Le Secret des Hayworth

Chapitre 5 : LE VICOMTE

7842 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 29/01/2023 09:31

LE VICOMTE


Quelques jours après avoir eu la chance de pouvoir découvrir Havenport, une dizaine à peu de choses de près, j'avais déjà dévoré mes nouveaux livres sans aucune hésitation. Avec un certain étonnement, j'avais également pu en discuter avec Sophronia qui était très cultivée comme son frère d'ailleurs, mais également avec Lord Henry au détour d'une de mes tâches. J'avais également eu tout le loisir d'en discuter avec ma chère voisine de chambre. Bien que celle-ci n'ait pas réellement osé me parler de sa petite sortie avec son prétendant, me laissant ainsi à bien des tergiversations, elle s'était prise d'affection pour le roman de Brontë. À mon plus grand étonnement, Agnes s'était mise en tête qu'Heathcliff, le personnage principal du roman, était l'homme idéal. Je n'aurais pas pû être plus contre son avis que cela, comment pouvait-on trouver un tel homme attirant. Bourru, mauvais, au caractère plutôt colérique et le reste... Je ne pouvais le comprendre. Même Monsieur Darcy du roman de Jane Austen était plus intéressant. Cependant, elle aimait que je lui lise mes livres, cette dernière ne sachant nullement lire, ce qui n'avait rien d'étrange pour une fille de ferme. Cela ne changeait pas grand-chose à nos vies et encore moins à nos devoirs de bonnes mais cela nous permettait d'occuper nos soirées ensemble. Pourtant, il y avait une certaine excitation qui grimpait au manoir, principalement chez les enfants Hayworth. Les plus jeunes me semblaient plus nerveux qu'à l'accoutumée et la fatigue montante chez Sophronia en était clairement l'évidente confirmation. Mais la plus enjouée restait clairement Lady Charlotte, devenue encore plus expressive que jamais, chantant dans le manoir son petit bonheur. Au détour d'une conversation avec Monsieur son frère, j'avais osé avancer la possibilité du retour des pupilles de Madame la Comtesse, qui partageaient donc des cours d'étiquette avec Lady Charlotte, mais je m'étais méprise. Elle attendait simplement le retour de leur oncle. Et ainsi, un matin ensoleillé de fin de mois d'août, nous nous trouvions tous à l'office, pour nous préparer à une nouvelle journée de travail. J'avais bien remarqué que Carl et les valets semblaient à l'œuvre depuis deux jours, principalement dans la salle d'armes.

- Je ne vais pas réussir à tenir les jeunes maîtres aujourd'hui, marmonna Sophronia près de son frère.

- Tu n'auras sans doute pas tant de travail, lui répondit son frère avec douceur. Lors Henry semblait nerveux également.

- Serait-ce Lady Swan la cause de sa nervosité ? demandai-je assez bas.

- Au vu de la question, tu as eu le plaisir de la rencontrer, marmonna Carl.

- Donc elle est toujours aussi..., hésitai-je en sachant qu'une bonne n'avait pas le droit de critiquer une noble.

- Hautaine? Manquant de considérations pour le petit personnel? proposa Carl avant que je ne hoche la tête. Oui...

- Mais serait-ce une bonne union pour Lord Henry? demandai-je quand même par intérêt.

- Les Swan sont liés à la famille de Sa Gracieuse Majesté, éloigné de plusieurs degrés mais tout de même.

- Ho... Je l'ignorais, dis-je gênée.

- Les livres de lignées ne sont accessibles qu'aux majordomes, avoua Carl amusé.

- Je suppose donc qu'une telle union permettrait d'asseoir encore la position de Monsieur le Comte au sein de la noblesse ? demandai-je ensuite.

- Les Comtes de Hayworth n'en ont pas particulièrement besoin mais cela apparaîtra comme un symbole d'importance, avoua Carl.

- C'est quand même plus simple chez nous, avoua Agnes près de moi en riant. On ne se soucie pas forcément de l'intérêt.

- Ha bon? dis-je alors quelque peu étonnée. Je croyais que dans les milieux fermiers on aimait s'unir pour fusionner les terres.

- Tu as trop fréquenté Londres, assura Agnes en riant. Il y en a qui le font mais en général on laisse la fille épouser qui elle veut... Étrangement cela est même plus intéressant d'être de la lower class.

- Oui..., dis-je pensive. Les nobles s'unissent souvent par intérêt... Ou pour l'apparat...

- Tu te demandes si Monsieur le Comte et Madame la Comtesse ont fait une union intéressée ? demanda Sophronia. De ce que j'en sais, ce fut le cas à l'origine et puis, d'après Madame la Comtesse, leurs regards se sont croisés.

- Ça c'est romantique..., comme Heathcliff, soupira Agnes.

- Heathcliff n'est pas un homme romantique, argumentai-je encore.

- Dieu du ciel! Sûrement pas, avoua Sophronia.

- Moi je le trouve craquant, avoua Agnes.

Le regard que nous échangeâmes avec Sophronia avait ce petit quelque chose d'éloquent qui signifiait clairement qu'Agnes devrait revoir ses critères et rapidement. J'allais même éclater de rire quand Monsieur Caldwell et Miss Robbins se levèrent obtenant le silence immédiatement.

- Votre attention à tous, fit solennellement Monsieur Caldwell.

Naturellement, il l'avait déjà à l'origine mais il attendait plus précisément celle des dames de cuisine qui s'arrêtèrent donc pour écouter.

- Messieurs, Mesdemoiselles, reprit donc Monsieur Caldwell. Nous avons reçu un télégramme tardif hier soir. Aujourd'hui, Monsieur le Vicomte Sebastian rentre de ses deux ans de voyage. Nous allons donc préparer son retour et il y aura une revue du personnel.

Je regardai soudainement vers les autres employés. Plusieurs d'entre eux semblaient contrariés du retour du vicomte, comme Isaac ou Gideon, d'autres étaient enjoués, comme Lorena et Winnifred qui ne le connaissait pourtant pas plus que moi. Mais moi, si je regardais tout le monde c'était bien parce que j'ignorais ce qu'était une revue du personnel ou plutôt, comment cela se déroulait. Je vis le même désarroi chez Judith et Agnes.

