Wolf Skin: Omega
XI.
SEMBLANT DE NORMALITÉ
Suite à ce petit repas avec la famille Wilder, j'aimais déjà me considérer comme une sorte de membre honoraire de leur famille. Je partageais le secret le plus incroyable que ce monde connaissait, le secret de La Joconde devenant du pipi de chat. Cependant, j'ai également saisi l'occasion pour me rapprocher d'eux. Comment ai-je réussi cela? Tout simplement en passant mon dimanche chez eux. Cela les avait quelque peu surpris de me voir débarquer le dimanche après-midi, sans doute pensaient-ils que je n'allais rien faire mais je ne pouvais m'en passer. En réalité c'était surtout de la petite Tammy dont j'avais du mal à me passer et j'en ai profité. Elle était d'ailleurs extrêmement heureuse d'avoir quelqu'un d'extérieur à sa famille pour discuter et présenter ses jouets avec motivation. J'ai eu droit à tout: jouer au dominos, jouer aux petits chevaux et au Memory, l'observer dessiner longuement sans vraiment que ce dessin soit identifiable, jouer à la dînette... Le plus drôle fut qu'elle obligea son frère et sa sœur à participer à la dînette et l'image de Matthew avec une charlotte tricotée sur la tête était clairement une perle. J'ai même fini l'après midi dans le jardin à jouer avec la petite. Elle était inépuisable et le seul moment de répit qu'elle me laissa, je l'ai passé à montrer les chorégraphies à Lacey sous des applaudissements survitaminés de Tammy. J'avais quand même remarqué que Matthew nous observait de loin, comme veillant sur nous et cela m'avait fait sourire. Tant de sollicitude était impressionnant et j'ai simplement apprécié. Ce fut d'ailleurs lui qui me ramena tranquillement après avoir chargé le pick-up familial et il me remercia de passer du temps avec sa sœur.
Tout cela avait un peu disparu quand le lycée repris, ainsi que toutes les obligations. J'essayais vraiment de motiver les filles pour recruter Lacey et le mercredi qui suivit le week-end où j'eus droit à ma révélation, c'était le grand jour. J'étais en pleine galère et déjà épuisée, tirant sur le bras de Lacey.
- Mais viens, ai-je grommelé en tirant avec difficulté.
- Tu vas te faire mal, me fit Lacey sans réellement bouger.
- Allez... Laisse toi faire, dis-je en m'épuisant.
Lacey me regarda attentivement et finit par se résigner en avançant. Par chance, elle me rattrapa quand l'effort failli me faire chuter.
- Merci, dis-je en remarquant qu'elle m'avait rattrapé du bout des doigts.
- T'es vraiment insistante comme fille, me fit Lacey.
- Je sais, dis-je en m'époussetant un petit peu.
- Matie a raison sur ce point, m'avoua Lacey.
Je l'ai regardée avec des yeux ronds et de l'étonnement. J'hésitais à lui poser la question mais je le fis quand même.
- Vous parlez de moi? demandai-je surprise.
- En bien je te rassure, me fit alors Lacey. Et puis une certaine personne ne nous lâche pas dès le matin.
- Je crois qu'elle est contente de fréquenter quelqu'un d'autre, précisai-je après avoir réalisé de qui elle parlait.
- C'est sûr que moi et Matie, les parents et ses peluches, ça ne fait pas grand monde, m'avoua Lacey.
- Mais..., dis-je en regardant partout pour être sûre. Elle n'ira jamais à l'école ?
- Maman va lui donner des cours, m'avoua Lacey. Si elle maîtrise sa... caractéristique, elle ira en Middle School.
- Ce serait mieux... Tu imagines la panique ? demandai-je.
- J'imagine oui, fit-elle en poussant un soupir.
- Lacey... J'apprécie tes efforts pour m'accepter depuis que je sais mais franchement, de quoi tu as peur? demandai-je complètement lassée.
- De m'énerver, et de blesser quelqu'un, m'avoua Lacey.
- Aucun risque, dis-je alors. Bon tu viens?
- Ouais ouais..., marmonna Lacey.
Ce n'était pas des caprices, c'était une évidence, par contre c'était quand même extrêmement chiant. Je pouvais comprendre ses craintes mais les risques de blesser quelqu'un étaient minimes. Je l'ai guidée vers le gymnase extérieur ou désormais nous nous entraînions et dès que j'eusse passé la porte, je compris que nous étions bonnes dernières.
- Désolée les filles, dis-je alors. Elle est un peu stressée.
- Mais faut pas! fit Lizzie. Tu verras c'est cool.
Lacey me regarda attentivement et j'ai confirmé que Lizzie était honnête. Les autres filles vinrent l'acceuillir quand même et elle n'était clairement pas à l'aise. Lana s'approcha alors et elle regarda Lacey.
- Bon... Tu voulais passer les essais la dernière fois, je ne sais pas ce qui t'a poussée à te tirer mais on veut des gens sérieux, pas de tire au flanc et pas d'excuses à la con pour sécher les entraînements, lui fit Lana avec fermeté.
- Je respecte mes engagements, répondit Lacey sur le même ton.
- C'est Deb qui a poussé alors ne la déçois pas, lui fit Lacey.
Lacey était déjà au courant de toute manière et je ne pouvais qu'acquiescer. J'avais poussé et j'espérais franchement qu'elle se tiendrait bien, au vu de son caractère.
- Ne t'en fais pas, lui assura Tina. On a toutes eu du mal au début.
- Et puis tu as de bonnes notes donc tu arrives à mémoriser, ajouta Madison.
- Et t'as un physique sportif, rajouta Nicole.
- Mais tu verras à force de pratiquer ça rentre, précisa également Meghan.
Lacey regardait les filles les unes après les autres avec attention, je me demandais si elle ne pensait pas à des méchancetés bien placées.
- Ouais... C'est sympa, fit simplement Lacey.
J'ai juste soupiré, au temps pour la sociabilité. J'ai regardé Lana qui s'approchait du tapis et de son téléphone.
- Deb t'a montré les chorégraphies ? demanda Lana en la fixant.
- Ouais, ce week-end, répondit Lacey.
Les filles me regardèrent soudainement avec surprise et j'ai juste haussé les épaules. Je m'en doutais un peu qu'elles seraient surprises mais cela valait le détour.
