Le Secret des Hayworth

Chapitre 13 : DÉBUT DE LA SAISON

5771 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 02/03/2023 17:06

DÉBUT DE LA SAISON


Je n'arrivais vraiment pas à croire que j'étais là, dans ce train, retournant ainsi à Londres pour la première fois depuis longtemps. Comme tous les autres membres du personnel de la famille Hayworth, j'avais attendu avec impatience la nomination des membres du personnel accompagnant la famille pour la saison, du moins le début de celle-ci. Étonnement, j'avais été choisie, j'avais oublié que Lady Charlotte avait tendance à savoir ce qu'elle voulait et comme, selon la même Lady Charlotte, une jeune fille de bonne famille se devait de voyager avec sa dame de chambre, je me retrouvais dans le train avec les autres domestiques. Nous n'étions pas si nombreux car, hormis les différents domestiques gérant les maîtres au lever, peu nous accompagnaient. Il y avait donc Carl, Miss Constance Grint et Luther mais également Sophronia, pour gérer les jumeaux. Monsieur Caldwell faisait également le voyage laissant toute la gestion de la demeure à Miss Robbins. Les seuls petites mains de la demeure nous suivant étant Gideon comme valet, Myrtle comme bonne et Lorena pour gérer la cuisine et les repas. Étonnamment, la plus enjouée du voyage était en réalité celle que j'imaginais le moins aussi survoltée. C'était bien Myrtle, qui faisait son premier voyage à la capitale, qui ne pouvait rester calme.

- Toutes ces choses à visiter, me fit encore Myrtle. Tu as pu voir tout ça ?

- Myrtle... Tu te rends tout de même compte que je travaillais beaucoup ? demandai-je amusée. Je n'ai pas tous les musées, tous les quartiers ou même encore tous les spectacles...

- Et tu n'y vas pour faire du tourisme, assura Gideon totalement éberlué de son comportement.

- Tu sais surtout qu'il faudra mettre en ordre toute la demeure avant tout? demanda Lorena. D'ailleurs il faudra que vous me guidiez les filles.

- Ne t'inquiètes pas, dis-je réalisant qu'elle allait devoir faire le ménage.

- On ira quand même voir des spectacles... Non? demanda notre amie si impatiente.

- Tu es complètement folle, assura Carl qui passa la tête par la porte de notre compartiment.

Carl était en effet assis avec Constance et Luther, Monsieur Caldwell et Sophronia faisant le voyage dans la même voiture que les maîtres.

- Toi tu fais à chaque fois le voyage, grommela Myrtle. Normal que ces choses là te soit connues.

- Mais tu penses réellement que je n'ai que ça à faire ? demanda Carl en riant. Voyager à Londres n'est jamais une partie de plaisir.

Ce fut à cet instant que je croisai son regard. Son regard était d'ailleurs très clair, peut-être parce que je m'étais renseignée avant. Évidemment, il parlait de la petite spécificité assez méconnue de nos maîtres. Car oui, la saison signifiait beaucoup de choses pour eux. Je savais, pour avoir vécu à Londres aux côtés de Lady Fullton, que beaucoup de gens ignoraient en réalité ce qu'était la saison. Pour beaucoup, ce n'était qu'un arrivage massif de nobles à Londres mais ce n'était nullement si futile. Être noble, c'était aussi avoir des obligations et les familles nobles venaient en réalité pour siéger au Parlement. Certes ils emmenaient leurs familles mais la plupart des Lords y venaient pour le travail. Bien évidemment, cela impliquait également plus de mondanités comme des garden party ou des repas entre nobles mais essentiellement du travail. Pour les Hayworth, cela signifiait également rendre des comptes auprès des régnants sur leur fonction cachée. Secrètement, j'avais visiblement compris qu'une certaine Lady allait faire son entrée dans le monde. Lord Henry m'en avait en effet confirmé la véracité mais m'avait tout de même conseillé de ne pas le dire, au cas où Monsieur et Madame changeraient d'avis. J'espérais tout de même pour ma jeune maîtresse que ce ne serait pas le cas, elle serait inconsolable. Il y eut soudainement un sursaut dans la voiture, un sursaut caractéristique du changement d'aiguillage, signe pour moi que je revenais enfin à Londres. Je tournai tout de même la tête, tandis que Carl s'éloignait, juste à temps pour voir Myrtle se jeter sur la fenêtre en bousculant Gideon qui en fit tomber son journal.

