Le Secret des Hayworth

Chapitre 15 : CONFRONTATIONS

7420 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/03/2023 09:02

CONFRONTATIONS


Depuis la désastreuse situation compromettante vêtue la veille, j'étais perturbée. Je ne savais plus quoi comprendre, quoi ressentir et même, quoi penser. J'avais essayé de faire bonne figure, du moins en leur présence mais les Hayworth ne semblaient pas vraiment s'en rendre compte. Tout du moins faisaient ils semblant de rien en ma présence. Je n'avais plus échangé un mot directement envers Lord Sebastian, trop gênée de mes pensées et des images gênantes que mon esprit m'imposait. Et la nuit qui avait suivi n'était guère plus reposante. En effet, à l'instant même où je fermais les yeux, je revoyais les yeux de Lord Sebastian qui me fixaient avec douceur. Toute la nuit durant, j'eus envie de m'y plonger sans hésitation, prête à toutes les absurdités possibles. Et mes questionnements n'étaient guère plus reluisant. Étais-je si fitule pour ne songer qu'au corps du lord? Étais-je donc si rapidement perturbée par une sensation inconnue ? Et Seigneur pourquoi ressentais je une vive colère dès que je repensais aux actes de Lord Sebastian vis à vis de cette si inconvenante marquise qui aurait dû se contenter de son époux ? Mais au fil de ces questionnements nocturnes, une étrange évidence m'apparut, si distinctement qu'elle m'empêcha de fermer les yeux durant la nuit. Cette évidence, invraisemblable à mes yeux, ne constitait qu'en une attirance envers Lord Sebastian. Je devais être devenue folle sous la tristesse, comment pouvais-je donc être attirée par cet homme si contrariant ? Mais je ne pouvais nullement ignorer les regards si doucereux et si bienveillant qu'il pouvait par moment poser sur moi. Mais surtout, je savais que je ne devais pas penser cela, pas envers un homme capable d'agir comme il le fait avec les femmes. Heureusement, une nouvelle journée de travail s'offrait à moi et je dus surtout me lever tôt. En effet, Lady Mary avait décidé de passer la journée avec Mademoiselle sa fille chez quelques tailleurs renommés de la capitale du royaume. J'avais donc aidé Lady Charlotte à se préparer et, à sa demande, je lui avais donné quelques conseils bien pertinents sur des tissus intéressants. Cela aussi je l'avais appris aux côtés de Lady Fullton. En effet, bien des professionnels de la mode se soucient principalement de vendre des biens assez magnifiques mais surtout onéreux. Le confort de ces robes et de leurs nombreux volants passant au second plan, ils ne se souciaient que de rendre ces tissus sublimes. Et pourtant, les femmes devaient les porter et j'avais donc signifié à Lady Charlotte que si elle désirait être à l'aise, il fallait opter pour des robes aux tissus plus légers et sans trop d'ornements. Bien sûr, il ne s'agissait que de conseils mais Lady Charlotte était donc partie avec ceux-ci pour sa journée en compagnie de Madame la Comtesse. Ce n'était pas plus mal pour moi, les basses besognes qui allaient m'attendre pourraient me permettre de passer outre toutes ces pensées perturbantes. Je m'étais d'abord concentrée sur le ménage dans la chambre de Lady Charlotte ainsi que sur le rangement de ses affaires. C'était peut-être le détail le plus surprenant avec elle, elle n'était nullement capable de ranger ses affaires personnelles. Je pouvais trouver son matériel de correspondance sous son lit, un livre sous les draps, une chaussure posée négligemment dans un coin, et tout un tas de détails pouvant laisser croire que cette lady ne serait jamais organisée. Ce fut en faisant le lit que je réalisai que Lady Charlotte avait des difficultés à gérer ses spécificités la nuit, quelques accrocs me poussant à croire que ses os sortaient sans qu'elle ne le sache. J'avais pris l'habitude de recoudre cela sans en parler, connaissant la gêne de ma maîtresse à ce sujet. Par contre, toutes ces tâches ne me prirent nullement trop de temps et je décidai de me rendre au petit office de la demeure londonienne. Tout le monde s'y retrouvait aussi souvent qu'à l'accoutumée, qu'importe l'endroit, et je pus m'asseoir en soupirant devant une tasse de thé.

- Tout va bien? me demanda Sophronia occupée à recoudre une chemise du petit maître.

- Fatiguée, marmonnai-je.

- J'ai eu droit à un résumé de votre sortie, me fit Carl en posant une tranche de pain devant moi.

- Ha bon? dis-je surprise.

- Oui... Lord Henry m'a signifié que tu es allée sur la tombe de ton ancienne maîtresse... Tu n'accuses pas trop le choc ?

- Si... Un peu, dis-je en profitant de l'occasion pour brouiller les pistes.

- C'est tout à fait normal, dit alors Sophronia en vérifiant son point. Et zut... Je dois recommencer.

Je relevai la tête et j'avais remarqué que Sophronia avait cassé son fil à mi-chemin. J'avais déjà remarqué ces quelques soucis de force de la part du frère et de la sœur. J'en avais déjà conclu qu'il s'agissait d'un soucis liés à leur nature de représentants de Dreemia. Décidément, aucun des êtres particuliers n'avait de facilité à se faire passer pour un humain.

- Ne trainez pas trop, fit Monsieur Caldwell en passant avec du courrier. N'oubliez pas que nous recevons plusieurs nobles ce soir. Alors hâtez-vous.

- Bien, Monsieur Caldwell, dis-je en même temps que les autres.

- Ça fait si longtemps que je n'ai pas participé au service, fit alors Sophronia visiblement amusée.

