Le Secret des Hayworth

Chapitre 17 : LE CŒUR DU VICISSIEN

7496 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 11/03/2023 17:31

LE CŒUR DU VICISSIEN


Durant tout le trajet nous menant dans un endroit inconnu, j'étais en proie à de très profondes angoisses. Je craignais qu'il n'arrive malheur à mes maîtresses mais étonnement, celles-ci ne semblaient nullement inquiètes. Nous pourrions être blessées pourtant, maltraitées sans doute et dans le pire des cas, subir des outrages innommables. Naturellement, je n'étais pas dupe qu'avec leurs statuts de comtesses, mes maitresses risquaient bien moins que moi qui n'était qu'une domestique. Tout le monde savait bien que les domestiques n'étaient qu'une main d'oeuvre interchangeable et corvéable à merci. Mes mains restaient fixées sur mes genoux, tremblantes de peur tandis que je grimaçai.

- Annabelle, ils ne nous feront rien, me signifia Lady Mary.

- Mais vous n'êtes pas inquiète Madame? demandai-je paniquée.

- Si ils nous font du mal, il y a peu de chance que Père accepte leurs conditions, précisa Lady Charlotte.

- Je comprends..., dis-je très apeurée.

- Nous veillerons à ce qu'ils ne vous fassent rien, précisa Lady Mary.

Je la vis bouger dans la voiture pour venir s'asseoir à côté de moi. Elle saisit mes mains pour me rassurer et j'en fus plutôt étonnée. Lady Mary semblait avoir une confiance aveugle en ses propres propos.

- Puis-je demander quelque chose ? demandai-je alors.

- Évidemment..., me répondit Lady Mary.

- Que veulent-ils exactement ? demandai-je donc.

- Ils vont défier mon époux pour obtenir le statut d'exécutant du royaume, précisa Lady Mary.

- Mais n'est-ce pas à Sa Gracieuse Majesté de décider ? l'interrogeai-je ensuite.

- Naturellement mais depuis toujours les Vicissiens utilisent les traditions qu'ils ont héritées de Dreemia, m'expliqua Madame la Comtesse.

- Elles ont une prévalence sur la décision de La Reine ? dis-je complètement étonnée.

- Pour eux oui, et les régnants la respecte, précisa Lady Mary. Je sais par les histoires que mon époux m'a racontées que c'est déjà arrivé au fil du temps.

- Comment cela se passe-t-il exactement ? insistai-je donc.

Ma maîtresse regarda vers sa fille comme attendant sa réponse. Je jetai donc un regard vers ma jeune maîtresse et je fus étonnée par ce que je vis. Celle-ci s'affairait à bien autre chose. En effet, alors que Lady Mary se concentrait sur le fait de me rassurer, Lady Charlotte avait pris des dispositions. Un très long et très fin os partait en effet de son index qu'elle pointait vers le sol, fin comme un cheveu selon mon estimation. Elle l'enfonçait doucement dans le plancher et je pouvais la voir murmurer des choses.

- Lady Charlotte ? demandai-je alors.

- Je m'assure qu'oncle Sebastian puisse nous suivre, dit-elle alors.

- Mais comment pourrait-il ? insistai-je alors.

- J'ai entendu ces mécréants discuter, précisa Lady Charlotte stipulant qu'elle n'était pas humaine. Ils vont signifier à Père et Oncle Sebastian que nous sommes désormais otages. Père voudra négocier mais je suis convaincue que mon oncle se mettra en chasse. Il remarquera cela aisément.

- Ne me dis pas que ce genre d'éventualités ont déjà été abordées avec ton oncle? demanda sa mère choquée.

- Je ne le dirai pas, dit-elle alors.

- Mais pourquoi laisser une trace tel le Petit Poucet? demandai-je alors.

- Oncle Sebastian ne sera pas convié aux négociations par Père, il est plutôt colérique mais il devra sans doute se battre. Je préfère qu'il sache où nous sommes, précisa Lady Charlotte.

- Mais comment cela se passe-t-il alors? insistai-je en regardant une Lady Mary épatée par le courage de sa fille.

- Chacun posera ses conditions de défaite, m'expliqua Lady Charlotte. Cela sera sans doute la protection des familles en cas de... De mort.

- C'est un combat à mort ? demandai-je choquée.

- Pas obligatoirement, nous sommes très difficiles à tuer mais c'est au moins jusque la reconnaissance de la défaite, me signifia Lady Charlotte.

- Tu penses que ton père pourrait négocier sans le combat ? demanda Lady Mary à Mademoiselle sa fille.

- J'espère..., dit-elle doucement.

Mon regard passait doucement de l'une à l'autre me laissant clairement comprendre que toutes deux craignaient pour la vie de Lord Sebastian. Je l'avais déjà vu plusieurs fois être affaibli au fil du temps, comme le soir du bal des domestiques. Il était si faible ce soir là, incapable de contrôler ses excroissances. Je savais aussi qu'il n'hésiterait nullement à se jeter à corps perdu à notre secours, c'était clairement dans sa personnalité. Je me mis également à craindre pour son intégrité physique. Je n'étais pas une fervente croyante malgré le fait qu'à l'inverse de moi, Lady Fullton était très pratiquante. Elle m'avait naturellement appris quelques prières et en cet instant, j'en fis une avec la plus grande ferveur. Je ne voulais pas voir Lord Sebastian blessé mais je ne voulais pas non plus que les Hayworth ne soient plus ce qu'ils étaient. Je priais donc pour qu'ils réussissent à résoudre cette situation inextricable par une négociation. Je tournai soudainement la tête vers Lady Mary quand je la sentis passer sa main dans mes cheveux.

- Soyez confiante mon enfant, dit-elle doucement en me souriant d'une manière rassurante.