- Mesdemoiselles, fit alors Miss Robbins. Aucune de vous trois n'était présente lors de la dernière revue du personnel au retour de Monsieur le Comte de la Saison Londonienne il me semble. Il s'agit simplement de s'installer dans la salle de réception et de se présenter au Vicomte avec déférence, il n'y a absolument rien de plus.

- Fiou..., fit alors Agnes rassurée.

- Bref... , grommela Monsieur Caldwell. Nous procéderons donc à la mise en place pour le retour de Monsieur.

- Je vais immédiatement envoyer deux bonnes s'occuper de sa chambre... Permelia, Annabelle, je vous laisse vous en charger. Permelia vous montrerez ainsi les préférences de Monsieur le Vicomte. Allez-y tout de suite.

Je vis alors Permelia prendre ses couverts et aller les poser près de Lorena pour la vaisselle, ma petite personne faisant de même derrière elle. Elle me fit signe de la suivre et nous filâmes dans les étages.

- Pourquoi n'avons nous pas assisté aux restes des tâches ? demandai-je en montant.

- Parce que la chambre de Monsieur le Vicomte est restée presque inchangée en deux ans, m'avoua Permelia.

- Nous n'effectuons pas le ménage ? l'avais-je interrogée ensuite.

- Seulement du sol, répliqua Permelia en s'arrêtant au premier étage.

Je connaissais déjà la disposition des chambres à cet étage. À la gauche des escaliers, les chambres de Madame la Comtesse, Lord Henry et les jumeaux. Forcément du côté droit, il y avait celles de Monsieur le Comte, de Lady Charlotte et donc du Vicomte. Chacun des côtés avait sa propre salle de bain et son propre cabinet d'aisances. Je suivis Permelia devant la chambre de Lord Sebastian et elle l'ouvrit. Je fus saisie par la poussière présente mais je savais bien quoi faire et Permelia également : ouvrir bien grand les immenses fenêtres. Cependant, je fus saisie par la poussière.

- Kof... Kof... Kof... Ho Seigneur, marmonnai-je.

- Ça va? Tu as besoin d'eau? me questionna Permelia.

- Non cela ira, dis-je en reprenant mon souffle. Pourquoi la chambre du Vicomte est dans cet état ?

- Ho, Lord Sebastian ne souhaite nullement que nous nous fatiguions à nettoyer une chambre inusitée, me fit ma collègue.

- C'est assez gentil de sa part, trouvai-je alors. Il y a quelque chose à ne pas faire ?

- Nous pouvons tout nettoyer, me fit Permelia. Il n'y a que la correspondance à laquelle nous devons toucher.

- Surprenant, marmonnai-je alors en m'approchant de la table de nuit pour commencer à la nettoyer.

- Disons que si nous lisions celle-ci, nous pourrions être choquées, avoua Permelia en s'occupant des draps. Attention à toi.

- J'ai peur d'en imaginer le contenu, avouai-je en souriant.

Après avoir parfaitement enlevé le moindre point de poussière de la table de chevet, j'entrepris de m'occuper de ses tiroirs. Avec étonnement, j'en ouvris le premier avant de m'arrêter. Il y a une arme à l'intérieur, quelque chose s'approchant d'un couteau mais légèrement courbé. Je le sortis délicatement, prenant soin de le nettoyer. J'en sortis donc la lame après avoir nettoyé le fourreau magnifiquement orné de rainures sur le cuir. Celle-ci brillait de mille feux sous la lumière du jour.

- Quelle étrange forme, me fit Permelia en pliant les vieux draps.

- Je crois que j'ai déjà eu l'occasion d'en voir une..., marmonnai-je en la regardant et faisant attention de ne surtout pas m'ouvrir la main.

- Chez Lady Fullton ? s'étonna ma chère condisciple.

- Ho non, ma maîtresse abhorrait toutes les armes, avouai-je. Mais il m'est arrivé qu'elle décide de m'emmener à une exposition des arts coloniaux... Si je ne dis pas de bêtises cela s'appelle un kukri, une arme des ghurkas indiens...

Je rangeai ensuite avec précaution la lame dans son fourreau avant de réaliser que sur le mur face au lit, au-dessus de la cheminée, figuraient bien d'autres armes. Il y a avait là une rapière issue de la Renaissance Française, une épée médiévale que je pensais être une katzbalder, une épée semblant venir de chine et même un étrange objet totalement rond et ressemblant à un anneau dont j'ignorais à la fois l'utilité mais également le nom.

- Tu es réellement cultivée, me fit Permelia avec admiration.

- Lady Fullton voulait me donner une certaine éducation, je ne lui en serai d'ailleurs jamais assez reconnaissante, dis-je en regardant les armes.

- Les Hayworth aiment collectionner les armes de partout dans le Monde, m'avoua alors Permelia. Mais la collection privée du vicomte est étonnante.

- Quand Monsieur Caldwell m'avait parlé de salle d'armes, j'avais au premier abord pensé à des fusils pour la chasse mais je fus surprise quand je dus y faire le ménage, avouai-je alors. Il s'agit principalement d'armes blanches voir médiévales.

- Je comprends ton étonnement, cela me fit la même chose, avoua Permelia. Peut-être que tu sauras ce dont il s'agit...

Je relevai la tête en finissant de nettoyer la table de chevet, le dernier tiroir contenant un traité d'anatomie qui me fit penser que peut-être le Vicomte avait une instruction médicale. Permelia s'avançait en effet vers ce que j'avais d'abord cru être une armoire pour les vêtements du vicomte mais visiblement, ce n'était nullement le cas. Je la suivis donc juste avant qu'elle n'ouvre cette fameuse armoire.

- Je trouve cela extrêmement dégoûtant, avoua Permelia.

- Cela est un fait, marmonnai-je en observant.

