Le Secret des Hayworth

Chapitre 11 : LEVER LE VOILE

7877 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 20/02/2023 09:44

LEVER LE VOILE


J'étais entourée de cette obscurité épaisse, me demandant où j'étais en réalité. Étonnamment, je ne sentais plus cette douleur dans mon dos qui m'avait tant brûlée. Désormais, mon dos était même sans doute parfaitement installé et à l'aise. Peut-être étais-je tout simplement au paradis. Et puis, quelques éclats de voix commencèrent à me parvenir.

- Comment est-ce possible ? demanda alors une voix masculine.

- Monsieur... Je suis navrée, s'excusa une voix.

- Elle aurait pu être blessée ! s'énerva la voix masculine.

- Calme toi, c'est fait, fit une autre voix masculine.

- Toi, je te jure que tu as intérêt à te taire, s'énerva la première voix.

- Vous pourriez arrêter de crier, vous allez la réveiller ! fit une voix féminine plus jeune.

Honnêtement, j'aurais dit que c'était déjà fait. Je dus cependant forcer mes pupilles à s'ouvrir tant elles étaient lourdes. Enfin, je pus voir un peu de lumière, avec difficulté cependant mais également découvrir une toile au plafond. En quelques secondes, je compris alors que ce n'était nullement un plafond mais le sommet d'un lit à baldaquin. J'étais donc sur un lit.

- Elle se réveille ! fit une toute petite voix féminine.

Et là, devant mes yeux, apparut la petite frimousse de Lady Sophie qui me souriait.

- Coucou! fit-elle à mon attention.

- Éloigne toi Sophie, fit alors la voix de Lady Charlotte. Je vais t'aider à te redresser.

Je sentis alors une main glisser sous mon dos et m'aider à me mettre dans une position plus assise, appuyée contre une tête de lit. Je vis Lady Charlotte me sourire et je compris immédiatement où j'étais : la chambre de celle-ci. Mais nous n'étions pas seules. Toute la famille Hayworth au grand complet était là, Lady Mary tenant son fils sur ses genoux, son époux marchant en tout sens dans la pièce et en colère. Lord Henry était appuyé sur un montant du lit et me fixait visiblement rassuré. Quant à Lord Sebastian, il était appuyé d'une manière assez détendue contre un mur. Mais il y avait également Carl et Sophronia, cette dernière en larmes.

- Que s'est-il passé ? demandai-je intriguée.

Je devais avoir rêvé toute cette histoire, ce n'était pas possible autrement. C'était bien ce que je me disais quand mes yeux se posèrent sur la coiffeuse de ma jeune maîtresse. Je me redressai immédiatement du lit, prenant presque la fuite car il y avait cette petite femme qui m'avait intimé de prendre la fuite.

- Annabelle, calmez vous, fit la voix de Lord Henry.

- Tout ça... Tout ça... Est réel ? demandai-je choquée.

- Tu as fait une mauvaise chute, dit alors Lady Charlotte.

Je regardai Lady Charlotte choquée avant de pointer la coiffeuse pour lui signifier la présence de la petite femme quand je réalisai qu'elle avait disparu.

- Non... Il y avait quelque chose, près de la rivière... Elle allait attaquer Lady Sophie, dis-je choquée.

- Tu es tombée dans l'escalier, fit Lady Charlotte. Tu as dû faire un cauchemar.

- Mais non ! me défendis-je en regardant tout le monde.

Je vis que Lord Sebastian semblait excédé de mon incompréhension et de mon comportement. Sophronia était encore en larmes et j'avais la confirmation que Lady Sophie avait été en danger et que sa gouvernante avait déjà été réprimandée. Et je me souvenais de ce que j'avais vu.

- Là bas... Il y avait un... Un Tailleur, avouai-je alors.

- Qu'est-ce donc? me demanda Lady Charlotte.

- La chose dont vous m'avez protégée, dis-je immédiatement. Vous... Ce livre est-il réel ?

Je vis immédiatement Lord Jonathan se figer et me fixer attentivement, comme inquiet.

- De quel livre parlez-vous ? demanda Lord Jonathan.

- De...

- On va y passer la nuit? demanda sèchement Lord Sebastian. Annabelle retournez sur le lit, ce tailleur a bien failli vous tuer.

Monsieur le Comte se retourna vers son frère en colère visiblement, tandis que je me dirigeais vers le lit pour m'asseoir, aidée par Lady Charlotte.

- Je peux savoir comment cette jeune fille est au courant pour les Tailleurs ? demanda Jonathan en s'approchant de son frère.

- Il se peut qu'elle ait mis la main sur un certain livre dans une certaine bibliothèque et laissé là par une certaine personne, s'amusa Lord Sebastian.

- Je te jure que je devrais te le faire payer, s'énerva Monsieur le Comte.

- Mon époux, calmez vous, fit alors Lady Mary en s'approchant de son mari après avoir déposé son fils.

- Alors... Tout est vrai ? Vous êtes des Vicissiens ? osai-je demander inquiète.

Tout le monde me regarda avec visiblement un certain malaise. Je n'aurai clairement pas dû en entendre parler de cette histoire. Je vis Lady Charlotte essayer de me toucher le bras avec sa main mais je me souvenais de ce que j'avais vu et je me suis reculée pour m'éloigner un peu.

- Annabelle..., marmonna Lady Charlotte visiblement triste.

Je vis immédiatement Lady Mary s'approcher du lit et s'y asseoir avec douceur pour me regarder tendrement. Je m'en suis alors immédiatement éloignée.

- Ma chère enfant... Vous avez lu l'histoire de Dreemia n'est-ce pas ? demanda-t-elle doucement.

- Oui... J'en suis navrée Madame la Comtesse, dis-je alors ne sachant pas vraiment quoi répondre.

- Vous savez donc que les Vicissiens ne peuvent vivre plus de trente ans que sous une certaine condition? demanda Madame la Comtesse en me souriant.

Je m'étais alors rappelée que oui, ils ne pouvaient vivre plus de trente que dans l'éventualité où ils rencontreraient une certaine forme d'amour. Sachant pertinemment que Lord Jonathan était bien plus âgé, mon cerveau fit immédiatement l'addition.