- Rassure-toi, cela ne changera jamais, dis-je alors en souriant.

- C'est une évidence..., marmonna Sophronia en passant très doucement le fil.

- Tu veux de l'aide? demandai-je amusée.

Sophronia regarda alors discrètement dans la pièce, remarquant que nous n'étions que trois.

- C'est pratique comme force mais quand tu dois être précis c'est une véritable gageure, grommela Sophronia.

- Vous aussi vous... Vous avez une malédiction ? demandai-je alors tout bas.

- Non, aucune, seuls les Vicissiens sont concernés, fit-elle en penchant la tête pour vérifier la présence d'un curieux.

- C'est quand même assez contraignants pour eux, dis-je tristement.

- Lord Sebastian voit cela approcher sans en sembler concerné, avoua Carl. Je ne sais comment il y arrive.

- Je ne suis pas si sûre, marmonnai-je.

- Quoi? demanda Sophronia qui ne m'avait pas vraiment entendue.

- Non rien, dis-je alors en soupirant.

J'avais réussi à ne pas penser à Lord Sebastian et d'un coup, j'y repensais... C'était ma faute, j'avais parlé des malédictions. Je ne pouvais m'en prendre qu'à moi-même. Toute en me mais, j'entendis le bruit caractéristique d'une clochette provenant, après avoir vérifié, de la chambre de Lord Henry.

- Bon je vais lui monter son plateau et l'aider à se préparer, surtout qu'il faut choisir pour ce so..., commença Carl avant de s'interrompre au son d'une seconde clochette. Ha ben cela ne m'aide pas...

Je relevai la tête vers la clochette qui venait de sonner et il s'agissait de la chambre de Lord Sebastian.

- Je vais gérer comment moi? demanda Carl en soupirant.

- Je peux emmener le plateau de Lord Sebastian, dis-je immédiatement en me levant.

Mon corps avait réagi presque immédiatement, c'était le moment pour moi de vérifier ce que je craignais. Je vis alors Sophronia me fixer avec stupéfaction. Je me rendis alors totalement compte de mon comportement et il me fallait un nouveau mensonge.

- Je sais pour les Hayworth, dis-je alors pour me justifier du mieux que je pus. Si il y a une situation particulière, je suis déjà au fait.

- Tu es sûre que cela ne te gêne pas? demanda Carl en préparant des plateaux.

- Nullement, dis-je alors en patientant.

Je le vis poser les différentes boissons et les succulents morceaux de gâteaux sur le plateau de Lord Sebastian et je le pris aisément avant de monter tranquillement au bon étage. Je ne me pressais pas pour autant mais j'allais enfin me confronter à lui. Je voulais savoir et je devais savoir. Je frappai donc à la porte.

- Entrez, fit alors Lord Sebastian.

Je pénétrai à l'intérieur d'une chambre assez grande, moins que celle des maîtres mais bien plus que celle de Lady Charlotte. Lord Sebastian était dans un coin, près d'une alcôve dans le mur. Je le regardai étonnée de ce qu'il faisait tandis que j'avançai pour poser le plateau après avoir refermé la porte. En effet, Lord Sebastian devait avoir tendu une création osseuse, comme je les appelais, entre les deux chambranles de l'alcôve assez haut d'ailleurs. Mais le plus surprenant, c'était bien qu'il était suspendu. En effet, je le voyais monter et descendre à la force de ses bras, faisant ainsi ruisseler la sueur sur chacun de ses muscles que la nudité de la partie supérieure de son corps me permettait de voir. C'était assez impressionnant à voir, cette condition physique incroyable pour un homme pourtant en pleine approche de la fatalité du destin. Tous ses muscles se durcissaient à chaque effort, se tendant aisément et me laissant voir un corps solidement bâti duquel je ne pouvais détacher mon regard. Je l'entendais respirer lourdement sous l'effort, comme si il pourrait échapper à une menace immédiate. Je fus tellement surprise de cela que je sentis monter la chaleur à mes joues.

- Merci Carl, fit alors Lord Sebastian tout à son effort. Ai-je du courrier.

Je le regardai étonnée, ses sens semblaient trop concentrés sur ses exercices pour se rendre compte que ce n'était nullement Carl qui était entré. Je fis l'effort de prendre un peu de consistance avant de parler.

- Je l'ignore Monsieur, dis-je doucement.

Je le vis s'arrêter pour essayer d'être sûr visiblement avant de lâcher l'os tendu en travers de l'alcôve. Il posa sa main dessus et l'os retourna là d'où il venait. Il se retourna vers moi étonné quand même de ma présence.

- Bonjour Annabelle, fit-il en avançant vers sa chemise. Pardonnez ma tenue.

- Ce n'est rien Monsieur, dis-je alors en prenant soin de servir le thé que Lord Sebastian prenait sans sucre. Cela ne me gène pas.

Alors que je finissais de servir, je me rendis compte de ce que je disais et je grimaçai. Il ne referma pas sa chemise et me regarda fixement.

- Il y a un soucis? demanda-t-il simplement.

- Nullement, dis-je en relevant la tête.

Je me rendis compte qu'il s'était approché, chemise ouverte et cela me fit déglutir une fois de plus. Oui, il était beau, je m'en rendais compte désormais.

- Pas de sucre, dit-il pensant que je l'ignorais.

- Vous ne prenez du sucre que le soir, je sais, dis-je en me demandant bien comment j'avais remarqué cela.

Je lui tendis donc sa tasse qu'il prit pour la porter à ses lèvres. Soudain, il sembla s'étouffer et je le vis éloigner la tasse de sa bouche, faisant tomber du thé sur sa chemise.