- Mais c'est pas vrai! s'offusqua ce dernier en rigolant un peu.

- Tiens, dis-je en ramassant le journal.

- Merci Annabelle, me dit-il. Hey! Tu pourrais agir comme une femme de ton âge ?

- Hmm... Non! fit-elle en riant.

Je croisais alors le regard consterné de Lorena et toutes deux, nous explisâmes dans un fou rire incontrôlé. J'en avais presque les larmes aux yeux en réalité.

- Vous vous moquez ? demanda Myrtle en riant également.

- Comment tu peux agir comme ça alors que tu es si sérieuse au domaine? demandai-je en souriant.

- Peut-être parce que j'ai envie que tu sois la plus vieille désormais, me lança alors une Myrtle plutôt hilare.

Je la regardai en écarquillant les yeux avant de laisser échapper un nouveau rire plutôt tonitruant.

- Quelle douce mélodie, fit une voix à l'entrée du compartiment.

D'un seul mouvement et en silence surtout, toutes les personnes présentes dans le compartiment se levèrent par respect. Je me retournai d'ailleurs en tombant sur les yeux hétérochromes de Lord Sebastian. J'étais gênée d'avoir été si bruyante.

- Nous allons prochainement arriva destination, nous fit Lord Sebastian.

- Dois-je rejoindre Lady Charlotte ? demandai-je inquiète.

- Ho..., fit Lord Sebastian pensif avant de rire légèrement. Navré de causer des inquiétudes... Je pensais simplement que les demoiselles de ce compartiment pourraient avoir besoin d'aide pour les valises.

- Nous ne voulons pas déranger Lord Sebastian, fit immédiatement Myrtle.

Lord Sebastian leva un sourcil de surprise, me poussant à tourner la tête vers Myrtle. Celle-ci était justement en train d'attraper un bagage et de tenter de la soulever. Lord Sebastian s'avança donc et d'une seule main la fit descendre, faisant ensuite de même avec celle de Lorena et la mienne. Je le vis alors tendre la main vers celle de Gideon.

- Cela ira Monsieur, mais merci quand même, fit alors Gideon.

- Je ne voulais pas que l'on crie partout que j'essaye de me rendre digne uniquement de demoiselles, précisa Lord Sebastian.

Je vis son regard se tourner vers moi lentement, me faisant comprendre que c'était un message direct. J'étais un peu mal à l'aise car, à ma décharge, nous échangions presque plus de mots en quelques minutes que depuis le bal des domestiques. Lord Sebastian était en effet parti pour ses fonctions durant plusieurs jours et ensuite, il semblait m'avoir évitée. J'avais saisi cette occasion pour signifier mes inquiétudes à Lord Henry lors d'une de nos conversations et il m'avait précisé que les Hayworth avaient quelques problèmes liés à leur statut particulier. Il existait d'autres Vicissiens, je l'avais déjà compris même si ils n'étaient plus très nombreux à cause de la malédiction, et l'un d'entre eux voulait prendre un peu le statut des Hayworth, prospectant ainsi auprès de la noblesse initiée. J'avais donc compris par moi-même que Lord Sebastian devait tout faire pour prouver que les Hayworth étaient bien les meilleurs dans leur domaine. Je devais inconsciemment grimacer en songeant à ces soucis car je vis la surprise sur le visage de Lord Sebastian qui attrapa ma valise et celle de Myrtle.

- Je descends celles-ci, dit-il alors.

Je le vis donc s'éloigner et je me suis lancée à sa poursuite dans le couloir de la voiture.

- Lord Sebastian ! dis-je alors pour l'arrêter.

Il ne s'arrêta pas, avançant vers la porte du train qui finissait de décélérer pour s'arrêter, les volutes de fumée apparaissant par la fenêtre. Je dus donc sauter également sur le quai pour le rejoindre et je le percutai alors légèrement violemment. Je faillis également tomber à la renverse mais il me saisit avec vitesse et douceur.

- M... Merci, dis-je gênée.

- Faites attention Annabelle, dit-il simplement en me relâchant une fois qu'il s'était assuré que mon équilibre n'était plus précaire.

- Pourquoi fuyez vous la conversation ? Et moi-même ? demandai-je alors sans hésitation.

- Depuis quand dois-je me justifier de mes décisions ? demanda-t-il sèchement.

- Vous... Vous ne devez pas en effet, concédai-je à Lord Sebastian.

