The Life Eaters

Chapitre 2 : I hiki ke kau i nā huaʻōlelo

9668 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour il y a environ 2 ans

CHAPITRE II


I hiki ke kau i nā huaʻōlelo

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Nous installer fut tout de même assez long, Papa ayant dû prendre son premier service dès le surlendemain de notre arrivée. Heureusement, étant au courant, nous avons pu découvrir notre quartier, ses commerces et ses facilités dès le lendemain. Depuis ce jour là, c'était à moi qu'avait incombé la lourde tâche d'organiser la maison. J'avais tout installé pour me faciliter les tâches domestiques, que ce soit pour faire le ménage tout en gardant les produits hors de portée de Jason, ou encore pour cuisiner. Sur ce point, j'avais insisté auprès de mon père pour faire l'acquisition d'un livre de recettes typique de l'archipel, histoire de tenter un peu de faire couleur locale. Je n'avais par contre pas vraiment exploré le coin, hormis le parc pour enfants du quartier avec Jason. Il m'arrivait cependant de croiser Maya qui passait beaucoup de temps hors de chez elle, avec son petit ami. Nous avions cependant conversé assez souvent quand même, commençant réellement à nouer quelques liens d'amitié. Elle ne cessait de me promettre de me présenter ses amis mais j'avais quelques craintes à ce sujet. En effet, je n'étais pas quelqu'un de très amusant, de fêtarde non plus et encore moins de loufoque. J'étais très sérieuse, très préoccupée par ma famille surtout. Elle m'avait tout de même confirmé que cela allait ce faire et ce fut le jour de ma première séance chez ma nouvelle psy. Ce matin là, comme tous les matins depuis longtemps, j'étais descendue préparer le repas. Je m'étais douchée aussi discrètement possible, sans musique et sans trainer, avant de revêtir un short et un débardeur noir. Je m'étais interrogée sur ce que je pouvais faire ce matin là. J'avais alors préféré commencer par les sandwichs au thon de mon père, pour ses pauses repas du travail si il avait le temps. Puis, j'avais ouvert le frigo en cherchant attentivement.

- Bon... Papa aime les œufs brouillés..., dis-je en prenant les œufs. Jason préfère au plat... Moi... Hmmm... Ho ben je vais me prendre des fruits et du yaourt nature...

Je posai immédiatement tout le matériel nécessaire, sortant deux poêles pour les œufs et un couteau et une cuillère pour moi ainsi qu'un bol. Il faisait déjà chaud ce matin malgré l'air océanique qui passait par nos fenêtres. J'avais un peu de difficultés à m'y habituer mais je commençais à ne pas oublier que les shorts et débardeurs étaient bien plus pratiques. Je me mis à casser les œufs, commençant par les œufs brouillés de Papa. Je mis également un peu de pain de mie dans le grille-pain pour les toaster rapidement. Maman aimait son pain très grillés mais elle était la seule. Cela me faisait toujours quelque chose de bizarre de ne plus en voir sur la table mais je devais m'y faire. J'entendis des pas derrière moi provenant d'abord de l'escalier avant de les entendre sur le sol de la cuisine. Des lèvres se posèrent sur le sommet de mon crâne.

- Bonjour Fern, fit mon père. Bien dormi?

- Je m'y habitue Papa, dis-je en me retourne rapidement.

Je le savais, c'était comme ça depuis la mort de Maman, Papa portait Jason avec qui il passait du temps le matin. Moi, ce temps passé avec mon père, c'était surtout le soir avant de dormir, Jason se couchant forcément beaucoup plus tôt que moi.

- Coucou mon petit cœur, dis-je en articulant bien vu que j'avais les mains prise avant d'embrasser la joue de mon petit frère.

- { Bonjour Sœur} signa Jason dans les bras de Papa.

- Ça sent bon, assura mon père en installant d'ailleurs Jason à table.

- Œufs brouillés ce matin, dis-je en cassant l'oeuf pour Jason qui frémit immédiatement dans la poêle.

- On est gâtés, dit alors mon père.-

Je souris en haussant les yeux au ciel avant de remarquer le silence derrière moi. Papa devait signer, du moins je l'espérais. Pendant ce temps, je vidai rapidement les œufs brouillés dans une assiette avant de saisir une spatule pour récupérer l'oeuf au plat et le mettre dans une autre.

- Tadam... Ces messieurs sont servis, dis-je en posant les assiettes.

Mon père me regarda déposer mon bol et mon yaourt avant de commenter.

- Bien plus équilibré, fit-il en riant.

- Faut bien de temps en temps, Jason a des fruits au goûter... Toi par contre..., marmonnai-je en plissant les yeux.

- Ouais bon... Je sais moins de donuts plus de fruits, grogna mon père comme un enfant réprimandé.

- Tu pourrais surtout stopper les clichés, avouai-je en riant.

- Plus sérieusement... Tu as commencé à regarder pour une voiture ? demanda-t-il rapidement.

- Non pas vraiment, avouai-je en mangeant mon yaourt. C'est pas pressé.

- Disons que tu pourrais avoir envie d'une voiture, c'est bientôt la rentrée, assura mon père.

- Je marcherai, précisai-je alors.

Je vois mon père surveiller mon frère et son repas. Il n'a pas à s'inquieter, cela fait déjà quelques semaines qu'il se tient bien pendant les repas. Il mange dans son coin sans gesticuler en tout sens pour se faire comprendre. Il m'en donnait du travail quand il fallait nettoyer derrière mais mon père essayait quand même de m'aider. En plus, il avait une jeep de fonction maintenant, il prenait plus de temps.

- Tu n'es pas trop stressée aujourd'hui ? demanda-t-il au bout d'un moment.

- Papa... C'est pas ma première séance de psy..., marmonnai-je immédiatement en réponse.

- Je sais mais tu en changes..., développa mon père pour me préciser sa pensée.

- J'ai lu les commentaires sur internet, ses patients semblent satisfaits d'elle et j'ai vérifié par où je devais passer... Elle est pas loin, assurai-je.

- Madame Carmichael va garder Jason? demanda-t-il ensuite.

- Euh non... Je le garde encore pour qu'il s'habitue à l'endroit, certifiai-je avec obstination.

- Bon bon... Tire pas! fit-il en levant les bras.

- Et sinon, tu bosses sur quoi? demandai-je pour changer de sujet.

- Des dégradations sur un sous-marin, précisa mon père en se servant du café et montrant le ballon.

- Je veux bien, dis-je en le regardant fixement. Dégradation sur sous-marin ? Ho je suis conne... En cale sèche ou de halage sans doute...

- Euh justement... Non, dit alors mon père.

- Hein? dis-je bêtement. Comment on peut faire ça sur un sous-marin en plongée ?

- On pense que c'est des gosses du coin, tu sais avec les moteurs de plongée..., m'expliqua mon père.

- Ouais c'est si petit et si lent que cela ne doit pas se détecter sur un sonar... Mais... Ils sont tarés ! argumentai-je.

- C'est clair que si ils se ratent, ils finissent dans les hélices, précisa mon père. En plus c'est juste s'amuser à bousiller la coque...

- Peut-être des activistes écologiques, ou des trompe la mort un peu plus cons que la moyenne..., dis-je en réfléchissant.

