Le Secret des Hayworth

Chapitre 7 : SEIZE ANS

8213 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/02/2023 15:36

SEIZE ANS


Après cette réception qui aurait pû tourner à l'incident pour mes maîtres et principalement leur réputation, la vie avait repris son cours au sein de la demeure des Hayworth. Par chance, Lord Sebastian ne s'était pas remis à agir de façon inconvenante auprès des dames de la région, se contentant de renouer ses liens familiaux. En effet, un matin, alors que je m'attelais à nettoyer les vitres, j'avais remarqué de l'autre côté de cette dernière le vicomte en train de jouer avec les petits maîtres, sous le regard attentif de Sophronia et l'amusement naturel de Lady Charlotte. C'était étonnant mais à cet instant là, il pourrait faire oublier ses comportements étranges et pervers pour agir comme son statut le demandait. Tout n'était donc pas perdu. J'avais en effet eu quelques craintes quand j'avais compris que la formation que donnait Lady Mary à d'autres jeunes ladies dans le bâtiment voisin allait commencer. De jeunes ladies côtoyant Lord Sebastian, cela m'inquiétait en effet grandement. Je n'avais pas encore eu l'occasion de rencontrer les élèves de Lady Mary, celles-ci restant cloîtrées de manière absolument protectrice dans leur bâtiment et sous la surveillance de ce que je pensais être une gouvernante. Je ne savais pas si Lady Mary s'en souciait réellement de son si particulier beau-frère mais grâce aux autres domestiques, je pus apprendre que cet agissement était habituel. En effet, même si il était peu probable que cela arrive, c'était également pour éloigner ces jeunes ladies de l'éventuelle tentation des valets de pieds. Après tout, c'était compréhensible car l'apparence physique était également un critère d'embauche pour le personnel. Cela pourrait sembler choquant aux gens du petit peuple mais il était plus agréable que le personnel soit bien fait de sa personne. Mais durant les deux semaines qui avaient suivi, et sans doute parce que Lord Sebastian me l'avait rappelé, je m'étais sentie abattue au plus profond de moi-même. La plupart des gens aurait été heureuse de fêter un anniversaire mais pour moi, cela signifiait surtout que cela allait être le premier depuis très longtemps que j'allais passer sans Lady Fullton et, même si je donnais le change, je ne cessais jamais de penser à elle. La veille du jour de mes seize ans, je m'étais couchée en retenant mes larmes, juste pour encore être plus triste dans mes rêves. J'avais en effet revu tous les moments importants auprès de Lady Fullton, de notre rencontre à mon apprentissage, de mes premiers services à mes habitudes de coudre en discutant avec ma maîtresse. Quelques invités qui m'avaient marqués, comme celui qui m'avait offert mon collier et dont je ne pouvais toujours pas revoir le visage... Une nuit bien triste en somme. Pourtant, au petit matin, ce fut par un mouvement sur mon lit que je fus réveillée. Je m'étais alors relevée très lentement en frottant le sel laissé par mes larmes après qu'elles ne soient séchées sur mes joues.

- Bonjour Anna, me fit Agnes tout sourire. Que tes seize ans soient bien heureux.

- Merci, dis-je alors en souriant.

- Tu vas bien? demanda-t-elle en me regardant avec une petite gêne.

- Oui... Pourquoi ? lui demandai-je intriguée.

- Je t'ai entendue pleurer une bonne partie de la nuit, dit-elle rapidement. Je ne voulais pas être discrète.

- Ce n'est rien... J'ai rêvé de Lady Fullton... Elle me manque un jour comme aujourd'hui, dis-je en grimaçant.

- Elle t'a éduquée après tout, m'assura Agnes à qui j'avais parlé en long, en large et en travers de ma maîtresse. C'est normal.

- Je le suppose, dis-je en me redressant.

Ce fut à cet instant précis que je me rendis compte que ma voisine de chambre tenait un petit paquet dans les mains. Je relevai les yeux vers elle avec étonnement.

- Ce n'est pas grand chose mais... Bon anniversaire, dit-elle en me tendant son paquet.

Je pris doucement le paquet, comprenant que ma voisine de chambre s'était mise à la dépense pour moi. Je l'ouvris avec délicatesse et je découvris des gants en cuir marron. Je relevai la tête vers elle avec surprise.

- J'ai remarqué que tu n'en avais pas, je parle de gants épais, précisa Agnes. Dans la région, il fait froid en automne et en hiver, cela te servira.

- Merci, dis-je alors touchée du geste. Puis-je te serrer dans mes bras pour te remercier ?

- Bien sûr, fit-elle en riant.

Je l'avais alors étreinte, touchée de son cadeau. Ce fut elle qui la rompit mais cela, dans le but de me fixer attentivement.

- Je me demande quel cadeau tu as reçu, dit-elle rapidement.

- Personne ne m'en enverrait... Je te l'ai dit pour mes parents, je n'étais qu'une main d'oeuvre, assurai-je gênée.

- Ho personne ne te l'a dit pour que tu puisses avoir la surprise... Les maîtres font un cadeau, précisa alors Agnes.

- Pardon? dis-je choquée.

- Oui, un cadeau surprise, dit-elle rapidement. Un des maîtres le choisit... Il doit être devant la porte.

Je me levai alors avec un vif intérêt et je me dirigeai d'un pas rapide vers la porte. L'ouvrant discrètement, je découvris contre le mur de celle-ci un paquet emballé soigneusement. Je le pris et refermai la porte.

- Les maîtres sont si gentils, dis-je alors.

- Nous sommes réellement trop bien traités, me fit alors Agnes en riant.

Je m'empressai immédiatement de déballer ce cadeau fait par mes maîtres et je découvris ce que je soupçonnais : un livre. Il s'agissait d'un roman appelé appelé Madame Bovary, d'un certain Gustave Flaubert. Ce nom sonnait français et je me promis de lui faire honneur.

- Tiens... Qui dans les maîtres sait que tu aimes lire ? demanda Agnes.

- Tous je dirai... Mais je crois l'avoir montré parmis d'autres à Lord Henry, dis-je amusée.

- Il doit l'avoir retenu, c'est intéressant, me fit Agnes en me souriant.