- Ai-je fait une erreur ? L'ai-je servi trop chaud? demandai-je alors totalement paniquée en le voyant poser la tasse.

- Non..., fit-il en touchant ses lèvres intrigué.

- Votre chemise, je vais la frotter immédiatement, dis-je en fonçant vers lui.

J'avais immédiatement entrepris d'attraper la chemise par les pans du col avant de la faire descendre le long de ses bras. Je me figeai quand il bougea un bras et me fixa attentivement. J'attirai alors sa chemise à moi, contre moi, choquée de mon acte. Je venais de déshabiller un maître sans aucune hésitation, le touchant sans en demander la permission. Je le regardai en panique.

- Veuillez m'excuser, dis-je en fonçant vers la bassine qui lui servait pour sa toilette. Le thé se nettoie assez bien, ne vous en faites pas. Elle sera comme neuve.

J'étais complètement en panique, frottant comme si ma vie en dépendait cette satanée chemise que je lui avais enlevée. Il ne me répondit pas alors, je tournai lentement ma tête vers lui. Il touchait sa lèvre inférieure avec ses doigts.

- Lord Sebastian ? demandai-je alors en reposant la chemise.

- C'est..., dit-il en dévoilant une lèvre très fendue.

Je saisis immédiatement une serviette que je mouillai avant d'avancer vers lui, la tenant en main.

- Asseyez vous, dis-je alors avant de le voir s'exécuter.

Je posai délicatement cette serviette sur sa lèvre pour faire cesser l'écoulement du sang.

- Serait-ce lié à...

- Annabelle... À quoi jouez vous? demanda-t-il soudainement.

- J'ai peur de ne pas comprendre Monsieur, dis-je alors avec gêne.

Il saisit alors ma main mais avec délicatesse. Je déglutis une nouvelle fois, pour ne pas changer, et je le fixai attentivement.

- Depuis quand n'avez-vous plus peur de moi? demanda-t-il surpris.

- Je n'avais pas peur de vous Lord Sebastian, dis-je en m'éloignant pour nettoyer cette serviette.

J'espérais qu'il ne me pose pas de question mais c'était bien mal le connaître.

- Après la bibliothèque vous n'aviez pas peur? demanda-t-il consterné.

- Si..., dis-je franchement.

Je l'entendis se lever et s'approcher doucement de moi, lentement mais sûrement. Je tournai la tête vers mon épaule droite quand je sentis ses mains se poser dessus. Brusquement et avec violence, il tira dessus pour me forcer à me retourner et il le plaqua contre le meuble sur lequel je m'affairais un instant plus tôt. Il arborait à nouveau son regard malsain, loin de celui du cimetière.

- Peut-être désirez vous ce que je vous proposais ? demanda-t-il avec un sourire en coin.

Je le regardai choquée d'un tel propos et immédiatement, je m'étais mise à comprendre un fait que j'avais voulu ignorer.

- Je vais devoir vous retourner votre question Lord Sebastian, dis-je alors en murmurant.

- Quoi? s'étonna t'il de mon propos.

- À quoi jouez vous ? demandai-je donc reprenant ses mots.

Il sourit diaboliquement et dirigea sa main vers le bas de ma tenue de bonne. Voulait-il recommencer ses actes de la bibliothèque ? Peut-être mais j'en doutais énormément.

- Vous avez changé d'avis ? s'amusa Lord Sebastian.

- Non et vous ne ferez rien, dis-je simplement.

- Mary est partie avec Charlotte... Henry ne viendra pas dans cette chambre.. Je vais obtenir ce que...

- Pourquoi me faire peur? l'interrompis je donc.

- Que... Sors d'ici! fit-il en s'éloignant.

Il venait de me tutoyer en s'éloignant de moi, le tout pour mieux s'approcher de la porte de la chambre.

- Pourquoi avoir joué ce rôle avec moi? demandai-je alors.

- Êtes vous complètement folle? Sortez ! dit-il en colère.

- Pas sans mes réponses, dis-je alors en avançant vers lui.

- Si vous voulez jouer à ça ! s'énerva Lord Sebastian.

Je fus surprise qu'il réduise soudainement l'écart entre nous. D'un geste que je discernai à peine, il me poussa en arrière. Mes jambes, et plus précisément l'arrière de mes genoux, percutèrent sèchement le bas du lit et je sentis le vide dans mon dos avant que ce dernier ne percute le matelas alors que j'émis un cri de surprise. Un instant plus tard, le corps de Lord Sebastian était sur moi, pesant de tout son poids. Ses yeux étaient rivés dans les miens, empli d'un je ne sais quoi que je ne compris pas.

- Si c'est ce que vous cherchez, fit-il alors en relevant brutalement le bas de ma robe de bonne.

Je le fixai alors, apeurée certes mais pas autant que l'on pourrait le croire. Il ne me faisait plus peur car j'avais vu un autre visage de lui. Il donna l'impression d'être à deux doigts d'enlever son pantalon quand il me regarda fixement. Il se releva immédiatement et je me redressai pour le regarder s'éloigner, replaçant en vitesse ma robe qui dévoilait mes dessous.

- Vous n'alliez rien me faire dans cette bibliothèque, n'est-ce-pas ? demandai-je.

- Es-tu devenue folle? s'étonna Lord Sebastian.

Je le regardai fixement, attendant cette satanée réponse. Lui, il me regardait plutôt perdu de mes réactions qui avec le recul, semblaient réellement totalement folles.

- Répondez-moi je vous en prie, dis-je enfin d'une voix plutôt intimidée.

- Je t'aurais prise sans vergogne, dit-il froidement.

- Vous mentez... Sinon vous l'auriez fait, comme maintenant, dis-je quand même.