- Henry ne risque rien, rassurez-vous, m'avertit il sans hésitation.

- Lord Sebastian...

- Ce n'était pas la question ? demanda-t-il ensuite.

- Je m'inquiète pour vous, dis-je alors.

Ses yeux hétérochromes se retrouvèrent écarquillés par la surprise. Il me fixa, essayant sans doute de connaître le sens de mon propos.

- Votre santé, dis-je alors pour être plus claire. Et la pression que vous semblez subir...

- Vous devriez vivre votre jeunesse sans vous soucier de ces ennuis, précisa Lord Sebastian. Je ne laisserai pas les Hayworth perdre leur statut.

Quel homme tenace et surtout têtu. Il posa ma valise et celle de Myrtle à mes pieds avant de retourner vers le wagon de première classe pour retrouver sans aucun doute les siens.

- Les Hayworth ont-ils commis un impair? demanda la voix de Myrtle derrière moi.

- Quoi? demandai-je en me retournant brusquement.

- Lord Sebastian n'aurait tout de même pas mis une des filles de Sa Majesté dans son lit..., marmonna Myrtle.

- Non... Enfin, je ne pense pas, marmonnai-je en me disant qu'avec lui, tout était possible.

Je regardai vers lui le discernait à peine au milieu des autres passagers quand je sentis le regard de Myrtle sur moi, me poussant à la regarder.

- Rassure moi... Tu n'as pas..., commença Myrtle.

- Seigneur non! dis-je choquée.

- Je ne juge pas... Lorena s'est laissée tentée et elle a mal vécu son passage à d'autres sujets, me rappela Myrtle. Tu as couru si vite derrière lui que tu m'as donné une drôle d'impression.

- C'est juste... Des questions que je me pose, dis-je simplement.

- Ha oui... C'est peut-être Lady Charlotte qui te dit des choses... Suis-je bête, fit Myrtle en hochant les épaules.

- Voilà... Mais comme elle n'a pas beaucoup d'informations, elle a quelques inquiétudes, j'espérais la rassurer, mentis je donc.

- Tu t'en sors drôlement bien en ladyroom, dit-elle en riant.

- Ho... J'espère, dis-je alors.

Les autres domestiques nous rejoignirent alors et nous nous dirgieâmes vers les maîtres. Monsieur Caldwell s'était assuré de la réservation de quelques véhicules et quelques minutes plus tard nous étions sur le trajet vers la maison, me poussant à observer les rues les unes après les autres. Je m'approchai immédiatement de la fenêtre quand nous pénétrâmes dans une rue précise.

- Ça va? demanda Lorena très inquiète.

- C'est la rue où Lady Fullton demeurait... Et où elle m'a élevée, dis-je alors pensive.

- C'est laquelle ? demanda Myrtle.

- Cette blanche là... Elle a déjà été vendue visiblement, dis-je tristement.

- Surprenant, fit alors Lorena. La demeure londonienne des Hayworth se trouve tout au bout de cette rue.

- Ha bon? Je l'ignorais totalement, dis-je avec honnêteté.

- Tu m'as dit que Lord Fullton était déjà décédé avant que tu ne la rencontre, il est assez logique qu'elle ne siégeait nullement au Parlement, avoua Lorena.

- Oui... Mais je me demande si Lady Fullton allait chez les Hayworth lors de réception, dis-je pensive. C'était Herbert qui s'occupait de ses rendez-vous.

- Tu penses aller le saluer ? demanda Gideon.

- Ho si je peux... Mais je ne suis plus sûre de la maison pour laquelle il travaille... Je crois que ce sont les Hawkins..., avouai-je.

- Peut-être seront-ils invités, précisa Myrtle.

Je l'espérais grandement moi-même en réalité. J'avais passé tant d'années en sa compagnie ainsi que de celle de Jane, la dame de cuisine de Lady Fullton. Pour moi, ils étaient tout deux de ma famille, comme un oncle et une tante si l'on veut. Une bonne partie de ma vie, c'était avec ces trois personnes que je l'avais passée alors forcément, ils avaient une énorme place dans mon cœur. Le ralentissement de la voiture qui s'en suivit rapidement me sortit rapidement de ma propre torpeur et de l'afflux de mes souvenirs. J'allais découvrir la demeure londonienne de mes nouveaux maîtres. Sortant doucement de la petite voiture nous ayant guidés dans les rues de Londres, je regardai immédiatement mes condisciples avec circonspection. Me dirigeant lentement vers mes bagages, je pus alors enfin discerner ce logement. Naturellement, comme beaucoup de maisons appartenant à des nobles participant à la saison, elle n'était ni aussi belle ni même aussi grande que la demeure principale. Je pouvais la voir tout de même siéger sur plus d'étages au total mais elle était naturellement bien plus étroite. Il n'y avait pas beaucoup d'extérieurs à l'avant et sans doute l'arrière ne devait avoir qu'une petite cour. En plus, elle était mitoyenne des deux côtés, un confort bien plus réduit mais toujours très loin de celui du bas peuple.