- Franchement... Je préfère cela que des cas criminels, précisa mon père. Les agressions sur base ou les viols... Je commençais à en avoir marre.

- Y en a peu à Pearl Harbor ? demandai-je.

- Je pense que le côté paradisiaque doit les calmer... Ou alors ils ont trop chaud une fois sortis pour faire n'importe quoi, fit-il en riant.

- Et ben... Au moins les femmes prennent moins de risques, dis-je en haussant les épaules.

- Disons qu'une bande de soldats en permission peuvent toujours très mal se comporter... Ce n'est pas pour rien que je te dis toujours que...

- "Reste éloignée des hommes en uniforme ma chérie", fis-je en imitant mon père. "Ils ne veulent qu'une chose en permission : s'amuser. Ils promettent monts et merveilles juste pour mettre les filles dans leurs lits". J'ai tout bon ?

- Oui tu as tout bon, marmonna mon père consterné que je me moque de lui. Mais c'est vrai.

- Dit-il en se remémorant sa jeunesse, ajoutai-je en riant.

- Très mesquin... J'étais à l'Académie militaire à ton âge, précisa mon père.

- Et t'étais dans le seul pays du monde où il n'y avait pas de filles aussi? proposai-je en riant.

- Je te dis juste de te méfier, avoua mon père.

- Tu veux peut-être m'acheter une bague de virginité ? proposai-je mesquine.

- Chérie, j'ai confiance en toi, tu le sais, et je trouve cela idiot, précisa mon père. De un, parce que tu peux la porter et mentir... La seconde parce que ça motivera les garçons...

- Ho l'autre... Papa Parano détecté !!! Alerte à toutes les unités !!! Attention Papa Parano est excellent tireur! ajoutai-je en riant.

Mon père se vexa un peu plus. Naturellement, je plaisantais juste, j'appréciais même son comportement. Il n'avait techniquement pas à s'en inquiéter, je n'ai pas le projet de certaines qui n'ont pour but que de perdre leur virginité.

- C'était excellent ma puce, fit mon père en se préparant à emmener son assiette.

- Laisse, je vais m'en occuper, va au travail! dis-je alors.

- Sûre ? Ok, fit mon père résolu. Bon courage pour ta séance.

- Merci...

- Tu vas faire quoi d'autre de ta journée ? demanda mon père.

- Je vais nettoyer par terre avant d'aller là-bas... Si Maya m'appelle, j'emmènerai Jason ainsi on se tiendra bien, avouai-je.

- Bon... Ben bonne journée les monstres, fit mon père en m'embrassant sur le sommet du crâne et faisant de même avec mon petit frère.

Je rangeai rapidement le tout pendant que Jason prenait une tablette de la maison pour regarder des dessins animés sous-titrés pour lui. Je ne le laissais cependant jamais trop longtemps devant un écran mais ça me permettait de nettoyer toute la maison sans être dérangée. J'aimais beaucoup le sol de la nouvelle d'ailleurs, il se nettoyait aisément et je ne devais pas frotter comme une folle avec la serpillère. Quand il fut temps de manger, je fis des salades pour moi et Jason, une chance qu'il ne rechignait jamais devant une telle assiette. Il faisait si chaud que c'était rafraîchissant. Je l'avais ensuite laissé jouer un peu à un jeu de société sans quitter l'heure du regard. Quand il fut quatorze heures, je l'obligeai à mettre ses baskets et nous partîmes pour ma séance. Je lui tenais obligatoirement la main sur les trajets extérieurs, il était trop dangereux de le quitter du regard au cas où un automobiliste dangereux passe par là. Je commençais par contre à bien me repérer et c'était pratique. Je m'étais alors retrouvée devant une grosse maison aussi blanche que la nôtre. Le nom de la psy, à savoir Jaymes Carter, figurait sur une plaque. Avant d'entrer, je devais donner des consignes. Je m'agenoullai immédiatement devant mon cher petit frère.

- { Je veux que tu sois sage, tu dessines et tu ne viens pas nous embêter... Tu as bien compris ?} signai-je lentement pour marquer l'importance de mes propos.

- { Je ne ferai pas de bêtises} signa en retour mon petit frère.

Bon, c'était une bonne chose de faite. J'appuyai immédiatement sur l'interphone et je patientai un instant.

- Oui? appela une voix féminine extrêmement douce à travers l'interphone.

- Bonjour, je suis Fern Turtlebaum, j'ai rendez-vous, dis-je alors doucement avant de vérifier ma montre.

- Ho tu es ponctuelle, fit la psy avec douceur. Je t'ouvre.

Un gros bruit électrique m'indiqua qu'elle déverrouillait la porte et je la poussai. Je pénétrai alors dans un petit couloir qui menait à une salle d'attente à ma droite. J'allai m'y diriger quand une voix m'interpella.

- Tu peux entrer directement, dit alors la même voix douce.

Je me tournai doucement sur la gauche, découvranr ainsi la psychothérapeute Jaymes Carter. Elle semblait jeune mais devait tout de même être au milieu de la trentaine. Il n'était pas beaucoup plus grande que moi, devant faire un mètre soixante cinq, huit de plus que moi. Elle était cependant extrêmement mince, voir maigre, et avait les cheveux d'une couleur sombre et lui tombant sur les épaules. Sa tenue était d'une simplicité bienvenue, un pantalon noir et un t-shirt blanc.

- Bonjour Docteur, dis-je poliment en la regardant.

- Jaymes, je préfère, dit-elle en me souriant. Ho il est tout discret...

- Jason, mon petit frère, dis-je rapidement.

- Il y a un coin avec des jouets dans mon bureau, je l'utilise pour les thérapies des petits mais il pourra en profiter, dit-elle doucement.

Je m'agenoullai à nouveau devant lui pour lui signer les consignes et il était tout content avant de filer.

- Non mais attends ! appelai-je en vain bien sûr mais surtout gênée.

- Tous pareils, fit la psychothérapeute en riant de bon cœur. Ce n'est pas grave.

- Je suis navrée, il est sage d'habitude, dis-je rapidement.

- C'est un enfant, dit-elle en m'indiquant l'espace.

Je découvris alors son bureau. Sur ma droite, où avait foncé Jason comme un petit fou, il y avait une petite table en plastique jaune et bleue pour enfants, portant également en son centre un espace pour pièces d'un célèbre jeu de construction qui possédait énormément de licences. Il y avait également le fameux canapé noir où on s'allongeait bêtement, à côté d'un siège en cuir noir. Il y avait dans un autre coin un bureau avec des chaises. Et enfin, au bout de la pièce, il y avait de gros poufs dans lesquels on pouvait littéralement se jeter.

- À toi de choisir où tu te sentiras plus à l'aise, précisa la psychothérapeute.

- Ho euh... Les poufs ? proposai-je rapidement.

- Si tu veux..., fit-elle en s'approchant d'un espace de son bureau.

Je l'observai en me rendant près des poufs et je la vis sortir d'un frigo dissimulé, une brique de jus de fruits et une canette de Coca, puis une deuxième. Elle apporta la brique de jus de fruits à Jason et m'apporta la canette.