- Mary m'en a empêché, me rétorqua Lord Sebastian.

Je m'étais attendue à ce propos, je savais avec certitude qu'il avancerait cet argument de la présence de Lady Mary. Naturellement, il aurait tout à fait pu sembler plausible mais seulement dans le cas où les Hayworth auraient été humains. Au vu de ce qu'ils cachaient, cela ne marchait plus.

- Lord Sebastian... Vous saviez pertinemment que Lady Mary était réveillée... De même que vous avez volontairement laissé ce livre à ma portée, argumentai-je donc.

- Vous fabulez Annabelle, me fit Lord Sebastian en marchant dans la pièce.

- Ha bon? dis-je en me levant pour l'affronter. Alors dites moi sincèrement quelles sont les chances qu'un être humain puisse rivaliser physiquement avec un Vicissien ?

- Aucune..., s'étonna Lord Sebastian.

- Alors comment pouvais-je résister à vos tentatives de me toucher ? insistai-je. Par ce que vous aviez d'autres idées en tête n'est-ce-pas ?

- Vous avez clairement besoin de repos, me fit simplement Lord Sebastian.

- L'homme que j'ai vu hier et l'homme de cette bibliothèque sont deux hommes totalement différents, tentai-je ensuite. L'un deux n'existe pas.

- Ignorez vous mes loisirs ? demanda-t-il avec son sourire diabolique.

- Vos loisirs vous regardent Lord Sebastian mais j'ai beaucoup de mal à croire qu'une seule des femmes ayant partagé votre couche ait pu être forcée par vous, ai-je tort ? demandai-je alors.

- Ne jouez pas avec moi, s'énerva Lord Sebastian.

- Alors répondez moi honnêtement... Pourquoi tout ces mises en scène ? Tous ses simulacres d'un homme vulgaire qui ne voit dans les femmes qu'un amusement libidineux? Ha...

Il venait de me plaquer contre la porte, comme pour me faire réellement peur mais c'était vain.

- Vos yeux... Ils ont vu quelque chose me concernant n'est-ce pas? demandai-je tout bas en les fixant.

Nos visages étaient proches, trop proches et je ne voyais plus aucun signe d'agressivité dans son regard. Je me mordis alors les lèvres.

- Vous êtes trop perspicaces..., marmonna Lord Sebastian.

- Qu'ont-ils vu? Que j'étais une menace? Que vous deviez m'effrayer pour que je n'aie que l'envie de fuir la famille Hayworth ? insistai-je.

- C'est plutôt l'inverse, me fit doucement Lord Sebastian.

- Quoi ? demandai-je alors étonnée.

- J'ai vu que tu pouvais accepter ce que nous sommes, dit-il simplement. C'est une capacité de ces yeux...

- Mais... Pourquoi me faire peur ? Ai-je fait quelque chose de mal? Vous avais-je mis mal à l'aise ? demandai-je intriguée.

- Je voulais que cette capacité d'acceptation serve à un membre de la famille, murmura Lord Sebastian.

- Mais... Lord Henry..., réalisai je. Vous espériez que je plaise à votre neveu? demandai-je ensuite complètement surprise.

- Oui, fit-il. Et je pense que c'est réciproque non?

Je le vis se redresser, s'éloignant de moi à ma plus étonnante déception. Je le regardai attentivement, cherchant à ne pas commettre un impair.

- Je crains que vous n'ayez échoué, dis-je timidement. Je suis navrée.

- Mon neveu est un garçon capable de prendre soin de vous, du moins si il arrive à comprendre que le statut et le devoir n'est pas une priorité, dit-il doucement.

- Mais... Pourquoi Lord Henry? demandai-je alors.

- Qui d'autre? Charles? Il est bien trop jeune voyons et je vous rappelerai que mon frère est déjà marié, dit-il en ricanant.

Je le vis se diriger vers son plateau et se resservir du thé qu'il but plus facilement que précédemment. J'étais outrée de cet aveu, ces manipulations envers moi pour me faire m'unir à Lord Henry. Évidemment, il était un bon parti mais conspirer comme ça dans l'ombre dans ce dessein, c'était plutôt honteux. Et pourtant, ma réponse fusa tout de même.

- Qui d'autre ? Vous, répliquai-je sans me soucier de la situation.

Je le vis relever la tête de sa tasse de thé et me fixer avec stupéfaction avant de me détailler du regard. Je me sentis comme épiée et j'en fus génée.

- Moi? Bien sûr, fit-il sur un ton moqueur.

- Vous êtes le plus proche de la limite de la malédiction, vous auriez pu songer à vous, dis-je quand même.

- Quelle stupidité, marmonna Lord Sebastian.

- En quoi suis-je stupide ? demandai-je outrée. Vous êtes un homme intriguant.

Lord Sebastian me fixa encore plus surpris qu'avant.

- Vous êtes distingués et cultivés... Et hier je vous ai trouvé si doux que je ne pus que vous concéder un certain... Charme..., hésitai-je devant le dernier mot.

- Du charme moi? demanda-t-il amusé.

- Depuis hier je ne fais que songer à ce moment sous la pluie où vous m'avez enlacée... J'en ai affreusement honte comme de vous l'avouer mais je n'arrive plus à chasser ce moment de ma tête..., dis-je en m'appuyant contre la porte.

- Annabelle...

- Ce n'est pas une chose aisée à comprendre et Lady Fullton m'a éduquée bien autrement mais depuis, je ne songe qu'à cela...

- Vous êtes simplement jeune et en émois, rien d'important, dit-il alors.

- Mais pourquoi agir comme cela? Vous ne songez nullement à... Lady Mary ! dis-je alors.

