Le Secret des Hayworth

Chapitre 12 : BAL DES DOMESTIQUES

7324 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 24/02/2023 08:42

BAL DES DOMESTIQUES


Alors que j'aurais cru au premier abord que ma vie allait être totalement bouleversée par mes découvertes, et à mon plis grand étonnement, ce ne fut nullement le cas. Mes tâches n'étaient pas réellement changées pour autant, à part peut-être que Lady Charlotte se moquait désormais qu'une excroissance ne s'avère visible. En effet, j'avais appris qu'en raison de son jeune âge et du manque de références dans son cas, cela arrivait parfois qu'un os pointe le bout de son nez. Selon Lady Mary elle-même, c'était d'ailleurs la raison pour laquelle ils n'avaient jamais cherché une Ladyroom auparavant, de peur de n'avoir à gérer quelqu'un dans mon cas. Quant aux autres domestiques, j'agissais toujours aussi normalement que possible, ne changeant jamais mon comportement avec Carl et Sophronia ou même Passminder. Cependant, dès qu'il m'arrivait de travailler avec cette dernière, j'avais droit à quelques distractions liées à ses capacités bien pratiques. En effet, lors des services, elle pouvait savoir à quel moment bouger et pour quelle raison précise, ce qui était d'une valeur plutôt inestimable, accroissant par ce biais ma propre efficacité. Parfois, Miss Robbins qui était une des personnes dans le secret, s'assurait que je savais tenir ma langue mais en même temps, je n'avais guère beaucoup de fréquentations à l'extérieur qui m'auraient permises de révéler leur secret. Et puis, bien que honteuse, je dois avouer que je passais beaucoup de temps à discuter avec Lord Henry, de leurs devoirs et de ses implications particulièrement. Il nous arrivait également de discuter de bien d'autres sujets et je ne pouvais que remarquer cet étonnant rapprochement. Lord Henry étant quelqu'un d'assez distingué, il s'assurait cependant que nous ne soyions jamais seuls pour autant, mais jamais en présence de quelqu'un ignorant le secret. Avec Lady Charlotte et les plus petits, Lord Henry me présenta quelques gnomes et je fus d'ailleurs extrêmement heureuse de faire la connais de ces si petits êtres extrêmement intéressants. Mais alors que nous approchions de Noël et de ses fêtes, ce fut par l'incroyable impatience de la maisonnée que je fus moi-même gagnée. En effet, les Hayworth pratiquaient une tradition mise en place par La Reine Victoria elle-même : un bal des domestiques. Et les demoiselles de service en étaient plutôt impatientes, moi y compris. En effet, cela risquait d'être incroyable, selon les domestiques y ayant déjà participé les années précédentes. Si il devait en exister une preuve précise, c'était toute l'excitation des différentes bonnes, courantes dans tous les sens pour se donner des conseils. Moi même, j'aidais Agnes à se coiffer alors que nous avions déjà revêtue nos robes blanches.

- Je me demande comment danse les maîtres, me précisa Agnes.

- Bien je suppose, dis-je en riant. C'est un peu une obligation de nos jours.

J'espérais bien danser également, avec Lord Henry dont j'ignorais les talents de danseur, mais j'avais quand même rempli un carnet de bal. Miss Robbins les avaient distribués car Lady Mary souhaitait nous amuser. En effet, sachant que nous ne serons qu'entre domestiques, nous danserions avec les autres et donc il était facile à remplir.

- Ho..., fit alors Agnes.

Je relevai les yeux vers elle tandis que je tirai sur une de ses mèches de cheveux pour l'enrouler sur la tige métallique préalablement chauffée sur notre poêle. Je compris sa surprise quand je pus remarquer le reflet dans le miroir. Je me retournai donc pour découvrir la nouvelle entrante, Winnifred, qui essayait de tirer quelqu'un.

- Allez viens, fit-elle en tirant.

Apparût alors la peau caractéristique de notre collègue aux origines indiennes, dans une robe blanche comme les nôtres et se sentant clairement mal à l'aise. Je vis passer Judith derrière elle qui riait, poursuivie par Myrtle qui réclamait ses chaussures, nous redevenions des enfants.

- Tu es toute belle Passminder, fit alors Agnes.

- Mais c'est ridicule, dit-elle alors.

- Ha bon? demandai-je surprise. Vous ne dansez pas en Inde?

- Si mais je parle de la robe, avoua Passminder.

- Vous pouvez lui expliquer, je suis épuisée, dit alors Winnifred qui avait forcément cuisiné dans la journée.

- Mais lui expliquer quoi? insista Agnes.

- Pourquoi les robes sont aussi tristes? demanda Passminder.

- Mais elles sont absolument magnifiques, dis-je alors consternée.

- Mais elles sont blanches..., se défendit Passminder en soupirant.

Cela s'appelait donc un conflit culturel. J'avais déjà remarqué que Passminder portait beaucoup de vêtements de couleur différentes lors de ses jours de repos. Évidemment, elle ne devait pas comprendre la symbolique.

- C'est parce que plus la robe est blanche, plus elle est salissante, dis-je alors sachant que le sujet de pureté n'avait absolument aucun rapport.

- Oui... Ça j'ai compris..., marmonna Passminder.

- Et donc une dame de haute naissance porte une robe blanche immaculée car elle ne risque pas de la salir en travaillant, expliquai-je.

- C'est pour cela que Lady Mary a offert une robe à chacune des filles, expliqua Agnes.

- Et c'est pour ça que nos tenues de travail sont sombres, précisa Winnifred en s'asseyant sur mon lit.

