La Vie d'Antoine

Chapitre 4 : Chapitre quatre

2331 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/11/2022 21:15

Antoine et Sarah se prennent la pluie. Quand il l'a empêchée de gagner de l'argent assez salement il ne pleuvait que de fines gouttelettes qui à peine embêterai un chaton des rues, mais maintenant il se met à pleuvoir des cordes et les deux amis se depêchent de marcher jusqu'à l'appartement de la femme.


Antoine va attraper froid avec ce temps bien pluvieux et bien humide, surtout si la veste qu'il a prise est sur les épaules frêles de Sarah qui n'en a pas prise ni n'a pris un parapluie. 


Il se souvient des jours de pluie comme ça avec Cécilia, son ex et première fois.


Il lui prenait la main et ensemble ils dansaient sous la pluie épaisse jusqu'à finir malades a en crever. Il lui faisait danser la valse, le charleston et d'autres danses classiques apprises dans les écoles conservatrices. 


– Hé Sarah ? il appelle alors que sa voix se fait plus faible que les cordes qui tombent en masse dans un bruit ennuyeux. 


La femme regarde son ami trembler mais tendre la main vers elle. Elle s'arrête et le regarde sans comprendre. Antoine lui affiche un sourire gentil et lui demande : – M'accorderas-tu cette danse ?


Sarah regarde la grande main tendue vers elle et hausse un sourcil. Elle s'avance vers le corps immobile sous la forte pluie et s'arrête à un mètre de lui.


– Tu vas attraper froid… dit Sarah en prenant la main de son ami. 


Antoine la rapproche, la fait tourner comme si elle était une petite fille et prend le creux de son dos avec sa grande main tandis que l'autre tient celle de Sarah à hauteur de leur épaule. Il commence à bouger ses jambes et à entamer une jolie valse alors que les cheveux bruns auparavant coiffés dans un chignon tombent sur ses épaules et collent à la veste du professeur. Sarah lui donne son plus beau sourire et Antoine le lui rend. Leur jeu de jambes est si coordonné, si parfait, que l'homme complètement trempé se met à rire aux éclats avec son nez planté au ciel et ses verres de lunettes couverts de gouttes et de buée. Cela fait longtemps qu'il ne s'est pas senti aussi heureux de danser. Marion a deux pieds gauches quand il s'agit de cet art et il a tout de même pris le temps de lui apprendre les bases mais alors Sarah… elle pourrait faire danseuse tellement ses mouvements sont parfaitement articulés et en synchrone avec les siens.


Ses yeux hazels s'ouvrent et ils regardent la belle femme au visage gâché et aux cheveux trempés rire à son tour et entraîner Antoine dans une pirouette sur le trottoir vide de toute âme de Clermont-Ferrand. Ils sont seuls à dix heures du soir et les pas se déplacent en coordination jusqu'à la route. Le cœur d'Antoine bat plus vite de toute cette joie incroyable et ils arrivent à la porte de l'immeuble où Sarah vit avec sa mère. 


Pour les dernières secondes de cette danse, inconscients du monde autour d'eux et ayant oublié la pluie qui les mouille, il la plonge et leur nez se touchent. Antoine respire lourdement tout comme Sarah et les gouttes de pluie froide se fondent avec celles chaudes de la transpiration.


– Merci, Sarah. Tu es une excellente danseuse.


– Gracias, ¡ amor de mi vida ! elle lui dit avec un clin d'œil. 


Il relève son corps légèrement grassouillet et ensemble ils marchent, complètement trempés jusqu'à l'ascenseur de l'immeuble, avec un grand sourire sur leur visage heureux. 


Antoine n'a pas dansé avec autant d'énergie depuis des lustres, et Sarah lui a un jour dit qu'elle a eu des cours de danse de la part de son père, qui a fini par chercher du lait et qui s'est perdu en chemin. Alors il en a profité pour exercer.


– Tu veux rentrer ? elle lui demande en lui tendant sa veste alors que la porte s'ouvre sur le petit appartement. Un appartement minimaliste mais assez miteux pour ce que Sarah et sa mère méritent.


– Non je ne pense pas. Ta mère doit être couchée et je ne veux pas la déranger avec nos bêtises.


– Tu parles de coucher ensemble comme au bon vieux temps ? elle demande curieusement avec sa tête penchée sur le côté. Sa chevelure tombe sur son épaule et Antoine se surprend à regarder son visage ruiné par le maquillage coulé plus longtemps que prévu.