Lord Sebastian me regarda avec étonnement suite à cette réaction surprenante. Je venais de réaliser une certaine chose qui pouvait vouloir dire énormément quand on mettait les éléments bout à bout.

- Serait-ce de moi que parlait Lady Mary? C'est moi que vous refusez d'approcher ? demandai-je alors.

- Ce serait donner trop d'imp...

- Répondez moi, je vous en prie, dis-je alors avec gêne.

Je le vis encore s'approcher et placer ses deux mains autour de ma tête, à plat contre la porte.

- Annabelle, vous désirez me faire dire quelque chose que je ne peux stipuler, dit-il tout bas.

- Je veux savoir Lord Sebastian, murmurai-je près de son visage.

Ainsi près de moi, je pouvais sentir son souffle sur mon visage, ses lèvres étant encore plus proche des miennes.

- Vous désirez m'entendre dire qu'à cet instant précis, je désire quelque chose que vous allez regretter longuement, me dit-il si près que je m'attendais presque à un geste inconvenant.

- Êtes vous sincère ? demandai-je alors le surprenant.

- Hier, j'ai plus que jamais été tenté d'agir en suivant mon instinct mais vous méritez mieux, me dit-il alors.

- Quand vous dites mieux... Vous songez à Monsieur votre neveu? demandai-je ensuite toujours en proie à une étrange sensation.

Je ne pouvais nullement le toucher mais son torse semblait appeler mes mains à l'effleurer, ses yeux m'appelant à plonger dans son regard mais le pire, c'était sans doute que ses lèvres appelaient presque les miennes à m'en emparer. Je ne pouvais que sentir ma respiration s'accélérer, ainsi à sa merci mais être à sa merci ne me semblait pas si invivable.

- Je parle d'autres choses qu'un simple monstre provenant d'un monde différent, me fit Lord Sebastian qui me donnait l'impression d'encore s'approcher.

- Je ne trouve aucun membre de la famille Hayworth monstrueux, si vous doutiez de moi, désirai-je alors préciser.

- Vous avez vu mon visage, mon vrai visage, celui des Vicissiens, me précisa Lord Sebastian.

- Je n'y ai vu que le visage d'êtres capables de tout donner pour les leurs, insistai-je.

- Annabelle... Dois-je vous rappeler ce que vous savez de moi? insista encore Lord Sebastian définitivement décidé à me rebuter.

- Vous parlez de vos mœurs ? proposai-je. Je les connais, je les ai vus...

- Et cela ne vous effraie pas? Vous n'êtes pas outrée de mes agissements? insista encore Lord Sebastian bien plus surpris que jamais.

- J'ai honte de l'avouer mais je sens quelque chose quand je repense à ce que je vous ai vu faire à Madame la Marquise, dis-je alors.

- Cela n'est qu'émois et curiosité, fit-il amusé. Normal pour une jeune fille qui s'épanouit...

- Je parlais de jalousie, dis-je sans réfléchir.

Il me fixa soudainement avec un étrange éclat dans le regard. Il avait compris que ce n'était pas d'une jalousie envers les sensations que la Marquise avait pû ressentir mais bien que ce soit elle qui avait eu droit à son intérêt.

- Annabelle... Si je m'écoutais à cet instant je vous ferai mienne, sans hésitation, sans aucune tergiversation...

- Je..., dis-je soudainement mal à l'aise.

- Je rêve de vous entendre soupire d'aise sous mes attentions..., fit-il en s'approchant. De sentir votre souffle contre ma peau, de sentir vos doigts arpenter ma chair, de vous voir vous tordre sous mes assauts...

- C'est... Très inconvenant, dis-je complètement saisie par la chaleur dans mes joues mais pire encore par celle dans mes entrailles.

- Et vos lèvres... Je ne désire que savoir leur goût, leur texture, leur intensité, fit alors Lord Sebastian en s'approchant.

Je reculai ma tête légèrement, m'appuyant contre la porte et songeant qu'il risquait de s'en emparer.

- Mais je ne peux vous faire cela... Vos regrets seraient si grands, insista Lord Sebastian.

- Et si je ne regrette pas? insistai-je surprise de ma propre audace.

- Je ne ferai nullement cela à une jeune fille comme vous, me fit alors Lord Sebastian créant en moi un sentiment de déception.

- Parce que je suis une humaine au courant pour vous ou parce que je ne suis qu'une simple bonne? demandai-je alors assez bêtement.

- Car vous êtes une enfant, précisa Lord Sebastian.

Je le regardai stupéfaite de ce propos. Était-ce un argument valable chez un homme de son statut ? Pas le moins du monde et il devait le savoir. Et mon audace parla alors pour moi.

- Vous savez pertinemment que bien des jeunes filles plus jeunes que moi ont épousé des hommes de deux ou trois fois leurs âges, insistai-je donc.

- Annabelle, fit-il en s'approchant.

J'étais à deux doigts de sentir ses lèvres s'emparer des miennes, une chose que je ne savais nullement pratiquer. Je grimaçai un peu en déglutissant quand je plongeai mes yeux dans les siens. Et là, je les fermais comme donnant ainsi un consentement tacite. Je pouvais sentir son souffle sur mes lèvres mais surtout je le sentis se déplacer. Son souffle, cette fois je le ressentais contre ma joue, contre mon oreille.

- Sortez de cette chambre avant que je ne perde tout contrôle, fit Lord Sebastian tout bas. Je ne veux pas vous faire de mal.

Je le sentis s'éloigner et j'ouvris les yeux pour le regarder. J'étais totalement à sa merci et il avait préféré ne pas profiter. Le voyant ouvrir la porte, je me décalai alors tandis que d'un mouvement de tête, il m'indiqua de sortir.

