous ai demandé de parler de vous? me demanda froidement Madame Rosebury. J'ai demandé qui était Fern Turtlebaum, dire "moi" suffit. Là-bas !

Je m'étais involontairement faite remarquer alors, sans demander mon reste, je partis m'asseoir sur le siège du fond, là où j'avais été conviée si poliment de me rendre.

- Et à côté de Mademoiselle l'intéressante..., fit alors la professeure en me vexant si profondément que j'en baissais ma tête, Rhys Carter.

Je relevai alors la tête, souriant un petit peu. Heureusement, personne ne pouvait me voir faire ça. Je continuai de me diriger vers ma place et je me retournai vers Rhys.

- Tu préfères être contre le mur? demandai-je poliment à mon futur voisin et binôme aux yeux si parfaits.

- C'est comme tu préfères, précisa Rhys doucement. Je n'ai pas...

- Vous n'êtes pas au salon de thé ! s'énerva le professeur. C'est un cours Mademoiselle Turtlebaum pas un club de rencontre.

- Je demandai juste si il...

- Assis! s'énerva la professeure.

J'obéis immédiatement, m'asseyant sans demander mon reste. Rhys fit de même et j'étais gênée. Cette femme m'avait affichée, sans aucun honte. Cela ressemblait à du harcèlement moral, interdit bien évidemment. J'étais vexée assise sur ma chaise et je patientai jusqu'à la fin de son tri à la noix.

- Bien, voilà une classe rangée comme je le veux, fit-elle victorieuse. Maintenant je vais écrire au tableau la liste des matières que nous allons voir cette année. Le premier qui parle prend un billet de retenue!

Et ben, c'était franchement l'enfer ce cours. Je n'arrivais pas à croire qu'il était possible que mes deux professeurs du jour soient collègues tant ils étaient dissemblables. Je notai les cours sur ma feuille quand j'entendis un rire dans la classe. Je relevai vite fait les yeux vers le tableau et il y avait écrit, au milieu des expériences sur les acides et des tests sur les formules chimiques, un intitulé sur la reproduction chez l'être humain. Si cela avait fait rire un élève, je ne pensais pas que ce cours serait si amusant, dispensé par cette femme en tout cas.

- Si les hormones vous travaillent, prenez des douches froides! s'énerva la professeure en se retournant. Ce n'est ni un club de rencontre ni un lupanar, le prochain qui ricane va entendre parler de moi !

Je la vis se retourner et je soupirai en replaçant mes cheveux.

- Quelle horrible sorcière, marmonnai-je alors.

J'entendis un petit ricanement absolument discret, et profondément séduisant, provenant de la personne à ma gauche. Je relevai les yeux vers lui et il se pencha un peu, après s'être assuré de ne pas attirer l'attention, avant de murmurer.

- Bienvenue dans la Section du planning spécial du cabinet du Reichsführer, me fit Rhys tout bas.

Je le regardai surprise avant de me dire que cette phrase me disait quelque chose. Je me souvins alors que c'était dans Battle Royale de Koushoun Takami, un roman japonais mettant en scène une classe de collégiens obligés de s'entretuer sur ordre du gouvernement. Certains disaient d'ailleurs que l'auteur de Hunger Games s'en étaient inspiré, de loin selon moi. Rhys me regardait fixement, se demandant sans doute si j'avais la référence.

- Tu serais plutôt Kazuo Kiriyama ou Shuya Nanahara? demandai-je alors en évoquant le méchant en premier et le personnage principal en second.

- Je serai plutôt Shogo Kawada, répondit Rhys en souriant. Content de voir que des gens ouvrent des livres.

Je souris alors, d'abord de son choix, celui du personnage s'infiltrant pour se venger ; et puis surtout pour son compliment. Certains auraient pu penser que j'avais pû voir le film, les personnages étant un peu différents mais assez semblables malgré tout. Seul quelqu'un ayant lu le livre original aurait pû savoir comment s'appelait le service ayant mis en place le massacre, le film parlant simplement de Programme. J'étais contente de mon petit effet, passant pour une amoureuse des livres, ce que j'étais d'ailleurs. Ce fut cependant mon seul petit éclat de l'après midi, Severus Rogue étant l'être le plus désagréable du monde. Et puis surtout, Rhys ne m'adressa plus du tout la parole ensuite, concluant ma première journée de cours dans mon nouveau lycée d'une bien étrange manière.