- Tu préfères Pepsi? demanda-t-elle tout de même.

- Ça ira, dis-je en souriant.

Je m'installais doucement et je la vis sortir un carnet de notes.

- Je travaille à l'ancienne, dit-elle en souriant. Et maintenance, je te laisse un choix.

Je la regardai immédiatement avec méfiance. Elle me sourit en me tendant une grosse enveloppe. Je la pris délicatement et je découvris son adresse comme destinataire. L'expéditeur était tout simplement mon ancien psychothérapeute. Je relevai lentement les yeux vers elle, légèrement surprise d'avoir ça en main. En effet, je relevai surtout qu'elle n'avait pas été ouverte et ça, c'était le plus bizarre.

- Et c'est quoi mon choix ? demandai-je immédiatement.

- Je suis un peu spéciale, dit-elle en riant. Bien sûr, j'ai demandé à ton père quand il m'a contactée, les raisons de tes séances. J'ai ensuite demandé à ton psychothérapeute de m'envoyer ton dossier... Ce dossier. Cependant, je n'aime pas me fier aux dossiers des autres.

- Pour quelles raisons ? demandai-je immédiatement.

- Je ne remets pas en compte sa compétence, me fit la psychothérapeute en riant. Mais ce milieu d'études, c'est principalement de l'interprétation. Et donc tu as le choix... Ou tu me dis de lire ce dossier car tu ne veux pas perdre un temps qui pourrait être mieux utilisé ou alors, on part sur une table rase et tu me parles sincèrement.

- D'accord, dis-je en la fixant et regardant l'enveloppe.

J'aimais beaucoup son honnêteté, cette façon de voir ma psychothérapie comme un élément de confiance. C'est ce que j'aimais déjà chez elle.

- Je choisis la deuxième option, dis-je en tendant l'enveloppe.

- Bien, si tu changes d'avis, je vais toujours la ranger, dit-elle alors.

Je la vois faire et je souris. Pendant qu'elle rangeait mon dossier contenu dans cette enveloppe, j'entendis un gros bruit sourd et je levai immédiatement les yeux vers le plafond. Cela venait de l'étage. Ma psychothérapeute avait peut-être une famille et leur logement devait donc être au-dessus. Je la vis d'ailleurs regarder également le plafond en grommelant. Visiblement, ce n'était pas la première fois.

- Bien, fit-il en s'approchant pour s'installer dans un pouf face à moi. Confortable... Mieux que le divan en cuir par cette chaleur.

- C'est sûr, dis-je en riant.

- Alors, commençons simplement... Comment se passe ton emménagement ? demanda Madame Carter.

- Ho, je m'y fais... Je n'étais pas foncièrement opposée à un emménagement, dis-je honnêteté.

- Ho c'est plutôt rare, d'habitude les adolescents aiment critiquer ce genre de choses, m'assura-t-elle. En tout cas ceux qui passent ici.

- Un nouveau départ, cela peut être sympa, assurai-je alors avant de la voir noter.

- Tu as déjà sympathisé avec quelqu'un ? De ton âge je veux dire? me demanda ensuite la psychothérapeute.

- Oui... Une voisine, Docteur, dis-je alors poliment.

- Tu peux m'appeler Jaymes, et me parler de la manière que tu veux, sans insultes si possible, m'assura la psychothérapeute en souriant.

- Ho d'accord... Une voisine, elle s'appelle Maya, on va aller dans le même lycée, dis-je alors.

Soudain, j'entendis du bruit provenant de là où se trouvait Jason. Je me relevai immédiatement pour vérifier qu'il allait bien.

- Il joue, m'assura Jaymes.

- Quoi?

- Tu ne t'en rends peut-être pas contre mais tu semblais paniquée Fern, précisa Jaymes. C'est un enfant avec des jouets, cela arrive.

- Je sais mais... Si il se blessait ? demandai-je inquiète.

- Les enfants se blessent Fern, cela ne signifie pas que la personne qui s'en occupe le fait mal, assura Jaymes calmement. Cela se voit que tu t'en occupes bien.

- J'ai un peu remplacé Maman mais Papa vous l'a dit je suppose ? proposai-je avec douceur en vérifiant pour Jason.

- Oui... Tu agis en mère fe substitution pour Jason, répondit calmement Jaymes. Mais ton père m'a également précisé que tu investis tout ton temps libre pour t'occuper de la maison.

- Pas tout non..., mentis je.

- Si tu le dis... Tu veux me parler de ta mère ? demanda Jaymes.

- Vous voulez savoir quoi?

- Ho ce que tu veux, tu me parles de souvenirs, de ce qu'il s'est passé... À ta guise..., concéda alors la psychothérapeute en fermant son cahier de notes.

Je la regardais fixement, cherchant à comprendre. Peut-être ne prenait-elle pas de notes sur cette conversation et préférait s'intéresser à la discussion. J'entrepris d'évoquer des souvenirs de Maman. J'avais commencé par les séances en cuisine que nous passions toutes les deux, les sorties au zoo, les réveillons... Et puis, sans m'en rendre compte et sans qu'elle ne me pose la moindre question, j'avais abordé mes cauchemars, sa mort et ma tristesse.

- Cela doit être dur, me dit-elle doucement.

- Je me dis surtout que Jason n'aura aucun souvenir d'elle, marmonnai-je avec tristesse.

- Et donc tu veux lui créer les souvenirs que toi tu avais? proposa Jaymes.

- Non! m'offusquai-je immédiatement. C'est pas... Je joue pas à la maman... On en a déjà une!

- Fern... Je ne t'ai pas dit que tu voulais la remplacer mais il est évident que tu essayes de combler l'espace qu'elle a laissé, précisa Jaymes.

- C'est faux ! dis-je alors.

- Qu'as-tu fait de ta journée aujourd'hui avant de venir à cette séance ? demanda-t-elle.

- Bah... Euh... Je me suis levée suffisamment tôt pour préparer le petit déjeuner... J'ai servi mon père... J'ai un peu joué avec Jason... J'ai lavé les sols... J'ai préparé une lessive... Et préparé la liste des courses...

- Fern... T'es tu rendue compte que..., fit-elle avant s'interrompre en entendant un autre boum.

Elle leva les yeux au plafond et j'aurais presque pû jurer l'entendre grincer des dents de colère.

- Tu permets ? demanda-t-elle en s'approchant du mur.

Je découvris qu'un accès à l'étage semblait exister quand elle ouvrit une porte qui ressemblait à un mur. Elle regarda vers l'étage.

- Hey! Je peux savoir ce que vous faîtes ? cria-t-elle vers l'étage.

- C'est sa faute Maman! cria une voix féminine assez jeune depuis l'étage.

- Qu'est-ce qu'il y a encore? s'énerva Jaymes.

- Il devait m'emmener à la plage... Alors j'ai jeté ses livres..., se défendit la fille.

- Vous vous rendez compte que je suis en séance ? s'énerva Jaymes. Maintenant vous prenez vos clefs et vous fichez le camp! T'as intérêt d'emmener ta sœur ! finit-elle par dire avant de refermer.

Je la regardais stupéfaite et intriguée de la revoir si posée en un instant.