- Vous êtes humaine ? demandai-je quand même.

- Oui... Je comprends que cette situation soit à part, précisa Lady Mary. Mais sachez que ma famille est sous le pacte avec Sa Majesté La Reine Victoria.

- Mais..., dis-je en regardant attentivement Lady Charlotte. Vous m'avez sauvée, dis-je alors.

Je vis alors immédiatement que Lady Charlotte ne se sentait sur l'instant nullement à l'aise, hésitante même. Je me demande bien pourquoi et soudain, je me souvins de ma lecture. Je la regardais attentivement car je m'étais souvenue que les femmes étaient plutôt capables de voir l'avenir.

- Votre bras, dis-je en regardant Lady Charlotte.

- Oui... C'est le don des Vicissiens, m'avoua la jeune Lady.

- Mais... Vous êtes une femme, dis-je bêtement.

- Je sais..., marmonna Lady Charlotte en regardant son père.

- Charlotte est la première d'entre nous capable de faire comme les mâles, dit alors Lord Jonathan.

- Mais comment est-ce possible ? demandai-je alors.

- Je n'en ai pas plus la réponse malheureusement, avoua Monsieur le Comte.

- Mais est-ce pareil avec Lady Sophie ? demandai-je en regardant la plus jeune des filles.

- Ma fille a des visions, comme toutes les femmes, précisa Lady Mary.

- Cela explique qu'elle ait pu voir ce qui allait se passer, dis-je en me rendant cependant compte de l'énormité de la situation. Mais que s'est-il passé ensuite ?

Lady Charlotte qui avait donc été présente au moment des faits me résuma rapidement que Namia s'était rendue dans sa chambre, elle-même ayant entretenu le même type de lien avec la petite gnome.

- Malheureusement, il était très fort, m'expliqua alors Lady Charlotte qui m'expliquait.

- Et est-ce vous Monsieur le Comte qui êtes venu à notre secours ? demandai-je en regardant le patriarche de la famille.

- Non, Namia m'a prévenu en dernier, avoua Lord Jonathan.

- Vous avez de la chance Annabelle, fit alors Lord Sebastian dans son coin. Mon cher neveu est arrivé à temps à votre secours.

Je regardai Lord Sebastian avant de fixer immédiatement Lord Henry. Je l'ai alors regardé avec reconnaissance.

- Je vous en suis extrêmement reconnaissante Lord Henry, mais vous n'étiez pas obligé de prendre tant de risques pour moi, précisai-je.

- Je... C'était normal, fit alors Lord Henry. Nos origines vous ont mise en danger.

Je pus alors avoir le loisir de remarquer que les membres de la famille se regardait attentivement, comme si ils me cachaient quelque chose. Je fus alors saisie d'une angoisse, me souvenant d'un propos de Lady Charlotte même si à cet instant là, j'étais quelque peu embrumée.

- Je crois vous avoir entendue parler de venin, Lady Charlotte.

- Ne vous inquiétez pas Annabelle, me fit rapidement Lady Mary toujours assise sur le lit. Nous avons quelques onguents qui ont pu vous soign...

Alors que Lady Mary me répondait, la porte de la chambre s'ouvrit à la volée, légèrement fortement. Je vis alors apparaître Passminder qui se sentit gênée.

- J'ai oublié de frapper, dit-elle rapidement. Ho elle est réveillée.

- Bon... Bonsoir, hésitai-je un instant.

- Les gnomes se sont chargés du corps du tailleur, comme tu l'as demandé Sebastian, fit Passminder au lord.

- Bien, inutile de laisser des morceaux, fit simplement ce dernier.

- Passminder sait pour vous? demandai-je sans hésiter.

- Il s'avère que cette jeune fille est l'une des nôtres, précisa Lord Henry en me souriant.

Je regardai celle-ci choquée du propos et inconsciemment, j'ai regardé Lord Sebastian. J'avais une question à poser mais elle serait bien impolie.

- Qu'y a-t-il jeune fille ? demanda Lord Sebastian en s'approchant.

- Passminder est-elle votre fille? demandai-je intriguée.

- Non!!! me fit alors Passminder en riant. Il s'avère que l'un d'eux ait voyagé en Inde et quelques décennies plus tard, je suis née... C'est comme ça.

- Ho..., dis-je en voyant soudainement une tasse de thé apparaître devant moi.

Je levai immédiatement la tête vers la personne m'offrant ce breuvage et je vis Carl penché vers moi.

- Vous aussi? demandai-je intriguée.

Si ils étaient là, c'était peut-être qu'effectivement eux-mêmes étaient des Vicissiens. Au point où j'en étais, tout était possible. Je vis alors Carl fixer Monsieur le Comte qui hocha doucement la tête.

- Moi et Sophronia venons également de Dreemia mais nous sommes des Rocheux, nous avons décidé de servir les Hayworth en tant que soutien dans leur devoir, me précisa Carl avec délicatesse.

- C'est d'ailleurs moi qui t'ai mis l'onguent et me suis occupée de te changer, ta robe de nuit est d'ailleurs en lambeaux, me précisa Sophronia.

Je baissais alors les yeux vers celle que je portais et effectivement, elle était de bien meilleure facture que la mienne. J'allais poser la question de son origine quand je vis Lady Charlotte pencher doucement la tête en me souriant. Je venais de comprendre.

- Je suis navrée Mademoiselle, dis-je alors.

- Ce n'est rien, c'est un cadeau pour avoir sauvé ma sœur, dit-elle avec douceur.

- Je vous remercie encore... Mais... Qu'est un Rocheux? demandai-je alors.

- Je... Te montrer sera plus rapide, me fit alors Carl.

Et là, sa peau commença à changer doucement pour prendre une teinte plus sombre. Elle se craquela également et je compris qu'ils pouvaient changer leurs peaux pour prendre l'apparence de la pierre. Sa peau redevint rapidement normale.

- Nous avons décidé de servir la famille, précisa Sophronia. Comme Constance.

- Miss Grint aussi? demandai-je choquée. Et... Et tous les autres ?