- Agnes... Ce n'est que de la gentillesse, cesse donc d'imaginer qu'il a réprimandé Lady Swan pour une autre raison, lui intimai-je donc.

- Oui, peut-être, fit-elle en me laissant soupirer de lassitude.

Comment pouvait-elle imaginer autre chose ? Je savais qu'elle imaginait un conte de fée sans doute, mais quelle ineptie d'imaginer cela. Lady Swan rentrait dans les critères de sélection d'une bonne épouse, Lord Henry ne pensait sûrement à rien d'autre.

- Et sinon comment vas-tu organiser cette journée de repos offerte par les maîtres ? demanda Agnes.

Un autre détail étonnant et assez rare pour être souligné. Les Hayworth désiraient que les domestiques prennent leur journée pour leur anniversaire, en plus de leur jour de repos habituel. Cela avait l'avantage de permettre à certains de retrouver leurs familles, ce qui dans mon cas n'avait que peu d'importance.

- Je crois que je vais simplement profiter des jardins du domaine pour me ressourcer... Et faire un très bel honneur à ce cadeau, dis-je fièrement.

- Tu vas passer ta journée à lire? s'étonna alors Agnes.

- Bien sûr..., hésitai-je gênée.

- Est-ce si amusant ? demanda Agnes.

- Imaginer ces personnages se mouvoir, vivre leurs aventures, faire des rencontres... Cela me fait passer dans un monde un peu hors du temps, dis-je alors.

- Chacun son plaisir, dit-elle alors avant d'aller se préparer.

Naturellement, j'avais du temps devant moi pour ma part et je n'avais pas hésité une seconde à commencer Madame Bovary. J'étais pressée de connaître ce récit. J'y étais tellement plongée même que je n'entendis pas Agnes revenir en s'habillant.

- Tu es incorrigible, me lança Agnes.

- Je sais, j'aurai dû attendre mais pour moi c'est dur, dis-je en riant avant d'aller me laver.

Je me dépêchai, pour me préparer à descendre ensuite en compagnie d'Agnes. Lorsque j'arrivai en bas, je vis que j'y étais attendue.

- Bon anniversaire ! me dirent les domestiques présents.

- Merci, mais vous me gênez, dis-je timidement.

- Assieds-toi, me fit Winnifred. Je t'ai préparé un petit déjeuner complet.

- Merci ma grande, dis-je touchée.

- Et maintenant quelques cadeaux, me lança Carl.

Je le regardai étonnée avant d'effectivement recevoir des cadeaux. Naturellement, pour la plupart d'entre eux, c'était ensemble qu'ils s'y étaient mis pour me payer des cadeaux. Je reçus, sans savoir de qui cependant pour éviter les jugements, un kit de couture complet, un ensemble de correspondance avec une belle plume, des tissus et même une paire de botte pour l'hiver.

- Et bien c'est qu'elle est gâtée, me fit Carl.

Je vis alors un dernier cadeau et je regardai Sophronia et son frère. J'avais déjà vu l'écriture de Sophronia lors de la récupération de sa commande et je savais que c'était elle. Il s'agit d'un peu de maquillage car cela devenait de mon âge. Je reçus également par ceux qui n'avaient sans doute pas eu l'occasion d'acheter quelque chose, un bon au porteur que je pourrais échanger dans une banque. J'étais touchée de tous ces cadeaux et j'avais désormais plus que la conviction d'être un membre à part entière de la maisonnée. Tout à coup, je vis Passminder s'installer à côté de moi.

- Je n'ai pas encore d'argent et je ne sais pas ce que tu aimes mais chez moi, on peut offrir autre chose, m'assura la jeune indienne.

- Tu n'as pas besoin de..., dis-je avant de m'interrompre quand elle attrapa mes mains.

- Oṃ maṇi padme hūṃ, murmura alors Passminder.

Elle se mit ensuite à psalmodier dans une langue qui m'était totalement inconnue et pire, des sons que j'ignorais même. Elle fermait les yeux en le faisant et je la regardais faire attentivement. Vu l'intensité qu'elle y mettait, elle y allait avec tout son cœur. Je souris alors en voyant cette jeune fille que je connaissais à peine faire cela pour moi car visiblement, c'était très important. Puis, elle expira avant d'ouvrir les yeux.

- C'était très beau, dis-je alors en caressant sa joue car j'avais déjà remarqué qu'elle appréciait ce geste.

- Je viens de prononcer un mantra de protection en sanskrit, pour que les esprits te protège, dit-elle doucement.

- C'est une très belle langue, dis-je alors touchée. Je te remercie...

- Si les ennuis te tombent dessus, quelqu'un viendra à ton secours, précisa-t-elle.

- J'espère ne pas en avoir besoin, dis-je alors touchée malgré tout.

Je vis alors apparaître dans mon champ de vision Monsieur Caldwell. Il tenait deux paquets en main. Il les posa doucement devant moi.

- Ces paquets sont arrivés par la poste pour vous hier, avec une note indiquant de vous les donner aujourd'hui, me précisa Monsieur Caldwell.

- Ho..., dis-je étonnée. Je suis surprise...

J'attrapais le premier colis et je compris immédiatement de quoi il s'agissait et de qui cela venait.

- Un gâteau de voyage, cela vient de Jane, dis-je en souriant.

- C'est qui? me demanda Judith.

- La cuisinière de Lady Fullton, dis-je en souriant. Hmmm des canneberges !

Je fus attirée ensuite par le second et je remarquai une enveloppe accrochée. Je pris donc le soin de l'ouvrir pour y découvrir un bon au porteur de la part d'Herbert, le Majordome de mon ancienne maîtresse. Et puis, il y avait un mot. Je le lus doucement et à peine quelques phrases plus tard j'étais en larmes. Ce mot, voilà ce qu'il contenait : "Ma très chère amie, j'espère que tu te plais au service de cette nouvelle famille. Mon cadeau n'a rien de bien surprenant, je préfère que tu puisses t'en servir pour acheter ce dont tu as besoin. J'ai joint un colis à cette lettre que j'espère, tu as ouverte avant mais te connaissant je n'en ai aucun doute. Ce cadeau n'est pas de moi. Il m'a été confié par la personne qui t'étais le plus cher. Peu avant sa mort, Lady Fullton m'a fait acheter ceci, qu'elle te réservait pour tes seize ans. Malheureusement, la maladie nous l'a enlevée mais tu mérites ce cadeau. Tu comprendras en le voyant à quel point elle t'estimait. Avec toutes mes amitiés, Herbert". Réalisation que c'était un cadeau de ma maîtresse adorée, celle que j'avais osé appeler mère sur son lit de mort, me mit dans un état déplorable.