Cette armoire contenait en effet de bien étonnants objets. Il y a avoir là quelques bocaux contenant un liquide et ce que je pensais être des organes. Il y avait également des ossements et des objets que je ne pouvais nullement identifier. Certains semblaient constitués d'os ou d'ivoire tandis que d'autres encore semblaient être faits de cuir ou de peau. Il y avait également des roches de plusieures couleurs différentes mais également quelque chose ressemblant à la peau d'un lézard.

- À quoi cela peut-il bien servir ? me demanda Permelia.

- À rien, dis-je simplement.

- Comment cela? me questionna cette dernière avec étonnement.

- C'est une mode assez récente de collectionner cela à Londres, je crois qu'ils appellent cela des cabinets de curiosités, expliquai-je alors.

- Le but est donc de collectionner de tels objets ? Je ne comprends définitivement pas les mœurs des nobles, m'avoua Permelia en riant. Bon occupons nous des vêtements... Tu fais l'autre table de chevet et sous le lit?

- Bien évidemment, dis-je alors.

- Sauf si la poussière t'exaspère, me précisa Permelia.

- Aucun problème, dis-je en m'occupant du tiroir.

L'ouvrant, j'y découvris des documents pliés et je souris. Certains m'avaient bien dit que Lord Sebastian aimait séduire ces dames mais je ne l'imaginais nullement poète et pourtant ces puzzle purse m'indiquaient le contraire. Un puzzle purse n'était rien d'autre qu'un pliage de type origami, un étonnant art japonais du pliage de papier, qui renfermait un poème écrit par un amoureux à sa belle. Le pliage élaboré était toujours le même, c'était à dire un papier carré plié en près de neufs sections qui, une fois déployées, permettaient de lire un poème. Je les rangeai ensuite sans les lire tandis que mon amie et collègue déposait des vêtements sur le lit. Ceux-ci attirèrent mon attention car j'y vis des déshabillés féminins.

- Lord Sebastian est-il fiancé? demandai-je en aidant mon amie.

- Nullement, cela doit à partir à une quelconque dame quelque peu conquise, m'avoua Permelia extrêmement amusée du fait.

Si Lady Mary était friande de ragots, je devais reconnaître que chez les domestiques, ce n'était guère plus reluisant en réalité. J'avais déjà remarqué cela par rapport au Vicomte Sebastian.

- Le Vicomte s'adonne à ce genre de loisirs alors que Lady Charlotte dort à proximité ? m'étonnai-je horrifiée.

- Je suppose qu'il leur intime le silence, avoua celle-ci en riant. Tiens aide-moi à sortir ce qu'il y a dans cette armoire.

Nous sortîmes alors des bagages et des boîtes, nettoyant ces objets sans se poser de question. Cependant, il y avait dans cette armoire un meuble, chose assez rare pour être notée. Il ne s'agissait que d'un petit placard mais je m'étais agenouillée avant de fixer Permelia.

- Tu crois qu'il y a des choses à l'intérieur au sujet des affaires des Hayworth? demandai-je légèrement gênée à l'idée de faire un impair.

- Je n'en sais absolument rien mais les documents liés aux affaires de la famille sont principalement rangés dans le bureau de Monsieur le Comte, avoua Permelia.

Une bonne information à connaître, me poussant ainsi à ouvrir ce petit meuble. Il ne contenait pas beaucoup de choses, à peine une boîte en bois et quelques livres.

- Qui cache des livres ? demanda Permelia.

- Peut-être sont-ce des journaux intimes ? dis-je en voyant que certains n'étaient que des carnets avant de saisir ce qui était réellement un des livres.

- C'est de qui? me questionna alors Permelia.

- Je... Je vois quel genre de lecture attire Monsieur le Vicomte, dis-je en montrant. Ce sont des écrits du Marquis de Sade.

- Je suis censée le connaître ? me demanda Permelia.

- Cela m'étonnerait, il est mort depuis longtemps, dis-je en souriant. Je n'en ai jamais lu mais je sais ce que c'est... Ce sont des écrits libertins de ce Marquis français, ils évoquent des actes que la décence m'oblige de taire...

- Est-ce cru ? demanda Permelia me poussant à soupirer.

- Il paraît qu'ils évoquent des choses comme le triolisme ou le saphisme, avouai-je gênée.

- Et dans la boîte ? insista Permelia.

Mon amie était décidément bien trop curieuse mais sur le coup, je m'interrogeai également. Je pris donc la boîte pour aller la poser sur le lit avant de l'ouvrir. Immédiatement, j'y découvris quelques bouts de tissus, certains en cuir d'autres en tissus mais donnant l'impression qu'ils étaient utiles à quelque chose. Mon regard fut cependant attiré par ce qu'il y avait dessous et je saisis cet objet dans mes mains avec délicatesse.

- Il est magnifique, dis-je en admirant ce que j'avais en main.

Tel les plus belles pièces dignes des plus beaux bals, ce petit masque qui n'était autre qu'un loup féminin était constitué de tissus à la fois noir et rouge, avec un peu de tulle, un peu de dentelle.

- De très belles couleurs, dit alors Permelia.

- Par contre, dis-je légèrement stupéfaite. On dirait qu'il n'y a aucun trou pour les yeux... Surprenant non?

- Je ne comprends pas, murmura Permelia avant de regarder vers la boîte.

Je suivis son regard et sous l'endroit même où se trouvait le masque, il y avait un autre objet. Celui-là, je ne savais pas du tout à quoi cela servait mais sa forme était étonnante. Long de plus de dix centimètres, cylindrique sur une base plane mais finissant par un cône plutôt arrondi, cet objet me surprenait et je le pris en main.

- C'est une autre arme? demandai-je pour moi-même.

- Ha... Pour une fois c'est moi qui connais, fit-elle en riant.

Je la regardai immédiatement, stupéfaite et interpellée de ce propos.

- Qu'est-ce ? demandai-je.