- Seuls ces trois là proviennent de Dreemia, me précisa avec sa douceur habituelle Lady Mary. Constance l'est car je suis humaine et que je pourrais avoir besoin de protection. Monsieur Caldwell et Miss Robbins savent ce que nous sommes mais ils sont les seuls... Avec vous.

- Ho..., dis-je gênée d'être au courant.

- Carl, Sophronia, emmenez les petits dans leurs chambres, précisa Monsieur le Comte. Passminder retournez dans la vôtre. Namia, rentrez chez vous.

Je regardai Monsieur le Comte avec circonspection et inquiétude alors que les receveurs d'ordre obéissaient les uns après les autres. Je vis même la petite Namia me faire signe de la main avant de disparaitre. Je regardai avec des yeux ronds l'endroit vide où elle se trouvait quelques instants plus tard.

- C'est impossible..., dis-je alors légèrement engourdie de toutes ces informations.

Je vis alors Lord Sebastian faire le tour du lit et tendre la main vers moi. Je sursautai de son approche, inquiète pour être honnête mais son regard sévère me poussa à ne plus bouger. Il posa simplement le plat de sa main dans mon dos et se redressa en me tendant une flasque.

- Votre dos va bien, mais vous devriez boire ceci, dit-il simplement.

Me disant qu'il était désormais inutile de dire quoique ce soit de plus, j'obéis. À l'instant même où le liquide à l'intérieur de la flasque métallique tomba au fond de ma gorge, je commençai à m'étrangler et à tousser.

- Que lui avez vous donné mon oncle? demanda Lord Henry extrêmement méfiant et attrapant la flasque pour la renifler.

- Ce n'est que du scotch, précisa-t-il mesquinement.

- Mais es-tu fou? demanda Lady Mary choquée.

- Elle a besoin de quelque chose de plus fort que du thé, ne commencez pas à jouer les bien-pensants, cela me désappointe déjà, rétorqua Lord Sebastian.

Je regardai celui-ci choquée avant de réaliser à quel point Lord Henry semblait inquiet pour moi.

- Je vais bien, murmurai-je à son attention.

- J'en suis rassuré, me dit-il tout bas.

Je lui souris, à lui mon sauveur qui avait risqué sa vie pour moi. J'en devais bien évidemment tout autant à Lady Charlotte. Les deux enfants Hayworth s'étaient battus pour me défendre, même si ils sauvaient également Lady Sophie. Je ne savais plus où me mettre en réalité, trop reconnaissante et évidemment bien trop gênée. Je vis, ou plutôt j'entendis Lord Sebastian saisir une chaise et s'installer dessus tandis que Monsieur le Comte faisait de même. Qu'allait il se passer? Je n'en savais rien mais ce fut Lady Mary qui rompit le silence.

- Annabelle..., commença Lady Mary avec hésitation. Vous comprenez bien que cela ne doit pas s'ébruiter?

- Je comprends parfaitement Madame, dis-je honnêtement. Je serai parfaitement muette à ce sujet.

- Nous devons vous préciser qu'en réalité, vous n'êtes pas la seule humaine au courant, avoua Lord Jonathan.

- Je suppose que certaines personnes servant les Hayworth l'ont appris, ainsi que Sa Majesté La Reine Victoria..., murmurai-je.

- Ainsi que quelques autres nobles qui le découvrirent au fil du temps, avoua Lady Mary. Ma famille l'ignore totalement par exemple.

- Je comprends Madame, dis-je avec solennité.

- Ne vous accablez pas Annabelle, me fit Lord Henry. Nous ne pouvons que vous être reconnaissante d'avoir sauvée Lady Sophie au péril de votre vie.

- J'avouerai que j'ignorais me retrouver devant une telle créature, dis-je alors. Je craignais que Mademoiselle Sophie ne se noie.

- Elle a échappé à la vigilance de Sophronia, marmonna Monsieur le Comte.

- Cessez de vous en prendre à Sophronia, le réprimanda Madame son épouse. Vous savez qu'elle aussi a besoin de repos et que ces petits commencent à être plutôt épuisant.

- Je n'aurais jamais dû laisser Sophie rencontrer Namia, s'excusa Lady Charlotte.

- Ne regrette jamais rien Charlotte, lui affirma son oncle.

- Sebastian... Tu es prié de conserver ce genre de commentaires pour toi, lui assura son frère.

- Tu rends tes enfants bien trop doux, et tu ne songes même pas à enseigner nos arts à Charlotte, se vexa Lord Sebastian.

- Si Oncle Sebastian ne m'avait rien appris je n'aurais jamais pû aider Annabelle ! assura Lady Charlotte.

- C'est trop dangereux Charlotte, lui assura Lord Henry. Les blessures sont courantes contre les Tailleurs ou les Longs Bras.

Les Longs Bras... En entendant ces mots, je regardai immédiatement Lord Sebastian en émettant un petit cri de stupeur. Tout le monde tourna la tête vers moi, coupé au beau milieu de leurs conversations.

- Pardon..., dis-je gênée.

- Que se passe-t-il ? demanda Lady Mary inquiète.

- Lorsque nous nous rendus au théâtre... Près de la route, j'aurais juré avoir vu un homme quelque peu étonnant mais maintenant... Je pense qu'il s'agissait d'un Long Bras même si je n'en ai jamais vu, dis-je alors.

- Cela en était un, m'assura Lord Sebastian me surprenant.

- Le parfum que tu m'as vue utiliser est en fait constitué d'extraits floraux qui servent d'appât... Il nous a suivi, précisa Lady Charlotte.

Je regardai celle-ci complètement choquée de l'information avant de tourner brusquement ma tête vers Lord Sebastian.

- Vous vous étiez battu ? demandai-je immédiatement.

- Devinez Annabelle, me dit-il mesquin.

- Tu t'es battu en plein milieu d'Havenport ? Tu es devenu complètement fou? s'offusqua Lord Jonathan.

- J'ai été discret, grommela Lord Sebastian.

- Mais vous aviez donc bien été blessé ? demandai-je inquiète pour Lord Sebastian.

- Nullement... Un peu sale tout au plus, me répondit Lord Sebastian.

- Mais vos saignements de nez? dis-je bêtement.