- Oubliez donc cette conversation, nous recevons ce soir et je suppose que des tâches vous attendent, fit Lord Sebastian.

- Lord Sebastian... J'espère que vous n'avez pas trouvé mon comportement trop...

- Ne vous reprochez rien, c'est ma faute, dit-il en s'écartant de la porte.

Alors que je sortais, en proie à la honte et à la gêne mais également à un étrange soupçon de déception, je me figeai immédiatement sur le pas de cette porte, saisie ainsi d'un léger doute au sujet d'un élément précédent.

- Lord Sebastian ? demandai-je en me retournant.

- Je ne changerai pas d'avis, songez plus à Henry, m'intima Lord Sebastian comme si après une telle conversation, je pouvais ignorer mes sensations.

- Était-ce vous? demandai-je quand même.

- Pardon ? s'étonna Lors Sebastian.

- Ce fameux soir... Était-ce vous qui avez pourfendu cette bien horrible créature pour me protéger ainsi que Lady Sophie ? précisai-je donc.

- À ce soir Annabelle, fit Lord Sebastian en refermant la porte.

Je regardai celle-ci se fermer devant moi, enlevant cet homme si étrange à mon regard. Il n'avait nullement répondu, me laissant à mes questionnements. Je devais bien retourner travailler pour préparer la réception de ce soir, ce qui me permettrait d'oublier cette conversation mais pas ce que mon corps avait ressenti. Je brulais presque de l'intérieur, désireuse qu'il avoue ses sentiments car j'en étais sûre, ce n'était nullement qu'un intérêt physique. Sa bonté la veille me le confirmait car seul un homme épris aurait agi comme il l'avait fait. Je touchai doucement mes lèvres qui avaient senti son souffle se poser sur elles et j'en rougis, mais plus particulièrement de mon désir d'être embrassée par cet homme, qu'il soit le premier à s'emparer de celles-ci pour me faire découvrir des sensations inconnues. Je soupirai de honte à ces pensées, partant travailler. Dire que mes gestes étaient moins assurés, que ma concentration n'était pas à son paroxysme et que je manquais cruellement d'initiative seraient de doux euphémismes. Chacun des actes était devenu simplement machinal, comme des automatismes obtenus par des années de pratique. C'était tellement perturbant cette situation que je ne me rendis compte que je préparai la table du repas que par le fait que Sophronia faisait tinter les couverts par manque d'habitude. Alors que les invités allaient commencaient à arriver et que Monsieur Caldwell nous donnait des consignes, je ne pouvais que penser que j'allais affronter le regard de Lord Sebastian après ce que j'avais fait.

- Tu es malade? demanda alors Myrtle en posant sa main sur mon épaule.

- Non... Pourquoi ? demandai-je alors très intriguée.

- Tu as l'air assez ailleurs... Tu as tes... Menstrues? demanda-t-elle très bas.

- Non... Je suis juste un peu... Perturbée, dis-je à défaut d'autres mots.

- Tu veux prendre ta soirée ? insista Myrtle. On peut gérer.

- Non tu connais l'adage après tout, murmurai-je en haussant les épaules. Les problèmes personnels restent à la porte de l'office.

Je soupirai de lassitude, convaincue d'être prochainement sujette à une quelconque gêne en affrontant de nouveau Lord Sebastian. Et puis soudain, une voix retentit derrière moi, surgie de mon passé.

- Est-ce revenir à Londres qui semble te perturber ? demanda une voix douce et posée derrière moi.

Je me retournai immédiatement après avoir entendu cette voix, les yeux emplis de bonheur. En voyant cet homme grand et légèrement bedonnant, à la chevelure grisâtre, je fondis vers lui en hâte pour le serrer dans mes bras.

- Herbert ! criai-je presque en le serrant.

Je serrai fortement cet homme qui avait par le passé participé à mon éducation, en tant que bonne mais aussi de jeune fille. J'entendis un petit rire derrière moi et je quittai l'étreinte en hâte.

- Vous devez être le Majordome de Lord Hawkins, fit la voix de Monsieur Caldwell.

- Veuillez m'excuser, dis-je rapidement à mon supérieur.

- Je comprends votre réaction Annabelle, précisa Monsieur Caldwell.

- Je suis bien le Majordome de Lord Hawkins, précisa alors Herbert. Il m'a demandé de me mettre à votre service au besoin, de même de rester à disposition avec des documents professionnels.

- Bien....Vous pouvez les déposer dans mon bureau, ils seront en sécurité, précisa Monsieur Caldwell.

- Merci... Tu vas bien? me demanda Herbert ensuite.

- Bien mieux, dis-je en le regardant.

Je ne résistai guère longtemps à l'envie de le présenter à tout mes collègues qui l'accueillirent poliment, posant des questions sur les éventuelles bêtises que j'ai pû commettre par le passé, me mettant aussi mal à l'aise que cela me faisait rire.

- Je suis navré d'écourter de telles retrouvailles mais Annabelle, il est temps d'aller au service, précisa Monsieur Caldwell.

- Bien Monsieur, dis-je en prenant un plateau de petits fours.

Et comme les autres domestiques, j'entrai dans la grande salle de réception arpentant bon nombre de convives. Je passai d'ailleurs près de Lord Sebastian et Monsieur le Comte en tendant celui-ci.

- Merci Annabelle, me fit Monsieur le Comte. Êtes vous contente de revoir votre ancien collègue ?

- Oui, évidemment, dis-je un peu plus détendue.

Je me tournai vers Lord Sebastian qui croisa mon regard avant de prendre un petit four. Je vis alors à ma droite Monsieur le Comte s'éloigner.