- J'ai peur Madame, dis-je alors.

- Je suis dans le même cas, croyez moi, dit-elle. Mais ma confiance dans les hommes de cette famille est bien plus grande que la somme de mes peurs. Ayez foi en eux.

- Bien Madame, dis-je.

Soudain, je vis Lady Charlotte détacher un os avec empressement et remettre son gant. Cela ne pouvait être que le signe que nous ralentissions. Je le ressentais également quelques instants plus tard et je remarquai que Lady Charlotte semblait en proie aux larmes.

- Suis-je convaincante? demanda-t-elle tout bas.

- Oui..., dis-je choquée mais toujours un peu effrayée.

- Soyez courageuses, fit Lady Mary au moment où s'arrêta la voiture.

Je fermai les yeux en inspirant quand j'entendis les pas à l'extérieur, le bruit caractéristique de bottes martelant ainsi des gravillons faisant monter malgré tout mon angoisse. La porte s'ouvrit sur notre faux chauffeur.

- Terminus, fit-il avec un sourire mauvais.

Je descendis la première, fermement décidée à aider mes maîtresses sachant que ce rustre manant ne risquait pas de le faire.

- On se dépêche, grogna t'il alors.

- Soyez respectueux, dis-je alors.

- Comment une idiote pareille peut être au courant de nos existences, grogna t il ensuite.

Je le regardai stupéfaite, me demandant ce qu'il pouvait bien être. Mais ces grognements répétés me mirent sur la piste, ces êtres de Dreemia avec des têtes de porcs et dont j'avais oublié le nom.

- Par ici Mesdames, fit-il en riant.

Nous étions sans doute toujours dans Londres mais également un peu loin du centre-ville car la demeure semblait avoir de bons extérieurs. La demeure était également assez grande mais nous n'y fûmes nullement dirigées. En effet, c'était bien vers une dépendance que nous guidait notre geôlier. Il ne cessait pas de nous obliger à presser le pas et nous dûmes nous exécuter. Nous pénétrâmes donc dans une dépendance de briques grises, passant une lourde porte en bois qui nous mena à un couloir de pierres. Il y avait plusieurs portes mais nous fûmes poussées sans ménagement aucun vers la dernière. Celle-ci fut ouverte et nous fûmes poussées brusquement à l'intérieur.

- Espèce de malotru, mes maîtresses méritent un autre traitement que celui-là ! hurlai-je en colère et outrée.

- Vas-tu donc te taire! s'énerva le faux chauffeur en me poussant violemment.

Mon dos percuta lourdement le mur de pierres et je chus tout aussi lourdement sur mon fondement.

- Inutile de la violenter ! s'énerva Lady Mary.

- Ça va? demanda Lady Charlotte venue me soutenir.

- Que la honte soit sur eux pour leurs agissements envers vous, grommelai-je horrifiée.

- Mon Maître va venir vous voir incessamment sous peu, dit-il avant de s'éloigner. Soyez sages.

Je regardai la porte avec colère quand je vis Lady Mary s'agenouiller près de moi.

- Ne vous mettez pas en danger, dit-elle alors. Je comprends que vous souhaitiez nous protéger et je vous en remercie mais ne soyez pas blessée inutilement.

- Cet homme est-il un Groin? demandai-je alors à Lady Charlotte.

- Cela se voit à son air idiot? demanda Lady Charlotte avec un sourire.

- À son manque cruel d'éducation, dis-je amusée. Et son ignorance de la langue... Incessamment sous peu, un pléonasme devant la noblesse... Quel ignare.

- Voilà donc comment Lord Hawkins a pû acquérir autant d'hommes de mains, comprit alors Lady Mary.

Lady Charlotte m'aida à me relever et je me rendis compte du froid de la pièce. En réalité seule Lady Charlotte ne semblait pas le ressentir et je m'inquiétais de l'état de ma maîtresse. Celle-ci semblait essayer de se donner consistance pour être confrontée à Lord Hawkins. Je la voyais lisser sa robe du mieux qu'elle pouvait. Nous ne dûmes nullement patienter longuement. En effet, une demi-heure plus tard, à peu de choses près, la porte de notre cellule s'ouvrit à nouveau. Lord Hawkins pénétra dans la pièce d'un air impérieux, le Groin qui nous avait servi de chauffeur sur les talons.

- Lady Mary, Lady Charlotte, dit-il poliment en les regardant.

- Vous semblez avoir quelques problèmes sur vos méthodes pour inviter des convives, dit alors Lady Mary.

- Vous savez pertinemment la raison de votre présence, dit-il alors. Votre époux est d'ores-et-déjà prévenu.

- Vous êtes réellement un être obnubilé par le pouvoir Lord Hawkins, lança Lady Mary.

- Ne soyez pas si impétueuse, lui demanda Lord Hawkins. Vous êtes en terrain ennemi.

Je regardai Lord Hawkins avec colère pour son manque de respect. Je ne pus me contenir plus longtemps.

- Comment osez vous traiter une comtesse de cette manière ? criai-je presque. Vous la faites emmener de force par vos sbires, vous l'enfermez dans une pièce froide et horrible et en plus, vous ne prenez même pas de disposition pour qu'elle puisse être installée à son aise! Avez-vous seulement conscience de votre inconvenance ?

J'avais stupéfié l'auditoire dans la pièce mais cela avait été plus fort que moi. Les Hayworth étaient des maîtres parfaits, respectueux et attentionnés comme il en existait parfois. Cet homme traitait ma maîtresse comme une vulgaire pauvresse mal dégrossie et je ne voulais que la défendre. Lord Hawkins tourna doucement la tête vers moi et je sentis sa colère. Je ressentis soudain un choc violent sur mon visage qui me fit chuter au sol.

- Annabelle ! cria Lady Charlotte.