- Je le sais car j'ai découvert cet objet lors d'un passage à Londres pour la saison il y a deux ans, fit-elle amusée. Je suppose que tu n'as aucune éducation sur les choses de l'amour?

- Non... C'est vrai, marmonnai-je.

- Cet objet sert au plaisir féminin, majoritairement, fit-elle en souriant.

Je regardai cet objet en me demandant en quoi le tenir pouvait donner un quelconque plaisir. Je regardai ma voisine plutôt perdue.

- Il faut l'insérer dans le partenaire, précisa Permelia en riant de ma gêne.

- Je ne vois pas du tout où tu peux... Insérer un tel objet, marmonnai-je.

- Tu... Tu sais au moins à quoi ressemble ton anatomie? demanda tout de même Permelia.

- J'ai déjà lu des documents anatomiques mais je ne vois que... Ho Seigneur !!! dis-je en lâchant l'objet si incongru.

- Quelle réaction, dit Permelia en le ramassant.

- Mais mais... Quel peut bien en être l'intérêt ? Un homme possède un... Une..., dis-je en rougissant.

- Deux orifices ma petite, fit alors triomphalement Permelia.

Je la regardai totalement choquée de ce propos, mitigée entre dégoût et horreur. Comment pouvait-on s'insérer ce genre d'objets dans les parties les plus intimes de son anatomie ? Ce Vicomte était réellement un dépravé.

- Ne sois pas si prude, ce n'est pas si horrible, quelque peu douloureux mais parfois agréable, me précisa Permelia.

- Je ne te savais pas mariée..., dis-je surprise.

- Je suis simplement fiancée, mais j'ai déjà dormi avec lui... Crois moi, la fameuse planche ne sert à rien, me fit Permelia en riant.

- Je... Félicitations, dis-je pour ses fiançailles en évitant de la regarder.

- Tu verras que quand tu auras un prétendant à ton goût, des idées aussi impures que tu ne les crains viendront s'immiscer dans ta tête, me fit Permelia en riant.

- Dieu m'en préserve, marmonnai-je en regardant cet objet si indécent que j'avais envie de le transformer en petit bois pour la cheminée.

Soudain, la porte de la chambre s'ouvrit et nous révéla Lady Charlotte. D'un geste brusque, je réussi à cacher cette boîte avec une chemise du Lord.

- Veuillez me pardonner de vous déranger, fit Lady Charlotte.

- Vous désirez quelque chose Lady Charlotte ? lui demandai-je toute à ma gêne que j'étais.

- Je voulais déposer ces fleurs dans la chambre de mon oncle pour son retour, dit-elle en avançant avec un bouquet dans les bras.

- Votre oncle en sera ravi, lui assura Permelia.

- Je suis bien aise de le revoir, dit-elle en posant le vase sur le bureau du Vicomte.

- Vous semblez bien apprécier Monsieur Sebastian, dis-je trouvant son attention parfaitement appropriée.

- C'est un homme bon et gentil, toujours aux petits soins pour moi, je l'adore, dit-elle en nous souriant.

Je la regardai alors avec un léger étonnement. Elle était bien la seule personne dans cette demeure à être bien heureuse de revoir Lord Sebastian.

- Vous verrez, c'est un homme qui mérite d'être connu, fit Lady Charlotte. Le seul qui me comprenne, si je devais trouver un époux, j'aimerais qu'il soit comme mon oncle. Je ne vais point vous déranger plus longtemps.

Et Lady Charlotte nous laissa à notre stupeur vis à vis de ses commentaires. Nous nous regardâmes alors avec Permelia avant de fixer la boîte.

- Je crois qu'il est bon de dire que visiblement Lady Charlotte ignore beaucoup de choses sur son oncle, avoua Permelia.

- Et sur la surprenante manière dont il semble aimer occuper son temps libre, dis-je en fermant doucement la boîte en espérant en oublier son contenu. C'est tellement inconvenant...

- Les nobles ont des secrets bien sombres, au moins Monsieur le Comte et Madame son épouse semblent bien plus pieux, affirma Permelia.

- Bon reprenons le grand ménage en espérant ne pas avoir la malchance de faire d'autres découvertes aussi déconcertantes, insistai-je donc.

Et ainsi, moi et Permelia pûmes reprendre nos tâches et il y en avait des choses à faire. Nous avions briqué et frotté sans cesse, dépoussiérant les meubles et les décorations, préparant le lit de Monsieur le Vicomte et surtout, nous avions vérifié que tout serait proche de la perfection pour son retour. Cela nous prit quelques heures pour dire la vérité mais nous avions pû finir suffisamment tôt pour se préparer pour la revue du personnel. J'étais moi-même retournée me changer, mes vêtements ayant subis quelques menus dommages de ce nettoyage intensif. Et puis arriva l'instant fatidique.

- Mesdemoiselles, fit alors la voix de Miss Robbins dans le couloir. Veuillez descendre pour l'arrivée de Monsieur le Vicomte.

Avec Agnes, nous sortîmes dans le couloir comme les autres bonnes avant de commencer à descendre.

- Je me demande à quoi il ressemble, fit alors Judith devant moi.

- Il doit être distingué pour représenter la famille à l'étranger, précisa Agnes.

Je n'aurai guère attribué le terme distingué au vu de mes découvertes récentes. Enfin, peut-être agissait il avec distinction en public mais en privé, je l'aurais plutôt défini par le terme déviant ou, pour être un peu plus polie, libertin. Les marches défilaient sous les pas de la domesticité tandis que tout le personnel se rendait dans la salle de réception pour sa revue. J'étais inquiète, il s'agissait peut-être bien de ma première revue de personnel. Lady Fullton n'ayant en effet que peu de domestiques, elle faisait rapidement le tour de ceux-ci. Arrivant dans la salle de réception, je vis la famille Hayworth au grand complet, les plus jeunes vêtus de leur plus beaux atours. Monsieur le Comte semblait légèrement contrarié mais étonnement ce fut l'absence de Lady Charlotte qui me surprit tandis que je me mettais en ligne avec les autres.

