Le Secret des Hayworth

Chapitre 10 : DREEMIA

7376 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 16/02/2023 08:55

DREEMIA



Je m'étais enfin remise de cette soirée au théâtre particulière, déplorant tout de même d'en avoir manqué un sacré passage. Le retour s'était fait de la même manière que l'aller, dans des conversations nombreuses des deux ladies. Lord Sebastian s'était contenté de rester dans un silence cérémonial durant tout le trajet. Ainsi, ma vie avait simplement repris jusqu'au week-end suivant, où j'avais un jour de repos. Je m'étais alors rendue compte que je devais être une petite exception dans le grand milieu de la domesticité. En effet, j'aimais rester dans le manoir alors que la plupart des autres partaient en ville ou dans leurs familles. Ce jour là d'ailleurs, j'avais même poussé le vice à passer ma journée à l'office. Nullement pour insister sur le fait que j'étais en congé mais pour me rendre utile auprès des autres employés. Cela avait bien fait sourire Monsieur Caldwell de me voir m'asseoir à la table avec un nécessaire à couture. Je m'étais en effet donné le but de raccommoder ce qui avait besoin de l'être, et surtout que les autres domestiques me donnaient. Cela m'occupait en prévision de ma soirée lecture car j'allais enfin m'attaquer à ce livre emprunté à la bibliothèque, avec beaucoup de retard cependant. J'avais travaillé tranquillement toute ma journée, et même fait plaisir à Madame Smith en prenant son tablier fétiche mangé par les usures répétées. Je le reposai d'ailleurs, bien plié.

- Et voilà Madame Smith, malheureusement je ne peux rien pour les taches, précisai-je tout de même.

- Je te remercie, dit-elle en prenant son tablier comme si c'était un objet d'une valeur sans égale, sans doute affective. Combien prends-tu?

- Mais je vous l'ai dit Madame Smith, je le fais de bon cœur, dis-je alors. Et puis ce n'est qu'un peu de fil.

Disant cela, je vis la petite Winnifred se retourner brusquement avec un sentiment de panique. Je soupirai alors, sachant déjà ce qu'elle allait me dire. En effet, j'avais décidé de faire un petit cadeau à cette dernière. Elle me faisait toujours goûter ses nouveaux gâteaux ou biscuits, pour connaître mon avis et me faire plaisir. Désireuse de la remercier, ce matin-là précisément, j'avais pris ses mesures et je m'étais lancée dans la confection d'une jolie petite robe, celle-ci étant invitée prochainement au mariage d'une de ses sœurs.

- Winnie... S'il-te-plaît, dis-je en la voyant paniquer.

- Mais ça a dû te coûter cher..., marmonna la jeune cuisinière.

- Ma grande, je t'ai dit que je te l'offrais, alors je vais te l'offrir, d'accord ? insistai-je.

- Mais tu es sûre ? rajouta Winnifred.

- Bon sang Winnie, tu ne comprends pas qu'elle veut te faire plaisir ? s'énerva Lorena.

- Mais si!!! marmonna Winnifred. Mais quand même...

- Ho Seigneur... J'ai l'impression de radoter, marmonna Lorena.

Je souris en reprenant mon petit travail. J'entendis soudainement des pas derrière moi et me retournai, découvrant Agnes en train d'enfoncer sa chevelure dans un bonnet car il commençait à bien refroidir à la tombée du soir.

- Bon je suis prête à y aller, dit-elle en fermant son manteau.

- Pourquoi tu donnes l'impression de parcourir le pays ? dis-je en riant.

- Ben ça me fera tellement bizarre de dormir chez mes parents, dit-elle en riant.

- Sachant que leur ferme se trouve sur les terres des Hayworth, tu n'es pas si loin, dis-je en riant. Au fait tiens, ton bonnet.

Enfin, ce n'était nullement pour elle à moins qu'elle ait le tour de tête d'un nourrisson de deux mois. En réalité, si Agnes dormait ce soir là chez ses parents, en prévision de son jour de repos le lendemain, c'était pour l'arrivée de sa cousine préférée venue rendre visite à sa famille avec son enfant. Elle m'avait payé, elle y tenait, alors forcément, c'était le premier article que j'avais préparé activement.

- Ho cela plaira au petit Archibald, dit-elle en le plaçant dans une poche.

- Disons que cela plaira à la mère, précisai-je.

- Bon lis pas trop longtemps, dit-elle en riant. On se voit demain soir!

Et toute à sa joie de retrouver sa famille, Agnes partit sans demander son reste. La maisonnée commençait à se préparer pour la nuit alors, je rangeai immédiatement mon nécessaire de couture après avoir empilé les articles réparés. Je vis alors apparaître Sophronia qui se jeta presque sur une chaise telle une naufragée sur une bouée.

- Je n'en peux plus!!! fit-elle en tapant son front sur la table assez bruyamment.

- Les jeunes maîtres sont difficiles ce soir? demandai-je surprise.

- Six histoires... Et ils en voulaient encore... Heureusement que Lady Charlotte a désiré jouer un peu avec eux... J'ai besoin de souffler, me répondit Sophronia qui me fit alors bien rire.

- Quel cœur de pierre, fit alors son frère venu déposer un plateau.

- Ton ourlet te convient ? demandai-je à ce dernier en regardant son pantalon.

- Merci à toi, dit-il en souriant.

- Au besoin, confirmai-je immédiatement.