- Je ne vous ai pas empêchée de travailler correctement ? me demanda Lord Sebastian sans doute inquiet.

- Non Monsieur, dis-je froidement. Je connais ma place.

Il se figea un instant et continua de s'éloigner pour discuter avec les convives. Au moins ne ferait-il aucune remarque. J'approchai donc de deux hommes, un grand blond d'une quarantaine d'années et un bien plus jeune.

- Merci Mademoiselle, me fit le plus âgé.

- À votre service Monsieur, dis-je poliment.

- Pourrais-je savoir si Lady Charlotte fait officiellement son entrée en cette saison? me demanda t'il ensuite.

- Il semblerait Lord...

- Lord Hawkins, me précisa-t-il sans aucune difficulté.

Il s'agissait donc que c'était le nouveau maître d'Herbert.

- Sauriez vous si votre maîtresse a déjà contracté de quelconques fiançailles? demanda le plus jeune.

Je souris doucement, Lady Charlotte avait déjà son petit succès.

- Je n'en ai point connaissance Lors Hawkins, dis-je poliment.

- Mumford, me fit le jeune homme.

- Je vous demande pardon? dis-je étonnée.

- Dorian est mon neveu, le fils du frère de ma femme, dit alors Lord Hawkins.

- Veuillez pardonner mon erreur Messieurs, dis-je en baissant la tête.

- Elle est bien compréhensible, dit alors le plus jeune. Sauriez vous m'indiquer si elle possède une Ladyroom, que je puisse éventuellement glisser une carte?

- Je suis également sa Ladyroom, Lord Mumford, vous pouvez me la donner et je vais de ce pas lui transmettre, confirmai-je en regardant ce jeune homme.

Me donnant sa carte, ce jeune homme me remercia de lui transmettre. La glissant discrètement dans ma poche, je me mis en quête de trouver Lady Charlotte. Elle n'était guère bien loin, installée aux côtés de Lady Mary et Lord Sebastian. Je m'en approchais discrètement par le côté.

- Lady Charlotte ? l'interpellai-je discrètement.

- Oui? fit-elle en se retournant. Ai-je un soucis avec ma robe?

- Aucun Mademoiselle, lui assurai-je étant donné le temps que j'avais passé à la préparer, en tout cas me semblait-il car j'avais été quelque peu ailleurs. Ce jeune Lord souhaitait vous transmettre sa carte.

Elle me regarda quelque peu étonnée et prit la carte avant de la fixer. C'était monnaie courante de faire comprendre son intérêt de cette manière et je la vis assez amusée. Lady Mary la fixait attentivement, voyant donc sa fille grandir. Mais Lord Sebastian réagit différemment et attrapa la carte.

- Oublie déjà celui-ci, fit alors Lord Sebastian avec empressement.

- Tu es sûr ? demanda Lady Charlotte.

- Complètement, fit-il alors.

Je regardai Lord Sebastian surprise de sa réaction mais je ne pus me questionner plus longuement car déjà, Lady Mary fit passer les convives à table. Moi, je n'avais pas vraiment le temps de m'interroger, devant aller prendre d'autres plateaux pour commencer le service. Comme proposé, Herbert participa au service. En réalité, d'autres majordomes nous aidaient comme cela se faisait souvent à Londres. Servir aux côtés d'Herbert me rappelait tant de bons souvenirs que j'arrivais presque à oublier tout cela. Les conversations des nobles progressaient tranquillement tandis que le temps passait et je remarquai que le jeune Lord Mumford semblait réellement intrigué par Lady Charlotte qui riait à quelques uns de ses bons mots, réellement amusée ou bien par simple politesse.

- Excusez-moi, dis-je en obligeant Lord Mumford à s'éloigner un peu.

- Lady Charlotte m'a précisé que vous aviez des doigts de fée, comme l'atteste sa chevelure, me dit-il poliment.

- Madeleine a une chevelure exceptionnelle, dis-je en souriant. Elle n'est nullement retorse.

- Elle est modeste, précisa Lady Charlotte en souriant.

Lady Charlotte était clairement prête pour toutes cds mondanités, parfaitement préparée par Madame sa mère évidemment. Je continuai mon service mais je remarquai le regard insistant de Lord Sebastian sur moi. J'avais comme l'impression insistante que je n'étais pas la seule personne perturbée par notre conversation. En effet, il ne prêtait aucune attention à la jeune femme magnifiquement apprêtée à côté de lui et qui ne désirait qu'une chose : attirer un peu d'attention du Lord. Alors que je continuais de servir, je me retrouvais à donner sa part à cette dame.

- Attention à ma robe avec cette sauce, me fit sèchement la dame. Elle vient de Paris et vos gages annuels ne pourraient la rembourser.

Je regardai la dame attentivement et je hochais donc la tête en la servant.

- Ne remettez pas en doute les compétences de nos domestiques, la rabroua sans hésitation Lord Sebastian. Elle est très compétente.

- Je ne ferai que préciser la valeur de ma robe, elle...

- Cela sera connu, grommela Lord Sebastian en faisant ainsi taire la dame.

Je fis donc le tour pour servir Lord Sebastian qui se tourna doucement vers moi.

- N'agissez pas comme cela, dis-je tout bas pour m'assurer que personne ne puisse m'entendre.

- Annabelle... Ce qu'il s'est...

- Il ne s'est rien passé Lord Sebastian, je l'ai bien compris, dis-je profondément vexée encore.

- Je ne voulais point vous vexer, avoua-t-il ensuite.

- Je ne suis pas une dame, inutile de vous excuser, insistai-je en tendant le plat.