- Les adolescents..., m'avoua-t-elle simplement. Vivement la rentrée... Je te prie de m'excuser.

- C'est rien... Vous avez deux enfants ? demandai-je alors.

- Un garçon et une fille... Je suis mère célibataire, pas toujours facile, avoua ma psychothérapeute. Mais il y a des moments magiques... Où en étions nous avant que ma fille n'exprime ses contrariétés avec sa violence habituelle ?

- Je vous avais résumé ma journée, dis-je en riant.

- Ha oui... Je voulais te demander... Tu as remarqué que tu ne m'as donné aucun loisir? demanda Jaymes.

- Ha bon? dis-je en réfléchissant.

- Tu ne m'as pas dit t'être simplement posée devant la télévision ou un livre, précisa Jaymes.

- J'ai des loisirs, avouai-je alors.

- Lesquels ? me demanda Jaymes.

- Je lis... Je regarde des séries avec Papa... Euh...

- Quand es-tu allée au cinéma la dernière fois? demanda-t-elle.

- Ho récemment... Euh... Avant de venir à Hawaï..., dis-je honnêtement.

- Qu'as-tu été voir? demanda Jaymes.

- Ho c'était... Euh... Merde j'ai perdu le nom... Le dessin animé... Euh... Bon sang ça va me revenir...

- C'était pour Jason? demanda alors Jaymes.

- Oui... Pourquoi ?

- Le dernier film que TU es allée voir? demanda Jaymes.

- Ho... Je ne sais pas...

- Avec tes amies de l'école ? demanda-t-elle simplement.

Je commençai rapidement à comprendre ce qu'elle voulait dire. Oui, Jason était ma priorité absolue, comme gérer la vie de tous les jours... Alors maintenant, autant être franche.

- Je n'avais pas d'amis... C'est pour ça que je prends si facilement le fait de tout quitter... Les seuls personnes à qui j'aurais pu manquer sont venues avec moi..., marmonnai-je gênée.

- Tu n'avais réellement aucune amie? Tu me sembles abordable pourtant, discutant facilement..., développa Jaymes.

- Oui mais les filles ne mon âge ne pensent qu'à s'amuser... J'ai autre chose en tête, marmonnai-je.

- Est-ce dramatique ? insista Jaymes.

- Mais vous voulez que je fasse quoi? Je brise tous les interdits? Que je fume de l'herbe? Que je me bourre la gueule? Que je baise tout ce qui bouge? Et pendant ce temps là je laisse Jason à la maison? dis-je en m'énervant un peu.

- Je ne t'ai pas dit de développer une personnalité borderline ou de braver tous les interdits mais tu es encore une adolescente..., précisa Jaymes

- Oui et alors? Est-ce obligé de courir les magasins ou de devoir absolument me trouver un mec? demandai-je vexée.

- Bon... Je comprends tes inquiétudes vis à vis de lui, me spécifia Jaymes en regardant Jason. Mais... Tu comptes faire des études ?

- Pourquoi ? demandai-je surprise de la question.

- Dans deux ans, tu auras l'âge d'entrée à l'Université... Trois si on imagine que tu puisses prendre une année sabbatique, précisa alors Jaymes. Mais lui, il n'aura toujours pas dix ans.

- Je..., hésitai-je soudainement en la fixant attentivement. Je... Je n'y ai pas réfléchi...

- Et puis je te pousse pas à partir en recherche du petit ami idéal, je serai mal placée, dit-elle en me souriant.

- Comment ça ? insistai-je immédiatement.

- J'ai embrassé mon premier garçon à dix-neuf ans, et perdu ma virginité à vingt... J'étais une fille qui ne sortait pas, qui n'avait pas de vie sociale, précisa Jaymes. Je n'en ai pas honte mais j'ai quelques regrets sur mon adolescence... L'impression de ne pas en avoir profité tu vois?

- Je crois comprendre, répondis-je poliment. Mais je suis très bien comme ça.

- Ton père m'a également précisé que tu avais abandonné la gymnastique pour t'occuper de ton petit frère, précisa Jaymes.

- Oui... Alors d'accord ça me manque, énormément même mais je suis bien avec Jason...

- Je ne remets pas cela en doute tu sais... Mais je veux que tu songes aussi à apprécier les années lycée, me fit Jaymes.

- J'ai très bien compris ce que vous voulez me faire dire... Je ne suis pas ma mère, dis-je rapidement.

- Oui, mais tu es courageuse d'avoir pris tout cela en main, avoua Jaymes.

- Merci...

- C'est sincère..., fit-elle en regardant l'horloge. Nous arrivons déjà en fin de séance.

- Ha bon? dis-je en réalisant que j'avais dû beaucoup évoquer mes souvenirs.

- Tu dois te sentir à l'aise si tu ne vois pas le temps passer, assura la psychothérapeute.

- C'est vrai...

- Tant mieux... J'aimerais te demander quelque chose pour la prochaine séance, dit elle doucement.

Je la regardai avec méfiance... Mon ancien psychothérapeute aimait beaucoup me demander de noter mes ressentis, mes cauchemars, mes envies, comme pour faire des devoirs. J'attendais déjà les consignes en la fixant.

- J'aimerais, si tu le veux bien, précisa Jaymes; que pour notre prochaine séance, tu aies pris un peu de temps pour toi... Une sortie, un amusement...

- D'accord... Vous ne me demandez rien sur mes cauchemars ? insistai-je immédiatement.

- Nous pourrons en parler la prochaine fois si tu le désires mais c'est totalement norm..., fit-elle avant de s'arrêter quand quelque chose sonna dans ma poche : mon téléphone.

- Ho pardon, je suis désolée..., dis-je en le sortant pour le couper.

- Tu peux regarder, je ne vais pas t'en tenir rigueur... Et puis j'ai deux adolescents alors les sonneries j'y suis habituée, avoua Jaymes en riant.

J'allumai immédiatement l'écran, pensant y découvrir un message de mon père. Ce n'était pas lui, c'était Maya. Ma voisine, et nouvelle amie, m'invitait à la rejoindre à la plage pour me présenter quelques uns de ses amis. Je ne savais que répondre.

- Rien de grave ? demanda Jaymes en me regardant et me découvrant sans doute en proie à un certain désarroi.

- Ma voisine m'invite à la rejoindre..., dis-je alors.

- C'est bien cela, fit Jaymes en réponse.

- Mais j'ai Jason..., dis-je en le regardant attentivement s'occuper sur les jouets.

- Emmène le, proposa Jaymes. Ce n'est pas si incongru... Mais préviens tout de même ton père.

- Vous croyez ? demandai-je en le faisant malgré tout.

- Passer un peu de temps sur la plage n'a rien d'insurmontable et lui aussi cela pourrait l'amuser, précisa Jaymes.

- Et j'aurais fait votre devoir..., dis-je en souriant.

- Voilà..., fit-elle en me voyant lire le message de mon père qui validait la sortie et me conseillait d'être prudente. Nous parlerons aussi de ta rentrée la prochaine fois.

- D'accord, dis-je en me levant. Je suis désolée du dérangement.

- Et je m'excuse pour mes enfants... Nous sommes donc quittes, dit-elle en riant.