- Tout va bien? demanda Carl qui venait nous aider. Tu ne t'attendais pas à aussi grand?

Je le regardai attentivement, cherchant à savoir si je devais conclure à une touche d'humour vis à vis du Manoir Hayworth ou bien si il me demandait cela vis à vis des demeures purement londoniennes.

- Elle est à peu près de la taille de celle de Lady Hayworth, dis-je préférant miser sur la seconde possibilité.

- Ha bon? s'étonna Carl. Mais vous étiez peu...

- Je sais, certaines pièces n'étaient utilisées que quand Lady Fullton recevait des visiteurs pour la nuit, précisai-je rassurée de ne point m'être trompée.

- Bon ne trainez pas, fit-il en avançant vers le cocher pour sans doute payer la course.

Je saisis donc ma valise pour avancer en compagnie des autres vers la demeure. Monsieur Caldwell avait déjà ouvert la porte et procédait aux vérifications de routine, partant allumer la lumière. J'avançai tranquillement, découvrant la famille déjà en train de regarder sa demeure. Les pièces étaient bien plus étriquées et les parquets massifs ainsi que les lambris avaient une claire dominance sur tous les autres matériaux. Des meubles avaient été couverts par des draps, comme des tableaux d'ailleurs. Les pièces étaient cependant un peu plus chaleureuses mais c'était sans doute par leur superficie réduite.

- Installez vous tous tranquillement, nous avertit Lady Mary. Les pièces de vie peuvent attendre que vous soyez tous installés.

Le message était clairement précis, s'installer et aider ensuite. C'était assez évident tout de même. Je suivis donc Gideon dans l'escalier de service, montant les marches rapidement pour atteindre le logement des domestiques. Alors que nous dépassions le troisième étage, Gideon se retourner et me fixa surpris alors que je manquai de le percuter.

- Lady Charlotte ne t'a rien dit? demanda Gideon.

- Euh... Cela dépend de la nature de l'information..., marmonnai-je gênée.

- Le personnel de chambre possède une chambre mitoyenne et communicante avec celle de la personne dont ils s'occupent... Même dans le cas de Lady Charlotte qui n'avait personne auparavant, m'avertit alors Gideon.

Je le regardai surprise et je soupirai, j'avais monté un étage pour rien, redescendant donc.

- Dommage, je voulais passer mes soirées à discuter toutes les trois, me fit Myrtle.

- On ne sera que deux... Mais je pense que tu pourras monter, me précisa Lorena.

- Je n'y manquerai pas, dis-je en descendant.

J'espérais que Lady Charlotte ne serait pas vexée de mon retard. Je ne connaissais nullement la maison mais j'avais cru en comprendre aisément la disposition. Le premier étage devait être celui de Monsieur le Comte et son épouse tandis que le second devait être celui des enfants, en réalité partagé avec le troisième car je vis Sophronia s'y rendre. Les deux derniers devaient être pour le personnel en réalité. Je me dirigeai donc rapidement au second étage et je regardai dans le couloir. Je vis Carl dans ce même couloir et il me remarqua immédiatement, m'indiquant une pièce de la main. Je souris et m'y dirigeai rapidement passant ainsi une porte. Effectivement c'était beaucoup plus petite mais je ne devais pas la partager. En plus d'être petite, elle était assez sommaire mais je n'avais aucune exigence en général. À part le lit et une armoire, j'avais également une petite bassine et une malle. Le seul détail assez différent et repérable était la porte qui devait donner sur la chambre de Lady Charlotte. Je posai donc ma valise sur mon lit et, désireuse de remplir mes tâches, je frappai à cette porte.

- Entre Annabelle, me fit Lady Charlotte depuis l'autre pièce.

J'ouvris la porte communicante et je découvris que Lady Charlotte avait une pièce de bonne taille, moitié moindre que celle du manoir néanmoins, et surtout qu'elle s'était déjà affairée à ouvrir les fenêtres.