- Ça va ? C'est une mauvaise nouvelle ? demanda alors Judith en me prenant dans ses bras.

- Je... Ce cadeau... Il vient de Lady Fullton... Elle l'avait acheté pour moi avant..., dis-je en réprimant un sanglot. Pardon... Je dois être dans un état lamentable.

- Annabelle, me fit Miss Robbins qui s'était agenouillée près de moi pour me consoler. Si je perdais un membre de la famille Hayworth, je serai clairement aussi inconsolable. Ne vous retenez pas...

Je souris de sa sollicitude avant d'ouvrir le colis, les mains tremblantes et impatiente de découvrir le cadeau de Lady Fullton. Je retirai le papier, puis enlevai le ruban avant d'ouvrir la boîte. Découvrant son contenu, je fus juste choquée. Je vis les gens autour de moi regarder cela avec circonspection.

- Mais qu'est-ce que c'est ? demanda alors Passminder qui osait dire ce que tout le monde se demandait.

- Ho... Magnifique, lança Miss Robbins. J'en ai rarement vue une aussi belle. Elle devait réellement vous tenir en très haute estime car elle est plutôt complète cette boîte.

- Et c'est ? insista alors Judith.

- C'est un Châtelaine, dis-je sous la surprise.

La châtelaine, c'était le summum pour une domestique, comme l'expliquait Miss Robbins aux autres. Souvent détenues par une intendante, les châtelaines n'étaient rien d'autre qu'un trousseau que l'on pouvait constituer soi-même de ses outils de travail. La plupart du temps, on y accrochait des clés, une petite paire de ciseaux, un dé à coudre, une montre, un sceau, un crayon, un petit carnet de notes voir un couteau de poche ou d'autres accessoires de travail. La boîte qu'avait achetée Lady Fullton contenait des dizaines d'accessoires et ils semblaient tous en argent, ce qui en faisaient des objets de grandes valeurs. Si elle m'offrait cela, c'était par reconnaissance de mon travail. Pourtant, ce furent les autres objets de la boîte qui faisaient de moi, un véritable membre de sa famille. Il y avait en effet tous les accessoires pour transformer cette châtelaine en élégante. L'élégante, c'est un trousseau pour dame de bonne condition avec les accessoires nécessaires pour briller en société. On y trouvait souvent , un miroir, une petite vinaigrette ou un flacon de parfum, une pince à épiler, une épingle à nourrice pour cacher les accrocs d'un vêtement, un pilulier et même parfois un étui cylindrique pour y loger un petit cigare à fumer. Un ensemble d'accès me permettrait de choisir chacun d'eux comme je le désirais.

- Quel beau cadeau, dis-je encore quelque peu étonnée.

- Lady Fullton vous aimait beaucoup, me fit Miss Robbins.

- Je sais, dis-je en devant encore essuyer des larmes.

J'étais plutôt émue et il me fallut même un très long moment avant de reprendre réellement mes esprits. Les autres s'étaient répartis les tâches pendant que je touchais chacun des objets dans la boîte que m'avait offerte Lady Fullton de manière posthume. Combien de temps j'étais restée comme cela? Je n'en savais rien mais ce fut la voix de Monsieur Caldwell qui me sortit de ma torpeur.

- Un maître à l'office! fit-il soudainement.

Même si j'étais en jour de repos, je me devais naturellement de me lever, ce que je fis donc non sans tourner la tête vers l'entrée pour découvrir la personne qui arrivait.

- Continuez vos occupations, fit alors Lord Henry en approchant.

- Un soucis Monsieur ? demanda Monsieur Caldwell.

- Non, aucun. Je voulais juste parler avec Annabelle, assura Lord Henry.

- Prenez donc place dans mon bureau, dit alors Monsieur Caldwell en me regardant.

- J'arrive Lord Henry, dis-je en prenant mes cadeaux que je rangeai dans mon sac.

Je traversai rapidement l'office, penchant la tête poliment devant Lord Henry quand je passai près de lui, avant de continuer vers le bureau. Lord Henry me suivant, il eut tout le loisir de refermer la porte.

- Si je dois travailler malgré tout, il n'y a pas de problème pour moi, dis-je rapidement.

- Non, ce n'était point pour cela, me fit Lord Henry. Mais vous ne comptiez aller en ville?

- Ho je comptais bien rester dans le domaine, assurai-je malgré tout.

Je remarquai enfin que Lord Henry tenait un paquet dans son dos et il me regarda attentivement. Je réalisai alors que mes joues devaient être humides et mes yeux rougis.

- Tenez Annabelle, fit-il en me sortant un magnifique mouchoir brodé.

- Je ne peux accepter, contredis je immédiatement.

- Faites donc... Tout va bien? insista Lord Henry.

- Je vous remercie de vous inquiéter mais cela ira mieux ensuite, dis-je en prenant le mouchoir et essuyant mes yeux.

- Je descendais pour vous offrir ceci et vous souhaiter un bon anni de la part de la famille, me fit Lord Henry en tendant un paquet. Malheureusement Père et Oncle Sebastian sont partis pour la journée et ne pourront vous assurer leur amitié.

- Ce n'est pas grave, dis-je en prenant le paquet. Mais vous me gâtez trop Lord Henry.

- Je ne trouve pas, dit-il doucement.

Je déballai alors immédiatement et précautionneusement le cadeau, découvrant ainsi un autre livre. Il s'agissait de la retranscription d'une œuvre de William Shakespeare.

- Nous avions discuté au sujet du Songe d'une nuit d'été que vous aviez eu l'occasion de voir, me fit Lord Henry. Je pense que cette œuvre pourrait confirmer le talent de Monsieur Shakespeare.