Avec ma psychothérapeute, nous nous approchâmes rapidement de Jason qui se mit alors à ranger soigneusement les pièces quand il réalisa que nous nous apprêtions à nous en aller.

- Et bien, il est très soigneux, fit Jaymes surprise.

- J'ai de la chance, dis-je avant de m'agenouller. { On va y aller, dis au revoir}

- { Au revoir Docteur} signa Jason en la regardant.

Je souris en la voyant reproduire le signe au-revoir qui reste assez simple. Je regarde Jason et je me mets à nouveau à signer.

- { On va aller voir Maya et ses copains à la plage... D'accord ?} signai-je rapidement.

Jason était aux anges et je vis avec amusement Jaymes lui donner un bonbon et m'en proposer un que je refusai poliment. Nous avions rapidement pris congé avant de sortir et de nous diriger vers la plage. Ce ne fut pas trop compliqué car Maya m'avait envoyé ses coordonnées pour la retrouver. Tandis que je me dirigeai lentement vers la plage, je serrai la main de mon petit frère. C'était encore les vacances et beaucoup de gens profitaient des derniers jours de vacances. J'avais peur de le perdre, si cela arrivait, il ne pourrait même pas signaler qui il cherche. Ça, cela faisait partie de mes plus grosses angoisses. Je cherchais du regard après Maya quand j'entendis sa voix.

- Fern!!! Ici!!! fit une voix attirant mon regard.

La voisine aux mèches rouges était perchée sur les épaules d'un garçon assez grand, métis et aux cheveux courts. Je tirai alors doucement sur le bras de Jason pour m'en approcher et je la vis descendre des épaules de son mec.

- Cool! T'es venue! fit-elle en me serrant contre elle. Mon petit cœur ! fit-elle en s'approchant de Jason. Je peux le prendre à bras ?

- Oui, dis-je en riant.

- Salut, moi c'est Ethan, précisa le garçon.

- Fern, dis-je en le regardant.

- C'est mon mec, Ethan Fuller ! précisa Maya.

- Et toi, tu dois être Jason, fit-il lentement en s'approchant de mon petit frère.

Je regardai vers Maya et elle hocha la tête, me confirme confirmant qu'elle avait prévenu ses amis. Au moins, ces deux là n'étaient pas maillots de bain même si ils étaient vêtus pour la période de l'année. Maya portait une robe à fleurs et Ethan, un short et un t-shirt bien ample.

- Viens, on te présente à nos potes, précisa Maya en passant devant moi.

Je souris et je la suivis, faisant connaissance avec Ethan. Il me semblait calme et posé, le genre à se faire bouffer par l'exubérance de sa petite amie. Il aimait la science-fiction, et les films d'horreurs aussi d'ailleurs, mais il n'aimait pas James Bond. Je m'étais demandé d'où sortait cette précision et il m'avait précisé que j'allais le savoir assez vite. Nous passâmes entre quelques vacanciers occupés à la bronzette avant de rejoindre deux filles sur une serviette. Celle de gauche était typiquement une hawaïenne, cela se voyait à son morphotype. Elle avait mes cheveux très longs et attaches dans le dos. Sa voisine était brune, un carré court, et portait des lunettes. Alors que je la fixais, je me demandais comment elle tenait mar cette chaleur avec son look gothique en cuir.

- Voici Mélissa Lawrence, précisa Maya en me présentant la gothique. Et elle c'est Elise Brown. Mel est aussi une fille de militaire.

- Enchantée de vous connaître, dis-je poliment.

- Bienvenue chez les dingues, Fern, m'assura Elise. Tiens assieds-toi, dit-elle en se décalant.

- Tu veux de l'eau ? demanda immédiatement Melissa en ouvrant une glacière. C'est vraiment de l'eau, précisa-t-elle.

- Et mon petit cœur, il a soif? demanda Maya en regardant Jason qui confirma.

- Je pourrais être jaloux, dit alors Ethan en s'asseyant devant nous.

- Pfff, il est bien mieux, dit alors Maya en chatouillant mon frère.

Je ris de l'information et je me mis à faire connaissance. Tous membres de l'équipe, Melissa, que je pouvais immédiatement appeler Mel, était également la responsable du journal de lycée. Elise était quant à elle une chanteuse et une danseuse, mais traditionnelle de la culture hawaïenne. Je sympathisais vite avec eux et même Jason leur trouvait des surnoms en signe. Pour Ethan, il tapait sur ses épaules, il mimait des lunettes pour Mel et faisait par contre la vahiné pour Elise. J'avais eu peur de ce dernier geste, pouvant être pris pour du racisme mais cela amusa en réalité Elise. Nous continuions de discuter quand je remarquai une mouvement discret de Mel. En effet, les doigts de celle-ci touchait souvent le dos d'Elise et je compris qu'elles n'étaient pas que des amies. Soudain, Mel remarqua que j'avais vu son geste et retira sa main du dos d'Elise.

- Ça me gène pas, dis-je immédiatement pour montrer mon acceptation.

- Tu es aussi..., hésita Ethan.

- Non, mais je m'en fous, dis-je simplement.

- Ça c'est bien ! fit Elise. J'ai cru comprendre que tous ces militaires sont pas très ouverts, fit la native de l'île à qui Jason faisait un câlin.

Je tentai immédiatement de défendre quand même ceux-ci, malgré les difficultés claires et nettes. Cependant, je fixai aussi immédiatement mon petit frère. Il semblait apprécier passer de bras en bras. Je ne l'avais jamais vu proche d'étrangers mais il n'en avait pas beaucoup autour de lui habituellement.

- C'est compliqué la langue des signes? demanda Melissa.

- Disons qu'il faut surtout la pratiquer... Pourquoi ? demandai-je intriguée.

- Je fais du bénévolat dans un centre pour démunis... Y a une petite fille sourde mais je n'arrive pas à me faire comprendre clairement, m'expliqua Melissa avec sincérité.

- Elle ne doit pas savoir lire sur les lèvres, compris je rapidement. Tu devrais essayer de trouver des livres pour enfants sur le langage des signes. Ça a bien marché pour Jason.

- Elle est peut-être un peu plus jeune ça ira quand même ? demanda Melissa.

- Oui, c'est assez simpliste, dis-je pour être honnête.

- D'accord, merci, m'assura Melissa.

- Il est trognon ! m'assura soudainement Elise en calinant Jason.

- Et bien c'est qu'il a du succès ce petit bout, fit Ethan en riant. Je devrais demander un petit frère...

Nous explosâmes de rire en deux temps. Le premier fut en l'entendant le dire et le second quand Maya lui rappela qu'il n'avait pas besoin de succès avec les filles, et ce sur un ton un petit peu jaloux.

- Bon il s'est noyé l'autre naze? demanda Ethan.

- De qui il parle? demandai-je à ma voisine.

- Du dernier de la bande, dit alors Elise en me souriant. Ha ben le voilà...

Je tournai immédiatement la tête dans la direction où regardait Elise un instant plus tôt. Je vis alors un garçon très grand, très musclé, très blond aussi qui se dirigeait vers nous, torse nu et en short de bain, trempé de partout. Il devait avoir profité de la chaleur pour aller nager. C'était clairement un beau garçon, il suffisait de voir les filles s'imaginer des choses à son passage.

