Le Secret des Hayworth

Chapitre 8 : NOUVELLES ATTRIBUTIONS

7476 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/02/2023 08:31

NOUVELLES ATTRIBUTIONS


Cette terrible rencontre nocturne avec le si sombre Vicomte Sebastian m'avait laissée en proie à une certaine crainte vis à vis de lui. Naturellement, devant reprendre mon travail avec professionnalisme, je devais continuer de le servir mais il m'était rapidement semblé assez clair que Lady Mary, et sans doute Lord Henry également, lui avaient fait quelques réprimandes. Peut-être était-ce juste partie remise, la réputation de Lord Sebastian n'étant clairement plus à faire, mais au moins me laissait il en paix. Ainsi avec plaisir, je pus reprendre mes tâches quotidiennes. Ainsi chaque jour se ressemblait: lever aux aurores, petit-déjeuner en compagnie de toute la domesticité, nettoyage, rangement, nouveau repas, servir le repas des maîtres, recommencer les tâches, servir le repas du soir, et ainsi de suite. Parfois, il y avait la visite de quelques visiteurs et il se pouvait que j'aide à l'accueil de ceux-ci. Et puis, alors que désormais je ne sortais plus la nuit de ma chambre et que je commençais à me remettre de cet événement, Lady Mary me convoqua. Un soir, alors que je servais tranquillement le dessert des maîtres, Lord Sebastian y compris mais assez respectueux devant Lady Mary, ce fut cette dernière qui m'avait interpellée. Elle m'avait ainsi conviée à la retrouver avant l'heure du coucher dans le bureau. Comme le jour de mon arrivée, il y avait également Monsieur le Comte mais c'était bien elle qui avait mené la conversation. Elle désirait me donner de nouvelle fonctions. Je n'avais pas la certitude que Monsieur le Comte eut été à un seul moment au courant de l'acte de son frère mais Lady Mary me signifia que cette décision était pesée de longue date. Ainsi, elle m'avait demandé si je désirais commencer la fonction de dame de chambre pour Lady Charlotte, sous une forme d'essai, histoire de vérifier que celle-ci puisse s'y faire. Naturellement, je pourrais continuer à aider le personnel de la maisonnée. C'était donc assez heureuse de ma nouvelle fonction que je m'étais couchée. Au petit matin, après les ablutions quotidienne, j'étais descendue en compagnie d'Agnes dans l'office.

- Je suis tout de même un peu gênée, avouai-je alors que je me trouvais à table.

- De quoi? me demanda Judith près de moi.

- De ma nouvelle fonction, dis-je alors.

- Tu ne devrais pas plutôt en être fière ? demanda Myrtle avec beaucoup de surprise dans la voix.

- Si bien évidemment, et je suis très touchée mais quand même..., marmonnai-je alors gênée.

- Puis-je savoir quel est le soucis Annabelle ? me demanda alors Miss Robbins avec beaucoup d'inquiétudes à mon égard.

- Myrtle et Permelia sont bien plus expérimentée et surtout, elles sont ici depuis bien plus de temps, avouai-je donc.

J'étais en effet mal à l'aise vis à vis de mes collègues et amies. Dans n'importe quelle autre demeure, cela serait presque à l'ancienneté que la nouvelle dame de chambre aurait été choisie, ou à l'expérience au moins. Et pourtant, c'était moi que les Hayworth avaient choisi et je n'étais pas très rassurée à l'idée de les blesser dans leur orgueil. Étonnement, protégeant sa bouche de ses mains, Permelia éclata de rire provoquant l'amusement de bien des employés. Je la regardai avec un étonnement non feint, surprise d'abord mais surtout perdue. Je l'interrogeai alors simplement du regard pour obtenir la raison précise de sa réaction.

- Ma chérie, tu es si mignonne et gentille, dit-elle alors en riant.

- De la manière dont tu le dis, cela ne ressemble nullement à un compliment, lui précisai-je alors.

- Je croyais que tu t'inquiétais d'être capable de gérer tes nouvelles fonctions, me précisa Permelia.

- Et en fait, tu te soucies de nous, ajouta tout de même Myrtle.

- Et je ne devrais pas? demandai-je presque vexée de tant les amuser.

- Tu es trop gentille, m'assure Carl en passant derrière moi alors qu'il rangeait des bouteilles.

- Maison en quoi est-ce étonnant ? demandai-je lassée.

- Je comprends vos interrogations, m'avertit alors Miss Robbins. Mais ce n'est pas si rare contrairement ce que vous pensez. Il arrive parfois que les maîtres préfèrent attribuer ce poste à une dame de chambre du même âge que la jeune Lady, souvent pour que celle-ci puisse se confier sans hésitation à sa dame de chambre que ce soit sur ses prétendants ou ses inquiétudes vis à vis de la société. L'expérience ou la longévité en fonction entre plus souvent en compte pour les maîtres et l'héritier car les fonctions demandent prestance, précision et assiduité.

- Je ne suis pas la seule à avoir le même âge ou tout du moins à m'en approcher, rappelai-je alors à Miss Robbins.

- Oui mais par contre tu exerces ce métier depuis plus longtemps, précise Judith. Je suis nulle en couture.

- Faute à qui ? fit alors Myrtle. Ton manque d'assiduité...

- Oui bon..., marmonna Judith.

- Et moi je ne sais pas lire, précisa ensuite Agnes. Si Lady Mary demande d'éplucher la correspondance matinale ou le journal, je ne puis le faire.

- Bon bon..., dis-je visiblement en infériorité numérique mais encore un peu mal à l'aise.

- Prenez donc confiance Annabelle, Lady Fullton avait confiance en vous elle, me précisa Miss Robbins.

- Disons que j'aurais aimé des conseils de Constance mais elle me semble loin de désirer m'en donner, précisai-je donc.