Sophronia était réellement au bout du rouleau en réalité et cela se voyait clairement. J'étais soudainement très heureuse de ne pas être ce genre de domestiques. Je vis Carl s'asseoir tranquillement et fixer sa sœur en souriant.

- Tu sembles bien dure aujourd'hui, fit-il en riant.

- Tu es décidé à me titiller longuement ? demanda sa sœur outrée.

- Moui, répondit son frère en riant.

Je regardai attentivement Sophronia, désireuse de demander quelque chose. J'avais encore ce petit doute sur ce que j'avais cru voir, et peut-être qu'elle m'indiquerait une ressemblance.

- Sophronia... Tu as déjà remarqué quelque-chose d'étrange avec les jeunes maîtres ? demandai-je assez bas malgré tout.

Sophronia, la tête entre les bras, releva doucement la tête comme si elle était surprise. Je la vis alors observer son frère qui se contenta de la regarder attentivement.

- Qu'entends-tu par étrange ? demanda alors Sophronia.

- Quelque chose avec leur peau, dis-je alors pour être plus précise. Ou une excroissance ?

- Non, rien, me dit-elle rapidement. P... Pourquoi ?

J'avais relevé cette légère hésitation et j'en vins donc à me demander si elle n'avait pas l'interdiction d'en parler. Je choisis alors d'être simplement honnête avec elle et je lui répondis.

- Lors d'une toilette matinale de Lady Charlotte, j'ai remarqué quelque chose sur son bras, et j'ai cru voir le même genre de choses chez le vicomte, précisai-je donc.

- En tout cas, rien de tel chez Lord Henry, fit Carl en me souriant.

- Rien chez les jeunes maîtres non plus, assura soudainement Sophronia.

- Je me suis peut-être simplement trompée, avouai-je alors dubitative. Si ton ourlet te convient, je vais donc tranquillement rejoindre ma chambre et un bon livre.

- Bonne soirée, la lectrice compulsive, me fit alors Carl en me poussant ainsi à sourire.

Je partis donc dans la petite chambre qui était la mienne depuis quelques temps déjà et plongée dans un calme plutôt bienvenu. J'allais pouvoir me plonger dans la lecture aussi longtemps que je le voulais. En effet, préférant être respectueuse, je ne lisais guère trop longuement pour ne pas empêcher Agnes de dormir. Là, je ne dérangerai personne. Je pris également tout mon temps pour me laver, sachant que je ne pouvais gêner personne et cela me fit du bien de ne me soucier de rien d'autre. J'enfilai ensuite une robe de nuit, laissant de côté une robe de chambre si j'avais une envie de combler un désir alimentaire. Et puis enfin, je pus me glisser dans mon lit et attraper cet étrange ouvrage. Cette couverture métallique me semblait toujours assez étrange mais elle semblait tellement belle... Je préférais donc ignorer ce détail et j'ouvris la couverture pour admirer la page de titre.

- Dreemia, le royaume des rêves, lus-je à haute voix comme si j'avais un auditoire. Alors ça, c'est vraiment particulier... On dirait que c'est écrit à la main...

C'était même assez caractéristique avec le recul. On voyait vraiment que c'était écrit avec une plume ou un quelconque objet du même acabit. Mais c'était du plus bel effet malgré tout alors cela me donna encore plus envie de connaître son contenu. Une page tournée plus tard, je pus commencer ma lecture.


" Dreemia, le royaume des rêves, le royaume le plus ancien qui n'ait jamais existé. Les êtres l'habitant étaient si différents les uns des autres qu'il serait impossible de tous les dénombrer. Chacune des espèces qui parcouraient ses campagnes, ses zones désertiques, ses collines volcaniques ou même encore ses forêts verdoyantes ; préférait vivre dans le plus grand secret des autres. Pourtant, comme à chaque fois qu'une paix semblait exister, certains se découvrirent un désir d'expansion. Ainsi, les longs bras, une espèce belliqueuse particulière violente et aux bras si longs, comme l'indique leur nom, qu'ils effleuraient le sol décidèrent de commencer à conquérir les territoires voisins. Ainsi, ils envahirent la terre des Fiers, une espèce plus grande que les autres mais cependant moins que les Colosses. Ils mesuraient plus de deux mètres dix mais possédaient une tête presque plus petite que leurs mains. Les Fiers étaient de très grands cultivateurs non violents, préférant de loin résoudre leurs problèmes par le troc que par la guerre. Rapidement, ils finirent débordés par les Longs Bras et furent réduit en esclavage. Convaincus de leur supériorité et rassuré par leur réussite, ils continuèrent d'avancer, entrant en guerre avec d'autres espèces. Les premiers furent les Groins, des être bipèdes à tête de porcs, combattant sauvages et désorganisés. Il y eut aussi les gnomes qui ne se battirent pas et préfèrent laisser leurs terres et aller plus loin. D'autres espèces furent réduites en esclavages mais les Longs Bras n'osaient pas attaquer les deux espèces les plus dangereuses de Dreemia. La première à éviter leurs assauts étaient les Tailleurs, une race carnivore violente aux nombreux crocs tranchants mais bien moins que les véritables lames qui leur servaient de doigts, capable de trancher la pierre sans beaucoup de résistance. La seconde race n'était rien de plus que la plus terrible de Dreemia, une race habitant les cauchemars des autres. Les Vicissien, tel était leur nom, était une race née pour semer la mort, les mâles étant capable de modifier leurs os pour les faire jaillir en dehors de leurs corps, créant les objets dont ils avaient besoin comme des outils ou même des armes. Leurs femelles veillaient à leur sécurité avec leurs dons de médium, sachant avant même les autres quels endroits regorgeaient de nourriture ou quels autres étaient dangereux pour leurs petits. Nichés dans les contrées volcaniques, ils ne désiraient rien d'autre que survenir à leurs besoins et pourtant, un Long Bras décida tout de même de conquérir ces terres. La plus terrible des guerres de Dreemia débuta, faisant couler le sang et faisant pleurer la terre même qui commença alors à devenir stérile, empêchant les espèces de subvenir à leurs besoins."