- Je crois que c'est la voiture d'oncle Sebastian!!! lança alors la voix caractéristique de Lady Charlotte depuis l'arrière d'une tenture.

Je souris alors de l'impatience de la jeune Lady et je regardai vers Permelia qui me sourit. Cela m'obligea à repenser à nos découvertes et j'en frémis.

- Charlotte, viens ici, lui intima sa mère.

- Je veux voir qui est Passminder, fit-elle vexée et outrée en traînant presque des pieds.

- Tu verras, sois patiente, lui intima Lord Henry.

- Sebastian et ses lubies, marmonna Monsieur le Comte.

Nous, simples membres du personnel, patientons dans le silence, aussi parfaitement alignés que des livres dans un rayonnage de bibliothèque. Nous ne pouvions qu'entendre les bruits à l'extérieur, sans doute ceux du chauffeur de la voiture du Vicomte, probablement Orville, en train de décharger. La grande porte d'entrée s'ouvrit et nous pûmes entendre Monsieur Caldwell.

- Monsieur le Vicomte, quel plaisir de vous revoir, dit alors le Majordome de la demeure des Hayworth.

- Comment vous portez vous Walter? demanda une voix bien douce et bien posée.

- Très bien Monsieur et vous-même ? demanda poliment Monsieur Caldwell.

- Impatient de revoir les miens, fit-il.

Nous entendîmes quelques pas de chaussures sur le sol de marbre avant de pouvoir découvrir une grande silhouette vêtue d'un long manteau et d'un chapeau masquant son visage. Soudain, j'eus tout le loisir d'entendre un martèlement rapide de pas sur le sol et je pus à peine voir la silhouette de Lady Charlotte fondre sur son oncle.

- Oncle Sebastian !!! fit-elle enjouée et faisant fi de toute convenance.

Elle avait fondu sur son oncle qui la serrait dans ses bras avec un plaisir visible. Partir si loin et si longtemps devait sans doute peser.

- Que tu as grandi, fit alors Sébastian de sa voix douce.

- Pas suffisamment pour faire mon entrée, avoua Lady Charlotte en riant.

- Je comprends cela quand même, j'ignorais que tu ressemblais déjà autant à une dame, fit poliment Sebastian.

- Qui est-ce ? demanda soudain Lady Charlotte.

Peut-être par curiosité mais, comme d'autres domestiques, je me suis légèrement tournée pour découvrir que quelqu'un se trouvait juste derrière Lord Sebastian. Il s'agissait d'une toute jeune fille, peut-être du même âge que Winnifred, se tenant en retrait dans une tenue si particulière qu'elle ne pouvait qu'asseoir les origines de la jeune fille, déjà visibles par le teint de sa peau. Passminder était bien une indienne.

- Voici Passminder, fit alors Lord Sebastian. Je l'ai rencontrée à la fin de mon voyage auprès de l'ambassadeur et, j'ai bien pensé qu'elle pourrait rejoindre notre personnel.

- La... Lady Charlotte, fit celle-ci en esquissant une révérence.

- Tu as une jolie robe, fit Lady Charlotte impressionnée.

- Je t'en ai rapportée, lui avoua son oncle.

Je remarquai immédiatement la légère inquiétude de la jeune indienne avant de réaliser qu'elle tremblait. Sans doute découvrir tant de monde devait l'inquiéter.

- Passminder ? demanda Lord Sebastian attirant les grands yeux noisettes de l'indienne. Suis-je bête, tu dois avoir froid.

À mon plus grand étonnement, sans se soucier de la situation, il enleva le manteau qu'il portait pour en revêtir les épaules de la jeune fille. Un geste étonnant qui lui valut un regard rempli de gratitude.

- Reste ici, fit il calmement.

Lors Sebastian se retourna alors et enleva son chapeau, laissant découvrir des cheveux noirs plus long que la moyenne des hommes de son milieu. Son visage avait des traits fins, parfaitement dessiné et laissant entrevoir ainsi un homme d'une grande beauté.

- Qu'il est beau, fit Judith tout bas.

- Chut, lui intimai-je.

Lors Sebastian ne nous lança pas le moindre regard fonçant tout simplement vers sa famille. Il n'hésita nullement avant de s'agenouiller devant les jumeaux Lord Charles et Lady Sophie qui ne quittaient pas les jambes de leur mère.

- Allez serrer votre oncle dans vos bras... Allez, marmonna Lady Mary en essayant de les pousser.

- Ce n'est pas si grave Mary, ils ont dû m'oublier, nous aurons le temps, précisa Lors Sebastian en se relevant. Ma chère Mary, mon frère restera un homme chanceux, le temps ne semble pas avoir de prise sur toi.

- Toujours un aussi vil flatteur, fit Lady Mary amusée.

- Point de flatteries, juste de l'observation..., fit-il avant de tourner la tête vers Lord Henry. Je suis parti en laissant un enfant mais désormais, c'est un homme qui m'acceuille.

- Oncle Sebastian, fit alors Lord Henry en serrant solidement la main de son oncle.

- Puis-je comprendre la raison de sa présence ? demanda alors Monsieur le Comte.

- À peine rentré que déjà tu te méfies Jonathan..., sourit Lord Sebastian en se retournant vers Passminder. Cette jeune fille est cultivée et distinguée, malgré son ascendance dont nous parlerons. Et puis malgré son jeune âge, elle possède des talents assez insoupçonnables.

Je n'ai jamais su pourquoi mais à cet instant là, moi et Permelia nous regardâmes comme interpellée du propos. Mon regard glissa ensuite vers cette jeune fille et j'espérais secrètement que ces fameux talents n'avaient absolument rien à envier à nos découvertes récentes. Elle semblait tellement jeune.

- Cette fois, tu resteras je suppose ? demanda Monsieur le Comte.

- Effectivement, fit Lord Sebastian en avançant vers Miss Robbins pour la revue.

- Monsieur le Vicomte, dit-elle poliment en penchant la tête.