- Je peux t'en donner mais si tu veux d'excellents conseils, vas voir Luther, me précisa Carl. Lui il connaît vraiment cette fonction.

- Oui, avouai-je dans un soupir. Mais il sert Monsieur le Comte et toi Lord Henry, je dois servir une Lady.

- Luther a exercé bien ailleurs auparavant, me précisa rapidement Carl. Il a dû connaître plus d'une dame de chambre.

- D'accord, dis-je alors en me levant de ma chaise. Sais-tu où il se trouve ?

- Il doit être dans le vestiaire près du bureau de Monsieur Caldwell, celui où il repasse les journaux, précisa Carl.

- Je vais l'interroger, dis-je fièrement. Salue ta sœur pour moi, quoique je vais peut-être la croiser à l'étage.

Je me dirigeai alors d'un pas sûr vers le bureau de Monsieur Caldwell et surtout du vestiaire, passant tout près d'une Miss Robbins qui me posa une main sur l'épaule dans un geste assez encourageant tandis que Winnifred me gratifia d'un signe de main de motivation. Je leur souris pour leur exprimer ma sincère gratitude et je frappai à la porte.

- Entrez, fit alors la voix surprise de Luther Andrews à l'intérieur.

- Veuillez m'excuser Monsieur Andrews mais puis-je vous emprunter de votre temps ? demandai-je en ouvrant.

Il me fit simplement un signe de tête approbateur. Monsieur Andrews restait plus simple que Miss Grint, la dame de chambre de Lady Mary. Cependant, à cause de ses hautes fonctions, je continuais de lui montrer plus de respect qu'à Carl par exemple. J'entrai alors dans cette pièce qui disposait de tenues de rechange, de boîtes de cirages pour les chaussures, de nombreux équipe de coutures et de quoi nettoyer toute tache faite à un vêtement d'un Hayworth. J'aimais bien l'odeur de cette pièce surtout quand les fers à repasser avaient été portés à forte température. Je vis Monsieur Andrews finir de repasser un veston.

- Pas un pli, dis-je alors à Monsieur Andrews qui étendit le veston.

- Je vous remercie Annabelle... Puis-je vous aider d'une quelconques manière ? demanda-t-il en attrapant la pile de journaux.

Je regardai ceux-ci attentivement, plusieurs exemplaires de chacun d'eux nous arrivaient chaque matin. Évidemment, Monsieur le Comte et son fils en recevaient mais également Lord Sebastian et Lady Mary.

- Oui, je vais commencer mes fonctions de dame de chambre auprès de Lady Charlotte dès ce matin et j'aurais aimé recevoir quelques uns de vos précieux conseils, avouai-je à ce dernier.

- Et comme cette très chère Constance ne songe guère à se montrer sympathique, c'est à moi que vous vous adressez, dit-il amusé.

- Je ne dirai pas qu'elle est antipathique mais elle est bien moins accessible, précisai-je poliment.

- Les aléas de la vie simplement, elle aime sa tranquillité, précisa Monsieur Andrews. Allez-y Annabelle demandez et si je peux vous aiguiller, je le ferai avec plaisir.

Je souris immédiatement de son intention si bénéfique à mon égard, juste avant de me perdre dans mes réflexions. J'avais tant de questions à poser, sur ce que je devais dire, faire, proposer, ne surtout pas oublier,... Un travail assez colossal m'attendait en réalité.

- Tout d'abord... Comment dois-je la réveiller ? demandai-je alors en premier.

- Lady Charlotte étant encore une assez jeune fille sans réelle fonction d'apparat, je vous conseillerai de vous pencher sur elle et de simplement la réveiller en la secouant très légèrement, m'expliqua Monsieur Andrews. Ensuite, quand vous constatez qu'elle commence à se réveiller, ouvrez les rideaux et les fenêtres.

- D'accord, dis-je en notant mentalement les informations. Ensuite, je dois choisir la garde robe de Lady Charlotte ?

- Effectivement, mais Lady Charlotte peut vous signifier ses désirs, à moins qu'elle n'ait quelque chose à faire? me questionna Monsieur Andrews.

- Lady Charlotte doit prendre me thé avec les jeunes demoiselles qu'éduque Lady Mary, les jeunes Lady Caroline, Lady Hester et Lady Francine, précisai-je.

- Demandez à Lady Charlotte si il y a une tenue qu'elle affectionne en ces occasions, dit alors Monsieur Andrews.

- Bien, dis-je rassurée. Et... Je suppose que vous ne coiffez nullement Monsieur le Comte...

- Ho, il m'arrive d'égaliser la chevelure de Monsieur mais ce n'est rien par rapport à une coiffure de dame, m'avoua Luther amusé.

- Oui... Comment dois-je m'occuper du courrier de Lady Charlotte ? demandai-je ensuite.

- Comme elle le désire, fit-il en souriant. Sachez que la majorité des fonctions du personnel de chambres n'est qu'une succession de réponses aux exigences des maîtres. Mais dans votre cas, il s'agit seulement de la préparation matinale et de la préparation au coucher ?

- C'est bien cela, confirmai-je. Lady Mary m'a spécifié que je ne dois nullement exécuter les courses de Lady Charlotte ou même entretenir ses parures et sa garde-robe... Sauf au besoin bien sûr.

- Oui, je connais vos talents de couturière, dit-il me faisant rougir. Et puis vous verrez que Lady Charlotte n'est point capricieuse.

- C'est ce que j'ai entendu, dis-je en souriant.

- Et puis, elle passe une bonne partie de son temps avec Monsieur son oncle depuis son retour, elle ne vous demandera rien de plus, précisa Monsieur Andrews.

- Bien..., dis-je en réagissant au nom du vicomte encore perturbée des évènements que j'étais. Pensez-vous qu'un journal puisse intéresser Lady Charlotte ?