- Je regrette, fit-il alors.

- J'ai compris, dis-je rapidement en le servant.

- Je regrette la situation, reparlons en quand nous serons au manoir, insista Lord Sebastian.

Je m'étais figée dans mon mouvement, observant Lord Sebastian qui me sourit doucement. Pourquoi voulait-il en reparler à ce moment là ? Ne m'avait-il pas indiqué que son intérêt n'était que passager ?

- Un soucis Lord Sebastian ? demanda soudainement Lord Hawkins assis en face.

- Nullement, fit Lord Sebastian. Je questionnais cette demoiselle sur un point qui ne concerne que la maisonnée.

Je me rendis compte que Lady Mary nous fixait attentivement tous les deux. La réaction enchantée de Lady Charlotte fut éloquente, de même que le regard de Lord Henry. Je réalisai soudainement que toute la famille avait accepté de se prêter à ces circonstances car Lord Sebastian en avait fait la demande. Je regardai fixement Lord Henry qui étonnement, semblait avoir réalisé que mon attrait envers lui n'était finalement que culturel ou tout du moins amical. Je me demandais également si Lord Henry avait agi ainsi avec moi, poussé uniquement par son oncle, pour que je sois apte à rompre sa malédiction. Si c'était le cas, il n'avait pas dû apprécier le faire et il en semblait soulager. Toute la famille savait-elle donc que Lord Sebastian était réceptif à ma personne ? Sans aucun doute désormais.

- Un soucis vis à vis de Sa Majesté ? proposa Lord Hawkins à Lord Jonathan.

- Vous savez bien que ces informations restent assez peu répandues, précisa donc Monsieur le Comte.

- Ho... J'avais oublié, fit Lord Hawkins. C'est vrai que la Maison Hayworth a toujours été dans les petits papiers de sa Majesté. Bien évidemment, j'espère qu'enfin la Maison Hawkins puisse peut-être lui succéder car après tout nous pouvons tout à fait en prendre la responsabilité si Lord Sebastian se lasse de ses tâches. Il en serait logique que l'âge avançant, il doive bientôt céder la place. Il ne me semble pas avoir entendu parler d'une quelconque résolution de ses... Maux.

- Lord Hawkins, ne parlons pas de ces maux en plein repas, nous verrons cela en privé, tout deux, précisa Lord Jonathan.

Je regardai alors Lord Hawkins attentivement et je réalisai que chacun de ses mots avaient été soigneusement posés, de sorte qu'ils ne puissent éveiller aucun soupçon mais que certains membres présents autour de la table comprendrait parfaitement.

- C'est d'ailleurs dans cette optique que j'ai convié mon neveu, il faut songer à cette éventualité pour chaque membre de la famille, insista Lord Hawkins.

Toujours occupée à servir Lord Sebastian, je croisai son regard. Il semblait plutôt inquiet.

- Merci Annabelle, fit-il sur son ton désinvolte habituel. Remerciez Madame Ophelie pour sa cuisine.

Je regardai fixement Lord Sebastian, me demandant de qui il parlait. Alors que je me relevai en proie au doute, je le vis taper du doigt trois fois sur la table, discrètement, comme les coups que l'on donnait au théâtre. Et là je compris. Lord Sebastian faisait référence à la pièce de Shakespeare, Ophelie ayant été éconduite par Hamlet pour accréditer sa folie. Il y avait bien un message mais jusqu'où devais-je me fier à la pièce. Était-ce simplement pour me dire de me méfier de Lord Hawkins ou bien simplement me faire comprendre que j'étais telle Ophelie, simplement éconduite pour ma sécurité. Je n'en savais rien mais je devais continuer de servir. Je suivais donc mes collègues, jetant parfois un coup d'œil à Lord Sebastian qui donnait le change. Je m'approchais d'ailleurs de plus en plus de ce Lord Hawkins qui éveillait mes craintes mais juste avant de me pencher pour le servir, je pris une rapide inspiration.

- Un peu de viande Lord Hawkins ? demandai-je poliment.

- Bien saignante, je préfère, me fit alors Lord Hawkins.

- Je n'ai guère plus saignant que ce morceau, précisai-je en l'indiquant. Peut-être désirez vous que j'aille en cuisine quérir un morceau plus saignant ?

- Cela ira, dit-il en le regardant. Posez le ici.

Je le vis m'indiquer l'endroit précis où il le voulait dans l'assiette. Alors que je me demandais pourquoi cette précision, je vis une excroissance apparaître sur son doigt, un os. Lord Hawkins était donc bien un Vicissien également, j'en fus plutôt sous le choc.

- Je vois..., marmonna Lord Hawkins.

Je levai le regard vers Lord Sebastian, comprenant que mon manque de réaction fut criant de vérité sur mes connaissances du secret des Hayworth. Il ferma les yeux en réalisant que Lord Hawkins avait compris.

- Décidément, les secrets ne sont plus si bien gardé, fit alors Lord Hawkins. Reste à savoir pour lequel...

Je me relevai en réalisant que je venais de servir un Vicissien. Et au vu du regard de Lord Jonathan que je servis ensuite, je réalisai à quel point cette situation était désastreuse. Lord Hawkins était sans doute un ennemi, ou peut-être simplement un véritable rival des Hayworth et moi, la simple humaine, j'avais signifié inconsciemment à cet homme que j'étais dans la confidence. Londres méritait bien sa description de ville dangereuse et pourtant, la plupart des gens ignoraient que des êtres aussi mortels profitaient tranquillement d'un repas alors que, dans les légendes, le mets préférés des Vicissiens restaient les humains... Ma vie avait vraiment basculé trop vite.







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