Je la vis alors passer sa main sous ses fesses visiblement gênée par quelque chose. Soudain, elle tira sa main de là-dessous et en sortit un collier.

- Tu ne t'es pas fait mal? demandai-je alors.

- Non..., fit-elle en observant le collier. C'est à toi?

- Oui, dis-je en m'approchant pour le récupérer.

Alors que je le passai autour de mon cou, ornant le sommet de ma poitrine que découvrait ma robe, Winnifred me regarda fixement.

- C'était un cadeau de Lady Fullton ? Et c'est celui qui est toujours autour de ton cou demanda-t-elle sachant qu'elle ne devait voir que la chaîne en général.

- C'était un invité de Lady Fullton qui me l'avait offert quand j'étais toute petite, dis-je en proie aux souvenirs. Il l'avait eu en voyage... Il me semble, je ne m'en souviens pas beaucoup.

- Tu en as de la chance, fit alors Winnifred.

Je regardai Passminder qui s'approchait pour l'observer de bien plus près. Elle sourit en le voyant et me regarda.

- C'est très joli, dit-elle en me souriant.

- Vous avez bien... Ha ben non..., marmonnai-je en regardant les pieds de Passminder. Tu ne mets pas de chaussures ?

- Je préfère danser pieds nus, avoua l'indienne.

- Ce... Enfin, ce n'est pas très respectueux de l'étiquette mais...

- Cela fera bien rire Lady Mary, précisa Passminder.

Je regardai attentivement celle-ci et je compris qu'elle n'était point en train d'énoncer son point de vue mais bien une possibilité d'avenir. J'avais commencé à m'habituer à force.

- En même temps, c'est un bal pour nous, dit alors Agnes. Allez les filles... Du maquillage... J'ai investi, ajouta-t-elle en riant.

Et nous passâmes donc sous ses mains pas forcément expertes. Agnes se contenta de me mettre un peu de poudre rouge sur les lèvres, les rendant ainsi un peu plus rougeâtre.

- Mesdemoiselles !!! appela alors Miss Robbins depuis le couloir.

Toutes quatre, nous nous regardâmes immédiatement comme méfiantes avant de nous décider à sortir dans le couloir. Toutes les autres domestiques, revêtues de robes blanches du plus bel effet, avaient fait de même.

- Bien, vous êtes ravissantes, commença Miss Robbins. Je vais vous inviter à descendre pour vous rendre à l'office pour connaître les modalités du bal mais j'ai quelques recommandations.

Je prêtai immédiatement une oreille attentive à ces fameuses recommandations, cela allait en effet être mon véritable premier bal car auprès de Lady Fullton, nous étions si peu qu'il s'agissait plus d'un réveillon au calme que d'une fête.

- Je comprends parfaitement que vous désiriez évacuer le stress de l'année, continua Miss Robbins. Naturellement, les maîtres vous feront danser et ensuite nous laisserons la salle de réception. Ensuite, moi et Monsieur Caldwell vous laisseront entre vous mais je tiens à vous rappeler les convenances. Je ne tiens nullement à apprendre que certaines d'entre vous se soient laissées aller à quelques comportements inconvenants et immoraux auprès de vos homologues masculins. N'oubliez pas qui vous servez. Bien, descendez.

- Quelle rabat joie, marmonna Agnes près de moi.

Je la regardai surprise sachant qu'elle avait déjà un prétendant et elle me regarda amusée.

- Je ne parlais pas pour moi, avoua celle-ci en riant.

- Tu es réellement incorrigible, dis-je honteuse mais riant pourtant de bon cœur.

Toutes les domestiques descendirent dans le calme et la prudence, la plupart d'entre nous ayant déjà travaillé aujourd'hui et sachant que le travail nous attendrait le lendemain. Les chaussures conçues pour danser étant à talons plats, nous ne risquions cependant nullement une chute. Débarquant dans l'office, je découvris les garçons de la maisonnée dans de beaux ensemble à queues de pie du plus bel effet. Il était clair que ce soir là, nous ressemblions à bien autre chose que nos rangs laissaient croire. Monsieur Caldwell était devant sa table, dans un beau costume également. Je supposai avec logique qu'il avait dû tenir le même type de discours au personnel masculin que celui de Miss Robbins.

- Bonsoir Mesdemoiselles, nous dit-il poliment en hochant la tête. Bien. Avant tout, sachez que je vous souhaite de vous amuser. Les Hayworth pensent participer à la réception durant environ une heure, pour danser avec nous. Ensuite, moi-même et Miss Robbins resteront un peu moins d'une heure avant de vous laisser vous amuser. Sachez que vous devrez tout de même montrer du respect envers les maîtres et veiller à ne point les déranger. J'espère ne pas avoir à venir vous trouver à une heure tardive pour vous signifier de cesser les festivités. Les maîtres vous signifient également que les salles de jeux vous seront accessibles mais je vous prie de montrer votre respect en les laissant dans un état convenable. Merci.

Ce fut le signal pour nous de passer dans la partie habituellement réservée à nos maîtres. L'immense salle de réception avait été richement décorée et des tables préparées pour nous. Madame Smith, boudinée malgré tout dans sa robe, trônait fièrement à côté d'un banquet soigneusement préparé pour nous. Je pus alors voir la famille Hayworth au grand complet dans de magnifiques tenues. En réalité, ils étaient presque au complet, seul Lord Sebastian manquait. D'un simple geste de la main, Lord Jonathan nous invitant prendre des verres au liquide pétillant, sans doute du champagne. Je fus sidérée en prenant mon verre que nos maîtres aient eu cet égard envers nous. Ils attendirent que nous soyons tous servis et je vis avec amusement Passminder se frotter le nez après avoir reniflé cet étrange breuvage.