- Il n'est plus à confirmer, dis-je en souriant et caressant la couverture de Roméo et Juliette.

- Si vous désirez en discuter plus tard, je serai disponible ou je me rendrai disponible, assura Lord Henry.

- J'apprécie le geste, dis-je en souriant et tenant le mouchoir. Ho... Merci...

- Gardez le Annabelle, nous en avons suffisamment, me fit en souriant. Je...

Je remarquai sa gêne et j'essayai d'en comprendre la raison. Lord Henry ne prenait pas l'audace de me regarder en face.

- Oui? insistai-je.

- Je trouve que vous voir en civile est toujours agréable, dit-il rapidement. Je vous souhaite une agréable journée.

Et Lord Henry partit sans même demander son reste me laissant dubitative du compliment, car cela en était bien un. J'en fus touchée mais j'en restai surtout coi, perturbée d'une telle chose. Lord Henry m'avait en plus fait un cadeau supplémentaire, et je craignais un peu les espoirs de ce dernier. Je rangeai le livre, bien décidée à l'honorer également en retournant dans l'office. Madame Smith me déposa également de quoi me restaurer et, pensivement, je sortis dans le parc du domaine. Lord Henry était plus que gentil avec moi et je craignais que cela n'indique une trop forte ambiguïté si quelqu'un l'apprenait. Je ne désirais nullement lui causer le moindre ennuis et surtout auprès de Lady Swan. Je m'étais donc trouvée un petit coin assez sympathique et très bucolique, avec quelques arbres et quelques buissons, le bruit de la rivière coulant dans la zone me berçant. Je m'installai rapidement et me consacrai avidement à ma journée de lecture. J'aimais lire, mangeant un peu de gâteau de Jane, les petits sandwichs de Madame Smith, et buvant un peu d'eau. Les pages furent tournées sans hésitation, les mots défilant sous mes yeux de secondes en secondes, puis de minutes en minutes et enfin d'heures en heures.

- Qui est-ce ? demanda une petite voix féminine.

Je relevai immédiatement la tête quand j'entendis également des pas. Je me levai rapidement pour éviter d'effrayer quelq'un.

- Annabelle, dis-je poliment. Est-ce vous Lady Charlotte ? Lady Sophie?

J'entendis un petit rire enfantin et je soupçonnais déjà qu'il ne s'agisse de Lady Sophie. Je rangeai mes affaires et me mit à chercher la petite chipie. Je ne la trouvai pas mais je réalisai que j'entendais le clapotis de l'eau. Je fus légèrement inquiète en regardant autour de moi, ne voyant nullement Sophronia. La petite lady aurait pû échapper à sa surveillance et risquer de se blesser. J'avançai alors vers la rivière et j'entendis encore les petits rires enfantins. Je m'inquiétai déjà beaucoup plus grandement en approchant du lit de la rivière. Découvrant celui-ci, je cherchai autour de moi et je me figeai immédiatement avant me cacher derrière un buisson. Il y avait bien quelqu'un à la rivière, quelqu'un qui en profitait pour se détendre dans celle-ci et ce dans le plus simple appareil. Je me mis immédiatement à rougir avant de jeter un petit regard. J'avais bien vu de qui il s'agissait : Lord Henry. Il ne pouvait savoir où j'avais prévu d'aller et je me retrouvai maintenant dans une situation compromettante. Étonnement, je ne pouvais ou je ne voulais pas quitter Lord Henry des yeux. Son immense dos était musclé et parfaitement bâti et son fondement semblait également extrêmement musclé et ferme. Je fermai les yeux, me maudissant de regarder ce dernier mais pourtant je voulais l'admirer. C'était la première fois que je voyais un homme nu et ce n'était pas un spectacle déplaisant. Il se passait de l'eau un peu partout, comme le ferait beaucoup de gens. Depuis quelques années déjà, les médecins disaient qu'une eau pure de rivière était bien meilleure que l'eau des maisons. Nobles comme pauvres s'adonnaient à cela quand ils le pouvaient, comme me l'avait affirmé Agnes en projetant de faire de même. Je déglutis quand je le vis passer ses mains dans ses cheveux et je me sentis légèrement perturbée, le rouge aux joues qui me donnait étrangement chaud. J'avais honte de moi, surtout quand mon intellect me rappela que je n'étais point venu à cette rivière pour observer de manière inconvenante le jeune Lord mais bien par inquiétude pour sa jeune sœur. Je repartis donc à contre sens, retournant là où je me trouvais précédemment. Je cherchai encore si je pouvais au moins l'apercevoir dans ce coin caché mais il n'en était rien.

- Lady Sophie ? appelai-je encore.

J'avançai prudemment connaissant, pour l'avoir vécu lors d'une journée de ménage, la propension des petits maîtres à surgir en essayant de faire peur aux domestiques qui jouaient souvent le jeu pour amuser les enfants de Monsieur le Comte et son épouse. Je sentis tout à coup, sous ma semelle gauche, une petite gêne qui me poussa à baisser les yeux. Je levai doucement mon pied et je découvris un bout de tissus.

- Qu'est-ce donc ? dis-je pour moi-même mais à voix haute cependant.

Je me penchai rapidement, m'agenouillant même pour attraper ce bout de tissus. Je fus légèrement étonnée de réaliser ce dont il s'agissait.

- On dirait un petit bonnet..., réalisai je.

Je le tins en main, cherchant si je pouvais trouver une éventuelle poupée appartenant à Lady Sophie car un bonnet de cette taille ne pouvait appartenir qu'à une poupée. Je cherchai encore, regardant même dans mon petit sac si quelqu'un n'y avait rien caché.

- Non plus, dis-je en me relevant dépitée.

J'eus alors un étrange sentiment, la sensation particulière d'être observée. Je regardai donc partout autour de moi et je vis quelque chose. Près de l'arbre le plus éloigné de moi, je vis comme des doigts tenant cet arbre, de si petits doigts qu'ils étaient obligatoirement ceux d'un enfant. J'approchai donc doucement de cette arbre, quelque peu amusée.