- Laissez Mademoiselle, dis-je alors. Je m'en occupe.

- Tu ne veux pas d'aide? demanda-t-elle quand même.

- Je pense pouvoir me débrouiller, Asseyez vous... Avez-vous fait bon voyage ? demandai-je en me dirigeant vers les draps couvrant les meubles.

- Très bon... J'ai discuté théâtre avec Oncle Sebastian, me dit-elle alors.

Tandis que je m'affairai à enlever les draps pour les secouer à la fenêtre, j'entendais les autres domestiques faire de même aux autres fenêtres.

- Saperlipopette ! fit alors la voix de Myrtle à l'étage du haut. Qui accroche des épingles de sûreté !!!

Je levai la tête vers le haut pour la voir passer sa tête par la fenêtre de l'étage juste au dessus du mien, elle était partie aider Sophronia.

- Elle ne t'es pas tombée dessus? demanda-t-elle soudainement inquiète.

- Non... Heureusement qu'il n'y a personne en bas, dis-je en vérifiant tout en riant.

J'entendis le rire de Lady Charlotte derrière moi et me retournai immédiatement, assez gênée. Je la vis soudainement étendre un de ses os pour enlever un drap au dessus de nous, celui sur le lustre. Elle le récupéra et me le tendit alors même que son os retournait dans son bras.

- Cela t'aidera, dit-elle en me souriant.

- Merci Mademoiselle mais vous devriez vous reposer, dis-je encore mal à l'aise.

Malgré les informations sur leurs capacités en ma possession, les voir à l'œuvre restait toujours assez perturbant en réalité. Comment aurait-il pu en être autrement après tout?

- Tu en as peur? demanda-t-elle visiblement inquiète.

- Je sais à quoi cela vous sert mais cela me pertube encore... Bien plus que cela ne m'effraie en réalité, dis-je quand même en prenant les draps.

Je remarquai immédiatement l'air étonné de ma jeune maîtresse. Je préférai cependant immédiatement ignorer sa réaction pour éviter qu'elle ne puisse se lancer dans une longue conversation emplie de questions. Je finis rapidement de secouer tous les draps et je pus donc me diriger vers le bagage de Lady Charlotte ou plutôt les bagages car nos maîtres ne voyageaient sûrement pas léger. Je pris donc longuement la peine de trier les vêtements, assemblant déjà les couleurs les unes avec les autres en harmonie pour rendre du plus bel effet en cas d'invitation mondaine. Ma jeune maîtresse me regardait faire, comme elle l'avait fait quand j'avais placé ces vêtements dans la valise.

- Tu es vraiment organisée, fit alors Lady Charlotte.

- Merci Mademoiselle mais il vaut mieux, dis-je en souriant.

- Insinue tu que je suis désorganisée? demanda-t-elle froidement.

- Non, fis-je surprise de sa réaction. Ce n'était pas une critique...

Je vis Lady Charlotte exploser de rire devant moi avant d'agiter sa main.

- Pardon, j'avais envie de te mettre mal à l'aise et comme le dit Oncle Sebastian, c'est très facile, dit-elle entre deux fous rires.

- Lady Charlotte... Ce n'est pas sympathique du tout, dis-je vexée. Et ne suivez pas l'exemple de votre oncle.

- Pourquoi ? fit elle plus surprise que vexée. Quel est le problème avec Oncle Sebastian? Il t'a pourt...

Occupée à ranger les robes, je dus tourner la tête vers Lady Charlotte pour voir sa gêne. Je me demandais le problème.

- Qu'a fait votre oncle ? demandai-je donc intriguée que j'étais.

- Je... Je croyais qu'il avait été d'agréable compagnie lors de notre soirée au théâtre... En tout cas, il l'a appréciée, dit Lady Charlotte.

Je fus surprise de l'information et, avec honnêteté mais aussi un soupçon de gêne, très touchée également. Lord Sebastian devait être habitué à être accompagné de personnes de la haute société et qu'il eut apprécié la mienne était important.

- J'en suis touchée, c'est vrai qu'il fut également de bonne compagnie, dis-je gênée.

- Pourquoi tu rougis? demanda immédiatement Lady Charlotte en riant.

- Je ne suis pas habituée à de tels compliments.. Votre frère et moi discutons souvent depuis que je connais votre secret mais il n'est pas... Je ne sais pas... Il ne semble pas très à l'aise depuis, dis-je alors. Que votre oncle apprécie ma compagnie me rassure.