- Bonsoir à tous, nous fit Lady Mary qui décida de prendre la parole. Nous sommes très heureux de fêter ce réveillon avec vous, bien que quelque peu en avance évidemment.

Elle nous fit tous sourire en disant cela, bien évidemment le véritable réveillon de Noël ne pourrait pas nous compter parmis les convives, nous devrons travailler mais nous le savions déjà.

- Je tiens à vous assurer à tous à quelqu'un point nous vous sommes reconnaissants pour votre travail, reprit Lady Mary. Nous savons pertinemment que vous faites preuve d'un immense courage chaque jour de l'année pour que nous n'ayons pas à nous soucier de tout cela et nous vous en remercions.

- Comme vous le savez également tous..., nous fit alors Lord Jonathan. Bientôt, la totalité de la famille partira pour quelques temps pour la saison. Évidemment, Mary et les enfants n'y resteront pas aussi longuement que moi-même mais nous allons sélectionner ceux parmis vous qui nous accompagneront. En attendant, je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d'année.

Je vis alors Lady Charlotte et Lord Henry récupérer chacun une pile sur la cheminée et se diriger chacun vers des domestiques. Je les vis commencer à les distribuer, Lady Charlotte aux hommes et Lord Henry aux femmes. Il s'agissait bien évidemment de nos étrennes. Quand enfin Lord Henry se plaça devant moi avec une enveloppe, je lui souris.

- Joyeux Noël Annabelle, me fit il en me tendant l'enveloppe. En espérant que ces premiers parmis nous vous ont satisfaite.

- Merci à vous Lord Henry, et ils l'ont été, dis-je calmement sachant pertinemment que j'en savais plus que d'autres.

Une fois la distribution faite, je vis avec amusement Lady Mary se diriger d'un pas décidé vers le gramophone pour lancer les activités du bal.

- Bien, maintenant que les procédure ont été respectées... Que diriez vous de nous amuser ? proposa-t-elle presque hilare.

Bien entendu, les maîtres allaient danser avec nous, pour les premières danses surtout. Lord Jonathan se dirigea donc immédiatement vers Miss Robbins tandis que Lady Mary fit de même avec Monsieur Caldwell. Lady Charlotte avança vers le valet de chambre de son père tandis que Lord Henry se dirigea vers la dame de chambre de sa mère. Je souris immédiatement en voyant Lady Sophie courir vers Carl en riant. Soudain, je fus surprise de voir Lord Charles foncer vers moi et m'attraper par la main. J'étais un peu une Ladyroom donc cela ne fut pas si illogique. Cela ne serait pas trop compliqué comme danse, la plupart se faisant surtout en couples ouverts. Ces danses qui nous obligeaient donc à nous placer côte à côte avec les autres couples de danseurs permettaient d'organiser une chorégraphie pré établie. Quand le morceau assez connu appelé La Fantaisie commença, je compris qu'il s'agirait d'un quadrille pour lequel je me plaçai donc en colonne. Je m'amusais déjà beaucoup, les petits maîtres ne respectant pas réellement les pas mais cela restait attendrissant. Ainsi eut lieu la première danse, dans beaucoup de rires quand Monsieur Caldwell se plaint de son dos. Ensuite, ce furent les autres qui furent invités à danser, moi-même saisissant l'occasion pour danser avec Monsieur Caldwell qui avait accepté volontiers ma proposition. J'eus ensuite le droit de danser avec Carl. Par la suite, l'étiquette fut déjà bien moins respectée quand démarra un cotillon. En effet, un couple fut choisit, Lord Jonathan et Madame Smith précisément, comme meneur de danse. Lady Charlotte saisit cette occasion pour foncer vers moi et attraper Winnifred au passage.

- Nous ferons toutes les trois bien mieux, dit-elle en riant.

- Bien Madame, fit Winnifred toute gênée.

- Détends toi, c'est pour s'amuser, dit alors la jeune maîtresse.

Nous devions alors immiter tous les pas des meneurs mais bien heureusement, ils furent nullement trop complexes suite à la fatigue tout de même présente de Madame Smith. J'étais déjà décoiffée et en sueur, mais nos maîtres n'étaient guère en meilleur état.

- Allez les enfants !!! fit Lady Mary toute à sa joie. Un menuet!!!

Elle venait en fait de jeter un froid. Il n'y avait rien de plus gênant qu'un menuet. En effet, à l'origine il s'agissait de l'ouverture du bal, souvent des débutantes. Mais ce n'était pas le soucis. En réalité, au tout début du menuet, un seul couple danse au milieu des autres qui regardent avant de se joindre à la danse. C'était plutôt gênant d'être le centre de l'attention.

- Allons, des volontaires !!! cria en riant Lady Mary qui passait totalement outre de son rang pour son amusement personnel.

- Je ne veux pas y aller, me murmura Judith.

- Moi encore moins, assura Winnifred.

- J'aimerais bien que Carl m'invite, précisa en riant Myrtle.

Mais le premier à faire un pas fut un membre de la famille Hayworth. Lord Henry avait prit la décision de cesser d'attendre que quelqu'un se décide. Je me demandais vers qui il allait se diriger, peut-être Sophronia qui semblait aimer danser. Je me figeai quand je réalisai que c'était vers moi qu'il se dirigeait.