- Je me demande où est Lady Sophie, dis-je amusée.

J'entendis son petit rire, celle-ci devant penser être bien cachée. D'un coup, je fis un bon et saisis la petite fillette.

- Je vous ai trouvée, dis-je en riant.

- Mais j'étais bien cachée !!! se vexa la petite tout en riant quand même.

- Vous êtes seules? insistai-je.

- Oui, Namia a perdu quelque chose, m'expliqua la petite.

Je regardai celle-ci intriguée, me demandant qui était Namia.

- Et Namia est...

- Mon amie, confirma la petite.

- Serait-ce ceci? demandai-je alors en tendant le tout petit bonnet.

- Tu l'as trouvé !!! fit-elle enchantée. Namia sera contente.

- Vous devriez faire attention avec vos poupées, dis-je alors.

- Ce n'est pas une poupée, c'est une gnome, me répondit alors la petite lady.

Je la regardai en souriant, touchée de son imagination quand j'entendis des pas précipités qui me poussèrent à me retourner. Je vis Sophronia qui accourait le plus rapidement possible.

- Ho tu as trouvé Lady Sophie... Elle m'a filé entre les doigts, me fit Sophronia en s'arrêtant en pleine course pour reprendre sa respiration.

- Elle a perdu le bonnet de...

- Je n'ai rien perdu, assura la jeune lady. C'est Namia qui a perdu son bonnet.

Je souris en entendant cela et en voyant Lady Sophie agiter le petit chapeau devant Sophronia. Je tournai alors la tête vers cette dernière et je fus étonnée de sa réaction. Elle regardait le petit couvre-chef avec stupeur.

- Tu l'as trouvé où ? demanda-t-elle comme inquiète.

- Il était dans le coin, Lady Sophie a dû le faire tomber... Mais tu es venue ici hier ? demandai-je étonnée.

- Non hier, on a joué à l'étage, fit Lady Sophie.

Je tournai la tête vers Sophronia, doutant tout de même qu'une si petite fille puisse être aussi sûre d'elle.

- Lady Sophie... Vous ne devez pas sortir comme ça de la demeure, dit-elle en regardant la petite.

- Mais Namia a perdu son bonnet, rétorqua Lady Sophie. Tu sais bien que ses frères ne seront pas content. Les gnomes ne doivent pas sortir sans leurs bonnets, les oreilles sont sensibles, insista Lady Sophie.

Je la vis s'éloigner un peu et je regardai Sophronia avec amusement.

- Elle est si mignonne, dis-je alors. Et quelle imagination...

- Hein? s'étonna Sophronia. Oui, l'histoire des gnomes est dans le livre que je t'ai fait ramener, depuis elle en voit partout...

Et effectivement, je pus voir que Lady Sophie semblait chercher ses fameux gnomes. Je trouvais cela très attendrissant. Mais je pus également remarquer le stress de Sophronia. Je la trouvais comme sur ses gardes. En effet, la gourvernante des petits maîtres était en train de scruter chaque parcelle du jardin autour de nous.

- Tout va bien Sophronia ? Tu cherches Lord Charles? dis-je soudainement inquiète.

- Non... Il est dans la demeure avec Madame la Comtesse, assura Sophronia. Ho... C'est bien aujourd'hui que tu as seize ans?

- Effectivement, je profitais de cette journée pour lire ici, à l'abri de tout le reste, dis-je alors en souriant.

- Seize ans... Déjà, me fit Sophronia en regardant partout.

- Si j'étais d'une famille noble, mes parents saisiraient l'occasion d'essayer de me marier, dis-je alors en riant.

- Oui... C'est l'âge des grands changements, m'assura Sophronia sans quitter la petite lady des yeux.

- Vous voulez rester un peu avec moi? demandai-je.

- Non, me fit Sophronia en me souriant. Je dois leur apprendre les lettres de l'alphabet.

- Ho ils sont en avance, dis-je alors surprise.

- Oui, avoua Sophronia. Lady Sophie ?

À l'instant même où elle l'avait appelée, elle s'était approchée de la lady pour l'attraper et la caler bien précautionneusement dans ses bras.

- Mais Namia? demanda Lady Sophie.

- Namia devra vous retrouver au manoir, précisa Sophronia un peu fort à mes yeux. Les gnomes doivent restés cachés, ils le savent.

- C'est vrai, dit alors la petite lady toute triste.

- Rester cacher et ne jamais se faire remarquer, c'est l'accord pour qu'ils puissent rester, dit-elle encore un peu fort. Ils connaissent aussi l'accès au manoir.

Je souris en regardant la petite lady toute penaude dans les bras de sa gouvernante. Que ne fallait-il pas dire pour convaincre un bambin d'obéir... Je me demandais même si les gens du peuple avaient autant de difficulté.

- Tu vas pouvoir continuer ta lecture tranquillement, me fit Sophronia. En espérant ne pas être incommodée par les gnomes.

- Sait-on jamais, dis-je en riant.

- Passe une bonne journée, me fit Sophronia en s'éloignant avec son précieux chargement qui me saluait d'un geste de la main.

- Soyez sage Lady Sophie, dis-je en la saluant.

Je regardai la petite s'éloigner dans les bras de sa gouvernante, attendrie et espérant qu'un jour peut-être, je pourrai également raconter de jolies récits à mes éventuels enfants. Je me retournai vers mes livres prête à terminer ma lecture quand je me souvins de ma découverte près de la rivière. J'en rougis encore en me maudissant d'avoir observé ainsi Lord Henry et je m'assis dans l'herbe.

- Bon, où en étions nous? demandai-je à moi-même en regardant également le gâteau.

Je fus étonnée car il manquait un morceau. Je me retournai alors en riant vers le manoir.

- La petite gourmande, dis-je alors en souriant car j'imaginais bien la petite lady profiter de mon inattention pour en prendre un bout.

J'espérais même qu'elle ait pensé à en prendre également pour son frère. Je repris donc ma lecture mais avec un étrange sentiment. Un sentiment gêné même car à chaque fois que j'entendais le clapotis de l'eau, je repensais à ce que j'avais vu.