Je regardai en effet la pile avec circonspection. Les journaux d'affaires étaient destinés à Monsieur le Comte et son épouse, ainsi que leur fils; le journal théâtral étant quant à lui destinée à la seule Lady Mary. Monsieur le Comte, Monsieur le Vicomte et Lord Henry lisaient tous trois le journal des informations, comme n'importe quel anglais évidemment. Il y avait aussi les journaux mondains et, voyant Monsieur Andrews s'approcher de ce dernier, je compris que c'était le meilleur choix. Il commença alors à en repasser un exemplaire à mon plus grand étonnement.

- J'aurais pû le faire, dis-je alors.

- Ce n'est guère très amusant, avoua Monsieur Andrews.

Je le regardai s'assurer que l'encre était bien sèche, pour éviter que les doigts de nos maîtres ne se retrouvent salis par cette encre. J'ignorais souvent le contenu de ces revues mondaines qui ne constituaient en général qu'un recensement des évènements importants, bals, mariages, fiançailles de la noblesse britannique bien que la gentry commence également à y figurer.

- Et voilà, fit-il en le pliant et le posant sur un plateau.

- Merci, dis-je en le prenant.

- Le courrier est dans le bureau de Monsieur Caldwell, me précisa alors Monsieur Andrews avec sa gentillesse caractéristique. Il n'est pas dans son bureau donc...

- Vous êtes sûr que je peux y entrer? demandai-je intriguée.

- Vu vos nouvelles attributions, me fit simplement Monsieur Andrews.

Je souris encore à entendre ces mots et je quittai donc la pièce rapidement avant d'entrer dans le bureau voisin. Je m'approchai du bureau pour y voir si Lady Charlotte avait reçu quelques missives et je pus immédiatement percevoir que le courrier de Monsieur le Comte et son épouse, mais également celui de Lord Sebastian, manquaient à l'appel. Visiblement ce courrier avait déjà été distribué. Je pris donc les trois petites enveloppes destinées à ma jeune maîtresse et je me rendis compte que je me trouvais dans le sacro-saint des lieux pour une domestique. J'y avais alors jeté un regard rapide et je découvris principalement des livres de comptes. Monsieur Caldwell était quelqu'un de maniaque et cela se voyait. En effet, rien ne dépassait, tout étant rangé dans un alignement plus que parfait à mes yeux. La seule chose qui m'étonnait un peu était la carte du domaine. Qu'il y en ai une n'avait en soi rient d'exceptionnel mais c'était plutôt les marques faites par Monsieur Caldwell qui m'interpellaient. Comme je pus alors l'obserber, il n'y avait que quelques croix mais je remarquai surtout la présence d'un petit bâtiment dont j'ignorais l'existence, peut-être était-ce une chapelle de prière comme il arrivait parfois. Je ne devais cependant pas m'éterniser et je partis précipitamment dans les étages pour me rendre à la chambre de Lady Charlotte. Je m'empressai donc de me rendre devant la porte de la jeune fille, hésitante que j'étais à frapper. J'entends alors une porte s'ouvrir derrière moi et je me figeai alors, n'osant nullement me retourner sachant qui venait de l'ouvrir.

- Tiens tiens, fit alors la voix basse de Lord Sebastian.

- Monsieur le Vicomte, dis-je en me retournant malgré l'angoisse montante avant de me figer.

Le Vicomte me regardait attentivement et avait placé son index contre ses lèvres pour m'intimer le silence. Soudainement inquiète de la situation, je craignais une nouvelle expérience de la chaire malheureusement contrainte. Je regardai vers le couloir, espérant encore la main secourable de Lady Mary.

- Sophie a voulu dormir avec son père et j'ai moi-même eut la visite de Charles, il dort toujours, dit-il extrêmement bas en refermant la porte.

- Je serai discrète en réveillant Mademoiselle votre nièce, dis-je tout bas quand il s'approcha.

- Quel dommage que nous n'ayons pu finir ce que nous avions commencé, me précisa Lord Sebastian en s'approchant.

- Lord Sebastian, sachez que malgré votre statut, je ne désire nullement céder à vos avances, dis-je poliment.

- Vous ne pourrez que le regretter, mais bon vous êtes dans les petits papiers de ma chère belle sœur... Et surtout de mon neveu, précisa Lord Sebastian.

- Il n'y a qu'un attrait envers la littérature qui nous lie avec Lord Henry, rien de plus, me sentis je obligée de préciser.

- Que l'on dit, fit Lord Sebastian. Il a bien de la chance.

Je le vis alors lever la main et diriger ses doigts vers mon encolure. Je me figeai immédiatement, inquiète d'un éventuel geste déplacé. Je sentis alors le bout chaud de ses doigts sur la chaîne de mon collier, effleurant ma peau avant de l'éloigner doucement. Lord Sebastian me montra alors une aiguille. Je fermai les yeux inquiète en réalisant que c'était quand j'avais cousu mon col pour qu'il reste plat, l'encolure m'ayant récemment hérité la peau justement à cause de mon collier.

- Il serait bien dommage d'abîmer une telle peau, fit Lord Sebastian en me tendant l'aiguille. Et ce n'est pas ce sang que j'aimerais voir.

Je m'apprêtai en réalité à prendre l'aiguille quand Lord Sebastian prononça sa dernière phrase. Je l'avais regardé avec gêne à l'évocation de ma pureté charnelle.

- Cela semble vous amuser, dis-je en mettant l'aiguille dans ma châtelaine qui ornait désormais ma taille.

- Quel dommage que vous découvriez cela avec quelqu'un comme Henry, nullement encore déniaisé. L'expérience pourrait vous...