Je vis le visage de Lady Charlotte s'assombrir immédiatement en entendant cela et Lord Henry regarda son oncle avec gêne avant de me fixer. Je me demandais ce que je n'avais nullement saisi.

- Tu as lu toute la légende des Vicissiens ? me demanda Lady Charlotte.

- Oui..., dis-je en essayant de m'en souvenir car avec le stress et le traumatisme de la soirée, ce n'était guère aisé.

- Vous souvenez-vous des restrictions ? me demanda Lady Mary.

- Je..., dis-je en y réfléchissant. L'âge limite? demandai-je immédiatement.

- Et oui, je suis comme un produit de consommation, totalement périssable, fit soudainement Lord Sebastian en souriant.

- Oncle Sebastian ! Ne dis pas ça ! s'énerva Lady Charlotte.

Je regardai celle-ci surprise et je vis sa main tremblante. Je savais qu'elle adorait son oncle et désormais je comprenais pourquoi. Malgré que cela soit gênant, j'ai saisi la main de Lady Charlotte pour la rassurer.

- Mais..., hésitai-je alors.

- N'ayez point pitié de moi, je m'en passerai totalement, me fit Lors Sebastian.

- Mais vous avez... Des relations intimes pourtant, dis-je avec gêne.

- Amour et sexualité ne rime pas, fit-il en riant.

- Sebastian, puis-je te rappeler que mes enfants sont dans la pièce ? demanda Lady Charlotte.

- Ho c'est de leur âge, dit-il simplement. N'est-ce pas Henry?

Je regardai Lord Henry qui me fixait avant de détourner le regard, me poussant à faire de même quelque peu gênée.

- Sebastian..., grommela Lord Jonathan.

- Mais... N'y a-t-il pas de risque qu'un enfant naisse? demandai-je intriguée.

- Tant qu'il n'y a pas cette étrange relation créée, un Vicissien ne peut avoir de descendants, dit-il en me souriant.

- Ho... Donc Passminder..., hésitai-je.

- Visiblement, dit alors simplement Lord Sebastian. Cela ne semblait pas pour moi.

J'en fus étonnement triste pour lui. Soudain je sentis quelque chose tomber sur ma main et je compris qu'il s'agissait d'une larme de Lady Charlotte dont je tenais toujours la main.

- Charlotte, murmura son frère.

- C'est injuste..., marmonna cette dernière.

- Notre vie est injuste, précisa Lord Sebastian.

- Elle ne devrait pas l'être, dis-je alors en surprenant tout le monde. Vous affrontez de terribles ennemis si j'ai bien compris, ces restrictions...

- Elles sont faites pour défendre les humains, me précisa Lady Mary. Vous les voyez distingués mais leurs ancêtres l'étaient beaucoup moins.

- Oui, ils pourraient s'en prendre aux humains d'après cette histoire... Mais pourquoi le Tailleur était si près ? demandai-je ensuite.

- Cela est assez logique, me précisa Monsieur le Comte. Le Manoir Hayworth se trouve à proximité d'un passage entre les mondes, pour que nous puissions le surveiller.

- Mais... Pourquoi avoir ce livre? demandai-je ensuite. Il révèle tout.

- Il est assez peu probable que quiconque prenne ces récits pour argent comptant, m'avoua Lord Jonathan. Cependant, il est aussi conçu pour mettre les êtres aimés sur la piste de la compréhension de notre existence. Comme vous l'avez lu grâce à Sebastian, il faut que nous soyons acceptés.

Je l'avais bien lu en effet, l'être aimé devait être au courant de ce qu'ils étaient pour que leur malédiction soit réellement levée.

- Mais vous pouvez tout créer ? demandai-je ensuite avant de me rendre compte que j'étais quelque peu insistante. Pardonnez-moi mes indiscrétions.

- C'est assez normal, précisa Lady Mary. Nous comprenons que vous vous posiez beaucoup de questions. J'ai moi-même passé bien des heures à questionner mon époux.

Je souris de savoir que cela ne me rendait nullement inconvenante. Bien évidemment, il était logique que ma réaction soit celle-là, tout cela étant plutôt incongru même si le mot était faible.

- Nous pouvons créer ce dont nous avons besoin, me précisa Lord Henry. Cependant, pour affronter les êtres de Dreemia, nous finissons par créer une forme avec laquelle nous sommes à l'aise.

- Moi, je crée un arc, me précisa Lady Charlotte. Père transforme ses mains en griffes comme un fauve.

Je regardai Lady Charlotte avec amusement, me rappelant en effet que cette dernière avait quelques trophées à son actif dans cette discipline. Je me demandais juste ce qui était venu avant, sa capacité ou ses trophées, l'une des possibilités ayant obligatoirement influencé la seconde. Je regardai alors vers Lord Henry, attendant patiemment que ce dernier m'énonce sa propre création mais il ne semblait nullement enclin à le dire, ainsi devais-je donc prendre les devants.

- Et vous Lord Henry, je n'ai point eu l'occasion de le constater lorsque vous m'avez sauvée, je n'étais pas très en état, assurai-je.

- Ho... Oui, évidemment..., hésita Lord Henry.

J'entendis alors le rire sardonique de Lord Sebastian et le vit se lever du lit pour poser sa main sur l'épaule de son neveu.

- Peut-être a-t-il honte? proposa Lord Sebastian. Sachez qu'il correspond parfaitement à la situation de chevalier servant pour votre honneur Annabelle.

- C'est à dire ? demandai-je après avoir sans doute quelque peu rougi.

Je pouvais cependant remarquer l'étonnement des autres Hayworth qui regardaient Lord Sebastian avec circonspection. Son comportement était pourtant égal à lui-même, ils ne devraient pas être si étonné.

- Mon cher neveu crée une épée, fit enfin Lord Sebastian.

- Ho cela doit être impressionnant, dis-je alors attirant le regard de Lord Henry. Puis-je... Puis-je voir cela? Si cela n'est point gênant ?

Soudainement, Lord Henry regarda Monsieur le Comte avec inquiétude. Peut-être les Hayworth n'aimaient nullement montrer cela aux étrangers, rappel qu'ils n'étaient nullement de notre monde.

- Je vais le faire, fit alors Lord Sebastian en remontant les manches de sa chemise.