- Annabelle, me ferez vous cet honneur ? me demanda Lord Henry en me tendant la main.

- Ho... Euh..., hésitai-je gênée. Bien sûr, en espérant que nous ne soyons nullement les seuls.

J'étais très particulièrement gênée de cette danse, ce qui amusait d'ailleurs bien des spectateurs. Heureusement, Lord Henry était bon danseur même si il me semblait aussi gêné que moi.

- Vous dansez bien, dis-je pour le rassurer.

- J'avais quelques craintes que vous ne refusiez, me précisa-t-il.

- Je n'aime pas être autant en avant, dis-je toute rouge que j'étais.

Nous faisions de notre mieux pour cette longue danse, heureusement rejoints par d'autres. Je n'en pouvais rapidement plus et j'avais besoin d'une pause. À la fin de ce menuet, j'applaudis alors avant d'aller me désaltérer. Buvant de l'eau, je remarquai que Passminder regardait tous les mets traditionnels britanniques avec appréhension.

- Tout est bon ma grande, dis-je en regardant l'horloge qui indiquait que le temps passait trop vite.

- Je sais... J'ai déjà goûté cela, cela, cela, cela, énuméra la jeune indienne.

- Et bien, dis-je en riant. Où mets tu donc tout cela?

- Dans ma bouche, répondit Passminder.

Je la regardai immédiatement, assez dubitative de son propos. Se moquait elle de moi? Faisait-elle de l'humour ? Ou bien simplement pensait-elle que c'était ce qu'elle devait répondre ? J'ignorais le tout mais je préfèrerais faire comme si de rien n'était. Je regardai alors les gens s'amuser avec les maîtres, Lady Mary entamant une danse folklorique irlandaise du plus bel effet. Je souris en voyant cela tant nos chers valets semblaient en difficulté pour la suivre. Je me posais soudainement une question et je voulus demander sa réponse à Passminder.

- Lord Sebastian est-il occupé à s'occuper de ses fonctions ? demandai-je alors à celle-ci.

- Fonction de Lord? demanda Passminder.

- Il s'occupe d'un envahisseur de Dreemia? demandai-je lassée mais à un volume extrêmement bas.

- Ho..., fit alors Passminder. Non... Il est dans la salle des trophées.

- Tu l'as vu? demandai-je surprise.

- Vu, répondit-elle pour me faire comprendre. Il ne veut pas venir.

- Mais..., hésitai-je alors.

Je regardai ces domestiques profitant d'une telle soirée et je pris alors la décision de me mêler de ce qui ne me regardait pas.

- Je vais aller le chercher, dis-je à Passminder qui s'en moquait totalement tant elle profitait du buffet.

Je me glissais discrètement en dehors de la salle de réception, traversant les salles de jeux pour accéder à la salle des trophées. La porte de cette dernière salle était d'ailleurs légèrement ouverte et je la poussai alors doucement. Je remarquai immédiatement l'ombre de Lord Sebastian projetée sur les murs par les flammes de la cheminée devant laquelle il était prostré. Je l'entendis soudainement tousser et je pus le voir tenir un mouchoir devant sa bouche. Je me figeai alors, étonnement inquiète pour lui au vu de ce que je savais, et j'eus alors tout le loisir de voir que son mouchoir censé être blanc était désormais rouge. Je m'étais alors humectée les lèvres hésitant à comment l'aborder.

- Hmhm..., fis-je alors. Lord Sebastian ?

- Qu'y a-t-il? demanda Lord Sebastian penché vers la cheminée.

- Comment allez-vous ? demandai-je inquiète.

- Pas plus mal que d'habitude, dit-il avant de tousser encore et de se plier légèrement.

Je m'approchai rapidement pour toucher son dos mais au moment même où mes doigts s'approchèrent de lui, il se retourna. Je me figeai immédiatement, la main suspendue dans le vide en découvrant ce que j'avais sous les yeux. Quelques unes des excroissances typiques des Vicissiens, que j'avais eu l'occasion de voir par les démonstrations de Lady Charlotte, traversaient ses joues et ses arcades sourcilières me dévoilant un aspect proche des démons de la Bible, selon leurs descriptions tout du moins. Je ne savais plus comment réagir.

- Effrayée par l'aspect monstrueux ? demanda-t-il alors.

- Non, dis-je alors en le fixant.

- Ne mentez pas, dit alors Lord Sebastian en fermant les yeux.

Je comprenais ce qu'il essayait de faire, les cacher ou plutôt les rétracter. Je n'avais pas apprécié d'être considérée comme une menteuse et par orgueil, j'avais levé la main pour toucher une excroissance et surtout en essuyer un peu le sang sur sa joue. Lord Sebastian ouvrit les yeux et se recula d'un pas.

- Vous aviez du sang sur la joue, dis-je alors.

- Je sais... Ces marques apparaissent lors de fortes douleurs physiques ou émotionnelles, dit alors Lord Sebastian. Vous saurez pour Charlotte... Et Henry.

- J'ai eu l'impression que l'os était moins solide, dis-je alors avec honnêteté.

- Il s'agit plutôt d'organe sensoriels sur le visage, m'expliqua Lord Sebastian.

- Comme les moustaches de chat? demandai-je bêtement.

- Si l'on veut... Ma famille a déjà laissé la place? demanda-t-il ensuite.

- Non... Mais vous souffrez tant que vous ne pouvez vous montrer? demandai-je intriguée.

- Non, je n'avais pas envie de gâcher la soirée, dit-il simplement.