Je regardai Lord Sebastian avec un choc non feint. J'ignorais que Lord Henry n'avait nullement fait disparaitre son pucelage comme l'auraient fait bien des nobles de son âge avec une domestique où une femme dont ce genre de fonction était la profession. Cependant, c'était également avec colère que je regardai Lord Sebastian.

- Vous oubliez Lady Swan, dis-je choquée et révoltée.

- Et que vient faire cette crécerelle insupportable ? demanda Lord Sebastian.

- Je... Elle est sa fiancée, dis-je bêtement.

- Vous avez reçu une éducation noble par Lady Fullton et elle serait fière que vous la respectiez bien plus que ceux qui devraient... Moi le premier, dit-il en souriant.

- V... Peut-être n'êtes vous pas le noble le plus respectueux des convenances que j'ai eu l'occasion de rencontrer mais vous m'avez tout de même défendue contre Lady Swan, je suppose que vous n'êtes pas aussi... Aussi peu débonnaire que vous le laissez croire.

- Peut-être était-ce pour vous convaincre de rejoindre ma couche? proposa Lord Sebastian me choquant bien plus. Naturellement avec mon neveu, cela serait compliment ce matin.

- Lord Sebastian..., murmurai-je avant qu'il ne m'interrompe.

- Hmmm quel doux murmure, fit-il amusé. Veuillez prendre soin de ma très chère nièce, douce enfant... Et gardez le courage pour les faveurs d'Henry, ajouta-t-il victorieux en s'éloignant sans doute pour la bibliothèque.

Je le regardai s'éloigner tranquillement, consternée de ses propos mais pour la première fois depuis son arrivée, agréablement surprise. Je ne l'imaginais nullement aussi affectueux avec ses neveux et nièces. Je ne comprenais cependant pas pourquoi il n'était toujours pas marié. Alors qu'il disparaissait, je vis une forme jeune et indienne s'approcher de lui par le couloir. Passminder avait en effet son jour de repos et je les regardai partir vers la bibliothèque ensemble. Je fus prise d'une certaine inquiétude un peu futile, après tout si il devait y avoir un acte bien malheureux entre eux, il aurait sûrement déjà eu lieu. Je ne pus alors que me décider à pousser la porte de la chambre de Lady Charlotte. J'y avais déjà mis les pieds dans cette chambre si grande comparée à la mienne mais surtout si magnifiquement décorée avec les œuvres artistiques de la jeune Lady Charlotte. Cette jeune fille était réellement extrêmement douée dans les arts en général et je pourrais dire qu'elle était totalement exceptionnelle en peinture. J'adorais même découvrir ses nouvelles œuvres quand j'avais la chance de nettoyer cette chambre. Je me dirigeai à pas de loup vers le petit secrétaire et y déposai délicatement le plateau que je portais. Je voulais utiliser la méthode douce et me suis donc lentement approchée du lit. Tendant ma main, je touchai alors doucement l'épaule de la jeune Lady, la seule chose qui dépassait mis à part sa chevelure d'ailleurs.

- Hmmm...., marmonna Lady Charlotte.

- Lady Charlotte, appelai-je doucement.

- Gnnnn, grogna littéralement Lady Charlotte.

Qu'importe le milieu, tout le monde aime dormir quand il est bien installé. Cette seule pensée me fit sourire. J'insistai encore.

- Mademoiselle... Il est l'heure de vous réveiller, dis-je tout bas.

- Gné? marmonna alors la jeune Lady en baissant ses draps.

- Bonjour Mademoiselle Charlotte, dis-je alors doucement.

- Annabelle ? fait alors Lady Charlotte surprise et se redressant.

Je vis alors avec étonnement, le dit étonnement m'obligeant à me retourner, que Lady Charlotte dormait dans le plus simple appareil.

- Désolée, me lança Lady Charlotte dans un froissement de tissus. Je suis présentable, dit-elle ensuite.

- Veuillez me pardonner Mademoiselle, dis-je en me retournant à nouveau. Puis-je ouvrir les fenêtres ?

- Oui, bien sûr, fit alors Lady Charlotte avec un sourire aux lèvres.

Je partis rapidement, me remettant de mes émotions, ouvrir les tentures de velours épais avant d'ouvrir les fenêtres, faisant pénétrer dans la chambre autant d'air frais que de rayons de soleil.

- C'est une belle journée Mademoiselle, dis-je alors.

J'entendis le bruit des draps et me retournai avec appréhension. Lady Charlotte remuait de manière erratique dans son lit, semblant esquisser une gigue irlandaise. Je souris en voyant cela, Lady Charlotte ne savait visiblement pas que j'allais m'occuper d'elle ce matin.

- Ça y est, ils ont écouté Oncle Sebastian, fit-elle en remuant de joie.

- Mademoiselle...

- Et en plus c'est toi Annabelle !!! Je le savais !!! hurla presque Lady Charlotte me faisant m'inquiéter.

- Mademoiselle, vos jeunes frères et sœurs sont dans les chambres voisines, dis-je rapidement.

- Ouh... Faisons moins de bruits, dit-elle alors avec un grand sourire.

- Mademoiselle, dis-je cette fois en prenant un ton désolé. Vous me voyez profondément navrée de briser votre moment de félicité mais je me dois de vous préciser que Madame votre mère a estimé qu'il ne s'agissait que d'un essai.

- Ha..., fit Lady Charlotte visiblement blessée.

- Mais c'est un immense honneur pour moi, sachez le, dis-je quand même. Je suis très fière de pouvoir m'occuper de vous le matin.

- D'accord... Mère veut savoir si j'agis en jeune fille digne de mon rang avec une dame de chambre... Évidemment... Elle n'allait pas immédiatement écouter Oncle Sebastian, grommela Lady Charlotte visiblement vexée.

- Votre mère veut que votre entrée dans le monde se fasse de la meilleure manière envisageable, précisai-je alors en approche le lit pour tirer les draps.