- Tu es sûr Sebastian ? demanda alors Monsieur le Comte.

- Autant qu'elle garde une image héroïque d'Henry, fit-il avec amusement. De moi, elle n'a pas une image enchanteresse alors cela ne pourra pas la choquer.

Lady Mary sembla immédiatement comprendre ce propos et malheureusement, je devais confirmer qu'il n'avait pas tort. Je n'avais pas une image faussée de Lord Sebastian. Je savais qu'il était capable du pire. J'entendis un petit bruit comme celui d'une déchirure et je vis avec horreur la chair de l'avant bras de Lord Sebastian s'écarter doucement alors qu'une pointe à la fois blanche et rougeâtre en sortait. Petit à petit, cette pointe continua à grandir, sortant de l'avant-bras en formant peu à peu un arc de cercle. Cet os était rougi par le sang de Lord Sebastian et je crus même discerner une légère odeur de cuivre à moins que ce ne soit mon imagination. Enfin, l'os recourbé dépassa le coude de Lord Sebastian et cessa de grandir.

- Voilà ma préférence, fit Lord Sebastian.

J'esquissai alors une petite grimace de dégoût en observant cet os gigantesque. Je pus remarquer le visage de Lady Mary et elle ne semblait guère y être habituée pour autant.

- Nous sommes bien des monsters, guère plus reluisant que les Tailleurs, me fit Lord Sebastian.

Je le regardai immédiatement en ouvrant la bouche. Je ne pensais nullement cela en réalité.

- Lord Henry m'a protégée comme Lady Charlotte, à mes yeux cela n'est point le signe d'un monstre, dis-je avec empressement.

- Mais cela vous dégoute, fit Lord Sebastian.

- Non... Légèrement peut-être, concédai-je malgré tout. Je pense que c'est ce sang... Cela vous fait-il mal?

- La première fois cela fait toujours mal, fit-il avec un sourire mesquin qui fit soupirer Monsieur le Comte. Mais là un peu car je l'ai sorti lentement pour ne pas vous effrayer, sinon c'est assez rapide.

- Cette arme est-elle tranchante ? demandai-je ensuite.

- Plus que bien des épées, précisa Lord Henry en me souriant de manière rassurante.

Au vu de l'efficacité sur le Tailleur, même si je ne l'avais qu'entraperçue, je n'en n'avais nul doute.

- Puis-je la toucher Lord Sebastian? demandai-je encore complètement mue par ma curiosité.

- Ho ce que j'aime cette question, fit alors Lord Sebastian en ricanant doucement

- Sebastian ! le réprimanda Lord Jonathan.

Je me rendis compte du propos sous-jacent qu'impliquait la réponse de Lord Sebastian et je m'en sentis bien honteuse. Cependant, il approcha alors sa lame de moi et je sentis immédiatement, par instinct vraisemblablement, que cette arme était dangereuse. Je levai alors la main doucement et effleura cette lame du bout du doigt.

- Cela ressemble à de l'ivoire, dis-je surprise. Bien plus qu'à un os en réalité...

- Les os des Vicissiens sont un mélange des deux matières, dit alors Lord Henry gêné.

- Je suis quelque peu perdue, dis en essayant de sourire malgré tout.

- Cela est tout à fait normal mon enfant, fit Lady Mary. Sebastian range cela s'il-te-plaît.

La lame sortie du bras de Lord Sebastian y rentra alors en un éclair, sans laisser la moindre trace de son existence.

- Cela est-il toujours attaché? demandai-je quand même.

- Non, nous pouvons les détacher mais également les... Reprendre ? proposa Lady Charlotte perplexe.

- Mais cela continue d'exister loin de vos corps? insistai-je.

- Aussi indéfiniment que de l'ivoire, me précisa Lord Henry.

- C'est assez impressionnant, dis-je alors avec perplexité. Mais cela m'est également très étrange.

Je remarquai alors que Lady Mary semblait quelque peu hésiter à prendre la parole. Elle regardait en effet vers les autres membres de la famille avec appréhension. À mon plus grand étonnement, ce fut finalement Lord Jonathan qui prit la parole.

- Mademoiselle Rivers, me fit solennellement Monsieur le Comte.

- Oui Monsieur ? demandai-je alors toujours un peu gênée de ma situation.

- Il est important d'éclaircir un petit point, me dit-il soudainement.

- Je vous écoute, dis-je avec inquiétude.

- La décision vous revient, me fit il alors.

- Veuillez m'excuser Lord Jonathan mais je ne comprends guère de quelle décision vous semblez me parler, dis-je honnêtement.

- Nous pourrions comprendre que cette découverte vous laisse perplexe, fit enfin Lady Mary.

- C'est le cas... J'ai encore beaucoup de mal à comprendre la situation et ce que j'ai découvert, dis-je immédiatement en réponse à sa perplexité.

- Justement..., fit-elle en soupirant. Nous pourrons comprendre que cette découverte provoque chez vous une quelconque déconvenue. Nous comprendrions naturellement que, le cas échéant, vous désireriez quitter notre service.

- Ho... Je n'avais pas envisagé de...

- Laissez moi parler je vous prie, dit alors Lady Mary m'interrompant dans ma lancée. Dans cette éventualité, nous comprendrons parfaitement. Cela sera naturellement possible, vous recevrez donc deux mois de gages ainsi qu'une lettre de recommandation qui pourrait même vous permettre de travailler pour Sa Majesté La Reine Victoria, à la seule et unique condition que le secret sur la nature de mes proches et particulièrement de mes enfants ne soit jamais éventé par vous.

- Madame... Je ne songe pas quitter le service de la famille Hayworth, dis-je alors surprenant un peu la famille. Cette information est certes déconcertantes mais j'ai réellement apprécié d'avoir commencé à travailler pour votre famille et particulièrement pour Lady Charlotte. Connaissant désormais... Votre secret, je pourrais largement mieux préparer Lady Charlotte sans jamais relever d'autres détails.

- Je savais que tu ferais une bonne ladyroom, me fit alors Lady Charlotte.

- Charlotte, s'il-te-plaît, la réprimanda son père.