- Parfait, tu vas nous faire une démonstration et on verra si t'as le niveau ou pas, fit Lana.
- T'inquiètes pas, lui fit alors Lizzie toute contente d'avoir une nouvelle fille dans l'équipe. Vas-y mets le feu !
Autant le dire, plus d'une tête arbora une grimace gênée. Lizzie savait mettre de l'ambiance c'était sûr... Juste un léger soucis sur la qualité des propos et surtout le bon timing.
- Euh..., hésita Lacey.
- Si tu restes tu vas t'habituer, précisa Madison.
- J'ai dit une bêtise ? demanda Lizzie en réfléchissant.
- Mais non mais non, lui assura Tina.
J'ai juste frotté le dos de Lacey pour la motiver et je suis allée m'asseoir en tailleur à côté des filles. Lacey gardait les mains jointes et semblait paniquée. Les premières notes pour lancer la chorégraphie me firent comprendre que Lacey était extrêmement raide, sans doute le stress. J'avouerai que le mien fit également un petit bon, j'espérais en effet que cela ne comporte pas de risques pour elle, le genre qui verraient apparaître un canidé.
- Détends toi! lui ai-je lancé.
Lana m'avait regardée et, avec une gentillesse inattendue, remit la musique au début. J'ai souri à Lacey pour la rassurer et le deuxième essai était bien mieux. En réalité c'était même parfait. Je ne savais pas vraiment si c'était lié à sa nature étonnante mais elle avait franchement du talent. Les filles semblaient extrêmement contentes du résultat, comme moi d'ailleurs. Au final mon idée était parfaite.
- Continue!!! lui fit Tina.
- C'est génial ! lui assura également Madison.
Lacey commençait à se détendre, c'était une évidence bien visible. Alors qu'elle était tiraillée par le stress au départ, elle s'était mise à sourire. J'étais vraiment rassurée de ses compétences et j'applaudissais en rythme avec la musique avant de me figer. Lacey s'était simplement dirigée vers le bord du tapis avant de prendre de l'élan. Je fus alors totalement effarée quand je la vis réaliser ma spécialité comme si je lui avais appris. Les filles à côté de moi applaudirent mais moi j'étais sous le choc. En effet, au départ j'étais assez dégoûtée il faut bien le reconnaître. C'était normal après tout, j'avais passé tellement de temps à m'y entraîner pour le rendre parfait que me rendre compte qu'en l'ayant simplement vu sur le terrain, Lacey était capable de le reproduire. J'ai quand même fini par applaudir quand le choc fut passé.
- Putain..., marmonna Lana. T'es une bohémienne ou quoi?
- Non mais je mémorise les choses facilement..., avoua Lacey. En fait je m'entraîne depuis longtemps, déjà dans mon ancien lycée je voulais entrer dans l'équipe mais on n'a pas voulu de moi.
- Et pourquoi ? demanda Lizzie sans se soucier des problèmes qu'elle pouvait provoquer.
- Parce que des rumeurs ont circulé comme ici, marmonna Lacey.
- Ho..., fit Lizzie. Bah pas grave, ajouta-t-elle.
- Bah les rumeurs parfois, marmonna Lana.
- Tammy est ma petite sœur ok? s'énerva Lacey. Si tu veux on n'a qu'à aller au gynécologue ensemble et t'auras la preuve que je n'ai pas porté d'enfants.
Je fus sous le choc, Lacey aurait pu lui arracher la tête si Lana continuait. Il ne fallait pas marmonner à côté d'elle, cela je l'avais bien compris vu leurs sens développés. Lana devrait apprendre à se la fermer.
- Elle a du répondant, fit Nicole. Elle me plait bien.
- Dans quel sens? demanda Tina choquant Lacey.
- Tous, assura Nicole en riant.
- Et ben... On est mal barrées, marmonna Lana. Franchement t'es douée, c'est une évidence... Mais tu sais bosser en équipe ?
- Ça dépend si l'équipe me les brise, répondit Lacey.
J'ai regardé celle-ci consternée et j'ai à peine murmuré sachant qu'elle pourrait m'entendre.
- Reste calme s'il-te-plaît, ai-je murmuré extrêmement bas pour l'exhorter à conserver un bon comportement.
- Deb a dit que c'était un putain de mytho, précisa Lana. Et je vais la croire. Tu veux la place?
- Euh... Ouais, fit Lacey étonnée.
- En tout cas, t'es aussi douée que Deb, fit Meghan.
- Son mouvement me plaisait bien, fit Lacey en me regardant avec mesquinerie.
- Tu t'es beaucoup entraînée ? demanda Meghan qui m'avait déjà demandé de lui apprendre.
- Tous les jours depuis le match, précisa Lacey.
J'ai regardé Lacey suspicieusement convaincue qu'il s'agissait d'un mensonge éhonté. Matthew m'avait précisé que leur équilibre était largement supérieur au notre et forcément, dans ce genre d'activités, cela devait être bien pratique. Je savais également, grâce à ce weekend passé en leur compagnie, qu'ils s'interdisaient généralement tous d'être des sportifs confirmés à cause des tests à subir et surtout des résultats exceptionnels qu'ils obtiendraient. Je venais tout simplement de comprendre pourquoi. J'étais encore sur le cul et légèrement vexée malgré tout. Alors que les filles se préparaient pour l'entraînement collectif des chorégraphies, je me suis approchée de Lacey pour la féliciter.
- Tu vois? Je te l'avais dit, ai-je lancé. T'étais géniale.
- Mouais... La capitaine me gonfle déjà, marmonna Lacey.
- Tu verras, si tu continues à l'épater, elle va changer, dis-je alors en la bousculant.
- C'est marrant, me fit alors Lacey.
- De t'entrainer? demandai-je surpris.
- Que tu me félicites, précisa Lacey.
- Je... Je ne comprends pas pourquoi tu dis ça, ai-je alors avoué plutôt perdue.
- Tu es en colère, me fit Lacey.
- Hein? me suis-je étonnée.
- Parce que je peux faire ton truc, précisa Lacey en touchant l'emplacement de mon cœur. Ça s'entend.
- Je..., ai-je hésité en regardant les autres. Je suis juste un peu dégoûtée, ça avait l'air si facile pour toi.