- Et... Que dois-je faire en réalité ? demanda Lady Charlotte.

- Je vais m'occuper de votre préparation et ensuite vous pourrez rejoindre vos parents dans la salle pour le repas, précisai-je.

- Ai-je le droit de manger quelques fruits ? demanda Lady Charlotte.

- Je vais aller en quérir Mademoiselle, dis-je en me redressant mais réfléchissant si je devais tout de même finir le lit en premier.

- J'en ai, me précisa Lady Charlotte en montrant sa coiffeuse.

Je regardai alors vers la fameuse coiffeuse magnifiquement ouvragée pour découvrir une assiette de fruits mais également quelques gâteaux et du fromage. Je tournai ma tête vers ma jeune maîtresse qui baissa la tête.

- Ne dites pas à Mère que je me rends la nuit à l'office pour y prendre de quoi grignoter..., me précisa Lady Charlotte.

- Cela restera entre nous Mademoiselle, dis-je en riant poliment.

- J'ai pris cette habitude de mon oncle, fit Lady Charlotte en quittant son lit pour aller prêt de sa coiffeuse.

- Monsieur votre oncle est également pris de fringales nocturnes ? demandai-je pour faire la conversation avec ma jeune maîtresse.

- Souvent quand il est contrarié, cela arrive de plus en plus souvent, précisa Lady Charlotte avant de s'asseoir.

- Ho..., dis-je sans doute sur un ton coupable. Désirez vous le journal mondain en premier ou votre courrier ?

- Hmmm..., fit Lady Charlotte avant de murmurer à elle-même et ignorant que je l'entendais. Je voudrai bien les derniers ragots mais ça fait un peu écervelée... Je vais prendre mon courrier s'il-vous-plaît, dit-elle avec distinction.

Je souris en regardant Lady Charlotte, je n'aurais nullement précisé à Lady Mary que sa fille s'intéresse d'avantages aux mondanités qu'à ses correspondants. Je lui apportai donc avant de la voir me tendre des fruits.

- Tu as le droit ? demanda Lady Charlotte.

- Honnêtement je l'ignore mais je vais accepter par politesse, dis-je en prenant un raisin.

- J'ai l'impression que c'est la première fois pour toi aussi, me fit Lady Charlotte en riant.

- Tout à fait Mademoiselle, nous prendrons le temps de nous dompter mutuellement, précisai-je.

- Bien, fit-elle alors. Comme tu sais lire je suppose que c'est toi qui doit ouvrir le courrier? me demanda ensuite Lady Charlotte.

- Si cela ne dérange nullement Mademoiselle, dis-je même si il était évident qu'elle ne devait nullement recevoir de courrier au contenu confidentiel.

- Alors faisons comme cela, me fit elle en riant.

Je pris donc soin d'ouvrir délicatement la première enveloppe pour en sortir la missive et la lire avant d'en avertir Lady Charlotte.

- La première missive vous provient d'un certain Lord Bertram Wendicott, dis-je poliment.

- Bon..., grommela Lady Charlotte. Que veut il encore?

- Il aimerait savoir si vous serez présente au bal de Noël, dis-je alors.

- Fiou... Qu'il est lassant, marmonna Lady Charlotte.

- Puis-je vous demander si il s'agit d'un prétendant ? demandai-je avec un peu de gêne.

- On peut dire cela... Ses parents ont rencontré mon oncle lors d'un séjour en Inde..., marmonna Lady Charlotte.

- Votre oncle cherche-t-il déjà un époux ? demandai-je assez surprise.

- Ce n'est pas son genre, il me dit plutôt de vivre ce que je veux vivre, avoua-t-elle avec amusement. Et la seconde?

J'entrepris immédiatement d'ouvrir la seconde en espérant que ma jeune maîtresse soit bien plus satisfaite de la seconde missive et son contenu.

- Il s'agit d'une certaine Nora Farley, dis-je alors.

- Ho Nora? fit-elle enjouée. Vite dis moi...

Je souris en voyant l'engouement de ma jeune maîtresse à l'annonce de l'expéditrice de la missive, une de ses amies visiblement.

- Elle souhaite vous inviter à une représentation théâtrale de... Hamlet ce samedi, dis-je alors en déchiffrant l'écriture.

- Une pièce avec Nora, quel bonheur, fit alors Lady Charlotte en me regardant. Nous sommes de très proches amies.

- Je l'avais compris Mademoiselle... Cependant elle vous signifie de prendre vos dispositions pour avoir un chaperon, son frère Victor sera en effet présent, précisai-je en regardant ma maîtresse.

- Quelle lassitude... Mais dis moi... Tu aimes le théâtre ? demanda-t-elle rapidement.

- Moi? dis-je surprise. Oui mais j'ai principalement la chance de le lire...

- Et bien tu seras mon chaperon... En espérant nullement devoir en prendre un second, fit-elle en riant.

- Bien... Je pense qu'il est temps. Tu..., hésita Lady Charlotte.

Je la regardai alors comprenant bien ce que je devais faire : prendre soin de son apparence. Je me penchais alors vers sa coiffeuse cherchant par quoi je devais commencer.

- Utilisez vous quelque chose de particulier avant de vous coiffer Mademoiselle ? demandai-je au cas où.

- Oui, m'assura Lady Charlotte. Mère m'a appris à utiliser ceci.

Je regardai alors ma jeune maîtresse ouvrir brusquement un tiroir avant d'en fouiller l'intérieur en hâte. Elle en sortit un flacon totalement noir sans inscription.

- Est-ce une crème ? demandai-je méfiante.

- Pour ma peau oui, les bras et le dos, mais également le cou, me précisa Lady Charlotte.

- Bien, je vais commencer par vos bras si vous le voulez bien, dis-je rapidement.