- De même, vous ne devrez jamais évoquer cela auprès des autres membres de la maisonnée, reprit Lady Mary ignorant la réprimande. Même si Carl et Sophronia pourront veiller à cela, de même que Miss Robbins et Monsieur Caldwell. Les autres membres l'ignorent pour la plupart et cela doit rester comme cela.

- Mais à part la famille royale... Quelques personnes sont-elles au courant de vos existences ? insistai-je complètement perdue dans tout ça.

- Quelques familles nobles, servant principalement la famille royale mais tous leurs membres ne le savent pas, dit alors Lord Henry. De même une autre famille est constituée de Fiers, ceux-ci ressemblant malgré tout à des humains, ils gardent effectivement un aspect plus passe-partout. Mais il y a également d'autres Vicissiens, descendant de nos ancêtres mais n'étant plus des Hayworth.

- Le cas de Passminder en est la preuve, dis-je confirmant le propos.

- Passminder est réellement à part, nous ignorions l'existence d'une lignée de Vicissiens s'étant exilée en Inde, m'avoua soudainement Lord Sebastian. Cela implique la possibilité d'autres d'entre nous... En espérant naturellement qu'aucune espèce plus belliqueuse n'ait fait de même que nous.

- Attendez Lord Sebastian, dis-je en agitant les mains nerveusement. Vous êtes en train de me dire que vous ignorez totalement si des Tailleurs, des Groins ou des Longs Bras ont accompli le même genre d'actes que vous?

- Vous avez bien mémorisé ce livre, fit alors Lord Jonathan en regardant son frère qui allait sans doute subir une forme de courroux. Effectivement... Au fil des siècles les humains se sont sans doute montrés aussi belliqueux que nous et cette éventualité est prise en compte par nos soins depuis longtemps.

- D'accord... Lord Henry? demandai-je alors tout à coup avec une forme d'inquiétude.

- Que se passe-t-il ? demanda-t-il soudainement inquiet. Vous avez à nouveau mal au dos? Le venin pourrait encore faire effet...

- C'est ce que l'on appelle une inquiétude profonde, fit Lord Sebastian en riant et buvant dans sa flasque.

Ce propos sembla gêner Lord Henry et j'en fus d'ailleurs tout autant gênée moi-même. Effectivement, Lord Henry semblait trop s'inquiéter pour moi.

- Je vais bien, je peux vous l'assurer, dis-je avec un sourire. Je me demandais si... Si Lady Swan est au courant ?

- Non, elle ne l'est pas, fit-il immédiatement.

J'entendis Lord Sebastian ricaner dans son coin, devant vraisemblablement estimer que ma question était intéressée. Mais peut-être l'était elle d'ailleurs, mais ce n'était que par acquis de conscience que je l'avais demandée.

- D'accord... Je dois donc faire attention à celle-ci, dis-je alors.

- Bien, fit alors Lady Mary en se levant soudainement. Pour cette nuit, nous vous permettons de partager le lit de Charlotte.

Je regardai cette dernière qui en semblait bien amusée. À croire que cette soirée n'avait pas été si particulière.

- Mais pourquoi Madame? Attention j'en suis flattée mais je n'en comprends pas la raison, dis-je immédiatement.

- Miss Robbins nous tient informés des allées et venues de chacun des membres du personnel, vous comprenez sans doute pourquoi, fit Lady Mary alors que je confirmai d'un léger mouvement de la tête. Elle nous a donc précisé hier matin que votre amie Agnes partait chez ses parents donc elle ne pourra nullement remarquer votre absence. Ensuite, nous préférons que Charlotte veille sur vous le reste de la nuit, sait-on jamais. Passminder viendra vous apporter des vêtements très tôt demain et vous pourrez commencer vos tâches avec notre fille.

- Bien Madame, dis-je en comprenant que cela consistait en mes fonctions.

- Naturellement, nous comprendrons qu'avec toutes ces émotions, vous désiriez dormir plus tardivement, me fit Lord Jonathan. Dormir dans cette chambre permettra de n'éveiller aucun soupçon si cela a lieu.

- Effectivement, dis-je avec compréhension. Je vous remercie encore tous de ces attentions et je désire encore m'excuser d'avoir provoqué tous ces remous.

- Nous vivons en sachant pertinemment que des risques existent, nous vous préciserons également certaines informations sur les implications, me précisa Lord Jonathan.

- Bien Monsieur le Comte, dis-je poliment et servilement.

- Désirez vous une augmentation ou une contrepartie pour tout cela? me demanda immédiatement Lady Mary.

- Ho non Madame, je suis très satisfaite du montant de mes gages, dis-je touchée.

- Bien nous allons vous laisser prendre un repos bien mérité, fit Lord Jonathan en se dirigeant vers la porte. Charlotte, je te prie de ne pas l'empêcher de se reposer.

- Oui Père, confirma la jeune lady.

Les membres de la famille se mirent à quitter la pièce un par un mais Lord Henry s'arrêta un instant.

- Si vous avez besoin n'hésitez pas, dit-il doucement. Je ne suis pas loin.

- Merci Lord Henry, dis-je avec un grand sourire.

Ce dernier sortit ne laissant ainsi que Lady Charlotte et Lord Sebastian dans la pièce. Je regardai d'ailleurs ce dernier avec une drôle d'impression.

- Que se passe-t-il Lord Sebastian ? demandai-je en le regardant.

- Je voulais vérifier un détail, pourriez vous me tourner le dos après vous être levée, dit-il simplement.

- Oui..., dis-je surprise mais en obéissant.

Je me levai donc du lit et je lui tournai le dos, tombant nez à nez avec Lady Charlotte qui posa ses mains sur mes épaules. Je la regardai angoissée et encore plus quand je sentis les doigts de Lord Sebastian attaquer les rubans qui fermaient ma chemise de nuit.

- Il vérifie simplement ta blessure, dit-elle avec un sourire.

C'était une information que j'aurais bien voulu avoir avoir, pour éviter une réaction quelque peu effrayée surtout devant Lady Charlotte qui devait encore ignorer ce qu'il s'était passé. Je sentis le froid dans mon dos, ma peau nue s'étant ainsi révélée à Lord Sebastian. Je sursautai malgré tout quand je senti son dos parcourir mon dos depuis mon épaule droite vers ma hanche gauche.