- Ce n'est nullement joyeux comme histoire, dis-je en tournant la page. Mais c'est surprenant, ce Long Bras ressemble à ce que j'ai cru voir mais bon... J'ai dû rêver...


" Alors que la guerre continua durant près de six siècles sans qu'aucun des belligérants ne prennent le dessus sur l'autre, les espèces mourraient de faim, les terres ne leur apportant plus suffisamment. Alors, un être plus sage que les autres et régnant depuis deux siècles sur la terre des Gnomes décida qu'il fallait cesser cela une bonne fois pour toute ou Dreemia disparaîtrait. Ce fut ainsi que la Reine Namia des Gnomes décida de rencontrer le terrible Deux Yeux, seigneur des Vicissiens aux yeux de deux couleurs différentes lui donnant son nom, pour lui affirmer qu'il serait bon de cesser. Deux Yeux n'était nullement un diplomate, ses deux yeux différents affirmant qu'il était l'un des plus dangereux comme l'apprit Namia; mais il y avait une chose à savoir sur les Vicissiens et Namia l'apprit à sa plus grande surprise. En effet, les Vicissiens plaçaient leurs femmes au sommet de leur hiérarchie car elles étaient plus sages et ce fut donc Biel, l'épouse de Deux Yeux qui lui conseilla de faire confiance à la Reine Namia. Il y eut alors deux lunes entières de négociation entre les Longs Bras et les Vicissiens pour la paix et la répartition des terres. Après avoir signé une paix qui s'avéra durable, les autres races de Dreemia furent invitées à la table des négociations pour qu'à jamais la paix perdurent."


- Des yeux hétérochromes... Je comprends l'intérêt de Lord Sebastian, dis-je en riant tout en continuant ma lecture. J'aime beaucoup l'idée que ces femmes dirigent les hommes... Par contre cet auteur est assez étrange... Ces créatures font peur...


" Les espèces commencèrent ainsi à poser leurs nombreuses demandes et leurs nombreuses inquiétudes sur la table, espérant que ces deux races ne recommencent jamais. Ce fut un Fier qui fit la proposition la plus étrange de toutes ces négociations : il fallait élire une espèce régnante pour satisfaire Dreemia et qu'à nouveau la terre abreuve ses habitants de ses récoltes comme de sa faune qui avait également beaucoup souffert pour nourrir les troupes. Alors que le Fier espérait une décision rapide, il n'en fut absolument rien, les espèces de Dreemia recommançant à exposer leurs nombreux griefs à l'encontre des autres. La Reine Namia craint longuement que la guerre ne reprenne de nouveau mais c'était sans compter sur l'étonnante proposition de Deux Yeux. Celui-ci, ayant côtoyé la Reine Namia lors de sa tentative de paix, proposa que la seule espèce digne de régner sur Dreemia devait la seule à n'avoir jamais rien désiré d'autres que la paix : les Gnomes. Et il voulait plus particulièrement voir le règne de la Reine Namia sur Dreemia. Alors que les responsabilités auraient pu effrayer la Reine Namia, et parce que les autres races semblaient étonnement d'accord, elle accepta et la paix revint sur Dreemia."


- Au moins ont-ils su s'entendre, dis-je en lisant cette histoire. Je me demande quelle est la suite... Namia.... J'espère tout de même que Lord Sebastian n'ait pas lu cette histoire aux jeunes maîtres, Lady Sophie cherchait une Namia... À moins que Sophronia ait transformé cette histoire pour la rendre accessible à des enfants...


" La paix perdura bien longtemps sur Dreemia, plusieurs règnes de reines des Gnomes même, et quand l'espérance de vie des gnomes est connues, cela indique bien la durée très longue de cette paix. Mais un jour, il y eut un étrange événement. Un être différent était effectivement apparu sur Dreemia, portant des habits inconnus et une arme inconnue. Son apparence elle-même était inconnue des habitants de Dreemia, ressemblant à un Vicissiens mais sans aucune de leurs capacités. Pire, il semblait peu résistant et avec une faible longévité. Cependant, il ne fut pas le seul car peu à peu, d'autres de ces êtres étranges apparurent provenant d'un pays appelé Gaule."


- La Gaule? Serait-ce un humain ? demandai-je surprise et plutôt plongée dans ma lecture et mon imagination.