– Non. De toute façon j'ai des copies à corriger… comme le dis si bien le dicton : pourquoi remettre à plus tard ce que tu peux faire le jour même ?


– Antoine. Ce sont les vacances scolaires, tu as deux semaines pour corriger les copies de ces collégiens.


Antoine essuie ses lunettes sur le tissu humide de son pull noir à col roulé et les remets sur son nez après avoir essuyé son visage de toute l'eau et l'humidité accumulée. 


– Je sais ce que je fais, Sarah. Je te souhaite une bonne nuit.


Il l'étreint et lui caresse la tête avant de remettre sa veste et de s'en aller, seul, sous la pluie battante.


Arrivé dans son appartement il se déshabille entièrement et entre sous la douche. L'eau chaude coule sur son corps et il pose son front contre le mur carrelé.


Il est exténué.


Son téléphone posé sur le meuble à serviettes se met à vibrer et Antoine ne répond pas, trop occupé à se détendre sous la douche. 


Demain il va certainement être malade mais au moins la soirée s'est finie en beauté avec une danse.


Ils auraient pu même chanter sous la pluie !


Antoine ne doute pas que c'est un appel de sa petite-amie et qu'il se doit de répondre pour lui donner toutes les réponses aux questions dans sa tête. Mais pour l'instant il veut juste être propre comme un sou neuf. 


Mais les appels insistants de Marion — oui il est sûr que c'est elle — le font se dépêcher et dès qu'il est sec de toute eau et bien savonné de partout, il se décide de la rappeler. 


– Hé ma chérie ! Désolée j'étais sous la douche.


« Antoine tu m'as fait peur ! Que s'est-il passé ?! » demande l'adolescente affolée.


Antoine a un petit sourire en coin et souffle un rire.


– J'ai aidée mon amie à ne pas offrir ses services de prostitution, ce soir, il répond comme si c'est la chose la plus banale du monde.


Marion halète et Antoine roule des yeux.


« Mais… c'est grave ce qu'il s'est passé ? »


Antoine secoue la tête mais oublie que Marion ne peut pas le voir. Alors il s'empresse de répondre après un long blanc gênant.


– Non, ne t'en fais pas. J'ai juste frappé un homme mais à part ça je te promets que tout s'est bien passé. J'ai même dansé sous la pluie avec Sarah.


« Sarah ? C'est ton amie qui vend son corps ? Et comment ça tu as frappé un homme ?! » demande Marion avec un ton des plus amers. 


Antoine comprend, lui aussi s'est retrouvé jaloux d'un garçon que Marion a côtoyé.


– Oui. 


Il ne veut pas parler de sa petite altercation avec l'inconnu du bar.


« Je dois être jalouse ? »


– Non, Mar. Même si elle m'aime tu sais que c'est toi que je veux à l'autel.


Marion halète et Antoine sait qu'il a touché la corde sensible de l'élève de première G. 


« Antoine, je suis toute rouge… »


– Oh chérie… il lui dit d'une voix sensuelle comme à chaque fois qu'elle vient se glisser sur ses genoux pour ses délicates petites attentions. J'aimerais tellement voir ça, j'aimerais tellement aussi pouvoir te faire rougir plus avec mes baisers de velours…


Marion gémit de l'autre côté du téléphone. L'oreille du professeur chatouille et produit un frisson électrique le long de sa colonne vertébrale. 


Marion ne répond pas à sa drague, alors Antoine renchérit toute cette tension sexuelle.


– Marion ?… il chuchote avec amour contre son téléphone.


Il l'entend frémir et rigole doucement.


– J'arrête là, chérie ! Je n'ai pas envie que tu te mettes à mouiller sans moi !


Marion soupire et l'érection d'Antoine commence à revenir. Il veut qu'elle continue.


– Je n'arrive pas à dormir. Et j'ai pensé à toi toute la soirée, inquiétée à mort !


Antoine fait un bruit. Un son entre une couinement de souris et un chat qui miaule. 


– Awwwwwwwwwwwww !…


– Quoi ? demande Marion avec une voix empreinte d'un rire adorable.


– Rien rien ! Tu es juste adorable à t'inquiéter pour moi alors que je suis un homme adulte avec des problèmes d'adultes.


Marion gémit. 


Antoine s'assoit nu sur son lit et couvre son corps froid et tremblant avec sa couette épaisse. Aussi épaisse que celle de l'hôtel où il a dormi quand Marion ne pouvait pas rentrer chez elle. 