J'ouvris la boîte et découvrit une crème brune à la douce odeur florale. Je mis doucement mes doigts à l'intérieur et Lady Charlotte me tendit son bras gauche. Je commençai ensuite à passer doucement la crème sur son bras, le haut d'abord, avant de me diriger vers l'avant bras. Soudainement, alors que je passai la main sur le poignet de Lady Mary, je sentis une excroissance surprenante, presque osseuse. J'ignorais totalement que Lady Charlotte avait un quelconque handicap ou une quelconque difformité. Je soulevai alors son bras pour observer cela de plus près quand Lady Charlotte retira son bras et me regarda horrifiée.

- Vous ai-je fait le moindre mal? demandai-je paniquée.

- N... Non... Mais qu'as-tu à observer mon bras? demanda Lady Charlotte.

- Je suis navrée de vous mettre mal à l'aise... J'ignorais cette excroissance, dis-je rapidement.

- Mais de quoi parles-tu ? me demanda Lady Charlotte en fixant son bras.

Elle me le tendit et étonnement il n'y avait rien. Je touchai alors lentement son bras partant à la recherche de son excroissance. Mais nulle trace de celle-ci.

- J'ai dû me tromper, dis-je avec gêne.

- Peut-être es-tu juste aussi stressée que moi, me rassura Lady Charlotte.

- Peut-être, dis-je en souriant de sa bonté avant de m'occuper du second bras.

Je devais ensuite m'occuper de son cou et de son dos, lui provoquant un léger frisson. Je m'en excusai alors quand elle saisit le pot et s'occupa de sa poitrine qu'elle sortit sans la moindre gêne. Moi, par contre, j'étais gênée d'avoir une vue plongeante sur sa poitrine juvénile encore à peine formée. Je profitai donc de ce moment où Lady Charlotte caressait sa poitrine avec la crème pour aller préparer robe et jupons. Je choisis pour ma jeune maîtresse une robe bleue pour ce jour là et l'observais discrètement. Je fus assez surprise de découvrir que la jeune maîtresse avait une certaine musculature comme si elle s'entrainait quotidiennement à des tâches physiques.

- Tout va bien Annabelle ? me demanda alors Lady Charlotte en me voyant l'observer.

- Oui Mademoiselle, lui précisai-je. Je me dois de vous complimenter, vous semblez avoir pratiqué des exercices physiques.

- Merci... Mais sois honnête... Est-ce horrible sur une femme? demanda Lady Charlotte en se retournant.

Une nouvelle fois, j'avais une vue plongeante et imprenable sur son corps nu, cette nudité ne semblant point lui poser quelconque gêne.

- Cela vous va bien Mademoiselle, dis-je alors.

- Nora me dit la même chose, fit-elle contente. Tu m'aides à m'habiller?

- Évidemment, dis-je en préparant l'horrible défilé de dessous, corsets et jupons.

Une fille ou même une femme de mon rang avait déjà beaucoup de couches de vêtements à enfiler pour être présentable mais il y en avait bien plus pour Lady Charlotte. Je devais d'ailleurs ignorer totalement ses soupirs de lassitude tandis que ce fichu corset se faisait récalcitrant. Je savais les mettre et les faire enfiler à quelqu'un mais j'avais peur de lui faire mal. Ce ne fut finalement pas le cas et je pus m'atteler à la dernière tâche de la préparation d'une jeune fille de bonne famille : sa coiffure.

- Ne me fais pas mal..., marmonna Lady Charlotte. Ils sont plutôt récalcitrant.

- Cela ira Mademoiselle, dis-je en prenant une des lotions.

J'avais installé celle-ci dans ses cheveux en espérant me faciliter la tâche, en vain. Lady Fullton avait les cheveux d'une dame de son âge, plutôt fins et fragiles, alors que ceux de Lady Charlotte avaient tendance à être bien épais et surtout très emmêlés. Je devais lutter avec la brosse et un peigne uniquement pour tenter de démêler ce triste amas de nœuds tandis que Lady Charlotte rouspétait dans son coin.

- Pardonnez moi, dis-je en la regardant dans le miroir.

- Ce n'est rien, je n'aime pas ça c'est tout, avoua Lady Charlotte.

- Comment désirez vous que je les coiffe? demandai-je immédiatement.

- Lors de la dernière réception, j'ai beaucoup aimé la coiffure de Lady Swan même si je n'ai pas pû la regarder longtemps... Pourrais-tu faire de même ?

- Oui, je pense, assurai-je en grimaçant en songeant cette horrible noble qui semblait m'avoir prise en grippe.

Je m'attelais à tenter de donner la même ondulation aux cheveux de ma jeune maîtresse en mordant ma lèvre sous la concentration. Lady Charlotte m'observait à travers du reflet dans le miroir.

- Tu n'aimes pas Lady Swan n'est-ce-pas ? fit-elle soudainement.

- Elle semble distinguée et bien faite de sa personne, dis-je alors poliment.

- Ce n'est pas une réponse, me fit Lady Charlotte en riant.

- Ce serait plutôt elle qui semble désireuse de me rappeler ma fonction, sans doute n'est-elle pas habituée à ce qu'une domestique ait reçu une éducation, avouai-je alors.

- On m'a dit ce qu'il s'était passé, me signifia Lady Charlotte.

- Un simple problème d'organisation, précisai-je. Heureusement il n'y a pas eu de drame.

- Je sais, avoua Lady Charlotte. Pourquoi réagit elle d'une telle manière en ta présence ?

- Je suppose qu'elle n'a pas apprécié que Monsieur votre frère m'offre mon cadeau de bienvenue, dis-je avec honnêteté.

- Pour les Swan, un domestique n'est guère plus qu'un meuble, m'assura Lady Charlotte.