- Est-ce horrible ? demandai-je en essayant de tourner la tête.

Je tombai ainsi sur les yeux hétérochromes de Lord Sebastian, plus doux qu'à leur habitude.

- Cela ne sera pas très marqué mais il en restera tout de même une, dit-il doucement en refermant lentement ma chemise de nuit.

- Comme les vôtres ? demandai-je alors.

- Quand as-tu vu les cicatrices de mon oncle? demanda immédiatement Lady Charlotte en me faisant me sentir honteuse.

- Nous nous sommes croisés dans la bibliothèque, fit Lord Sebastian. Je dors sans chemise.

Lady Charlotte eut l'air compréhensive et moi, j'en fus génée malgré tout. Je tournai encore ma tête vers Lord Sebastian qui semblait réellement plus doux qu'à son habitude.

- Lord Sebastian ? l'interpellai-je alors quand il eut finit.

- Oui? demanda-t-il surpris.

- Dans le livre... Deux Yeux avait la même caractéristiques que vous... Cela implique que vous êtes également..., hésitai-je alors soudainement.

- Plus dangereux que les autres membres de la famille ? Oui, me répondit-il amusé.

- D'accord..., dis-je un peu inquiète.

- C'est pour cela que je suis celui qui voyage et traque d'autres espèces de Dreemia, grâce à des témoignages ou des écrits surprenants envoyés par des ambassadeurs dans les territoires du Commonwealth, dit-il doucement.

- Cela doit être très risqué, dis-je alors.

- Le danger est amusant, dit-il simplement. J'ai rencontré des gens intéressants également comme Lady Fullton... Elle serait fière de votre courage envers ma chère nièce.

- Merci Lord Sebastian, dis-je touchée du propos.

- Mon frère et Mary font bonne figure mais ils étaient inquiets au plus haut point, ils vous sont très reconnaissants, dit-il ensuite. Et Henry semble ravi que vous ne quittiez pas le manoir.

Je me sentis immédiatement rougir à ce propos, surtout à cause du ton utilisé, assez équivoque. Il se recula enfin et je le regardai attentivement. Il avait encore dû saigner du nez, un peu de sang figurant bien sur sa chemise. Je l'avais en effet vu réprimer ce même sang après sa démonstration.

- Je vais prendre congé, Annabelle, dormez vous en avez besoin, me conseilla Lord Sebastian en se dirigeant vers la porte.

- Bonne soirée Lord Sebastian, dis-je alors. Et merci pour le théâtre, vous avez également risqué votre vie.

- J'ai l'habitude, cela fait mon charme, fit-il mesquin en sortant.

Je l'entendis refermer doucement la porte et je soupirai. Comment pouvait-il donc passer d'une personne attentionnée à une personne provocatrice sans le moindre signe avant-coureur. Je tournai alors la tête vers Lady Charlotte et je la découvris en proie à un certain désarroi.

- Lady Charlotte ? demandai-je intriguée.

J'eus juste le temps de la voir réprimer ses larmes avant qu'elle ne m'enlace. J'en fus surprise, ce geste étant assez inapproprié pour quelqu'un de la noblesse mais je ne pus cependant nullement me résoudre à la repousser. Au contraire, je passai immédiatement mes mains dans son dos pour la consoler.

- Lady Charlotte..., murmurai-je alors avec douceur.

- Je ne veux pas perdre mon oncle, dit-elle le visage enfoui dans mon épaule.

- Je comprends Mademoiselle, dis-je alors en passant la main dans ses cheveux.

- C'est injuste cette règle ! fit-elle énervée en se reculant.

Je la regardais légèrement surprise du changement d'état d'esprit de ma jeune maîtresse qui se laissa d'ailleurs tomber lourdement sur son lit.

- Je la trouve également légèrement contraignante, dis-je en m'asseyant près d'elle.

- Comment les gens peuvent aimer des monstres? demanda-t-elle soudainement.

- Vous n'êtes pas des monstres, vous m'avez protégée, lui affirmai-je.

- Ces règles sont totalement stupides...

- Puis-je vous demander quelque chose Mademoiselle ? insistai-je alors.

- Bien sûr que tu peux, me fit Lady Charlotte.

- Vous êtes réellement la seule personne de sexe féminin à être capable de faire cela avec vos os? demandai-je alors.

- Il semblerait...

- Je sais que vous trouverez un homme capable de l'accepter, vous êtes une personne extraordinairement intéressante, lui affirmai-je.

- Peut-être... Mais regarde mon oncle, me rétorqua la jeune lady.

- Il n'a jamais rencontré de femme pouvant l'accepter? demandai-je quand même.

- Je ne sais pas trop... Et lui est avantagé, me précisa Lady Charlotte.

- Avantagé ? m'étonnai-je alors. En quoi si ce n'est point indiscret?

- Ses yeux, me fit Lady Charlotte.

- Pardonnez moi ma stupidité Lady Charlotte mais tout cela m'est encore assez incongru..., marmonnai-je doucement.

- Oui, excuse-moi Annabelle, dit-elle avec sincérité. On dit beaucoup de choses sur les Vicissiens aux yeux hétérochromes, ils voient des choses que l'on ne voit pas.

- Puis-je savoir ? dus-je alors insister.

- Il paraît qu'il pourrait savoir si une femme lui est destinée... Ou destinée à accepter cela, dit-elle enfin.

- Mais c'est plutôt bon pour lui non? dis-je alors. Il pourrait...

- Oui, mais je l'ai déjà entendu dire à Père qu'il avait rencontré une personne que ses yeux avaient repérée... Mais qu'envisager quoique ce soit était impossible, avoua Lady Charlotte.

- En quoi? m'étonnai-je.

- Je l'ignore totalement, m'avoua ma jeune maîtresse. Mais... Peut-être était-ce parce que cette femme était mariée ou promise à quelqu'un.

- C'est une éventualité, dis-je alors.

- Tu sais Annabelle, il n'est pas si mauvais qu'il le laisse croire, fit alors Lady Charlotte.

- J'en ai parfois l'impression pour tout dire, répondis-je alors. Il suffit de le voir avec Passminder.