- Ho, les filles se multiplient sur cette plage, dit-il en me regardant et en me souriant du genre de sourire de bellâtre.

- Ce gros lourd, me fit alors Melissa, c'est Duncan Harrison, également quarterback et capitaine.

- Moi c'est Fern, dis-je poliment. Et lui Jason.

- Connery, Brosnan, Dalton, Moore ou Craig? demanda soudainement Duncan en me regardant d'un air inquisiteur.

- Hein? dis-je surprise.

- C'est James Bond, dit alors Ethan.

Il venait d'éclairer ma lanterne en une seconde. Il me demandait sans doute quel James Bond était mon préféré. Je réfléchis un instant avant de répondre.

- Je préfère ceux de Brosnan, mon préféré c'est The World is Not Enough avec Carlisle en méchant...

J'avais répondu assez vite mais ce fut le regard des autres, qui me regardaient tous surpris, qui m'interpella.

- Mon père est fan..., dis-je gênée.

- Brosnan, c'est un bon choix. Suffisamment de modernité mais encore traditionnel. Tu es acceptée... Je peux m'installer là ? demanda-t-il en indiquant une place à côté de moi.

- Oui, bien sûr, dis-je simplement.

- Et le pire? demanda Duncan.

- Georges Lazenby... Et c'était vraiment de la merde, précisai-je.

- C'est bon, elle fait partie de la bande ! fit Duncan.

- En bref, elle pourrait être une tueuse en série, tant qu'elle aime James Bond..., marmonna Maya.

Un nouvel éclat de rire parcourut la bande. J'étais officiellement acceptée et cela je n'en doutais pas. Étonnement, le plus sympathique était Duncan. Selon d'autres, c'était parce que j'étais une fille. En fait, c'était bien possible car Duncan était un cliché du dragueur. Il souriait bien, bandait ses muscles, se recoiffait souvent... Pas du tout le genre de garçon que j'appreciais en général. Au moins, nous parlions de tout. Ce garçon avait une véritable passion pour Hawaï et surtout son écosystème. Il adorait les randonnées, le camping, tout ça.

- Tu devrais venir une fois pour camper, m'assura alors Duncan.

- Je sais pas trop... C'est difficile pour moi de me libérer longtemps, dis-je alors.

- Bah... C'est con, faut sortir... Aïe ! dit-il en recevant une bouteille d'eau vide sur la tête.

- T'as la tête du couillon qui va dire une connerie ! lui fit Maya.

- Je sais, t'as dit qu'elle s'occupait de son petit frère..., se défendit Duncan.

- Oui, confirmai-je. Et de la maison aussi.

- Donc t'es souvent seule chez toi? demanda soudainement Duncan.

Je vis quelque chose passer près de moi et Duncan l'éviter rapidement. Je regardai sur le sable et je vis une tong. Je me tournai brusquement vers Melissa qui brandissait la seconde.

- Quoi? J'ai rien dit ! fit Duncan.

- Je suis sûre que t'allais proposer de l'aider..., marmonna Melissa.

- Vous me faites vraiment passer pour le pervers du coin, précisa Duncan. Sérieux...

- Mouais..., marmonna Melissa.

Je ris alors, cela me faisait du bien. Il y avait si longtemps que je n'avais pas passé du temps à me détendre. Je regardai vers Duncan avec un petit sourire.

- Je me disais juste qu'on pourrait discuter sur les réseaux... Ça t'occupera, marmonna Duncan.

- Parce que tu crois que gérer une maison se fait tout seul gros nul? demanda Elise. Tu ne sais pas ce que c'est de faire le ménage ou un repas...

Je me retournai de nouveau mais pour observer Elise cette fois. Elle me sourit et posa sa main sur mon bras.

- J'ai trois frères et deux sœurs, avoua Elise. Tous plus jeunes alors j'aide ma mère à la maison. Je sais que c'est pas toujours facile.

- Ho ça doit être sportif chez toi...

- La raison pour laquelle elle passe ses soirées chez moi, fit Melissa.

- Et je suis pervers ! fit un Duncan outré.

- Pas pour ça pauvre con! fit Melissa avant de fixer Jason et de se souvenir qu'il ne pouvait pas l'entendre. Enfin si... Mais tu crois que c'est sympa d'être au milieu de la marmaille qui gueule : elles se font des bisous ! Elles se font des bisous! C'est d'un chiant...

- Faut reconnaitre, concéda Élise en riant.

- Ta famille accepte parfaitement alors? demandai-je quand même.

- Comme une lettre à la poste, dit elle en me souriant. J'ai même demandé à mon père pourquoi il ne me demandait pas depuis quand je le savais...

- Et il a répondu quoi? demandai-je intriguée.

- Ben que ça devait être comme lui, depuis toujours il savait qu'il était hétéro, précisa Élise.

- Bonne réponse, dis-je en riant.

- Dites... Vous avez pas faim? demanda Maya.

Nous fûmes plusieurs à concéder que c'était le cas, seul Melissa n'avait pas très faim.

- On se fait un chinois? demanda Ethan. Y en a un excellent plus loin.

- Ho euh... J'ai pas pris d'argent..., dis-je honteuse.

- Les mecs invitent les filles, proposa Duncan.

- Ho galant, fit Maya en riant.

- Ouais, et comme il n'y en a qu'une de célibataire, enfin..., fit Melissa en me regardant.

- J'ai pas de mec, dis-je avant de me retourner vers Duncan convaincu qu'il avait émis un bruit satisfait.

- C'est sans mauvaise intention, fit Duncan. Ton frère aime?

- Oui... Je pense..., dis-je en me souvenant que quand on mangeait chinois, c'était des nouilles.

Forcément, sur une plage ce serait plutôt du snacking. J'aidai quand même à replier, discutant avec mes nouveaux amis. Maya trouva que parler de mes goûts littéraires était intéressant et décrivit donc ma collection.

- Si t'aimes les livres dramatiques, je te conseille Thirteen Reasons Why de Jay Asher! fit alors Melissa qui partageait donc mes goûts.

- J'ai regardé la première saison..., avouai-je. C'était choquant...

- Comme quoi, pourrir une vie est facile... Tu devrais regarder les autres, elle n'a pas eu qu'une vie de merde, m'avoua Melissa.

- Tant mieux...

- Tu savais que l'actrice c'était la sœur de celle des films After ? demanda Elise.

- C'est vrai ? Ha oui, y a un air..., dis-je en y repensant.

- Les meufs, marmonna Duncan.

Il eut pour réponse un coup de pied de Maya dans le tibia. Je souris en avançant vers les stands de nourriture avec mes nouveaux amis, peut-être les premiers depuis bien des années. Ils avaient prévu de faire une soirée Gardians of The Galaxy mais je n'étais pas sûre d'y participer, même si je le voulais un peu. Je m'étais surprise à encore penser que Papa allait avoir besoin de moi pour m'occuper de Jason. Nous progessâmes alors tous les six vers les stands de nourriture et nous fîmes la queue devant le restaurateur de spécialités chinoises. Méfiante, je m'approchais directement du tableau des produits en tenant Jason. Je m'agenoullai devant lui pour signer.