" Ces êtres, quelques espèces de Dreemia en trouvèrent un vif intérêt car il s'avéra qu'ils étaient bien plus nourrissant que tout autre met de Dreemia. Chacun de ses êtres devint alors la cible de chasse, principalement de Vicissiens qui en voulaient toujours plus, comme d'autres qui se souvinrent de grandes époques de conquêtes. Une des Reines des Gnomes, possédant un don de présage, finit par comprendre que ces êtres venaient d'un autre monde et que c'était par leurs propres conflits qu'il avaient réussi à ouvrir un passage entre leur monde et celui de Dreemia. Il n'en fallut guère plus pour que les espèces mortifères de Dreemia ne passent de l'autre côté à leurs tours. La Reine des Gnomes ne pouvaient plus les empêcher de faire cela, les passages s'ouvrant de plus en plus souvent car ces êtres, désormais appelés humains, étaient encore plus belliqueux que les êtres de Dreemia. Plus les incursions continuaient plus la Reine des Gnomes fut convaincue qu'une guerre allait éclater entre les mondes. Ce fut d'ailleurs quand elle découvrit que certaines des espèces de Dreemia comme les Vicissiens ou les Rocheux, des êtres des montagnes à la peau de pierre, pouvaient s'accoupler avec les humains et obtenir une progéniture appartenant à la fois aux deux mondes mais également à aucun d'eux. Elle décida alors que cela en était trop et qu'il fallait agir."


- Les humains sont belliqueux... Ce n'est guère une grande annonce, dis-je dubitative. Je me demande donc ce qu'il se passera ensuite...


" Bravant les règles qu'elle avait instauré, la Reine des Gnomes pénétra dans le monde des humains pour signifier leurs existences et demander à ceux-ci de faire la paix dans le leur pour fermer les passages. Elle ignorait cependant que les humains étaient incapables de vivre en paix, massacrant leurs semblables à intervalles réguliers, pour des terres ou des divinités. Elle y fit plusieurs incursions durant des années mais jamais les êtres humains n'acceptèrent une paix. Et puis, un jour, une Vicissiennes aux pouvoirs de prédication plus puissants encore que ceux de ses ancêtres lui fit une prédiction. Elle lui signifia par ce biais que sur une terre appelée Albion et en usant du sang des Gnomes, il serait possible de fermer le passage en créant un pacte avec le Seigneur des terres d'Albion."


- Albion? Ne serait-ce pas le nom poétique du royaume d'Angleterre ? Ou peut-être une inspiration..., dis-je pensive avant de poursuivre l'ouvrage.


" Parcourant le royaume des humains en compagnie de cette Vicissienne, la Reine des Gnomes réussit à pénétrer dans un château du Seigneur d'Albion. Étonnamment, ce seigneur semblait plus réceptif à cet être qu'il ne connaissait pas mais qui semblait avoir compris que les habitants de Dreemia attaquaient son monde. La Reine des Gnomes conclut alors une alliance pour fermer le passage mais ce n'était guère aussi simple. Il s'avéra en effet que les passages étaient ouverts depuis bien trop longtemps et qu'une fermeture totale était impossible. En effet, il resterait obligatoirement des voies d'accès entre les mondes et, connaissant les habitants de son royaume, la Reine des Gnomes craignait un retour de ces mêmes passages. La Vicissiennne ayant effectué le voyage avec elle lui proposa alors d'user de la magie des Gnomes pour que des gardiens surveillent ces passages, proposant sa propre race."


- Je ne suis pas sûre que ce soit la meilleure des idées... Ne sont-ils pas les plus dangereux ? demandai-je comme si le livre pouvait répondre.


" Heureusement, la magie des Gnomes était l'une des plus puissantes de Dreemia et elle pouvait créer des restrictions pour les Vicissiens, ceux-ci les acceptant. Ainsi le pacte fut conclu. Ce pacte avait été conçu pour que les Vicissiens puissent veiller à jamais sur les passages. Certains d'entre eux furent alors choisis pour habituer dans le royaume des humains et fermer les passages en exterminant les habitants de Dreemia qui désiraient se nourrir sur ces terres. Et ensuite, La Reine des gnomes choisit les restrictions des Vicissiens. Ceux-ci pouvant à tout moment choisir de conquérir le monde des humains, elle commença par restreindre leur espérance de vie. Un Vicissien vivant dans le royaume des humains ne pourraient vivre plus de trente années de celle-ci. Sachant pertinemment que cette restriction était dure, elle l'allégea tout de même en permettant de lever cela. La magie des Gnomes existant grâce à l'amour véritable, ce même amour pourrait lever la malédiction. Si un Vicissien rencontrait un amour véritable avec un habitant du royaume des humains, et que ce dernier acceptait son existence sans hésitation, il pourrait vivre aussi vieux qu'un de ces humains. Cette condition permettait également aux Vicissiens de continuer à exister génération après génération, transférant la malédiction à ses descendants. De plus, ces Vicissiens devraient prêter allégeance aux Seigneurs d'Albion, qu'importe leurs dynasties, celles-ci étant changeantes. Ce pacte permettrait à jamais de s'assurer que non seulement les Vicissiens veillent sur les passages mais qu'ils ne puissent jamais essayer de régner sur ce monde. La Reine des gnomes choisit également de permettre que certains êtres peu belliqueux, comme les Gnomes ou les Rocheux, puissent exister sur terre pour les aider dans leurs tâches et ne point les priver totalement de leur monde."


- Ho cela explique le jeu de Lady Sophie... Elle jouait à chercher un gnome, dis-je en comprenant enfin. C'est amusant... Je me demande ce qu'il se passe ensuite...