- Pourquoi gacheriez vous cette soirée ? demandai-je simplement.

- Je pense que vous n'avez pas forcément envie de me voir à une soirée après celle de la bibliothèque, dit-il en réponse.

Je le regardai étonnée de sa décision, même si je ne pouvais pas lui pardonner. Il se privait d'un tel amusement pour moi? J'en étais surprise.

- Henry vous a-t-il au moins invitée à danser? demanda-t-il immédiatement ensuite.

- Oui, c'était très amusant d'ailleurs, dis-je honnêtement.

- Tant mieux, il mérite quelqu'un de bien, me fit Lord Sebastian avec un sourire.

- Je ne vais pas relever ce propos, dis-je légèrement outrée.

- Soyez lucide, Lady Fullton ne vous a-t-elle jamais dit de vivre ce que vous aviez envie ? demanda Lord Sebastian en se servant un verre.

- Si... Vous disait elle la même chose ? demandai-je immédiatement avec un vif intérêt.

- Oui, pour le peu que je l'ai côtoyée, m'avoua Lord Sebastian.

- Lady Fullton savait cerner les gens, dis-je alors. Même si elle n'a jamais dû soupçonner ce que vous étiez.

- Évidemment... N'est-ce pas trop dur? demanda-t-il ensuite.

- Quoi donc? demandai-je en déglutissant.

- Ne jouez pas à cela Annabelle, ce sont les premières périodes de fin d'année que vous vivez loin de celle qui a dû vous considérer comme la fille qu'elle n'a jamais eu, insista Lord Sebastian.

Je tournai la tête en grimaçant. Oui, cela était très dur et je tentais constamment de faire bonne figure sans y penser mais je n'y parvenais pas.

- J'aurais tant voulu l'être, dis-je alors.

- Nullement pour être noble je suppose ? me questionna Lord Sebastian.

- Non... Pour avoir l'honneur de dire qu'elle était ma mère, dis-je honnêtement.

- Elle vous considérait comme une fille, dit-il simplement. Du moins quand elle vous évoquait dans ses courriers.

- Vous en avez gardé ? demandai-je immédiatement avant de me reprendre. Pardon, c'est inconvenant.

- L'amour n'est jamais inconvenant, dit alors Lord Sebastian en buvant. Je chercherai.

- Vous n'êtes nullement obligé Lord Sebastian, dis-je alors.

- Je sais... Pourquoi quitter cette salle et les possibles danses avec mon neveu pour voir un être immonde aux comportements inconvenants? demanda-t-il alors avec un sourire.

- Votre absence se remarque, dis-je alors. Certaines pourraient désirer danser avec vous.

- Peut-être... Peut-être même plus, s'amusa Lord Sebastian me choquant. Je me rappelle que Lorena est très habile de sa...

- Je ne veux nullement savoir cela! dis-je choquée et outrée.

- Vous êtes habituée à mon horrible personne, dit-il en riant.

- Peut-être cherchez vous juste à éviter de vous attacher, rétorquai-je immédiatement. Vous êtes indécents mais pas si mauvais.

- Pas besoin de pitié parce que la mort commence à roder autour de moi en creusant ma tombe, fit-il fièrement.

- Ce n'est nullement de la pitié, rétorquai-je vexée cette fois. Je sais comment vous êtes avec Lady Charlotte et elle est la preuve que vous tenez aux vôtres.

- Qu'importe, fit-il en se servant un autre verre.

- Vous ne comptez réellement pas faire acte de présence ? demandai-je.

- Vous semblez réellement trop gentille pour parler avec quelqu'un comme moi, dit-il avec un sourire mesquin. Je ne crois pas que ma présence ou mon absence intéresse qui que ce soit, encore moins pour danser.

Je compris enfin que Lord Sebastian ne se liait qu'avec sa famille, sachant pertinemment que son comportement était le reflet de ses mensonges. Je l'avais déjà vu aider un valet, Jack précisément, à déplacer de lourds objets. Je l'avais même vu demander à Winnifred si elle avait encore quelques uns de ses gâteaux en réserve. Il traitait les domestiques avec respect, comme les autres Hayworth. J'étais peut-être une exception après tout car visiblement, il n'agissait pas comme ça avec les autres.

- Et les dames me préfèrent pour bien d'autres choses, dit-il en souriant.

- J'avais déjà remarqué, la marquise vient-elle à Noël d'ailleurs ? le provoquai-je immédiatement vexée.

- Dites moi Annabelle... Ne serait-ce pas un manque de respect de parler comme cela à un maître ? demanda-t-il amusé de ma réaction.

- Seulement si ce maître semble ignorer que certains veulent le voir participer aux festivités, répondis-je sur le même ton.

Je me demandais pourquoi je suivais les conseils de Lady Charlotte, à savoir qu'avec son oncle, il fallait répliquer sur le même genre de ton et avec beaucoup de confiance en soi.

- Parce que vous vouliez m'y voir? Pour reprendre où nous en étions ? fit-il provocateur.

- Vous ne feriez plus cela je pense, sinon vous cesseriez de parler de Lord Henry en de tels termes, dis-je sûre de moi.

- Je peux toujours enseigner des choses sans implications, dit-il fièrement.

- J'ignorerai également ce propos, dis-je outrée. Et pour votre information, sachez que je vous avais noté sur mon carnet de bal.

C'était évidemment un mensonge, mais cela il l'ignorait. Je jouais la carte de la provocation pour le pousser à s'amuser, avec les risques que cela impliquait. Étonnamment, il me regardait plutôt surpris de mon affirmation. Avais-je gagné ce duel verbal?