- C'est un plaisir de vous revoir Mildred, navré de vous mettre en porte à faux vis à vis de votre personnel.

- Je trouverai une place à cette demoiselle et des tenues, je pense qu'elle pourra partager la chambre de Winnifred, elles doivent avoir le même âge, fit Miss Robbins.

J'entendis un tout petit cri de surprise sur ma gauche, ayant été rangé non pas par notre ancienneté mais par nos âges, je tournai donc ma tête vers Winnifred qui avait été surprise mais fit un petit signe à la jeune indienne. Celle-ci regarda alors la file et sans hésitation alla se placer à nos côtés. Je souris, celle-ci désirait faire comme nous. J'entendis un petit rire doux provenant de Sebastian.

- Elle a une faculté d'adaptation et d'apprentissage plutôt étonnante, avoua Lord Sebastian. Vous serez aussi surprise que moi... Theodosia, vos plats m'ont manqué...

Je remarquai alors son très étrange comportement, il avait baisé les mains des deux femmes suscitées comme il le ferait avec une lady sans doute. Je trouvais cela un peu étonnant qu'il fasse cela avec des domestiques. J'essayais cependant de saisir les conversations.

- Vous semblez avoir maigri Monsieur Sebastian, dit alors Madame Smith la cuisinière.

- Vos petits plats se hâteront de me remplumer, fit-il ensuite.

Il passa ensuite à Luther, le Majordome de Monsieur le Comte et à Constance, la Ladyroom de Lady Mary. Il était cependant un peu plus froid avec ceux-là comme si il ne les appréciait guère. Néanmoins, il y eut toujours le baisemain pour Constance et une poignée de main vigoureuse pour Luther. Il passa ensuite à Carl.

- Toujours aussi musclé, fit Lord Sebastian en lui souriant.

- Merci Monsieur, fit poliment Carl en réponse.

- J'espère que mon neveu ne vous rend pas la vie trop dure, s'amusa le Vicomte.

- Nullement Monsieur et je pense qu'il est satisfait de mon travail, avoua Carl alors que le vicomte passait à quelqu'un d'autre.

- Sophronia, fit-il en souriant. Il faudra que vous me mettiez au courant de ce que je dois savoir sur ces petits maîtres.

- Quand vous le désirerez Vicomte, fit-elle poliment.

- Une longue discussion s'imposera, fit poliment le Vicomte.

Un nouvel échange de regards entre ma petite personne et Permelia fut ensuite échangé. Je m'en voulais un peu de faire tant d'amalgames. Après tout, peut-être que le Vicomte Sebastian s'intéressait sans arrière pensée au devenir de ses jeunes neveux et nièces. Je remarquai par contre un amusant détail : le Vicomte Sebastian avait un petit mot pour chacun mais il semblait surtout se souvenir des prénoms de chacun. C'était en soit tout de même impressionnant cette sollicitude envers ses domestiques, certains n'étant réellement que de simples employés pour certains maîtres mais Lord Sebastian semblait considérer chaque employé comme une personne à part entière. Après avoir fait ces premiers membres du personnel, Lord Sebastian enchaîna avec une Lorena très souriante, comme je le soupçonnais. Puis ce fut le tour de Myrtle, Gideon, Permelia, Edna et Isaac qui étaient donc tous des membres du personnel qu'il connaissait déjà. Le Vicomte Sebastian s'apprêtait à rencontrer les membres de la maisonnée qui lui étaient inconnu.

- Et voici les nouvelles têtes, fit poliment Lord Sebastian. Puis-je connaître votre prénom jeune homme ?

- Ezra, Monsieur. Je suis honoré d'être à votre service.

- Bienvenue parmis nous Ezra, fit Lord Sebastian avec une vigoureuse poignée de main. Ensuite?

- Levi, fit ce dernier en serrant la main du Vicomte.

- Vous ne devez pas rechigner à la tâche, sacrée poigne, le complimenta Lord Sebastian.

- Jack Monsieur le Vicomte, précisa alors le suivant.

- Monsieur Caldwell n'est-il pas trop méticuleux ? demanda alors Lord Sebastian.

- Non Monsieur, répondit Jack légèrement stressé. Notre travail doit être bien fait.

- Ne soyez pas si crispé Jack, je plaisante, précisa Lord Sebastian en lui donnant une petite tape sur l'épaule.

C'était assez intriguant à voir, il semblait vouloir mettre à l'aise ceux qui ne le connaissaient pas du mieux qu'il pouvait. Ce n'était pas réellement nécessaire, nous devions lui obéir de toute manière. Ensuite cela allait être notre tour à nous, les plus jeunes parmis les domestiques. Lord Sebastian s'arrêta sur Agnes en l'observant attentivement. Juste à côté d'elle, je pus la voir rougir légèrement en penchant la tête.

- Agnes, Lord Sebastian, fit-elle en subissant un baisemain de ce dernier.

Lord Sebastian se redressa alors avant de regarder Agnes et nous qui suivions. Il se retourna vers Monsieur le Comte.

- Dis moi Jonathan, fit le vicomte d'une voix douce.

- Quoi donc? s'étonna Monsieur le Comte.

- Les Hayworth se sont-ils lancés dans le prêt à porter en mon absence ? demanda le Vicomte surprenant l'assemblée.

- Non... Je te l'aurais dit... Pourquoi une telle question ? demanda Monsieur le Comte.

- Admire donc ces quatres magnifiques roses qui ne demandent qu'à s'épanouir, elles pourraient être des modèles de catalogue, fit-il créant un petit émoi.

J'entendis un petit rire confus provenant de ma voisine Judith, visiblement totalement sous le charme du vicomte.

- Sebastian..., grommela Monsieur le Comte.

- Je suis sincère, fit-il en regardant Agnes. J'espère que vous vous plaisez ici.

- Oui Monsieur, fit poliment Agnes avec un sourire jusqu'aux oreilles.