Lady Charlotte me regarda fixement quelques instants, gênée sans doute de mes propos.

- Tu veux que je demande à mon oncle de nous emmener au théâtre ? demanda-t-elle. Ou à Henry? Attention tu n'as qu'une réponse possible.

- Lady Charlotte... Ce n'est nullement amusant sachez le, dis-je honteusement rougissante.

- Je choisis? Parfait, cela sera Oncle Sebastian, fit-elle triomphalement. Peut-être que je pourrais me battre si nous sommes attaqués.

- Mais pourquoi vous battre? Monsieur votre oncle l'a fait la dernière fois? demandai-je surprise.

- Mais si il n'avait pas été là ? J'aurais dû, qui aurait défendu Nora sinon? dit-elle simplement.

Je regardai ma jeune maîtresse assez surprise de tant de motivation à défendre son amie. Peut-être se rendit elle compte de mon étonnement mais elle semblait désirer se corriger.

- Toi aussi évidemment, dit-elle alors. Mais je connais Nora depuis longtemps alors...

- Lady Farley a de la chance d'avoir une amie telle que vous, avouai-je en déplaçant d'autres vêtements.

- Merci, dit alors Lady Charlotte touchée de mon propos.

Je continuai donc mes tâches, rangeant les robes de ma jeune maîtresse, ses chaussures également et les différents produits lui servant le matin. J'aimais vraiment ce statut de Ladyroom auprès d'elle, elle semblait en effet avoir besoin d'une présence rassurante extérieure à son cercle familial.

- Mais le fait que nous soyons des Vicissiens ne te pose réellement aucun soucis ? demanda soudainement Lady Charlotte.

- Je crois que je peux réellement saisir toutes les implications de cette particularité de votre famille... Mais j'aurais tout de même une recommandation pour vous, précisai-je alors avec un soupçon d'amusement.

- Laquelle ? s'étonna ma toute jeune maîtresse.

- Vous devriez faire plus attention quand vos os sortent, précisai-je. J'ai déjà constaté plusieurs accrocs sur vos robes et tant que je peux les réparer, cela n'est pas vraiment grave. Mais au bout d'un moment...

- Promis je ferai plus attention, dit-elle amusée et hilare.

- Merci Mademoiselle, dis-je en souriant.

Je me dirigeai alors vers le dernier objet des bagages de Lady Charlotte. Ce dernier objet, parfaitement emballé, avait été ajouté au dernier moment à la demande de Lady Mary elle-même. Lady Charlotte, découvrant la housse vestimentaire, se dressa lentement pour l'observer avant même de se lever et de s'approcher lentement. Je la regardais faire attentivement, sachant clairement que son contenu allait faire de ma jeune maîtresse une demoiselle très heureuse.

- Qu'est-ce donc? demanda Lady Charlotte les yeux pétillants de malice.

- Madame votre mère l'a fait ajouter à vos bagages, éludai-je immédiatement en le rangeant dans l'armoire.

- C'est une robe? demanda-t-elle ensuite avec un très vif intérêt.

- Lady Charlotte, je pense que vos parents ont pris une décision qui va vous rav... Ho...

Lady Charlotte m'avait interrompue en me saisissant brutalement. Elle me serrait toute à sa joie avant même d'attraper mes mains pour sautiller tout en tournant en rond. Elle avait clairement compris que Monsieur le Comte et son épouse avait décidé de faire la présentation de Lady Charlotte. Elle l'ignorait peut-être encore mais cela se ferait directement devant Sa Majesté la Reine Victoria. Lady Charlotte était déjà un peu intenable en cet instant, cela promettait pour plus tard.

- Lady Charlotte... Doucement je vous prie, la suppliai-je presque.

- Pardon... Mais je suis trop heureuse !!! fit-elle en sautillant partout.

J'ignorais à quel point cela pouvait avoir une certaine importance, n'étant nullement concernée. Mais je pouvais en comprendre la joie, une jeune fille de bonne famille officiellement présentée s'avérait en réalité considérée comme une adulte. Sa joie m'empêcha un peu de travailler mais je devais me presser. Toujours sur son petit nuage, Lady Charlotte me suivit donc dans ma propre chambre pendant que je rangeais mes affaires. Elle faisait clairement des plans sur la comète, s'imaginant déjà virevoltante au milieu de tous les nobles, attirant les regards par sa magnifique robe. On aurait dit une enfant au matin de Noël. Je me.pressais quand même beaucoup avant de m'adresser à Lady Charlotte.