- Et puis il s'en voulait pour toi, dit-elle ensuite.

- Pardon? dis-je surprise.

- Plus jeune, il était capable de sentir dès qu'une créature de Dreemia franchissait le passage mais maintenant..., marmonna Lady Charlotte.

- Je comprends, concédai-je tristement. Mais j'ai aussi lu la possibilité d'aimer un membre de lignée royale...

- La famille royale sait pertinemment ce que nous sommes et ils sont plutôt... Réfractaires à l'idée de nous fréquenter..., avoua Lady Charlotte. À part Sa Majesté qui semble apprécier notre travail.

J'en fus alors étonnée mais je savais que notre bien-aimée Reine Victoria était une personne exceptionnelle, capable d'apprécier même les personnes originaires d'autres pays, étant d'ailleurs marraine d'une princesse d'Afrique noire. Je vis tout à coup Lady Charlotte s'installer sur son lit.

- De quel côté désire tu dormir? demanda-t-elle.

- Ho je peux dormir par terre Mademoiselle, précisai-je.

- Sûrement pas, m'assura-t-elle.

- Qu'importe alors, dis-je en m'allongeant à côté de ma maîtresse.

Cette situation était assez déroutante en réalité et je craignais de trop remuer en dormant. Je n'avais jamais dormi avec personne auparavant à part Lady Fullton mais je ne dormais en réalité qu'à moitié. Je pouvais voir à la lueur des bougies que Lady Charlotte me fixait attentivement et je tournai donc ma tête vers elle.

- Ma présence ne vous gêne pas trop ? demandai-je alors.

- Non, pas du tout, dit-elle en réponse.

- Je crois avoir remarqué quelque choseau sujet de Monsieur votre frère, dis-je alors un peu gênée. J'ai remarqué ses craintes.

- Je l'ai vu aussi, dit-elle honnêtement.

- Je ne savais pas que...

- Qu'il semblait t'apprécier? Je te l'ai dit pour Oncle Sebastian, dit-elle rapidement.

- Oui mais... Ne m'en veuillez pas de ce propos mais votre oncle semblait plus intéressé par certains actes que la décence m'oblige à taire, lui dis-je alors.

Je la vis se redresser en écarquillant les yeux et me fixant attentivement. Je m'en voulais déjà d'avoir dit cela.

- Tu veux dire que Oncle Sebastian t'a proposé de te... Déniaiser? demanda-t-elle toute gênée et tellement bas qu'elle donnait l'impression qu'elle pouvait être entendue.

- Mademoiselle c'est inconvenant, dis-je alors choquée. Et il a semblé le laisser entendre... Mais j'ai refusé, me suis-je empressée de répondre.

- Il paraît qu'il courtise parfois des dames que nous recevons, dit-elle simplement.

Je n'osais dire à ma jeune maîtresse que Monsieur son oncle ne faisait pas que les courtiser, mais cela aurait été gênant.

- Mais bon..., fit-elle en s'allongeant ensuite.

Je regardai attentivement le plafond avant de me tourner pour essayer de dormir. Cependant, au bout d'un moment, je voulais dire quelque chose.

- Lady Charlotte... Votre frère n'a pas été blessé ? demandai-je alors.

- Non... Pourquoi ? demanda Lady Charlotte.

- Je n'arrive pas à croire que Lord Henry ait risqué sa vie pour me sauver, dis-je alors gênée d'y repenser. Naturellement il a voulu également vous protéger mais j'ignorais qu'il s'inquiétait ainsi pour ma personne... Je ne pensais guère être plus intéressante qu'une simple employée.

Le manque de réponse de ma maîtresse me fit réaliser l'outrecuidance de mon propos et je m'en sentis encore plus gênée. Je trouvais désormais Lord Henry chevaleresque d'avoir fait cela et malheureusement, je trouvais que cela donnait un certain charme jeune maître. Je devrais même avouer que ce certain charme développait un certain attrait chez ma petite personne mais je devais absolument chasser ces pensées inappropriées. Lord Henry était un Lord justement et moi, une simple employée. Je savais également que malheureusement, Lady Swan ne pourrait jamais accepter cette étrange nature et je comprenais donc pourquoi Lord Henry lui semblait si distant. Certes cette capacité était effrayante mais je comprenais qu'elle était utile. Je pensais même avoir des difficultés à trouver le sommeil à force d'y réfléchir.

- Annabelle, fit soudainement Lady Charlotte.

Je pris appui sur mon bras pour me retourner et observer Lady Charlotte inquiète. Elle avait prononcé mon prénom sur un ton plutôt lourd comme si elle avait quelque chose d'important à dire.

- Oui Lady Charlotte ? demandai-je inquiète. Vous désirez quelque chose ?

- Non, dit-elle simplement. À propos du sauvetage...

- Oui? demandai-je.

- Je crois que..., hésita Lady Charlotte.

- Votre frère a bien été blessé ? C'est cela? insistai-je alors.

Lady Charlotte tourna la tête vers moi et me fixa attentivement. Je me demandais si elle cherchait une formulation précise tant elle mettait du temps à me répondre.

- Non, fit-elle au bout d'un moment. Je suis juste navrée que tu aies été blessée à cause de nous mais je suis heureuse de voir que tu puisses l'accepter. C'est tellement dur de vivre sans que personne ne sache ce que nous sommes qu'avoir quelqu'un qui l'accepte est si rassurant... Cela signifie beaucoup de choses...

- C'est normal Mademoiselle mais je pense que c'est parce que j'ai déjà appris à vous connaître, dis-je honnêtement. Vous devriez cependant dormir. Il se fait tard.

- Toi aussi, tu as eu une rude nuit, dit-elle soudainement avant de souffler la bougie pour nous plonger dans le noir.

Elle avait raison mais ce qui était le plus rude, c'était peut-être d'avoir appris que depuis bien longtemps, le royaume d'Angleterre cachait un très lourd secret. Notre monde était en perpétuel danger mais heureusement, les Hayworth étaient là pour veiller sur nous, comme Lord Henry l'avait fait pour moi. Désormais je connaissais le secret et j'allais veiller dessus.



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