- N'oublie pas que tu n'as aucune valeur! me fit sèchement Lord Hawkins alors que je touchais ma lèvre pour la découvrir fendue. Qu'eux te tolère car tu peux accepter notre nature ne te met sûrement pas au même niveau que nous.

Je le vis alors s'approcher comme prêt à m'administrer une autre correction quand je vis Lady Mary s'interposer.

- Ne la touchez pas, lui ordonna Lady Mary. Elle s'inquiète juste pour nous.

- Rappelez à cette bonne que d'un clin d'œil je pourrais l'envoyer prendre un poste dans une maison close, s'offusqua Lord Hawkins m'horrifiant alors.

Je vis soudainement Lady Mary administrer une gifle violente à Lord Hawkins avant de se saisir la main. Les Vicissiens étaient plus forts et sans doute plus solides que les humains.

- Ne maltraitez pas cette jeune fille, vous risquez de le regretter sévèrement, précisa Lady Mary.

- Vous avez de la chance Lady Mary, je ne lèverai pas la main sur vous. Je vais vous faire amener une chaise, dit-il en claquant des doigts. Lady Charlotte ? Auriez vous vu ma victoire ?

- Je ne vois que votre défaite, fit Lady Charlotte tanfis qu'un Groin amenait deux chaises.

Lord Hawkins prit alors congé de nous et Lady Charlotte insista pour que je m'installe sur l'une des deux chaises.

- Annabelle vous êtes trop courageuse pour votre propre bien... Vous n'avez pas trop mal? demanda Lady Mary.

- Cela valait la peine de vous défendre Madame, dis-je alors. Et merci à vous...

Lady Mary avait la main plutôt rougie, sans doute blessée légèrement. Je tournai la tête vers ma jeune maîtresse avec une question sur les lèvres.

- Vous avez également le don de vision ? demandai-je alors.

- Pas le moins du monde, avoua Lady Charlotte. Mais bon, j'ai bien observé Passminder donc...

- Je ne comprendrai jamais pourquoi tu es différente, précisa sa mère.

- Je l'ignore mais Sophie sera une Vicissienne habituelle, précisa Lady Charlotte. Je me demande combien de temps nous allons encore devoir attendre.

- Je pense que ton père arrivera rapidement, précisa Lady Mary.

Nous patientâmes donc longuement, croisant nos doigts en espérant l'arrivée prochaine de nos sauveurs. Lady Mary faisait preuve d'un courage extrêmement surprenant, restant stoïque et fière, noble dans son attitude alors que comme moi, elle n'était qu'humaine. Je ne mentirai sûrement pas en disant qu'elle m'impressionnait énormément dans cette situation. Pour ma part, je restai calme mais ce n'était que façade, en moi se mêlaient crainte, peur et colère de cette situation. Lady Charlotte semblait s'impatienter en réalité comme si c'était dans ses gènes de se retrouver dans de telles situations. Elle marchait tout simplement dans notre cellule, si on peut l'appeler comme cela. Et puis soudainement, elle arrêta de bouger. Ce détail attira nos attentions à moi et Lady Mary, cherchant à comprendre ce qu'il se passait. Lady Charlotte se tourna alors vers nous avec un sourire. Ils étaient là. Je souris quand soudain j'entendis des cris d'hommes.

- Qu'est-ce que..., marmonnai-je choquée en regardant Lady Mary.

- Ça c'est Oncle Sebastian, fit simplement Lady Charlotte.

Je prêtai alors immédiatement une oreille attentive à la situation. J'entendis des cris de colères émis sans doute par les hommes de Lord Hawkins. Ces cris semblèrent alors se transformer en cris de panique avant de devenir des cris d'agonies. Je regardai Lady Mary qui comme moi déglutit, sans doute peu habituée. J'entendis alors Lady Charlotte marmonner.

- Que se passe-t-il ? dis-je en me levant inquiète pour le Vicomte qui avait éveillé mes sentiments de femme.

- Père l'a obligé à cesser... J'ai cru comprendre que les disciplines allaient être plus cérémonielles, avoua Lady Charlotte.

- Ho... Vous savez si il va bien? demandai-je immédiatement.

- Je l'ignore... J'entends à peine la conversation en réalité, dit-elle rapidement.

Je la vis alors tourner la tête vers notre porte et je suivis son regard, discernant ainsi des bruits de bottes. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit dévoilant encore une fois le même Groin.

- Suivez moi, fit-il sèchement. Toi aussi la bonne.

Lady Mary se leva avec noblesse et distinction avant de s'approcher de moi. Elle saisit mon bras et dès que je m'avançai vers la porte, je réalisai la douleur lancinante dans mon dos. Lady Mary avait sans doute estimé que j'avais mal. Lady Charlotte préféra fermer la marche. Nous suivîmes donc le Groin qui nous jetait sans cesse des regards mauvais avant de nous mener vers la porte de la dépendance. Nous passâmes donc dans la cour de la demeure et je me figeai devant l'horreur.

- Ho Seigneur! dis-je en proie à l'horreur.

- Sebastian..., marmonna Lady Mary.