– Tu sais, Antoine ? J'ai envie de te voir durant les vacances. Même juste quelques heures pour des câlins avec toi et des promenades dans le centre-ville de Clermont-Ferrand…


– Tu me feras la surprise. Et je pourrai également te présenter mon amie Sarah ! 


– Elle sait pour… tu sais, nous ?


Il soupire et caresse sa nuque. Très gêné.


– Non, et tu sais plus que bien que notre relation est un tabou sociétal.


Marion soupire une énième fois et Antoine le fait à son tour, commençant à se caresser doucement la verge demi-molle. 


– Vivement que je sois légalement une adulte pour que nous n'ayons plus à nous cacher.


– Je sais. Mais profitons juste de notre belle idylle. 


[...]


Le lendemain, Antoine se sent malade. Il est sûr — car il est évident que c'est son petit temps passé avec Sarah — que c'est à cause d'hier soir et de sa demi-heure sous la flotte. 


Pour rien il n'est désolé d'avoir dansé avec elle. 


Son nez coule et il s'empresse d'éternuer dans son coude nu. Il pose sa tête suant du froid sur le tas de copies à corriger et expire son amertume. Il espère que Sarah n'est pas tombée malade elle aussi. Elle portait sa veste donc il est peu probable qu'elle soit dans un état pire que lui.


Antoine a une santé fragile et très souvent en étant petit enfant il a fait des allers-retours à l'hôpital pour des soins.


Enfin, ça et ses problèmes pour parler. Il était totalement muet avec ses interlocuteurs, même ses propres parents.


C'est une honte pour un professeur d'avoir été sujet au mutisme.


Antoine relève la tête et barre un calcul faux d'une élève. 


Il ne pensait pas que c'était possible, mais pire que Marion en mathématiques est possible ; ça existe, bon sang de bon soir ! 


Il colle un zéro pointé sur la case « note » du bandeau et souffle, totalement fatigué d'être dans un état aussi lamentable.


La sonnette retentit et Antoine se lève avec difficulté. Il marche lentement jusqu'à la porte et l'ouvre avec un bras tremblant. 


C'est Sarah qui se tient sur sur son pallier avec ses mains dans le dos. Elle en relève une et révèle un sachet en plastique — bonjour la pollution — provenant tout droit de la pharmacie comme marqué en vert sur le sac.


– Salut Antoine, commence-t-elle. Je sais que tu as chopé la crève vu le temps sous lequel nous avons dansé et je me disais que quelques médicaments ne feraient pas de mal.


– Tu m'as ramené quoi ?


Sarah sourit et fouille dans son sachet. Elle en sort un médicament puis un autre.


– Du Doliprane et un antihistaminique. 


Il attrape le sachet en plastique et la remercie froidement, pas vraiment d'humeur à converser alors qu'il a quarante degrés de fièvre. 


– Tu es sûrement très malade… Je peux entrer et prendre soin de toi ? Le bar ouvre à onze heures et il me reste encore une heure à tuer avant d'y aller. 


Antoine réprime son envie de souffler d'agacement et s'écarte par politesse. Sarah entre et s'émerveille de l'appartement, ce qui fait qu'Antoine roule des yeux et lui lance des regards abjectes. 


– Assieds-toi et fais comme chez toi. Moi je vais continuer à corriger les copies de mes 4°.


Antoine s'assoit sur sa chaise et replonge son nez dans le tas de copies. Il y en a quelques unes qui sont excellentes, certes, mais le reste est juste passable au mieux et incohérent au pire. Ça a le don de l'agacer.


Il sent une couverture légère se draper sur ses épaules et il tourne la tête pour voir Sarah. 


– Tu trembles de froid malgré ta chaleur, lui dit-elle en posant une de ses mains agréablement chaudes sur son front. Va te reposer, Antoine. Je vais corriger à ta place.


– Mais… tu n'es pas professeure.


Elle secoue la tête avec un léger rire et embrasse la tempe d'Antoine.


– Non. Mais si j'avais l'argent j'aurais fait des études de médecine.


Antoine hoche la tête et titube jusqu'à sa chambre pour aller se coucher dans son lit douillet. Il soupire de fatigue et Sarah apporte la boîte de médicaments et un verre avec du Doliprane dilué dedans.


Il se sent assez fatigué malgré le fait qu'il soit en vacances et qu'il ait fait huit heures de sommeil complètes.


Sarah le borde et embrasse son front en sueurs comme si il était son fils en bas âge.


« Repose-toi bien, amor. », il entend à peine alors que ses yeux se ferment et qu'il s'endort.


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