- Sois pas jalouse de notre supériorité, me fit Lacey me surprenant.
- Je suis plutôt contente que cela ait marché, précisai-je alors. Allez viens t'entrainer.
Lacey n'avait pas totalement tort, j'étais jalouse de ses facilités mais pour rappel, j'étais normale moi, enfin humaine étant donné que le terme normal était tellement sujet à interprétation. Étonnamment, l'entraînement principal se passa extrêmement bien, Lacey faisant l'effort de rester calme et de réaliser les mouvements avec précision et surtout application. Visiblement les filles étaient extrêmement contentes du résultat et cela se voyait. Au bout de deux heures assez insoutenables, nous sommes toutes tombées au sol. Quand j'avais regardé vers Lacey, je fus convaincue qu'elle suivait simplement le mouvement.
- C'était parfait ! hurla Madison.
- C'est clair que t'assure Lacey, la félicita Tina.
- Tu te débrouilles mieux que moi, avoua Meghan.
- Non, je pense qu'elle s'entraîne énormément, précisa Lizzie.
- Et ben prenez exemple, fit Lana. Ainsi on pourra toutes faire le truc de Deb.
- Si vous pouviez vous trouver vos propres mouvements, j'apprécierai, dis-je alors. Et ça plairait aux juges.
- Faut bosser, fit alors Madison.
- Mais quels genres de mouvement ? demanda Lizzie.
- On verra, fis-je épuisée.
- Bon les filles, à poil et à la douche, précisa Lana.
C'était bien l'avantage de ce gymnase, les douches chaudes après l'effort. Nous nous dirigeâmes en rigolant vers les fameuses douches mais je remarquai immédiatement la gène de Lacey. Je l'ai regardée jusqu'à ce que nous arrivâmes dans le vestiaire.
- Ça va? demandai-je alors.
- Non, me répondit Lacey.
- Je croyais que vous étiez à l'aise, ai-je murmuré.
- Le problème c'est... J'ai des cicatrices, me fit Lacey en me regardant fixement.
- Accident de voiture, lui ai-je murmuré.
Lacey me regarda comme prise d'un énorme doute avant d'enfin comprendre ce que je lui faisais comprendre. Je la vis se déshabiller et je fis de même.
- La vache, fit alors Nicole qui avait vu Lacey.
- Euh..., fit celle-ci mal à l'aise.
- T'es musclée de partout! lui assura Nicole.
- Tu fais un sport de combat ? demanda Meghan.
- Non... C'est le travail à la ferme, dis-je alors. Faut s'occuper des bêtes.
- Tu les portes? demanda Lizzie surprenant tout le monde.
- Euh... À part les nouveaux nés non, avoua Lacey assez effarée. Tu sais qu'ils marchent tout seuls?
- Bah oui... C'est logique, fit Lizzie en se foutant à poil.
Je vis Meghan baisser les yeux et s'enrouler dans sa serviette. Je compris qu'elle avait un peu honte de son corps. Même si elle était quand même très jolie.
- Hey, faut pas t'en faire, dis-je alors à cette dernière.
- Mouais..., marmonna Meghan.
- J'ai pas beaucoup de formes non plus, ai-je insisté.
- Ouais mais... Les garçons préférent les gros seins, dit-elle alors. On m'a déjà traitée de planche à pain.
- C'est parce que les mecs sont des gros connards qui espèrent simplement qu'on écarte les cuisses en fermant nos gueules, fit alors Lacey.
Toutes les filles tournèrent leurs têtes vers elle assez étonnées. Moi-même j'étais effarée d'une telle rage dans les propos.
- Lacey présidente ! fit Madison en riant. Putain c'est vrai.
- Le pire c'est qu'ils veulent toujours qu'on les suce mais l'inverse... Y a plus personne, fit Lana.
- Moi j'ai pas ce problème, avoua Nicole en riant.
- Ça compte pas, précisa Tina. Et toi Lacey c'est quoi ton genre de mec?
Lacey la regarda surprise et hésita un peu en réfléchissant. Je croisais secrètement et discrètement les doigts pour que Lana ne marmonne pas une vacherie en parlant de son frère.
- Tom Holland, précisa Lacey sans aucune gêne.
- Pas assez musclé, fit Lana en riant. Allez Mary Jane à la douche, fit-elle en fonçant se rafraîchir.
- À qui elle parle? demanda Lizzie à sa voisine de banc Nicole.
- Laisse tomber, ça vaut pas la peine de le savoir, grommela celle-ci.
Lacey me regarda et j'ai souris simplement tout en haussant les épaules. Je lui ai juste fait signe de foncer sous les douches. Cela faisait beaucoup de bien pour se détendre même si personnellement, vu la salle de bain que j'avais chez moi, je n'étais pas à plaindre. Les conversations allaient bon train par dessus les douches mais Lana finit par mettre un terme.
- Hey j'ai rencard avec Casey, dit-elle tout à coup. Vous vous débrouillez pour verrouiller la porte et la ramener aux bureaux. M'appelez pas ce soir.
Je souris à l'annonce, claire, nette et précise. On savait ce qu'elle ferait ce soir-là. D'autres nous avertirent également et la dernière fut Meghan.
- Mon frère m'attend les filles, fit-elle en frappant à la porte des douches. Bienvenue encore Lacey t'es géniale. Et salue ton frère pour moi!
J'étais heureuse du propos, comprenant que Meghan l'acceuillait assez bien et c'était tant mieux. Nous n'étions plus que trois sachant que je n'avais pas entendu Lizzie quitter sa douche. Moi, je m'étais assez détendue alors j'ai coupé l'eau et me suis enroulée dans une serviette avant de sortir en séchant mes cheveux courts.
- Ça fait du bien! dis-je alors pour moi-même.
Je vis avec amusement les deux dernières filles présentes sortir de leurs cabines et se diriger vers les bancs.
- C'était bien comme entraînement, fit alors Lizzie.
- J'ai apprécié, hésita Lacey.
- Mais je suis contente qu'on ait une nouvelle copine, fit alors Lizzie en poussant Lacey.
Lacey la regarda étonnée, non seulement du geste mais également du propos.
- C'est pas un peu tôt ? demanda Lacey sur un ton clair et net.
