Douceurs de Décembre
Félix,
Comment vas-tu mon ami ? Cela fait bien longtemps que tu ne m’as pas écrit, j’espère que t’as bien honte et que tu vas, par conséquent, m’envoyer plein de cadeaux de Noël pour te faire pardonner ! C’est une boutade bien sûr, mais je ne serais pas contre un petit cadeau. Eh bien si toi, tu n’as rien à m’écrire en ce moment, moi j’en ai tout plein ! Tu sais, quand décembre arrive dans les hôpitaux pédiatriques, beaucoup de choses changent.
Je peux t’assurer que ce n’est pas partout pareil, oh là non ! Si je t’écris ça avec autant de certitude, c’est parce que j’ai passé onze ans dans un service pour adultes. Tout semble plus facile aujourd’hui, ça fait quoi, trois ans, environ ? Je ne sais pas vraiment à quel point vous décorez votre bureau, mais dans la direction artistique, vous êtes du genre à vouloir laisser parler votre imagination, enfin je suppose. Figure-toi que ce n’est pas le cas des chefs des hôpitaux, mais alors quand on parle des services pédiatriques, c’est une autre histoire ! Ce n’est pas parce que je suis aide-soignante que je dis ça, mais même les docteurs paraissent plus sympathiques, et pourtant venant de moi qui m’entends mal avec eux, c’est dire !
Mais voilà, tu vois, quand tu viens travailler tôt le matin et que tu es accueillie par des guirlandes un peu partout, ça met du baume au cœur. Des petites étoiles pendent depuis le plafond du couloir, et mieux encore, on a décoré le poste de soin avec quelques boules ! Au-delà de nous, pour nos patients, j’observe une vraie différence. Nos petits jeunes sont émerveillés, et leurs visages s’éclairent de bonheur et des lumières des décorations. Comme nous passons beaucoup de temps avec eux, nous les découvrons, ils se dévoilent à nous doucement. C’est ainsi que nous apprenons ce qui les intéresse, ce qui les fait rêver, ce qui les fait vibrer. Alors, tu vois, pendant nos temps de pause, on se concerte pour chercher quel cadeau serait susceptible de les ravir le plus.
Notre budget est limité, évidemment, comme de partout, mais on essaie de se débrouiller. On a un petit Ben en ce moment, lui il adore AC/DC, donc tu penses bien qu’on s’est renseignés pour choisir un disque qu’il ne possédait pas encore ! Jocelyn passe son temps à regarder un dessin animé avec une voiture rouge dans sa chambre, je peux te dire que ça nous a bien facilité la tâche. Florian et Nicolas eux, sont vraiment copains à force de passer du temps ensemble, mais nous n’arrivons pas à trouver un petit quelque chose qui leur plairait ! Ils parlent de lapins, de patinage artistique, de vaisseaux spatiaux… Pour l’instant, nous avions l’idée d’un grand puzzle de sacrés bonhommes avec des sabres laser qu’ils pourraient tenter de reconstituer ensemble, qu’en penses-tu ?
La douceur rend la douleur plus supportable. C’est intriguant comme le changement d’une lettre peut mener à deux mots complètement opposés. Je ne peux me rendre compte à quel point ils peuvent souffrir, mentalement ou physiquement. Quand ils me le disent, cela reste un chiffre entre un et dix, mais moi je ne le ressens pas. Ces petits sont tellement forts, si tu savais. Ils me donnent l’envie de venir les voir chaque jour, peu importe l’heure, l’état de la météo ou de mes articulations. C’est un plaisir de pouvoir les aider et être à leurs côtés. Des associations ont également prévu de faire don aux services de plusieurs boîtes à histoires. C’est un super cadeau, je crois qu’il plaira aux parents. D’ailleurs, j’espère aussi que la tendresse du service parvient à attendrir leurs maux à eux aussi, ne serait-ce que le temps des fêtes. C’est beaucoup de choses à gérer pour eux, et bien qu’on soit là pour tenter de les soutenir, rien ne leur fera oublier que leur enfant est malade, excepté leurs sourires.
Le sourire et le réconfort de leurs enfants sont les plus belles choses que nous soyons capables de leur apporter. Tu sais quoi Félix ? C’est pour tout ça que, malgré toutes les difficultés imposées par ma profession, je n’en changerais pour rien au monde.
Élisa