- C'est vrai que Lord Henry est bel homme, dis-je en tournant les pages. Lady Swan sera sans doute enchantée de pouvoir l'appeler son époux.

Dire cela me fit tout de même un pincement au cœur. Je ne pensais en effet nullement que Lord Henry puisse un jour se satisfaire de cette union. Lady Swan avait bien l'éducation nécessaire à quelqu'un de son rang mais ne semblait pas désireuse de montrer une quelconque culture. Je ne pouvais pas juger, on demandait rarement aux jeunes filles de bonnes familles de se faire remarquer par leur intelligence, elles devaient en général se contenter d'être belles et de ne pas faire honte à leurs époux. Je ne fus plus dérangé de la journée et je pus lire sans discontinuer mes nouveaux livres. Ainsi, quand le soleil commença à se coucher, je pus retourner tranquillement à l'office pour prendre mon repas du soir avant de rejoindre ma chambre. Agnes avait semblé fatiguée de sa journée et j'avais donc appris avec soulagement que le cirage des sols avaient été à l'ordre du jour et par chance, j'y avais échappé. Ce n'était pas une de mes tâches préférées et même si je savais déjà que le lendemain y serait consacré également, j'étais contente d'avoir épargné mes genoux. Naturellement, ma chère Agnes me demanda comment s'était passée ma journée et je lui avais raconté avec amusement ma petite rencontre avec Lady Sophie. Pour une certaine raison, celle de désirer cacher une curiosité mal placée, j'avais tu ma découverte de Lord Henry dans le plus simple appareil. Mais malheureusement, désireuse pourtant de ne plus y penser, ce fut tout le contraire qui m'arriva. Et ce fut même encore pire quand je m'étais retrouvée allongée dans mon lit. Je ne cessai de repenser à cette vision, me demandant si quelqu'un m'avait également vue ou si il avait eu l'impression d'être observé. Le tic tac de l'horloge de notre chambre m'empêcha également de m'endormir et, après avoir craqué une allumette, je me rendis compte qu'il était déjà passé minuit. Je regardai attentivement le paravent que nous placions entre nos lits pour que je puisse lire à la lumière d'une bougie.

- Je pourrais aller me chercher un livre, dis-je alors très bas.

Je n'avais qu'à me rendre discrètement à l'étage des maîtres comme il m'arrivait parfois de le faire. Je pris donc une bougie et je me dirigeai vers la porte, sortant de ma chambre et allumant la bougie rapidement. Par la suite, j'avais pris la direction de l'escalier de service et j'étais descendue jusque l'étage des maîtres, ouvrant la porte d'accès avec discrétion. J'avançai doucement à travers l'étage pour me rendre à la bibliothèque à laquelle le Comte m'avait permis d'accéder lors de mon entretien. Naturellement, peu désireuse de réveiller n'importe lequel de mes maîtres, j'avançai silencieusement dans ma petite chemise de nuit recouverte d'une robe de chambre. J'ouvris doucement la porte de la bibliothèque et je réalisai le silence de l'endroit. Seul le feu de la cheminée illuminait la pièce. Je souris et j'avançai, ne prétant nullement attention aux deux fauteuils devant la dite cheminée pour me diriger vers une étagère. Je posais alors ma bougie sur une petite étagère au dessus d'une sorte de toute petite table qui courait le long du mur et permettait de déposer des livres.

- Alors..., chuchotai-je quand même malgré le fait que j'eusse refermé la porte en entrant.

Mes doigts survolèrent les couvertures des livres me mettant face à un choix difficile et habituel. Les maîtres avaient vraiment un grand choix et j'avais toujours le plus grand mal à me décider. Parcourant les couvertures, je tombai alors sur une couverture aux reflets métalliques, que je n'avais jamais vue auparavant.

- Tiens..., marmonnai-je alors. Il est nouveau ?

Je le pris alors pensant que peut-être Lord Sebastian l'avait ramené de voyage. La couverture métallique était étrange, il n'y avait qu'une gravure d'os et un nom : le royaume des rêves. Peut-être était-ce des contes pour enfants dont j'ignorais l'existence. Je glissai donc immédiatement ce livre dans la poche de ma robe de nuit avant d'en chercher un autre.

- Je comprends mieux pour certains disparaissent momentanément, fit une voix derrière moi.

Je me retournai immédiatement, apeurée et sursautant pour découvrir Lord Sebastian debout dans la bibliothèque. J'avais alors immédiatement repéré le fauteuil retourné, un livre posé dessus, l'ensemble m'indiquant que Lord Sebastian avait eu la même idée que moi. Je remarquai aussi à la lueur des bougies que Lord Sebastian ne portait qu'un pantalon de nuit et je tournai immédiatement la tête.

- Pardonnez-moi, je ne désirais nullement vous imposer ma présence, dis-je en tournant la tête.

- Cela fait plaisir de savoir que je ne suis pas le seul en ces murs que la magie des mots tient éveillé, dit-il. Pourquoi regardez vous le mur?

- Votre tenue Lord Sebastian... Elle...

- Vous pouvez regarder le corps d'un homme si simplement vêtu, nul ne vous jettera la pierre... Et puis votre tenue n'est guère plus habillée, fit-il soudainement amusé.

Je tournai la tête vers lui et son torse de statue grecque couvert de cicatrices en tout genre avant de baisser les yeux sur la mienne. Ma robe de chambre était ouverte, découvrant une chemise de nuit fine, quasi transparente à la lueur des bougies mais surtout, les ficelles surplombant ma poitrine étaient relâchées découvrant ainsi sa forme et sa chaire.

- Ho mon dieu, dis-je en la fermant. Padonnez moi...

- La question est plutôt de savoir si je vais vous pardonner de cacher ce si beau spectacle, fit-il en riant avant de voir mon visage rougissant. J'en ai vu d'autres.

- Je n'en doute pas..., dis-je honteuse quand même.

Je le vis marcher vers moi lentement et je reculai d'un pas, méfiante.

- Quel dommage de ne jamais vous voir arborer vos cheveux relâchés, j'imagine à quel point ils resortiraient si vous portiez une robe de bal, dit-il simplement.

- Je vous remercie du compliment, dis-je méfiante et mal à l'aise.