- { Ça c'est avec des légumes} signai-je d'abord. { Celui c'est pareil mais avec du poulet... Celui-là c'est avec du porc... T'aimes bien le porc...}

Jason regardait le tableau puis moi avant d'indiquer une photo pour que je lui dise ce dont il s'agissait. Je n'avais jamais pensé qu'un jour, je devrais apprendre les signes pour les plats asiatiques.

- { Ça... C'est des légumes mais cela se mange froid} signai-je rapidement. { Ça c'est les...}

- Pourquoi il ne te montre pas simplement ce qu'il veut? demanda alors Duncan en m'interrompant.

Je relevai la tête vers lui immédiatement quand il avait attiré mon attention et je le regardai surprise. Melissa l'avait suivi et le bouscula pour sa question.

- T'es débile ou quoi? Il est sourd! fit Melissa avant de me regarder gênée de devoir le dire.

- Ça répond pas à ma question ! sortit alors Duncan.

- Quand on mange chinois, ce sont des plats de nouilles, avouai-je doucement et calmement. Je lui explique ce qu'il y a dedans... Il ne sait pas encore lire parfaitement.

- Ho..., réalisa Duncan. Désolé...

- C'est rien, dis-je quand Jason tira sur mon bras en m'indiquant ce qu'il voulait.

- Ha il a du goût, il veut nems au porc... Et toi? demanda Duncan.

- Je prendrai pareil... Et je veux bien une bouteille de coca, on partagera avec Jason, signifiai-je doucement.

- Je peux vous en prendre une chacun, précisa Duncan en s'approchant du vendeur.

- Je préfère pas, le sucre pourrait l'exciter, dis-je en souriant pour expliquer ma demande.

- Ho pas de soucis, fit Duncan gêné. Sauce aigre-douce ?

- Oui, merci, concédai-je alors.

Les commandes furent alors passées et nous pûmes tous profiter d'une table qui se libérait à notre arrivée. Je m'installai à côté du couple de filles et je vis Duncan se poser devant moi. Il offrit quelques légumes frits à Jason qui n'en voulut pas. Je le regardai fixement et Jason signa.

- { il veut quelque chose ? } demanda Jason.

- { Non... Pourquoi ?} le questionnai-je en retour.

- { Il est trop gentil, je l'aime pas} précisa Jason.

Je regardai fixement Jason et inconsciemment je souris. Du haut de ses six ans, il soupçonnait déjà Duncan de chercher à me draguer. Je n'en étais pas foncièrement dupe non plus à vrai dire. Je tournai la tête vers le concerné qui me regarda intrigué.

- Il me trouve sympa? demanda alors Duncan.

- Il te trouve très gentil, mentis je quand même.

- C'est normal, je t'acceuille correctement dans le groupe, me confirma Duncan.

J'entendis Melissa près de moi en train de pouffer de rire. Je n'étais pas aveugle alors... Heureusement que des discussions diverses et variées, principalement cinématographiques. En fait nous comparions nos goûts en matière de super-héros. La plupart avait une préférence pour les Avengers, surtout les garçons. Cette très chère Maya affirma s'être découverte une passion pour Batman, concédant par contre que son attrait principal était pour l'acteur qui avait repris le rôle. Cela provoqua une jalousie un peu idiote d'Ethan qui concéda que c'était le seul intérêt. Mes voisines préféraient par contre les méchants et donc le film Suicide Squad. Et moi, j'affirmai ma préférence pour le personnage du Docteur Strange.

- Je peux te poser une question ? demanda alors Ethan en me regardant attentivement.

- Je suppose que vu le ton employé, c'est par rapport à lui? demandai-je en tournant la tête vers Jason qui regardait l'océan.

- Oui... C'est pratique pour lui de regarder la télévision ? demanda-t-il avant que Maya ne le pousse.

- C'est gentil Maya, dis-je en souriant. Mais c'est une bonne question.

- Ha tu vois? fit le petit ami vexé.

- Ha bon? C'est vrai? demanda Maya.

- Oui, concédai-je en riant. En fait, pour avoir rencontré d'autres personnes sourdes ou malentendantes, j'ai découvert quelque chose...

- Et c'est quoi? demanda Melissa près de moi.

- Avant c'était très compliqué pour les personnes sourdes mais ça c'est amélioré à l'apparition des DVD, expliquai-je.

- Grâce aux sous-titres ? demanda Elise.

- Oui, et c'est pour ça que nous regardons principalement les plateformes, assurai-je alors.

- C'est clair qu'on peut, avoua Duncan. Des fois je les mers pour comparer les versions.

- Oui, nous on le fait aussi, dis-je en souriant.

Vinrent alors les questions sur la surdité de Jason, les questions que je n'aimaient pas en fait. Pourtant elles étaient intéressantes et cela me surprit. En général c'était des questions idiotes, du genre si ses autres sens étaient développés, si il sentait les vibrations... Mais cette bande là s'intéressait surtout à comment ils devaient agir avec lui et ils me demandèrent même des signes de bases. Je leur ai montré les trucs basiques et avec amusement je leur ai fait l'alphabet.

- Ho putain... C'est compliqué ! fit Maya. Je comprends le concept des signes comme surnoms... Si tu épelais un long prénom, ça prendrait du temps...

- Oui, mais il apprend quand même assez vite, dis-je en touchant la tête de Jason.

Il sursauta sous mes doigts, ce qui me poussa à tourner la tête violemment vers lui. Il ne sursautait jamais quand je faisais ça. J'observai alors attentivement mon petit frère et en fait, je réalisai que je l'avais sorti de sa contemplation. Devant lui, au loin, avait lieu un concours. Je levais la tête et je compris qu'il observait les surfeurs.

- Il aime le surf ? demanda Duncan en se tournant pour regarder.

- On dirait... Wahou ! dis-je effarée.

A l'horizon, un peu éloigné de la plage, se déroulait un concours. Je pouvais les voir de là où j'étais, les surfeurs offraient aux plagistes des figures incroyables. J'avais d'ailleurs poussé mon exclamation en voyant l'un d'eux, homme ou femme vu la distance, faire un saut au-dessus de la vague.

- Toujours impressionnant, fit alors Elise. Et je dis ça en tant que native.

- Mais...

- Non, tous les surfeurs ne sont pas des marginaux qui se droguent, fit-elle en riant. Y en a évidemment mais la plupart sont comme des sportifs de haut niveau.

- Ha d'accord..., dis-je en aidant mon petit frère à se lever pour observer.

- Je peux le prendre sur mes épaules pour qu'il puisse observer, proposa Duncan.

- Si ça te gêne pas...

Et ainsi Jason finit sur les épaules de Duncan et moi à côté d'eux. Naturellement, les autres nous rejoignirent car nous ne nous étions pas vraiment éloignés. Nous avions donc passé un peu de temps à regarder. C'était tellement impressionnant de voir ça. J'en avais déjà vu dans des films ou des séries mais dans le monde réel, c'était mieux. Le concours devait battre son plein en fait car les gens sur la plage semblaient aux anges. Un des candidats, vu le gabarit malgré la distance, semblait même très doué, peut-être même un professionnel. J'aurais été bien incapable de faire la différence en fait. Je le vis même glisser sous la vague à un moment pour en ressortir beaucoup plus loin. C'était clairement ce qui était appelé un tune, passer sous le rouleau. C'était franchement impressionnant. Et là, au milieu des exclamations de notre petite bande, j'entendis des applaudissements. Je regardai à côté de moi et je vis que c'était Jason qui applaudissait. Duncan, qui réalisa que le concours finissait, le fit alors descendre.