Et il fit un pas de plus, se postant devant moi. J'eus alors enfin le loisir d'admirer le visage du Vicomte en face de moi. Ses traits fins transparaissaient à travers ses longs cheveux noirs, des lèvres fines et bien dessinées ponctuant un sourire absolument parfait, dévoilant une dentition sans pareille. Mon regard à moi se posa ailleurs cependant, même si je devais lever la tête étant donné sa taille bien supérieure à la mienne et une carrure si large que seules deux personnes comme moi pourraient remplir. Mon regard se portait simplement sur les yeux du vicomte. Un détail qui m'était inconnu s'affichait devant moi, dans un regard alliant magnifiquement la malice et la douceur même si une lueur étrange s'y trouvait ; le Vicomte avait les yeux hétérochromes ou, comme certains préféraient dire, vairons. L'oeil gauche du Vicomte était marron alors que le droit était d'un bleu azur absolument lumineux. Mais c'était peut-être un détail pour certains mais c'était sans doute son aura qui était la plus surprenante pour moi. En effet, il semblait se dégager de lui quelque chose d'autre que de l'autorité ou de la noblesse, quelque chose que je serai incapable de définir mais qui le rendait particulier, ou peut-être était-ce mes impressions vis à vis de ce que j'avais découvert. Il n'empêchait que je devais me présenter.

- Annabelle, Vicomte Sebastian. Je suis la dernière arrivée en ces murs, dis-je poliment.

- Et bien que ces murs vous siéent durant votre carrière parmis nous, précisa Sebastian. En espérant que vous ayez été parfaitement accueillie.

- Je l'ai été Vicomte, soyez en assuré, dis-je poliment avec un sourire.

J'eus l'étrange impression que son baisemain avait été plus long ou peut-être était-ce parce que malgré cet acte, ses yeux ne me quittaient pas. Il passa ensuite à ma voisine.

- Judith Monsieur, précisa-t-elle rapidement.

- Quelle motivation ! s'amusa le Vicomte. Cela fait plaisir de voir un tel désir.

- Merci Monsieur, fit Judith durant le baisemain.

Elle rougissait, souriant comme jamais à cet homme si distingué qui mettait tant de formes à nous saluer. Quand il s'éloigna quelque peu, elle passa même sa main sur sa joue comme si la chaleur était trop grande. Ce fut devant une Winnifred mortifiée qu'il s'arrêta ensuite.

- Win... Winn....

- Respirez jeune fille, fit-il avec douceur.

- Winnifred, précisa la plus jeune en souriant. Je suis aide aux cuisines.

- Permettez, fit alors Sebastian.

J'avais tourné la tête pour le voir lever la main devant la chevelure de Winnifred et y récupérer ce qui semblait être un peu de pâte à pain sans doute.

- Veuillez m'excuser, fit-elle horrifiée.

- N'ayez crainte douce enfant, fit alors Lord Sebastian en replaçant les cheveux de Winnifred derrière son oreille dans un geste plutôt doux. De si belles fleurs qui ne demandent qu'à croître et s'épanouir...

Je regardai alors vers Winnifred qui était devenue toute rouge. Moi, j'étais mortifiée du propos, cela semblait étrangement équivoque au vu de ses lectures. Je ne devais guère être la seule car à peine quelques secondes plus tard, quelqu'un prit la parole.

- Oncle Sebastian, fit Lord Henry. Peut-être désirent ils entendre quelques mots.

Je trouvais chevaleresque de venir à la rescousse de la pauvre Winnifred. Lord Sebastian regarda son neveu d'un air contrit et soupira avant de hausser les épaules. Il s'apprêtait à se reculer quand sa manche fut saisie, sous la stupeur générale, par Passminder. Alors qu'il tournait la tête vers la jeune indienne, celle-ci semblait quémander quelques attentions.

- Tu veux aussi un baisemain ? demanda-t-il amusé avant de le faire.

La jeune indienne sourit en faisant une révérence, satisfaite d'être traitée comme les autres. Peu de temps plus tard, Lord Sebastian se posta devant tout le monde.

- Bien, fit-il pour commencer. Je suis honoré de vous retrouver ou, le cas échéant, de vous rencontrer. Je vais rassurer tout de suite ces messieurs les valets, je n'ai besoin de personne le matin... Même si une dame de chambre ne serait pas de refus...

- Sebastian, l'interrompit Monsieur le Comte alors que je regardai le Vicomte plutôt choquée.

- Je plaisante..., marmonna le Vicomte Sebastian. Je n'ai jamais réellement d'exigences, alors la plupart du temps, vous ne remarquerez pas ma présence. J'espère cependant que les plus jeunes accueilleront Passminder comme il se doit. Elle ne connait point ce pays et est assez loin de chez elle. Je compte donc sur vous Mesdemoiselles pour en faire une bonne aussi douée que vous devez l'être.

Lord Sebastian, finissant son petit discours se dirigea vers sa famille. Dans son coin, Miss Robbins nous indiqua de nous approcher de Passminder, ce que les plus jeunes firent sans hésitation.

- Bienvenue, lui fit Winnifred.

- Tu vas adorer l'Angleterre, fit alors Judith.

- Tu comprends ce que l'on dit? demanda Agnes.

- Si ce qu'a dit Lord Sebastian est vrai, elle était chez un ambassadeur, lui rappelai-je.

- Je parle votre langue, fit la jeune Passminder avec timidité.

- Tu travaillais pour Lord Sebastian là-bas en Inde? demanda Winnifred.

- Oui, il disait que je savais faire beaucoup de choses pour quelqu'un de mon âge et il semblait très satisfait de ce que je faisais après qu'il m'ait fait une démonstration, avoua Passminder.

Je regardai Passminder avec circonspection. Je ne savais vraiment pas quoi penser de ces propos. J'espérais secrètement que mon esprit était bouleversé par les découvertes et qu'un homme comme le Vicomte, de son standing ou de sa carrure, n'aurait jamais eu l'outrecuidance d'abuser de sa position envers une domestique et aussi jeune de surcroît. J'avais entendu bien des rumeurs sur les jeunes filles indiennes mais j'ignorais leur véracité. Alors que nous essayions de lui faire mémoriser nos prénoms, d'autres domestiques se joignant à nous, j'entendis alors mon nom être prononcé.