- Mademoiselle... Avez-vous encore besoin de moi? demandai-je rapidement.

- Non, pourquoi ? m'interrogea ma jeune maîtresse.

- Je me dois d'aider les autres à préparer toutes les autres pièces, précisai-je.

- Puis-je te demander une dernière chose avant? insista Lady Charlotte.

Je la regardai intriguée et méfiante de son propos. Avec Lady Charlotte, tout pouvait venir.

- Oui... Bien sûr, concédai-je donc.

- Pourrais tu descendre demander à Mère si je pourrais emprunter son saphir? demanda-t-elle.

- Pour votre entrée ? Bien sûr Mademoiselle, dis-je alors.

- Passminder s'est bien cachée de me le dire, avoua Lady Charlotte en riant.

Si Passminder n'avait rien dit d'une éventuelle vision de l'avenir sur ce point, c'était peut-être à cause de son manque d'importance pour une jeune fille d'origine indienne ou peut-être que Lord Sebastian voulait conserver la surprise auprès de sa nièce. Mais évoquer cette jeune fille me fit penser à quelques détails surprenants.

- Lady Charlotte... Pourquoi a-t-on laissé Passminder au Manoir? Et n'y a-t-il pas un risque que quelque chose vienne de Dreemia? demandai-je donc avec une vive inquiétude bien qu'assez soudaine.

- Oncle Sebastian a pensé qu'il valait mieux conserver cela secret, avoua Lady Charlotte. Et pour ta seconde question, les gnomes peuvent gérer suffisamment longtemps... Et puis notre absence rend le passage moins évident.

- Ha bon? demandai-je surprise du dernier point.

- La présence de tant de Vicissiens au même endroit pourrait agir tel un phare autour du passage, confirma Lady Charlotte.

- Ho je comprends, dis-je alors. Je vais prendre congé et rassurez vous, je vais de ce pas demander cela à Madame votre mère.

- Merci... Dis-lui que j'y ferai attention, dit-elle alors que je sortais de ma chambre.

Je n'étais pas aussi convaincue que ma jeune maîtresse de l'envie de Madame la Comtesse de lui confier un bien si précieux. Lady Charlotte restait une personne que l'on pourrait qualifier d'assez exubérante et surtout d'assez peu prudente avec ses parures. J'avais déjà dû partir en quête de bijoux perdus par inadvertance. Je descendis donc à l'étage où j'estimais pouvoir trouver Madame la Comtesse avant de me diriger vers les portes. La première était ouverte et je vis Constance Grint s'affairer à l'intérieur. Je frappai donc à la porte pour attirer son attention. Constance se redressa et me regarda avant de sourire, devenue plus sympathique depuis qu'elle avait appris que j'étais dans le secret.

- Y a-t-il un problème avec Lady Charlotte ? demanda-t-elle en approchant.

- Non, aucun... Lady Mary est-elle dans la chambre ? demandai-je.

- Non et Monsieur le Comte est déjà parti s'affairer dans les papiers, dit-elle donc.

- Saurais tu où je pourrais la trouver ? demandai-je enfin.

- Au fond du couloir, chez Lord Sebastian, dit-elle simplement.

Un esprit mal tourné aurait pû imaginer des choses bien inconvenantes. Cependant, quand on connaissait le lien de cette famille, cela serait surtout pour une éventuel réprimande. Je souris à Constance avant d'avancer dans le couloir. J'arrivai rapidement devant la porte de ce qui devait être la porte de Lord Sebastian, levant le poing pour frapper à cette porte quand je réalisai qu'elle n'était pas totalement fermée. En effet, j'entendis les voix à l'intérieur.

- À quoi joue tu Sebastian ? demanda la voix assez exaspérée de Lady Mary.

- En quoi cela te concerne? insista Lord Sebastian.

- Par tous les saints, nous sommes de la même famille, je m'inquiète, dit alors Lady Mary.

- Parce qu'il me reste si peu de temps ? l'interrogea Lord Sebastian.

- Oui et ce que tu veux est tellement stupide, dit simplement Lady Mary lassée.

- Je préfère que cela se passe comme cela, avoua Lord Sebastian.

- Mais c'est ta chance... Tu l'as remarqué non? demanda Lady Mary.