" Alors qu'après un tel accord fut passé, la Reine des Gnomes s'apprêta à rentrer chez elle quand la Vicissiennne qui devait rester sur Albion lui signifia une requête. Elle était une mère aimante et ne désirait pas que ses enfants ou ses petits enfants périssent sans cesse si ils ne trouvaient point l'amour. La Reine des Gnomes ne savait pas comment permettre une telle chose et surtout comment permettre cela. Alors, désireux de montrer que son désir de paix était sincère, le Seigneur d'Albion eut une idée. Il savait pertinemment que lui et ses descendants sauraient qui étaient les Vicissiens, comptant d'ailleurs leur offrir des terres pour qu'ils puissent exister parmis les humains. Dans cette optique, il proposa une règle cachée. Si un jour, un représentant des Vicissiens trouverait l'amour avec un membre de sang royal qui savait donc que ces êtres n'étaient pas humains, leurs descendants et seulement cette lignée, existeraient sans la restriction mortelle, permettant à ce que des Vicissiens puissent exister sans avoir cette lame mortelle au-dessus de la tête. Ainsi, la dernière règle fut posée et la Reine des Gnomes rentra sur Dreemia. Encore bien des siècles plus tard, les Vicissiens gardent encore le passage, cherchant également un être aimé pour perdurer à jamais et faisant leurs devoirs. La Reine des Gnomes avaient ainsi sauvés les mondes et transformés des êtres mortifères en êtres désireux d'aimer. Encore aujourd'hui, ils veillent sur les passages, sur Dreemia et sur Albion."


Je refermai alors le livre, désireuse de laisser les autres histoires dont une appelée les Trois Princes pour la Reine et qui semblait donc une histoire d'amour pour plus tard. J'étais dubitative sur cette histoire. Je ne comprenais en effet nullement pourquoi elle était appréciée de Lord Sebastian. Il n'y avait aucun dialogue pourtant, et il semblait aimer le classique... Il n'y avait pas non plus la moindre scène d'action détaillée ou même une quelconque scène digne des écrits du Marquis de Sade. Moi, j'avais beaucoup apprécié, en particulier cette fin sur le désir d'amour. Je trouvais cela étrange de vouloir ajouter cela en toute fin. Peut-être l'auteur avait-il eu peur de créer une certaine angoisse avec ces étranges créatures capables de modifier leurs os, ou celles avec leurs grandes griffes... Je me demandais même quelle tête pouvait bien avoir ces êtres porcins... J'avais déjà eu l'occasion de consulter un écrit des fameux Frères Grimm et j'avais déjà compris que l'horreur pouvait se mêler aux histoires. Je reposai doucement le livre sur ma table de chevet en regardant le plafond et jouant avec mon collier.

- J'adore cette reine des Gnomes... Je comprends que Lady Sophie joue à la chercher, dis-je pour moi-même. Ho...

Je me redressai tout à coup en pensant à quelque chose. Ce n'était nullement l'impression d'avoir vu ce fameux Long Bras en allant au théâtre et qui était forcément une méprise, c'était en réalité l'intérêt pour les enfants Hayworth. Leur oncle avait ce que beaucoup considéraient comme une difformité avec ses yeux hétérochromes mais cette histoire rendait cela impressionnant. Je regardai alors le livre et je réfléchis à voix haute.

- Cela pourrait être écrit par un parent de Lord Sebastian et Lord Jonathan..., marmonnai-je en réfléchissant. Peut-être leur mère pour rassurer le vicomte sur ses yeux... Ou une gentille nourrice...

J'étais trop pensive alors, je pris mon matériel de couture pour confectionner un jupon tranquillement en réfléchissant. C'était vraisemblable après tout et cela permettait d'imaginer ce fameux monde de Dreemia. Je l'avais d'ailleurs fait en cousant, imaginant ces forêts verdoyantes où gambadaient de petits êtres, peut-être influencée par la taille du chapeau trouvé... Je souris alors, laissant tomber mon jupon en plein milieu mais calant malgré tout l'aiguille avant d'attraper un bout de tissus.

- La forme sera pareille... Je vais faire une petite robe pour la poupée de Lady Sophie, me dis-je à moi-même. Elle imaginera peut-être Dreemia.

Cousant encore, je continuai d'imaginer ces drôles d'êtres surtout ceux gigantesques mais avec une toute petite tête. J'espérais déjà que d'autres créatures soient présentées dans les autres histoires. J'avais même eu un frisson en imaginant l'horreur que devaient être ces Tailleurs et je me demandais ce qu'imaginait l'auteur pour ces Vicissiens. Je me demandais surtout à quoi ressemblait leur capacité étrange, comment elle pouvait sortir de leurs corps. Je me demandais aussi si ils étaient beaux, ils devaient l'être pour réussir à séduire les humains. Je souris à cette idée pensive et sentant peu à peu l'envie de dormir s'emparer de moi. J'étais déçue de ne pas avoir fini la petite robe et je décidai donc de poser mon matériel pour dormir. J'aurais un peu de temps le lendemain. Je m'étais donc endormie très rapidement rêvant de contrées inconnues et imaginaires, de créatures étranges possédant des attributs digne de cet ouvrage. J'avais souvent fait ce genre de rêve après une lecture, imaginant le fameux Nautilus ou d'Artagnan se battant à l'épée, Roméo et Juliette fuyant leurs familles et même le malade imaginaire... Mais durant tout ce sommeil rempli de songes plaisant, j'avais comme un étrange sentiment, sorti de je ne savais où. À cause de cet horrible sentiment, je finis quand même par me réveiller dans l'obscurité presque totale, uniquement rompue par les lueurs des étoiles et de la lune par ma fenêtre. Je me redressai alors avec cette étrange sensation qui me tenaillait toujours, prenante directement dans le ventre et assez intriguante. C'était comme si quelque chose d'horrible allait se passer. Peut-être pourrait-on parler de réaction instinctive mais j'eus l'impression de devoir observer l'extérieur. Je me levai alors dans ma chemise de nuit pour avancer vers ma fenêtre et l'ouvrir. Je fus à la fois saisie par l'air frais qui me provoqua un léger frisson mais également par une brise légère assez plaisante. Le parc du manoir de la famille Hayworth était plongé dans l'obscurité presque totale, le ciel dégagé permettant tout de même à une magnifique lune quasiment pleine d'éclairer celui-ci de ses rayons blanchâtres. Je posai alors la tête et plus précisément mon menton dans ma main pour observer ce ciel. J'avais regardé longuement la lune me disant que c'était plaisant d'être à la campagne et de pouvoir l'admirer, les bâtiments londonien m'en empêchant la majorité du temps. Instinctivement, j'avais penché la tête vers le parc car j'avais cru voir du mouvement. J'y pris naturellement attention et je réalisai qu'effectivement, il y avait du mouvement. Ce que je vis me fit alors écarquiller les yeux de panique. En effet, il y avait une personne dans une chemise de nuit d'un blanc immaculé. Et le pire, c'était peut-être l'estimation rapide que je pus me faire de la taille de la personne portant cette chemise de nuit. Elle était tellement petite cette forme que je compris qu'il ne pouvait s'agir que de Lady Sophie. Mais que faisait-elle dehors en pleine nuit et comment avait-elle pû échapper à la vigilance de son entourage. Je fus encore plus horrifiée quand je réalisai la direction que prenait Lady Sophie.