Je prenais de plein fouet les capacités latentes des Vicissiens. En effet, j'avais l'impression d'avoir en face de moi le résultat d'un champ de bataille. Par terre, entouré par une marre rougeâtre et poisseuse, se trouvait un corps, ou plutôt la moitié d'un corps. En effet, sous les côtes de cette dépouille pendaient mollement des organes sanguinolents. J'eus immédiatement un haut le cœur et je détournai le regard. Cependant, regarder ailleurs dans la cour n'allait pas me rassurer. Lord Sebastian avait littéralement massacré les gardes de la demeure, semant ainsi la mort sans aucune vergogne. À ma gauche se trouvait un bras serrant encore un gourdin, d'un autre côté existaient d'immenses traînées rougeâtres sans doute propulsées par une lame tranchante créé par le vicomte. Je vis même, accroché à un mur, un homme à la tête de porc, transpercé et accroché au mur par ce qui pourrait s'apparenter à une lance faite d'os. Alors que nous avancions vers la demeure principalement, je sentis Lady Mary défaillir à mon bras. Elle avait écarquillé les yeux en fixant un point près de la porte. Suivant son propre regard, je vis alors que deux lanternes semblaient décorer la porte de la demeure mais cela n'était pas le détail macabre qui parachevait cette scène issue tout droit d'une peinture cauchemardesque d'un artiste perturbé. Une tête avait été posée sur la lanterne de gauche, comme si elle avait été déposée là négligemment, tel un chapeau abandonné.

- Oncle Sebastian en fait toujours trop, fit alors Lady Charlotte derrière moi.

Me tournant vers elle, je remarquai qu'elle était la seule à ne pas être en proie au dégoût, elle était même plutôt intriguée, par son sang originaire de Dreemia sans doute.

- Faites attention Madame, dis-je alors en avançant vers la porte et remarquant que beaucoup de sang avait inondé le perron depuis l'ornementation issue des enfers.

- Je sais de quoi ils sont capables mais le voir est bien plus horrible, fit alors Lady Mary.

Je ne pouvais que le confirmer silencieusement. Même au courant de leur nature, cela n'enlevait rien à l'horreur. La porte s'ouvrit devant nous, dévoilant une demeure très luxueuse à l'intérieur de laquelle nous fûmes accueillies par un majestueux tableau de Lord Hawkins et de son épouse, une magnifique rousse flamboyante qui semblait pourtant à peine plus âgée que Lord Henry; cette dernière portant un tout petit bambin sur ses genoux. Nous ne pûmes nullement admirer les boiseries ou le marbre, guidées légèrement brusquement par le Groin jusqu'à une porte de pierre entrouverte.

- Descendez, fit-il alors en indiquant un escalier.

Je regardai cet escalier de pierres avec une certaine angoisse naissante, comme si il allait nous guider toutes trois plus bas dans les strates infernales. Nous ne pouvions cependant passer côte à côte avec Lady Mary et je décidai de lui passer devant pour m'assurer que l'escalier était sûr. Je la vis me sourire pour ma gentillesse et je la guidai donc du mieux que je pouvais dans cet escalier dont j'ignorais la destination finale. Je pouvais déjà discerner des lueurs tout en bas et nous y arrivâmes sans encombres. Devant nous, une très grande pièce ronde s'offrit à nous, me laissant stupéfaite du travail architectural effectué. Elle était en effet gigantesque, magnifiquement décorée de marbre et ornée de nombreux flambeaux aux flammes rassurantes qui léchaient les ombres et les surfaces. Il y avait de nombreux hommes de mains dans cette pièce circulaire, faisant clairement le tour de celle-ci et encadrant une estrade. Sur cette estrade aux marches de marbres, trônaient la femme du tableau et son jeune fils assis sur une chaise au côté de laquelle se trouvait l'homme à cause de qui nous étions dans cette situation. Je remarquai quant à moi la présence des trois hommes Hayworth et je compris seule que nous avions le droit de les rejoindre. Visiblement rassuré, Lord Jonathan s'approcha de sa femme et la serra dans ses bras, ainsi que sa fille. Moi, je fixai Lord Sebastian avec stupéfaction, son si beau costume couvert de tâches rougeâtres. Il s'approcha doucement de moi, laissant son neveu s'approcher de sa mère.

- Vous allez bien? demanda-t-il alors.

- Je vais bien, dis-je simplement en regardant Lord Jonathan enlacer sa femme.

- Je vous prendrai bien dans mes bras mais...

Je tournai la tête vers Lord Sebastian, surprise d'un tel propos et je découvris ses mains rougies de sang qui en étaient d'ailleurs assez effrayantes.

- Ce n'est rien, dis-je en préférant garder la tête baissée pour éviter qu'il ne puisse voir ma lèvre fendue. Merci...

- Pas assez rapide, fit alors Lord Sebastian avec un souffle clairement erratique.

Je compris qu'il devait être au bord de l'épuisement et comme je pouvais voir sa lain quitter sq jambe avant un reniflement légèrement sonore, je savais qu'il était dans une forme loin d'être optimale. J'entendis soudainement quelqu'un taper dans ses mains et tous, nous nous tournâmes vers son origine.

- Bien, fit Lord Hawkins. Mesdames, restez près des gardes je vous prie. Messieurs, ne tentez rien

- Cessez donc vos simagrées, Lord Hawkins, fit alors Monsieur le Comte. Soyez bref.

- Je le serai, dit-il fièrement. Lord Hayworth a accepté un duel entre un représentant de chaque famille afin de décider quel clan sera le fer de lance des Vicissiens.

Je regardai vers Lord Jonathan avant d'entendre un grognement de la part de son frère pour qui la solution devait clairement être un massacre.

- Comme vous le savez Lord Hayworth, mon clan ne possède que moi, donc la décision est prise. Mon fils est bien plus jeune.

- Naturellement... Mais je désire avant tout connaître les conséquences de la défaite, demanda Lord Jonathan.

- Je vous demanderai simplement qu'il n'y ait nulles représailles envers mon épouse Esther et mon fils David, précisa Lord Hawkins.

- Ils ne sont donc que deux, fit Lord Jonathan.

Je tournai la tête intriguée vers mon maître, me demandant si il peut demander la survie de tout le monde ou seulement de deux personnes. J'étais surtout effrayée de réaliser qu'il était possible de massacrer les proches du perdant, les Vicissiens restaient des êtres à part.