- Ben non... On s'est entraînées ensemble et en plus on a pris une douche ensemble, ça fait de nous des copines, précisa Lizzie.
Je ris immédiatement en voyant la mine déconfite de Lacey devant tant de logique totalement illogique. Lacey se tourna vers moi en me regardant méchamment.
- Désolée mais c'est trop drôle, dis-je en riant.
- Ben c'est vrai! insista Lizzie. Non? Chez vous ça ne fait pas de nous des copines ?
- Si si bien sûr, fut la seule chose que je pus dire.
Lacey avait plutôt l'air de désirer lui dire sa façon de voir les choses mais je lui ai juste fait un clin d'œil. Il ne fallait pas trop prêter attention à ce genre de propos. Lacey devrait s'y habituer.
- Vous faites quoi ce soir? demanda Lizzie.
- Peut-être de la lecture, dis-je alors.
- Moi aussi! fit Lizzie trop heureuse. Je vais lire des comics.
- Je parlais de romans, avouai-je.
- Bah c'est pareil, dit Lizzie.
- Oui... C'est vrai, dis-je en pensant bien le contraire.
- Et toi? demanda Lizzie à Lacey.
- M'occuper des bêtes et jouer avec ma petite sœur, répondit-elle.
- Ho la chance... Moi je suis enfant unique c'est nul!!! marmonna Lizzie.
- C'est pareil, dis-je alors. C'est vrai que j'ai toujours voulu savoir ce que ça faisait.
- C'est pas aussi rose que vous l'imaginez, fit alors Lacey en souriant.
- Mais alors... Tu passes la soirée avec Matthew ? demanda Lizzie.
Étonnamment, Lacey ne répondit pas alors j'ai redressé la tête et j'ai soudainement réalisé que c'était à moi qu'elle parlait.
- Euh... Liz... C'est son frère à elle, dis-je en montrant Lacey.
- Bah je sais, me fit Lizzie.
- Alors... Pourquoi tu demandes? lui fit Lacey.
- Bah... Elle a demandé son numéro, fit Lizzie.
J'ai failli m'étouffer sous l'information. Lacey me regarda légèrement étonnée.
- Ben euh... Je voulais te contacter mais t'es pas très accessible, dis-je alors pour me justifier.
- Et il est pas mal, dit alors Lizzie.
- T'es serieuse là ? demanda Lacey.
- Ben oui, elle regarde souvent dans sa direction, fit Lizzie me choquant.
Non mais qu'est-ce qu'elle faisait cette dingue? J'en savais rien mais elle me mettait vachement mal à l'aise.
- C'est par rapport à..., dis-je simplement à Lacey pour lui faire comprendre.
- Ha ok..., me fit Lacey.
- Elle le trouve mignon, dit encore Lizzie.
- Mais tu veux bien arrêter ? demandai-je à la concernée.
- Deb... Elle est pas avec lui, c'est pas leur enfant, me fit Lizzie. Je crois que tu peux foncer.
J'ai écarquillé les yeux complètement paniquée. Et forcément, j'ai regardé vers Lacey qui a rapidement attrapé Lizzie par les épaules.
- Lacey! Arrête, elle est pas futée, ne lui fais rien, l'ai-je suppliée.
Lizzie regarda alors attentivement Lacey qui la fixait et se gratta la joue un peu gênée.
- Je suis désolée... Je ne suis pas attirée par les filles... Tu es très jolie quand même, lui fit Lizzie.
J'étais tellement surprise que j'ai regardé Lizzie d'un air assez abasourdi sans doute.
- Ferme la deux secondes, s'énerva Lacey.
- Je ne veux pas être embrassée, marmonna Lizzie.
- Lacey... Laisse la..., marmonnai-je honteuse.
Lacey fixait Lizzie droit dans les yeux avant de la lacher. Lizzie sembla alors totalement s'en moquer et finit de s'habiller tandis que moi, j'étais totalement perdue et presque inerte. Je regardai Lacey comme quémandant une putain d'explication. Je n'en obtint aucune.
- Bon les filles, j'y vais... Lacey, je suis flattée mais je m'excuse quand même, fit Lizzie. Encore bienvenue aussi... J'espère qu'on restera copines.
Je regardai partir la loufoque de la bande qui semblait totalement se foutre de ce qui venait de se passer. J'étais plutôt dubitative et, après avoir entendu la porte du vestiaire, je me suis mise à hurler un peu vite.
- Mais t'es malade? ai-je dit à Lacey.
- Ho ça va, grommela Lacey.
- Écoute... Elle est spéciale mais c'est pas de la méchanceté. Pour elle c'est... Comme ça, ai-je expliqué.
- T'as fini? me demandais sèchement Lacey.
- Écoute, dis-je sans me soucier de l'intervention, Liz est mon amie, je la défendrai. D'accord elle n'a aucun tact mais c'est pas sa faute.
- C'est sûr que ce n'est pas sa faute, avoua alors Lacey.
J'allais redémarrer au quart de tour avant de me figer en regardant Lacey. Sa façon de le dire avait été loin d'être sardonique ou ironique, plutôt teintée de sincérité.
- Quoi? demandai-je méfiante.
- Ton amie a vu l'un des nôtres se transformer, me fit alors Lacey.
J'étais tout d'abord sous le choc de l'information avant de me réjouir en me disant que j'aurai quelqu'un à qui en parler. Soudain, j'ai réalisé que connaissant Lizzie, elle devrait être incapable de tenir un secret pareil.
- Comment tu peux en être aussi sûre ? ai-je demandé.
- Dans son œil, avoua Lacey en me montrant le sien. Cela laisse une trace, tu dois déjà l'avoir également.
- J'aurais pas cru qu'elle puisse rester discrète, avouai-je alors en m'habillant.
- Elle ne s'en souvient pas, me fit Lacey.
- Comment on peut oublier un truc pareil? demandai-je alors.
- Tu te souviens de la sécurité ? me demanda Lacey. Elle a subi un sacré contrecoup mais...
- Mais quoi? demandai-je inquiète.
- Normalement, au vu de sa réaction, le loup aurait dû lui donner des décoctions de plantes, me fit Lacey. Là elle est largement trop loin.