- Je crois qu'il aime ça, dit-il en riant.

- Je vois ça..., dis-je surprise de voir mon frère aussi excité.

- { C'est beau! Je veux!} signa Jason de manière assez bouillonne.

- { Comment ça tu veux?} signai-je en retour.

- { Faire ça !} fit il avant d'indiquer la plage.

- Qu'est-ce qu'il a? demanda Maya.

- Je crois qu'il veut surfer, dis-je simplement.

- C'est possible ? demanda Duncan.

- Bah techniquement oui mais... Je peux pas lui apprendre... Je ne sais même pas nager !

- Attends, installe toi, me fit Melissa. On va regarder...

Regarder... Cela signifiait clairement de chercher sur internet, pour des jeunes de notre génération. Elle sélectionna plusieures pages sur son téléphone.

- Alors... Initiation... Initiation, marmonna Melissa en cherchant.

- Le problème vient de son handicap, précisai-je. Je dois être près de lui.

- T'es pas obligée le couver tu sais? me demanda Duncan.

- Et comment elle va lui expliquer ce qu'il doit faire imbécile ? demanda Maya.

- C'est pas facile Duncan, dis-je alors.

- Je pourrais lui apprendre moi... Je suis pas extrêmement doué mais j'ai les bases, précisa immédiatement Duncan.

- C'est gentil à toi, dis-je en souriant. Mais... Je préférerai un vrai prof...

- TROUVÉ !!!! cria Melissa victorieuse.

Je regardai immédiatement sur son téléphone et elle me permit de découvrir qu'il existait des cours d'initiation pour petits de moins de neuf ans, promulgués par un surfeur expérimenté. Je fus même étonnée de découvrir que les initiations, à savoir trois cours d'une heure, étaient gratuites. Après celles-ci, les autres étaient payantes. Au moins, si il n'y arrivait pas, nous n'aurions rien payé. Cependant, je découvris également qu'à cause des vacances, les habitants de l'île ne pouvaient s'y inscrire qu'après le début du mois de septembre.

- Bon je pourrais en parler à mon père et nous pourrons réfléchir, dis-je rassurée.

- Ce serait sympa quand même qu'il fasse des choses locales, dit alors Ethan.

- Et moi, je pourrais découvrir le lycée tranquillement, assurai-je.

- T'es impatiente d'aller en cours ? me demanda Elise.

- Bon d'accord... Je suis une intello... T'es contente ? dis-je en riant.

- Tu pourras pas battre Melissa, ajouta Maya en riant.

- Ha bon pourquoi ? demandai-je en regardant la concernée.

- Je..., fit celle-ci honteuse. Je suis la meilleure élève du lycée...

- Bah y a pas de quoi avoir honte, dis-je honnêtement.

- Et puis on bousille le premier qui te traite de grosse tête, lança Ethan.

- Vous êtes vraiment sympas en fait, dis-je bêtement. Ça me rassure...

- Bah pourquoi ? demanda Duncan.

- Je connais des gens accueillants, j'arriverai pas avec l'étiquette de la nouvelle, assurai-je calmement.

Nous passâmes encore quelques minutes sur la plage mais Maya devait rentrer tôt. Je saisis l'occasion pour l'accompagner. Malgré sa déception de quitter son petit ami et de devoir attendre le lendemain pour le revoir, elle continua de me parler durant tous le trajet. Elle me parlait principalement de ce que je devais découvrir dans le coin. Je la regardai attentivement et puis je voulus lui dire quelque chose.

- Je te remercie Maya, dis-je bêtement.

- Hein? s'étonna celle-ci. Mais euh... De quoi?

- De m'avoir présentée à tes amis, précisai-je. J'ai apprécié ce moment.

- C'est vrai? s'étonna Maya de plus belle.

- Mais oui..., confirmai-je surprise. Pourquoi ça t'étonne ?

- Duncan a été gros lourd..., marmonna Maya.

- C'est pas foncièrement déplaisant de voir un garçon être gentil, dis-je alors. Et puis il n'a pas tellement tenté sa chance que ça.

- Mouais mais quand même, il aurait pû se retenir... Et tous ces trucs pour Jason, grommela Maya.

- Tu sais... Même si c'était pour de mauvaises raisons, il a permis à Jason de passer un bon petit moment, dis-je avec honnêteté et beaucoup de réalisme.

- Mouais mouais... Il t'a tapé dans l'oeil ? demanda-t-elle avec amusement.

- Il est beau mec mais c'est pas mon style... Il t'a pas demandé de tester la température au moins? demandai-je soudainement.

- Non... Et en quoi c'est pas ton style ? insista Maya.

- Pourquoi tu demandes ?

- Ainsi, si je vois ton style passer..., fit-elle en riant.

- J'ai toujours aimé les garçons plus discrets... J'ai toujours pensé que les garçons à l'aise, un peu du genre à se la péter ou les vedettes du lycée, sont plutôt du genre à collectionner les filles qu'à être honnête.

- Ho ben dis donc... Toi tu serais pas l'héroïne des téléfilms de bases..., s'amusa Maya.

- Attends... C'est tellement cliché le côté playboy qui s'intéresse à la nouvelle, la fille forte, l'intello ou la fille timide... C'est littéralement éculé.

- Mouais... Clairement... Et ça continue, regarde After, dit-elle alors.

- Étonnement... Je ne suis pas d'accord..., avouai-je.

- Euh... Tessa n'a aucune expérience et elle se tape direct le playboy qui veut être avec elle pour un pari, au départ..., marmonne Maya.

- Au début, mais je trouve que c'est plus le récit des difficultés de se retrouver dans une relation toxique mais finalement sincère, précisai-je. Dans d'autres œuvres, il devient directement le mec parfait...

- C'est vrai... Bonne analyse... On ne te cherche pas un Hardin non plus? proposa ma voisine.

- Maya... Je ne cherche pas un mec... Pas du tout... Si ça arrive, c'est comme ça point...

- Pfff... J'aime bien jouer les entremetteuses façon Jane Austen..., précisa Maya.

- Inutile, dis-je honnêtement en arrivant devant chez moi. Bon... On se reverra sans doute durant la fin des vacances... J'espère que tu seras aussi sympa à la rentrée.

- Ha ben non! dit-elle en me choquant. Ce sera le thriller, la bande de filles psychopathes... Niark niark...

J'éclatai alors de rire... Je m'étais faite une véritable amie en très peu de temps et elle était absolument ce que j'aimais. Honnête et fraîche. J'espérais que cela durerait, j'avais si peu d'amis. La rentrée qui m'attendait allait peut-être devenir la plus intéressante de ma vie, mais je n'en étais pas absolument sûre... Seul la suite allait me le dire et elle arriverait rapidement...



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