- Puis-je demander la clémence pour les trois femmes? demanda Lord Jonathan.

- Les trois ? s'étonna Lord Hawkins en me fixant. Accordé.

- Merci, dit Lord Jonathan en se tournant vers nous. Au moins vous serez toutes trois en sécurité.

- Jonathan... Est-ce un combat mortel? demanda Lady Mary.

- Je suis désolé Mary, c'était le seul moyen, précisa Lord Jonathan.

- Vous allez vous battre? demanda Lady Charlotte inquiète pour son père.

- Je vais le faire, précisa Lord Henry.

- Il est plus expérimenté, précisa Lord Sebastian.

- Mais vous êtes épuisé Oncle Sebastian, sa malédiction est levée, vous le savez, dit alors Lord Henry.

- Henry, marmonna Lady Mary.

- Ne vous inquiétez pas Mère, j'ai mes chances, fit alors Lord Henry.

- Je vous laisse encore cinq minutes pour décider, fit Lord Hawkins.

Je vis malgré tout Lord Henry être très décidé, faisant ses adieux à sa famille. Je m'inquiétais pour lui mais surtout je m'en voulais presque intérieurement de préférer que Lord Sebastian ne prenne pas ce risque. Cependant, je voulais m'assurer de ses chances et je regardai immédiatement Lord Sebastian quand Lord Henry s'avança.

- Lord Henry peut-il réellement gagner ? demandai-je avant de remarquer Lord Sebastian figé.

Je ne comprenais pas ce qu'il avait, il se contentait en effet de me fixer sans dire le moindre mot. Puis, tout à coup, il leva doucement la main et la dirigea vers mon menton qu'il releva doucement.

- Ils t'ont violentée ? demanda-t-il soudainement.

- Je...

- Est-ce lui?. fit-il en indiquant Lord Hawkins d'un simple mouvement de tête.

- J'ai voulu défendre Lady Mary, avouai-je doucement.

Il baissa doucement la main et je pus alors voir une lueur mauvaise dans son regard, très mauvaise. Il semblait prêt à tout en cet instant.

- Henry, fit-il froidement.

- Vous avez un conseil mon oncle? demanda Lord Henry assez étonné.

- Laisse moi la place, fit-il en avançant vers son neveu.

Je fus horrifiée de cela, il n'était clairement pas en état de faire cela. Lord Henry regarda vers Monsieur le Comte et obéit à la demande. Mue par la peur qu'il n'arrive quelque chose à Lord Sebastian, j'avançai immédiatement vers lui.

- Lord Sebastian, c'est trop... Argh..., grommelai-je saisie par la douleur dans mon dos.

J'y glissai rapidement une main pour appuyer sur ma douleur. Malheureusement, ce cri de douleur que j'avais émis attira l'attention de Lord Sebastian qui se retourna brusquement en proie à la rage.

- Que t'a-t-il fait? demanda Lord Sebastian.

- Elle va bien, je l'ai juste bousculée, fit alors le Groin responsable de ma douleur dorsale.

Je vis Lord Sebastian le fixer d'un air mauvais et en un instant lever le bras droit. Je fus saisie d'effroi quand, dans un gargouillis étouffé, le Groin porta sa main à sa gorge. Cette main se gorgea rapidement de sang qui inonda également la chemise du Groin. Lord Sebastian venait de tuer l'homme qui m'avait fait du mal.

- Lord Sebastian, vous pensez vraiment qu'il est si facile de trouver du bon personnel? demanda Lord Hawkins que la mort du Groin n'affectait nullement.

- Allons nous discuter longuement ? Descendez et finissons cela, fit alors Lord Sebastian.

Je découvrai le véritable visage de Lord Sebastian, celui qui me fit comprendre pourquoi c'était lui qui voyageait dans le monde pour régler les soucis des migrants de Dreemia. Mon attention se porta sur l'épouse de Lord Hawkins qui, en compagnie de son fils, se mit à genoux. Je vis que Lady Charlotte s'installait entre moi et sa mère avant de commencer à s'agenouiller comme Madame la Comtesse. Je compris aisément que je devais faire de même et je m'agenouillai donc.

- Sebastian, fit alors Lord Hawkins. Vous pouvez me jurer que ni mon épouse ni mon fils ne subiront votre courroux?

- Je suis un homme de parole, dit alors Lord Sebastian.

J'étais assez étonnée que Lord Hawkins s'inquiète de cela, comme si Lord Sebastian pouvait massacrer sa famille sans respecter la promesse. Cela était un peu hypocrite quand on n'ignorait nullement notre traitement. Je sentis Lady Charlotte saisir ma main et je remarquai qu'elle faisait de même avec Lady Mary. Je la serrai donc, autant pour la rassurer que me rassurer moi-même sans doute et là, je sentis une excroissance contre ma paume, me poussant à observer Lady Charlotte.

- Si lui ne le respecte pas, fit-elle tout bas. Tire dessus...

Je compris clairement le message, Lady Charlotte avait dû créer ce qui devait ressembler à un couteau. Je reportai mon attention vers Lord Sebastian qui enlevait la chemise, dévoilant ses cicatrices. Je pus entendre les murmures inquiets des gardes autour de nous qui avaient fini par emmener leur camarade, le chauffeur égorgé. Lord Hawkins descendait mais lui, il n'enleva que la veste.

- Aucune restriction de création, fit alors Lord Hawkins.

- Vous prenez un risque, j'ai une imagination débordante, fit Lord Sebastian assez mesquin.