- Mon Dieu... La rivière... Par cette nuit elle risque d'y tomber, dis-je horrifiée en comprenant sa direction.

Je n'avais nullement le temps de m'en inquiéter plus que cela et je m'étais donc ruée sur mon lit pour attraper ma robe de nuit, au cas où il faudrait réchauffer Lady Sophie, et je fonçai donc vers le couloir. Ensuite, je me jetai presque dans l'escalier pour dévaler les marches deux par deux, oubliant au passage de me protéger les pieds et partant pieds nus. Je descendis jusque l'office, ouvrant les portes pour accéder à l'entrée des employées et me jeter à l'extérieur. Je partis immédiatement dans la même direction que Lady Sophie, courant et m'égratignant probablement la plante des pieds mais ignorant toute douleur. Je préférai clairement me soucier de la petite Lady et je courus donc vers la rivière.

- Pourvu qu'elle ne soit pas tombée, dis-je à moi-même en la cherchant.

Naturellement, je regardai également dans toutes les directions pour la repérer, croisant les doigts qu'il n'y avait eu aucun drame. Traversant quelques orées et bosquets, je me retrouvai assez vite au bord de la rivière.

- Où est-elle ? dis-je alors en regardant dans toutes les directions.

Au loin, sur ma gauche et le long de la rive, je pus alors discerner une petite chemise de nuit. Je me hâtai immédiatement de la rejoindre, ouvrant ma robe de nuit.

- Lady Sophie ? l'appelai-je en arrivant près d'elle.

- Oui? demanda la petite Lady en se tournant.

Immédiatement, je la recouvrai de ma robe de chambre pour la protéger du froid.

- Mais que faites-vous ici? dis-je choquée.

- Quelque chose va se passer, m'assura Lady Sophie.

- Pardon? demandai-je choquée.

- Oui, je viens voir si Namia va bien, me précisa Lady Sophie.

- Mademoiselle, vous pourriez tomber à l'eau, dis-je choquée.

- Je m'inquiète pour Namia, m'assura encore la toute jeune lady.

Je la regardai avec sévérité même si je n'en avais pas vraiment le droit. Cette enfant venait de se mettre en danger pour une bêtise.

- Namia est la reine des Gnomes n'est-ce-pas ? demandai-je alors en réalisé.

- Tu connais cette histoire ? me demanda Lady Sophie tout sourire.

- Oui, et c'est une histoire Lady Sophie, lui assurai-je difficilement.

Je n'avais pas réellement envie de briser dans l'œuf l'imagination d'une enfant, rien ne valait celle-ci après tout. Malheureusement, cette même imagination avait poussé Lady Sophie à sortir et, si je n'avais pas été là, elle aurait pû tomber à la rivière.

- Mais non..., assura Lady Sophie.

- Mademoiselle... Namia n'est pas la reine des Gnomes, commençai-je. C'est un pers...

- Je sais, cette Namia là n'est qu'une simple Gnome, sa maman l'a appelée comme ça en l'honneur de la Reine Namia! me précisa Lady Sophie.

Je regardai cette petite lady qui venait de m'interrompre avec circonspection. Cette enfant semblait avoir réponse à tout.

- Mademoiselle... Il faut rentrer, dis-je simplement pour ne pas abuser d'une position qui n'était pas la mienne.

- Mais j'ai peur pour Namia! répliqua sans hésitation la petite fille.

- Elle ira bien, vous verrez demain, dis-je alors. Pardonnez-moi.

Je la pris sans hésitation dans mes bras, ce que je n'avais initialement pas le droit de faire mais j'avais peur qu'elle ne tombe. Je me préparais à rentrer quand je la sentis se débattre.

- Namia!!! appela la petite lady. Namia va te cacher!

- Mademoiselle... Cessez de crier, il fait nuit, lui intimai-je.

- Mais il va arriver !!! fit-elle en étant étrangement sûre d'elle.