- Tu... Pardon, se reprit il. Vous êtes sérieuse ?

- Évidemment, dis-je en mentant. Je voulais danser avec chacun des membres de la famille et particulièrement vous.

- Particulièrement moi? Pas Henry? demanda-t-il en essayant de reprendre le pouvoir de cette conversation.

- Pour vous remercier, ajoutai-je alors.

- Me remercier? demanda-t-il sous le choc.

- Pour veiller sur votre nièce... Le livre, énumérai-je avant de réfléchir. Et vous assurer sporadiquement de l'état de ma cicatrice.

- Comment pouvez vous savoir que je m'en inquiète ? demanda-t-il surpris.

- Surprenez moi en devinant, dis-je en riant.

- Charlotte... J'aurais dû m'en douter, grommela-t-il.

- Sachez qu'elle ne l'a pas dit explicitement mais étonnement, chaque soir après chacun de ces entraînements secret que vous lui prodiguez, elle s'assure de mon état... Je serai bien stupide de ne point comprendre de qui vient cette demande, dis-je alors avec fierté.

- Ces entraînements, précisa Lord Sebastian.

- Je sais, Monsieur le Comte doit absolument les ignorer, répondis-je compréhensive. Lady Charlotte me l'a dit.

- Elle parle beaucoup trop, précisa Lord Sebastian.

- Je crois qu'elle veut que j'ai une bonne image de vous, elle ne sait pas pourquoi mais elle a compris que j'avais quelques craintes vis à vis de vous, dis-je alors avant de me corriger. J'avais.

- Avais? demanda Lord Sebastian.

- Je n'ai pas pardonné cela, sachez le, précisai-je quand même. Mais j'ai compris que vous aimiez jouer avec les femmes. Peut-être avez-vous cru que j'étais du même genre.

- Vous semblez surtout du genre à avoir appris à répliquer, dit-il enfin et s'avouant ainsi vaincu.

- Vais-je pouvoir rayer cette danse de mon carnet? proposai-je enfin.

- Une danse, une seule, précisa Lord Sebastian.

- Je vous remercie, dis-je poliment.

- Car j'appréciais Lady Fullton, précisa Lord Sebastian.

- Dire que j'aurai pu déjà connaître un membre de la famille Hayworth, dis-je en avançant vers la porte. Et pourtant j'ai rencontré d'autres personnes pour qui Lady Fullton faisait du mécénat.

Je me retournai alors car il ne me suivait pas. J'attendis un instant et il finit par bouger en soupirant de lassitude. Annabelle Rivers venait de marquer un point, il s'en souviendrait. Cette pensée me valut un petit rire amusé.

- Je vous remercie d'accéder à ma demande Lord Sebastian, dis-je en avançant.

- Une seule, répondit-il immédiatement.

- Une seule quoi ? demandai-je surprise.

- Je ne ferai qu'une seule danse, précisa-t-il.

- J'en suis donc honorée, dis-je poliment.

Je rebroussai donc chemin rejoignant tranquillement la salle de réception où les danses continuaient. Je passai ainsi la porte, Lord Sebastian sur les talons. En un instant, je vis quelques changements. Déjà, Lady Charlotte en était clairement enchantée mais je vis l'étonnement chez Lord Henry. Si j'étais du genre à aimer les commérages, j'aurais pu y déceler un soupçon de jalousie, c'était d'ailleurs touchant.

- Tiens Sebastian, tu te décides à nous faire honneur? demanda Lady Mary en souriant au nouveau venu d'une manière plutôt mesquine.

- Certaines personnes sont très insistantes et visiblement, elles apprécient obtenir leurs souhaits, grommela Lord Sebastian.

Je le regardai immédiatement avec un petit soupçon de vexation à ce sujet. Je voulais simplement que tous les membres de la famille participent à cette tradition.

- Nous lui devons bien cela, avoua Lady Mary.

Je vis le regard de Lord Henry qui changea, comprenant sans doute ce que je voulais en l'amenant. J'étais impatiente d'attendre la danse suivante pour celle que je devrais faire avec Lord Sebastian. Quand le carillon qui finissait se termina, je le vis s'approcher de moi. Avant même que je ne réalise la situation, il me tendit une main poliment, que je pris d'ailleurs pour avancer. Du coin de l'œil, je vis Lady Charlotte foncer très rapidement vers le gramophone pour sélectionner une danse. Elle n'hésita pas longtemps pour enclencher la danse suivante. Cependant, dès les premières notes, je tournai la tête vers ma jeune maîtresse avec consternation.

- Quelle petite peste, marmonna Lord Sebastian.

Je ne pourrai clairement jamais dire quelque chose comme cela mais je n'en pensais pas moins en réalité. En effet, la jeune lady avait simplement sélectionné une valse. Une valse... Il n'était guère de danse plus gênante pour une jeune femme. En effet, à l'inverse de bien des danses qui se déroulaient dans ces bals, celle-ci si était fermée. Je devrais donc tenir Lord Sebastian et le fixer constamment, toute la durée du morceau.

- Je ne sais point valser, précisai-je alors à Lord Sebastian avec une certaine gêne.

- Je vous guiderai, j'y excelle, sembla-t-il amusé de préciser.