J'en étais effectivement convaincue, il suffisait d'avoir connaissance de sa collection personnelle. Alors que le combat allait commencer, je vis deux excroissances, chacune sur le dos des mains, apparaître sur le corps de Lord Hawkins pour former de longues lames. Sur les bras de Lord Sebastian, je vis également apparaître des excroissances, des lames courbées comme celle qu'il m'avait montrée cette fameuse nuit où mon monde avait basculé. Ma respiration cessa d'avoir lieu durant quelques secondes jusqu'au moment où les deux Vicissiens foncèrent l'un vers l'autre, laissant leurs excroissances respectives se percuter violemment. Ils tinrent leurs positions quelques instants avant de se mettre tous les deux à fouetter l'air de leurs lames. J'étais stupéfaite du spectacle incroyable qui s'offrait à moi, mélange d'assauts rapides et brefs, de lames effleurant les chairs, d'esquives ayant lieu in-extremis, le tout dans un ballet semblant si précis qu'il aurait pû être chorégraphié avec soins. C'était tout bonnement incroyable de voir apparaître des excroissances dans des endroits incongrus comme quand Lord Sebastian fit apparaître une pointe sur son genou en tentant de frapper Lord Hawkins, ou quand celui-ci fit de même mais dans son dos pour percuter son adversaire en espérant lui planter dans le dos. Ces deux hommes semblaient savoir ce qu'ils faisaient et je pouvais remarquer les exclamations impressionnées de nos gardes.

- C'est pas vrai..., marmonna alors Lady Charlotte près de moi.

Naturellement, je n'étais nullement expérimentée dans les combats de Vicissiens mais j'arrivais à cerner ce qui posait problème à ma jeune maîtresse. Lord Sebastian semblait en effet marquer beaucoup d'arrêts dans ses assauts.

- Lady Charlotte...

- C'est la malédiction, dit-elle tout bas. Il est au bord de la rupture...

- C'est ma faute, marmonnai-je. Si je n'avais pas été impétueuse...

- Ne te reproche rien, c'est son amour pour toi qui le pousse à se battre, m'avoua Lady Charlotte.

Je regardai Lord Sebastian qui d'un coup réussit à lacérer le torse de Lord Hawkins, provoquant une exclamation de ma part, rassurée de le voir prendre le dessus. Malheureusement, ma joie fut de très courte durée car la lame de la main gauche de Lord Hawkins transperça la cuisse droite de Lord Sebastian, m'arrachant des larmes au passage alors qu'il n'arracha nullement un cri de douleur au concerné.

- Vous mollissez Sebastian, dit alors Lord Hawkins.

- Je vous laisse simplement une chance, répondit immédiatement Lord Sebastian.

- Votre malédiction est toujours là n'est-ce-pas ? demanda son adversaire.

- Sommes nous là pour discuter ? Moi non ! fit soudainement Lord Sebastian.

Il attaqua de nouveau en essayant de pourfendre Lord Hawkins de sa lame, jetant même une excroissance en forme de couteau vers son adversaire qui l'esquiva. Je vis avec horreur le pied de Lord Sebastian glisser sur le sol mais il put se rattraper de justesse et éviter la chute. Je dus fermer les yeux quand je vis des perles de sang tomber sur le sol, elles provenaient du nez de Lord Sebastian.

- Je ne m'étais pas trompé, dit alors Lord Hawkins. Je combats actuellement un homme en sursis.

- Toujours des palabres..., grommela Lord Sebastian en essayant de reprendre son souffle.

- Pourquoi se battre quand on est aux portes de la mort ? demanda ensuite l'adversaire de Lord Sebastian.

- Parce que je m'ennuie? proposa le vicomte Hayworth.

Lord Sebastian se jeta encore sur son ennemi mais ses pas furent bien moins assurés, son équilibre se faisant de plus en plus précaire. Les lames de Lord Hawkins commençaient à atteindre de plus en plus souvent Lord Sebastian alors que l'inverse devenait de plus en plus rare. La malédiction des Vicissiens étaient décidément très forte. Lord Sebastian fut soudainement lacéré sur son bras gauche et son excroissance fut brisée, le forçant à reculer.

- La fin est proche Lord Sebastian, fit calmement Lord Hawkins.

Il ne fallait pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué et cet adage prit toute sa valeur. En effet, sans hésitation aucune, Lord Sebastian saisit son adversaire par la tête et le rua de coup avec son front, usant de tout son courage. Et le drame survint... La lame de Lord Hawkins traversa soudainement Lord Sebastian de part en part.

- Non!!! criai-je alors surplombant le cri effrayé de la jeune maîtresse.

Je vis la lame ressortir du corps de Lord Sebastian qui tituba en arrière. Mon cœur semblait se briser dans ma poitrine tandis que mes larmes jaillirent sans que je ne puisse les retenir. Lord Sebastian continua de tituber avant de tomber à la renverse, respirant difficilement.

- Je crois que le combat est fini, fit un Lord Hawkins triomphal.

Je le vis ensuite approcher lentement de Lord Sebastian prêt à l'achever. Je ne pouvais voir cela mais je ne voulais pas fermer les yeux. Au contraire même, je voulais l'empêcher, qu'importe les conséquences.

- Ne faites pas ça ! dis-je alors.

- Silence ! s'énerva Lord Hawkins en plantant sa lame dans la jambe de Lord Sebastian lui arrachant un nouveau cri.

Je ne pouvais pas accepter sa mort et encore moins cette cruauté gratuite. J'avisai le garde près de moi et n'écoutant que mon courage, je tirai brutalement sur l'excroissance de Lady Charlotte.

- Annabelle non! cria celle-ci surprise mais en vain.

Je ne fis qu'un coup ample envers mon garde, juste suffisant pour l'éloigner de moi et puis, je me ruai en avant, ignorant ma douleur.

- Annabelle revenez! cria Lady Mary.

- Pauvre folle, vous ne pourrez pas gagner ! me fit un Lord Hawkins vainqueur.

Je ne fonçai par tellement pour l'attaquer mais plutôt pour me jeter près de Lord Sebastian, faisant bouclier de mon corps en brandissant mon couteau.