- Tu..., hésitai je alors. Tu veux dire que l'on a laissé volontairement Lizzie dans cet état ?
- Pas forcément, me fit Lacey.
- Ha ouais? Tu te changes devant les gens sans t'en soucier peut-être ? demandai-je méchamment.
- Bien sûr que non mais tu ne réfléchis pas bien, me fit Lacey.
- Bah vas-y, éclaire ma lanterne, dis-je provocatrice.
- Imagine simplement qu'elle n'était pas visible, cachée derrière un arbre ou autre chose, m'expliqua alors Lacey. Le loup était peut-être occupé avec une ombre et n'a pas réalisé sa présence.
- Ho... Donc ça peut faire ça ? demandai-je horrifiée.
- Mon frère a attendu que tu cernes le gros de l'affaire, se justifia Lacey.
- Mais... J'ai senti..., dis-je alors avant de croiser son regard.
- Vu le résultat, tu es loin d'être à plaindre, me fit simplement Lacey.
- Comment ça ? demandai-je méfiante.
- Tu comprendras bien à un moment ou à un autre, me dit-elle en attrapant ses vêtements.
- Façon concrète de me dire que la discussion est close, marmonnai-je en finissant de m'habiller. Mais...
- Quoi encore ? demanda une Lacey assez exaspérée.
- Arrête de t'énerver, marmonnai-je rapidement. On ne peut rien pour Liz?
- Normalement non, la marque est âgée... Peut-être si le loup responsable se transformait de nouveau devant elle, proposa Lacey.
- Ha... Donc ce n'est pas vous, ai-je rapidement réalisé.
- J'ai dit ancienne, nous sommes arrivés il n'y a que quelques années, avoua Lacey.
- Mais vous étiez venu pour quoi en réalité ? demandai-je espérant une réponse.
- Pour cacher... Pour se cacher tout simplement, se reprit Lacey. Avec l'accord de la meute de Fort Collins.
- Des gens vous en veulent ? demandai-je quand même.
- Les Omégas s'affranchissent de beaucoup de règles, donc certains ne veulent pas de nous... Et puis notre mode de vie peut intéresser, me dit-elle calmement. T'es prête ?
- Deux secondes, dis-je en attachant mes baskets.
J'en apprenais encore mais un détail m'avait marquée. Ce détail était tout simplement la correction qu'elle avait apportée à ses propos et je l'avais mémorisée. J'aurais peut-être des informations par les autres membres de la famille.
- Je vais demander à Papa de contacter l'Alpha de Fort Collins, il pourra se renseigner, me fit Lacey.
- Merci pour Lizzie, dis-je avec gratitude.
- Mais si ils arrivent à corriger cela, ce ne sera plus la même, en théorie, expliqua Lacey.
- Comment ça en théorie ? demandai-je alors.
- Rien ne prouve qu'elle ne serait pas une nunuche, avoua Lacey.
- C'est méchant Lacey, visiblement elle a une excuse, l'ai-je défendue.
- Mouais mouais... Admettons, me fit Lacey.
Nous prîmes ensemble le chemin du parking tandis que j'évitais de poser des questions stupides sur les loups au cas où quelqu'un nous entende. Appuyé sur le pick-up familial, alors qu'il utilisait parfois sa moto, Matthew attendait patiemment sa sœur.
- Salut... Alors la caractérielle du coin ? demanda Matthew amusé.
- La caractérielle t'emmerde, envoie les clefs, précisa Lacey.
- Euh... En quel honneur ? demanda Matthew surpris.
- Je dois voir Papa immédiatement, quelqu'un a été ébloui et a une cataracte, précisa Lacey.
J'ai regardé cette dernière assez étonnée avant de comprendre qu'il s'agissait d'un merveilleux code extrêmement discret. Personne d'extérieur n'aurait pu comprendre sachant que même moi en étant au courant, j'ai eu un temps de latence.
- Hein? s'étonna Matthew. Putain ils ont merdé dans le coin.
- Ouais donc envoie les clefs, je devrais peut-être m'y rendre avec Papa, insista Lacey en s'énervant.
- Et je dois rentrer à pieds? demanda-t-il consterné.
- Tu ramènes Debrah, ordonna Lacey.
- Euh c'est pas nécessaire, dis-je rapidement, et tu peux m'appeler Deb...
- Ouais on verra... Les clefs, insista Lacey la main tendue.
- Tiens, casse couille, grommela Matthew.
- À tout à l'heure, et fais gaffe, fit-elle en embrassant son frère sur la joue.
Elle se dépêcha de monter dans le pick-up et, avec une conduite aussi nerveuse et brutale que sa personnalité, disparut dans les rues de Wolfcreek. Je regardai celle-ci s'éloigner et j'ai tourné la tête vers mon voisin désormais piéton.
- Bon je vais pousser mon scooter, ça ira de marcher? demandai-je intriguée.
- Oui t'inquiètes, et puis tu n'habites pas bien loin, me fit Matthew.
- C'est clair, avouai-je en souriant avant de me figer. D'où tu sais où j'habite ?
- Je me suis renseigné sur toi quand j'ai compris que tu fouinais un peu trop, m'avoua Matthew.
- Euh... Tu m'as surveillée ? demandai-je en panique.
- Je n'ai pas maté par tes fenêtres, si c'est ça le sens de ta question, j'ai écouté, précisa-t-il pendant que je retirai le cadenas.
- C'est pas net comme comportement, dis-je choquée.
- Et récupérer mon sang ? demanda-t-il amusé.
- Je ne t'ai pas espionné moi, imagine que je me balade nue devant mes fenêtres, y a du terrain personne ne peut me voir, normalement, me suis-je défendue.
- Je n'ai pas ce rapport à la nudité, dit-il en me tendant mon casque.
- J'ai remarqué ouais, grommelai-je.
- Moi aussi, dit-il avec mesquinerie.
- Comment tu voulais que j'ignore? T'étais nu à moins d'un mètre, me suis-je justifiée rapidement.
- Je ne juge pas moi, avoua Matthew en riant.
Je l'ai regardée un peu rouge, me rendant compte de ce que je venais d'avouer. J'avais tout vu et il ne faisait pas froid... J'ai immédiatement chassé cette image certes plaisante de ma tête pour pousser mon scooter.