- Ce n'est nullement le cas des Hayworth, dis-je alors. Ils nous traitent tous bien et vous également.

- Évidemment, dans mon cas je connais Monsieur Caldwell depuis ma naissance, de même pour Miss Robbins, précisa Lady Charlotte.

- Je vous remercie de cela, dis-je alors.

- Et c'était pareil avec Lady Fullton ? demanda ma jeune maîtresse.

- Vous la connaissiez ? demandai-je.

- Non, mais il m'en a parlé, me répondit-elle immédiatement.

- Lady Fullton a agi avec moi plus comme une mère ou comme avec une pupille qu'elle n'aurait dû le faire, dis-je avec honnêteté. Naturellement je lui en suis très reconnaissante mais notre lien était plus que celui d'une maîtresse avec son employée.

- Je trouve cela bien moi, fit-elle me faisant sourire. C'est pour ça que je veux que tu viennes au théâtre.

- Je vous remercie encore, dis-je en souriant.

- Tu n'es pas obligée de me parler avec autant de déférence, me précisa Lady Charlotte. Je ne suis encore qu'une jeune fille, noble certes mais bon...

- Je me dois tout de même de respecter ma fonction, lui dis-je par acquis de conscience.

- J'ai l'impression d'être comme Lady Swan, avoua ma jeune maîtresse.

- Vous êtes bien plus agréable et si vous me le permettez, bien plus jolie, dis-je la faisant rire.

- Si seulement... Tu sais, il m'a dit avoir voulu te défendre, dit-elle rapidement.

- Je sais Mademoiselle, je l'ai vu, dis-je alors.

Qui aurait pû rater cela? Pas moi, même si je savais que Lord Henry n'avait pas le droit de le faire, il avait essayé de faire cesser Lady Swan. Tant de gentillesse envers moi était plutôt le signe de trop de respect pour quelqu'un de mon rang.

- Et j'aurais voulu la voir, dit-elle en riant. Est-ce vrai qu'il a été plutôt mesquin?

- Ho non, il l'a tout de même respectée, voulus je préciser.

- Cela m'étonne, dit-elle en me souriant.

- C'est tout à fait normal, dis-je quand même.

- Puis-je t'avouer quelque chose d'étonnant? demanda alors Lady Charlotte avec les yeux brillants.

- Quoi donc? demandai-je méfiante.

- Il lui arrive de me parler, beaucoup même d'ailleurs, avoua celle-ci amusée. Et récemment, il m'a beaucoup parlé d'une certaine domestique.

- Mademoiselle... C'est plaisant à entendre mais tout de même gênant, dis-je en rougissant.

- Je vois que cela ne te laisse pas indifférente, dit-elle en souriant.

- C'est inconvenant, dis-je alors en essayant de ne plus rougir.

- Hmmm... Balivernes... Je crois que tu l'intrigues, assura Lady Charlotte.

- Mademoiselle...

- Et toi? Que penses-tu de lui? Honnêtement bien sûr et oublie mon rang..., me supplia presque Lady Charlotte.

- Je... D'accord mais ne le répétez pas, dis-je alors.

- Je serai aussi muette qu'avec les aveux de Nora, dit-elle rapidement pour me rassurer et visiblement parce qu'elle était aussi très friande de ragots.

- Je le trouve distingué, dis-je alors honnêtement.

- Je voulais dire physiquement, insista encore ma jeune maîtresse.

- Mademoiselle... Cela est gênant, dis-je avant de la voir impatiente. Il est très beau, plus que bien des hommes que j'ai eu l'occasion de croiser, dis-je enfin.

- Il te plait ? demanda-t-elle.

- Mademoiselle... Je connais mon rang, je sais où est ma place et aussi gentil soit-il avec moi, je ne peux imaginer quoique ce soit, assurai-je choquée.

- Est-ce réellement un crime de le trouver beau? dit-elle amusée.

- Non mais...

- En tout cas, je pense que toi, tu lui plais, dit-elle alors fièrement.

Je fis tomber la brosse à cheveux de stupeur, surprise du propos. J'ignorais lui plaire à ce point. Lord Henry était gentil certes mais il devait rencontrer des dizaines de jeunes ladies bien plus belles, plus intelligentes et plus distinguées que moi. Je la ramassai rapidement en essayant de garder un peu de stoïcisme.

- Quelle réaction éloquente !!! fit-elle en riant. Je suppose qu'il y a donc une certaine forme de réciprocité ?

- Mademoiselle... Je me vois obligée de vous demander de cesser, insistai-je immédiatement.

- Cela n'est pas si gênant, fit-elle en riant de la situation.

- Je ne suis qu'une domestique... Et puis de toute manière il est bientôt fiancé, précisai-je sans réfléchir et avouant un tout petit et léger intérêt.

- Ha bon ? s'étonna Lady Charlotte.

- Mademoiselle... Vous savez pertinemment qu'il est évident que d'ici peu de temps nous aurons l'annonce de ses fiançailles avec Lady Swan, dis-je pour lui rappeler l'évidence.

Lady Charlotte se figea alors en me fixant dans le reflet avant de se retourner brusquement pour m'observer surprise.

- Tu... Tu parlais de mon frère ? demanda Lady Charlotte me surprenant.

- Oui... Mais... Pourquoi cette question ? demandai-je surprise et plutôt énormément.

- Je... Je parlais de mon oncle..., s'étonna Lady Charlotte. Alors ça c'est amusant !

Je regardai alors Lady Charlotte avec circonspection et une étrange impression d'avoir commis une grave erreur. Elle parlait depuis le début de Lord Sebastian et cela me fit comme une sensation de dégoût. Je ne pouvais désormais plus dissocier Lord Sebastian de sa tentative assez horrible de me déshonorer.

- Je... Je ne pense pas, dis-je gênée.