- Vous avez gagné, pourquoi continuer? demandai-je en colère.

- Contrôle toi humaine ! fit Lord Hawkins d'un ton supérieur.

- Épargnez le... Et les Hayworth, dis-je d'un ton suppliant.

- Ne me donne pas d'ordre ! me cria Lord Hawkins en frappant vers ma lame.

- Aïe ! m'exclamai-je en la lâchant.

Je pus à peine voir la lame tomber et je tendis mes bras en croix pour protéger Lord Sebastian. Je vis la colère sur le visage de Lord Hawkins et il fondit sur moi, m'aggripant par le col de ma robe dont le tissus fut en partie déchirée par l'acte.

- Déguerpis, m'ordonna Lord Hawkins.

- Je protégerai Lord Sebastian... Tuez moi si il le faut ! lui éructai-je dessus.

- Espèce de sale petite..., fit-il en me regardant avant de se stopper. Où as-tu eu ça ?

- Laissez là, cria Lord Jonathan. Elle n'agit qu'avec son cœur.

- Elle enfreint nos règles, s'énerva Lord Hawkins. Réponds moi... Où as-tu eu ça ?

D'un coup, il saisir la chaîne de mon collier et tira dessus pour le briser.

- C'est à moi! dis-je en essayant de le récupérer.

D'un geste brutal, il me jeta au sol et je me retrouvai à moitié appuyée sur Lord Sebastian agonisant et inconscient visiblement.

- Où ? demanda sèchement Lord Hawkins qui prêtait une attention trop importante à ce collier.

- Je l'ai reçu enfant... Le cadeau d'un visiteur de Lady Fullton, de l'ivoire issu d'un voyage, dis-je un peu stupéfaite.

- Pauvre sotte... Ce n'est pas de l'ivoire, dit-il alors.

- Quoi? m'étonnai-je alors de cette information.

- Ceci est un os Vicissien..., s'étonna Lord Hawkins.

J'ouvris la bouche saisie de stupeur. Comment était-ce possible ? Je ne connaissais les Vicissiens que depuis quelques temps à peine. Il devait se tromper, ce visiteur si gentil avait simplement voulu rassurer une enfant perdue dans cette grande ville. Il était impossible qu'un noble proche de Lady Fullton puisse être entré en contact avec les êtres de Dreemia. Et soudain, je me retournai doucement vers le seul Vicissien qui fréquentait Lady Fullton à ma connaissance. J'avais rencontré Lord Sebastian alors que je n'étais qu'une enfant ? Sans doute... Mais savait-il déjà que je pourrais les accepter? Je fus submergée par une foule d'émotions qui se melangèrent immédiatement. Depuis si longtemps... Voilà la raison pour laquelle il ne pouvait avoir celle qui pouvait l'accepter. Je n'étais qu'une enfant. Il avait vécu en sachant que j'existais mais ne pouvait pas être là pour moi. Je fixais son corps mourrant en proie à la peine la plus profonde.

- Ce cher Lord Sebastian... S'attacher à une enfant... Cela ne lui ressemble pas, fit Lord Hawkins.

- Vous ne le connaissez pas, dis-je sans quitter Lord Sebastian des yeux.

Je m'approchai de lui, désireuse de savoir si il était encore vivant. Je vis sa poitrine se soulever très doucement et je sus qu'il était encore là. Je tendis doucement ma main vers sa joue, pour la caresser.

- Vu qu'il s'est entiché d'un animal de compagnie, je vais éliminer les deux, fit Lord Hawkins.

- Arrêtez !!! Vous aviez promis!!! cria Lady Mary.

- Je vais vous tuer !!! hurla Lord Henry.

Je ne portai alors aucune attention à mon environnement, m'approchant juste de Lord Sebastian. J'avais encore plus que jamais envie de pleurer maintenant que j'avais compris une chose. Je n'attendais rien d'autre tandis que je me penchais et qu'il me semblait le voir ouvrir très légèrement les yeux.

- Vous auriez dû être beaucoup plus honnête, dis-je en touchant sa joue.

Inconsciemment, je savais que la famille Hayworth implorait Lord Hawkins et qu'il levait son bras bien haut prêt à l'abattre sur nous, me laissant peu de temps.

- Si vous l'aviez été, nous aurions eu beaucoup plus de temps, dis-je en me penchant. Je vous aime Sebastian.

Et lentement je posais mes lèvres contre les siennes, dans un moment qui me semblait apte à ralentir le temps, nous laissant ainsi dans une éternité simulée que j'aurai voulu connaître. Jr sentis en moi une chaleur qui aurait dû m'habiter bien plus tôt. Soudain, la bouche de Lord Sebastian m'écrasa un peu plus fort et j'eus la sensation que mon environnement tourbillonnait. Était-ce une sensation normale? L'amour laissant sa place à la mort ? Je n'en savais rien mais au bout d'un court instant les lèvres de Lord Sebastian s'écartèrent des miennes.

- Ça va? demanda-t-il me poussant à ouvrir les yeux.

Je découvris alors un Lord Sebastian visiblement remis, en forme, qui me serrait contre lui si fort qu'en réalité, je n'étais plus en contact avec le sol. Je tournai la tête et je pus découvrir un Lord Hawkins stupéfait, se tenant le cou dont perlait du sang. Au loin, les Hayworth n'émettaient plus le moindre son. Je regardai à nouveau Lord Sebastian et je réalisai quelque chose.

- La malédiction ? demandai-je alors intriguée.

- En partie du moins, me fit Lord Sebastian en me fixant.

- J'ai... J'ai levé..., dis-je surprise.

- Je t'en remercie, me fit Lord Sebastian en me posant au sol.