- Je peux te poser une question là dessus d'ailleurs ? demandai-je.
- Sur quoi? demanda-t-il surpris.
- Sur le... Euh... Le passage en navigation privée, marmonnai-je en cherchant quelque chose de clair.
- Pas mal, on dit en riant le mode avion avec Lass, avoua-t-il amusé.
- Donc vous passez en mode avion l'un devant l'autre ? demandai-je enfin.
- Oui ça arrive, pourquoi ? me demanda t'il surpris.
- Mais t'as pas peur de... Enfin tu vois quoi, ai-je éludé.
- C'est pas parce qu'elle n'est pas ma sœur biologique que je la vois comme ça, m'avoua Matthew. Et puis après le mode avion, tes hormones se régulent donc y a peu de chances que ça arrive, déjà qu'avec ce rapport...
- Donc je me mettrais nue devant toi que ça ne te ferait rien? demandai-je sans foncièrement réfléchir.
Matthew se figea en marchant et je me suis retournée pour le regarder avant de rougir immédiatement.
- C'est différent, dit-il simplement en reprenant le chemin sans me regarder.
- Euh... Si tu le dis..., dis-je alors en haussant les épaules.
Je me suis demandée si cela ne signifiait pas qu'il serait plus gêné avec moi ou même qu'il apprécierait la vue. J'étais tellement gênée d'avoir posé la question que je n'ai plus rien dit.
- Sinon Lacey et les cheerleaders? Y a eu des mortes? demanda Matthew que je remerciais intérieurement de changer de sujet.
- Elle s'est bien débrouillée franchement et les filles sont contentes... Elle a même fait mon mouvement, marmonnai-je malgré tout.
- Je lui avais dit de ne pas le faire, cela peut être très vexant pour les gens normaux, me fit Matthew. Désolé.
- Non c'est rien, ça a fini de convaincre les filles, dis-je alors. Bon faut qu'elle mette de l'eau dans son vin un peu parce que...
- Elle a du caractère c'est sûr mais techniquement tu es pareille, me fit il.
- Je ne rembarre pas tout le monde à la seconde, dis-je vexée.
- Mais tu sais ce que tu veux, me dit-il alors.
- Désolée..., dis-je gênée.
- Non j'aime bien, fit simplement Matthew.
J'ai tourné la tête vers lui et étrangement il fut intéressé par une voiture. C'était donc un compliment. Ce n'était pas pour me déplaire. Tandis que nous avancions sur le trottoir de la rue principale, je me rendis compte que non seulement nous approchâmes du restaurant où travaillait Maman mais qu'en plus elle nettoyait les tables. Elle remarqua alors ma présence et me fit un signe de main avant d'approcher.
- Coucou mon cœur, me fit ma mère. T'es en panne?
- Non, je discute avec Matthew, dis-je alors. Oui... Matthew voici ma mère.
- Enchanté Madame, fit Matthew.
- Moi de même, fit-elle toute sourire. Vous entrez boire quelque chose ?
- Bah..., hésitai-je.
- C'est toi qui vois, me fit Matthew.
Bon, on n'était pas à ça près. Et puis vu que sa sœur et son père avaient des trucs à faire, il avait temps. J'ai garé ma Vespa mais je remarquais immédiatement le petit sourire en coin de cette dernière. D'ailleurs, elle saisit l'occasion pendant qu'il lisait le menu pour me parler.
- Tu fais des cachoteries dis-donc, me fit ma mère avec un sourire.
- Maman..., marmonnai-je.
- Plutôt mignon, fit-elle tout bas en le regardant. C'est ça alors ton genre de garçon...
- Maman s'il-te-plaît, l'ai-je suppliée
- Donc il te ramenait à la maison hein? fit-elle suspicieuse. Je vois... Tu sais qu'il y a ta grand-mère ?
- Maman, mais arrête ai-je grommelé. On est juste amis... On a rien prévu de ce que t'imagines, me suis-je un peu énervée.
- Ha bon ? T'es quand même difficile..., me fit ma mère.
- Ça suffit..., grommelai-je.
J'ai alors ouvert la porte et j'ai attendu que Matthew rentre en me remerciant. On s'est trouvé rapidement un siège et Maman vint prendre la commande.
- Qu'est-ce que je vous sers? demanda ma mère.
Matthew me regarda, me laissant donc la primeur. J'allais prendre une des spécialités du coin.
- Milkshake pomme cannelle pour moi, dis-je alors amusée.
- J'aurais deviné toute seule, avoua ma mère. Matthew ?
- Et bien pareil, mais quelques granulés de chocolat en plus, fit-il alors.
- Ça marche ! fit ma mère en s'éloignant.
- Rajoute en pour moi! lui dis-je alors.
J'ai regardé Matthew avec un sourire mesquin.
- Toi aussi la cannelle c'est de la drogue ? demandai-je intéressée.
- Oui, on adore ça, on peut s'entretuer pour de la cannelle, au sens propre, question d'odorat, me fit Matthew.
Je l'ai regardé totalement choquée de l'information et je le vis se mettre à sourire. J'ai éclaté de rire en comprenant.
- Tu m'as fait flipper, avouai-je. T'es con...
- Désolé mais c'est tentant, avoua Matthew.
Ma mère était déjà là et posa les milkshakes devant nous. J'allais sortir mon porte-monnaie mais Matthew avait déjà payé et laissé deux dollars de pourboires. Ma mère me regarda en haussant un sourcil avant de s'éloigner en sifflotant. Je l'aurais bien étranglée pour les films qu'elle se faisait.
- J'ai eu peur, me fit Matthew attirant mon attention.
- Hein? De quoi? dis-je en buvant cette boisson excellente d'ailleurs.
- Qu'elle amène deux pailles, avoua Matthew.
- Pourquoi elle..., allai-je demander avant de comprendre. Ho... T'as entendu ?
- J'aurais préféré éviter, me fit Matthew.
- Le prends pas mal, mais je lui ai jamais présenté mes mecs, je trouvais qu'ils n'étaient pas assez sérieux, avouai-je. Là elle s'est fait un film.
- D'accord, fit Matthew un peu gêné.
- J'en ai pas des dizaines hein? me suis-je empressée d'ajouter.