Je le vis donc se pencher vers moi, avec distinction, ce qui me fit sourire. J'y répondis immédiatement par une révérence comme il se devait avant de m'approcher. Je levais alors la main gauche qui finit doucement posée dans la paume droite de Lord Sebastian. Je sursautai légèrement quand sa main gauche se posa sur ma hanche droite mais je posai malgré tout ma main sur son bras. J'en voulais énormément à Lady Charlotte de s'être permise de me pousser à danser cela.

- La jambe gauche, précisa immédiatement Lord Sebastian.

Je relevai la tête vers lui quand d'un simple mouvement circulaire, il démarra par un départ à droite. J'essayai de le suivre mais j'avais quelques difficultés à cerner chaque pas mais heureusement ils étaient suffisamment répétitifs.

- Levez les yeux Annabelle, dit-il simplement.

Alors que je fixai nos pieds pour ne point marcher sur les siens, je relevai ceux-ci, croisant son regard hétérochrome. Je comprenais enfin pourquoi depuis l'apparition de la valse dans les bals, on considérait cette danse comme indescente. Déjà, nous nous touchions constamment et ensuite, nous devions nous regarder droit dans les yeux. C'était tellement différent des autres danses, plus intimes, plus rapprochées. Je comprenais que souvent, seuls les couples la dansaient. Je me sentis rougir en observant ses yeux plongés dans les mains, me donnant envie de regarder ailleurs.

- Vous faites preuve de beaucoup de précision pour une novice de la valse, dit-il tout bas.

Seigneur... Je m'étais rendue compte que je devais être la seule à entendre de tels propos, à cause de cette fameuse proximité d'ailleurs. Je baissai un peu la tête en marmonnant un remerciement.

- Vous auriez sans doute préféré effectuer cette danse avec mon neveu, dit-il soudainement.

- Non... Je... J'apprécie, dis-je alors en relevant la tête.

Alors que nous tournions, je me rendis compte que nous n'étions plus les seuls sur cette danse, Monsieur le Comte et son épouse nous ayant rejoints, de même que Lady Charlotte avec Lord Henry.

- J'ai rarement eu l'occasion d'avoir une partenaire si douée pour une première initiation, dit-il alors avec un sourire.

- Lord Sebastian..., marmonnai-je. Je comprends clairement le double sens de vos propos...

- Il n'y en avait pas, dit-il simplement.

Je le fixai alors dans les yeux quand il me fit tourner dans un plus grand arc de cercle. Son regard était bien différent de ces moments provocateurs habituels, plus naturels et sans aucun doute plus doux. Je me sentis immédiatement plus à l'aise en le suivant dans notre valse car pour une fois, il ne désirait que rendre ce moment intéressant.

- Vous avez dû avoir de nombreuses partenaires de valse, dis-je alors doucement.

- Mais aucune ne semblait si appliquée, dit-il doucement. Ma main gauche ne vous gêne pas trop ?

Je réalisai peut-être à cet instant la hauteur de sa main, juste sous la ligne de ma poitrine même si il était bien sur le côté. Ce contact n'était pas si dérangeant.

- Nullement, dis-je doucement. Et j'apprécie cette danse malgré notre proximité.

- Vous m'en voyez ravi, dit-il doucement. Je l'apprécie également.

- Tant mieux... Vous ne regretterez pas d'être venu, dis-je en souriant.

Plus la valse durait plus je prenais de l'assurance. Je pouvais désormais simplement le fixer sans le sentir gênée. Je ne comprenais pas pourquoi je me sentais à l'aise avec Lord Sebastian. Je l'étais presque plus que lors de ma danse avec Lord Henry, comme si c'était naturel. Je pus même me sentir suffisamment en confiance pour serrer suffisamment sa main droite. Je vis son regard glisser un instant vers cette même main avant de se reporter vers moi. Son regard semblait si pénétrant à cet instant que j'aurai pu croire que l'horrible vicomte que j'avais croisé dans la bibliothèque et celui avec qui je dansais étaient deux hommes totalement différents. Il me semblait si distingué que je n'aurai jamais pu croire que cet homme profitait d'une marquise si je ne l'avais pas de mes yeux vu. Il ressemblait presque à ces hommes si distingués de ces histoires que je lisais.

- C'est bien dommage, dit-il soudainement.

- Quoi donc? demandai-je surprise quand il tourna encore.

- Que je ne rencontre une telle jeune femme que si tardivement, fit-il tout à coup.

Je le regardai et j'étais convaincue que mes joues devaient désormais être totalement rouge. Il me complimentait avec une très visible sincérité et cela me faisait étonnement plaisir.

- J'ai du mal à croire que vous êtes le même que ce soir là, avouai-je gênée.

- Et pourtant, fit-il simplement.

- Pourquoi ? demandai-je alors tout bas en baissant la tête craignant une réponse.

- Vous sembliez si seule..., fit-il alors. J'avais espéré.

- Espéré ? dis-je surprise.

- Vous êtes intriguante, dit-il simplement. Je comprends l'intérêt d'Henry.

Je relevai doucement les yeux, croisant un regard empli de tendresse et cela me poussa à déglutir. Cet homme devait se sentir très seul en réalité, sachant que la mort l'attendait déjà. Je me souvins alors des propos de Lady Charlotte.

- Lady Charlotte m'a dit que vous aviez rencontré une femme auparavant, dis-je alors.

- Une femme ? demanda-t-il amusé.

- Vous m'avez comprise Lord Sebastian, dis-je alors. Une femme que vous avez aimé.

- C'était à sens unique, dit-il doucement.

- Elle était déjà mariée ? demandai-je quand même.

- Cela ne pouvait se faire, dit-il simplement.

- Puis-je savoir pourquoi ? insistai-je alors.