Je regardai la petite fille dans mes bras, elle semblait à deux doigts de fondre en larmes. Je caressai immédiatement son dos d'un geste qui se voulait rassurant.

- Tout ira bien, venez, dis-je en commençant à avancer vers le manoir.

Elle continuait de se débattre et j'avais bien des difficultés à la maintenir contre moi.

- Mademoiselle, s'il-vous-plaît..., marmonnai-je alors. Je...

Je m'étais figée, saisie d'un étrange sentiment. J'aurais en effet juré avoir entendu un bruit étrange, comme le bruit d'un outil de jardinier, celui de ses lames qui se croisent. Lady Sophie ayant cessé de bouger, je compris que je n'avais pas rêvé. Je me retournai immédiatement et je reculai d'un pas. Il y avait quelqu'un, un homme visiblement, assez grand d'ailleurs et il nous fixait. Personne n'aurait dû se trouver là à cette heure tardive et je pris peur. À cette heure là, il ne pouvait s'agir que d'un rodeur sans doute désireux de pénétrer un manoir de noble pour y faire quelques menus larcins.

- Vous n'avez pas le droit d'être là, dis-je alors en reculant doucement. Il s'agit d'une propriété privée.

Il ne me répondit pas, se contentant d'avancer dans la nuit, vers nous. Je reculai toujours, sachant que malheureusement Lady Sophie faisait une cible de choix. Elle ne serait en effet nullement la première enfant de nobles à se faire enlever pour une rançon assez rondelette.

- D'autres domestiques savent que nous sommes ici, mentis je en reculant. Il suffit que je hurle pour qu'ils arrivent.

Je reculai toujours, saisie d'effroi en sentant Lady Sophie se mettre à trembler.

- Kssss kssss kssss..., fit alors l'homme étrange.

Était il ivre? Ou peut-être était-il un client d'une fumerie d'opium en pleine hallucination. Y en avait il seulement une à Havenport ? J'ignorais mes réponses mais je craignais le pire alors je reculai toujours sans le quitter du regard. Et lui, il avançait, quittant la protection du bosquet pour s'engouffrer dans les rayons nocturnes. J'allais voir sans doute la mine patibulaire de cette homme que j'imaginais déjà mû par des intentions mauvaises.

- Seigneur..., dis-je en écartant les lèvres de stupeur. Mais qu'est-ce que...

Une horreur se dressait devant moi, le rodeur étant difforme. Son visage était en effet très émacié et il semblait arborer un étrange rictus. Ses vêtements n'étaient en réalité qu'un amas de guenilles assemblées n'importe comment. Je crus alors qu'il tenait une arme pointue.

- Ne faîtes pas de mal à cette enfant, dis-je en essayant de me montrer courageuse.

- J'ai peur..., murmura Lady Sophie. C'est lui que j'ai vu...

Je penchai doucement la tête vers la petite, interpellée du propos. Je ne pus l'observer bien longuement car l'homme avançait vers nous en levant son couteau. Je vis alors le reflet de son arme et je me figeai immédiatement. Il ne portait pas d'armes. Le reflet de la lune s'était répercuté sur ses doigts. Mais ce n'était pas des doigts, on aurait dit de longues tiges métalliques.

- Kssss ksss ksss..., fit encore l'homme.

Et là, il ouvrit la bouche, dévoilant à ma plus grande stupeur deux énormes rangées de dents triangulaires qui ressemblaient tellement aux dents des requins du Muséum d'histoire naturelle de Londres que j'avais visité. C'était impossible, c'était une chose qui ne devait pas exister. Peut-être étais-je en réalité encore dans un rêve...

- Un Tailleur..., murmura apeurée la jeune Lady Sophie.

C'était effectivement l'idée idiote qui m'était apparue. Ce rôdeur était effectivement la description même du livre que j'avais lu avant de dormir. Mais cela, c'était pourtant parfaitement impossible, ce n'était qu'un livre d'histoire.

- Il faut courir!!!! fit alors une petite voix derrière moi.

Je m'étais retournée avec hâte, je n'étais donc pas seule mais pourtant je ne connaissais pas cette voix. Et ce fut encore plus surprenant. Il y avait là, à deux mètres de moi, dans l'herbe, une toute petite femme d'à peine une vingtaine de centimètres et surtout, elle portait le petit bonnet que j'avais trouvé le jour de mon anniversaire.

- Mais mais... Mais..., répétai-je choquée.

- Namia... Va les chercher vite!!!! cria presque Lady Sophie.

C'était elle Namia? Voilà ce que je me demandais. J'étais juste effarée, et mon état ne changea guère quand je vis la petite femme flotter dans l'air et foncer vers le manoir.

- KSSSSS!!!!!! fit violemment le rôdeur.

Mes jambes se mirent à trembler de peur mais il fallait protéger la petite fille dans mes bras. Elles avaient du mal à me porter mais je pus m'éloigner en me tournant. J'entendis même derrière moi les pas de la chose qui ressemblait à une créature cauchemardesque derrière moi qui s'approchait.

- Attention !!! fit la petite fille provoquant ma chute.

En tombant, car mon pied avait malencontreusement glissé sur une branche, je sentis un souffle au-dessus de ma tête qui se propagea dans mes cheveux, les faisant ainsi voltiger. Je tombais sur mes genoux en essayant d'éviter que Lady Sophie ne soit blessée et je réalisai que ce monstre venait d'essayer de me frapper.