- C'est toi que ça regarde tu sais? me dit-il simplement.
- Mouais... Pas faux, répondis-je.
- Et pour information... C'est quoi ton style de mec ? Evan Grayson? demanda Matthew.
Il venait de me surprendre par cette question, je n'y étais nullement attendue et j'étais même suspicieuse. Était ce une façon de me critiquer ou une envie de savoir ? N'en sachant pas la réponse, j'ai répondu honnêtement.
- Evan? répétai-je quand même. Je le trouve pas mal mais il n'y a pas ce petit feeling tu vois ?
- Tu fonctionnes au feeling ? demanda Matthew en buvant.
- Oui, j'ai jamais vraiment eu de style, je préfère voir venir, dis-je alors. Mais j'aime bien les mecs plus grand que moi et longiligne, dis-je amusée en le fixant.
- D'accord, me répondit simplement Matthew.
- Et toi alors? Brune ou rousse? Blonde ou teint ? demandai-je insistante.
- Les filles qui savent ce qu'elles veulent... Et qui ont de la conversation, précisa Matthew.
- Promis, j'ouvre l'œil, dis-je en souriant.
Matthew but encore en essayant de ne pas rire. Ainsi il préférait discuter, cela changeait de pas mal d'adolescents. Moi c'était pareil, si un mec n'ouvrait pas un livre de l'année, il pouvait partir. Mais cela je l'avais déjà remarqué pendant le weekend, il aimait discuter et lire.
- Tu t'y fais ? demanda soudainement Matthew me sortant de ma réflexion.
- Hein ? dis-je surprise. Ho au mode avion? J'ai encore du mal à le croire...
- Je peux comprendre, avoua Matthew amusé.
- Je... Tu connais tes vrais parents ? demandai-je soudainement avant de voir son étonnement. Pardon, ça ne me regarde pas.
- Je connaissais ma mère, avoua-t-il tout à coup. J'ai pas vraiment eu de père... Elle est morte contre... dans un accident, se reprit il.
- Mes condoléances, dis-je avec sollicitude.
- Cela arrive souvent, précisa-t-il. Par période en fait.
- Tu parles des... zones sans réseaux ? tentai-je en le faisant bien rire.
- Ouais... Par exemple dans les années trente, il paraît qu'il n'y en avait presque pas alors que dans les années soixante oui. Ça dépend réellement, m'expliqua Matthew.
- Ok..., dis-je un peu mal à l'aise.
- Mais j'étais très jeune donc mes parents sont Garrett et Eva, ça fait bizarre de les appeler par leurs prénoms, réalisa Matthew.
- Je me doute... Tu n'aurais pas préféré être dans une... Euh..., hésitai-je.
- Non, répondit-il comprenant la question. Peut-être parce que je suis habitué à cette situation mais franchement, se plier aux règles d'un seul entre nous, c'est pas mon truc.
- Il est élu ? demandai-je pour information.
- Non, enfin c'est un duel donc, m'expliqua Matthew. Ensuite tu obéis jusqu'à ce qu'il y ait quelqu'un de motivé... Nous on vote tous.
- Sauf Tammy donc, avouai-je en riant.
- Qui aurait confiance dans le vote d'une fillette ? me demanda Matthew en riant.
- Si c'était pareil pour les repas ce serait nuggets trois fois par jour, dis-je en riant.
- Trois ? Même au goûter, répondit-il en riant.
Cela lui allait bien de sourire, de perdre son côté sérieux. Depuis la révélation, il était bien plus facile d'accès que sa sœur et j'appréciais de découvrir cette facette de lui. Il fallait reconnaître que les petites lueurs d'amusement dans ses yeux gris donnait une belle image.
- J'avoue... C'était très drôle, dis-je alors. Ta mère est incroyable avec vous trois.
- C'est sûr, elle a du courage, précisa Matthew.
- Ils n'ont jamais voulu d'enfants ? demandai-je un peu trop curieuse.
- Mon père est stérile, avoua simplement Matthew. Maman se contente de ses enfants un peu bizarres.
- Mais vous l'aimez comme une mère et elle vous aime clairement comme ses enfants, c'est tout aussi beau, ai-je précisé en souriant au terme bizarre.
- Évidemment, avoua Matthew. Elle a toujours été là et franchement, je pense que personne ne pourrait supporter pour Tammy.
- Comment ça ? demandai-je étonnée en raclant mon verre pour ne rien laisser.
- Dès qu'elle est en crise, comme n'importe quel enfant je veux dire, elle peut... Tu vois? me demanda Matthew.
- Donc elle peut être dissipée même après un caprice ? demandai-je choquée.
- Oui, c'est déjà arrivé, c'est pour ça que normalement c'est interdit, me confirma Matthew.
- C'est vrai que quand je suis arrivée, elle s'est jetée sur moi... Elle aurait tout éventé si je n'étais pas au courant, ai-je quand même réalisé.
- Compliqué hein? Tu imagines bien que c'est toujours le stress pour sortir, on a peur de l'emmener, m'expliqua Matthew.
- Parce que cela pourrait arriver ? Vous ne pouvez pas l'empêcher ? demandai-je en me grattant la joue.
- Peux tu t'empêcher de te gratter la joue inconsciemment ? me demanda Matthew amusé.
Je me suis figée en gardant mon doigt près de ma joue avant de sourire. J'ai reposé ma main sur la table en le regardant.
- Tu vois? C'est aussi normal pour nous que de respirer, me fit Matthew.
- Mais... Ça ne fait pas mal? Parce que dans les films..., ai-je hésité avant de le voir sourire en coin.
- Pas du tout, ce n'est douloureux que la première fois en fait et encore, c'est plus comme des crampes parce que le corps mémorise cette capacité, avoua Matthew.
- Ho d'accord, j'imaginais une douleur effroyable, les os qui se tordent tout ça, ai-je avoué.
- J'avais compris, dit-il alors. Tu veux quelque chose d'autre ?
- Ho... Non merci, mais je peux payer mon milkshake tu sais? ai-je quand même proposé.
- Même si c'est vieux jeu, ma mère a toujours dit que c'était le mec qui invitait, précisa Matthew.
- Je lui dirai que tu respectes cela, avouai-je en souriant.