- Allons ne me faites pas croire qu'aucun homme n'ait jamais tenu de tels propos à votre encontre, dit-il en souriant.

- Si... Lord Henry, mais par gentillesse, dis-je alors par acquis de conscience.

- Ce cher Henry, fit il amusé. Au moins voit-il bien.

Je remarquai qu'il approchaient toujours et je me calais alors contre les étagères. J'étais seule en pleine nuit, dans une tenue plutôt du genre à défier la morale et avec un homme célibataire de surcroît, une somme de détails assez gênante même si on ometait le comportement habituel du vicomte. Il s'arrêta face à moi et posa sa main gauche sur l'étagère.

- Je possède quelques livres un peu plus... Particuliers, peut-être vous intéresseraient-ils? dis-je alors. Mais ils sont dans ma chambre...

- Je suppose que vous parlez des livres du Marquis de Sade, dis-je gênée de son propos.

- Vous êtes donc celle qui fit ma chambre... D'autres découvertes intéressantes ? demanda-t-il en souriant d'amusement.

- Je...

- Quelque chose vous a intrigué ? Demandez..., fit-il en riant.

- Le loup... Pourquoi..., hésitai-je alors.

- Pourquoi ne permert-il pas de voir? demanda-t-il visiblement lucide pendant que je hochais la tête. Mon enfant, quand il y a privation d'un sens, les autres deviennent plus sensibles et le toucher est le premier...

- Je vois...

- Les rubans aussi vous intriguent? Ils servent à s'assurer que personne ne s'échappe, avoua-t-il en riant. Et le...

- Non, s'il-vous-plaît, dis-je plutôt rougissante.

- Vous connaissiez déjà ? Hmm..., fit-il pensif.

- Lord Sebastian, j'ignorais... Ce dont il s'agissait...

- Préférez le contact réel ? demanda-t-il alors en se penchant vers moi.

- Lord Sebastian... Éloignez vous s'il-vous-plaît..., le suppliai-je alors.

- Répondez-moi..., insista Lord Sebastian.

- Mais de quoi parlez vous? demandai-je quand même.

Me choquant totalement, Lord Sebastian se pencha et glissa doucement ses lèvres le long de mon oreille. J'eus un frisson de peur tandis qu'il me répondit.

- Vous touchez vous? demanda-t-il.

- Pardon? dis-je choquée et un peu plus fort.

- Vous caressez vous en songeant... À mon neveu? demanda-t-il alors.

- Seigneur non! dis-je en essayant de me décaler.

Lord Sebastian ne me laissa pas m'échapper et sans que je comprenne comment, je me retrouvait dos au petit bureau, presque posée dessus.

- Vicomte... Je vous en prie..., dis-je en le voyant m'approcher.

J'avais entendu des choses dans ma vie. Des choses horribles. Certains maîtres n'hésitaient pas à profiter de leur statut. Naturellement, il arrivait aussi que les jeunes domestiques soient simplement flattées de plaire aux maîtres ou à leurs fils, donnant clairement leur consentement sans se rendre compte de ce qu'elle risquait. D'autres, étaient victimes d'assauts non consentis, de véritables saillies mais qu'importe, en cas de découverte, le prix était le même : le licenciement. Et si par malheur la domestique tombait enceinte, elle vivrait dans la honte toute sa vie. Mais la lueur dans le regard de Lord Sebastian semblait plutôt éloquente.

- Hier, c'était votre anniversaire... Peut-être est-il temps d'apprendre à connaître le plaisir ? demanda Lord Sebastian en s'approchant.

- Vicomte...

- Vous n'oseriez pas déranger le sommeil de vos maîtres ? demanda-t-il en se plaquant contre moi.

Je tentai de le repousser rapidement, touchant obligatoirement son torse pour le pousser.

- Annabelle... Ce n'est pas si horrible à découvrir, me fit cet homme horrible.

- Arrêtez ! grommelai-je alors en essayant de le repousser de ma jambe droite.

Ce fut là mon erreur... En effet, relevant ma jambe pour repousser le Lord Sebastian, je lui permis en réalité de glisser encore plus aisément entre mes cuisses. Mes jambes étaient clairement écartées et, sans doute aussi clairement, ma mine était horrifiée.

- Calmez vous, vous verrez, fit-il en approchant la main de mes jambes.

J'étais tétanisée mais pas suffisamment pour m'empêcher de sursauter quand sa main brûlante effleura ma jambe. Je le regardai paniquée, réalisant cependant que son regard n'était pas si lubrique que j'aurai pu l'imaginer au premier abord. C'était particulier mais il y avait comme de la douceur. Cela n'empêcha cependant nullement Lord Sebastian de remonter lentement le long de ma cuisse, vers mon intimité, comme un explorateur découvrant une contrée inconnue. Je tournai la tête, me mordant les lèvres et sentant les larmes venir. Il remonta encore et je pensai alors avoir une dernière chance. J'ai saisi sa main de la mienne, l'obligeant à s'arrêter pour me fixer.

- Je vous en prie... Je... Je suis..., osai-je alors à peine bredouiller.

- Tu as si peur ? s'en amusa Lord Sebastian. Dans ce cas...

Je pensais bêtement à cet instant là que cela l'avait peut-être convaincu de s'arrêter. Il n'en fut malheureusement rien. D'un mouvement de poignet, il dégagea sa main que je tenais et la saisit. Je pivotai ma tête vers lui paniquée quand je sentis qu'il me guidait vers mon intimité.

- Non... Arrêtez..., dis-je choquée en le fixant.

Et là, sans gêne aucune, il guida mes doigts si fins vers une contrée que moi-même je ne touchais jamais à part pour me laver. Je tentais de remuer pour me dégager quand je sentis mon doigt m'effleurer.

- Lord..., dis-je choquée.

Il obligea mon doigt à me toucher, me faisant sursauter de panique, je tentais encore de me dégager mais il continua de faire bouger mon doigt. Malgré la situation, je me sentis plus sensible, et je sursautai encore quand ce fut le petit bouton qui fut effleuré.

- J'ai envie de t'entendre, dit-il avec une voix douce qui dénotait plutôt avec la situation.

