Douceurs de Décembre
Mère Noël,
Tu dois être bien occupée à mesure que la fin du mois se rapproche, c’est certain. Il te faut gérer l’atelier, superviser toute l’équipe des lutins, te donner corps et âme en cuisine… Vous faites tant de choses chez toi, surtout en ce moment ! Toutefois, et c’est bien dommage, je sais que la quantité de lettres que tu reçois est infime, comparée à celle de ton époux. Pourtant, c’est bien à toi que je souhaitais écrire ce soir.
Tu n'es pas un faire-valoir du Père Noël pour moi. Je ne t’écris pas non plus par peur de ne pas être lue de lui, non, rien de tout cela. Si je t’écris, c’est parce que je me sens plus à l’aise de t’envoyer mes mots plutôt qu’à lui. Je suis persuadée qu’en plus, tu me liras attentivement, tu ne seras pas tentée d’être expéditive et de remettre immédiatement le papier dans l’enveloppe.
Je me suis toujours demandé, depuis que je suis petite, pourquoi tu étais ainsi dans l’ombre de ton époux. Est-ce volontaire, ou bien cela t’est-il imposé ? Si jamais il s’agit de la dernière option, c’est bien dommage. Tu mérites d’être en lumière tout autant que lui, ton rôle n’est pas moins primordial, il s’agit d’une collaboration entière où tu as toute ton importance !
Je vais être honnête avec toi, quand j’étais petite, le Père Noël me faisait peur. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop pour cet aveu ! Je songe à nouveau à quelques souvenirs, et tous sont relativement négatifs. Une fois, je m’en rappelle encore clairement, mes parents voulaient nous faire plaisir. Ils nous avaient emmenées, avec mes deux sœurs, dans un centre commercial qui accueillait un Père Noël. La queue était longue et mes sœurs et moi nous impatientions, sautillant de partout. Quand j’y repense, mes parents devaient regretter de nous avoir emmenées ! Il nous attendait sur un grand fauteuil que j’apercevais avant même de l’avoir distingué, lui. Autour, quelques guirlandes, de la fausse neige et des cadeaux déposés au sol.
Quand vint notre tour, je fus tétanisée par la vue de cet immense homme à la barbe imposante et au visage qui m’effrayait à travers tous ses traits. Autant, mes sœurs se précipitèrent vers lui, chacune sur un genou, autant je me suis tout de suite réfugiée derrière mes parents pour ne pas avoir à lui faire face. En rentrant à la maison, j’ai imaginé que mes parents seraient fâchés contre moi pour ce que j’avais fait, mais il n’en a rien été. Je n’ai pas pu arrêter d’y penser, d’autant plus que nous allions bientôt écrire nos lettres, et que je n’avais par conséquent aucune envie de lui en adresser une.
Je me suis confiée à eux, un soir, tandis que mes sœurs avaient déjà commencé leur propre rédaction. Je leur avouais qu’après la frayeur que j’avais ressentie, je ne voulais plus lui écrire, ni recevoir de cadeau de sa part. Ils m’ont prise dans leur bras en souriant, et ça m’a fait beaucoup de bien. Ils m’ont alors montrée une image de toi dans un livre, et tout de suite, j’ai su que je t’apprécierais. Ils m’ont expliqué que si je préférais, je pouvais t’écrire à toi aussi, et que ce n’était pas parce que la majorité des enfants écrivaient à ton époux que cela te rendait moins légitime. Avec tes lunettes rectangulaires posées sur le bout de ton nez, ton sourire rassurant et ta jolie robe, tu ne pouvais qu’être gentille à mes yeux.
C’est pour ça que, comme il y a quelques années maintenant, je t’écris aujourd’hui. Merci beaucoup d’avoir rendu Noël plus appréciable pour moi, et de m’avoir permis par ta simple existence de profiter bien plus de cette période. Pendant quelques années, mes sœurs et moi célébrions Noël, elles écrivaient à ton époux, et moi à toi. La nostalgie m’a menée à t’écrire, tandis que mon fils vient de terminer sa lettre pour Noël. Je ne sais pas encore à qui il l’a adressée, mais je suis bien curieuse.
Agathe