- Au secours !!! tentai-je de dire mais les mots s'étaient étranglés dans ma gorge.

Je titubais en essayant de me relever et d'avancer pour m'éloigner de ce monstre. Soudain, je sentis quelque chose dans mon dos qui déchira ma chemise de nuit sur toute la longueur, juste avant qu'une douleur intense ne vrille tout le corps depuis mon dos. Je tombais encore à genoux, me retournant pour voir cette chose horrible. Ses doigts, ou plutôt ses tiges aiguisées, brillaient d'une lueur rougeâtre sous les rayons lunaires et je compris l'horreur de la situation. Je sentais en effet, malgré une douleur intense et profonde, quelque chose couler le long de mon dos... Mon sang. Cette chose m'avait tailladée et je ne pouvais qu'essayer de reculer, assise par terre et fuyant du mieux que je pouvais. J'avais une vue totale et complète sur ce monstre qui avançait vers moi en léchant ses tiges sanguinolentes, s'abreuvant de mon sang. Je sentis soudainement un liquide chaud contre mon ventre et je réalisai que la jeune Lady Sophie venait de s'uriner dessus de peur. Je ne pouvais nullement lui en vouloir, je n'en étais guère loin moi-même. Cette créature leva alors sa main bien haut et je savais que j'allais mourir. Je fermai immédiatement les yeux tentant d protéger de mon corps Lady Sophie, offrant ainsi mon dos à ce monstre.

- Laisse les saleté !!! hurla alors la voix de Lady Charlotte.

J'entendis un cri strident provenant de la créature mais je regardai plutôt vers la jeune Lady qui courait vers nous.

- Lady Char..., m'apprêtai-je à dire avant de réaliser un détail surprenant.

Lady Charlotte avait quelque chose accroché au bras. Non... Ce n'était pas accroché, cela sortait de son bras et plus particulièrement de son poignet. Cela formait deux immenses tiges séparées par le poignet de Lady Charlotte, donnant ainsi une forme d'arc à flèche. Je ne comprenais plus grand chose mais je pus réaliser que d'un bond, Lady Charlotte avait réduit un écart de prêt de quatre mètres. Elle arriva à genoux contre moi et j'entendis un gros bruit strident. Je me tournai immédiatement vers elle et son arc avait disparu. À sa place, il se trouvait comme une sorte de rondache en bois... Non en os...

- Bon sang, il est fort, marmonna Lady Charlotte.

- Mais qu'est-ce que..., marmonnai-je avant de grimacer.

- Annabelle... Seigneur tout ce sang, fit simplement Lady Charlotte.

Je devais en perdre plus que de raison d'ailleurs car déjà ma vue se brouillait. Même mon ouïe semblait perdre de ses capacités car je pouvais certes entendre les bruits de coups de cette chose sur le bouclier de Lady Charlotte mais le son me semblait étouffé.

- Dépêche toi!!! cria Lady Charlotte.

À qui s'adressait elle ? Je voulais le savoir alors je tournai ma tête vers cette horrible créature. Et là, je fus encore plus choquée, pour peu que cela soit possible. En effet, cette monstruosité s'était figée et une immense tige osseuse traversait sa poitrine. Puis, d'un seul coup, la tige appliqua un mouvement circulaire, sectionnant dans un angle oblique et en deux morceaux cette créature sortie de l'enfer. Ma vue se brouillant, je ne pus alors voir de ce sauveur arrivé à temps que sa chemise blanche et son pantalon. Et alors, je ne pus rester plus longtemps sur mes genoux attirée comme jamais par le sol et m'effondrant lourdement.

- Annabelle ! cria Lady Charlotte. Ho non tout ce sang!

Je n'entendis nullement une réponse mais il dut y en avoir une, déjà que je n'entendais qu'à peine Lady Charlotte.

- Je regarde ! s'empressa de dire Lady Charlotte que je pouvais entendre car elle était plus proche.

Je sentis à cet instant la jeune Lady Sophie totalement indemne s'échapper de mes bras et me fixer, à genoux devant moi. Elle posa alors sa main sur ma joue en se voulant rassurante. Je sentis Lady Charlotte toucher mon dos et me faisant grimacer.

- Je pense qu'il a injecté son venin, fit-elle dépitée.

Je vis les pieds de celui qui avait découpé le monstre en deux s'approcher et faire le tour de mon corps. Je pus voir également Lady Sophie être attrapée par Lady Charlotte et disparaître de ma vue. Soudain, je sentis deux mains contre moi, l'une sous ma nuque et l'autre attrapant mes jambes au passage. Je fus alors soulevée sans difficulté et je me sentis blottie contre un torse.

- Je... Je... Je vais mourir? demandai-je en entendant mes oreilles siffler et me masquer tout autre son.

Peut-être m'avait-on répondu, peut-être pas mais j'étais incapable de le savoir. En réalité j'étais même totalement incapable de bouger, totalement endolorie et peut-être infectée par ce fameux venin dont avait parlé Lady Charlotte. Alors que mes yeux ne voulaient plus s'ouvrir et que je sentis ma tête contre un torse, seul mon odorat fonctionnait encore. Étonnamment, une odeur familière m'envahit, une odeur que je connaissais mais dont j'ignorais l'origine ou même encore l'endroit et l'époque où je l'avais sentie. Je savais juste qu'avec cette odeur, je me sentais en sécurité. Et alors que je devais approcher du manoir, l'obscurité m'ouvrit ses bras ténébreux, détruisant mes certitudes sur le monde.


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