Je le regardai faire en me débattant me rendant compte que lui aussi en semblait plutôt excité. J'avais subir un outrage qui m'obligea à fermer les yeux.

- Je peux savoir ce qu'il se passe? demanda alors une voix dans la pièce.

J'ouvris les yeux, me redressant pour voir par dessus l'épaule du vicomte et découvrit Lady Mary à l'entrée de la pièce. Peut-être fut-il également surpris mais cela eut pour conséquence de me permettre de le repousser. Je me dégageai rapidement, descendant du meuble et filant vers la porte, inquiète. Lady Mary allait tirer les conjonctures de cette scène atroce. Elle allait croire que j'essayais sans doute d'acquérir les faveurs du vicomte et me licencier ensuite. Me voyant avancer vers la porte, Lady Mary m'apostropha.

- Annabelle, que se passe-t-il ? demanda-t-elle choquée.

- Rien Madame, dis-je en fondant vers la porte.

Mon bras fut immédiatement saisi au passage par Lady Mary me poussant à me figer.

- Dois-je faire mes valises ? demandai-je à deux doigts de pleurer.

- Dieu du ciel! Non..., fit-elle choquée. Que vous a-t-il fait?

- Je..., hésitai-je alors et ignorant quoi répondre. Rien Madame...

Personne n'allait croire une simple domestique et encore moins remettre en cause la parole d'un vicomte.

- Annabelle... Répondez moi... Vous a-t-il... Fait subir un outrage que la décence m'oblige à taire? demanda la Comtesse.

Je la regardai choquée, elle prenait ma défense. Je regardai le vicomte et puis Madame la Comtesse, n'oubliant pas où était tout de même ma place.

- Non Madame... Nous ne faisions que parler, dis-je en osant à peine la regarder.

- D'accord..., fit la comtesse visiblement peu crédule. J'empecherai que cela ne se reproduise, montez vous coucher !

- Tout le monde compte interrompre mes loisirs ? demanda alors le vicomte.

Lady Mary me fit un simple signe de tête m'indiquant d'aller vers la porte. Je l'y rendis et la passai immédiatement, prête à la refermer quand j'entendis le bruit caractéristique d'une main s'écrasant sur une joue, me poussant à écouter.

- Es-tu devenu fou? demanda Lady Mary énervée.

- Ouch..., grommela Lord Sebastian. Je ne faisais que l'initier.

- Sebastian, que tu salisses notre nom en t'amusant avec nos invitées passe encore mais il s'agit d'une de nos domestiques, s'énerva Lady Mary.

- Elle reste une femme, répondit le vicomte.

- Elle nous sert du mieux qu'elle peut et ce n'est nullement pour que tu puisses la trousser ! s'énerva Lady Mary.

- Nous n'en étions nullement arrivé à ce stade!

- Ne joue pas avec moi Sebastian, s'offusqua Lady Mary. Elle t'a couvert en plus.

- Peut-être aimait elle ce que je faisais? proposa le vicomte me choquant.

- Elle fait passer son devoir avant sa sécurité espèce d'idiot, s'énerva Lady Mary. Elle a à peine plus que l'âge de Charlotte.

- C'est un bon âge pour..., commença Sebastian avant une autre gifle.

- Arrête de faire tes simagrées, qu'est-ce que tu manigances à la fin ? demanda Lady Mary.

- Je m'assure d'un détail, avoua Lord Sebastian.

- Tu ne connais pas d'autres méthodes ?

- Allons tu as eu trois grossesses, tu sais que c'est plus amusant, avoua Lord Sebastian.

- Sebastian... Lâche mon poignet, fit Lady Mary qui avait encore dû essayer de le gifler.

- Tu sais pourquoi je fais cela..., fit Lord Sebastian. Navré pour ton poignet.

Je ne comprenais cependant pas tout de cette étrange conversation quand une voix me provint du couloir.

- Annabelle ? fit la voix reconnaissable de Lord Henry me poussant à le regarder.

- Lord Henry? dis-je surprise en le découvrant en robe de nuit.

- Vous étiez dans la bibliothèque avec mon oncle? demanda-t-il choqué.

Je le regardai choquée de sa compréhension mais je compris surtout qu'il risquait de me prendre pour une gourgandine aux mœurs légères. Je n'osai pas le regarder mais je le sentis s'approcher et surtout saisir mes épaules.

- Sebastian vous a-t-il fait du mal? demanda-t-il paniqué.

- Non..., dis-je surpris.

- A-t-il nui à votre honneur ? demanda-t-il ensuite. Dites moi et je lui ferai payer son comportement.

- Tout va bien Lord Henry, Madame votre mère est arrivée, dis-je alors gênée mais quelque peu surprise que lui aussi donne de la valeur à mes paroles.

- Il allait..., hésita Lord Henry.

- Il devait juste essayer de m'effrayer, dis-je alors sachant que si Lord Henry essayait de me défendre, c'était lui qui aurait des ennuis.

- Je suis navré, dit-il doucement. Je vais lui parler... Voulez-vous un remontant ?

- Cela ira Lord Henry... Je vais retourner dans ma chambre... Ne faites rien d'inconsidéré, lui conseillai-je quand même.

- D'accord... Si vous désirez parler..., proposa t'il honteux du comportement de son oncle.

- Merci..., dis-je avant de partir pour ma chambre.

J'étais gênée, de la situation d'abord mais également du fait que mes maîtres aient dû me protéger. J'étais gênée également et surtout des réactions non désirées de mon corps aux contacts que m'avait obligé à faire Lord Sebastian. J'étais horrifiée et j'imaginais avec horreur jusqu'où il aurait pû aller. Alors que je ne songeais qu'à cela, j'avais oublié un détail de cet événement. En effet, j'avais glissé un livre dans ma robe de nuit, l'oubliant totalement en la rangeant et me jurant de ne plus sortir de ma chambre la nuit. Et pourtant, de cette bibliothèque, j'avais sans le savoir sorti un écrit qui détenait le plus grand secret de la famille Hayworth, un secret que le monde des hommes ignorait mais que j'allais découvrir, bouleversant ma vie et surtout, mes certitudes.




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