- Oui et justement... Je dois éviter, précisa Lord Sebastian.

- Mais pourquoi ? s'énerva Lady Mary en retour.

- Je te l'ai dit, je veille sur les miens, précisa Lord Sebastian.

- Mais... Mais ce n'est pas une urgence alors que toi, avoua Lady Mary avec un soupçon de tristesse dans la voix.

- Moi, j'ai bien vécu, précisa Lord Sebastian. Lui...

- C'est pour cela tes mensonges auxquels tu nous associes de force? demanda Lady Mary.

- Il faut que cela se fasse de cette manière, je m'en assure depuis le départ, précisa encore Lord Sebastian.

- Tu n'as pas vu ce que j'ai vu, Sebastian, rétorqua Lady Mary. Il y avait quelque chose d'étrange...

- Il ne doit rien y avoir ! s'énerva Sebastian. Tu m'entends ?

- Je t'entends et je ne te comprends pas... Tu préfères la souffrance et les ténèbres... Tu es un imbécile, précisa Lady Mary.

- Et bien laisse-moi être un imbécile, répliqua le Lord avec amusement.

- Et si toutes tes manigances échouent? Si alors que tu pouvais l'éviter, ta mort laisse les Hayworth trop affaiblis? le questionna Lady Mary.

- Vous pouvez compter sur Henry et Charlotte pour la relève, précisa-t-il ensuite.

- Je préférai éviter que Charlotte ne...

- Charlotte a ces dons pour une bonne raison, elle veut être utile en plus, la défendit Lord Sebastian. Et pour elle aussi cela sera compliqué.

- Comment cela compliqué ? demanda Lady Mary.

- Je me comprends et c'est l'essentiel, précisa Lord Sebastian.

- Sebastian... Change d'avis, saisis ta chance, insista encore Lady Mary.

- Non... Je ferai ce qu'il faut... Et également durant ce séjour, fit-il simplement.

J'entendis soudainement des pas qui s'approchaient de la porte et je me sentis stupide. Encore plus lorsque la porte s'ouvrit sur Lord Sebastian qui me regarda étonné.

- Un soucis? demanda-t-il froidement.

- Je... Je cherchais Lady Mary, précisai-je alors.

- En écoutant aux portes? demanda-t-il mesquin.

- Non Monsieur, précisai-je. Je viens d'arriver.

- Bien, fit-il. Je vais au Club de Gentlemen. Mary?

Lord Sebastian ouvrit bien grand la porte et sortit, m'obligeant à me décaler pour le laisser passer. Je me remis dans l'embrasure de la porte et je découvris le visage étonnant de Lady Mary. Elle était en effet non seulement crispée mais également en possession d'yeux rougis.

- Dois-je vous laisser Madame? demandai-je inquiète.

- Non, ça va...

- Lord Sebastian... Tout va bien? demandai-je.

- À part qu'il reste un sale entêté exaspérant ? demanda-t-elle visiblement vexée. Oui...

- Je suis navrée, je ne désirais point entendre un désaccord entre vous, précisai-je tout de même.

- Ce n'est rien, dit-elle simplement. Vous me cherchiez ?

- Oui, m'empressai-je de dire. Lady Charlotte espérait que Madame puisse lui laisser son saphir.

- En quel honneur ? demanda Lady Mary étonnée.

- Je pense que Lady Charlotte n'est plus habitée par le moindre doute, dis-je en souriant.

- Ha oui... Cela sera compliqué, fit alors Lady Mary.

- C'est une bonne décision, je la pense prête, dis-je alors.

- Merci d'une telle franchise, avoua Lady Mary en se levant.

- Dois-je signifier un refus ? Ou une réflexion ? demandai-je alors.

- Je suis d'accord mais j'ai l'envie prenante de la laisser espérer, je vais donc te le confier mais ne lui donne pas tout de suite, demanda Lady Mary.

- Puis-je connaître la raison? demandai-je assez surprise.

- Imaginez Charlotte ayant déjà le droit de le porter, elle serait ingérable d'excitation, avoua Lady Mary amusée.

- Alors que là, elle fera tout pour bien se tenir et en avoir l'autorisation, compris je donc.

- Vous êtes très futée... Gardons cela secret, le séjour sera plus calme.

Je confirmai immédiatement d'un mouvement de tête. Je pensais tout à fait la même chose. Cependant, le séjour n'allait pas être aussi reposant que nous le pensions à cet instant là.






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