- Annabelle ! m'interpella Miss Robbins.

Sous cette injonction, je me retournai immédiatement, découvrant ainsi l'intendante de la demeure me faisant signe de la rejoindre d'un simple mouvement de main. Je m'inquiétai un peu tandis que j'avançais vers elle, peut-être avais-je commis un quelconque impair.

- Ai-je commis une erreur Miss Robbins ? demandai-je alors.

- Non, Lord Sebastian désire s'entretenir avec vous, fit-elle.

Je la regardai en écarquillant les yeux, surprise d'être conviée à une telle chose. Je tournai alors la tête vers Lord Sebastian qui discutait avec sa nièce. Je m'étais alors approchée, inquiète, en tenant mes mains croisées devant moi.

- Annabelle, fit Lady Charlotte enjouée. Mon oncle est un homme impressionnant n'est-ce pas?

- En effet, Lady Charlotte, confirmai-je immédiatement.

- Oncle Sebastian, n'oubliez pas qu'Annabelle deviendra ma Ladyroom, ne la surmenez surtout pas, lui intima sèchement Lady Charlotte.

- Laisse nous discuter, s'il-te-plaît, lui fit son oncle avec un sourire.

J'étais touchée de cette précision de la part de Lady Charlotte, signe qu'elle me faisait non seulement confiance mais qu'elle devait estimer que mon travail était bien fait.

- Lord Sebastian, dis-je en penchant la tête.

- Écartons nous quelque peu, me dit-il en m'intimant de le suivre.

Ce n'était que de quelques mètres que nous nous écartâmes de la famille Hayworth. Lord Sebastian se posta devant moi et me fixa.

- Comment se passe votre intégration ici Annabelle ? me demanda alors Lord Sebastian.

- Très bien Monsieur, dis-je poliment.

- Aucun problème particulier ? insista t'il ensuite.

- Quelques appréhensions au vu de la taille de la demeure mais je m'y suis habituée, dis-je en ne sachant pas où le vicomte désirait mener la conversation.

- Je voudrais vous signifier ma tristesse toute particulière, me fit alors Lord Sebastian.

- Je vous demande pardon? demandai-je surprise.

- Lady Fullton fut une de mes mécènes pour d'anciennes expéditions, précisa Lord Sebastian me permettant de réaliser le sens du propos. J'ai été très attristé d'apprendre son décès. Comment gérez vous le deuil ?

- Je vous remercie beaucoup de votre sollicitude et n'ayez craintes, j'y étais malheureusement préparée, dis-je tristement.

- Pour la connaître, je savais qu'elle était une bonne maîtresse, me précisa Lord Sebastian. Le fait de recueillir une jeune fille en était le symbole le plus pur.

- Merci Monsieur, dis-je poliment.

- Sachez jeune fille que je suis disponible à n'importe quel instant si vous désirez vous répandre sur vos émotions, dit-il soudainement.

Je le regardai surprise quand il fit quelque chose qui m'étonna encore plus. Il s'était en effet penché vers moi pour me glisser quelques mots à l'oreille.

- Je sais qu'elle vous a donné une certaine éducation, m'affirma Lord Sebastian tout bas. J'aimerais m'entretenir parfois en privé avec vous pour savoir jusqu'où s'est portée cette éducation.

Je fus surprise et presque scandalisée de ce propos, ou plutôt de son ton. Il ne s'agissait pas d'un ton que l'on utiliserait pour désirer entamer une conversation, il était bien plus gênant, plus suave. Il m'adressa alors un dernier sourire et ce fut lui qui pencha la tête envers moi. Je ne savais guère plus quoi penser à cet instant là, devais-je m'en méfier ou était-il simplement gentil? Je ne le savais pas réellement et, coupant mes interrogations silencieuses, mes jeunes collègues me signifièrent de les rejoindre pour accompagner Passminder à sa chambre. M'empressant de les rejoindre, sans pour autant courir en cet endroit, je ressentis une étrange sensation. J'avais en effet l'impression d'être observée et inconsciemment, je ralentis. Je savais que quelqu'un me fixait et j'étais plutôt angoissée. Mûe malgré tout par ma curiosité, je me retournai. C'était le Vicomte qui me fixait de ses yeux brillants, il ne m'avait pas quittée du regard de tout mon déplacement. Je fus alors soudainement saisie d'un frisson que je ne pourrai qualifier que de dérangeant tant j'étais mal à l'aise. Je décidai donc de rejoindre mes collègues, mal à l'aise et plutôt sujette à bien des questionnements sur le plus étonnant mais aussi le plus inquiétant des Hayworth, le Vicomte Sebastian.




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Note de l'auteur : Peut-être n'avez vous pas compris l'histoire de la planche après la révélation des fiançailles de Permelia. Il s'agit d'une anecdote truculente sur la sexualité du bas peuple. Parfois, pour faire plaisir au couple fiancé et leur permettre d'avoir un peu plus d'intimité ( même si on espérait la virginité principalement féminine), il arrivait qu'ils puissent partager leur couche. Afin d'éviter que la vertu de la jeune demoiselle encore pure ne s'envole comme une feuille en plein automne, le principe consistait à installer une énorme planche pour séparer les fiancés dans le lit, leur permettant ainsi de discuter et d'au mieux se tenir la main. Vous aurez donc compris qu'une planche en bois posée en plein milieu d'un lit ne risquait nullement d'empêcher des amoureux aux hormones bouillonnantes de tout de même assouvir des instincts parfaitement naturels, et surtout plaisants, en la retirant ou la contournant ou en le faisant tout bêtement par terre. Étonnement, il arrivait souvent que le mariage se retrouve avancé car, pour une étrange raison que les parents ne s'expliquaient pas vraiment, la jeune fiancée se retrouvait comme par miracle enceinte... Elle est belle la crédulité... Haaa l'amour...


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