- Visiblement tu sembles apprécier bien plus mon frère, dit-elle visiblement gênée de son erreur.

- Mademoiselle...

- Mon oncle ne te plaît pas? demanda-t-elle.

- Je suis navrée de vous dire cela mais j'ai plus de difficulté à comprendre le comportement de Monsieur votre oncle, tentai-je alors.

- Ho..., fit-elle en se retournant.

Lady Charlotte me regardait discrètement dans le miroir tandis que je continuais de la coiffer en silence. Je la voyais perdue et visiblement désolée de son erreur. Moi, je restais bloquée sur son annonce. Si elle ne se trompait pas, Lord Sebastian semblait intéressé par ma petite personne mais alors, il ne savait pas agir en conséquence.

- J'ai dit une bêtise ? me demanda Lady Charlotte au bout d'un moment.

- Je crois que vous vous méprenez, dis-je pour éviter de raconter quoique ce soit.

- Je pensais..., avoua Lady Charlotte. Je croyais que... Il m'a... Il m'a dit qu'il t'avait trouvé belle dans la bibliothèque...

- Ho... Je ne sais pas ce qu'il vous a dit sur ce soir là mais je n'ai rien dit ou fait qui puisse impliquer une quelconque volonté de ma part, m'empressai-je de dire.

- Je sais, me fit Lady Charlotte. Il m'a juste dit t'avoir vue emprunter un livre.

Et là, je me souvins avoir emprunté un livre. Un livre particulier d'ailleurs, que je n'avais même pas encore commencé à lire. En réalité, il était même sans doute encore dans ma robe de chambre. J'aurais pu être accusé de vol de par inadvertance.

- Je suis confuse, j'ai toujours ce livre, dis-je alors.

- Il te plait à ce point ? demanda Lady Charlotte amusée.

- Je ne l'ai même pas commencé à vrai dire, je l'avais oublié, dis-je désolée.

- Et quel est-il ? demanda-t-elle alors que je finissais.

- Voilà Mademoiselle, dis-je en reposant la brosse. Et pour le livre... Je crois que cela s'appelle le royaume des rêves.

Un silence pesant s'installa, Lady Charlotte me fixant dans le reflet avant de se retourner brusquement la bouche ouverte.

- Tu... Mon oncle t'a laissé le prendre ? demanda-t-elle alors.

- J'ignore si il sait que je l'ai pris, avouai-je. Pourquoi ?

- Euh... Il s'agit de son livre préféré, m'avoua Lady Charlotte.

Je regardai immédiatement celle-ci d'un air dubitatif, elle semblait me mentir. J'aurais aimé l'interroger un peu mais elle fut cependant plus rapide.

- Je te remercie, me fit Lady Charlotte. Je préciserai à Mère que je suis satisfaite.

- Merci Mademoiselle, à votre service, dis-je alors.

- Tu peux disposer, je dois... Sais-tu où est mon oncle ? demanda-t-elle immédiatement.

- Je crois qu'il est à la bibliothèque, en tout cas il s'y dirigeait quand je suis entrée dans votre chambre.

- D'accord merci, dit-elle en se levant. À ce soir.

- Bien, dis-je perdue avant de prendre congé de ma jeune maîtresse.

Je sortis de la chambre quelque peu perturbée par nos conversations et surtout sa réaction. Je n'avais pas fait dix mètres dans le couloir que j'entendis la porte de la chambre de Lady Charlotte s'ouvrir. Me retournant immédiatement, je la vis filer à toute vitesse vers la bibliothèque. Il se passait quelque chose qui m'étonnait plutôt énormément. Ce livre devait avoir son importance, je devrais peut-être m'atteler à sa lecture mais je devrais donc en demander la permission. Au moins avais-je été compétente dans mes nouvelles fonctions et j'appréciais beaucoup celles-ci, mais beaucoup moins que Lady Charlotte. J'avais cependant honte de mes propos. Peut-être allais je créer bien des problèmes en m'étant méprise...


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Note de l'auteur : Il y a une information quand Annabelle récupère le journal mondain de Lady Charlotte. Elle évoque en effet la noblesse ( nobility) et la gentry. Pour ceux ignorant la différence, elle est très simple. La noblesse, c'est l'aristocratie, les titres obtenus au fil des siècles et attribués par la famille royale. Un exemple assez facilement compréhensible est répandu en France où les rois aimaient donner le titre de Marquise à leurs maîtresses, comme dans bien d'autres pays. La Gentry britannique est une catégorie de nobles sans titres, souvent devenus riches par le travail et les affaires juteuses. Les nobles possédant des titres considèrent toujours la Gentry comme des roturiers. Un exemple récent est le mariage entre le Prince William et Kate Middleton. En effet, cette dernière vivant le "rêve de princesse" n'est pas noble. Cependant, elle n'est pas non plus une pauvre femme de ménage comme dans les téléfilms romantiques, elle fait partie de la Gentry et a donc quand même une éducation assez proche ainsi qu'un mode de vie qui n'a rien à envier aux nobles. Il existe cependant des cas où les membres de familles royales européennes épousent des personnes du peuple : mannequin, journaliste, personne de téléréalité, assistante familiale, gourou ( celui là est assez récent et je crois que c'est la famille royale d'un pays nordique). Seule la famille britannique et sa lignée dauphine a normalement conservé le mariage avec un certain milieu. Il est à noter que beaucoup de gens voyaient Lady Diana Spencer vivre aussi un conte de fée mais elle était déjà issue d'une très longue lignée de nobles, les Spencer, et possédait le titre de Lady bien avant de connaître un homme qui brisa une jeune fille innocente ( mais ce dernier commentaire n'engage que moi). J'espère avoir permis une meilleure compréhension de ce genre de détails. À bientôt pour une nouvelle précision.


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