- Elle méritait mieux qu'un être tel que moi, répliqua Lord Sebastian.

Je le regardai alors attentivement, perdue par un tel propos. Se remémorer cela semblait compliqué pour Lord Sebastian.

- Je pense que vous auriez dû essayer, dis-je alors avec sincérité.

- Pardon ? demanda-t-il étonné.

- Je pense que si vous aimez quelqu'un sincèrement, vous pouvez être quelqu'un d'attentionné, lui signifiai-je alors.

- Sans doute, dit-il surpris.

- Je pense que c'est elle qui a raté sa chance d'être avec quelqu'un de protecteur et attentionné envers les gens auxquels il tient, assurai-je alors.

Lord Sebastian sembla immédiate touché de ce propos et il me sourit avant de me faire tourner encore une fois. Ensuite, nous ne nous adressâmes plus le moindre mot durant cette danse. Cependant, j'étais totalement plongée dans l'instant, appréciant de plus en plus chaque pas et même le contact avec Lord Sebastian. Je devrais même reconnaître que je me sentais bien. J'avais même fini par me plonger uniquement dans son regard, plus profond de secondes en secondes. Je me retrouvais même à espérer que cet instant ne s'arrête nullement. Lorsqu'il me sourit encore une fois, je me rendis alors compte que ma bouche me semblait extrêmement sèche. Je devais danser depuis trop longtemps. Soudain, Lord Sebastian s'écarta de moi et je le vis reculer et je me rendis compte que la valse était terminée. En le voyant faire une petite révérence à mon encontre et tandis que j'y répondai, j'eus le sentiment que cet instant avait été bien trop court.

- Vous êtes une merveilleuse danseuse, dit-il en me faisant un baisemain.

- Sachez que je ne regrette nullement être allée vous quérir pour que vous participiez, dis-je avec honnêteté. Merci pour cette danse.

- À votre service... Passez une bonne soirée Annabelle, fit Lord Sebastian en se redressant.

Je souris, touchée de sa gentillesse avant de rejoindre les autres domestiques. Il ne fallut guère longtemps pour que je sois assaillie par les autres bonnes.

- Tu valses si bien ! me fit Judith.

- C'était la première fois, dis-je honnêtement.

- J'aurais été totalement ridicule à ta place, me fit Agnes.

- Tu sais, c'est Lord Sebastian qui m'a guidée en réalité, dis-je quand même.

D'autres vinrent me complimenter alors que les maîtres prenaient congés. Je regardai Lord Henry s'éloigner et je lui souris en réponse à son propre sourire. Je sentis alors une main se poser sur mon épaule et je tournai la tête pour voir Myrtle se pencher vers moi.

- Cet échange de regards était impressionnant, on aurait dit que vous vous connaissiez depuis toujours avec Lord Sebastian, dit-elle amusée.

- Ho je... Il peut regarder quelqu'un avec intensité, dis-je en le cherchant.

Et je le vis, près de la porte et en train de me regarder. Il pencha simplement doucement ma tête et j'en fus touchée. Cependant, je me rendis compte que dans ma poitrine, mon cœur battait très vite, sans doute à cause de toutes ces danses. Il battait si vite que je n'entendis qu'à peine la petite boutade de Myrtle derrière moi et pourtant j'aurais peut-être dû.

- On aurait dit un couple qui s'ignore, fit-elle en riant.

Moi, j'étais juste un peu ailleurs pour mon premier bal dont je me souviendrai toujours.




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N.d.a : Le bal des domestiques existait bien, comme le montre entre autres la saison deux de Downtown Abbey. Et comme écrit dans ce chapitre, ce fut bien la Reine Victoria à qui les domestiques devaient un grand merci. Pour ceux qui l'ignorent on doit aussi le mariage en robe blanche à la Reine Victoria ( mais ce n'est pas particulièrement important dans notre cas). Pour la petite histoire dans la grande, ce fut au Château de Balmoral en Ecosse qu'eut lieu ce premier bal. Pour les férus de royauté britannique, c'est ce fameux château où feu La Reine Elizabeth II organisait ses étés ( et où elle faisait elle-même la vaisselle pendant que le Prince Philippe cuisait le repas au barbecue) et particulièrement des scéances de chasses avec une ribambelle de noble. Pour les fans de The Crown, on le voit souvent et particulièrement dans la partie avec Margaret Thatcher ( incarnée par Gillian Anderson) mais également dans le film Spencer ( avec Kristen Stewart magistrale en Lady Di même si particulièrement dépressive et dont seule l'interprétation sauve le film et lui ayant valu une nomination aux Oscars). Mais intéressons nous à l'époque de Victoria. La Reine et son époux Albert furent les premiers à désirer y résider, leurs prédécesseurs boudant généralement ce château absolument glacial ( et ses réveils de bon matin et en fanfare de cornemuses) et peu attrayant. Ils décidèrent d'ailleurs un été d'organiser un bal pour remercier leurs domestiques, et également les fermiers du coin, où eux-mêmes dansèrent avec la plèbe avant de les laisser s'amuser. Plusieures familles nobles reprirent cette tradition ( lèche-cul voulant se faire bien voir? Sans doute vu que beaucoup de maîtres traitaient leurs domestiques en esclaves) qui glissa assez rapidement vers les fêtes de fin d'années. Le contexte est expliqué dans le chapitre car oui on s'amuse mais on est quand même pas à la guinguette du coin alors on se tient bien. Explication claire? N'hésitez pas à me commenter ces explications.


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