Je m'éloignais un peu, comprenant que le duel allait reprendre.

- J'aurais dû la faire enfermer ailleurs, grommela Lord Hawkins m'horrifiant.

- Je vous remercie de ne pas y avoir pensé, dit alors Lord Sebastian avant de me regarder. Recule... Cela pourrait être dangereux.

J'obtemperai immédiatement, me reculant de quelques pas tandis qu'à nouveau Lord Sebastian faisait face à son ennemi.

- Je pense que cela sera plus intéressant, fit Lord Hawkins.

- Quant à moi, je pense que cela sera plus rapide, dit le vicomte en réponse.

Ses lames jaillirent bien plus vite qu'à l'accoutumée et déjà, il était sur Lord Hawkins. Les coups de lames se transformèrent en véritable tourbillon qui prit Lord Hawkins par surprise. Je pouvais le voir en difficulté pour parer les coups d'un Lord Sebastian transformé en véritable bête furieuse. Lord Hawkins oublia rapidement les coups si précis qui avaient été les siens au départ pour se concentrer sur des coups plus violents qui étonnement n'eurent aucune efficacité. J'étais assez impressionnée par l'agilité de Lord Sebastian et je fus stupéfaite que ce soit en partie grâce à moi, et dire qu'en plus, la malédiction n'était que partiellement levée. Soudain, Lord Sebastian saisit les lames de Lord Hawkins à pleines mains.

- Cela devient lassant, avoua Lord Sebastian.

Je perçus alors un léger craquement, par ma proximité sans doute, et je vis Lord Sebastian tordre les lames avant qu'elles ne cassent sous son action, arrachant un cri à Lord Hawkins. Ce cri me fit m'inquiéter pour la douleur que j'avais pu provoquer chez Lady Charlotte mais visiblement, elle allait bien, trop concentrée sur le combat. J'y reportai d'ailleurs mon attention pour voir Lord Sebastian lacérer le torse de Lord Hawkins faisant jaillir bien des flots de sang. Je déglutis alors avant d'assister à quelque chose d'effrayant. Lord Sebastian pivota sur ses jambes, se glissant derrière Lord Hawkins dans un mouvement dont je doutais les humains capables avant de se pencher et taillader les mollets de Lord Hawkins. Dans un grognement de douleur, ce dernier tomba à genoux mais ce n'était pas fini pour lui. Lord Sebastian lui administra en effet un coup de pied au beau milieu du dos, envoyant ainsi le torse et la face de Lord Hawkins contre le sol dans un bruit mat. Je déglutis encore en voyant Lord Sebastian s'agenouiller et placer lentement sa lame vers la nuque de Lord Hawkins. Je ne voulais pas voir cela alors je déournai les yeux immédiatement. Mais dans mon champ de vision, apparut alors un spectacle saisissant. Le fils de Lord Hawkins était en larmes, serré fortement par sa mère qui voyait son époux perdre et être éliminé. Quand j'entendis encore un sanglot, je ne pus m'en empêcher et je reportai mon attention vers Lord Sebastian avant de me ruer sur lui. Mes mains s'accrochèrent à son bras prêt à l'achever et il en fut surpris.

- Ne faites pas ça, dis-je alors.

- Il n'aurait pas hésité lui, fit froidement Lord Sebastian.

- S'il-vous-plaît..., le suppliai-je.

- Lâche moi, je vais régler ce problème, me demanda calmement Lord Sebastian.

- Sebastian, murmurai-je alors le surprenant. Il a un fils...

Je vis Lord Sebastian me regarder avec étonnement avant que son regard ne bifurque discrètement vers la famille de Lord Hawkins.

- Avoir une famille est important pour vous aussi, dis-je alors. Soyez plus humain qu'il ne le fut.

- Amusant, murmura Lord Sebastian. Tu m'obliges déjà à devenir plus humain.

- Je..., hésitai-je gênée.

- D'accord, fit-il alors que je le relachais.

Je le vis donc se redresser et épargner Lord Hawkins.

- Admire la bonté de cette femme, alors que toi tu allais l'exécuter sans la moindre hésitation, dit-il à Lord Hawkins. Reconnais ta défaite.

- Pourquoi m'épargner ? demanda Lord Hawkins.

- Car elle estime que ton fils mérite de connaître son père, dit-il simplement.

Je souris en voyant Lord Sebastian obéir à ma supplique quand j'entendis des pas derrière moi. Je me retournai en découvrant Lady Hawkins foncer vers son mari.

- Merci merci merci, fit-elle en s'approchant de lui.

Je vis Lord Sebastian s'approcher de moi doucement.

- Satisfaite ? demanda-t-il.

- Je vous remercie Lord Sebastian, dis-je en réponse.

Je me rendis compte que les Hayworth s'approchait rapidement et je les regardai en souriant. Soudain, je sentis une main sur mon épaule qui me força à me tourner mais avec délicatesse.

- Je préfère oublier le Lord, me fit Lord Sebastian.

- Je...

J'allais répondre quelque chose mais je n'en eus pas le temps, Lord Sebastian s'empara de mes lèvres et me transporta ainsi dans un moment de félicité. Un moment parfait, tendre et évoquant ses sentiments envers moi. Il se détacha de moi, me laissant ainsi plus rouge que jamais, alors que son frère le félicitait. Je ne savais plus où me mettre, je l'avais embrassé et lui ensuite, et ce en public, c'était si inconvenant. Une main se posa sur mon épaule et je pivotai ma tête, un peu ailleurs.

- Je pense qu'il a été assez clair dans ses sentiments, me fit Lady Mary amusée. Cette rencontre avec Sa Majesté est donc une très bonne idée.

J'en fus réjouie mais je ne savais pas encore si j'étais prête à passer de l'autre côté de la porte de l'office, j'avais besoin de temps...



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