Nous nous sommes alors levé pour repartir, non sans que je ne remarque l'air mesquin de ma mère. J'ai juste soupiré avant de la saluer et de sortir pour attraper mon scooter.
- Tu sais que tu n'es pas obligé de m'escorter? ai-je dit pour qu'il puisse vaquer à d'autres occupations.
- Cela ne me gène pas, m'a-t-il répondu.
Alors nous avons continué à marcher dans la direction de la maison de mes grands-parents. Je l'ai un peu harcelé pour apprendre des choses sur sa famille. Je ne posais en fait aucune question sur ses capacités mais plutôt sur sa famille. Bizarrement, c'était avec ses grands-parents maternels qu'il avait des contacts, ceux-ci habitants au Canada. Par le fait d'être un Omega, son père avait plus ou moins coupé les ponts. C'était intéressant à savoir mais je ne pouvais m'empêcher de me demander comment ils faisaient pour Tammy. Mes doutes devaient être visibles car Matthew m'avait expliqué que Tammy quittait peu sa mère par sécurité mais ils ne les avaient pas vus depuis plus de six mois non plus.
- Et toi ? Tu..., hésita Matthew en tournant dans ma rue.
- Oui? demandai-je.
- Tu as encore ton père ? demanda-t-il.
- Oui, mais c'est un enfoiré, dis-je en tombant sur son regard surpris. Il a trompé ma mère avec une gamine à peine plus âgée que moi, majeure quand même mais bon...
- Je vois... Navré, dit-il sincèrement.
- Bah c'est la vie, marmonnai-je. En plus il ne prend pas beaucoup de nouvelles ce sale con, trop occupé avec les coloriages de sa pouf...
Il comprit assez rapidement que ce sujet était extrêmement sensible dans mon cas et rapidement il changea de sujet. Ce n'était pas plus mal à mes yeux. Certes parler de cours pouvait donner l'impression que l'on avait pas grand chose à dire mais il noyait le poisson.
- Vas-y, c'est dans la grange que je range ce truc, dis-je après avoir ouvert la barrière.
C'était Matthew qui poussait la vespa depuis la dernière rue, pour me soulager avait-il dit. Je le suivis jusque la grange et il y plaça la vespa avec douceur. Bêtement, j'ai regardé vers ma fenêtre en me posant encore la question.
- Je n'ai pas eu besoin de t'observer, précisa Matthew.
- Je sais... Mais c'était un peu gênant, avouai-je gênée d'ailleurs. Tu aurais pu entendre des choses gênantes.
- Tu sais que quand je comprenais que tu étais toute seule, je te laissais l'intimité, j'écoutais principalement ce qu'il se passait dehors, m'expliqua Matthew. Au cas où une ombre rode.
- Tant mieux, parce que parfois quand je discute, je suis sans filtre et ça pourrait être gênant...
En fait un autre détail était beaucoup plus gênant à imaginer. Cela m'arrivait peu mais il m'arrivait quand même de me faire du bien toute seule et il faut reconnaître qu'avec son ouïe, il aurait pû entendre des bruits équivoques. Maintenant je n'oserai plus du tout, je penserais toujours au fait qu'il puisse m'entendre. J'espérais que ma gêne ne se voyait pas trop.
- Tu... Euh tu veux entrer? demandai-je. Dans la cuisine..., ai-je précisé quand même.
- Non, fit-il avec un sourire. Je vais rentrer, par la forêt, fit-il d'un mouvement de tête.
- Tu vas passer en mode avion? demandai-je amusée.
- Oui, j'y croiserai personne et je serai vite chez moi, m'expliqua Matthew.
- Tu sais que cela s'apparente à de l'exhibition ? Je suppose que tu te déshabilles avant? proposai-je.
- Effectivement, c'est plus simple pour prendre les fringues dans ma gueule, me précisa Matthew.
- Euh... Même si je sais, ça fait tellement illogique, dis-je en riant.
- Pouvoir dire la vérité est pas mal, fit-il avec un sourire en coin.
Je souris de cet aveu, cela ne m'étonnait guère que cela soit effectivement beaucoup plus simple comme cela pour lui.
- Si tu veux me surveiller de près, je peux passer chez toi ce weekend, dis-je alors.
- Pardon? s'étonna Matthew me faisant me rendre compte de mes propos.
- Pour jouer avec Tammy, me suis-je empressée de préciser. Je ne te proposais pas que l'on se voit seul à seule... Pas un rencard quoi, marmonnai-je.
- Je préfère éviter, me fit simplement Matthew.
Je l'ai regardé légèrement vexée, peut-être étais-je un peu trop insistante par rapport à Tammy. Je ne voulais pas me montrer insistante alors je me suis empressée de le rassurer.
- Je ne vais vous envahir non plus, rassure-toi, dis-je alors. Je comprends que...
Je m'étais figée quand je le vit se pencher vers moi et plus particulièrement de mon oreille. Sa voix me parvint dans un murmure plutôt lourd.
- C'est la pleine lune ce week-end, on sera légèrement plus nerveux, avoua Matthew. Je préfère que tu ne nous voies pas comme cela.
- Ho d'accord, dis-je tandis qu'il reculait. Euh... Tu peux te servir de ton téléphone dans cette situation ?
- Euh... Oui, pourquoi ? demanda Matthew surpris.
- Donne moi des nouvelles, savoir si tout va bien, avouai-je.
- Ok, je tiens au courant... Bon, bonne soirée, fit-il alors.
- Rentre bien et embrasse tout le monde pour moi, dis-je en réponse.
Je le vis s'éloigner tout doucement et il se retourna. Je me suis alors empressée de le saluer de la main. Je ne pouvais m'empêcher de le regarder partir, observant cet être si étrange s'éloigner. Leur vie n'était pas simple c'était une évidence mais désormais ils pouvaient en parler à quelqu'un d'extérieur. J'étais plutôt dubitative et je me suis retrouvée à espérer le voir se retourner mais en vain. J'étais un peu choquée d'avoir voulu le voir se retourner. Cela devait de la faute de ma mère et de ses idées à la con... Celle-là, je la retiens, elle m'a foutu la honte. En plus, cela pourrait lui donner des idées à lui et ça ce n'était pas bon. Je n'imaginais pas que ce dernier y croit mais on ne savait jamais.